1Comme il est précisé dans l’introduction générale, la visée première de la recherche pelas est d’assurer à tous — aux chercheurs, formateurs, enseignants mais aussi aux divers relais institutionnels — une meilleure connaissance de la réalité effective des classes afin qu’ils examinent conjointement les modalités selon lesquelles il est possible d’envisager et d’expérimenter certaines évolutions dans les pratiques d’enseignement relatives aux approches analytiques des textes littéraires d’une part, d’en analyser les effets sur la formation de lecteurs critiques et autonomes d’autre part. C’est donc aux dispositifs didactiques mis en œuvre par les professeurs que l’équipe pelas s’est intéressée ainsi qu’aux conceptions de la littérature et de son enseignement-apprentissage sur lesquelles ces dispositifs reposent, conceptions qui, elles-mêmes, prennent appui sur certains concepts élaborés tant dans le champ de la théorie littéraire que dans celui de la didactique de la littérature, notamment au cours des deux dernières décennies.

2Selon J. Van Beveren, « [p]our être qualifié de didactique, un dispositif doit […] être un ensemble d’éléments divers (concrets et abstraits, verbaux et non verbaux) conçus et/ou sélectionnés par l’enseignant, et agencés par ce dernier de manière telle que ses élèves, lors d’une interaction didactique, atteignent un ou plusieurs objectif(s) spécifique(s) à une discipline scolaire » (2020, p. 58). Et le didacticien belge précise que « le maître dispose d’une marge de manœuvre — programmée ou non — qui peut notamment l’amener à reconsidérer en situation certains des choix qu’il avait posés lors de la phase de conception » (Idem), c’est-à-dire lors de l’élaboration du dispositif à partir notamment d’orientations théoriques et didactiques, recommandées par l’institution de manière plus ou moins explicite et plus ou moins actualisée au regard des travaux de recherche.

3Le premier chapitre de cet ouvrage présente donc la nature des « éléments divers […] conçus et/ou sélectionnés […] et agencés », voire « reconsidér[és] en situation » de classe par les enseignants et que l’équipe a retenus dans son protocole de recherche dans le but d’appréhender au mieux son objet, à savoir les pratiques effectives en matière d’approches analytiques des textes littéraires. Par ailleurs, de même que l’enseignant est conduit à opérer des choix didactiques en amont, lors et en aval de toute séance, le chercheur réalise des choix méthodologiques, pour ce qui concerne à la fois le recueil et le traitement des données, selon des critères très largement déterminés par la nature même de l’objet de recherche1 et par la visée de la recherche. Ce sont également ces critères qui sont présentés et dont la sélection est justifiée dans le premier chapitre (terrains d’enquête, séances de classe et documents de travail, questionnaires et entretiens semi-directifs), même si l’on sait, d’une part, que « [l]a construction des données2 […] consiste principalement en la sélection (et donc l’exclusion) et la catégorisation de certains éléments » — c’est-à-dire « des indicateurs ou des indices estimés pertinents par rapport à la question » à laquelle la recherche tente d’apporter des éléments de réponse — et, d’autre part, que le traitement des données consiste à les interpréter « en établissant des rapports avec les études disponibles […] et dans des cadres théoriques déterminés » (Reuter, 2006, p. 18).

4Ces principes ont guidé le traitement quantitatif d’une partie des données collectées, dont le chapitre 2 rend compte. Là encore, des choix méthodologiques ont été faits en fonction non seulement de la nature des données traitées (68 séances de classes enregistrées), du champ de recherche (didactique de la littérature) dans lequel leur analyse prend place mais également de la question retenue (permanence et/ou renouvellement des pratiques professorales concernant l’approche analytique des textes littéraires). L’enjeu premier de cette étude quantitative est en effet de mesurer l’impact des recherches et des évolutions, plus ou moins explicites, observées dans les programmes d’enseignement sur les pratiques d’enseignement-apprentissage consacrées à l’analyse des textes littéraires en 3^e et en 2^de. Nous considérons, à la suite de B. Daunay et coll., qu’« une méthode n’[est] pas seulement un ensemble de procédures à mettre en œuvre pour l’appréhension d’un réel, mais plus fondamentalement le découpage de ce réel en unités d’analyses pertinentes, dans le cadre d’une théorie, pour permettre de saisir de manière empirique, au sens très large du terme, les problèmes que cette dernière veut traiter » (2011, p. 17). Par conséquent, plusieurs « unités d’analyse » ont été retenues afin d’examiner les caractéristiques des textes littéraires étudiés, les modalités selon lesquelles ils sont analysés, la place et le rôle dévolus aux élèves et au professeur dans ces analyses « collectives ». Cette étude ne prétend nullement à l’exhaustivité et les résultats présentés, à la généralité. Cependant, elle permet de percevoir les points pour lesquels la tradition disciplinaire perdure mais aussi ceux marqués par certaines évolutions — en particulier, par « le souci de prendre en compte les réceptions de l’élève lecteur », comme le signale la conclusion. Ainsi, cette étude révèle notamment la manière dont les enseignants traduisent en actes les notions et concepts à partir desquels ils élaborent et mettent en œuvre leurs « dispositifs didactiques » visant à apprendre aux élèves à analyser un texte littéraire, et cela dans une éventuelle perspective de progression curriculaire. Enfin, cette étude quantitative met au jour les points aveugles tant du côté des recherches en didactique de la littérature menées au cours des deux dernières décennies que du côté des prescriptions institutionnelles qui reposent, en France, sur des fondements épistémologiques, si ce n’est instables, du moins insuffisamment clarifiés.