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    Plan détaillé Texte intégral Le néo-malthusianisme et ses apôtres L’état du monde dans cinq mille ans Suite et fin du renouveau néo-malthusien Notes de bas de page

    La Littérature de l’anarchisme

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    22. Fernand Kolney et l’utopie nihiliste

    p. 299-312

    Texte intégral Le néo-malthusianisme et ses apôtres L’état du monde dans cinq mille ans Suite et fin du renouveau néo-malthusien Notes de bas de page

    Texte intégral

    1Mauricius, dans un article de La Revue anarchiste en 1922, évoque « un livre aujourd’hui fort rare, intitulé : L’Amour dans cinq mille ans, par Fernand Kolney. Ce livre est d’ailleurs, à part quelques passages superfétatoires, une manière de chef-d’œuvre, mais il est encore plus triste que les autres ».

    2Dans cette brève remarque, le critique parvient à mettre le doigt sur deux vérités. Ce livre très bizarre qu’est L’Amour dans cinq mille ans peut bien se considérer une manière de chef-d’œuvre. Aurèle Patorni, dans un article paru toujours dans La Revue anarchiste lors de la mort soudaine de son auteur, le décrit comme la « projection radieuse de ce révolté magnifique » et explique le bouleversement qu’il a ressenti à sa lecture, se plaignant que « les pédagogues chargés de m’abrutir selon les règles de l’Université n’avaient point jugé bon de m’aviser de cet événement littéraire ». Le roman de Kolney est aussi, indubitablement, un livre triste, qui se termine avec la mort et la disparition définitive des derniers représentants de l’espèce humaine – ce qui, on l’avouera, pourrait paraître quelque peu inhabituel de la part d’un auteur libertaire déclaré et en tant que tel, selon l’image consacrée, confiant en principe dans le Grand Soir qui amènera des lendemains radieux.

    3Dans un article consacré au genre anti-utopique – le seul, à notre connaissance, où il est fait mention, même brièvement, de ce roman de nos jours encore plus rare que de ceux de Mauricius1 –, Marc Angenot le situe dans le filon d’ouvrages d’auteurs tels Souvestre, Giraudeau, Robida et Jullien, le considérant ainsi parmi les représentants d’un « anarchisme conservateur », luttant contre l’industrialisation en même temps que contre le socialisme. Les membres de cette mouvance seraient « en faveur du statu quo basé sur une conception statique de valeurs humaines dites immuables2 ». L’affirmation assez catégorique mérite qu’on lui accorde une forme de vérification.

    4Le parcours de Fernand Kolney (1868-1930) n’est pas inhabituel parmi les intellectuels proches de l’aire libertaire. Loin de se limiter exclusivement à la création littéraire, Kolney est en même temps, si ce n’est avant tout, un militant. Il représente en particulier un des noms les plus connus du mouvement néo-malthusien, publiant en 1908 un pamphlet qui fera date, La Grève des ventres, suivi l’année d’après par un autre sur le même sujet, Le Crime d’engendrer3, où il réitère l’essentiel de ses théories sur le besoin de contrôler le développement de la population. Il collabore à La Revue anarchiste, ainsi qu’à Génération consciente, un des organes du mouvement néo-malthusien. Il publie en outre une rubrique régulière dans Les Hommes du jour, intitulée « Le carnet du guérillero », et signe plusieurs romans. Parmi ceux-ci, un soi-disant « roman à clé », Le Salon de Mme Truphot ou le Moderne Satyricon : mœurs littéraires (1927), lui cause des problèmes avec Octave Mirbeau et Jehan Rictus, qui y sont mis en cause. D’autres ouvrages (Les Plus Belles Nuits d’amour de Casanova, passages choisis…) semblent plus dictés par des considérations d’ordre alimentaire et sont publiés par une maison d’édition, Quignon, qui paraît passablement portée sur la galipette, offrant à côté des ouvrages du romancier des titres tels que Les Défaitistes de l’amour ou L’École de la luxure4. Quoi qu’il en soit, Kolney accumule en l’espace de quelques années une œuvre littéraire d’envergure qui attire souvent l’attention de la critique et ne passe pas inaperçue parmi les tenants de la littérature sans étiquette.

    Le néo-malthusianisme et ses apôtres

    5Nous avons vu comment la question sexuelle a toujours revêtu une grande importance dans la réflexion anarchiste sur la société. Les débats ne se limitent toutefois pas aux préférences plus ou moins personnelles pour la monogamie, la polyandrie, la polygamie, l’union libre ou l’amour libre. C’est aussi le fruit de ces unions qui fait l’objet des inquiétudes des penseurs anarchistes, toujours prêts à dénoncer les mauvais traitements subis par les « mômes » sur le lieu de travail, ou aux mains de parents féroces, ignorants ou alcooliques, mais aussi prêts à se poser la question de l’utilité de laisser une procréation incontrôlée empirer ultérieurement la qualité de vie déjà précaire des classes travailleuses.

    6Le malthusianisme, théorie sur la croissance de la population élaborée par le philosophe anglais Thomas Malthus (1798), a longtemps fait l’objet des critiques sévères des socialistes. Ceux-ci voyaient dans sa vision l’équivalent d’« un arrêt d’extermination des pauvres quand l’offre des bras excède la demande5 », une espèce de tentative de la part des classes dominantes de se servir de bases scientifiques pour justifier et éterniser leur domination et leur exploitation du prolétariat. Parmi les anarchistes et leurs sympathisants se développe un mouvement qui reprend et adapte les théories de Malthus pour en faire un instrument de lutte contre l’oppression6. Le 31 août 1896, Paul Robin fonde la Ligue de la régénération humaine, dont l’organe sera le journal Régénération, publié jusqu’en 1908. Dès son numéro programme de décembre 1896, le but à atteindre est clairement expliqué en majuscules. Il s’agit de : « forcer l’humanité à faire le premier pas et le plus sérieux dans la voie de son émancipation, à faire conquérir à la femme la liberté de la maternité ».

    7Liberté pour la femme signifie aussi liberté pour le peuple dans son ensemble. Les conséquences pratiques de l’adoption par tout un chacun des théories néo-malthusiennes sont expliquées de la manière la plus concise et directe par l’écrivain Laurent Tailhade dans une lettre à Paul Robin du 22 août 1902, publiée dans le no 16 (septembre 1902) de Régénération :

    La procréation involontaire et qui ne prend pour limites ni les forces de la mère ni les facultés économiques du géniteur est un acte régressif vers l’animalité primitive ; en outre, si le prolétariat est malheureux, c’est à peu près uniquement parce qu’il est prolétariat, c’est-à-dire la grande fabrique d’espèce humaine où les privilégiés s’approvisionnent de chair à travail et chair à plaisir.

    8Sans oublier évidemment la chair à canon… Le refus de la maternité, la décroissance humaine sont ainsi adoptés comme des techniques particulièrement efficaces pour ôter aux classes possédantes les outils vivants avec lesquels ils font perdurer leur domination. À travers une seule action – le déni des naissances – on obtient par conséquent toute une séquelle de conséquences positives tant pour les individus que pour la société. L’indépendance nouvelle acquise par les femmes en fera les égales des hommes et leur prêtera une dignité accrue. Les guerres diminueront jusqu’à disparaître par l’absence des multitudes que les militaristes peuvent manipuler à souhait. Les ressources de la nature seront mieux distribuées dans une société nécessairement plus égalitaire, car la compétition pour les obtenir ne s’avérera plus nécessaire, et la pauvreté ne sera plus qu’un souvenir. Et pour terminer :

    Le néo-malthusianisme renferme aussi […] le moyen de réduire la prostitution, dont la source principale se trouve dans la pauvreté et dans la nécessité des plaisirs sexuels. Ces derniers étant possibles par la liberté de la maternité, et la pauvreté étant vaincue puisque les naissances n’ont lieu que dans l’aisance, la prostitution diminue et même, peut-être, disparaît7.

    9Comme tous les mouvements proches de l’anarchisme8 ou qui, sans s’y confondre totalement, partagent avec lui bon nombre de buts et d’aspirations ultimes, le néo-malthusianisme montre une attention toute particulière à la littérature. Dans sa feuille, Paul Robin parle souvent de questions de lettres, que ce soit pour analyser des œuvres particulières (comme une discussion de la nouvelle de Maupassant « L’inutile beauté » parue dans le no 33 de février 1904, louée car « elle présente […] un côté fort important des théories qui nous sont chères, et prêche par l’exemple, une fière révolte aux femmes opprimées par la maternité »), ou pour s’exprimer de manière plus générale sur les contributions importantes de ces « généreux penseurs, guidés par les plus nobles sentiments, [qui] ont, dans leurs œuvres littéraires, ouvert la voie, donné les premiers coups de sape » (n ° 1, décembre 1896).

    10Robin, qui voit tout de même l’avenir de la société dans les mains des hommes de science et des philosophes positifs plutôt que dans celles des romanciers, n’hésite pas à offrir quelques jugements bien tranchés sur la production littéraire contemporaine, montrant qu’il ne recule pas devant les généralisations totalisatrices :

    Presque tout roman, toute nouvelle, peut se réduire à cette seule question : M. A. et Mme ou Mlle B ont-ils commis, commettront-ils l’œuvre de chair ? (Excusez cette bête expression à laquelle je préférerais le mot technique de 4 lettres, mais que j’emploie comme légalement inattaquable, puisque l’on ose le faire répéter à tous les petits enfants, chaque jour deux fois dans leurs prières.)

    Les ornements littéraires qu’on accumule autour de cette donnée, n’empêchent pas sa monotonie et sa nocivité. Les jeunes qui lisent cette véritable pornographie sont excités beaucoup avant l’âge normal, et leurs désirs prématurés aboutissent soit à des actes, enfantement ou avortement, qui peuvent faire pour les pauvres fillettes une vie d’horribles tortures, soit à des vices qui, chez les deux sexes, détruisent la santé, soit à une obsession qui n’est guère moins préjudiciable à la vie normale9.

    11Ce résumé saisissant du contenu (et des hantises) de toute littérature a le mérite de servir très utilement d’introduction à une discussion du roman de Kolney, qui, depuis son titre, indique bien ce qui le préoccupe, et qui finit effectivement par montrer quelles peuvent être les conséquences pour la société – en fait, pour l’humanité entière ! – d’une obsession qui ne peut en effet être qualifiée que de « préjudiciable ».

    L’état du monde dans cinq mille ans

    12Livre d’anticipation sociale plutôt qu’uniquement scientifique, L’Amour dans cinq mille ans voit dans des événements prévus pour un avenir à la portée de la main de ses lecteurs les bases du monde tel qu’il se présentera dans le futur lointain. Grâce à l’ouvrage d’un historien de l’Antiquité, retrouvé dans les ruines de Paris, les personnages du roman découvrent un épisode capital dans l’évolution de l’humanité : le triomphe du communisme en Europe autour de 1960. De cela découle ce qui apparaît d’abord aux populations occidentales comme un véritable âge d’or, où « les membres de la Grande Famille humaine échangeaient maintenant les produits de la terre et de l’industrie, vivaient, réconciliés, dans une étreinte fraternelle qui gonflait tous les cœurs d’une effervescence magnanime de justice et de pitié (p. 16410).

    13Un système fédératif se met en place, mais bientôt de nouveaux maîtres surgissent : les politiciens, sous la forme d’un « Conseil suprême » (p. 163) dont le pouvoir économique est sans bornes et dont les membres « reproduisirent bientôt toutes les tares des Parloirs légiférants qui les avaient précédés, au temps de la domination capitaliste » (p. 165). L’injustice et l’arbitraire réapparaissent, encore plus difficiles à combattre que les nouvelles autorités qui, « à l’exemple des ploutocrates d’antan, […] avaient acheté tous les journaux, et les armes – à part celles de la milice prétorienne des parlements – avaient été à jamais détruites » (p. 166).

    14Pour justifier les changements advenus dans la société, et la situation dans laquelle se trouve le monde de l’avenir qu’il imagine, l’auteur propose un commentaire qui combine librement l’interprétation sociologique à des réflexions sur la nature des divers peuples qui pourraient faire penser à Montesquieu quand elles ne font pas penser à Drumont. Le socialisme et l’internationalisme qui règnent dans l’Europe d’après 1960 sont en effet dénoncés comme une modification du « système de Karl Marx », cette « théorie juive par excellence » (ibid.). Kolney rejoint une analyse souvent proposée par les anarchistes, et devenue quasiment un lieu commun depuis la chute du mur de Berlin, qui veut que communisme et christianisme (ce dernier vu comme une simple évolution de la religion juive) soient deux aspects, beaucoup plus proches qu’ils n’en ont l’air, d’une vision religieuse et téléologique de la vie humaine toute tendue vers une abstraction future pour laquelle l’humanité doit se sacrifier : le Paradis ou la Dictature du prolétariat. Karl Marx n’est ainsi que le dernier des prophètes venus de ce « Sémitisme, qui avait si complètement asservi la mentalité occidentale » (ibid.) et qui, n’ayant pas réussi d’abord à transformer l’homme avec sa théogonie, tente maintenant le coup avec sa sociologie11.

    15La tentative ne réussit pas pour deux motifs : à cause du caractère « indolent » des « races méridionales » (opposé à « la continuité de [l’] effort des Saxons et à la qualité et la quantité de leur production » [p. 167-16812]), et principalement peut-être à cause de l’influence démoralisante de la littérature, véhicule d’illusions qui, pour être ornées des lauriers de la tradition, n’en sont pas moins en dernier lieu mortifères pour la survie de l’humanité. On reconnaît ici sous la plume de Kolney, exprimées de manière à peine différente, les opinions diffusées par Paul Robin dans l’organe de son mouvement quelque vingt ans plus tôt, et citées ci-dessus :

    La route d’aberrations s’offrait, d’ailleurs, déblayée et aplanie par la littérature qui, par tous ses chefs-d’œuvre, avait abusé les hommes. À travers 4 000 ans, l’Art d’écrire n’avait vécu que de rengaines immuables, de madrigaux au Soleil, à la Lune, aux étoiles, aux petits oiseaux, cela, sous prétexte de chanter la Nature, et sans jamais pouvoir se rendre compte que la Nature n’était point l’ambiance ou le site, la frise de nuages ou le portant de verdures qui servaient de décors à la scène où se déroulaient les phénomènes successifs de l’existence, mais bien les forces cachées, occupées inconsciemment à perpétrer un continuel renouveau de naissances, de douleurs et d’agonies (p. 167).

    16La situation évolue « dans les premiers mois de l’année 2160 » alors que « les Américains, mélange de piétistes et d’usuriers » (p. 174) restés en marge de la grande Fédération, décident de réagir à l’écroulement prochain de leur système économique miné par le socialisme européen en inondant d’armes et de conseillers les classes travailleuses opprimées d’Europe. De là vient une sanglante « guerre civile européenne » (p. 175) d’une durée de cinq ans, au bout de laquelle le monde déjà partiellement dépeuplé par la poudre et par l’acier découvre – ou plutôt redécouvre – la théorie qui va le sauver.

    17Au constat que tous les maux venaient de la surpopulation, « une théorie sereine et une figure d’apôtre surgirent dans un rayonnement d’aube qui les exhuma lentement de l’arrière-plan du passé » (p. 176). Cette théorie et cette figure on les connaît. Il s’agit du néo-malthusianisme, et de son « prophète qui surgissait ainsi du cœur de la ténèbre » (p. 177) : Paul Robin.

    18Kolney dédie au grand propagandiste du néo-malthusianisme quelques paragraphes d’éloges hyperboliques, célébrant sa « figure d’ascète et barbe de Nabi » et informant le lecteur que « Paul Robin avait été un des sages de la Thébaïde d’athéisme et de clairvoyance, un penseur qui, avant tout autre, rêva de mettre les sociétés humaines en harmonie avec le plan du Monde » (p. 176-177). Il lui donne comme seuls dignes ancêtres Pascal et Darwin, et justifie sa redécouverte, après quelque deux cent soixante ans, par l’urgence du sentiment de « “vouloir vivre” et [de] l’illusion qui en découle, c’est-à-dire la croyance en la fatalité du progrès » (p. 176) ressentie par l’humanité.

    19On nous pardonnera ici une brève digression. La sanctification de Robin par Kolney peut paraître pour le moins surprenante. Kolney fut en effet le premier rédacteur du Malthusien, un des divers avatars du premier journal de Robin, obligé, comme pratiquement toutes les feuilles libertaires, de changer souvent de titre, à une époque où celui-ci s’était pratiquement retiré de l’activité de propagande. Dans cette feuille, il attaqua très violemment et à plusieurs reprises Robin. En novembre 1910 parut notamment un article où il accusait ouvertement Robin de n’être en fait qu’un obsédé sexuel : « Robin, […] et c’est l’avis de ceux qui l’ont intimement connu, n’est devenu un militant malthusien qu’en vue de plier la femme à la satisfaction de passions séniles ou spéciales grâce à l’autorité que la doctrine pouvait conférer à son protagoniste13. » Suivent à cela des accusations de pédophilie. Robin répondra à ces allégations dans les pages du Libertaire. On ne peut imaginer, en l’absence de renseignements sûrs, ce qui a porté Kolney à opérer un virage à cent quatre-vingt degrés au sujet du caractère et de la figure de Paul Robin.

    20Dans le roman, l’adoption définitive des théories de Paul Robin, « venu pour faire entendre la voix de la compréhension supérieure » (p. 179), cause enfin la naissance de la « Société Libertaire » (p. 183), à l’intérieur de laquelle l’or est détruit, la procréation est rigoureusement limitée pour garantir le maximum de bien-être à tout un chacun, et les enfants sont élevés par la communauté entière au sein de phalanstères pour éviter la transmission des préjugés de race et de lignée des parents. L’humanité entre ainsi dans un âge d’or qui ressemble d’assez près à la vie idéalisée de la Grèce antique.

    21Si l’évolution de la société décrite par Kolney devait s’arrêter ici, il serait en effet pleinement légitime de considérer son roman comme un appel au retour à des valeurs pré-industrielles, où l’homme n’est pas otage de la civilisation et où la vie agreste garantit un bonheur paisible à une communauté restreinte, vivant à l’aise au milieu de l’abondance de biens fournis par la nature. Cela permettrait de recadrer facilement la vision de l’auteur dans le contexte d’un anarchisme souvent expliqué comme la réaction – finalement conservatrice – d’un peuple encore rural, vivant dans une économie dominée par l’artisanat, contre la modernité scientifique qui menace ses habitudes ancestrales.

    22Une des originalités de l’œuvre de Kolney, toutefois, est que l’histoire est très loin de trouver sa fin dans ce prétendu âge d’or, qui constitue en effet le point culminant du développement de l’espèce humaine, mais qui ne peut durer, en dépit de tous les efforts des « sages qui veillaient en pères au chevet de l’Âge libertaire, ce dernier expédient de l’humaine espérance » (ibid.) – esprit de Paul Robin y compris. La société idéale se révèle défaillante après environ deux siècles, et une sorte de guerre civile se déclare qui mènera la planète au bord de la destruction totale. Mais comment de tels désordres sont-ils concevables alors que, pour une fois dans l’histoire de l’humanité, tout devrait être véritablement « pour le mieux dans le meilleur des mondes » ? C’est, nous dit le romancier, pour une raison des plus banales : « l’Ennui pesait de tout son poids sur la Société Libertaire, stérilisait ses veines » (ibid.). Face à un excès de bien-être, tous les problèmes de la survie étant maintenant résolus, les hommes ne savent pas comment passer le temps et il se produit « de nombreuses épidémies de suicides » (p. 186). D’où une remontée graduelle des « vices inhérents à la promiscuité » (p. 185), seul divertissement présentant encore quelque intérêt pour des « hommes à qui l’égalité pesait » (p. 186). L’irruption violente d’une sexualité jusqu’alors réglementée, du moins ayant trait au problème de la reproduction, a l’effet d’une étincelle dans une poudrière. En quête d’aventures et de nouveautés, autant que de femmes, les divers peuples de la Fédération se lancent dans des conflits qui, « avant peu, ramenèrent le chaos » (p. 188).

    23Et « ce fut la guerre du Sexuel » (p. 189). Le défaut principal des théories de Paul Robin et de la société nouvelle qui se base sur elles, selon Kolney, est donc que « l’ordre libertaire étant issu du Néo-Malthusianisme, on n’avait envisagé que la résultante de l’acte génésique, c’est-à-dire la procréation au point de vue social. Il n’avait été tenu aucun compte de l’émotion sexuelle » (p. 188). Il s’agit là, on en conviendra aisément, d’une critique qui n’en est pas véritablement une. Ce qui est mis en question n’est pas la justesse d’une approche que le roman même présente comme le sommet indépassable de l’évolution humaine. C’est la nature même de l’homme qui est déficiente et l’empêche, malgré sa compréhension purement intellectuelle de ce qu’il conviendrait, logiquement, de faire pour vivre heureux, de suivre ses propres conseils. C’est que :

    Hélas, l’homme traîne derrière lui un tel amas de défaillances, de turpitudes, de vilenies, que la plus patiente chirurgie morale n’en pourra jamais curer son âme. […] Trop pesant est le faix d’inconscience et de sauvagerie, même aux épaules du Juste, qui sent à chaque minute sa volonté défaillir sous la chape de malfaisance que son « moi inconscient », son ennemi intérieur et vigilant, perpétré par l’atavisme, pose implacablement sur son cerveau douloureux (p. 182-183).

    24L’homme est donc le pire ennemi de l’homme. Victime d’une « déchéance primordiale » (p. 183) qui représente une sorte de version laïque du péché originel, que nul baptême ne peut éliminer, il est incapable d’échapper à un destin qui le mène inévitablement vers l’autodestruction – un destin implanté au fin fond de son être même. Éternellement dupé par son désir constant d’améliorer ses conditions physiques d’existence, victime de sa croyance dans la réalité et dans l’importance du progrès matériel, l’homme se laisse berner par ses propres illusions. En réalité, « ses intérêts et ceux de la Nature sont irréductiblement antagonistes » (p. 180). La tragédie est qu’il n’existe pas de moyen pour arracher la nature du cœur de l’homme – qui en est à la fois un produit et une partie intégrale. Même les théories les plus nobles pour l’amélioration de la société vont par conséquent s’avérer vaines, et le « supplice [de l’humanité] ne s’achèverait qu’avec la fin des Temps » (p. 183).

    Suite et fin du renouveau néo-malthusien

    25Ce que nous venons de résumer et de commenter ci-dessus forme une longue digression qui vient interrompre le roman en son milieu, expliquant tout aussi bien au lecteur qu’aux personnages (qui, depuis des générations, en avaient perdu le souvenir) quelles sont les raisons du fait que le monde vers l’an 6900 est tel qu’il est.

    26C’est la description de ce monde qui représente d’un point de vue littéraire le tour de maître de Kolney. L’auteur parvient à rendre sensible et palpable un milieu post-apocalyptique, une planète parcourue de vagues folles d’énergie (qui ne sont pas sans évoquer celles de La Force mystérieuse de Rosny aîné) et pratiquement balayée de l’humanité. Les peu nombreux rescapés, au nombre de quelques milliers, vivent dans une utopie scientifique où la reproduction est soumise aux lois de la facticité la plus rigoureuse et les artistes, les philosophes, les savants, sont produits par sélection artificielle alors que les Parachevés, masse heureuse et médiocre, jouissent de la vie sans souci aucun. Le sexe a disparu, non seulement interdit mais effacé, oublié. Tout est artificiel, y compris la superbe nature sauvée de la catastrophe, racontée en un style ahurissant d’évocation, surchargé d’oripeaux descriptifs. S’il fallait trouver une comparaison pour définir ce langage, on pourrait sans doute le rapprocher du verbe délibérément fastueux et ultra-raffiné des décadents. Parlant de la société restreinte des derniers représentants de l’espèce humaine, le romancier indique d’ailleurs que « Baudelaire s’y serait délecté comme en une création suprême de l’art, une mise au point du monde entaché de trop de vulgarité, une victoire définitive de l’esprit sur la matière asservie au goût désormais raffiné des derniers mortels » (p. 53)14.

    27La ville des « Neutres », scientifiquement dévirilisés et rendus asexués par un petit nombre de gardiens de la société, est conçue sous la forme d’un gigantesque Panopticon, comme celui imaginé par Bentham, où le Grand Physiologiste, en un dernier hommage à l’égalité libertaire, est exposé aux regards des autres pendant qu’il balaie du sien les recoins les plus cachés :

    Là comme partout, comme dans la Ville-Joyau et dans la demeure des Sages, des murs de verre épais et translucides. Sagax était placé sous le regard de tous, comme tous étaient placés sous son contrôle. Au milieu de la pièce, dressée sur une colonnette de granit, se trouvait, en effet, une merveille d’optique et de mécanique. […] Une lentille centupliante portait les êtres et les choses à la grandeur normale, faisait embrasser, dans ses moindres détails, la vie de l’immense ruche […]. (p. 82-83)

    28Nus, recouverts d’une longue toison naturelle, animalisés, les Neutres mènent une vie sans histoire. Pendant ce temps, les savants qui contrôlent les rythmes de la reproduction en bocal des êtres choisissent, selon les besoins, les qualités des futurs hommes, ayant « réalisé ce miracle de faire naître les hommes égaux intellectuellement et physiologiquement » (p. 279), en une sorte de paradis de l’eugénisme. L’équilibre apparemment parfait de cette société d’où toute spontanéité est rigoureusement bannie, et la perfection obtenue au prix de la destruction de la nature et de l’ablation des sentiments et des sensations, se révélera infiniment fragile. Il suffit qu’apparaisse un jour une femme, Formosa, imparfaitement opérée et sensible encore à l’appel des sens, pour que rapidement la communauté humaine retombe dans la folie du sexe. Les masses endormies par la vigilante sagesse des gardiens de la société se réveillent en un dernier spasme, et, frustrées de ne plus avoir les moyens physiques de satisfaire les désirs qu’elles sentent renaître en elles, détruisent rageusement les machines qui protègent leur ville du froid mortel qui a transformé le reste du monde, sous un soleil devenu anémique, en lande inhabitable. La dernière phrase du roman clôt la narration sans laisser de place à l’ambiguïté : « Ainsi s’éteignit le Monde, produit incestueux de l’Inconscience et du Hasard. » (p. 320) La seule étape successive possible au néo-malthusianisme voudrait donc qu’après la fonction sociale de la reproduction on finisse par vouloir en réglementer l’aspect physique, et jusqu’au désir même de l’acte sexuel. Les sages de la nouvelle société, effarés par les conséquences de la guerre qui a failli éliminer toute vie humaine de la terre, résolvent drastiquement le problème en créant une société d’eunuques hommes et femmes, inconscients de l’être. La conséquence, on le découvrira, est que cette tentative ultime de sauvegarder la vie en la protégeant de la vie finit par lui ôter toute raison d’être. Ainsi un personnage qui vient de redécouvrir la puissance de l’amour sur les affaires humaines peut-il s’adresser en ces termes au « Grand Procréateur » :

    Tu as vaincu la Nature, soit ; tu as arraché de son ventre cette matrice de malfaisance dont les anciens mortels léchaient avec concupiscence les sécrétions empoisonnées, et tu n’as fait que jeter sur la vie un velum de laideur, un noir caparaçon de médiocrité triomphante. […] Tu as découronné le monde de ce diadème sept fois trempé dans le sang et les larmes qu’on appelait la Beauté (p. 145).

    29Les théories de Paul Robin, que Kolney s’efforçait de répandre par sa propagande et, comme ici, jusque dans ses romans – ces théories qui feront cadeau à l’humanité des seuls deux siècles de bonheur paisible qu’elle ait connus dans toute son existence –, sont donc insuffisantes, mais elles ne peuvent être améliorées. Un obstacle insurmontable demeure que nul effort ne permettra de surmonter : le travail absurde de « cette exécrable mécanique à produire le désordre, la servitude et l’iniquité qu’est le Cosmos » (p. 205).

    30Le roman de Kolney combine dans sa fable de science-fiction des préoccupations très immédiates (celles auxquelles le néo-malthusianisme auquel il souscrivait tente de trouver un remède) et des réflexions plus profondes qui, paradoxalement, contredisent tout espoir de parvenir jamais à une situation optimale. Cette contradiction est plus fréquente qu’il n’y paraît chez nombre de penseurs et d’écrivains anarchistes, qui pouvaient combiner par pragmatisme des attitudes opposées envers un même sujet (comme, par exemple, être en même temps pacifiste et favorable à la violence dans certains cas spécifiques). Kolney est un exemple particulièrement clair de la possibilité de l’existence d’un révolutionnaire qui estime que la révolution est une cause perdue d’avance, car finalement inutile, mais qui persiste néanmoins dans ses opinions et dans ses actions pour essayer, dans les limites du possible, d’améliorer les conditions d’existence de l’homme sur la terre. C’est que, comme il le dit lui-même : « ne plus croire, ne plus espérer, n’implique point de ne pas être heureux pendant la durée de ce bref accident qu’est la Vie » (p. 10). L’équité, principe admirable, ne peut être réalisée, mais cela n’enlève rien à sa justesse théorique. Et le combat pour une vérité condamnée, et pour ses manifestations parcellaires encore réalisables, devient alors le seul geste possible à qui veut agir en dépit de tout, pour qu’une lutte juste remplisse le temps qu’il reste à passer ici bas.

    31Léon Bloy – dont le style, soit dit en passant, présente certaines ressemblances avec celui de Kolney, ou alors l’inverse – évoquait « l’épouvantante et trilogique formule inscrite en bâtardes de feu sur le pennon noir du Nihilisme triomphant : Vivent le chaos et la destruction ! Vive la mort ! Place à l’avenir15 ! » Kolney – qui croit inévitable la destruction et accepte la mort avec soulagement, mais ne voit aucun avenir au bout du chemin – conçoit un nihilisme différent, qui n’est que la résultante inévitable de la compréhension de la divergence radicale entre pensée humaine et nature, de leurs intérêts opposés, et de la force infiniment supérieure de la nature, qui rend toute obstination futile. Plus de raison de faire place à un avenir quelconque, car « tout est irrémédiablement mauvais et l’Avenir ne peut qu’être parfilé sur la trame de malfaisance dont fut ourdi le Passé, voilà la vérité » (p. 9). L’état d’anarchie atteint après des millénaires par l’humanité, cet âge d’or à qui le néo-malthusianisme a permis de se développer dans le roman, n’est qu’une étape dans le chemin inéluctable qui mène l’humanité, inévitablement tarée par ses envies, vers la destruction finale. La nature apparaît ainsi comme la véritable ennemie de l’homme, dont l’esprit parvient à s’élever parfois au-dessus des urgences immédiates de la matière, mais qui pour terminer se révèle incapable de dominer les forces qu’il conserve en son sein et qui détiennent en elles le germe de sa propre destruction absolue.

    Notes de bas de page

    1 Il existe une traduction récente (2013) en langue anglaise de ce roman, Love in 5000 years, œuvre de l’écrivain de science-fiction américain Brian Stableford, publiée par la maison d’éditions californienne Black Coat Press.

    2 M. Angenot, « The Emergence of the Anti-Utopian Genre in France : Souvestre, Giraudeau, Robida et al. » [« Émergence du genre anti-utopique en France : Souvestre, Giraudeau, Robida et al.]. On sait que François Richard a consacré une étude à ce qu’il a baptisé d’« anarchisme de droite » (L’Anarchisme de droite dans la littérature contemporaine), incluant dans cette catégorie des auteurs tels Gobineau, Barbey, Bloy, Bernanos, Céline, Nimier et d’autres. Cette classification n’a pas été uniformément bien accueillie et la notion d’« anarchisme de droite » semble de nos jours difficilement opératoire. L’objection portée sur ce concept par Maricourt nous paraît encore la plus simple et la plus logique : « Remarquons que ces mots – appliqués fréquemment dans le sens de “fasciste”, mais sans connotation négative – sont antagonistes, puisqu’un anarchiste ne peut que récuser les notions d’autorité et de hiérarchie, qui sont des notions spécifiques à l’idéologie de “droite”. » (T. Maricourt, Histoire de la littérature libertaire en France, p. 19)

    3 On remarquera la similitude de ce titre avec celui du roman antimilitariste de Han Ryner, Le Crime d’obéir (1900).

    4 Sur ses dépliants publicitaires, la maison d’édition A. Quignon, fondée en 1895, imprimait la devise : « Les Éditions Quignon ne trompent jamais et tiennent toujours ce qu’elles promettent. » Il faut dire qu’à côté de romans comme Mesdames !, par André Villette, qui promet l’histoire vraie d’une « maison de prostitution où la triste vie des pensionnaires est prise sur le vif », figurent aussi (notamment dans Les Défaitistes de l’amour, « étude anecdotique, médicale et historique » par le Dr Albert Chapotin) des conseils sur « Comment on se dérobe au devoir de procréer ». Dans les années vingt, alors que la loi punissait sévèrement la distribution d’informations sur la contraception et l’avortement, de pareils conseils, même déguisés en discussion historique, pouvaient avoir un certain intérêt.

    5 M. Angenot, Les Grands Récits militants des xixe et xxe siècles, p. 101.

    6 L’article de R. D. Sonn « “Your body is yours” : Anarchism, Birth Control and Eugenics in Interwar France » (Journal of the History of Sexuality, vol. 14, no 4, octobre 2005, p. 415-432, repris par la suite dans son volume Sex, Violence and the Avant-garde. Anarchism in Interwar France) offre un excellent résumé des thèses néo-malthusiennes et du parcours de plusieurs de leurs propagandistes les plus connus : Eugène et Jeanne Humbert, Manuel Devaldès et Jean Marestan. Pour un panorama complet et concis sur les questions de l’avortement et de la contraception, on lira M. Sagaert, « La libre maternité au début du siècle : histoires d’hier, questions d’aujourd’hui ».

    7 Article « Malthusianisme », dans Encyclopédie anarchiste, p. 1389.

    8 Comme le signal Michel Ragon, « ni Proudhon, ni Bakounine, ni Kropotkine n’ont admis comme moyen de combat social la “limitation des naissances prolétariennes”. […] Néanmoins, le néo-malthusianisme figure vite au rang des principes libertaires » (Dictionnaire de l’anarchie, p. 415-416). La presse anarchiste dans son ensemble a toujours réservé une place de choix aux théories néo-malthusiennes. Parmi les propagandistes les plus déterminés de la limitation des naissances, on peut rappeler Madeleine Vernet, dont les articles paraissaient dans Le Libertaire.

    9 « Prudence procréatrice contre pornographie », Régénération, no 5, mai 1901.

    10 Les numéros de page suivant les citations du roman de Kolney font référence à l’édition de 1928 citée en bibliographie finale. Les italiques sont dans le texte. Tout le passage du roman qui forme une analepse reconstituant l’histoire du monde depuis 1960 jusqu’au moment de l’action est en italique.

    11 Inutile de rentrer ici dans l’éternel débat oiseux sur l’antisémitisme plus ou moins déclaré, plus ou moins réel ou fantaisiste des auteurs de la fin du siècle. Parmi les anarchistes, ce qui peut parfois apparaître comme de l’antisémitisme n’est en réalité qu’une forme d’anticapitalisme ou, plus rarement, comme dans ce cas, d’anticommunisme. Souvent aussi, c’est l’hostilité à toute religion qui les pousse. Rappelons que Pouget et Malato ont refusé de créer un journal en commun avec le marquis de Morès et Drumont, antisémites mais socialistes, qui tentaient de se rapprocher d’eux et proposaient de tout financer. Ils ne pouvaient s’unir à des catholiques déclarés car pour eux, juifs ou catholiques étaient également ennemis (voir F. O’Squarr, Les Coulisses de l’anarchie, p. 71-72). L’excuse de l’antisémitisme, souvent basée sur des interprétations douteuses, des accusations intempestives et des lectures partielles et partiales des œuvres (on pense par exemple au cas de Darien), a été souvent utilisée pour tenter de disqualifier sommairement les idées de certains écrivains libertaires et de noyer leurs critiques dans des débats stériles. Sonn consacre notamment une partie de son livre Sex, Violence and the Avant-garde. Anarchism in Interwar France à mettre en lumière le « Leftist antisemitism », affirmant qu’après l’affaire Dreyfus, « les anarchistes se sentaient attaqués et par conséquent resserraient les rangs et s’en prenaient à ceux qu’ils considéraient extérieurs au mouvement. Coincés entre la gauche communiste et la droite fasciste ils critiquaient violemment les Juifs qui les avaient appuyés, les traitant de faux révolutionnaires » (« the anarchists were feeling embattled and so were closing ranks and attacking those they perceived to be outsiders. Fearful of the communist leftand fascist right, they lashed out at Jewish fellow travelers as insincere revolutionaries », p. 160). Le critique ne mentionne toutefois pas le sentiment de trahison ressenti par bien des militants anarchistes lorsque les milieux juifs avec lesquels ils avaient collaboré pour la libération de Dreyfus refusèrent de les suivre, une fois le capitaine sauvé, pour tenter de ramener des bagnes des libertaires moins connus et tout aussi innocents. Voir, à ce sujet, la présentation de Philippe Oriol au volume de S. Faure Les Anarchistes et l’affaire Dreyfus, p. 47.

    12 Au moment où nous écrivons ces lignes, en juillet 2012, des raisonnements identiques sont proférés par des commentateurs politiques pour expliquer la crise qui frappe la Communauté européenne, avec les pays du Sud, aux économies faiblissantes, réunis par les critiques du Nord sous l’acronyme PIGS (Portugal, Italy, Greece, Spain).

    13 Sur cette triste affaire, on lira F. Ronsin, La Grève des ventres, p. 86-92, d’où cette citation est tirée.

    14 Dans le domaine de la science-fiction, l’exemple qui s’imposerait serait plutôt celui de l’Américain Abraham Merrill, l’auteur de The Ship of Ishtar (1924), dont l’influence a été très forte en son temps et qui, comme Kolney, est pratiquement oublié aujourd’hui. Mais toute ressemblance entre les deux ne peut être que fortuite.

    15 L. Bloy, Le Désespéré, p. 34.

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    Littérature, presse et politique. Un débat précurseur (1836-1848)

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    1999

    La place de la madeleine

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    Écriture et fantasme chez Proust

    Serge Doubrovsky

    2000

    Figures contemporaines

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    Ceux d'aujourd'hui, ceux de demain

    Bernard Lazare Hélène Millot (éd.)

    2002

    Flaubert savait-il écrire ?

    Flaubert savait-il écrire ?

    Une querelle grammaticale (1919-1921)

    Gilles Philippe (dir.)

    2004

    Le Nu moderne au salon (1799-1853)

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    Revue de presse

    Dominique Massonnaud (dir.)

    2005

    Émile Zola au pays de l'Anarchie

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    Vittorio Frigerio (dir.)

    2006

    Parcours critique II (1959-1991)

    Parcours critique II (1959-1991)

    Serge Doubrovsky Isabelle Grell (éd.)

    2006

    L’Envers de la tapisserie

    L’Envers de la tapisserie

    Vingt-six études sur le tissu textuel

    Jean-Charles Gateau

    2007

    De la Poésie-Scientifique & autres écrits

    De la Poésie-Scientifique & autres écrits

    René Ghil Jean-Pierre Bobillot (éd.)

    2008

    Nouvelles anarchistes

    Nouvelles anarchistes

    La création littéraire dans le presse militante (1890-1946)

    Vittorio Frigerio (dir.)

    2012

    Les Dates et les Œuvres

    Les Dates et les Œuvres

    Symbolisme et Poésie scientifique

    René Ghil Jean-Pierre Bobillot (éd.)

    2012

    La Littérature de l’anarchisme

    La Littérature de l’anarchisme

    Anarchistes de lettres et lettrés face à l'anarchisme

    Vittorio Frigerio

    2014

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    1 Il existe une traduction récente (2013) en langue anglaise de ce roman, Love in 5000 years, œuvre de l’écrivain de science-fiction américain Brian Stableford, publiée par la maison d’éditions californienne Black Coat Press.

    2 M. Angenot, « The Emergence of the Anti-Utopian Genre in France : Souvestre, Giraudeau, Robida et al. » [« Émergence du genre anti-utopique en France : Souvestre, Giraudeau, Robida et al.]. On sait que François Richard a consacré une étude à ce qu’il a baptisé d’« anarchisme de droite » (L’Anarchisme de droite dans la littérature contemporaine), incluant dans cette catégorie des auteurs tels Gobineau, Barbey, Bloy, Bernanos, Céline, Nimier et d’autres. Cette classification n’a pas été uniformément bien accueillie et la notion d’« anarchisme de droite » semble de nos jours difficilement opératoire. L’objection portée sur ce concept par Maricourt nous paraît encore la plus simple et la plus logique : « Remarquons que ces mots – appliqués fréquemment dans le sens de “fasciste”, mais sans connotation négative – sont antagonistes, puisqu’un anarchiste ne peut que récuser les notions d’autorité et de hiérarchie, qui sont des notions spécifiques à l’idéologie de “droite”. » (T. Maricourt, Histoire de la littérature libertaire en France, p. 19)

    3 On remarquera la similitude de ce titre avec celui du roman antimilitariste de Han Ryner, Le Crime d’obéir (1900).

    4 Sur ses dépliants publicitaires, la maison d’édition A. Quignon, fondée en 1895, imprimait la devise : « Les Éditions Quignon ne trompent jamais et tiennent toujours ce qu’elles promettent. » Il faut dire qu’à côté de romans comme Mesdames !, par André Villette, qui promet l’histoire vraie d’une « maison de prostitution où la triste vie des pensionnaires est prise sur le vif », figurent aussi (notamment dans Les Défaitistes de l’amour, « étude anecdotique, médicale et historique » par le Dr Albert Chapotin) des conseils sur « Comment on se dérobe au devoir de procréer ». Dans les années vingt, alors que la loi punissait sévèrement la distribution d’informations sur la contraception et l’avortement, de pareils conseils, même déguisés en discussion historique, pouvaient avoir un certain intérêt.

    5 M. Angenot, Les Grands Récits militants des xixe et xxe siècles, p. 101.

    6 L’article de R. D. Sonn « “Your body is yours” : Anarchism, Birth Control and Eugenics in Interwar France » (Journal of the History of Sexuality, vol. 14, no 4, octobre 2005, p. 415-432, repris par la suite dans son volume Sex, Violence and the Avant-garde. Anarchism in Interwar France) offre un excellent résumé des thèses néo-malthusiennes et du parcours de plusieurs de leurs propagandistes les plus connus : Eugène et Jeanne Humbert, Manuel Devaldès et Jean Marestan. Pour un panorama complet et concis sur les questions de l’avortement et de la contraception, on lira M. Sagaert, « La libre maternité au début du siècle : histoires d’hier, questions d’aujourd’hui ».

    7 Article « Malthusianisme », dans Encyclopédie anarchiste, p. 1389.

    8 Comme le signal Michel Ragon, « ni Proudhon, ni Bakounine, ni Kropotkine n’ont admis comme moyen de combat social la “limitation des naissances prolétariennes”. […] Néanmoins, le néo-malthusianisme figure vite au rang des principes libertaires » (Dictionnaire de l’anarchie, p. 415-416). La presse anarchiste dans son ensemble a toujours réservé une place de choix aux théories néo-malthusiennes. Parmi les propagandistes les plus déterminés de la limitation des naissances, on peut rappeler Madeleine Vernet, dont les articles paraissaient dans Le Libertaire.

    9 « Prudence procréatrice contre pornographie », Régénération, no 5, mai 1901.

    10 Les numéros de page suivant les citations du roman de Kolney font référence à l’édition de 1928 citée en bibliographie finale. Les italiques sont dans le texte. Tout le passage du roman qui forme une analepse reconstituant l’histoire du monde depuis 1960 jusqu’au moment de l’action est en italique.

    11 Inutile de rentrer ici dans l’éternel débat oiseux sur l’antisémitisme plus ou moins déclaré, plus ou moins réel ou fantaisiste des auteurs de la fin du siècle. Parmi les anarchistes, ce qui peut parfois apparaître comme de l’antisémitisme n’est en réalité qu’une forme d’anticapitalisme ou, plus rarement, comme dans ce cas, d’anticommunisme. Souvent aussi, c’est l’hostilité à toute religion qui les pousse. Rappelons que Pouget et Malato ont refusé de créer un journal en commun avec le marquis de Morès et Drumont, antisémites mais socialistes, qui tentaient de se rapprocher d’eux et proposaient de tout financer. Ils ne pouvaient s’unir à des catholiques déclarés car pour eux, juifs ou catholiques étaient également ennemis (voir F. O’Squarr, Les Coulisses de l’anarchie, p. 71-72). L’excuse de l’antisémitisme, souvent basée sur des interprétations douteuses, des accusations intempestives et des lectures partielles et partiales des œuvres (on pense par exemple au cas de Darien), a été souvent utilisée pour tenter de disqualifier sommairement les idées de certains écrivains libertaires et de noyer leurs critiques dans des débats stériles. Sonn consacre notamment une partie de son livre Sex, Violence and the Avant-garde. Anarchism in Interwar France à mettre en lumière le « Leftist antisemitism », affirmant qu’après l’affaire Dreyfus, « les anarchistes se sentaient attaqués et par conséquent resserraient les rangs et s’en prenaient à ceux qu’ils considéraient extérieurs au mouvement. Coincés entre la gauche communiste et la droite fasciste ils critiquaient violemment les Juifs qui les avaient appuyés, les traitant de faux révolutionnaires » (« the anarchists were feeling embattled and so were closing ranks and attacking those they perceived to be outsiders. Fearful of the communist leftand fascist right, they lashed out at Jewish fellow travelers as insincere revolutionaries », p. 160). Le critique ne mentionne toutefois pas le sentiment de trahison ressenti par bien des militants anarchistes lorsque les milieux juifs avec lesquels ils avaient collaboré pour la libération de Dreyfus refusèrent de les suivre, une fois le capitaine sauvé, pour tenter de ramener des bagnes des libertaires moins connus et tout aussi innocents. Voir, à ce sujet, la présentation de Philippe Oriol au volume de S. Faure Les Anarchistes et l’affaire Dreyfus, p. 47.

    12 Au moment où nous écrivons ces lignes, en juillet 2012, des raisonnements identiques sont proférés par des commentateurs politiques pour expliquer la crise qui frappe la Communauté européenne, avec les pays du Sud, aux économies faiblissantes, réunis par les critiques du Nord sous l’acronyme PIGS (Portugal, Italy, Greece, Spain).

    13 Sur cette triste affaire, on lira F. Ronsin, La Grève des ventres, p. 86-92, d’où cette citation est tirée.

    14 Dans le domaine de la science-fiction, l’exemple qui s’imposerait serait plutôt celui de l’Américain Abraham Merrill, l’auteur de The Ship of Ishtar (1924), dont l’influence a été très forte en son temps et qui, comme Kolney, est pratiquement oublié aujourd’hui. Mais toute ressemblance entre les deux ne peut être que fortuite.

    15 L. Bloy, Le Désespéré, p. 34.

    La Littérature de l’anarchisme

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    Ce livre est cité par

    • Gramatzki, Susanne. (2022) Romanistik Anarchie und Ästhetik. DOI: 10.57088/978-3-7329-9201-0_2
    • Verhaeghe, Sidonie. (2021) Une anarchiste romantique ?. COnTEXTES. DOI: 10.4000/contextes.9999
    • Stefiuk, Eleanor. (2022) Villiers de L’Isle-Adam’s Anarchism: A Legacy of the Paris Commune. Dix-Neuf, 26. DOI: 10.1080/14787318.2021.2010167

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    Frigerio, Vittorio. « 22. Fernand Kolney et l’utopie nihiliste ». In La Littérature de l’anarchisme. Grenoble: UGA Éditions, 2014. https://doi.org/10.4000/books.ugaeditions.9590.
    Frigerio, Vittorio. « 22. Fernand Kolney et l’utopie nihiliste ». La Littérature de l’anarchisme, UGA Éditions, 2014, https://doi.org/10.4000/books.ugaeditions.9590.

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    Frigerio, V. (2014). La Littérature de l’anarchisme (1‑). UGA Éditions. https://doi.org/10.4000/books.ugaeditions.9488
    Frigerio, Vittorio. La Littérature de l’anarchisme. Grenoble: UGA Éditions, 2014. https://doi.org/10.4000/books.ugaeditions.9488.
    Frigerio, Vittorio. La Littérature de l’anarchisme. UGA Éditions, 2014, https://doi.org/10.4000/books.ugaeditions.9488.
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