Teodor de Wyzewa
p. 113-114
Texte intégral
1M. Teodor de Wyzewa, qui fut un symboliste et qui est demeuré un esthète est maintenant un tolstoïsant, mais un tolstoïsant à la fois inquiet et sceptique, paraissant ne croire qu’à demi aux conseils qu’il donne et que, tout le premier, il aimerait à suivre.
2Dans de petites brochures de propagande qu’illustrait un Jésus édulcoré134, il est parti en guerre contre l’égoïsme intellectuel, sentimental ou artistique, qui sévit encore parmi les byzantins de la littérature ; il a eu des paroles acerbement élégantes contre les défenseurs de l’art pour l’art et de la divinité du versificateur, contre les prêtres de l’artiste idole, maître et roi.
3Mais, dans l’ardeur de sa croisade, M. de Wyzewa est allé trop loin. S’il est bon de lutter contre les Valbert qui se complaisent uniquement au jeu de leurs facultés, abusant d’eux-mêmes et des autres, il est excessif d’en rendre responsables la science et le savoir, de dénoncer la malignité de l’esprit et le danger de l’intelligence.
4C’est, cependant, ce qu’a fait M. de Wyzewa dans ses livrets ingénieux et évangéliques, non pas l’évangélisme lourd, compassé et maladroit d’un Desjardins135, certes, mais un évangélisme gracieux, efféminé, évangélisme de chrétien hellène qui aurait maudit Platon sans l’avoir oublié. Ces paraboles menues proclamaient les béatitudes de l’ignorance, elles vantaient la candeur des lys des champs, et M. de Wyzewa, avec une ingénuité sincère, y confondait les savants avec les pédagogues, les chercheurs et les cuistres, Faust avec son famulus.
5L’explication de cette attitude, de cette animosité contre la Sophia éternelle, est que, sans doute, M. de Wyzewa a souffert de l’intellectualisme égoïste. Critique délicat et sensitif, écrivain gracieux et paradoxal, il n’a voulu abandonner les Sorbonnes que pour aller à l’extrême, vers « l’imbécile qui a le cœur pur » dont parle Parsifal. Il reviendra un jour là-dessus, car il est d’intelligence trop compréhensive, trop fine et trop subtile, pour pouvoir goûter le bonheur du sot. Ce jour-là, le chevalier Valbert ressuscité reconnaîtra que, si jadis il méprisait la science et l’art, s’il les considérait comme divinités malfaisantes, c’est parce qu’il souffrait de posséder l’esprit qui goûte et explique et non celui qui crée.
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