III. Gilles Saussier en Roumanie, entre création et enquête
p. 61-82
Texte intégral
1De 1984 à 1989, Gilles Saussier a été membre de l’agence Gamma et a couvert de grands conflits internationaux, telles la guerre du Golfe et la révolution roumaine. Mais il s’est aujourd’hui éloigné du photojournalisme pour développer un travail artistique qui relève d’une forme documentaire, consciente de ses procédés et de ses enjeux, fondée sur la mise en relation de photographies, de textes et de documents – ces éléments étant assemblés dans des dispositifs qui exploitent l’espace du livre ou de l’exposition. Revendiquant une « pratique expérimentale et performative du documentaire1 », le photographe français rejoint, dans une certaine mesure, les préoccupations de l’artiste et théoricien américain Allan Sekula, qui milite pour réhabiliter le documentaire et sa portée politique dans le champ de l’art, à rebours des pratiques formalistes et autocentrées du modernisme2.
2Au fil de sa carrière, Saussier s’est rendu plusieurs fois en Roumanie. Le rapprochement des réalisations qu’il a rapportées de ses différents séjours, effectués entre 1989 et 2017, permet de mesurer l’écart qui sépare ses productions journalistiques de la démarche documentaire qu’il met aujourd’hui en œuvre. Des voyages répétés de Saussier, se dégage également un portrait nuancé de ce pays des Balkans, au service de l’évocation d’une identité territoriale complexe, faite de la coexistence d’éléments divers, de leur tension et continuelle recomposition. Le travail du photographe engage ainsi une réflexion sur les temporalités de l’histoire, telles que l’expérience itinérante permet de les appréhender, et la création de les tenir ensemble.
Pratiques journalistiques / démarche documentaire
3Les vues prises par le photographe en 1989, pendant la révolution roumaine, se présentent comme des témoignages réalisés « à chaud », qui furent diffusés dans les plus grands journaux. L’une d’entre elles – qui figure les soldats de l’armée roumaine tremblant sous les tirs de snipers nichés sur les toits – fut publiée dans Times et Paris Match et fit la couverture de Stern (figure 1) : elle valut à Saussier le troisième prix de la World Press Photo. En l’absence de texte d’accompagnement, cette image est difficile à décrypter : on ne sait trop qui tire et sur quoi… Selon le photographe, ce cliché montrant des militaires roumains menacés put contribuer à détourner l’attention des méfaits de l’armée3.
Figure 1. Gilles Saussier, Le Tableau de chasse, page 3

© Gilles Saussier, avec l’aimable autorisation du photographe
4D’autres vues, alors réalisées par Saussier en Roumanie, sont de celles qui déclenchèrent la polémique du « faux charnier de Timisoara4 » – qui devint l’emblème des dangers d’une croyance aveugle en la vérité de la photographie. En décembre 1989, des cadavres mutilés sont exhumés d’une fosse commune et le bruit court qu’il s’agit de victimes de la Securitate (police secrète du régime). Les corps sont photographiés et filmés par les journalistes internationaux ; les images sont diffusées par l’AFP et les médias occidentaux. La rumeur enfle, les chiffres s’emballent : on parle bientôt de 4632 victimes. La partie valant pour le tout, les vues de cadavres exhumés font office de preuves du massacre. La perception des images s’alimente d’un télescopage avec les mémoires du nazisme et du stalinisme. Le 23 décembre 2012, Libération titre : « Timisoara libérée découvre un charnier. » Les images de cadavres, réalisées par Saussier et d’autres reporters, tels Owen Franken ou Marc Sémo, sont reproduites dans les journaux, accompagnées de textes qui tendent à la surenchère. Ce n’est que trois semaines plus tard que des médecins roumains font savoir qu’il s’agissait en fait de personnes décédées de mort naturelle, enterrées dans une fosse commune. « Que s’est-il réellement passé à Timisoara ? » titre alors Libération. La rectification ne trouve toutefois pas le même écho que la fausse information.
5Depuis cette époque, Saussier est plusieurs fois retourné en Roumanie, revenant sur son expérience en tant qu’envoyé de l’agence Gamma. En 2010, il propose un ouvrage, Le Tableau de chasse, et une exposition éponyme5 – qui transcrivent ses voyages en Roumanie et mettent les images photojournalistiques en perspective. Dans l’espace du livre comme dans celui de l’exposition, Saussier conjugue images et souvenirs de 1989 avec des vues faites plus tard (entre 2003 et 2006). S’entrechoquent les époques correspondant à des déplacements successifs du photographe, de sorte que des éclairages différents et stratifiés se trouvent projetés sur le territoire et les événements dramatiques qui l’ont ébranlé : Le Tableau de chasse se présente ainsi comme un « Voyage feuilleté » – où la réflexivité joue un rôle important.
6Au côté de vues qui évoquent le passé gallo-romain ou la construction de la Colonne sans fin de Constantin Brancusi à Târgu Jiu (1938) sont reproduits les clichés de 1989. La couverture de Stern (8 janvier 1990), présentant le cliché de Saussier qui a été primé, apparaît au début du livre, tandis qu’une centaine de pages plus loin figure le plan moyen au sein duquel cette vue a été obtenue par recadrage : la fabrique d’une icône du journalisme se trouve de la sorte suggérée. Certaines images du « charnier de Timisoara » sont reproduites, ainsi qu’une page de Time Magazine (8 janvier 1990) incluant l’une d’entre elles ; puis vient un paysage de neige réalisé en 2005 (figure 2), dans le cimetière des pauvres où Saussier avait précisément photographié le 25 décembre 1989 les dix-neuf cadavres alignés ; un commentaire l’accompagne :
Depuis 2003, je suis souvent revenu dans ce cimetière. On continue à y creuser des fosses communes pour les indigents et les anonymes. Faute de témoins, ces mises en terre ne suscitent plus de commentaires. On meurt de froid, d’alcool, les jours ordinaires comme les jours de révolution6.
Figure 2. Gilles Saussier, Le Tableau de chasse, page 43

© Gilles Saussier, avec l’aimable autorisation du photographe
7Plus loin dans l’ouvrage, figure la reproduction d’une petite photographie en noir et blanc de Iordan Silviu Sebastian, tué par les tirs de l’armée, la nuit du 22 décembre 1989, alors qu’il n’avait que dix-neuf ans7.
8On attend du photojournaliste qu’il retienne un « instant décisif » à fort impact visuel. Une fois le cliché vendu, son auteur ne contrôle pas son utilisation, la puissance plastique de l’image s’avérant dès lors susceptible de conforter n’importe quel récit. La saisie prédatrice de la scène frappante – livrée ensuite aux usages qu’en font les médias – se trouve pointée par le titre même de l’œuvre : Le Tableau de chasse. Elle est également mise en cause, au sein de cette dernière, par plusieurs vues qui montrent des journalistes tirant à la carabine (figure 3) : « Ces portraits, à double détente, sont mes images de presse les plus littérales8 », commente Saussier. L’expression « le tableau de chasse » renvoie aussi à la peinture et à la manière dont cette dernière peut faire récit, grâce au choix d’un « instant fécond9 », selon les termes de Gotthold Ephraïm Lessing. C’est parfois encore le sujet même de la chasse qui est traité, de manière narrative, par les peintres…
Figure 3. Gilles Saussier, Le Tableau de chasse, page 27

© Gilles Saussier, avec l’aimable autorisation du photographe
9À rebours des photoreporters, en 2010, Saussier ne propose pas des instantanés isolés, mais un ensemble de photographies, de documents et de textes, articulés en un agencement concerté : la portée des images s’en trouve complètement modifiée. La reproduction des clichés faits pour Gamma voisine des photographies, réalisées en 2004 ou 2005, qui montrent des réalités quotidiennes, loin des vues frappantes que l’on peut faire mentir à l’envi. Sont par exemple présentés les ateliers de l’usine d’Elba, plus grande fabrique de phares et de luminaires du pays, connue pour s’être mise en grève dès les premiers jours de l’insurrection. Auprès d’ouvriers assis à leur poste de travail, Saussier a déposé un des trophées journalistiques qu’il a remportés ‒ les honneurs attribués au reporter célébrant dès lors le labeur industriel. Le photographe de commenter : « Le reporter comme ouvrier modèle du stakhanovisme médiatique. La mise en présence de l’ouvrière et du trophée (le phallus du reporter). L’action de déposer les armes à la manière des chefs de guerre vaincus10. » Saussier renverse ici la posture prédatrice du photojournaliste, ouvrant un espace de réciprocité avec ses sujets, comme il avait pu le faire précédemment dans certaines œuvres réalisées au Bangladesh11. Dans un entretien, il déclare : « Parce qu’ils risquent leur vie, beaucoup de reporters s’adjugent la liberté de photographier à leur guise et de se montrer durs envers ceux qu’ils photographient12. » Dans Le Tableau de chasse, il s’agit au contraire « de désactiver les dispositifs de pouvoirs attachés [aux] images de Roumanie pour restituer l’espace confisqué à l’usage commun13 ». L’œuvre inclut également une séquence de photographies présentant la salle de dessin anatomique de la faculté d’art de Timisora. On y voit des cadavres exposés sur des tables, des squelettes destinés à l’enseignement, des vues de crânes projetés sur écran : « Utiliser les morts et ignorer leur nom participerait donc de l’apprentissage de l’art14 », commente Saussier. Cette réflexion concerne aussi le photojournalisme.
10Le retour du reporter sur ses propres pas en Roumanie se fait déconstruction des pratiques du journalisme, des relations de pouvoir qu’elles instaurent, de la manière dont elles privilégient la reconnaissance sur le marché des médias au détriment des faits. Pour Saussier, Le Tableau de chasse est « un projet d’archéologie de [ses] propres images d’actualité15 ». Une logique marchande impose au photojournalisme le principe d’une histoire immédiate, d’une transcription des faits qui paraît exempte d’intermédiaires, prélevée au cœur même des événements. Ainsi le reporter tend-il à naturaliser les faits mis en image, alors que les clichés de presse sont des réalisations à historiciser, à resituer dans un ensemble et à envisager avec recul : ce ne sont pas des reflets des événements, mais les conséquences de leurs propres conditions de production. Saussier rappelle qu’« une photographie de presse est […] le résultat d’une série d’opérations pratiques16 » dont il est nécessaire de connaître « les arrière-plans économiques et statutaires17 ». Selon lui, les vues de reportage promettent « un concentré de signification historique, alors qu’elles sont [en fait] des condensés iconographiques18 », qu’elles « répètent des images du passé » en satisfaisant au « cahier des charges de magazines occidentaux19 ». D’une telle pratique, Saussier s’est détourné à partir de 1994, s’intéressant à des sujets moins sensationnels et construisant des formes documentaires expérimentales, empreintes de réflexivité : au spectacle, il préfère maintenant la création de dispositifs qui donnent à réfléchir.
Le portrait concerté d’un territoire hybride
11Dans Le Tableau de chasse, la reproduction des clichés de 1989 voisine des photographies qui évoquent bien d’autres aspects de la vie roumaine. Plusieurs vues faites à l’usine Electrobanat d’Elba représentent les gigantesques presses qui servent à emboutir les pièces métalliques ou encore des ouvriers au travail. Pendant la période où elle fut sous domination soviétique, la Roumanie a connu un important développement industriel20 et la récurrence, dans l’œuvre, des images de cette usine vient traduire l’importance de ce secteur économique. Sont également montrées les ruines d’Ulpia Traiana Sarmizegetusa, colonie romaine fondée par Trajan dans la province de la Dacie (figure 4) : la Roumanie, comme tous les territoires des Balkans, a appartenu à l’Empire romain et les vestiges en sont nombreux ; au xixe siècle, le pays tend d’ailleurs à redécouvrir son origine latine et à cultiver activement la mémoire de ce passé. Les photographies de Saussier figurent également des danses folkloriques ou des toitures vernaculaires (figure 5) : si elles renvoient à des traditions et à des héritages vivants, il est loisible de penser que ces images signent aussi la manière dont le « national communisme21 » de Ceauşescu s’est appuyé sur la célébration des coutumes et des racines du pays. Certaines photographies montrent encore un chantier de fouille récemment découvert à Timisoara ; le commentaire qui les accompagne – « Les archéologues dataient les tombes du Moyen Âge, mais ne pouvaient dire si elles étaient chrétiennes ou musulmanes » – rappellent la diversité caractéristique du peuplement des Balkans où ethnies, langues et religions n’ont cessé de s’entremêler et de se chevaucher. L’hétérogénéité intrinsèque du territoire, correspondant à toute une stratification de facteurs intérieurs et extérieurs, se donne à lire au travers des images et de leur agencement. Le champ de forces qui constituait l’arrière-plan des événements de 1989, dominant l’actualité, se voit réévalué dans Le Tableau de chasse. Comme en un kaléidoscope, une identité complexe et nuancée est ramenée au-devant de l’attention : l’enchevêtrement des influences et les heurts qui ont façonné ce pays des Balkans s’imposent à l’attention du lecteur/spectateur.
Figure 4. Gilles Saussier, Le Tableau de chasse, page 11

© Gilles Saussier, avec l’aimable autorisation du photographe
Figure 5. Gilles Saussier, Le Tableau de chasse, page 131

© Gilles Saussier, avec l’aimable autorisation du photographe
12En 2018, Saussier propose une nouvelle œuvre – Spolia – qui résulte également de ses voyages en Roumanie. Là encore, livre et exposition se présentent comme deux actualisations distinctes d’un même travail, doté de « variabilité22 ». La disposition, le « display » selon l’expression employée par le photographe, permet l’engagement des éléments réunis dans un espace qui s’avère à même de les activer et de les dialectiser23. « Spolia » désigne, dans le vocabulaire de l’architecture, le « remploi de matériaux et d’éléments d’anciens édifices dans de nouvelles constructions24 ». L’œuvre réutilise, de fait, des vues réalisées auparavant, comme de nombreux restes du passé. Le pays a par ailleurs été victime de spoliations, à différents moments de son histoire. Ce titre couvre donc sémantiquement un large spectre de possibles.
13Cette nouvelle réalisation se présente comme un Voyage en Roumanie dont l’itinéraire suit les étapes de la fabrication de La Colonne sans fin de Constantin Brancusi (érigée en 1938). Le photographe explore l’arrière-pays minier où les énormes volumes de fonte, destinés à constituer l’édifice, ont été coulés, en amont du défilé du Jiu au travers duquel ils furent ensuite transportés jusqu’au lieu de l’érection du monument. À partir de la mine de Petrila (située dans les Carpates, en Transylvanie), Saussier suit l’itinéraire de la rivière jusqu’à Târgu Jiu où La Colonne se trouve aujourd’hui disposée en un ensemble monumental avec La Table du silence, l’Allée des sièges et La Porte du baiser. Sur la deuxième de couverture comme dans l’espace d’exposition, une carte sommaire permet de comprendre la topographie de la région.
14Ce parcours géographique s’accompagne d’un retour sur un temps fort de l’histoire de l’art moderne comme sur le monde industriel des années 1930. La mine plonge dans le sous-sol obscur, quand la colonne de Brancusi s’élance dans la clarté du ciel : l’une se donne comme le « négatif » de l’autre, et Saussier se saisit de cette métaphore photographique pour échafauder l’ensemble de son œuvre, construite sur le battement d’images positives en couleur, entourées de marges blanches, et de vues négatives en noir et blanc présentées sur fond anthracite. Des blocs compacts de texte, écrits par le photographe, font contrepoint aux images, participant d’un agencement complexe : Saussier ne se présente pas comme un simple « opérateur » réalisant des prises de vues, mais comme le « concepteur » du livre et de l’exposition. Le balancement du noir et du blanc scande l’œuvre, lui procurant une forme de vie interne (figure 6).
Figure 6. Gilles Saussier, Spolia, page 27

© Gilles Saussier, avec l’aimable autorisation du photographe
15La colonne – sorte de pilier constitué d’éléments répétitifs – fut un élément récurrent dans l’œuvre de Brancusi, pendant plus de vingt années. En 1925, il finit de sculpter dans un fût de chêne une mince colonne composée de neuf modules égaux en forme de rhomboïdes – qui fut exposée au jardin des Tuileries en 1926. Une version plus imposante (de sept mètres de haut, formée de deux modules entiers et deux demi-modules) est ensuite placée dans le jardin du photographe Edward Steichen, à Voulangis dans la région parisienne. Depuis 1903, Brancusi vit en France : l’historien Paul Garde souligne que, de longue date, les pays des Balkans ont connu une importante émigration25. En 1937, Brancusi reçoit, du ministère roumain, la commande d’un édifice à la mémoire des victimes civiles et militaires de la Première Guerre mondiale26. Il se rend alors à Târgu Jiu, où il repère un lieu pour l’érection d’une colonne constituée de quinze éléments et deux demi-éléments (à sa base et à son sommet) – ce qui lui confère une allure d’inachèvement. Chaque module mesure 180 cm et la hauteur de l’ensemble est de 29,35 mètres. Les blocs de métal sont fabriqués en septembre 1937 dans les ateliers centraux de Petrosani, en amont de la rivière, non loin de Petrila, par des ouvriers des mines. Ils sont ensuite transportés, dans des conditions difficiles, à travers le défilé du Jiu.
16Selon Saussier, « [o]n remarque très peu d’écrits sur la fabrication de la colonne sans fin, son difficile transport à travers le défilé du Jiu. Les conditions matérielles de production des œuvres ou des images n’intéressent pas toujours les historiens de l’art27. » Il apparaît donc que l’occultation des conditions concrètes de la production des objets affecte l’art comme le photojournalisme et, dans une certaine mesure, Spolia se présente comme le pendant à cet égard du Tableau de chasse : dans les deux cas, il s’agit d’engager un récit qui déjoue l’autonomie des productions pour les replacer dans le contexte de leur genèse, au sein des conditions matérielles et politiques qui ont permis leur avènement, afin de les « re-historiciser ». Cette entreprise déporte l’artiste roumain du côté de ses origines et rapproche son œuvre de l’industrie, puisqu’il est rappelé que des ouvriers et des ingénieurs des mines prirent part à sa réalisation. En écho aux propos de la théoricienne américaine Rosalind Krauss qui se montrait très critique à l’égard de l’autonomie de la sculpture moderne par rapport au lieu28, le photographe relie l’œuvre de Brancusi à un espace géographique, en transcrivant sa procédure de fabrication ; symboliquement, il resitue les racines de l’œuvre en Roumanie29.
17Saussier photographie ainsi les ateliers de Petrosani et les bâtiments (douches, vestiaires, lampisterie, etc.) de la mine voisine de Petrila ; un cliché frontal montre une ouvrière machiniste, chargée du mouvement de la cage du chevalement permettant la descente au fond des mineurs (figure 7). Au côté des vues de la mine telle qu’elle se présente aujourd’hui, le texte rappelle l’activité industrielle des années 1940-1950, à l’heure du stakhanovisme et des répressions massives. Saussier évoque aussi les « Minériades » de 1990, quand des milliers de mineurs descendirent le défilé du Jiu, à l’instigation d’Ion Iliescu (qui succéda à Ceauşescu) pour prendre d’assaut les universités, les sièges des journaux et les locaux d’opposition, participant de la sorte au maintien de ceux qui s’étaient emparés du pouvoir.
Figure 7. Gilles Saussier, Spolia, page 36

© Gilles Saussier, avec l’aimable autorisation du photographe
18Dans Spolia, figurent également des vues du défilé du Jiu, pentu et encaissé, qui fut emprunté par « les vingt-neuf tonnes de La Colonne en septembre 193730 », en chemin vers la ville où le monument devait être érigé (figure 8). Ces photographies voisinent des fragments de la correspondance de Brancusi avec l’ingénieur chargé de ce transport. Le texte croise l’évocation de la construction de la ligne ferroviaire qui perça les gorges en 1949 à celle du Château des Carpates de Jules Verne (1889). Le passage de Nikita Khrouchtchev en gare de Petrosani (1962) est rappelé par la présentation d’images d’archive. Non loin, des photographies faites par Saussier montrent des artéfacts ordinaires : ruches, meules, fragments d’architecture ; etc. On sait que, si La Colonne hiératique et pure de Brancusi ouvrait la voie de la modernité, elle empruntait aussi aux formes vernaculaires des constructions roumaines. Toute une culture matérielle se trouve en tout cas convoquée par les images. Aux lieux s’accrochent des pratiques et des événements stratifiés dans le temps, qui reviennent grâce à la perception d’indices ou encore par association. Cette mémoire collective, ancrée dans l’espace que parcourt le voyageur, s’avère constitutive d’une identité hybride et complexe, tramée de heurts et d’évolutions.
Figure 8. Gilles Saussier, Spolia, page 77

© Gilles Saussier, avec l’aimable autorisation du photographe
19L’attention se porte aussi sur la ville actuelle de Târgu Jiu où se dresse aujourd’hui La Colonne. La triste biographie de l’artiste André Cadere (qui a quitté la Roumanie en 1945) est rappelée, tandis que des photographies montrent des paysages ruraux et des objets vernaculaires. C’est ailleurs l’intérêt des compositeurs Béla Bartók et Zoltán Kodály pour les musiques populaires qui est convoqué, les deux hommes ayant jeté les bases d’une ethnomusicologie moderne en Europe centrale. Comme le souligne Paul Garde, les habitants des Balkans se caractérisent par la très forte conscience d’appartenir à une ethnie ; nulle part, dans cette région du globe, les frontières des États ne coïncident avec celles du peuplement31 : la mention des deux ethnomusicologues le rappelle. Non loin de cette référence touchant au domaine de la culture, Saussier évoque l’explosion de méthane qui se produisit dans la mine d’Uricani en février 2011. L’hétérogénéité chronologique et thématique des réalités convoquées est patente : c’est par bribes, par touches fragmentaires que la Roumanie se trouve peu à peu portraiturée et dotée de ressources naturelles, de paysages, de traditions ou d’activités économiques. Un hommage est rendu à de grands écrivains, victimes du stalinisme, tels Ion Desideriu Sîrbu ou Ossip Mandelstam. Les références littéraires côtoient l’évocation des traditions populaires et de l’industrie ; le folklore voisine les drames politiques, la société contemporaine rencontre le passé tel qu’il irrigue le présent.
20Au travers de ses Voyages roumains, Saussier explore un territoire. Son œuvre se nourrit des rencontres vécues, du dépouillement d’archives, de la lecture de livres – dont plusieurs sont portés en notes. Si la démarche prend la forme d’une enquête échelonnée dans la durée, les dispositifs de restitution adoptés permettent la mise en relation des éléments collectés, de façon à les faire rétroagir les uns avec les autres. La croyance en une « objectivité » de la représentation photographique ne paraît plus de mise ; les images apportent des informations qui doivent être croisées avec d’autres éléments (textuels ou relevant de l’archive) afin d’entrer dans la constitution d’une machinerie concertée qui conduit le spectateur à construire sa propre interprétation. Bertolt Brecht fait observer qu’une photographie des usines Krupp ou AEG ne dit presque rien de la réalité des relations de production32 et que la construction d’un dispositif avouant son artificialité s’avère plus efficace pour témoigner des faits. Le texte est en particulier nécessaire pour faire contrepoint aux images, identifier des éléments, articuler des raisonnements. Selon Susan Sontag, « [u]ne photographie étant simplement un fragment, son impact émotionnel et moral dépend de l’ensemble dans lequel elle va s’insérer33 ». Allan Sekula – dont Saussier se réclame – revient à maintes reprises sur la dépendance de la photographie à l’égard de son contexte34 ; pour l’artiste et théoricien américain, toute prise de vue est caractérisée par sa discontinuité et son incomplétude – d’où la nécessité d’articuler les images entre elles, de les mettre en espace et de les combiner avec des éléments langagiers ou archivistiques.
21Dans les œuvres de Saussier, les voisinages et les espacements ménagés s’avèrent déterminants. L’exposition propose un parcours au visiteur qui passe d’un document à l’autre et relie pour ainsi dire physiquement les éléments combinés. Dans les livres, la mise en page ordonne les différents constituants, organise les images pour qu’elles puissent, en collaboration avec les mots, donner prise au développement d’une réflexion. Entre les ingrédients assemblés, il y a du « jeu », comme on le dit en mécanique, et le récepteur s’empare de cette marge de manœuvre pour penser. Face à des dispositifs qui ne livrent pas de prime abord un « contenu » évident et qui résistent à la détermination d’une signification, il est contraint d’adopter un comportement actif de décryptage, à l’instar d’un enquêteur : il poursuit de la sorte le travail amorcé par Saussier sur le terrain35.
Temporalités de l’histoire
22À l’époque contemporaine, le fonctionnement des médias s’est accompagné d’un « retour de l’événement36 », alors que, sous l’impulsion de Lucien Febvre et de Marc Bloch, les historiens s’en étaient écartés. Cependant, l’approche du territoire livrée par Saussier, au travers de ses Voyages, se présente aux antipodes d’une saisie du réel dans l’immédiateté du présent (requise par le photojournalisme). Le portrait de la Roumanie qu’il propose induit une attention portée aux méthodes mobilisées – qui dialectisent la présentation des faits et irriguent une pensée de l’histoire. Le Tableau de chasse ou Spolia problématisent, somme toute, la manière dont un territoire peut être appréhendé, dans une épaisseur de temps.
23L’importance de l’histoire se trouve thématisée au sein de chacune des deux œuvres. Dans Le Tableau de chasse, Saussier raconte comment, en 1989, lorsqu’il voulait se rendre à Timisoara, au début de l’insurrection roumaine, il s’est fait passer pour un étudiant en archéologie. Cette mention peut paraître anecdotique mais, à l’orée d’une œuvre dont l’auteur veut faire une « archéologie » de son propre travail, elle sonne comme une troublante coïncidence. Saussier relate qu’il a alors prétendu vouloir visiter les ruines d’Ulpia Traiana Sarmizegetusa, mais que la police l’a immédiatement reconduit à la frontière. Quand il retourne en Roumanie en 2005, il visite ces vestiges romains, dont il réalise des images qui figurent dans Le Tableau de chasse. L’archéologie fait retour au sein de cette œuvre avec la présentation d’un chantier de fouilles situé à Timisoara, non loin du lieu où les cadavres furent exhumés en 1989, une excavation renvoyant à l’autre. Dans chacune de ces opérations de fouille, il s’agit de dégager des restes, des traces à partir desquels tenter de reconstruire le passé, selon le paradigme indiciel défini par Carlo Ginzburg37.
24Le Tableau de chasse fait, par ailleurs, la part belle aux monuments susceptibles de perpétuer le souvenir d’un événement : des sculptures commémorant la révolution roumaine sont photographiées ; des images de La Colonne, réalisée à la mémoire des victimes tombées lors de la défense de la ville de Târgu Jiu en 1916, figurent dans Le Tableau de chasse et dans Spolia. Dans cette seconde œuvre, l’évocation de l’activité minière signe une plongée dans les profondeurs de la terre qui métaphorise une descente dans le passé. Lorsqu’il se rend en Roumanie, Saussier semble de fait conjuguer une avancée horizontale, dans l’espace, à la traversée des différentes strates temporelles, au gré des indices que lui livre le territoire. Comme il a été dit, la mine obscure apparaît comme le négatif de La Colonne qui s’élève dans la lumière, et cette métaphore relie la fabrication du monument de Brancusi au processus photographique. Le battement du négatif et du positif – qui rythme Spolia – renvoie à la dialectique de l’histoire, telle qu’elle vient pulser dans cette région des Carpates.
25À l’espace est attachée toute une épaisseur de temps, mais l’histoire ne se donne pas de manière linéaire, puisqu’elle est faite des survivances d’un passé tumultueux au sein du territoire38, qui coexistent et tissent entre elles des rapports obliques. À partir de son parcours, de la région minière de Petrila jusqu’à Târgu Jiu, sur les traces de La Colonne, Saussier fait ressurgir une évolution de près d’un siècle, par bribes anachroniques, offertes à de perpétuelles dérives, selon une temporalité presque liquide. Cohabitent des images qui renvoient à des activités paysannes ou industrielles, impliquant de longues durées, et des vues d’archives qui attestent d’événements ponctuels : visite de Nikita Kroutchtchev à la gare de Livezeni en 1962, banquet de Pâques à l’église Santa Barbara, etc. Les Voyages de Saussier semblent réveiller des épisodes passés dont les rythmes diffèrent, mais dont les restes voisinent dans le présent, de sorte que la société roumaine paraît tissée de fils de calibres et de longueurs variés, qui cohabitent.
26Le Tableau de chasse ou Spolia découlent de déplacements répétés ; ce sont des projets pris dans la durée, qui induisent une réarticulation des faits les uns avec les autres, selon des changements de perspective qui se sont opérés progressivement. Le genre du récit de voyage invite au feuilletage des expériences vécues sur les mêmes lieux par le sujet itinérant, et plus largement de tous les événements qui restent accrochés aux sites, comme si la « mobilisation » (au sens de « mise en mouvement ») dans l’espace s’accompagnait d’une « mobilisation » dans le temps.
27Le récepteur va et vient (au sein du livre ou de l’exposition) pour ausculter les photographies, lire les textes, regarder à nouveau les images, élaborer questionnements et hypothèses. Le montage des mots et des vues instaure des espaces de circulation et des cassures, des sensations d’incomplétude et des échos. Toute facilité de lecture se trouve drastiquement refusée par Saussier : ni esthétisation, ni évidence sémantique ne sont de mise, ces travaux se situant au confluent de plusieurs héritages : le photoreportage, l’enquête telle qu’elle est pratiquée en sciences humaines et sociales, mais aussi l’art conceptuel qui a su problématiser le statut du document et amener à penser des protocoles et des dispositifs complexes. Il faut en tout cas du temps pour décrypter les œuvres de ce photographe. À la durée nécessaire à leur élaboration répond donc celle qui est requise pour leur examen et leur interprétation. La nature parcellaire des informations livrées se fait également invitation à la poursuite d’une recherche passant par la documentation, la lecture d’articles de presse sur la révolution roumaine, d’ouvrages sur Brancusi ou de textes de Bartok sur les musiques populaires, etc. La relative résistance des dispositifs iconotextuels proposés incline à un prolongement de l’enquête entamée par Saussier, mais restée sans fin, à l’instar de La Colonne de Brancusi.
28Le patchwork d’éléments mis en regard renseigne sur la Roumanie, son histoire, ses culture(s), les faits politiques qui l’ont troublée… Le pays semble croiser des réalités hétérogènes étroitement intriquées qui interagissent. Comment appréhender l’espace sans prendre en compte la dimension temporelle ? Comment penser l’abstraction de Brancusi sans la relier aux motifs d’une architecture vernaculaire ancienne ou à l’activité industrielle qui a permis sa confection ? Tout semble se tenir. Les œuvres de Saussier prennent ainsi valeur spéculative, invitant à une réflexion sur une épistémologie de l’histoire. On ne peut espérer reconstituer les faits passés tels qu’ils sont advenus ; engagé dans le temps, l’historien doit, comme l’indique Jacques Le Goff, se « mettre lui-même en cause dans son processus d’analyse, tout comme un observateur scientifique tient compte des modifications qu’il apporte éventuellement à l’objet de son observation39 ». Les faits révolus ne peuvent être conçus qu’à partir du présent et des traces qu’ils ont laissées : le sujet contemporain s’en fait l’interprète, à partir de la situation qui est la sienne.
29Chaque photographie est insuffisante et partiale : c’est en faisant dialoguer les images entre elles que l’épaisseur du temps et la dialectique des faits deviennent sensibles. Les agencements proposés par Saussier sont habités d’attractions, de manques, de résistances qui traduisent la complexité du cours des événements, dans leur volume propre et leur polyrythmie. Selon le photographe, « […] le temps de l’histoire n’est pas celui d’un bain médiatique pris en commun, mais la coïncidence dans tout événement de régimes de temporalités distincts et parallèles40 ». Ses œuvres font comprendre, da façon concrète, la manière dont les événements passés prennent une signification les uns à la lumière des autres. Les faits paraissent également pris dans la réalité incontournable des lieux, qui permettent de remonter le fil, inclinent à une lutte contre l’oubli, les sites étant hantés d’une pluralité de mémoires qui s’entrecroisent.
30Le Tableau de chasse et Spolia éveillent ainsi une conscience de la posture qui a été celle de leur auteur face aux sites et aux événements. Ces œuvres font ressentir que le photographe, comme l’historien, ne se situe pas hors du temps qu’il relate, mais à l’intérieur de celui-ci. « Je suis dans l’histoire aux côtés de ceux que je photographie, je ne suis pas au-dessus d’eux41 », déclare Saussier. L’espace laissé entre les images, et entre les images et les mots, propose un équivalent sensible de cette situation d’immersion, qui s’accompagne d’une liberté de mouvement. L’histoire s’offre ainsi comme continuel travail de réinterprétation des traces, dans un milieu au sein duquel le sujet peut se glisser. C’est cette entreprise tâtonnante, dans une épaisseur de temps intriquée à l’espace, que les œuvres de Saussier donnent à penser.
31Pour le voyageur, le passé et le futur se donnent quasiment comme des modalités du présent, prises dans une expérience spécifique, faite de simultanéité et de polyrythmie. Les dispositifs élaborés par Saussier tendent à faire vivre au spectateur cet entremêlement des temporalités, sous la forme d’une expérience qui advient dans le moment de la découverte des œuvres. Celles-ci le conduisent à porter attention aux différents écheveaux de temps, qui se croisent et se côtoient dans l’espace, loin de toute linéarité ; elles font ressortir les ruptures, les failles et les accidents, mais aussi la longue durée que ponctuent les événements.
32Le Tableau de chasse et Spolia livrent le portrait d’un territoire hybride où coexistent des restes gallo-romains, l’empreinte de la domination soviétique, des objets ou des constructions vernaculaires, les symptômes de traditions profondément implantées et d’obédiences religieuses diverses, des sites industriels et des paysages montagneux, etc. Le pays des Balkans – que constitue la Roumanie – se donne comme un espace de diversités, de tensions et de mouvements : à cette approche travaille indubitablement la forme des œuvres élaborées par Saussier qui exploitent l’hétérogénéité de leurs composants et les possibilités de recomposition infinie que celle-ci autorise.
Notes de bas de page
1G. Saussier, « Gilles Saussier. Pour un documentaire expérimental », entretien avec Étienne Hatt, dans La Photographie. 3. (Post-)documentaires, Paris, Artpress, 2016, p. 90.
2A. Sekula, « Défaire le modernisme, inventer le documentaire : notes sur une politique de la représentation » [1976-1978], dans A. Sekula, Écrits sur la photographie, 1974-1986, Paris, Beaux-Arts de Paris Éditions, 2013, p. 143-174.
3G. Saussier, Le Monde, 8 avril 2010, https://www.lemonde.fr/culture/article/2010/04/08/les-palmes-ameres-de-gilles-saussier_1330629_3246.html [consulté le 27 août 2021].
4Voir Le Monde diplomatique, 21 décembre 2009, https://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2009-12-21-Timisoara [consulté le 27 août 2021].
5G. Saussier, Le Tableau de chasse, Cherbourg-Octeville, Le Point du jour, 2010.
6Ibid., p. 42-43
7Ibid., p. 77.
8Ibid., p. 29.
9G. E. Lessing, Laocoon ou Des frontières respectives de la poésie et de la peinture [1766-1768], Paris, Klincksieck, coll. « L’esprit et les formes », 2011.
10G. Saussier, Le Tableau de chasse, ouvr. cité, p. 54-55.
11G. Saussier, Living in the fringe, Paris, Figura, 1998 ; Studio Shakhari Bazar, Cherbourg, Le Point du jour éditeur, 2006.
12Voir le site du photographe : http://www.gilles-saussier.fr/textes/retourner-l-actualite.html [consulté le 29 août 2021].
13G. Saussier, « Gilles Saussier. Pour un documentaire expérimental », entretien avec Étienne Hatt, art. cité, p. 93.
14G. Saussier, Le Tableau de chasse, ouvr. cité, p. 98.
15Voir le site du photographe : http://www.gilles-saussier.fr/textes/retourner-l-actualite.html?lang=fr [consulté le 29 août 2021].
16Ibid.
17Ibid.
18Ibid.
19M. Guerrin, « Des photographes s’interrogent sur reportage et vérité », Le Monde, 1er juin 2000, p. 34.
20H. Bogdan, Histoire des pays de l’Est [1991], Paris, Perrin, coll. « Tempus », 2008, p. 435-494.
21C. Durandin, Histoire des Roumains, Paris, Fayard, 1995.
22D. Méaux, « Des œuvres aux allures de constellation », dans C. Buignet, A. Favier et C. Nosella (dir.), Variabilité, mutations, instabilité des créations contemporaines, Aix-en-Provence, Presses Universitaires de Provence, 2021, p. 35-46.
23G. Saussier, « Le display, l’art du moindre geste », dans N. Pugnet et A. Vasseux (dir.), Faire étalage : displays et autres dispositifs critiques, Nîmes, École supérieure des Beaux-Arts de Nîmes, 2019, p. 211-221.
24G. Saussier, Spolia, Cherbourg-Octeville, Le Point du jour, 2018, p. 3.
25P. Garde, Les Balkans. Héritages et évolutions, Paris, Flammarion, coll. « Champs Actuel », 2010, p. 20.
26À l’issue de la Première Guerre mondiale, la Roumanie (qui appartenait au camp des Alliés) enlève à l’Autriche-Hongrie la Transylvanie, le Banat et la Bucovine : elle augmente donc considérablement son territoire national.
27G. Saussier, « Gilles Saussier. Pour un documentaire expérimental », entretien avec Étienne Hatt, art. cité, p. 95.
28R. Krauss, « La sculpture dans le champ élargi », dans R. Krauss, L’Originalité de l’avant-garde et autres mythes modernistes, Paris, Macula, 1993, p. 11-27.
29Échange de l’auteur avec Gilles Saussier, le 4 avril 2021.
30G. Saussier, Spolia, ouvr. cité, p. 72.
31P. Garde, Les Balkans. Héritages et évolutions, ouvr. cité, p. 23-39.
32B. Brecht, « Le procès de L’Opéra de Quat’sous. Expérience sociologique » [1931], dans B. Brecht, Sur le cinéma. Écrits sur la littérature et l’art 1, Paris, L’Arche, 1970, p. 171.
33S. Sontag, La Photographie [1973], Paris, Seuil, coll. « Fiction & Cie », 1979, p. 122.
34A. Sekula, « Sur l’invention du sens en photographie » [1974], dans A. Sekula, Écrits sur la photographie, 1974-1986, ouvr. cité, p. 67-97.
35D. Méaux, Enquêtes. Nouvelles formes de photographie documentaire, Trézélan, Filigranes Éditions, 2019, p. 222.
36P. Nora, « Le retour de l’événement », dans J. Le Goff et P. Nora (dir.), Faire l’histoire 1. Nouveaux problèmes [1974], Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1986, p. 285-308.
37C. Ginzburg, « Traces. Racines d’un paradigme indiciaire », dans C. Ginzburg, Mythes, emblèmes, traces : Morphologie et histoire [1986], Lagrasse, Verdier, coll. « Poche », 2010, p. 218-294.
38Voir à cet égard W. Benjamin, « Sur le concept d’histoire » [1940], dans W. Benjamin, Écrits français, présentés par J.-M. Monnoyer, Paris, Gallimard, coll. « NRF », 1991 ; M. Bloch, Apologie pour l’histoire ou le métier d’historien [1949], Paris, Armand Colin, 1997.
39J. Le Goff, « Histoire », dans J. Le Goff, Histoire et mémoire, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1988, p. 224.
40G. Saussier, « Gilles Saussier. Pour un documentaire expérimental », entretien avec Étienne Hatt, art. cité, p. 95.
41Ibid.
Auteur
Université de Saint-Étienne, Laboratoire ECCLA
ORCID : 0000-0002-0392-9320
IdRef : 057556261
Danièle Méaux, spécialiste de la photographie contemporaine et de ses valeurs documentaires, est professeure des universités en esthétique & sciences de l’art (photographie) à Saint-Étienne. Elle a écrit La Photographie et le temps (1997), Voyages de photographes (2009), Géo-photographies. Une approche renouvelée du territoire (2015), Enquêtes. Nouvelles formes de photographie documentaire (2019) et Photographie contemporaine & anthropocène (2022). Elle a aussi publié Anatomie d’une ville avec Guillaume Bonnel en 2020 et Saint-Étienne : grammaire de formes, avec Eric Tabuchi, Guillaume Bonnel et Jordi Ballesta en 2021. Elle a publié récemment Quand la photographie pense la forêt (Filigranes, 2024). Elle est rédactrice en chef de la revue en ligne Focales.
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