Chapitre 4
Dumas père et fils collectionneurs
p. 67-92
Texte intégral
1Plus qu’un autre écrivain – Baudelaire excepté –, Dumas a été sensible aux arts plastiques : tout au long de sa vie il s’est efforcé de vivre en confraternité avec les peintres ses amis, Louis Boulanger, Eugène Giraud, Godefroy Jadin, fréquentant les ateliers, visitant le Salon, entraînant ses amis peintres dans ses voyages, se constituant d’éphémères collections dans lesquelles dominait son admiration sans borne pour Delacroix. Il a su transmettre cet amour à son fils, qui a compté parmi les collectionneurs majeurs de la seconde moitié du xixe siècle.
Dumas père, « dans l’art jusqu’au cou »
2Préfaçant en 1892 le catalogue d’une des ventes de tableaux appartenant à Dumas fils1, Charles Yriarte2 avance cette idée qui me servira de guide dans l’essai de portrait que je me propose d’exécuter des Dumas père et fils en collectionneurs.
3Quand on étudie, écrit-il, les origines de ce penchant vers les arts plastiques, et en particulier vers la peinture, de Dumas fils, on a le droit de parler d’atavisme. Le fils avait de qui tenir :
[…] ce fut le digne héritier de son père en cette matière. […]
Son père n’avait ni le temps, ni l’immobilité, ni l’argent mignon nécessaires pour acheter des œuvres d’art avec suite, et surtout pour les garder ; mais il vivait dans l’art jusqu’au cou, […] et montrait un tendre pour les passionnés et les épiques.
Il a eu très peu de tableaux et s’en est défait avant l’heure, mais il avait choisi des chefs-d’œuvre3.
4Et de citer le passage célèbre de Mes Mémoires dans lequel Dumas raconte comment, le 30 mars 1833, il avait lâché ses amis peintres et sculpteurs avec la mission de décorer en vingt-quatre heures un des appartements au troisième étage du 40, rue Saint-Lazare, où devait se dérouler le soir même le bal masqué demeuré fameux dans les annales artistiques :
Pendant que Grandville, tout autour des chambranles, faisait grimper des insectes dans les fleurs, David d’Angers, Antonin Moine et Barye pétrissaient de la terre glaise pour improviser des lustres, Decamps, sur un grand panneau en largeur, faisait passer un Don Quichotte suivi d’un Sancho Pança, chevauchant dans un champ de blés mûrs, et Eugène Delacroix, commentant les vers du poète, peignait un Boabdil vaincu fuyant Grenade :
Le Roi sans royaume allait
Froissant l’or d’un chapelet4…
Un homme de moins de génie et de plus de prévoyance eût soigneusement découpé sur les murs ces improvisations brillantes signées des grands noms de son temps, il les eût soigneusement encadrées en attendant l’heure de la justice, et il les eût converties en rentes pour sa vieillesse. Tout cela a fini par tomber en loques ; sauf le Boabdil, racheté à la vente du père par le fils et qui figure chez lui à la place d’honneur5.
5En effet, la vie vagabonde de Dumas père lui a interdit, sinon de rassembler, du moins de conserver une collection. La seule œuvre qui demeure, de 1833 jusqu’à sa mort, et, peut-on même dire, jusqu’à la mort de son fils, c’est Le Roi Rodrigue, détrempe sur papier, 1,92 x 0,95 m. Le tableau figure dans l’« Inventaire après décès » de Dumas père – du no 107, boulevard Malesherbes : « Salon […] Un tableau de Delacroix prisé cent quatre-vingts francs ci. 180 francs6 ». Dumas fils hérite du tableau qui constitue le lot 34 de sa vente du 12 mai 1892 ; racheté pour 5 500 francs, il fait partie de la vente après-décès de Dumas fils, le 2 mars 1896 (lot 14), où il atteint 3 000 francs. Mis en vente par Arthur Cheramy7, le 5 mai 1908 – ce collectionneur avait participé à l’inventaire après décès de Dumas père –, mais invendu, il est acquis à la vente suivante du même Cheramy (15 avril 1913, lot 34), par M. de Blive, pour 9 000 francs, lequel le céda à la Kunsthalle de Brême en 1914 (inventaire : 178), où il est aujourd’hui exposé.
6Dumas père a possédé d’autres Delacroix, assurant dans ses Mémoires : « Ce fut dans cette période de prospérité […] que Delacroix fit son premier Hamlet, son Giour, son Tasse dans la prison des fous et Marino Faliero. / J’ai acheté les trois premiers8 ». L’histoire de Hamlet et les fossoyeurs est inconnue. Émile Deschanel, dans « Une soirée chez Alexandre Dumas [c’est-à-dire : à Bruxelles, au 77, boulevard de Waterloo9] » le décrit succinctement : « Hamlet causant avec Horatio dans le cimetière et tenant le crâne du pauvre Yorick […] ». « J’ai [au 77 rue d’Amsterdam], écrit par ailleurs Dumas en 1855, un Hamlet que Delacroix, je ne sais pourquoi, n’a pas redemandé pour l’Exposition10. » Ce Hamlet de Dumas pourrait être le tableau de la vente Vauzelle que l’écrivain aurait acheté, à son retour de Florence (1843 ou 1844), lorsqu’il emménagea dans son nouvel appartement au 45, rue de la Chaussée d’Antin.
7Le troisième tableau de Delacroix acheté par Dumas père est donc Le Tasse dans la prison des fous (Le Tasse dans l’hôpital de Sant’Anna de Ferrare, 50 x 61 cm) dont l’histoire est connue : il a été peint en 1824 pour M. Formé, acheté par A. Dumas chez Susse, place de la Bourse, vendu à Étienne Arago qui le revendit à Susse, racheté par A. Dumas qui le revendit à M. Petit, marchand d’étoffes, racheté à ce dernier par Dumas fils qui le revendit à M. Delaroche, marchand de curiosités, pour le compte de Khalil-Bey (vente du 28 mars 1865, no 2 : 14 000 francs). C’est sans doute à cette dernière vente que doit être rattaché ce billet de Dumas à son fils qu’on peut dater des environs du 10 novembre 186611 :
Oui tu as raison — ton envoi est tombé du ciel ; si bien tombé du ciel que, quoi que tu en dises, je ne lui vois pas d’autre source.
Si ce n’est Torquato Tasso.
Si la chose vient de lui je le reconnais pour le plus grand poète qui ait jamais existé12.
8Le troisième tableau de Delacroix est le Combat du Giaour et d’Hassan (59,6 x 73,4 cm), dont Dumas donne cette description dans Le Mousquetaire : « C’est le commencement du combat, c’est le fait qui correspond à ces mots : / « Malheur à toi, amant de la perfide Leïla ! maudit Giaour13 ! »
9Dumas a sans doute, momentanément, possédé d’autres œuvres de Delacroix. Lee Johnson, dans son monumental The Paintings of Eugène Delacroix. A Critical Catalogue (6 vol.), recense quelques toiles qui auraient pu lui avoir appartenu, sans arguments très solides :
- La Reine Christine et Sentinelli (1844/1845), 33,5 x 41 cm, aujourd’hui à Artemis and Marlborough Fine Art, Londres
- Christ en croix (1845), 0,37 x 0,25 m, aujourd’hui, au Museum Boijmans Van Beunongen de Rotterdam
- Marie-Madeleine à l’Ange, 32,7 x 24,7 cm, aujourd’hui dans la Collection Oskar Reinhart, à Winterthur, et « [q]ui a appartenu à son fils » tableau exposé, à l’occasion de la réouverture du théâtre de l’Odéon sous la direction de Bocage, le 16 novembre 1845, dans le foyer du théâtre : « une Madeleine défaillante soutenue par un ange, et un Christ sur l’arbre de douleurs qui, pour le désordre de la touche et le strapassé du dessin, se rapproche des Tiepolo les plus bizarres et les plus extravagants14. »
- Indien armé d’un criss, 40,7 x 32 cm, aujourd’hui à la Kunsthaus de Zurich. « On dit que Delacroix a peint une copie de ce tableau pour Alexandre Dumas après le Salon [de 183115]. »
10Par ailleurs, Alexandre Dumas lui-même atteste qu’il a possédé, donnés par Delacroix, « plus de trente » dessins du peintre :
J’ai eu quelques soirées dans lesquelles j’ai réuni les sommités artistiques de l’époque. Hugo, Méry, Murger, comme poètes ; Liszt, Vivier, Batta, comme musiciens ; Rachel, Mme Ugalde, Duprez, comme artistes ; Delacroix, Boulanger, Giraud, comme peintres.
Les musiciens jouaient du piano, de la basse, du cor, du violon ; les chanteurs chantaient ; les poètes improvisaient ; les peintres dessinaient et, parmi ces derniers, Delacroix, avec acharnement.
Si j’avais gardé, au lieu de les donner ou de me les laisser prendre, les dessins qu’il faisait à la plume, j’en aurais plus de trente. Presque toujours, c’étaient le nu et l’antique qu’il abordait. Un jour, nous nous amusâmes à créer un steeple-chase entre Delacroix et Méry, ces deux immenses facilités.
Delacroix donna des bouts-rimés à faire à Méry.
Méry donna un sujet à dessiner à Delacroix.
Le sujet du dessin donné par Méry était Hercule étouffant Antée. […]
S’il n’était arrivé de ce dessin, ce qui arrive chez moi de toute chose ayant une valeur, si ce dessin n’avait point disparu, je vous le montrerais, et vous y retrouveriez la première pensée de sa peinture du plafond de l’Hôtel de Ville, Hercule étouffant Antée […].
Quelque temps avant sa mort, Delacroix se souvint que c’était chez moi qu’il avait fait son premier croquis d’Hercule étouffant Antée, et, en mémoire de la soirée du steeple-chase, il m’apporta cette esquisse16.
Je t’autorise à vendre L’Antée le plus cher possible mais cependant pas à un prix infini – attendu que j’ai sur ce tableau 200 francs à rembourser à un bon ami à moi demeurant 36 avenue de Neuilly.
21 avril [1866]17
11D’autres tableaux ont orné les murs des domiciles successifs de Dumas père. La présence de ces toiles est avérée : un Decamps, un Slingenever à Bruxelles, un Boucher à Monte-Cristo18, un dessin de Fromentin boulevard Malesherbes.
12L’une des manifestations les plus frappantes de cette proximité de Dumas père et des peintres, c’est son désir réitéré, lors de ses voyages, de se faire accompagner d’artistes, peintres ou photographes, dont la fonction serait d’illustrer l’ouvrage que le voyage se devrait économiquement d’engendrer : Geoffroy Jadin en Italie et dans sa circumnavigation de la Sicile ; Louis Boulanger, puis, à partir de Madrid, Eugène Giraud et Desbarroles dans son périple en Espagne et en Afrique du Nord ; Moynet en Russie et au Caucase ; Le Gray et Édouard Lockroy lors de son départ pour l’Orient.
13Et, si aucun peintre ne participe aux excursions sur les bords du Rhin, une lettre à Adrien Dauzats rend compte de cette absence : « Je me fie à ce que vous m’avez dit que vous aviez dans vos cartons tous les bords du Rhin, aussi je n’achète aucune vue, au reste tout cela est plus beau de sa beauté poétique et traditionnelle que de sa beauté réelle19. » Ces beaux projets n’auront guère de suite : seules quelques gravures de Giraud illustreront l’édition originale du Véloce.
14Autre champ de proximité entre Dumas et ses peintres : le théâtre. Alexandre Dumas père a demandé à ses amis peintres les décors et les costumes de ses drames historiques, en particulier lorsqu’il était l’âme du Théâtre-Historique. Le plus productif de ces artistes décorateurs fut sans doute Eugène Giraud, que son goût pour le théâtre conduisit à fournir des croquis pour les costumes et les décors, par exemple ceux de L’Ambitieux de Scribe, d’Angelo, tyran de Padoue de Hugo, de plusieurs pièces de Dumas, soit à la Comédie-Française, soit au Théâtre-Historique : Charles VII chez ses grands vassaux, Caligula, Les Demoiselles de Saint-Cyr, Une fille du Régent, Les Mousquetaires, Monte-Cristo, La Guerre des femmes. Dumas le considérait comme l’« un de [ses] meilleurs amis » :
Giraud […], en fait de qualités acquises, sait énormément. Comme don naturel, il a reçu la lumière, l’esprit, la facilité d’exécution ; mais justement cette grande habileté de main qu’il possède lui ôte un peu de la conscience et du sentiment de l’homme qui cherche et surtout de l’homme qui doute. Giraud sait si bien, Giraud voit si bien, qu’il lui est impossible de douter lorsqu’il commence. Il ne doute que lorsqu’il a fini. Alors, il va trop loin, il méprise. Nous lui avons vu jeter dans des coins de son atelier des choses charmantes que nous eussions bien voulu avoir dans un coin de notre salon20.
15C’est dans L’Art et les artistes contemporains au Salon de 1859 que Dumas père inscrit ce jugement sur son ami Giraud. Ce Salon de 1859, on le sait, fut l’occasion pour Baudelaire de vanter la justesse critique de l’auteur des Mousquetaires :
Croyez-vous que l’auteur d’Antony, du Comte Hermann, de Monte-Cristo, soit un savant ? Non, n’est-ce pas ? Croyez-vous qu’il soit versé dans la pratique des arts, qu’il en ait fait une étude patiente ? Pas davantage. Cela serait même, je crois, antipathique à sa nature. Eh bien, il est un exemple qui prouve que l’imagination, quoique non servie par la pratique et la connaissance des termes techniques, ne peut pas proférer de sottises hérétiques en une matière qui est, pour la plus grande partie, de son ressort. Récemment, je me trouvais dans un wagon, et je rêvais à l’article que j’écris présentement […] quand je vis, traînant sur un coussin voisin, un numéro égaré de L’Indépendance belge. Alexandre Dumas s’était chargé d’y faire le compte rendu des ouvrages du Salon […]. Vous pouvez deviner quelle fut ma joie quand je vis mes rêveries pleinement vérifiées par un exemple que me fournissait le hasard. Que cet homme, qui a l’air de représenter la vitalité universelle, louât magnifiquement une époque qui fut pleine de vie, que le créateur du drame romantique chantât, sur un ton qui ne manquait pas de grandeur […] le temps heureux où, à côté de la nouvelle école littéraire, florissait la nouvelle école de peinture : Delacroix, les Devéria, Boulanger, Poterlet, Bonington, etc., le beau sujet d’étonnement, direz-vous ! C’est bien là son affaire ! […] Mais qu’il louât spirituellement Delacroix, qu’il expliquât nettement le genre de folie de ses adversaires, et qu’il allât plus loin même, jusqu’à montrer en quoi péchaient les plus forts parmi les peintres de plus récente célébrité ; que lui, Alexandre Dumas, si abandonné, si coulant, montrât si bien, par exemple, que Troyon n’a pas de génie et ce qui lui manque même pour simuler le génie […] trouvez-vous cela aussi simple ? Tout cela, sans doute, était écrit avec ce lâché dramatique dont il a pris l’habitude en causant avec son innombrable auditoire ; mais cependant que de grâce et de soudaineté dans l’expression du vrai ! Vous avez fait déjà ma conclusion : si Alexandre Dumas, qui n’est pas un savant, ne possédait pas heureusement une riche imagination, il n’aurait dit que des sottises ; il a dit des choses sensées et les a bien dites, parce que… (il faut bien achever) parce que l’imagination, grâce à sa nature suppléante, contient l’esprit critique21.
16À de nombreuses reprises, Dumas a mis son imagination au service de la peinture dans sa monumentale Galerie de Florence, qui s’ouvre par une « Histoire de la peinture depuis les Égyptiens jusqu’à nos jours » et dont un certain nombre de notices ont été reprises dans Italiens et Flamands :
Cependant l’amour de la peinture n’est pas un amour heureux, car « la peinture et la poésie ne sont pas sœurs. »
C’est que la peinture est égoïste.
La poésie décrit un tableau, elle n’aura jamais l’idée d’y rien changer, d’en altérer les lignes, d’en transformer les personnages.
La peinture traduit la poésie, elle ne s’inquiète ni des traits arrêtés, ni des costumes traditionnels, ni des contours tracés par la plume.
Plus le peintre sera grand et individuel, plus la traduction s’éloignera de l’original […].
À l’heure qu’il est, il est impossible qu’un poète et un peintre jugent de la même façon […].
Voilà pourquoi le peintre peut apprécier le poète au point de vue de la poésie.
Voilà pourquoi le poète n’appréciera jamais le peintre au point de vue de la peinture22.
Dumas fils à contre-courant
17Dumas fils vit lui aussi en familier des peintres, en particulier avec Adrien Dauzats à qui son père le confie – quand règne la mésentente entre son fils et Ida Ferrier sa marâtre. Je ne citerai qu’un billet d’Alexandre Dumas fils au peintre daté 12 janvier 1839 (l’enfant a quinze ans) :
À l’excellent monsieur Dauzats,
Vous êtes encore dans ce moment ma seule espérance, j’ai absolument besoin de votre intercession auprès de mon père qui je suis sûr m’oublie. Demain à 3 heures j’irai vous ennuyer jusqu’à ce qu’il vienne et s’il ne peut venir, dites-lui bien qu’il vous remette mes places pour Bathilde, pour la première représentation, car si je ne lui mets pas tous ces détails, il est capable de ne m’en donner qu’à la seconde23.
18Il est de l’expédition espagnole et nord-africaine dont nous avons parlé, pendant lesquelles il partage avec Louis Boulanger, Eugène Giraud et Adolphe Desbaroles les aventures picaresques consignées dans De Paris à Cadix et dans Le Véloce.
19Il n’y a pas à s’étonner, au vu de cette familiarité avec les artistes, si la première maîtresse du fils est femme d’artiste, la belle et licencieuse Louise Pradier.
20Voilà pour l’anecdote. Plus sérieusement, depuis quelque temps, des indices, retrouvés dans les lettres de Dumas père à son fils, amènent à une hypothèse ignorée jusqu’ici : celle d’une collaboration de Dumas fils à la Galerie de Florence. En mai 1844, une première lettre fait allusion à ce qui pourrait être des notes sur des peintres prises par le fils dans Vie des peintres flamands, allemands et hollandois de Jean-Baptiste Deschamps :
Tu as dû voir la note terminée du Corsaire — en tout cas je te l’envoie avec la date afin que tu puisses te procurer le reste de l’exemplaire si tu désires terminer du reste de la prose de Fiorentino24. […] J’ajoute à cette lettre des fragmens de ton écriture que tu crois peut-être avoir perdus et que j’ai retrouvé[s] dans Les Peintres de Decamps25.
21En octobre 184426, l’indice est plus évident : « Fais Quentin Metsis si tu veux, comme tu dis c’est assez joli à faire — as-tu lu mon voyage en Belgique27. » À la fin de ce mois d’octobre, Dumas fils écrit à son ami Joseph Autran : « J’arrive d’Anvers où je suis allé voir des Rubens avec l’illustre auteur de mes jours28. »
22Cependant, ce n’est que de quelques années plus tard, le 28 août 1848, que date sa réflexion première et majeure sur la peinture, dans un article de La Liberté où il s’en prend avec virulence au personnel de la République, avant d’entraîner son lecteur au Louvre réorganisé – que, grâce à son ami Frédéric Villot, il peut visiter dans la solitude. Il invite son lecteur à une longue promenade admirative pour la peinture, le premier et le moins périssable des arts.
Une grande œuvre littéraire étonne toujours, comme un grand morceau de musique d’un maître mort fait rêver ; mais rien n’attire et n’absorbe plus l’esprit qu’un beau tableau. En effet entre ce tableau et son auteur, il n’y a pas d’intermédiaire. Il y a eu communication directe de la pensée avec la forme, du rêve avec la réalité ; il ne s’est trouvé ni un imprimeur, ni un copiste, ni un interprète quelconque enfin entre celui qui a exécuté et celui qui voit. On cherche la trace du pinceau que la main du peintre conduisait. On se dit : « Cette toile que j’ai sous les yeux est bien la même que Raphaël, Rembrandt, Van Dyck ou Rubens a touchée. L’homme disparu est encore dans l’œuvre ». Puis l’esprit évoque peu à peu le peintre ; il lui semble le voir venir s’asseoir devant son chevalet et il arrive un moment où l’on s’isole tellement dans son évocation que l’on cause presque avec lui. Magnifique triomphe de l’art, qui permet qu’avec un panneau, des pinceaux, des couleurs et une idée, un homme en fasse régner des milliers d’autres trois ou quatre siècles après qu’il est mort. Et nous le répétons, ce qui fait, dans la manifestation, la supériorité de la peinture sur les autres arts, c’est que l’auteur et son juge sont en communication immédiate, l’un avec ses qualités et ses défauts, l’autre avec l’entière liberté de son jugement. Le peintre parle de lui-même, tandis que le musicien et le poète dramatique sont à la merci de tel exécutant ou de tel acteur qui les comprennent à leur façon et les rendent à leur manière.
Il est vrai que les peintres ont contre eux le temps, cet éternel destructeur, l’ignorance, cette éternelle ennemie de l’art, et les restaurateurs de tableaux payés par les gouvernements. Il est vrai qu’il suffit d’une goutte d’essence ou d’un coup de coude pour détruire leur œuvre ; mais, quand l’œuvre a été conservée, le triomphe n’est que plus grand […]. Je suis resté quatre grandes heures là, m’abîmant dans la contemplation de toutes ces splendeurs de l’art […].
Il faisait presque nuit quand je quittai le Louvre. Je regardai autour de moi comme un homme qui retombe brusquement du rêve dans la réalité.
Le Carrousel était plein de troupes de ligne et de gardes mobiles. Je me rappelai qu’on craignait un mouvement à cause de M. Caussidière et de M. Louis Blanc29.
23Si l’on en croit Charles Yriarte, qui tenait probablement ses informations de Dumas fils lui-même, « le premier tableau de la collection de ce dernier aurait été acheté – il avait alors dix-huit ans : c’était Une Baigneuse signée Octave Tassaert ; il l’accrocha au mur de son premier chez lui, un petit rez-de-chaussée au fond d’une cour de la rue Bourdaloue30. »
24La rue Laffitte, assure Yriarte, dont « les vitrines offraient déjà aux passants des petits musées en plein air, allait lui coûter cher. Martin, le doux et loyal Martin31, qui, lui aussi, allait aux inconnus qui seraient des maîtres et nous vendait des Corot à deux cents francs la pièce payables à tant par mois, ainsi que son voisin Cachardy, l’ancien acteur32, homme grave et bien mis, qui a eu des chefs-d’œuvre à sa devanture, l’appelaient : “Mon amateur33” ».
25Octave Tassaert demeurera l’un des axes majeurs de ses collections. La preuve par neuf de sa prédilection pour ce peintre, ce sont ses acquisitions, écrira-t-il en 1886 dans sa lettre à Ludovic Baschet : « Vous me demandez de vous dire en quelques mots ce que je pense de Tassaert. Il n’y a qu’une façon, quand on a le moyen matériel de le faire, de prouver qu’on aime les tableaux d’un homme, c’est d’en acheter. / J’ai acheté cinquante tableaux de Tassaert, et je les ai toujours ; mon opinion est donc bien claire34. »
26Signe de son attachement au peintre, Dumas ne remet en vente qu’une seule toile de Tassaert, Le Rêve, en 1865. Le catalogue de la vente après décès, quant à lui, ne comprend pas moins de treize œuvres du peintre (no 46 à 58) : Mirabeau et le marquis de Dreux-Brézé (Esquisse de concours), La Liseuse endormie, deux Léda (1859), Sarah la baigneuse (O.T. 1850), La Madeleine aux anges, La Femme au traversin (1854 – Vente A.D. 1865 – Vente Diaz, 27 janvier 1877), L’Assomption de la Vierge (1859), Madeleine expirant (1857), L’Aveugle de Bagnolet, Le Bain, Le Calendrier des vieillards, L’Enfant endormi35.
27On sait que le peintre doit sa sépulture à M. Alexandre Dumas fils, « qui, depuis trente ans, rend à Tassaert le culte que l’artiste professait pour Alexandre Dumas père36. »
28La même lettre à Ludovic Baschet lui est une occasion de préciser, non sans modestie, son rapport à la peinture :
Dans les arts qui ne sont pas le mien, je n’ai pour me guider que mon sentiment, mon goût et cette expérience qu’on acquiert tous les jours avec de l’attention, de la bonne foi, de l’habitude et quelques dispositions naturelles. De tout cela, je n’ai pas la prétention de faire une loi pour les autres. […] Je sais bien qu’aujourd’hui, pour toute une école, l’exécution d’un morceau suffit, mais on n’arrivera jamais à refuser à un tableau le droit d’émouvoir, de faire réfléchir ou rêver celui qui le regarde. Si je m’absorbe, dans le grand salon du Louvre, pendant des heures devant La Mise au tombeau, devant La Vierge au voile, devant Antiope, Le Solitaire, Érasme et La Joconde, ce n’est pas seulement parce que ce sont de beaux morceaux de peinture, mais parce que je sens à travers l’admirable manière de voir d’un œil et l’admirable façon de rendre d’une main, la pensée d’un esprit, l’idéal d’une âme, parlant à mon esprit et à mon âme autant qu’à mes sens, même dans un simple portrait. Tassaert est de cette école et je lui en sais gré. […] Il fait ce qu’il voit et l’on sent la passion et la sincérité dans ce qu’il fait. Il est l’ami de ceux qui souffrent en silence et le confident de ceux qui aiment, souvent en plein air. La misère, la mort et l’amour, telles sont ses muses. Il y a en lui, puisqu’on lui reproche d’être littéraire, du Ronsard, du Mathurin Régnier, du Béranger et du Musset37.
29Dans ses diverses demeures, Dumas fils s’entoure d’œuvres artistiques admirables. Lorsqu’il emménagera 36, avenue de Neuilly, il pourra plaisamment faire miroiter aux yeux de George Sand une petite maison contiguë au bois de Boulogne très logeable, pourvue de tous les accessoires et même du superflu, tels que Delacroix, Rousseau, Meissonier, etc38.
30Le contenu de la ou plutôt des collections successives de Dumas fils peut être appréhendé grâce aux différents catalogues. Encore convient-il de faire remarquer que si les ventes sont, bien sûr, significatives, elles renseignent avant tout sur ce que le conservateur sacrifie, non sur ce qu’il garde dans sa collection. La première vente a lieu le mardi 28 mars 1865 à l’Hôtel Drouot. Le catalogue est intitulé : Catalogue des tableaux importants des écoles moderne, française et hollandaise, Aquarelles et dessins composant la collection de M. Al. D… fils parmi lesquels Le Tasse dans la Prison des fous, tableau capital d’Eugène Delacroix, buste en marbre et porcelaines de Sèvres. Le presque anonymat : « Al. D… » est aboli par la mention terminale : « fils ». Le quasi-anonymat est aussi de mise pour le préfacier du catalogue : « Th. G. » Le Tout-Paris n’a aucun mal à reconnaître dans ces trois lettres Théophile Gautier, voisin (Dumas habite 36 rue de Neuilly, Gautier 32 rue de Longchamp) et ami du fils d’Alexandre Dumas.
31À l’époque de cette première vente, la célébrité de Dumas fils, depuis la représentation triomphale au Vaudeville de La Dame aux camélias le 2 février 1852, égale, voire dépasse celle de son père. Depuis cette première, il a confirmé son entrée fracassante – toujours fidèle au Gymnase à partir de Diane de Lys (15 novembre 1853). Or cette pièce présente la particularité de mettre en scène, comme personnage principal, un peintre, Paul Aubry, et pour décors (au premier et au dernier acte) un atelier de peintre : « À gauche, vitres et grands rideaux. – Au fond, à gauche, porte, escalier intérieur en bois praticable conduisant à une chambre, tableaux sur leurs chevalets, la Vénus de Milo, poële, piano, divan, bahut de chêne praticable, grande horloge au-dessus du piano, estrade pour les modèles, étoffes, tentures, murs, gris.) ». Viendront ensuite Le Demi-Monde (20 mars 1855) ; La Question d’argent (31 janvier 1857) ; Le Fils naturel (16 janvier 1858) ; Un père prodigue (30 novembre 1859) ; L’Ami des femmes (5 mars 1864).
32Ces succès littéraires sont en même temps des succès financiers qui permettent à l’auteur de s’adonner à sa passion pour la peinture. Alors que la fortune souriait à sa maturité de dramaturge, le collectionneur se fixe. Il acquiert un hôtel près du bois de Boulogne : ce sont des murs auxquels pendre les toiles achetées. Sa collection, d’après « le bon Théo » (Gautier), se compose « d’œuvres d’un choix rare où se reconnaît le goût d’un esprit délicat. Dans cette Collection, soigneusement épurée, il n’y a rien que d’exquis et de significatif ; chaque maître y est représenté par une des plus belles et des plus fraîches fleurs de son bouquet39 ».
33Cinquante-trois tableaux au total sont proposés à la vente : vingt-trois tableaux modernes contre trente tableaux anciens, dont la toile supérieure, la couverture du catalogue le dit, est Le Tasse dans la prison des fous d’Eugène Delacroix, « qui contient toute la puissance du drame, toute la profondeur de poésie et toute la fauve ardeur de coloris du grand maître ». Nous avons plus haut rappelé l’histoire de ce tableau. L’acheteur en fut Khalil-Bey, qui déboursa 14 000 francs, comme l’indique en marge une mention du catalogue.
34Gautier distingue encore parmi les toiles proposées à la vente un Portrait de Rachel, dont il décrit « ce front appelant la lumière, ces yeux noirs et profonds dans ce masque de marbre pâle et cette bouche fine dont un léger sourire ironique arquait les coins abaissés40. » Le portrait est de la comtesse Frédérique O’Connell, sœur de Delphine de Girardin. S’agit-il de l’huile sur toile conservée au Musée d’art et d’histoire du judaïsme ? Ses dimensions (H. 1m 10 ; L. 70 cm) semblent s’opposer à cette hypothèse, puisque la toile du Musée d’art et d’histoire du judaïsme mesure 88 x 66 cm. Il distingue encore Les Chèvres broutant des roses trémières de Troyon et Les Bords de l’Oise de Théodore Rousseau, « un des bons paysages de l’artiste, venu dans un heureux moment d’inspiration41 ».
35La grande absente de cette première vente – ainsi que des ventes suivantes –, c’est la peinture d’histoire, placée depuis le xviie siècle au sommet de la hiérarchie des genres. Au xixe siècle, où l’histoire tient une place cruciale dans la culture romantique, ce genre toujours considéré comme noble par excellence reste un des fondements de l’enseignement académique. La peinture à sujet mythologique n’est représentée que par deux Léda et une Bacchante de Riesener42. Ces peintures de tradition sont éclipsées par les petits formats, en particulier les scènes de genre (Le Seigneur Polichinelle, Les Joueurs d’échecs, Le Jaloux de Meissonier ; La Première Lettre de Diaz ; L’Enfant au lézard et Le Mendiant au singe de Decamp ; La Bonne Année de Charlet), mais il faut noter en cette période pré-impressionniste des paysages (Effet de nuit. Environs de Paris de Jongkind, Vue de Saint-Cloud de Reynold), avec un penchant pour l’orientalisme (Café turc de Decamps).
36Dans la section des tableaux anciens, on n’est pas surpris de constater un retour à l’art du xviiie siècle, synonyme de civilisation raffinée et aristocratique. Le renouveau de cette esthétique, que l’on pourrait qualifier de contre-révolutionnaire, a été inauguré par la publication de L’Art au xviiie siècle des frères Goncourt, qui ont célébré Watteau, Chardin, Boucher ou La Tour. Sont mis en vente « un délicieux Pater digne de Watteau (Réunion galante dans un parc), trois portraits de Drouais (Mme Élisabeth et le comte de Provence enfants, Mme du Barry, Mme de Pompadour), un Greuze, un Nattier (Portrait de Mlle Victoire), deux Boucher (Portrait de la marquise de Pompadour dans son atelier, Groupe de quatre Amours), un Portrait de Mme Geoffrin, attribué à Chardin, un Vigée-Lebrun. Outre ces œuvres du xviiie siècle, la collection renferme encore deux Mignard, un Rigaud, un Rubens, un Lorrain, un Constable, deux Teniers.
37Après la première vente, un événement douloureux entraîne l’épanouissement de la vocation de collectionneur de Dumas fils : la mort de son ami Henry Didier le 7 avril 186843. Au moment de sa mort, celui-ci a réservé une de ses propriétés, la maison du célèbre ébéniste Tahan, du 11 boulevard des Italiens, pour ses amis les plus chers, et il a voulu qu’on partage le prix de la vente en cent parts ; Dumas reçoit trente parts, soit deux cent trente mille francs environ – qu’il dépense en tableaux. Il commence par racheter, à la vente après décès de Didier, un Meissonier, Le Peintre au chevalet. Meissonier est l’un des trois ou quatre peintres favoris de l’écrivain, qui admire l’incessante quête du peintre :
Nul n’a plus fait que cet homme, pour conquérir notre admiration et notre estime. Pendant ses soixante ans de travail, de pauvreté, de luttes, de fortune, de gloire, pas une minute donnée à l’hésitation, au découragement, au doute, pas plus qu’au contentement de soi et aux jouissances du bien-être ; pas une seconde qui ne contienne un effort nouveau, en quête de cette perfection à laquelle il a si souvent atteint ; pas une concession au goût des amateurs, des marchands, aux grosses sommes offertes. Pendant soixante ans, cet homme ne s’est pas couché un soir, pour se reposer du travail de la journée, sans penser et sans aspirer au travail du lendemain. Ce que cet adolescent, fils d’un commerçant obscur, commence vers quinze ans, à rêver et à entrevoir dans l’art, à travers les murs du magasin paternel, rempli des marchandises les plus vulgaires, sans aucun rapport avec l’esthétique, il va mettre plus d’un demi-siècle à le réaliser, chaque jour que Dieu lui donnera, avec une patience, une énergie, une foi toujours égales. Si jamais vocation fut véritable, marquant un enfant au front et le poussant à travers toutes les difficultés et tous les obstacles, là où il devait devenir un maître, c’est bien celle à laquelle Meissonier a répondu44.
38L’afflux de tableaux, conséquence de l’héritage de Didier, nécessite un investissement immobilier. Après avoir habité une dizaine d’années 120 avenue de Wagram (1866-1876), Dumas fils, qui n’a plus à partager prénom ni nom avec son père, achète sa maison du 98 avenue de Villiers, maison qui ne tarde pas à être couverte de toiles de l’antichambre aux combles. Le jour où les murs manquent encore, il fait construire une galerie, dont la façade sur le boulevard est fermée par la grille récupérée du balcon des Tuileries. Il peut étaler à son aise, sous une belle lumière, sur ces grandes parois, les trente Tassaert, dix Corot, vingt Vollon, dix Jules Dupré, six Delacroix, deux Théodore Rousseau, quatre Jacque, puis les Troyon, Decamps, Diaz, Fortuny, Millet, Riesener, des peintres d’autrefois et des jeunes d’aujourd’hui, de Prud'hon à Chardin, de Boucher à Michel, de Boilly à Fromentin, à Lefebvre et Doucet et bien d’autres, tandis qu’au milieu de la pièce, comme à une tribune d’honneur, sur un double écran, il dresse deux Meissonier et quinze aquarelles et dessins du même maître.
39Après Yriarte, Jules Claretie donne à son lecteur une vision rapide du 98, avenue de Villiers :
Au seuil de son logis, rit le cher visage de bon Titan d’Alexandre Dumas père. C’est le buste de Chapu (Illustration 1). Les admirables marbres de Carpeaux, d’après Mme Dumas et Dumas, les toiles de Vollon, les paysages argentés de Corot, les couchers de soleil de Jules Dupré, les fulgurances de Delacroix, les aquarelles et les toiles de Meissonier, les clairs intérieurs et les chairs nacrées de Tassaert, les Millet, les Troyon, les Barye courent sur les murs ou sur les consoles. Il y a là une impression de musée. Peu de bibelots ; mais, au contraire, des œuvres hors de pair. Sur le bureau où Dumas écrit, une profusion de plumes d’oie […] Pour presse-papier la main, la loyale et forte main de Dumas père, dont une statuette en pied sourit aussi, dans un angle, faisant pendant à une terre cuite de Clodion. À travers les vitraux sertis de plomb des fenêtres un jardin apparaît […] au fond, une haute maison à solives de bois sculpté, chalet venu de l’Exposition et où Dumas a encore entassé des tableaux superbes45.
40Pourtant le 98 avenue de Villiers ne suffit pas à exposer ou entreposer toutes ses toiles. Sa campagne de Marly-le-Roi, que lui avait léguée Adolphe de Leuven, forme un premier « dépotoir ». Un second dépotoir sera sa maison du bord de la mer – à Puys, près de Dieppe, où il s’était installé en 1869 et où est venu mourir son père.
41À Puys, il a fait installer un atelier « pour ceux de [ses] amis qui font de la peinture ou de la sculpture et qui viennent passer quelque temps chez [lui] » :
[…] Vollon vient de faire ses tableaux pour l’Exposition prochaine, et Carpeaux, l’année passée, au milieu des douleurs les plus abominables auxquelles la mort vient de mettre fin, a, d’une main quelquefois lassée, mais jamais assouvie, exécuté sa dernière œuvre, cette petite pêcheuse en terre cuite qui est devenue si populaire, et qui, son panier sous un bras et son crochet sur l’autre, s’appelait la Fée aux moules quand elle était jeune et belle46.
42Dix-sept ans plus tard, l’écrivain procède à la dispersion, au cours d’une deuxième vente, de 91 toiles de sa collection. L’événement a lieu le 16 février 1882. Si l’on recense, dans le « Catalogue de tableaux modernes dépendant de la collection de M. D***47 », les genres picturaux représentés dans cette mise aux enchères, le paysage est sans conteste le genre dominant :
43Chintreuil / Paysage, effet de soleil couchant ; De Cock / Paysage, forêt ; Corot / Paysage, Les Chênes, Les Ruines, paysage ; Daubigny / Paysage, Château-Gaillard ; Deshayes / Paysage, effet de neige ; Fortuny / Porte de mosquée, Espagne ; Gudin / Les Baraques ; Harpignies / La Clairière, paysage, Le Bord de l’eau, Paysage d’automne, Effet de neige ; Charles Jacque / Moutons en forêt (Peint pour M. Al. Dumas fils), Moutons en plaine ; Japy / Paysage ; Jongkind / Le Grand Montrouge ; Lansyer / Paysage ; Marilhat / Paysage d’Orient ; Michel / Les Carrières ; Millet / Les Étoiles filantes ; Mouchot / Vue de Venise ; De Paal / L’Étang, paysage, Les Bouleaux, paysage, Pelouse, paysage ; Ribarz / Paysage, effet de lune, Paysage (Hollande) ; Th. Rousseau / Paysage, paysage. Effet d’automne ; Ziem / Intérieur d’église.
44À quoi s’ajoutent les paysages particuliers que sont les marines. Bonington / Pêcheurs ; Boudin / Marine ; Gudin / Marine ; Jongkind / Marine (Hollande) ; Lansyer / Marine (Bretagne) ; Lapostolet / Vue de Dieppe ; Lépine / Marine ; Michel / Une Plage ; Papuleu / Marine ; Joseph Vernet / L’Orage.
45Les natures mortes et les nus, sans être exclus, sont rares. Pour les natures mortes, citons : Bergeret / Oiseaux morts ; Granet / Intérieur de cuisine ; Madeleine / Giroflées ; Ph. Rousseau / La Bouillabaisse ; Rozier / Fleurs ; Vollon / Intérieur de boucherie, Les Pamplemousses. Les nus sont, quant à eux, au nombre de quatre : Courbet / Baigneuse (signé avec ces mots : « À mon ami Murger ») ; Proudhon / Étude de femme nue à mi-corps, Étude d’homme nu à mi-corps ; Troyon / La Baigneuse.
46Ces toiles sont essentiellement des peintures « de plein air », le plus souvent, peintes « sur le motif », dans la nature, devant le sujet, comme l’ont fait les pré-impressionnistes, ou des « peintures de chevalet » dites aussi « peintures d’atelier », peintes d’après un modèle placé dans l’atelier (nature morte, nu). Restent la catégorie incertaine des tableaux de genre et une demi-douzaine de portraits et figures :
47Durandeau / Les Huissiers, L’Amour médecin ; Fortuny / Le Guitariste, Enfants après le bain ; Fragonard / Scène galante (vente Henri Didier) ; Ocré / L’Album ; Pille / Les Incroyables ; Ribot / Le Petit Chantre ; Schall / La Belle cachette ; Troyon / Vaches au repos, Prairie avec vaches.
48Fortuny / Une Sentinelle arabe ; Gervex / Nana ; Guignet / La Sentinelle ; Mirallès / Femme d’Orient, Étude de femme, L’Homme à la pipe.
49On trouve enfin des tableaux allégoriques ou mythologiques : Corot / La Lecture ; Fortuny / La Méditation ; Laugée / La Lecture ; Lemoine / Le Repos du faune ; Lévy / Diane ; Pollet / Une Danaïde, L’Amour. Enfin, deux esquisses que l’on pourrait qualifier d’historiques : Le Triomphe de Trajan de Delacroix et La Révolte en Espagne de Goya.
50Un journal rend compte de la vente de 1882 : « Beaucoup de monde hier à la vente des quelques tableaux que M. Alexandre Dumas a détachés de sa collection48. » « Quelques tableaux », déclare le journaliste : pas moins de 91 numéros, quand même.
Nous citerons parmi les toiles qui ont été très disputées : Un Clair de lune de Daubigny, adjugé 10 000 francs à M. Bellius ; Moutons en forêt de Ch. Jacque, 3 100 francs ; Les Pamplemousses de Vollon, 3 000 francs ; Une Sentinelle arabe de Fortuny, 3 900 francs ; Les Moutons en plaine de Charles Jacque, 3 100 francs. ; Scène galante de Fragonard, 1 450 francs ; La Rêverie, figure par Corot, 2 400 francs ; La Bouillabaisse de P. Rousseau, 1 650 francs ; Un Paysage de Daubigny, 1 280 francs ; Le Triomphe de Trajan d’Eugène Delacroix, 1 620 francs [le catalogue indique qu’il s’agit d’une esquisse du tableau du musée de Rouen] ; Le Grand-Montrouge de Jongkind, 1 730 francs ; La Lecture, figure de Corot, 1 250 francs ; une Marine, de Jongkind, 1 000 francs.
Un grand nombre d’autres toiles ont été adjugées à des prix variant de 500 à 5 000 francs49.
51Dix ans plus tard, nouvelle vente aux enchères, la dernière du vivant de Dumas fils (mai 1892), et dont nous avons plusieurs fois cité le catalogue50. Dans sa préface, Charles Yriarte définit ainsi le rapport qu’entretenait Dumas fils avec les peintres et la peinture :
On ne doit pas à l’Écrivain une seule critique d’art, mais il a fait mieux, il a aidé à vivre un certain nombre de peintres de son temps. Dumas, amateur rare qui n’a jamais suivi la foule, ne s’habille pas à la mode du jour, il courtise les dédaignés, ramasse les vaincus, « fait monter » les invendables, et tout seul, comme un têtu, s’en va sans rien dire frapper à la porte de ceux chez lesquels on peut se repentir un jour de n’avoir jamais sonné. […]
Ce n’est jamais par hasard qu’un amateur accroche à ses murs trente tableaux du même peintre, surtout quand celui-ci, comme autrefois Delacroix, Corot et Rousseau, a pris l’habitude de ne pas pouvoir les vendre. C’est le cas de Dumas pour les œuvres de Tassaert. Dumas, en peinture, a son idée : il est fou de l’exécution, et, pour le prouver, il a acheté vingt tableaux de Vollon, un des peintres les plus peintres de ce temps-ci ; mais il admet aussi que l’exécution ne suffit pas et demande qu’on ne refuse jamais à un tableau le don d’émouvoir, de faire réfléchir ou rêver celui qui le regarde. […] En somme, Dumas, collectionneur, est original et peut-être étrange […] Il a eu ses peintres comme on a des amis, toujours les mêmes, parce qu’on les aime. […] Dumas a eu le goût des naufragés et il a recueilli bien des épaves ; un jour, chez Jules Dupré, il se jetait sur une toile superbe, une mer immense, vide sous un ciel de feu qui met de l’or au sommet des vagues. « Il faut affirmer la ligne d’horizon et planter une barque en détresse au premier plan, disait le marchand, sans quoi ça ne se vendra jamais ! » — « On ne plantera rien du tout ! » répondait Dupré en retournant sa toile contre le mur. — Et mon Dumas arrivait, qui, avec délices, achetait l’invendable. C’était une vocation. Quel homme habile ! Il a choisi les fiers, les silencieux, les obstinés, les solitaires et les naïfs ; il a été souvent leur banquier et leur Mécène dans les moments pressés ; mais comme il est difficile de lui contester l’intelligence, il s’est gardé d’être exigeant. Il avait foi dans les dividendes de l’avenir. […]
Le Coucher de soleil sur la mer, de Dupré, Le Peintre, de Meissonier, et ses nombreux dessins et aquarelles ; Le Pâturage, de Troyon, au milieu de tant d’études du maître ; Les Bords de l’eau, Le Crépuscule, L’Entrée du port de La Rochelle, de Corot ; La Madeleine, de Delacroix, ont un sort assuré et vont acquérir une valeur nouvelle par le fait seul d’avoir été choisis il y a bien des années par un écrivain qui tient une si large place dans le mouvement d’idées de son temps51.
52Les œuvres mises aux enchères en 1892 formaient-elles toute la collection ? On pourrait le penser en constatant que le catalogue recense les œuvres des peintres favoris de l’auteur – la plupart des items est suivie d’une description des tableaux, des aquarelles et pastels, ou des dessins, ce qui dans un second temps permettrait de localiser, avec une chance de succès, certaines des toiles. On peut recenser dix Corot52 ; sept Jules Dupré53 ; treize Meissonier54 ; quarante Tassaert55 ; douze Troyon56, dix-sept Vollon57. « Vollon, richement pourvu désormais, reste encore sa danseuse ; Tassaert fut son vice58 », résume Charles Yriarte.
53Cette vente tient bien de la liquidation. Peut-être faudrait-il rapprocher cette dispersion très importante d’événements privés. On sait que son épouse Nadejda avait appris sa liaison avec Henriette Escalier (1891), ce qui a pu entraîner départ du domicile conjugal et mésentente familiale. Les journaux se font largement écho de la vente :
13 mai 1892. Les appréciations de l’expert Bernheim jeune qui dirigeait la vente ont été presque doublées. Le Peintre au chevalet de Meissonier, qu’Alexandre Dumas avait payé 15 000 francs environ à la vente Henri Didier, a été poussé à 60 000 francs et a été acheté pour l’Amérique. Les Corot ont obtenu des enchères très élevées : Paysan à travers la campagne, 40 000 francs ; Solitude, 8 500 francs ; Crépuscule, 19 500 francs ; Au bord de l’eau, 5 100 francs ; La Rochelle, 3 450 francs ; La Madeleine, 5 000 francs.
Le succès de cette vente […] a été pour Vollon. Les prix obtenus par les œuvres de cet artiste auront leur contrecoup sur la valeur des tableaux de cet artiste : Le Casque du roi Henri II, 7 400 francs ; Le Tréport, 9 900 francs ; Les Cuivres, 8 200 francs ; Le Dessert, 11 650 francs ; Les Œufs, 4 000 francs ; Dieppe, 3 750 francs. Les Tassaert se sont également bien vendus : La Tentation de Saint-Hilarion, 1 000 francs ; Bacchus et Érigone, 2 500 francs ; La Transfiguration de la Madeleine expirante, 6 500 francs ; La Femme au traversin, 6 500 francs.
Signalons encore Pâturage, étude par Troyon, 11 500 francs ; Femme nue, de Jules Lefebvre, 25 000 francs ; Marie-Madeleine, du même, 9 900 francs ; Centaures et Centauresses, par Eugène Fromentin, 17 500 francs ; Sentinelle arabe, par Fortuny, 4 500 francs ; Coucher de soleil, par Jules Dupré, 11 500 francs ; Crépuscule, du même, 6 900 francs.
La vente se continuera aujourd’hui par les tableaux anciens, les aquarelles et dessins, parmi lesquels se trouvent dix Meissonier, et par les quelques tableaux modernes qui n’ont pu être vendus hier.
***
14 mai.
La vente Alexandre Dumas s’est terminée hier. Les deux vacations ont produit 530 000 francs.
Quelques aquarelles et pastels ont obtenu des enchères assez élevées.
Le Mousquetaire et Le Bretteur, de Meissonier, ont été vendus, le premier 6 950 francs, le second 6 910 francs ; un portrait au pastel de Peyronneau, 5 600 francs sur une demande de 2 000 francs.
Parmi les dessins, Apothéose du Génie de la Peinture, par Prudhon, 6 500 francs ; Aminta (grand comme une carte de visite), par le même, 7 100 francs59.
54Après la mort de l’écrivain, le 28 novembre 1895, a lieu la dernière vente ; il faut se référer sur ce point au Catalogue des tableaux, aquarelles, pastels et dessins, sculptures, objets d’art et d’ameublement, tapisseries dépendant de la succession de M. Alexandre Dumas et dont la vente aura lieu à Paris Galerie Georges Petit […] Les lundi 2 et mardi 3 mars 189660. De ce dernier catalogue, on peut conclure que l’écrivain avait conservé tous ses Octave Tassaert : seize d’entre eux – les préférés ? – passent alors aux enchères : Mirabeau et le marquis de Dreux-Brézé, La Liseuse endormie, Léda, Léda, Sarah la baigneuse, La Madeleine aux anges, La Femme au traversin, L’Assomption de la Vierge, Madeleine expirant, L’Aveugle de Bagnolet, Le Bain, Le Calendrier des vieillards, L’Enfant endormi. Il avait gardé quelques dessins d’Ernest Meissonier (Gentilhomme Louis XIII, Le Porte-Drapeau, L’Attente, La Partie d’échecs, Turcaret, L’Affaire Clémenceau [dédié « À mon ami Dumas », daté 1870], L’Affaire Clémenceau. De même, il ne s’était pas résolu à se séparer de toutes les œuvres d’Antoine Vollon – dont il disait : « C’est un beau caractère et c’est un beau peintre61 », puisque le dernier catalogue recense Le Casque du roi Henri II, Les Cuivres, Les Œufs, Le Zodiaque, La Mandoline, Nature morte, Le Dessert, Une Vallée, Barques de pêche [1876], Une ferme, Plage à marée haute, Église de campagne, Une pêcheuse [1874], Étude, À mon ami Alexandre Dumas, Bouquet de fleurs dans un vase.
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55En guise de conclusion, une lettre autographe de Dumas fils à Antoine Vollon, du 17 octobre 1885, mérite un bref commentaire : « […] Maurice62 m’écrit que vous m’avez fait envoyer son tableau […] Il paraît que vous voulez me faire un dessin pour Affaire Clémenceau, vous êtes un ange… et le jeune Alexis63, pourquoi n’en ferait-il pas un ? » Cette lettre se rapporte à une entreprise qui a lié Dumas fils à ses amis peintres, montrant que, quoi qu’en ait pensé Dumas père, Poésie et Peinture pouvaient être sœurs : il avait prié les sculpteurs, peintres et dessinateurs de ses amis d’illustrer, en marge, L’Affaire Clémenceau, exemplaire sur grand papier. Chaque page fut couverte d’une composition à la plume ou d’une aquarelle représentant une scène du roman.
56Dans ce roman, je citerai une scène qui tendrait à prouver, comme l’affirmait Jules Claretie, qu’« une œuvre d’art peut inspirer un chef-d’œuvre dans un art différent et que les milieux artistiques sont favorables à toute création64. » Il s’agit de la scène du bain, dont l’écrivain, dans sa préface à La Question d’argent [1868], dédiée au peintre Charles Marchal, découvre l’inspiration première qui semble bien être picturale :
Non, c’était une grande fille de dix-huit ans à peu près, sans autre voile que ses cheveux noirs plus épais que longs, dénoués et tombant sur ses épaules. Ton œil de peintre l’avait aperçue de loin se jouant dans les eaux transparentes comme Diane dans la vallée de Gargaphie. Elle était seule et paraissait accomplir l’acte le plus simple du monde. Elle ne regardait même pas si quelqu’un pouvait la voir. Elle avait déposé tous ses vêtements sur le gazon, et, ne sachant pas nager, elle se retenait, tantôt d’une main, tantôt de l’autre, à une branche de saule ; ou bien elle essayait de se laisser flotter, mais elle prenait peur bien vite et s’amusait alors à marcher contre le courant rapide qui nous avait amenés et qui bouillonnait autour de ses hanches en se divisant sur elle. Puis elle plongeait sa tête dans l’eau et reparaissait, le visage inondé de sa chevelure, les yeux fermés, toute frémissante et toute rose. Elle levait alors les bras, écartait ses cheveux sur ses tempes et s’ébattait de nouveau. Quelque pose qu’elle prît, la lumière du jour faisait courir le long de son corps humide, souple et ferme, les luisants nacrés du saxe. Était-ce une impudique ou une innocente ? toujours est-il que ce tableau inattendu nous reportait à trois mille ans, en pleine mythologie […]65. (Je souligne)
57Le poète possède l’œil du peintre. Ut pictura poesis : « comme la peinture, la poésie », ou, en d’autres termes, « la poésie ressemble à la peinture ».
Notes de bas de page
1 Catalogue des tableaux anciens et modernes, aquarelles, dessins et pastels formant la collection de M. Alexandre Dumas dont la vente, aux enchères publiques, aura lieu Hôtel Drouot [...] les 12 et 13 mai 1892, [expert] Bernheim Jeune, [...], Paris, impr. de l’Art, E. Ménard et Cie, 1892.
2 Ch. Yriarte (Paris, 5 décembre 1832 - Paris, 10 avril 1898). Garibaldien en Sicile, rédacteur en chef du Monde illustré, dont il dirigea également la partie artistique, il donna un grand nombre d'articles au Figaro, à La Vie parisienne et au Grand Journal, soit sous son nom, soit sous les pseudonymes de « Junior » ou de « marquis de Villemer ».
3 Catalogue des tableaux anciens et modernes, aquarelles, dessins et pastels formant la collection de M. Alexandre Dumas […], ouvr. cité, p. 6.
4 Non Boadbil, mais le roi Rodrigue, après la défaite, « Longeant la côte escarpée, / Broyant dans sa main crispée / Le grain d’or d’un chapelet. » É. Deschamps, Le Poème de Rodrigue, dernier roi des Goths (Imité du Romancero), V. Rodrigue pendant la bataille. – Les Mémoires ne citent qu’Alfred Johannot peignant une scène de Cinq-Mars de Vigny ; Tony Johannot, un Sire de Giac ; Clément Boulanger, une Tour de Nesle ; Louis Boulanger, une Lucrèce Borgia ; Jadin et Decamps, un Debureau ; Delacroix, un Roi Rodrigue après la bataille ; Grandville dessinant un orchestre, Barye des tigres et Nanteuil deux médaillons représentant Hugo et Vigny. Par ailleurs, Devéria, dans la « Chronique de la quinzaine », Revue des Deux Mondes, t. II, 1833, p. 231-232, signale « ce lion et ce tigre de Barye, cette Esmeralda de Ziegler, cette Lucrèce Borgia par Louis Boulanger, cette mort de madame de Gyac par Tony Johannot, les scènes de la Tour de Nesle par Clément Boulanger, le roi Rodrigue de Delacroix, et les médaillons de MM. Hugo et de Vigny ; […] nous n’avons pas oublié […] la salle des grotesques, où Granville, Jadin, Geniols et Forest avaient fait assaut de malice et de satire. »
5 Catalogue des tableaux anciens et modernes, aquarelles, dessins et pastels formant la collection de M. Alexandre Dumas […], ouvr. cité, p. 6.-7.
6 « Inventaire après décès d'Alexandre Dumas Davy de la Pailleterie, homme de lettres, 107 boulevard Malesherbes », 31 juillet 1871. Archives nationales. Minutes et répertoires du notaire Émile Delapalme, 8 mars 1861 - 15 janvier 1892 (étude CXVII). Cote : MC/RS//1022.
7 Auguste Paul Arthur Cheramy (Moulière, Maine et Loire, 10 janvier 1840 - Paris, 8e, 29 novembre 1812). Fils de Claude Auguste Cheramy et d’Angélique Rosalie Gareau-Sabard. Avoué et collectionneur.
8 Mes Mémoires, chap. CCXX (imprimé d’abord dans Le Mousquetaire, no 10, 29 novembre 1853), Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », C. Schopp [éd.], 1989, t. II, p. 633.
9 L’Indépendance belge, 30 août 1853, repris dans À pied et en wagon, L. Hachette et compagnie, II, p. 218-233.
10 Le Mousquetaire, 3e année, no 245, 2 septembre 1855.
11 Le premier numéro du second Mousquetaire sortira le 17 novembre 1866 ; mais, journal du soir, il portera la date du lendemain. Dumas fils allait passer quelques jours à Marseille, chez Autran.
12 Autographe : BnF, n.a.fr. 24 641, f. 91. Tableau acquis par Haro à la vente Khalil-Bey (17 janvier 1868, no 18 : 16 500 francs), puis par Carlin ; acheté par M. J. C. Candamo à la vente Carlin (29 avril 1872 : 40 000 francs) ; acquis à la vente M. G. C. Candamo (14 décembre 1893, no 10 : 46 000 francs) par Kenneth Clark, qui l’a possédé jusqu’en 1952 au moins avant de le céder à Émil Bührle de Zurich, lequel l’a légué à sa fille, Mme Hortense Ande-Bührle.
13 Le Mousquetaire, 3e année, no 152, 1er juin 1855 et 16/17 août 1855. The Art Institute of Chicago (1962).
14 Feuilleton de La Presse, 17 novembre 1845.
15 Cahiers Alexandre Dumas, n° 30 (Mon cher Delacroix), 2003, p. 223.
16 Delacroix, J. Thibaudeau (éd.), Mercure de France, coll. « Le Petit Mercure », p. 54-59.
17 Autographe : BnF, n.a.fr. 24 641, f. 212. – Hercule et Antée est conservé aujourd’hui au Musée Mahmoud Khalil du Caire.
18 « [Paris, 1851 ?] / Mon cher Giraud / Veux-tu charger mon Boucher sur le dos d’un commissionnaire. J’ai où le mettre. / À toi / Alex. Dumas. » Autographe : Société des Amis d’Alexandre Dumas (Musée de l’Île-de-France, Sceaux), 83.
19 Autographe : Société des Amis d’A. Dumas, fonds Glinel, R3 78. Publication : A. Dumas, Correspondance générale, C. Schopp (éd.), Paris, Classiques Garnier, 2014-2021, t. 3, 2019, p. 4.
20 L’Art et les artistes contemporains au Salon de 1859, Paris, Librairie Nouvelle, 1859, p. 137. Réimpression : Cahiers Alexandre Dumas, no 32, 2010, p. 123.
21 Ch. Baudelaire, Salon de 1859, « La reine des facultés », Œuvres complètes, t. II, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1976, p. 619-623.
22 Poètes, peintres et musiciens, Causeries, Paris, Hetzel, t. II, 1857, Bric-à-Brac, Paris, M. Lévy frères,1861. Prépublication, sous le titre d’Exposition universelle de 1855. Peinture. École française. Eugène Delacroix. Les Convulsionnaires de Tanger. La Noce juive. Les Femmes d’Alger ; Le Mousquetaire, 27 août 1855.
23 Autographe : Société des Amis d’A. Dumas, fonds Glinel, R6 26. Publication : C. Schopp, Frères d’armes de la révolution romantique. Lettres d'Alexandre Dumas au baron Taylor et à Adrien Dauzats, Paris, Fondation Taylor, 1993 ; A. Dumas, Lettres à mon fils, C. Schopp (éd.), Mercure de France, coll. « Le Temps retrouvé », 2008, p. 206-208, p. 44.
24 Pier Angelo Fiorentino. Voir Lettre de Dumas père à Dumas fils, 4 mai 1844, dans A. Dumas, Lettres à mon fils, éd. citée, lettre 43, p. 83. À cette époque, Fiorentino, qui signait ses écrits de son initiale, multipliait les articles dans Le Corsaire : critique musicale, feuilleton dramatique, causeries, Salon de 1844 (22 mars, 4, 6, 13, 20, 21 avril, 5 mai 1844) ; aussi est-il difficile de retrouver la « note » mentionnée par Dumas ; cependant cette recherche nous a permis de découvrir un texte de Dumas, intitulé : Études, anecdotes et portraits (I. Anne d’Autriche, 21 et 22 janvier ; II. Bassompierre, 25 janvier ; III. Marie de Médicis, 27 janvier, 1er, 2, 3 février ; V. Le Prince de Condé, 9 février ; VI. Le Maréchal d’Ancre, 16, 17, 18, 20, 27, 28, 29 février).
25 BnF, n.a.fr. 14669, f. 28. Vie des peintres flamands, allemands et hollandois […], par M. J.-B. Descamps, Paris, C.-A. Jombert, 1753-1763, 4 vol. in-8°.
26 Quentin Metzis sera imprimé dans Le Musée des familles, 2e série, t. XII, 25 octobre 1844, p. 23-26, d’où la date approximative que nous choisissons.
27 Excursions sur les bords du Rhin, Paris, Dumont, 3 vol., 1841. Une page et demie sur Quentin Metsys figure dans « Anvers », t. 1, p. 101-102. Préoriginale : « Le Rhin et la Confédération germanique. Quatrième lettre à M. Eugène Delacroix », Revue de Paris, t. LVIII, 28 octobre 1838, p. 253.
28 Lettre du 29 octobre 1844. Autographe. « Description », Catalogue, Bibliothèque de Flers. Beaussant Lefèvre S.V.V. Vente du 13 juin 2014. Richelieu Drouot, lot no 32.
29 « Courrier de Paris », La Liberté, 28 août 1848. Article repris dans A. Dumas fils, Entr’actes, première série, « Courrier de Paris », Paris, Calmann-Lévy, 1878, t. III, p. 74.
30 Catalogue des tableaux anciens et modernes, aquarelles, dessins et pastels formant la collection de M. Alexandre Dumas […], ouvr. cité, p. 5-6.
31 Pierre Firmin Martin (Salins-en-Jura, 17 février 1817 - Paris, 30 septembre 1891) ouvrit une première boutique, 20 rue de Mogador. Il fut l’un des premiers à promouvoir Cals, Jongkind, Boudin.
32 Charles Joseph Cachardy (Paris, 23 novembre 1813 - Versailles, 1er juillet 1880). Acteur du Gymnase, il se fit marchand de tableaux. Il vendit son commerce du 54 rue Laffitte en 1863, date à laquelle il entra dans l’administration.
33 Catalogue des tableaux anciens et modernes, aquarelles, dessins et pastels formant la collection de M. Alexandre Dumas […], ouvr. cité, p. 5-6.
34 Octave Tassaert. Notice sur la vie et Catalogue de son œuvre par B. Prost, préface par A. Dumas fils, Paris, L. Baschet, Éditeur, 1886, p. I.
35 « Inventaire après décès d'Alexandre Dumas Davy de La Pailleterie, dressé dans deux appartements situés 11, rue Ampère et 22, rue Alphonse de Neuville, et dans une maison de campagne située 1, rue Chamflour à Marly-le-Roi […] », 6 décembre 1895. Archives nationales. Minutes et répertoires du notaire Pierre Marie Delapalme, 16 janvier 1892 - 2 janvier 1929 (étude CXVII). Cote : MC/RS//1189.
36 Tassaert : Gazette des Beaux-Arts, t. 33, 1886, p. 46.
37 Octave Tassaert. Notice sur la vie…, ouvr. cité, p. VI-VII.
38 Voir George Sand - Alexandre Dumas père et fils, Correspondance, T. Bodin et C. Schopp (éd.), Paris, Phébus, 2019, p. 282.
39 Préface du catalogue de la vente de tableaux de M. Alexandre D., Le Moniteur universel, 20 mars 1865.
40 Ibid.
41 Ibid.
42 Le sculpteur Taupin, ami du peintre Paul Aubry, s’élève dans Diane de Lys (acte I, sc. 1) contre cette condamnation de devoir traiter des sujets mythologiques : « Je trouve notre métier si bête ! Vous me demandez ce qu’elle représente, ma statue ? Elle représente une Vénus ! puisque nous sommes condamnés à Vénus, nous autres sculpteurs : Vénus de Médicis, Vénus accroupie, Vénus Callipyge, Vénus pudique, Vénus Anadyomène : toujours Vénus. Tant que nous n'avons pas fait de Vénus, on dit que nous ne savons rien faire. Dès que nous avons fait une femme nue, ou dit que c'est une Vénus, et, dès que notre Vénus est faite, on dit qu’elle ne vaut pas la Vénus de Milo. » (A. Dumas fils, Théâtre complet, L. Sabourin (éd.), Paris, Classiques Garnier, 2021, t. II, vol. I, p. 115-116).
43 Henry Paul Marie Didier, député de l’Ariège de 1852 à sa mort, ami d’Auguste Vacquerie, de Paul de Saint-Victor, d’Edmond About et Alexandre Dumas fils, frappé de folie, fut interné à Vanves où il mourut le 7 avril 1868.
44 Voir « Meissonier. Étude de M. Alexandre Dumas [fils] de l’Académie Française », dans Exposition Meissonier [Galerie G. Petit, mars 1893], Catalogue, Paris, Imprimerie de l’Art, 1893, p. 10-11.
45 Alexandre Dumas fils, Paris, A. Quantin, imprimeur-éditeur, 7 rue Saint-Benoît, 1882, p. 29-30.
46 « La Cité de Limes », Le Tour de France 1876. Repris dans A. Dumas fils, Entr’actes, 3e série, Paris, Calmann-Lévy, 1879, p. 266-267.
47 Catalogue de tableaux modernes dépendant de la collection de M. D***... Vente, 16 févr. 1882 / [expert] G. Petit, Paris, impr. Pillet et Dumoulin, 1882.
48 L’article, découpé, se trouve collé sur la première page du Catalogue de tableaux modernes dépendant de la collection de M. D***, ouvr. cité.
49 Ibid.
50 Catalogue des tableaux anciens et modernes, aquarelles, dessins et pastels formant la collection de M. Alexandre Dumas […]. Voir supra, n. 1.
51 « Alexandre Dumas collectionneur », ibid., p. 5-22.
52 No 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26.
53 No 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47.
54 No 72, 73, 74 et 176, 177, 178, 179, 180 et 197, 198, 199, 200, 201.
55 No 99, 100, 101, 102, 103, 104, 105, 107, 108, 109, 110, 111, 112, 113, 114, 115, 116, 117, 118, 119, 120, 121, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 128, 129, 130, 131, 132, 133, 134, 135, 136 et 188, 189 et 211.
56 No 138, 139, 140, 141, 142, 143, 144, 145, 146, 147 et 188, 189.
57 No 152, 153, 154, 155, 156, 157, 158, 159, 160, 161, 162, 163, 164, 165, 66, 167, 168 ; six Proudhon : 205, 206, 207, 208, 209, 210.
58 Ch. Yriarte, préface citée, p. 20.
59 Le Figaro, 13 mai 1892, p. 1 ; 14 mai 1892, p. 1.
60 Paris, impr. F. Jourdan, 1896.
61 Catalogue des tableaux, aquarelles, pastels, dessins, objets d’art et d’ameublement, sculptures, tapisseries, dépendant de la succession de M. Alexandre Dumas, ouvr. cité, p. 26.
62 Non identifié.
63 Alexis Vollon (1865-1945), fils du peintre Antoine Vollon.
64 Alexandre Dumas fils, ouvr. cité, p. 29.
65 A. Dumas fils, Théâtre complet, éd. citée, t. II, vol. II, p. 983-984.
Auteur
Président d’honneur de la Société des Amis d’Alexandre Dumas (Paris)
Claude Schopp, Président d’honneur de la Société des Amis d’Alexandre Dumas, est l’éditeur de nombreuses œuvres de Dumas et l’auteur de plusieurs travaux biographiques touchant Dumas et son entourage : Alexandre Dumas. Le génie de la vie, Fayard, 1997 ; Dictionnaire Dumas, CNRS Éditions, 2010 ; Les Dumas. Bâtards magnifiques (en collaboration avec Sylvain Ledda), Vuibert, 2018. Il édite actuellement la Correspondance complète d’Alexandre Dumas aux éditions Classiques Garnier.
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