1La femme n’est pas un homme comme un autre mais l’on a longtemps pensé (à tort) que ce qui s’appliquait aux hommes en matière médicale pouvait s’appliquer aux femmes également. D’erreurs de diagnostic en effets secondaires imprévus, la prise de conscience progressive que les spécificités des femmes pouvaient influencer certains aspects du domaine médical a amorcé une nouvelle prise en considération de ces dernières (pour une revue, voir Liu & Mager, 2016) dont le champ de l’autisme a lui-même bénéficié.

2Les années 2013 et 2014 ont marqué un tournant dans ma vie car j’ai reçu un diagnostic de syndrome d’Asperger. Ce diagnostic a été salvateur car il a répondu à beaucoup d’interrogations remontant jusqu’à ma petite enfance et m’a permis d’orienter ma vie dans une direction plus adaptée à ce que je suis. Pour autant, il a suscité des questionnements, sur la notion d’autisme et sur les manifestations de l’autisme chez la femme. Je me suis mise à lire le maximum d’articles de recherche que je pouvais trouver sur le sujet. J’ai aussi beaucoup observé, au cours des dernières années, l’évolution dans la manière dont ce sujet était traité dans les médias et sur les réseaux sociaux. Or, en presque dix ans, la quantité d’informations accessibles en ligne concernant l’autisme et notamment l’autisme chez les femmes a considérablement augmenté. Il y a eu de nombreuses retombées positives, car beaucoup de femmes ont enfin pu comprendre leur fonctionnement, expliquer leurs difficultés et avoir du soutien. Néanmoins, cette évolution a aussi conduit à des dérives, renforçant mes interrogations. L’une d’elles est la simplification de l’information qui conduit à des surinterprétations de certains résultats de recherche.

3Avec ce livre, j’ai essayé de dispenser avec nuance ce que l’on sait actuellement des femmes autistes. Pour cela, il m’est apparu essentiel de partager à la fois les données des études mais aussi des points de vue de cliniciens et de personnes concernées, qui s’entrecroisent, se font écho, et divergent aussi parfois. Cette contribution reste humble. Cet ouvrage rapporte des faits, notamment scientifiques, et des réflexions, mais en aucun cas il ne se pose en détenteur de vérité. En effet, la connaissance et notre regard sur le monde ne sont pas figés. Leurs évolutions au cours des années à venir sont inéluctables et apporteront à leur tour de nouveaux éléments, qui viendront confirmer mais peut-être aussi parfois infirmer ce que vous trouverez ici.

Je supposerai que le théoricien s’intéresse essentiellement à la vérité et, particulièrement, à la découverte de théories vraies. Mais une fois qu’il a complètement digéré le fait que nous ne pouvons jamais justifier empiriquement — c’est-à-dire au moyen d’énoncés expérimentaux — l’affirmation qu’une théorie scientifique est vraie, et que nous sommes donc toujours confrontés dans le meilleur des cas à la question de savoir quelle supposition il convient, à titre d’essai, de préférer à d’autres, il est en droit, de son point de vue de chercheur de théories vraies, de se pencher sur les questions suivantes : quels principes de préférence devrions-nous adopter ? Certaines théories sont-elles « meilleures » que d’autres ? (Karl Popper, La connaissance objective, 1979)

4Cet ouvrage est composé de différentes parties. L’introduction situe ce livre dans le contexte actuel, puis la question des femmes autistes est positionnée historiquement (chapitre 1). Le chapitre 2 vise à amener des données biologiques expliquant le sex-ratio en faveur des garçons. Ce chapitre peut être plus difficile et technique à appréhender que les autres mais est néanmoins nécessaire pour une meilleure compréhension épidémiologique. Les chapitres suivants (3,4,5 et 6) s’attachent à décrire les différences liées au sexe au regard des caractéristiques de l’autisme. Dans le chapitre 7, des questions spécifiques aux femmes autistes, comme la maternité, seront abordées. Enfin, le dernier chapitre a pour but de synthétiser le propos et d’engager la réflexion sur des problématiques actuelles.