1Le droit a toutes sortes de points communs avec les ingénieries climatiques. Tout d’abord, il se lit au pluriel (droit local, national, international, régional, transnational, de source formelle et matérielle, droit dur, droit mou, droit de ceci ou droit de cela, etc.), tout comme les ingénieries climatiques. Ensuite, il est également le fruit de technologies – en l’occurrence juridiques – conçues par l’homme et destinées, à l’instar des ingénieries climatiques, à diriger, corriger, orienter, accompagner les évolutions de notre environnement. Enfin, il se plaît lui aussi à faire système ou à faire science, si l’on accepte l’expression en droit, en se construisant autour d’une organisation la plus cohérente possible de la connaissance.

2Cette proximité entre le droit et les ingénieries climatiques est source de liaisons que l’on peut qualifier de dangereuses. Les ingénieurs du climat peuvent être tentés de croire que le sauvetage de la planète dépend d’un tout technologique, porté à son paroxysme par la figure de la technosphère. En miroir, les juristes peuvent être fascinés par cette dimension technologique des ingénieries climatiques, au point d’en oublier leur capacité à construire leur propre monde doté d’une rationalité juridique propre.

3L’ouvrage ici proposé parvient, nous semble-t-il, à déjouer ce double piège. Il prend le temps de questionner le sens des ingénieries climatiques (voir la partie « Décrypter le sens des options technologiques destinées à “sauver le climat” »). Il évalue de manière critique l’impact potentiel de ces technologies sur les constructions du droit et leur cohérence (voir la partie « Interroger la cohérence du cadre juridique des ingénieries climatiques par les techniques ou par les milieux »). Il réintroduit à leur propos une dimension proprement juridique, à travers les droits humains (voir la partie « La nécessité d’une approche par les droits humains »).

4Ce cheminement en trois étapes pose, en définitive, la question centrale de la capacité du droit à appréhender l’objet « ingénieries climatiques ».

5La réponse consiste, au premier chef, à considérer que, si le droit existant n’arrive pas à saisir de manière satisfaisante tel ou tel aspect de cet objet, il faut chercher à l’améliorer pour l’avenir.

6Mais il y a aussi une autre manière de recevoir les nombreuses et très riches analyses proposées dans ce travail de recherche. Le droit qui échoue dans l’appréhension des ingénieries climatiques, nous aide également à comprendre comment, sur cet objet nouveau et complexe, le droit se construit. Or, cette construction tient aussi bien aux réussites qu’aux échecs du droit.

7À nous juristes de savoir prendre tout le recul nécessaire pour essayer d’en proposer une lecture d’ensemble qui seule permet de prendre l’exacte mesure du droit, compris avant toute chose comme un phénomène.

8À n’en pas douter, cet ouvrage ne peut que nous y aider.