1L’humanité est confrontée depuis ses origines aux maladies infectieuses. Des agents pathogènes transmis de l’animal à l’Homme frappaient sans doute déjà les chasseurs-cueilleurs mais, jusqu’à la peste noire qui a été la première pandémie documentée, ces maladies restaient plutôt cantonnées à des territoires restreints. Depuis, d’autres maladies infectieuses (Ébola, Chikungunya, H1N1, SRAS, etc.) sont apparues et leurs rythmes d’émergence s’accélèrent avec une propagation de plus en plus large. En effet, l’époque moderne a créé toutes les conditions favorables à l’émergence et à la diffusion de ces maladies infectieuses qui se transmettent naturellement de l’animal à l’homme (zoonoses) en rapprochant la faune sauvage des animaux d’élevage et des hommes, mais également en rapprochant les différentes populations entre elles et en les concentrant dans de grandes agglomérations. Depuis sa première apparition en décembre 2019, certainement sur le marché des animaux de Wuhan en Chine, la Covid-19 bouleverse la planète. Cette maladie infectieuse qualifiée de pandémie par l’OMS est causée par le SARS-CoV2 (virus à ARN de la famille des coronaviridés), un nouveau coronavirus d’origine animale, dont le premier réservoir est probablement la chauve-souris. Le pangolin, qui fait partie des animaux le plus souvent soupçonnés de servir d’intermédiaire entre la chauve-souris et l’homme, est le principal suspect dans l’origine de la pandémie bien que rien ne le prouve avec certitude.

2Nous avons introduit cet ouvrage en soulignant que « l’homme est en perpétuelle interaction avec son environnement ». Or l’apparition du coronavirus dans notre environnement a entraîné un déséquilibre majeur dans les interactions entre l’homme et son environnement dans son acception la plus large, à savoir tout ce qui est autour de nous y compris nous-mêmes. En effet, le mode même de transmission du coronavirus et son importante contagiosité ont nécessité la mise en place de mesures drastiques allant jusqu’au confinement généralisé afin de limiter la propagation de l’épidémie en France. Le mot même de « confinement » montre bien la rupture de l’interaction de l’homme avec une grande partie de son environnement qu’il soit naturel et/ou social (professionnel, familial, amical, etc.).

3Alors que l’isolement des personnes durant cette période a eu des répercussions profondes et négatives sur la santé physique et mentale des individus, le confinement a, sans surprise, eu un effet positif sur l’environnement lui-même améliorant la qualité de l’air, diminuant les gaz à effet de serre et la pollution sonore et en permettant à de nombreuses espèces d’évoluer plus librement dans leur environnement. Avec la destruction des écosystèmes qui multiplient les contacts entre espèces et la pollution environnementale dues aux activités humaines, cette pandémie met en exergue les conséquences néfastes de l’homme sur son environnement. De plus, tout le monde s’accorde pour dire que les malades chroniques ont été les grandes victimes de la Covid-19 (84 % des comorbidités chez les victimes de la Covid-19 selon Santé publique France). Or, les maladies chroniques, contribuant à la sévérité du Covid-19, sont elles-mêmes au moins partiellement favorisées par des facteurs environnementaux. Nous revenons donc là à l’importance du concept de « santé environnementale » dont l’objectif est d’agir préventivement sur l’environnement pour diminuer les facteurs de risque (mauvaise alimentation, alimentation ultra-transformée, contamination de l’alimentation par les pesticides, sédentarité, isolement social, difficulté d’accès aux espaces verts, pollution atmosphérique, etc.) qui génèrent les maladies chroniques telles que le diabète, l’obésité, les maladies cardio-vasculaires et respiratoires, la dépression, etc.

4Même si l’âge joue un rôle prépondérant dans les facteurs de comorbidité, le focus fait sur l’âge dans ce contexte pandémique a conduit à stigmatiser et isoler une population souvent déjà isolée et fragilisée. Par exemple, le confinement des personnes âgées en EHPAD, il y a quelques mois, a été décrété dans l’urgence sans prendre en compte leur avis ou leur consentement posant alors la question éthique : doit-on priver de liberté au motif de la sécurité ? D’un point de vue sanitaire et dans une logique de santé publique, la protection des personnes âgées les plus vulnérables à un risque de surmortalité immédiat lié à l’infection virale a primé. Mais il convient de s’interroger sur les conséquences paradoxales de ces mesures sur leur santé. En effet, le confinement a été synonyme de privation de relations sociales sachant que l’environnement relationnel peut être vital en donnant du sens à la vie. Dans ce contexte particulier, l’absence de relation a donc conduit à des syndromes de désadaptation ou de glissement, entraînant une mortalité importante liée non pas au virus mais à l’isolement.

5Le fait d’évoluer dans le même environnement que le virus pose enfin la question du vivre ensemble. En effet, s’isoler pour se protéger, porter des masques, respecter une distanciation, ne plus se toucher, ne plus s’embrasser, fait que l’Homme représente une source de contamination potentielle et devient un danger pour lui-même. Une situation qui induit dans les rapports humains la notion de méfiance et peut conduire à l’isolement, à l’exclusion et à l’absence de solidarité. C’est donc toute la question de la confiance et de la relation à autrui qui est posée.

6Nous constatons que nous ne pouvons pas vivre en bonne santé coupés de notre propre environnement, dans sa définition la plus large. La Covid-19 nous interroge donc sur la relation à notre milieu et sur notre relation aux autres.

7Il reste à se demander quels enseignements nous saurons tirer de cette pandémie pour l’avenir.