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    Plan détaillé Texte intégral Introduction La part quantitative consacrée au questionnement axiologique Quelle couverture affichée des différents champs de l’éthique ? Le positionnement des collections vis-à-vis des champs de l’éthique Hac : collection « Fleurs d’encre » Quel credo éducatif et idéologique ? Conclusion Auteur

    Questionnement des valeurs dans les manuels de français

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Le questionnement des valeurs dans les discours introductifs des livres du professeur

    Nicolas Rouvière

    p. 63-90

    Texte intégral Introduction La part quantitative consacrée au questionnement axiologique Quelle couverture affichée des différents champs de l’éthique ? Quelques marqueurs du particulier Quelques marqueurs du général et du commun Quelques marqueurs de l’universel Des marqueurs du singulier ? Répartition globale des champs de l’éthique Le positionnement des collections vis-à-vis des champs de l’éthique M : collection « Jardin des lettres » Hac : collection « Fleurs d’encre » N : collection « Terre des lettres » Rob : collection « Passeur de texte » B : collection « L’envol des lettres » Synthèse des points communs et différences entre les discours éditoriaux introductifs Quel credo éducatif et idéologique ? Ouverture herméneutique ou guidage interprétatif ? Leçons de vie et effet pragmatique escompté Quelle prise en compte des élèves ? Affirmation du rôle et de la fonction de la littérature Formulation d’un jugement sur la société et sur l’histoire Synthèse sur le positionnement éducatif et idéologique Conclusion Auteur

    Texte intégral

    Introduction

    1Les manuels de collège de 2015 désinvestissent assez largement les préfaces comme espace de présentation et de justification des contenus et des démarches d’enseignement. Pour trouver un discours substantiel conséquent, il faut se tourner vers les livres du professeur (LDP). C’est une source privilégiée qui permet de cerner de l’intérieur, dans une communication de professionnels à professionnels, les principes éducatifs, pédagogiques, didactiques, éthiques, qui fondent les choix des concepteurs. Cela ne veut pas dire que ce qui est annoncé soit forcément en cohérence avec ce que les manuels proposent, et il faudra comparer par la suite les discours expositifs avec les contenus éditoriaux effectifs. Quoi qu’il en soit, les LDP constituent un espace où le discours justificatif est sans doute moins biaisé par les questions de représentation vis-à-vis de l’extérieur. De fait ce ne sont pas ces ouvrages que les équipes éducatives consultent pour faire leur choix, mais bien les spécimens de manuels afin de déterminer lequel ils utiliseront avec les élèves. Les discours justificatifs contenus dans les LDP ne sont donc pas destinés à faire vendre. Ils rappellent l’esprit et la lettre des programmes, et surtout exposent les principes éducatifs qui justifient les choix de thèmes, de corpus, d’objectifs d’apprentissage et de démarche d’enseignement. Les manuels quant à eux ont une cible plus diversifiée et plus complexe qui comprend tout à la fois les élèves qui les utilisent, les parents qui les achètent, les équipes de professeurs qui les choisissent, les équipes de direction qui les commandent, mais aussi les autorités de tutelle qui prescrivent les contenus des programmes (inspection générale, corps d’inspection, ministre). Moins tributaires de multiples instances de réception à concilier, les LDP constituent un espace plus propice pour comprendre les principes éducatifs et les représentations de la discipline et de l’École qui sous-tendent la conception des manuels qui correspondent. Leurs discours font-ils référence aux enjeux de formation personnelle, à l’éducation civique et morale, aux valeurs sociales et morales qui sont au travail dans les textes et leur lecture ? Si oui, selon quelles modalités ? Comment couvrent-ils les différents champs de l’éthique ? Quelles valeurs éducatives et idéologiques se dégagent de ces discours péritextuels ?

    La part quantitative consacrée au questionnement axiologique

    2Les 24 manuels des 6 collections éditoriales retenues pour ce volume n’ont pas la même structure ni le même choix de découpage par partie ou chapitre, ni les mêmes intitulés pour leurs différentes composantes (dossier, séquence, partie, chapitre, atelier). Il est possible néanmoins de les rapporter à une structure équivalente, afin de procéder à une comparaison quantitative, pour identifier les introductions qui leur correspondent dans les livres du professeur. Mentionnons d’emblée les particularités de deux collections éditoriales. Hat ne comporte qu’une introduction générale de cycle, en 4e-3e, contre 12 introductions de chapitres et d’année pour le niveau 6e. Rob ne compte que 4 introductions de chapitre ou d’année en 5e, et 2 seulement en 4e, contre 9 introductions en 6e et 8 en 3e. Les autres collections ont un nombre d’introductions à peu près homogène d’une année sur l’autre et surtout plus conséquent : entre 13 et 17 pour B, entre 9 et 13 pour N, et entre 13 et 14 pour Hac. M se distingue par le nombre le plus élevé d’introductions, de surcroît en augmentation régulière : on passe de 21 à 30 de la 6e à la 3e. Dans cette collection les introductions sont systématiques à chaque étape du manuel et tout est justifié selon un discours très cohérent et très construit. Voici le nombre d’introductions qui font référence au questionnement des valeurs.

    Tableau 3. Nombre d’introductions faisant référence aux valeurs

     HatBRobMNHac
    6e1/127/138/913/216/96/13
    5e0/111/172/422/2511/1310/13
    4e1/18/142/218/294/109/13
    3e1/18/135/824/3011/1211/14

    3La collection Hat ne semble pas du tout avoir acté le tournant éthique des programmes de 2015 dans la présentation qui est faite des enseignements et Rob guère non plus. À l’inverse, la référence à l’axiologie est massive dans les manuels M, et se trouve également bien représentée dans les manuels B, N et Hac.

    4Si on fait une lecture par niveau de classe, on voit apparaître des différences importantes. À l’exception de la collection Rob, on constate globalement une augmentation entre le cycle 3 et le cycle 4 du nombre d’introductions comportant une dimension morale et civique. Cette augmentation cependant n’est pas toujours régulière d’un niveau à l’autre. C’est en 5e et en 3e que les références sont les plus nombreuses dans les discours de présentation et de justification. On peut l’expliquer partiellement par la place stratégique de ces deux années en début et en fin de cycle 4. Les objets d’étude qui correspondent se prêtent également aux enjeux de formation personnelle : en 5e la diversité culturelle à travers les voyages des grands explorateurs, ou encore la découverte de la féodalité et des valeurs chevaleresques, mais aussi les thèmes « héros, héroïnes, héroïsme », « famille, amis, réseaux » entre autres. En classe de 3e, « dénoncer les travers de la société », « agir dans la cité – individu et pouvoir », ou encore « progrès et rêves scientifiques ». De fait ce sont bien les introductions de ces chapitres, dans les LDP, qui font le plus référence aux problématiques humaines. Mais l’on aurait pu faire valoir tout autant en classe de 4e les objets d’étude « individu et société – confrontations de valeurs », « la fiction pour interroger le réel » ou encore « informer, s’informer, déformer ». Or la référence aux enjeux éthique apparaît en stagnation ou en recul plus ou moins marqué pour ce niveau, par rapport à la classe de 5e. Notons par ailleurs que les chapitres dont les introductions font le moins référence à l’éthique, dans tous les manuels, sont ceux qui portent sur la poésie, en dépit de la présence de la poésie engagée en 3e, ce qui pourrait s’expliquer par une approche encore formelle ou relativement autotélique, qui serait sédimentée dans les représentations sur ce genre. Cette hypothèse sera discutée dans l’article de Béatrice Bloch consacré à la poésie en partie IV.

    Quelle couverture affichée des différents champs de l’éthique ?

    5Nous avons analysé les discours introductifs selon la topique de Yoann Daumet exposée en partie I, qui distingue les champs de l’éthique du particulier, du général, de l’universel et du singulier. Nous avons ainsi tâché de dégager des marqueurs qui correspondent à chacun de ces champs.

    Quelques marqueurs du particulier

    6Le particulier, selon Yoann Daumet, c’est l’individu dans ce qu’il a de relatif, d’empirique et de contingent : ses opinions, ses préférences, ses préjugés, ses goûts, ses croyances, ses émotions. Nous avons retrouvé quelques-uns de ces différents traits quand il s’agit d’évoquer tour à tour l’élève, le personnage, l’auteur, ou les liens qui se tissent entre eux.

    Tableau 4. Exemples de marqueurs du particulier

    L’individu élève[…] faire réfléchir les élèves sur l’expression de leurs propres émotions et leur représentation d’eux-mêmes face à autrui. (LDP, M 6e, p. 46)
    Le narrateur-personnageLe choix des autres extraits s’est porté sur la narration de ces moments clés de la vie (découverte d’un secret, désillusion, victoire, interrogations adolescentes…) qui permettent l’émergence du moi. (LDP, N 3e, p. 7)
    L’auteur[…] la réflexion sur l’image de soi que livre un artiste, sur les raisons qui l’amènent à se raconter, se représenter. (LDP, B 3e, p. 8)
    Le lien élève-personnage[…] s’interroger sur les valeurs qu’il partage avec ces héros. (LDP, Hac 5e, p. 88)
    […] l’aventure comme expérience des limites qui conduit à s’interroger sur soi et sur ce qui importe à nos yeux. (LDP, N 5e, p. 35)
    […] chercher dans les textes un écho à leur propre expérience amoureuse. (LDP, Hac 4e, p. 48)
    L’auteur, exemple et modèle[…] faire comprendre à tous qu’un jeune garçon qui aurait pu « mal tourner », grâce aux livres, au travail acharné, à l’intérêt pour les autres, à la conscience aussi des souffrances vécues par autrui, a réussi à faire de sa vie une œuvre et de son œuvre le reportage romanesque de sa vie. (LDP, M 5e, p. 9)

    Quelques marqueurs du général et du commun

    7Le champ éthique du général, selon Yoann Daumet, ce sont les valeurs collectives, les normes sociales, les coutumes, les conventions, les mentalités, ancrées de façon contingente et relative dans les cultures, la société et l’histoire. Certaines expressions constituent ainsi des marqueurs signifiants pour parler des contextes du passé ou de problématiques sociétales actuelles.

    8Contextualisation historique :

    L’exploration des terres inconnues était aussi une remise en question de certaines idées reçues, créées par les croyances religieuses. (LDP, M 5e, p. 9)

    Les cartes témoignent de la façon dont le regard sur l’autre et l’inconnu est influencé par sa propre culture et amènent les élèves à s’interroger sur la notion d’a priori culturels. (LDP, M 5e, p. 15)

    […] découvrir à travers cette œuvre les valeurs et le fonctionnement de la société médiévale, en lien avec la programmation d’histoire. (LDP, B 5e, p. 106)

    9Problématiques sociétales actuelles :

    […] l’idée du progrès scientifique » qui, dès le xixe siècle, est aussi bien « exalté et mythifié » qu’« objet de désir et de répulsion ». L’objet de ce chapitre est d’amener les élèves à comprendre que cette double postulation est au cœur des interrogations sociétales du xxie siècle : jamais la science et les progrès technologiques n’ont été aussi présents dans notre quotidien et sources de débats. (LDP, N 3e, p. 101)

    […] réinscrire les problématiques actuelles autour du langage – problématiques linguistiques, sociales, politiques, morales – dans une histoire de la pensée et de la parole en Occident. (LDP, Hac 3e, p. 44)

    Quelques marqueurs de l’universel

    10Le champ éthique de l’universel, selon Yoann Daumet, comprend les valeurs transcendantes à leur contexte d’émergence : idées platoniciennes, logique des droits de l’homme, logique de la morale kantienne (impératifs catégoriques), logique de l’humanisme républicain (par contraste avec toute forme relativisme axiologique), etc. Voici quelques exemples de mots et expressions retenus comme significatifs :

    C’est par l’oralité que la ruse est abordée comme source de comique mais aussi comme source de réflexion morale sur les comportements humains qui transcendent les époques. (LDP, Hac 6e, p. 82)

    […] faire partager à tous les élèves l’espace de l’imaginaire par-delà les dogmes et les certitudes […] car ce sont bien des citoyens du monde que nous formons à l’école. (LDP, M 6e, p. 76)

    Zola ne cherche pas seulement à faire exister une famille, il construit une réalité qui va au-delà de ce qui est visible dans la société. Il cherche à puiser dans les racines de l’être pour comprendre les mécanismes de la nature humaine. (LDP, M 4e, p. 71)

    Ces contes interrogent l’ambivalence de l’homme, chez qui la part bestiale n’est pas toujours loin, malgré toutes les couches de culture et de civilisation. (LDP, N 6e, p. 27)

    […] l’interrogation universelle des origines du monde, de l’existence de l’homme ou du mal. (LDP, M 3e, p. 19)

    […] montrer que l’engagement littéraire est universel. (LDP, Hac 3e, p. 102)

    Des marqueurs du singulier ?

    11Le champ éthique du singulier est de toute évidence le plus difficile à verbaliser, a fortiori à repérer dans les discours. Yoann Daumet le décrit ainsi : « C’est ce que nous avons en nous de plus personnel […]. Ce que les œuvres d’art, et singulièrement la littérature, nous permettent de retrouver en nous-mêmes : une compréhension de soi qui nous relie à ce qui ne dépend pas de nous, qui place notre centre hors de nous-mêmes et nous fait rechercher un accomplissement. » Par le singulier, la dimension subjective de la lecture littéraire échappe au subjectivisme : ainsi peut-on comprendre la littérature, avec Dominique Rabaté (2010, p. 108), comme « l’épreuve la plus personnelle de l’impersonnel ». Il nous a semblé que certaines expressions pouvaient approcher la notion de singularité, comme expérience intime de décentrement de soi à soi qui fonde l’identité.

    Ce thème met donc en jeu la question des apparences et, au-delà de celles-ci, la nature profonde des individus et ce qui fait leur valeur. (LDP, N 6e, p. 27)

    Ce que l’on va raconter à l’autre ne peut se faire sans s’interroger sur ses origines premières, sur son identité profonde, sur ce que l’on a vécu de beau, ce que l’on a souffert de terrible et sur ce que l’on s’autorise à raconter de soi-même. (LDP, Hac 3e, p. 9)

    […] l’inconnu que l’on découvre en soi, la part inexplorée de soi-même, et qui permet d’apprendre à se connaître soi-même. (LDP, M 6e, p. 72)

    Notre souhait est que cette présence vivante soit perceptible et qu’elle donne aussi l’envie à chacun de s’exprimer, au sens propre, c’est-à-dire de faire sortir de soi, dans l’élan de la sincérité et avec les premiers outils de l’orateur, une pensée de conviction qui prépare l’engagement de tout futur citoyen. (LDP, M 3e, p. 91)

    […] la poésie n’est-elle pas juste un genre littéraire mais une manière d’être particulière qui fait place à l’observation et à une compréhension sensible du monde. (LDP, N 3e, p. 113)

    12Sur la base des différents marqueurs retenus, nous avons quantifié dans l’ensemble des discours introductifs, les références aux quatre champs de l’éthique précités.

    Répartition globale des champs de l’éthique

    13Voici les résultats globaux par collection éditoriale.

    Tableau 5. Exemples de marqueurs du particulier

     MHacNRobBHatTotal
    Particulier2810334048
    Général4821817190113
    Universel213540033
    Singulier4140009
    Total101352024230203

    14Quantitativement on constate que la formation de la personne informe massivement les discours de la collection M avec 101 références au total, et de façon conséquente la collection Hac avec 35 références. Les collections N, Rob et B contiennent un nombre de références voisin entre 20 (N) et 24 (Rob). Enfin la collection Hat ne fait aucune référence à la formation de la personne, se limitant à une approche formaliste et technique de l’enseignement de la littérature. Il n’en sera donc plus question dans la suite de l’analyse.

    15C’est le champ éthique du général auquel les collections font majoritairement référence (113 occurrences), devant celui du particulier (48 occurrences). La dimension universaliste est peu présente dans les discours, hormis chez M (avec 21 occurrences sur les 33 dénombrées), tandis que celle du singulier n’affleure qu’à titre ponctuel, et dans trois collections seulement (M, Hac et N).

    16Seule une analyse qualitative permet de tirer des enseignements sur le positionnement de chaque collection par rapport aux divers champs de l’éthique.

    Le positionnement des collections vis-à-vis des champs de l’éthique

    17Plutôt que des champs éthiques isolés, ce sont les passages de l’un à l’autre qu’il est important de saisir pour comprendre le positionnement des concepteurs. Nous reprenons à ce titre le schéma topique de Yoann Daumet pour montrer ces dynamiques à l’œuvre à travers quelques mots clés emblématiques que nous avons repérés.

    M : collection « Jardin des lettres »

    Figure 4. Répartition des champs de l’éthique dans les péritextes des manuels M du professeur

    18Chez M, c’est tout d’abord la tension entre le particulier (28 références) et le général (48 références) qui apparaît significative (voir la ligne supérieure de la figure 4). À travers la récurrence des mots « autonomie » et « émancipation », la formation de la personnalité est pensée comme une construction de l’autonomie par rapport aux valeurs du groupe d’appartenance. En voici quelques témoignages :

    […] cette mise en tension que nous avons aussi essayé de rendre perceptible car elle est bien réelle pour beaucoup d’enfants et d’adolescents d’aujourd’hui, entre besoin de protection et envie d’émancipation, entre réalité quotidienne et aspiration à une autre vie, et, pour beaucoup, entre deux cultures, celle des origines et celle de l’école. (LDP, M 5e, p. 27)

    […] comprendre que dire non n’est pas rejeter, mais s’affirmer, et que les relations affectives au sein de la famille passent par ce jeu d’équilibre entre des sentiments parfois contraires. (Id.)

    Or, ce lieu de jonction entre personnel et collectif, entre sentiments subjectifs et codes sociaux à respecter ou à enfreindre, c’est bien là le terrain où se joue le duel entre ses envies propres, souvent de l’ordre des sentiments, et ses engagements sociaux, par exemple au nom des lois familiales. (LDP, M 4e, p. 45)

    La figure parentale n’apparaît plus comme un modèle mais comme un « repoussoir » contre lequel l’enfant se révolte pour forger sa propre personnalité. (LDP, M 5e, p. 28)

    19Il ne s’agit pas seulement de profiter de la crise de l’adolescence pour donner en miroir aux élèves des conflits fictionnels entre l’individu, le groupe et ses règles. Il s’agit plus fondamentalement, grâce à la littérature, de permettre un élargissement de la conscience éthique quant aux échelles de valeurs possibles, pour que l’élève gagne en autonomie par rapport aux normes et valeurs de son milieu d’origine. À travers ces quelques exemples, qui encouragent la prise d’autonomie, on ne peut s’empêcher de penser que la question de l’emprise familiale voire du communautarisme est, en filigrane, dans l’esprit des concepteurs.

    20Le déplacement du champ de l’éthique du côté du général vise aussi à faire prendre conscience de la complexité du monde, pour développer une éthique de responsabilité, comme en témoigne l’extrait suivant :

    […] le problème de la responsabilité humaine face aux désastres écologiques […] En interrogeant le rapport de l’être humain à la nature, les élèves doivent en effet comprendre et anticiper les responsabilités humaines aujourd’hui. (LDP, M 5e, p. 92)

    À travers les notions d’engagement, de solidarité et d’exemplarité, le manuel tente de construire l’idée qu’il y a des sujets et des causes universels. Plus encore que celle du personnage, c’est la figure de l’écrivain qui joue le rôle d’opérateur pour cette prise de conscience.

    […] en parlant de ce « moi », chaque écrivain ou chaque poète parle aussi et avant tout de la condition humaine en général et ne se limite pas à son cas particulier. (LDP, M 3e, p. 19)

    […] faire le lien entre conviction individuelle et engagement politique. Les élèves sont ainsi amenés à comprendre l’ouverture universelle du discours sur soi. (Id.)

    Notre choix des extraits a donc porté sur des passages d’œuvre où trois valeurs essentielles étaient mises en valeur : la solidarité, la résistance par la culture partagée, le pouvoir de la pensée et de la réflexion. Jorge Semprun, Georges Perec, Anne Frank y sont largement présents, mais le choix de leur propos est celui, par-delà l’inhumanité de l’Histoire, de continuer à affirmer une parole d’humanité. (LDP, M 3e, p. 91)

    Sans occulter, en aucune façon, les catastrophes de l’Histoire, nous avons voulu transmettre aux élèves, à travers les paroles mêmes des écrivains, le message d’un humanisme contemporain, possible quoi qu’il arrive. (Id.)

    […] trouver avec autrui le seul rempart contre la barbarie : celui de la communauté humaine et de la fraternité. (Id.)

    21La collection M assume la défense d’une pensée universaliste, quitte à la désancrer de l’espace culturel national ou européen, en allant jusqu’à affirmer : « Ce sont bien des citoyens du monde que nous formons à l’école. » (p. 76)

    22La sphère du singulier quant à elle est beaucoup plus ténue. Nous avons déjà pointé plus haut quelques expressions tirées des LDP : « rencontre avec l’inconnu » permettant « une découverte de soi-même » (M 6e, p. 72), « faire sortir de soi, dans l’élan de la sincérité […] une pensée de conviction » (M 3e, p. 91) ; il y a ainsi comme l’idée de trouver le plus personnel à l’intérieur de soi. C’est tantôt un personnage, tantôt un orateur, à travers sa « présence vivante », qui sert d’opérateur vers cette prise de conscience. Ce qui est intéressant c’est que le LDP 3e tisse un lien avec la sphère éthique du général, en ajoutant : « [une pensée de conviction] qui prépare l’engagement de tout futur citoyen » (id.). Tout se passe ainsi comme si la découverte de sa propre singularité donnait de la force pour un engagement véritable en direction du collectif, médiatisé par l’universel. Autrement dit les concepteurs de la collection M esquisseraient là une boucle vertueuse entre les quatre champs de l’éthique.

    Hac : collection « Fleurs d’encre »

    Figure 5. Répartition des champs de l’éthique dans les péritextes des manuels Hac du professeur

    23Dans la collection Hac la couverture des champs de l’éthique peut rappeler celle présente chez M, à quelques différences significatives de contenu près. Tout d’abord il faut rappeler que les références à la formation de la personne sont deux fois moins nombreuses, ce qui est matérialisé dans le schéma ci-dessus par des flèches plus fines en ce qui concerne le passage entre les différents champs. La question de l’émancipation ou de la prise d’autonomie de l’individu par rapport au groupe d’appartenance est moins récurrente et il est plutôt question de « positionnement », de « complexité des relations au sein de la cellule familiale et de s’interroger sur les difficultés de la conquête de l’autonomie » (à propos de L’Avare, LDP, M 5e, p. 49). Le propos est plus tranché en revanche quand il s’agit de « [l]’expression du désir féminin par Shéhérazade, une affirmation de la féminité qui est transgression du statut de la femme dans les sociétés traditionnelles » (LDP, M 5e, p. 60) ou de la question du harcèlement sur laquelle le LDP de 3e insiste particulièrement (p. 73). L’agôn théâtral est présenté comme un affrontement entre personnages individuels qui ont des thèses opposées (LDP, M 3e, p. 85), sans que les enjeux collectifs soient évoqués. Par rapport à la collection M, l’accent est davantage porté sur l’éthique de responsabilité, que ce soit à propos des comportements sur les réseaux sociaux (LDP, M 5e, p. 88), de l’usage, la publication et la diffusion des informations (LDP, M 4e, p. 94), ou des applications des découvertes scientifiques (LDP, M 3e, p. 115). Une articulation est ménagée entre éthique de responsabilité et esprit critique (LDP, M 4e, p. 94 ; LDP, M 3e, p. 44). Enfin la dimension universaliste reste discrète. Les problématiques linguistiques, sociales, politiques, morales sont ainsi à « réinscrire » dans « une histoire de la pensée » (LDP, M 3e, p. 44). Malgré tout, à propos des œuvres théâtrales qui conduisent à « réfléchir aux différentes formes de pouvoir et aux postures possibles face aux idéologies » (LDP, M 3e, p. 85), il s’agit de « comprendre en quoi les textes littéraires dépassent le statut de document historique et pourquoi ils visent au-delà du témoignage et de la simple efficacité rhétorique à s’interroger sur les notions d’engagement et de résistance, et sur le rapport à l’histoire » (id.). À propos de l’écriture de soi en 3e, l’expression « s’interroger sur ses origines premières, sur son identité profonde » (LDP, M 3e, p. 9) approche la sphère du singulier, mais sans répercussion vers l’engagement collectif.

    N : collection « Terre des lettres »

    Figure 6. Répartition des champs de l’éthique dans les péritextes des manuels N du professeur

    24Dans la collection N, les discours introductifs n’insistent pas trop sur les tensions entre les sphères du particulier et du général. En revanche on insiste à plusieurs reprises sur la transmission d’un héritage civilisationnel : il s’agit par exemple de « mettre l’accent sur le personnage d’Ulysse comme héros et comme modèle, c’est-à-dire sur les valeurs de civilisation qui se dégagent d’une œuvre comme l’Odyssée » (N 6e, p. 53), ou encore de découvrir « différentes représentations du paradis et de l’enfer dans la mythologie grecque, puis dans la religion chrétienne et de comprendre les filiations entre ces cultures » (LDP, N 5e, p. 77). De même on peut lire dans le LDP 3e à propos du siècle des Lumières :

    Cette capacité à décentrer son regard pour élaborer une vision critique et amusée de la société est l’un des héritages les plus précieux que nous a légué le xviiie siècle et il est plus que jamais nécessaire de le transmettre aux nouvelles générations. (LDP, N 3e, p. 53)

    25Par ailleurs plusieurs expressions tendent vers une certaine essentialisation de l’homme éternel. L’invariant de la condition humaine est décrit à plusieurs reprises en termes d’ambivalence ou de double postulation, à l’instar de « la force universelle du dilemme qui déchire les héros » (LDP, N 5e, p. 45), du travail d’introspection réel ou fictif permis par le récit d’enfance : « quête nostalgique d’un paradis perdu ou évocation amère d’un enfer » (ibid., p. 16), ou encore de la « double postulation […] au cœur des interrogations sociétales » sur les progrès technologiques (N 3e, p. 101). D’un côté une postulation en bien vers une instance qui dépasse l’être humain :

    Ce chapitre offre donc une réflexion sur l’Homme et ce qui le caractérise : sa capacité à se remettre en cause et à apprendre (Huck se posant des questions morales face à l’esclave en fuite), à mobiliser des ressources inattendues (Jack London), sa vulnérabilité et son besoin de fraternité (Saint-Exupéry), son besoin d’idéal, d’exaltation (Rimbaud, Tesson). (LDP, N 5e, p. 35)

    26De l’autre l’évocation de forces obscures :

    Ces contes interrogent l’ambivalence de l’homme, chez qui la part bestiale n’est pas toujours loin, malgré toutes les couches de culture et de civilisation. (LDP, N 6e, p. 27)

    […] les monstres sont encore des forces primitives, des images des pulsions profondes qui menacent perpétuellement de ramener l’homme au chaos dont il est issu. (Ibid., p. 47)

    27La question du politique en vient presque à être évoquée elle aussi en termes de problème moral : « Ainsi les élèves sont-ils amenés à s’interroger sur les notions de liberté, de mal, sur l’essence du totalitarisme » (LDP, N 3e, p. 35). D’où une mise en garde contre une lecture politique de la poésie dite « engagée » : « cette expression restreint la lecture des textes, en leur imposant un sens politique ». Alors que, selon les concepteurs : « La poésie engagée n’a pas pour objet de fixer des conduites, ni de prescrire des bornes, mais plutôt de rappeler nos expériences humaines et nos raisons d’être. » (Ibid., p. 47)

    28Parallèlement les discours introductifs semblent tracer ponctuellement un cheminement du champ éthique du particulier vers celui du singulier, pour découvrir une forme de moi profond, dans une sorte d’accomplissement :

    Il s’agit d’aborder le récit de vie comme la trajectoire d’une vocation. Le choix des extraits s’est porté sur la narration de ces moments clés de la vie (découverte d’un secret, désillusion, victoire, interrogations adolescentes…) qui permettent l’émergence du moi. (LDP, N 3e, p. 7)

    Le cheminement du voyageur se double d’un cheminement intérieur, que nous nous efforcerons de mettre en évidence. (LDP, N 5e, p. 35)

    Ce thème met donc en jeu la question des apparences et, au-delà de celles-ci, la nature profonde des individus et ce qui fait leur valeur. (LDP, N 6e, p. 27)

    29Une phrase significative du LDP 3e esquisse même une sorte de nouage entre vision esthétique et conduite éthique, comme une phénoménologie du regard artistique sur le monde, à l’instar de ce qu’essaye de penser Marielle Macé :

    Ainsi la poésie n’est-elle pas juste un genre littéraire mais une manière d’être particulière qui fait place à l’observation et à une compréhension sensible du monde. (LDP, N 3e, p. 113)

    30À propos du positionnement des écrivains face au totalitarisme et de leur résistance face aux « idéologies simplificatrices », le LDP 3e écrit même : « En un siècle où l’Histoire s’est emparée de l’homme pour en proposer une vision hyper-réductrice, ces romanciers rappellent sans cesse que l’être humain échappe à tout déterminisme. » (p. 35) Ici s’esquisse comme dans la collection M une sorte de boucle entre le singulier, le général et l’universel.

    Rob : collection « Passeur de texte »

    Figure 7. Répartition des champs de l’éthique dans les péritextes des manuels Rob du professeur

    31À la différence des trois collections précédentes, ce qui est frappant dans les LDP Rob, c’est la quasi-absence de référence au champ éthique du particulier, a fortiori à celui du singulier. Tout porte très majoritairement sur la sphère du général et secondairement sur la conscientisation par les élèves de valeurs universelles. Ainsi la perspective de la collection est en grande partie historique et socioanthropologique. Il s’agit par exemple de « définir la notion de civilisation et sa valeur pour les Grecs » (LDP, Rob 6e, p. 39), de s’interroger, à travers le roman La Guerre du feu, « sur la naissance de la conscience et des sentiments chez l’homme, sur celle de l’art, et sur la transmission de l’expérience humaine » (LDP, Rob 6e, p. 84), de découvrir « différents récits de création provenant de cultures différentes » et « les conceptions du monde et de la nature dont ils sont porteurs » (LDP, Rob 6e, p. 105), d’aborder « les visions que se font différentes cultures de l’origine du monde » (id.). Les élèves pourront « étudier la société du Moyen Âge ou du xviie siècle afin de […] voir tout ce que recouvre la puissance : l’autorité du roi, des grands nobles, des riches financiers, du mari parfois » (LDP, Rob 5e, p. 10). En 4e, le chapitre « Les valeurs de la révolution dans le roman » est « propice à un travail en collaboration avec le professeur d’histoire. En effet, les élèves ont besoin de comprendre les concepts de nation, de patrie et de particularisme » (LDP, Rob 4e, p. 86). Il s’agit d’après les concepteurs de « comprendre la complexité de cette période et de la confrontation des valeurs, beaucoup moins manichéenne qu’on ne pourrait le penser » (id.). La question de l’actualisation est également récurrente dans les discours introductifs : il s’agit « d’établir des liens entre passé et présent, notamment de mieux comprendre comment les œuvres du passé éclairent notre actualité » (LDP, Rob 3e, p. 19) et d’« ouvrir les yeux des élèves sur des problématiques caractéristiques du monde où ils évoluent » (LDP, Rob 5e, p. 17).

    32Lorsque le champ éthique du particulier est évoqué, c’est à propos des tensions avec le groupe d’appartenance. Il est question de « favoriser une distanciation critique [des élèves] avec leur propre univers de référence » (LDP, Rob 3e, p. 16). En 5e, « les ambivalences dans les relations familiales et amicales […] sont questionnées de manière à mettre en lumière les difficultés des conflits intérieurs et des fidélités concurrentes ». Et lorsqu’est évoquée l’émancipation par rapport au groupe d’origine, c’est immédiatement en association avec le parcours citoyen :

    Le groupement sur le roman contemporain étudie la dimension générationnelle supposée du conflit des valeurs, pour la contredire. Mais il invite surtout les élèves à composer avec leur héritage familial et culturel dans une visée d’émancipation personnelle et l’optique d’un parcours citoyen. (LDP, Rob 4e, p. 19)

    33De fait, la question de la formation du citoyen apparaît à de nombreuses reprises dans les LDP de 4e et de 3e, articulée notamment avec la construction de l’esprit critique, par rapport à l’étude des médias et à la question du pouvoir :

    La place importante accordée à l’étude des médias s’inscrit aussi dans cette volonté de former des citoyens autonomes. Le chapitre qui y est consacré, tout en soulignant la nécessité de porter un regard critique sur l’information, rappelle la nécessité pour la démocratie du contre-pouvoir que sont les médias – en même temps qu’il enseigne aux élèves le rapport critique que l’on est en droit d’entretenir à leur égard. (LDP, Rob 4e, p. 19)

    34Dans la collection Rob, les normes et valeurs sont toujours, et avant tout, contextuelles. Les concepteurs peinent à ménager des passerelles vers l’universalisme par-delà la diversité des cultures. Quelques marqueurs, cependant, comme les expressions « principes éthiques valables pour tous » (LDP, Rob 3e, p. 82), « questions fondamentales » (LDP, Rob 6e, p. 39), « enjeux anthropologiques » (LDP, Rob 5e, p. 19), l’adjectif « universel » accolé à un sujet comme la nature (LDP, Rob 6e, p. 107), ou bien encore l’emploi générique de l’article défini dans les expressions « la civilisation humaine » ou bien « l’expérience humaine » (LDP, Rob 6e, p. 121) tentent un dépassement vers l’universalisme.

    B : collection « L’envol des lettres »

    Figure 8. Répartition des champs de l’éthique dans les péritextes des manuels B du professeur

    35La collection « L’envol des lettres » chez B partage avec la précédente la faible prise en compte du champ éthique du particulier et l’absence totale de quête d’un moi singulier et profond. Elle insiste en revanche davantage sur « les difficultés de la conquête de l’autonomie au sein du groupe ou contre lui » (LDP, B 5e, p. 119) et développe surtout un axe fort sur l’histoire des mentalités. Il s’agit d’ouvrir les textes à « des questions sur les valeurs d’époques et de sociétés différentes, selon les goûts et les aspirations des uns et des autres » (ibid., p. 19), de montrer par exemple comment au xvie siècle « la réalité perçue s’inscrit dans un imaginaire souvent merveilleux ou religieux qui témoigne du goût pour l’étrange, la différence, voire un idéal paradisiaque » (id.), de comprendre comment le point de vue d’un Huron comme l’Ingénu « témoigne aussi d’une civilisation plus directe, naturelle et spontanée » (id.), de « percevoir les enjeux du bestiaire fabuleux dans les mentalités médiévales » (ibid., p. 64), de cerner combien les figures de héros « sont révélatrices de chacune des civilisations dont elles incarnent les peurs et les rêves » (ibid., p. 91), etc. Dans l’ensemble des LDP on ne trouve pas de marqueur de l’universalisme, ce qui tendrait à en faire la collection potentiellement la plus relativiste du corpus.

    Synthèse des points communs et différences entre les discours éditoriaux introductifs

    36Des points communs entre ces différents discours éditoriaux apparaissent par-delà les collections. Il s’agit via la littérature de faire prendre conscience que le mouvement d’autonomisation de l’individu par rapport à son groupe culturel d’appartenance premier constitue une évolution légitime et souhaitable ; de transmettre un patrimoine culturel pluriséculaire riche d’enseignement sur l’humain ; d’avoir une conscience critique par rapport à certaines règles sociales ou certains modes de fonctionnement de la vie en société ; de développer une éthique de responsabilité en prenant conscience de la complexité des relations humaines et des organisations sociales. C’est à travers l’exemple de situations problématiques (réelles ou fictives), de personnages emblématiques et de parcours personnels d’écrivain que ces objectifs de formation sont visés.

    37Les collections éditoriales abordent néanmoins la formation de la personne selon des angles très différents. La collection M couvre les quatre champs de l’éthique, en insistant tour à tour sur le travail d’autonomisation de l’individu par rapport à son groupe d’appartenance, sur une nécessaire éthique de responsabilité face à la complexité des relations sociales et sur la notion d’engagement pour défendre des valeurs universelles. Le point de vue universaliste est assumé et n’est pas incompatible avec une quête intérieure de sa propre singularité, qui peut devenir une force dans un engagement personnel pour autrui.

    38La collection Hac couvre les quatre champs selon une approche moins dialectique et tendanciellement plus conciliante des tensions entre l’individu et le collectif. L’éthique de responsabilité est articulée avec l’esprit critique sur des thématiques sociétales précises. La présence de l’universalisme reste discrète et mesurée. Il n’y a pas de rétroaction de la quête de sa propre singularité sur l’engagement collectif.

    39La collection N semble l’héritière d’une conception substantialiste des valeurs, empreinte d’un certain spiritualisme. Elle propose de manière sous-jacente la vision dialectique d’une double postulation à l’intérieur de l’homme, qui peut rejoindre un certain manichéisme, et esquisse une trajectoire pour le développement personnel. Cette dimension est articulée avec la notion d’héritage civilisationnel, pensé dans un sens essentiellement moral et culturel, qui escamote les problématiques plus politiques. La quête de sa propre singularité a un effet rétroactif pour s’opposer à tout déterminisme politique et social.

    40La collection Rob vise à former une conscience citoyenne plus politique, en plaçant la focale sur la dimension sociohistorique, voire socioanthropologique, des enjeux collectifs représentés. Le champ éthique du particulier est très peu pris en compte. Les normes et valeurs sont toujours pensées dans leur contexte général de manifestation. Cette approche n’est pas pour autant relativiste, car le dépassement vers des valeurs universelles apparaît ponctuellement.

    41Enfin la collection B minore le champ du particulier et du singulier au profit du général, se focalise sur l’histoire des mentalités et les problématiques sociétales actuelles sans développer de point de vue universaliste, ce qui la rapprocherait tendanciellement d’une forme de relativisme socioculturel.

    42Pour autant, rappelons que ces observations sur les discours expositifs et justificatifs des livres du professeur ne préjugent en rien de ce qui sera effectivement développé et mis en œuvre dans les manuels eux-mêmes.

    Quel credo éducatif et idéologique ?

    43Nous allons examiner le positionnement éducatif et idéologique présent dans les discours introductifs à l’aune de cinq questions principales. Ces péritextes témoignent-ils d’une ouverture herméneutique ou d’une forme de guidage interprétatif ? Des leçons de vie sont-elles formulées et plus largement un effet pragmatique sur le comportement des élèves est-il espéré ? Les concepteurs s’intéressent-ils à la situation sociale de l’élève pour se donner une mission éducative ? Les péritextes portent-ils un discours particulier sur le rôle et la fonction de la littérature ? Enfin, formulent-ils des jugements à caractère idéologique sur la société et sur l’Histoire ?

    Ouverture herméneutique ou guidage interprétatif ?

    44De nombreux marqueurs comme les expressions « faire réfléchir », « s’interroger sur », « ébaucher une réflexion », « aborde des questionnements », « poser la question de », ouvrent sur une pluralité d’interprétations du texte et indiquent une approche non transmissive des valeurs : « réfléchir à l’aspect subversif d’une œuvre », « s’interroger sur le sens de ces tensions, de la conquête de l’autonomie pour soi-même », « réfléchir aux conséquences humaines de la guerre », « guider les élèves vers les débats de société actuels mais sans injonction morale, seulement à partir de leur propre sensibilité et dans une amorce de réflexion argumentée » (LDP, M 4e).

    45Inversement certaines expressions guident l’interprétation par des assertions prenant valeur de vérité générale :

    Les extraits proposés visent à montrer qu’une réputation se fait et se défait au gré des jeux de pouvoir, sans qu’à aucun moment la qualité de quelqu’un soit reconnue à sa juste valeur. (LDP, M 4e, p. 100)

    Chez Ovide, la métamorphose en loup de Lycaon sanctionne la transgression des règles par un comportement inhumain. Face à ces créatures destructrices et sans pitié, tel le Minotaure, le héros se dresse comme une figure civilisatrice, capable de ramener l’ordre et la paix. (LDP, N 6e, p. 47)

    Le monstre n’est rien d’autre que le visage donné à nos propres peurs et il incarne souvent, dans les récits antiques, les forces qui dominent les hommes et les écrasent. (LDP, M 6e, p. 18)

    46Nous avons comptabilisé pour chaque collection ces différents traits, ce qui fait apparaître les résultats suivants :

    Tableau 6. Traits d’ouverture herméneutique et de guidage interprétatif

     MHacNRobBHat
    Ouverture herméneutique40341313210
    Guidage interprétatif21118560

    47Les marqueurs d’une ouverture herméneutique sont majoritaires dans 4 collections sur 5 : de façon presque exclusive chez Hac ; dans une proportion environ trois fois supérieure aux énoncés assertifs et guidant chez Rob et B ; et en nombre deux fois supérieur chez M. Seule la collection N présente plus d’assertions à valeur de vérité générale sur les textes que de marqueurs d’ouverture herméneutique.

    Leçons de vie et effet pragmatique escompté

    48Il arrive que les introductions des LDP formulent des sortes de leçons de vie à partir des textes :

    Les apparences peuvent être trompeuses et constituent un piège. (LDP, M 6e, p. 18)

    On en retiendra plutôt l’idée que l’envie de réussir ne doit pas faire perdre son intégrité morale à celui ou celle qui démarre sa carrière ; que l’attrait de l’argent, de la réussite sociale, peut être un piège dont il est difficile de s’extraire et ne mérite pas qu’on y perde son âme. (LDP, M 4e, p. 100)

    […] aucun progrès n’est sans risque, science et éthique ne peuvent être dissociées sous peine de faire des découvertes de futurs dangers pour l’homme. (LDP, M 3e, p. 121)

    Ils nous montrent que chacun a droit à une pensée qui lui soit propre et a le pouvoir d’échapper à la pensée dominante de son époque. (LDP, N 3e, p. 35)

    49Parfois un effet pragmatique sur le comportement des élèves est même ouvertement escompté :

    Souhaitons que l’étude de ce thème […] conduise chaque futur citoyen à préférer le pardon à la condamnation, à choisir plutôt Monseigneur Bienvenu que Javert, afin que Jean Valjean puisse devenir Monsieur Madeleine. (LDP, M 4e, p. 45)

    À l’issue de ces lectures, débats, réflexions personnelles, nous espérons surtout que les adolescents apprendront à se poser des questions, à ne pas s’arrêter à des certitudes ni refuser le dialogue. (LDP, M 3e, p. 121)

    Le sujet « grandir entre deux cultures » vise à développer un esprit de tolérance : il intéressera les élèves issus de l’immigration et constituera pour les autres une ouverture à d’autres cultures. (LDP, M 5e, p. 27)

    Le manuel ne se borne pas à dénoncer des travers de la société mais engage les élèves dans une démarche positive de comportement en société […] il s’agit de réaliser une affiche contre le harcèlement scolaire et de défendre cette affiche. […] Ce projet oral vise à mobiliser les élèves contre le harcèlement scolaire. (LDP, Hac 3e)

    Former des lecteurs critiques, des utilisateurs compétents et avertis de la sphère médiatique en valorisant le développement de l’esprit critique. (LDP, Hac 4e, p. 94)

    50Voici par collection le décompte de ces traits :

    Tableau 7. Mentions de leçons de vie et d’effet pragmatique escompté

     MHacNRobBHat
    Leçons de vie2423100
    Effet pragmatique escompté830110

    51La collection M est celle qui s’autorise le plus une certaine posture moralisatrice et qui croit aux effets pragmatiques de l’enseignement de la littérature sur les comportements. Les autres collections sont beaucoup plus prudentes en la matière, même si on trouve aussi ponctuellement chez N quelques leçons de vie.

    Quelle prise en compte des élèves ?

    52Se décentrer en direction des élèves pour prendre en compte leur situation psychoaffective, culturelle et sociale dans un monde en mutation semble indispensable pour envisager une quelconque mission éducative. Mais est-ce le cas dans les discours des concepteurs ? S’intéressent-ils à la situation concrète des élèves dans le monde d’aujourd’hui ? Et si oui, quelle image de l’élève est alors construite en filigrane ? Voici quelques exemples de formules que nous avons retenues comme significatives :

    […] permettra aux élèves de réfléchir à leurs habitudes de consommation. Éprouvent-ils cette fièvre de consommer ? (LDP, B 4e, p. 114)

    Le poids de l’autorité paternelle au xviie siècle sera questionné et mis en parallèle avec l’expérience des élèves. (LDP, Hac 5e, p. 49)

    Les enfants issus de minorités ethniques ou ceux sujets à un handicap sont plus souvent victimes de harcèlement à l’école que les autres. (LDP, Hac 4e, p. 75)

    53Nous obtenons ainsi les résultats quantitatifs suivants en nombre d’occurrences :

    Tableau 8. Nombre de prises en compte explicites de l’élève

     MHacNRobBHat
    Prise en compte de l’élève1041630

    54Ce sont les discours éditoriaux relevés chez M et Rob qui évoquent le plus la situation des élèves. La majorité des collections (hormis N et Hat) évoquent les échos personnels que peuvent avoir les représentations de conflits familiaux ou amicaux. Hac insiste particulièrement sur le harcèlement (LDP, Hac 3e, p. 73). M pointe les situations de double culture des élèves issus de l’immigration (LDP, M 5e, p. 27). Dans le cadre de l’objet d’étude « Dire l’amour », il est fait mention également de l’éveil adolescent des émois amoureux et de l’enjeu de pouvoir exprimer ses sentiments (LDP, M 4e ; LDP, Hac 4e). Chaque collection évoque au moins une fois la figure de l’élève comme celle d’un être socialement « manipulable » (LDP, Hac 4e, p. 101) sous l’emprise de messages venant de toute part : « déferlement d’images non ou mal commentées » (LDP, M 5e), images publicitaires (LDP, N 3e), théories du complot sur les réseaux sociaux (LDP, Rob 4e), influence modélisante de la mode (LDP, B 3e). Certaines assertions peuvent brosser un portrait plus négatif : « des adolescents pour qui l’école, l’instruction, sont des dus » (LDP, M 4e, p. 45), « des élèves pour qui la tentation de la célébrité est sans cesse présente » (id.). Parfois, les concepteurs évoquent la difficulté des élèves à se sentir concernés par les textes et à faire le lien avec leur propre situation : « La notion d’idéal de société ou, à l’inverse, de totalitarisme, n’a que peu de réalité concrète pour eux » (LDP, M 3e, p. 91) ou encore dans Les Fourberies de Scapin, « un schéma assez sclérosé des relations parents/enfants [...] fera peut-être difficilement écho avec leurs propres représentations de la famille » (LDP, Rob 5e, p. 62). Notons que la collection Rob est la seule à faire référence dans ses discours à la culture privée des élèves, pour tisser un lien avec la culture académique :

    La 5e est la classe de la préadolescence et il nous a semblé important de faire une part à des codes culturels et des productions qui sont découverts à cet âge. Il s’agit de mettre en relation le savoir et la culture légitimes et des productions de la culture populaire pour faciliter l’entrée des élèves dans des œuvres complexes et leur proposer une vision réflexive des éléments de leur univers de référence. (LDP, Rob 3e, p. 128)

    55Il peut découler de la prise en compte de la situation de l’élève la revendication d’un engagement éducatif, en particulier concernant la prévention des risques encourus par les adolescents. La plus forte est sans doute celle du LDP Hac 3e contre le harcèlement scolaire, à travers un rappel à la loi, quitte à culpabiliser les acteurs :

    […] ne pas vouloir voir ou entendre, ne pas intervenir, se laver les mains des souffrances infligées à tel(le) camarade, c’est se rendre complice de faits graves qui peuvent entraîner des peines de prison. […] Le rôle des adultes, et donc des professeur(e)s, est d’éveiller les consciences, de briser la loi du silence, même si cela demande à tous un certain courage. (LDP, Hac 3e, p. 73)

    56On trouve également chez M les accents d’une mobilisation éducative particulière, cette fois-ci sur la question de l’égalité fille-garçon :

    Il appartient aux pédagogues de faire connaître des aventurières ou des pionnières que la tradition a peu mises en valeur. Des figures telles que celle de Marie Marvingt ou d’Alexandra David-Néel méritent l’admiration. La faire partager aux élèves est une bonne façon de contribuer à l’égalité filles-garçons. (LDP, M 5e, p. 71)

    Affirmation du rôle et de la fonction de la littérature

    57Les livres du professeur tendent parfois à développer un discours sur le rôle et la fonction de la culture littéraire et artistique. Tantôt celle-ci est présentée comme « une école de réflexion morale, sociale et politique, [sans laquelle] la formation de l’individu et du citoyen resterait incomplète » (LDP, Rob 4e, p. 17), tantôt elle a valeur d’exemplarité grâce à la découverte « des écrivains qui sont de véritables figures et dont la démarche, les choix de vie, le parcours peuvent être porteurs de valeurs » (LDP, M 5e, p. 19). La littérature peut représenter un garde-fou contre le moralisme, car s’attacher à certains personnages « autorise les bêtises par procuration, et fait vivre l’interdit aux lecteurs plus sages » (LDP, M 6e, p. 46), ou bien encore elle peut constituer un laboratoire prospectif :

    L’objectif est de montrer aux élèves la puissance créatrice de la littérature, son aptitude à faire progresser les hommes en libérant leur imagination, parfois bien avant que la science ne leur ait donné les techniques nécessaires à la réalisation de ce qu’ils ont imaginé. (LDP, Hac 3e, p. 128)

    58Ce sont les collections M et Hac qui adoptent le plus un point de vue métaréflexif sur le rôle social de la littérature.

    Tableau 9. Nombre de références au rôle et à la fonction de la littérature

     MHacNRobBHat
    Affirmation du rôle et de la fonction de la littérature631110

    Formulation d’un jugement sur la société et sur l’histoire

    59Certains jugements sur la société et sur l’histoire laissent-ils affleurer dans les discours introductifs une orientation idéologique ? La présence de traces en ce sens reste ténue et les collections veillent assez scrupuleusement à respecter un principe de neutralité. Il s’agit aussi sans doute de ne pas donner l’impression de développer pour la jeunesse une vision pessimiste du monde. Les occurrences que nous avons pu relever sont peu nombreuses.

    Tableau 10. Nombre de jugements portés sur la société et sur l’Histoire

     MHacNRobBHat
    Jugements sur la société et sur l’Histoire435300

    60M reste prudent pour éviter un excès de repentance à propos des grandes découvertes et de leurs conséquences coloniales :

    Dans une période où le repli sur soi est une menace intellectuelle et culturelle qui guette même les adultes, il nous a semblé important de faire comprendre que l’esprit de conquête ne recouvrait pas toujours de nobles causes mais qu’en revanche, l’envie de découvrir d’autres terres, d’autres façons de penser, de vivre, faisait partie de nos aspirations légitimes et que, depuis Ulysse, tous les hommes ne peuvent qu’aspirer à la découverte, que l’aventure soit sur terre, dans l’espace ou dans la pensée. (LDP, M 5e, p. 9)

    61Rob laisse échapper incidemment un parti pris très favorable à la Révolution française, « qui propose le modèle d’une nouvelle société plus juste et plus humaine », tout en invitant à l’interdisciplinarité avec l’histoire pour « comprendre la complexité de cette période et de la confrontation des valeurs, beaucoup moins manichéenne qu’on ne pourrait le penser » (LDP, Rob 3e).

    62La collection N laisse entrevoir ponctuellement une certaine éthique spiritualiste à travers quelques accents antimatérialistes et une référence à Pierre Rhabi à propos du rapport à la nature : ainsi « un éloge à la nature et à ses beautés, […] ouvre une voie pour rétablir un rapport poétique au monde, sans doute la meilleure voie pour une véritable écologie » (LDP, N 5e, p. 99), ou encore « l’auteur s’interroge sur la disparition du sacré et sur le surgissement d’une vision purement utilitariste de notre environnement » (id.).

    Synthèse sur le positionnement éducatif et idéologique

    63Nous synthétisons les analyses précédentes dans le tableau 11.

    Tableau 11. Synthèse sur le positionnement éducatif et idéologique

     MHacNRobBHat
    Ouverture herméneutiquefortequasi exclusiverésistiblemoyenneforte/
    Guidage interprétatifassumérefuséassuméoccasionneloccasionnel/
    Leçons de vienombreusesponctuellesponctuellesévitéesévitées/
    Effet pragmatiqueescomptéenvisagénon mentionnépeu envisagépeu envisagé/
    Situation de l’élèveconsidéréeenvisagéepeu envisagéeconsidéréeenvisagée 
    Mission éducativeaffirméeaffirméenon mentionnéenon mentionnéenon mentionnée/
    Pouvoir de la littératureaffirméaffirmépeu envisagépeu envisagépeu envisagé/
    Jugement sur la société et l’histoirediscretdiscretdiscretdiscretnon mentionné/

    Conclusion

    64La diversité des approches de l’éthique dans les différentes collections – du moins selon leurs discours expositif et justificatif – témoigne, tout en restant consensuelle, de la richesse de l’offre pédagogique pour la discipline des lettres. Il est plus inquiétant de constater qu’une des six collections du corpus (Hat) ne pense pas du tout l’enseignement de la littérature en articulation avec la formation de la personne. On souhaiterait malgré tout que chaque éditeur fasse en la matière un plus gros effort métaréflexif, à l’instar de celui fourni pour la collection M qui justifie tous les contenus qu’elle propose. On assiste à une conscience très inégale des enjeux éducatifs et de leur gravité dans le contexte de l’époque. La conviction dans le pouvoir de la littérature et de son enseignement pour la formation personnelle de l’élève apparaît variable elle aussi. La tendance de fond est à l’ouverture herméneutique contre toute tradition transmissive moralisante, avec des rapports variés au guidage interprétatif, qu’il soit refusé, évité ou partiellement assumé. Cela s’accompagne d’une approche majoritairement contextuelle et contingente des valeurs, ancrées dans la société et dans l’histoire, de telle sorte que l’ouverture vers l’universalisme est souvent limitée et prudente. C’est peut-être là du reste une surprise de ces résultats, de voir un tel retrait du credo universaliste républicain traditionnel. Par contraste, cela rend d’autant plus digne d’intérêt et de considération le cas de la collection M. Les discours de leurs concepteurs sont ceux qui apparaissent les plus engagés dans la formation de la personne. Ils envisagent tous les contenus littéraires ou presque selon cette articulation, couvrent tous les champs de l’éthique, ne dédaignent pas de recourir à un certain guidage interprétatif, assument de formuler des leçons de vie, croient en l’effet pragmatique de l’enseignement de la littérature et s’autorisent discrètement à donner un avis sur la société et l’Histoire. Par ailleurs, cela n’empêche nullement qu’ils soient largement et majoritairement ouverts sur le plan herméneutique et qu’ils soient peu tributaires d’une tradition moralisatrice a priori, qu’elle soit d’inspiration spiritualiste ou qu’elle relève d’une idéologie politique. Cette complétude nous semble tout à fait encourageante. Il y a là un engagement éducatif fort pour assumer un humanisme universaliste d’une manière à la fois consensuelle et équilibrée. Dans un contexte social alors marqué par le « repli identitaire » et les violences qui l’accompagnent, cette collection revendique d’avoir quelque chose à transmettre et à dire pour apporter des réponses aux questions que les élèves légitimement se posent sur les différents problèmes de la vie humaine. Reste à examiner ce qu’il en est dans les manuels eux-mêmes.

    Auteur

    • Nicolas Rouvière

      Université Grenoble Alpes/CNRS, Litt&Arts

      IdRef : 083336044

      Nicolas Rouvière est maître de conférences à l’INSPÉ de Grenoble, où il travaille sur les littératures dessinées et l’enseignement de la littérature par le questionnement éthique. Il a dirigé entre autres les ouvrages collectifs Bande dessinée et enseignement des humanités (Ellug, 2012) et Enseigner la littérature en questionnant les valeurs (Peter Lang, 2018).

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    L'auteur pour la jeunesse, de l'édition à l'école

    L'auteur pour la jeunesse, de l'édition à l'école

    Jean-François Massol et François Quet (dir.)

    2011

    Interagir et apprendre en ligne

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    Elke Nissen, Françoise Poyer et Thierry Soubrié (dir.)

    2011

    Bande dessinée et enseignement des humanités

    Bande dessinée et enseignement des humanités

    Nicolas Rouvière (dir.)

    2012

    Lire et relire Béatrice Poncelet, une entrée en littérature

    Lire et relire Béatrice Poncelet, une entrée en littérature

    Sylvie Dardaillon

    2013

    Refonder l'enseignement des langues anciennes

    Refonder l'enseignement des langues anciennes

    Le défi de la lecture

    Dominique Augé

    2013

    Littérature et conduite de classe

    Littérature et conduite de classe

    Trois études de cas

    Pierre Sève

    2014

    Écrire dans l’enseignement supérieur

    Écrire dans l’enseignement supérieur

    Des apports de la recherche aux outils pédagogiques

    Françoise Boch et Catherine Frier (dir.)

    2015

    Le temps de l’écriture

    Le temps de l’écriture

    Écritures de la variation, écritures de la réception

    François Le Goff et Véronique Larrivé

    2018

    Itinéraires pédagogiques de l'alternance des langues

    Itinéraires pédagogiques de l'alternance des langues

    L'intercompréhension

    Christian Degache et Sandra Garbarino (dir.)

    2017

    Ces lycéens en difficulté avec l’écriture et avec l’école

    Ces lycéens en difficulté avec l’écriture et avec l’école

    Marie-Cécile Guernier, Christine Barré-De Miniac, Catherine Brissaud et al.

    2017

    Le sujet lecteur-scripteur de l'école à l'université

    Le sujet lecteur-scripteur de l'école à l'université

    Variété des dispositifs, diversité des élèves

    Jean-François Massol (dir.)

    2017

    La lettre enseignée

    La lettre enseignée

    Perspective historique et comparaison européenne

    Nathalie Denizot et Christophe Ronveaux (dir.)

    2019

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    L'auteur pour la jeunesse, de l'édition à l'école

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    Jean-François Massol et François Quet (dir.)

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    Elke Nissen, Françoise Poyer et Thierry Soubrié (dir.)

    2011

    Bande dessinée et enseignement des humanités

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    Nicolas Rouvière (dir.)

    2012

    Lire et relire Béatrice Poncelet, une entrée en littérature

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    Sylvie Dardaillon

    2013

    Refonder l'enseignement des langues anciennes

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    Le défi de la lecture

    Dominique Augé

    2013

    Littérature et conduite de classe

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    Trois études de cas

    Pierre Sève

    2014

    Écrire dans l’enseignement supérieur

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    Des apports de la recherche aux outils pédagogiques

    Françoise Boch et Catherine Frier (dir.)

    2015

    Le temps de l’écriture

    Le temps de l’écriture

    Écritures de la variation, écritures de la réception

    François Le Goff et Véronique Larrivé

    2018

    Itinéraires pédagogiques de l'alternance des langues

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    L'intercompréhension

    Christian Degache et Sandra Garbarino (dir.)

    2017

    Ces lycéens en difficulté avec l’écriture et avec l’école

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    Marie-Cécile Guernier, Christine Barré-De Miniac, Catherine Brissaud et al.

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    Le sujet lecteur-scripteur de l'école à l'université

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    2017

    La lettre enseignée

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    Étudier une œuvre intégrale en bande dessinée au cycle 3 : quelles spécificités didactiques ?

    Nicolas Rouvière

    Le questionnement des valeurs dans les activités d’apprentissage de l’oral

    Nicolas Rouvière

    Sujets d’écriture et valeurs

    Nicolas Rouvière

    L’affichage de l’axiologie dans les pages-titres des chapitres

    Nicolas Rouvière et Aurélie Guitton

    Quels marqueurs linguistiques du questionnement des valeurs dans les manuels ?

    Nicolas Rouvière

    Le croisement des valeurs entre textes et lecteurs

    Nicolas Rouvière

    Conclusion générale

    Nicolas Rouvière

    Introduction de la deuxième partie

    Nicolas Rouvière

    Introduction de la première partie

    Nicolas Rouvière

    Introduction générale

    Nicolas Rouvière et Bénédicte Shawky-Milcent

    Le Facteur Rhésus, de Goscinny et Bretécher : un art de l’anti-portrait

    Nicolas Rouvière

    Lexique des valeurs et construction notionnelle

    Aurélie Guitton et Nicolas Rouvière

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    Nicolas Rouvière

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    Nicolas Rouvière

    Sujets d’écriture et valeurs

    Nicolas Rouvière

    L’affichage de l’axiologie dans les pages-titres des chapitres

    Nicolas Rouvière et Aurélie Guitton

    Quels marqueurs linguistiques du questionnement des valeurs dans les manuels ?

    Nicolas Rouvière

    Le croisement des valeurs entre textes et lecteurs

    Nicolas Rouvière

    Conclusion générale

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    Introduction de la deuxième partie

    Nicolas Rouvière

    Introduction de la première partie

    Nicolas Rouvière

    Introduction générale

    Nicolas Rouvière et Bénédicte Shawky-Milcent

    Le Facteur Rhésus, de Goscinny et Bretécher : un art de l’anti-portrait

    Nicolas Rouvière

    Lexique des valeurs et construction notionnelle

    Aurélie Guitton et Nicolas Rouvière

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    Rouvière, N. (2025). Le questionnement des valeurs dans les discours introductifs des livres du professeur. In N. Rouvière (éd.), Questionnement des valeurs dans les manuels de français (1‑). UGA Éditions. https://doi.org/10.4000/13fgy
    Rouvière, Nicolas. « Le questionnement des valeurs dans les discours introductifs des livres du professeur ». In Questionnement des valeurs dans les manuels de français, édité par Nicolas Rouvière. Grenoble: UGA Éditions, 2025. https://doi.org/10.4000/13fgy.
    Rouvière, Nicolas. « Le questionnement des valeurs dans les discours introductifs des livres du professeur ». Questionnement des valeurs dans les manuels de français, édité par Nicolas Rouvière, UGA Éditions, 2025, https://doi.org/10.4000/13fgy.

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    Rouvière, N. (éd.). (2025). Questionnement des valeurs dans les manuels de français (1‑). UGA Éditions. https://doi.org/10.4000/13fhp
    Rouvière, Nicolas, éd. Questionnement des valeurs dans les manuels de français. Grenoble: UGA Éditions, 2025. https://doi.org/10.4000/13fhp.
    Rouvière, Nicolas, éditeur. Questionnement des valeurs dans les manuels de français. UGA Éditions, 2025, https://doi.org/10.4000/13fhp.
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