Émile Zola au pays de l'Anarchie
|Articles consacrés à Zola
« Émile Zola », Les Temps nouveaux, no 23, du 24 au 10 octobre [sic] 1902
Texte intégral
1Emile Zola est mort. Mort en pleine vigueur, à la suite d’un accident stupide, comme tous les accidents.
2Tous nos lecteurs connaissent quelle fut son œuvre. Elle fut énorme ; mais, ce qui est mieux, elle se tient serrée et compacte. Quelques-uns de ses livres, certainement, sont inférieurs à d’autres, mais tous se recommandent par quelques qualités, ce qui est plus rare dans l’œuvre d’un écrivain.
3Il eut ses faiblesses, comme de rechercher d’être de l’Académie, d’attacher quelque prix aux décorations, aux honneurs. Mais quel homme n’a pas quelque faiblesse dans sa vie ! Au surplus, Zola sut racheter les siennes, en jetant tout cela par-dessus bord pour prendre la défense de ce qu’il entrevit être la vérité.
4Bien plus, l’affaire Dreyfus lui fit connaître plus profondément les injustices sociales, et le fit s’atteler résolument à la recherche de la solution de la question sociale, dans ses nouveaux romans.
5Là, il y subit l’entraînement de tous les constructeurs d’utopie ; absorbé par son idée, il négligea les contingences, subordonna les faits à l’idée préconçue qu’il voulait démontrer : de là des faiblesses, comme dans Fécondité, sur lequel Travail présentait déjà un progrès.
Notes
18 On jugera, à la lecture de ce texte, du changement d’opinion qui s’est fait chez Grave en l’espace de quelques années. Le jugement qu’il avait porté sur Zola en tant que personnage, au-delà de la question de la validité de son œuvre, demeurait auparavant profondément ambigu. Preuve en est un bref commentaire de sa plume, inséré dans une critique des théories de Lombroso, sur un passage d’un ouvrage consacré à Zola, écrit par un nommé Toulouse. Grave relève « une conclusion de Toulouse qui ne dit pas tout ce qu’elle comporte » : « C’est un ambitieux, conscient de sa valeur et servi par une ténacité extraordinaire. Tel il a toujours été, tel il m’apparaît encore. On l’a accusé d’instabilité parce qu’il a, avec les années, paru changer d’opinion sur les distinctions sociales et l’Académie. Mais ce n’est qu’un changement de moyens, le but poursuivi étant toujours resté le même : occuper la première place. » Et page 264 : « On peut dire que M. Zola est un caractère vrai. » En politique, un candidat qui renie ses déclarations antérieures peut aussi, lui, être un caractère vrai, en ce sens qu’étant ambitieux, il poursuit sa route quels que soient les moyens, mais cela ne l’empêchera pas d’être un farceur (« Bibliographie », Les Temps nouveaux, no 49, 1896).
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