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Histoire du Futur

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António Vieyra

II. Histoire du Futur, Espérances du Portugal et Quint Empire du Monde

Chapitre 2. [Histoire des empires depuis Babel]

Texte intégral

  • 1 Selon la tradition biblique, Bêl (ou Baal) représente le dieu du ciel, et c’est en ce sens qu’il p (...)

1Dix-huit cent soixante ans après la Création du monde et trois mille huit cents avant l’année 1664, où nous écrivons ces pages, après que la confusion des langues dans la tour de Babel a dispersé ses constructeurs en diverses parties de la terre, châtiment si mérité pour leur orgueil, comme nécessaire à la propagation du genre humain et à la grandeur elle-même à laquelle il prétendait, Bêl, fils du géant Nemrod (même s’il ne manque pas d’auteurs des plus sérieux pour faire de ce nom un seul)1, ayant réduit à l’assujettissement et à l’obéissance politique la liberté naturelle dans laquelle tous naissaient à cette époque, a été le premier à apprendre au monde la tyrannie et à l’y introduire, ce que l’on appela par la suite d’un nom moins odieux, l’empire. L’ambition de briser l’obédience à cette loi tarda de nombreuses années avant que la nature ne nous rendît égaux devant toutes les lois.

  • 2 Voir, ci-dessus, note 57, p. 133.

2Cet empire de Bêl est celui des Assyriens ou Babyloniens. Il dura, selon Justin2, près de mille trois cents ans, et il eut trente-sept souverains, parmi lesquels Sémiramis, le dernier étant Sardanapale.

  • 3 Eusèbe de Césarée ([?] 265-339), conseiller de Constantin et évêque de Césarée, considéré comme le (...)

3À l’empire des Assyriens succéda celui des Perses, en l’an trois mille quatre cent quarante-quatre depuis la Création du monde. Il commença avec Cyrus et se termina avec Darius ; il compta en tout quatorze empereurs. Il ne dura pas plus, selon Eusèbe3, de deux cent trente ans.

4Le troisième empire, qui fut celui des Grecs, dura moins encore si on le considère du point de vue de la monarchie. C’est Alexandre qui le créa et il se termina avec Alexandre, pour que les têtes couronnées sachent combien est grand sur elles le pouvoir de la mortalité, car la vie d’un empire peut être plus brève que celle d’un homme. Cet empire des Grecs commença en trois mille six cent soixante-douze après la Création du monde, il ne resta uni que huit ans, et avant même que ceux-ci ne s’achèvent, il fut divisé en trois royaumes : celui d’Asie, celui de Macédoine et celui d’Égypte, et ce dernier (qui dura le plus longtemps) se prolongea avec diverses fortunes pendant trois cents ans, jusqu’à ce que, gouverné et mal défendu par la célèbre Cléopâtre, Marc Antoine le réunît à la grandeur romaine.

5Il y avait déjà alors à cette époque sept cents ans que Romulus avait dressé sur les bords du Tibre les premières chaumières qui devaient un jour s’appeler Rome, dont l’empire commença sous ce nom avec Jules César trente ans avant la naissance du Christ. L’Empire romain dura donc dans toute la plénitude de la monarchie quatre cents ans, et trente cinq empereurs s’y succédèrent jusqu’au grand Constantin, lequel, fondant une nouvelle cour à Constantinople, divisa l’empire pour une meilleure gouvernance en empire d’Orient et empire d’Occident, et depuis cette époque, les aigles romaines furent représentées coiffées d’une double couronne. L’empire d’Orient se maintint durant mille ans et compta quatre-vingt-quatre empereurs, dont le dernier fut un autre Constantin, mais son sort fut bien différent puisque, assiégé et vaincu par Mehmet II, il perdit, à l’intérieur même de Constantinople, la vie et la ville, entraînant l’Empire dans son tombeau. Celui d’Occident, après la division, connut de ce fait des fortunes diverses. En effet, après avoir été gouverné pendant quelques années par un empereur, qui avait la même juridiction et majesté, il fut ensuite dirigé par des exarques, qui étaient comme des ministres ou des lieutenants des empereurs d’Orient, jusqu’à ce que, à l’époque du pape Léon III, Charlemagne soit élu empereur d’Occident, Rome restant le siège de l’Église et l’empire ayant sa capitale en Allemagne.

6Ce changement eut lieu en 810 après la naissance du Christ et, à partir de là, l’Empire, perdant sans cesse en grandeur et en majesté, compta quatre-vingt-dix empereurs, jusqu’à Ferdinand III, qui règne aujourd’hui, et qui résiste avec un grand courage et un grand amour de la chrétienté (veuille le Ciel qu’il le fasse avec meilleure fortune !) à celui de Mahomet.

7Tels sont en bref résumé les quatre empires qui depuis le premier qu’il y eut dans le monde ont existé et se sont succédé jusqu’à l’époque actuelle. Leur description, même si elle n’est pas absolument nécessaire au point où nous en sommes, reste cependant très utile dès le début de l’exposé, pour que l’on entende mieux tout ce qui sera dit par la suite.

8En conséquence donc de l’hypothèse de ces quatre empires, nous appelons Cinquième Empire [ou Quint Empire] le nouvel et futur empire que décrira le discours de notre Histoire, lequel succédera à l’Empire romain de la même forme que l’Empire romain a succédé à celui des Grecs, que celui des Grecs a succédé à celui des Perses, et que celui des Perses a succédé à celui des Assyriens. Ainsi, comme l’empire des Perses s’appelle le second empire, car il a succédé à celui des Assyriens, qui fut le premier au monde, et que celui des Grecs s’appelle le troisième, parce qu’il a succédé à celui des Assyriens et des Perses, et que celui des Romains s’appelle le quatrième, car il a succédé à celui des Assyriens, des Perses et des Grecs, ainsi notre empire, puisqu’il va succéder à celui des Assyriens, des Perses, des Grecs et des Romains (comme nous le verrons par la suite), doit être appelé pour cette raison et en toute logique le Quint Empire du Monde. Et parce que tous les autres empires, passés et présents, aussi grands et puissants qu’ils fussent, n’ont pas été pris en compte dans cet ordre de succession, qui a commencé au premier et qui s’achèvera au cinquième (lequel sera aussi le dernier), les Écritures ne font aucunement mention ni ne relèvent le nom de ces autres empires, ce que nous ne faisons pas nous non plus. Aucun de ces empires, d’ailleurs, aussi nombreux qu’ils aient été, ne figurant dans ce décompte, aucun ne peut altérer l’ordre ou la place de ce nouvel empire, dont le chiffre ne peut changer ni dépasser celui de Cinquième que nous lui avons donné.

9Tout ce qui vient d’être dit sont des hypothèses avérées, et qui ne souffrent point de doute puisque tirées de divers passages des Écritures saintes, lesquels sont cités en marge, mais que nous n’avons pas retranscrits dans le corps de notre Histoire pour ne point en alourdir l’ordonnance. D’autres auteurs disant la même chose, encore que dans une matière aussi véridique et échappant à toute controverse ils ne soient point nécessaires, seront cités dans les chapitres suivants, mais ce qui demeure et qu’il importe de montrer, c’est la prochaine existence en toute certitude de ce nouvel et futur empire, que nous avons appelé le Quint Empire. Et ainsi l’allons nous faire maintenant, par la démonstration et l’établissement des faits, puisque telle est la base et fondement de toute notre Histoire et sujet particulier de son premier livre.

Notes

1 Selon la tradition biblique, Bêl (ou Baal) représente le dieu du ciel, et c’est en ce sens qu’il peut faire double emploi avec Nemrod, considéré comme le « premier potentat sur terre », donc le premier créateur d’empire (voir Dheilly, 1964, p. 129 et 807).

2 Voir, ci-dessus, note 57, p. 133.

3 Eusèbe de Césarée ([?] 265-339), conseiller de Constantin et évêque de Césarée, considéré comme le « père de l’histoire ecclésiastique ».

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