Chapitre 6. Les élèves et les exigences scolaires
p. 149-178
Texte intégral
1Comment les élèves de lycée professionnel se représentent-ils les attentes et exigences scolaires en matière d’écriture ? Quels types de texte doit-on leur faire écrire, selon eux ? Pourquoi ? Dans quels buts ? Qu’attendent leurs professeurs ? Sur quelles bases pensent-ils que leurs productions sont jugées ? Et enfin, comment se situent-ils par rapport à ces exigences : aiment-ils écrire à l’école ? Pensent-ils nécessaire d’adopter une attitude spécifique lorsque l’on écrit un texte en vue d’une évaluation ? S’estiment-ils au niveau de ces exigences ?
2Ces différents aspects ont été abordés lors de l’enquête systématique1 proposée aux quatre groupes d’élèves soumis à un questionnaire à partir d’un texte ayant été produit par un élève. Rappelons qu’au lycée professionnel, il s’agit d’élèves de seconde professionnelle et de terminale BEP. Le même questionnaire est également proposé à des élèves de 3e de collège et de seconde technologique.
3Chaque élève, dans le cadre d’un entretien individuel, est invité tout d’abord à lire le texte. Puis quatre séries de questions lui sont posées. Ces questions, qui concernent toutes le rapport de l’élève aux exigences scolaires, se décomposent en quatre sous-thèmes :
Le sujet sur lequel l’élève a été invité à écrire et le genre d’écrit demandé. Il s’agit, par là, d’appréhender leur représentation des objectifs scolaires visés à travers l’écriture de textes.
L’évaluation de l’écrit produit par l’élève scripteur, du point de vue de la scolarité, mais aussi du point de vue social. Les élèves ont-ils conscience des normes d’évaluation ? Les normes de référence sont-elles les mêmes s’agissant d’écrits scolaires et d’écrits sociaux ? Et sont-elles les mêmes pour les quatre groupes d’élèves ?
Les jugements portés sur l’auteur du texte et les stratégies adoptées par celui-ci pour répondre à la consigne. Il s’agit par là d’appréhender de manière indirecte leurs propres manières de s’investir — ou non — personnellement dans les écrits scolaires.
Enfin, une série de questions aborde directement l’implication personnelle de l’élève interrogé qui a eu, rappelons-le, à écrire lui aussi la lettre au journal deux semaines auparavant. Ces questions concernent l’investissement de et dans l’écriture, l’une des dimensions du rapport à l’écriture évoquée au chapitre 2.
4Toutes ces questions, qui impliquent personnellement l’élève, plus personnellement que celles relatives aux caractéristiques textuelles et discursives ayant fait l’objet du chapitre précédent, sont posées en fin de questionnaire. Il s’agissait de mettre l’élève en confiance au moment de lui poser des questions plus personnelles concernant son rapport à l’écriture scolaire.
1. Le thème et le genre d’écrit demandés
5Cet ensemble comporte quatre questions :
Est-ce que ce sujet doit être traité à l’école ?
Est-ce utile d’écrire ce genre de texte à l’école ?
Est-ce que ça apprend quelque chose d’écrire ce genre de texte ?
Quel professeur donne ce genre de sujet ?
6Les trois premières questions sont liées entre elles par l’idée que les élèves « scolaires » centreraient leurs réponses sur les apprentissages scolaires, à savoir l’apprentissage de l’écriture et de l’argumentation notamment. Les élèves plus éloignés de l’univers scolaire répondraient plutôt sur le thème lui-même, qui les intéresse et les concerne. Autrement dit, les uns centreraient leurs réponses sur les aspects formels, les autres sur les aspects de contenu.
7À la dernière question, on s’attend à ce que tous les élèves indiquent que c’est le professeur de français qui donne ce genre de texte, mais que les élèves éloignés de l’univers scolaire et de ses normes langagières fassent intervenir aussi, voire seulement, le professeur de sciences sociales.
1.1. Est-ce que ce sujet doit être traité à l’école ? Pourquoi ?
8Très majoritairement, tous les élèves considèrent que ce sujet doit être traité en classe (83 % à 92 % de « oui » selon les groupes, voir tableau 30).
9Après cette question fermée, le dialogue était poursuivi et l’on demandait à l’élève de justifier sa réponse : pourquoi ce sujet doit-il ou ne doit-il pas être traité à l’école ?
10La quasi-totalité des élèves justifient leur réponse, qu’elle soit positive ou négative. Celles-ci sont très diverses et s’organisent autour de catégories qui reprennent des expressions fréquentes des élèves interrogés (voir tableau 31). Par ordre de fréquence décroissante sur les quatre groupes, ces catégories sont les suivantes : « s’exprimer » ; « ça nous concerne/c’est l’âge où on doit en parler » ; « avoir les avis des autres/échanger » ; « pour informer les jeunes » ; « pour que les profs nous connaissent mieux » ; « c’est un sujet dont on ne parle pas assez » ; « c’est important/c’est intéressant » ; « apprendre l’argumentation » ; « apprendre à réfléchir/à avoir l’esprit critique » ; « paraphrase du sujet ».
11Certains élèves donnent plusieurs justifications, comme dans les exemples suivants :
« Oui, même si y aura des débats. Parce que c’est intéressant de parler de ça, ça nous concerne. » [2, 2de techno] L’élève donne trois justifications qui sont classées ainsi : l’échange entre élèves, l’intérêt du sujet et le fait qu’il concerne les élèves de cet âge.
« Parce que ça fait bien réfléchir, et en même temps ça parle de choses qui sont peut-être bien dans la vraie vie. » [26, Tale BEP] L’élève donne deux justifications : apprendre à réfléchir et ça le concerne.
12En classe de 3e, la réponse la plus fréquente est qu’il s’agit d’un sujet qui concerne les élèves de leur âge.
13En seconde professionnelle, la réponse la plus fréquente est également l’importance et l’intérêt du sujet. Vient ensuite la réponse « s’exprimer », nettement plus fréquente en troisième ou seconde technologique.
14Les justifications des élèves de terminale BEP se répartissent majoritairement et à égalité entre la possibilité de s’exprimer et l’intérêt pour des échanges sur un sujet qui concerne les jeunes.
15Sur l’ensemble des élèves, les justifications se référant de près ou de loin à la scolarité (« apprendre à réfléchir », « apprendre l’argumentation ») sont peu mobilisées, sans doute parce que la question porte sur la légitimité scolaire de l’écriture d’un tel texte et non explicitement sur les éventuels objectifs scolaires.
16On retiendra de ces réponses que pour la très grande majorité des élèves il est légitime d’écrire ce type de texte à l’école, et que les justifications associées portent sur le thème du texte, thème intéressant, important et qui concerne les jeunes. Néanmoins, il faut noter que les élèves des classes professionnelles et ceux de la classe technologique se distinguent de ceux de 3e en faisant référence à leur intérêt pour l’échange entre élèves, justification qui n’apparait pas chez les collégiens.
1.2. Est-il utile d’écrire ce genre de texte à l’école ? Pourquoi ?
17La question porte cette fois explicitement sur l’utilité scolaire, deux termes présents dans l’énoncé de la question.
18La réponse est très majoritairement « oui » dans les quatre groupes d’élèves, plus nettement dans la classe de 3e (91 % des élèves) que dans les trois autres classes (de 79 % à 83 %). Ce dernier résultat est conforme à nos attentes. On notera néanmoins que les élèves des trois autres classes, aussi, pensent majoritairement que c’est utile d’écrire ce genre de texte à l’école. Il reste donc à voir si les justifications avancées sont les mêmes. Comme à la question précédente, la très grande majorité des élèves justifient leur réponse, qu’elle soit positive ou négative. Mais celles-ci diffèrent d’une classe à l’autre (voir tableau 32).
19En classe de 3e, la moitié des élèves fournit une justification de type scolaire, en se référant de manière quasi exclusive à un objectif scolaire précis, le plus souvent l’argumentation. Ceci n’a rien étonnant, eu égard aux programmes de français de cette classe scolaire, l’argumentation y figurant explicitement et de manière importante par rapport aux niveaux précédents. Exemple de réponse : « Argumenter, c’est un peu notre truc. » [15, 3e de collège] Mais d’autres objectifs, sont évoqués : « On travaille la lettre » [1, 3e de collège] ; « C’est pour mieux développer ses idées » [4, 3e de collège].
20En seconde technologique et terminale BEP, la proportion d’élèves évoquant un apprentissage scolaire spécifique est nettement plus faible : environ un tiers des élèves.
21À la différence de leurs camarades de terminale, les élèves de seconde professionnelle n’évoquent pas d’apprentissages de type scolaire, qu’il s’agisse d’apprentissages généraux ou spécifiques. Ceci interroge. En effet, les programmes du lycée professionnel prévoient, pour la classe de français, et plus précisément dans le domaine de l’écrit, un approfondissement de l’explication et de l’argumentation. On ne peut exclure un effet enseignant, l’enquête portant sur une classe dans laquelle le travail serait réalisé sans que le terme d’argumentation lui-même soit utilisé de manière explicite, sa réapparition en classe de Tale BEP pouvant être liée à la préparation des épreuves d’examen.
22Il reste que les élèves de seconde professionnelle et de terminale BEP se différencient des collégiens et de la classe de 2de technologique, faisant nettement plus souvent référence à l’expression personnelle et aux échanges entre élèves.
1.3. Est-ce que ça apprend quelque chose d’écrire ce genre de texte ?
23Cette question prolonge la précédente et insiste plus explicitement, cette fois, sur l’éventualité d’apprentissages scolaires grâce à l’écriture de ce genre de texte.
24Entre le quart et le tiers des élèves des deux classes professionnelles et de la classe technologique répondent par la négative à cette question : le but ne serait pas d’apprendre quelque chose. Par contraste, la grande majorité des élèves de la classe de 3e répondent positivement.
25Les justifications associées aux réponses positives s’organisent autour des mêmes catégories qu’à la question précédente (voir tableau 33). La seule nuance concerne la catégorie « échanger », dans la mesure où, ici, les catégories « échanger » et « s’informer » sont le plus souvent imbriquées, la distinction entre les deux n’étant pas toujours très nette, comme dans les exemples suivants : « On peut apprendre des autres » [29, Tale BEP] ; « Parce qu’on peut savoir des choses qu’on savait pas » [20, 2de techno]. Autrement dit, on apprend parce qu’en échangeant on s’informe. Cette justification réfère au thème du texte et à son contenu.
26Plus de la moitié des élèves de la classe de 3e justifient leur réponse positive en faisant référence à un apprentissage scolaire, dans la discipline « français » en général, ou concernant plus spécifiquement l’écrit : « Apprendre à écrire, la façon d’écrire, formuler ses phrases » [1, 3e de collège] ; « Ça peut travailler notre façon d’argumenter, de nous aider à argumenter » [5, 3e de collège]. Près d’un quart de ces mêmes élèves fait référence aux échanges que cela permet. Les élèves de troisième, plus souvent que les autres, donnent plusieurs justifications, comme dans l’exemple suivant : « On voit autre chose de ce que pensent les autres gens. Ça m’apprend à rechercher, à réfléchir, rechercher des exemples. » [6, 3e de collège]
27Les justifications des élèves de la classe de 2de technologique se répartissent de manière à peu près égale entre référence à des apprentissages scolaires — « Peut-être pour les dissertations » [8, 2de techno] — et échanges entre élèves — « Si on a les avis des autres, on apprend ce qu’ils pensent, eux » [5, 2de techno].
28À la différence des élèves de ces deux classes, ceux de la série professionnelle font très peu référence à des apprentissages scolaires formels, qu’ils soient généraux ou spécifiquement liés à l’apprentissage de l’écriture de textes. Ils justifient leur réponse positive en référence au thème du texte, aux échanges, catégorie nettement dominante en terminale BEP, et à la possibilité d’approfondissement de leur réflexion qu’il permet : « Je pense que ça peut apprendre pour voir les avis de chacun » [14, Tale BEP] ; « Oui, pour moi ça m’a fait réfléchir » [5, 2de pro].
29Il est intéressant d’analyser l’évolution des réponses, au sein de chaque groupe d’élèves, au fil des questions, selon que l’on passe de la légitimité scolaire à l’utilité puis, enfin, à l’intérêt du point de vue des apprentissages.
30L’évolution des réponses des quatre groupes d’élèves au fil des trois questions peut se résumer de la manière suivante :
Les élèves de la classe de 3e ciblent leur réponse en fonction de la question posée. À celle de la légitimité, ils répondent sur le thème du texte. Puis, concernant l’utilité et les apprentissages, ils évoquent les apprentissages formels en terme d’écrit et de forme textuelle.
Ceux de la classe de 2de technologique ciblent progressivement leurs réponses, évoquant également le thème du texte lorsqu’il s’agit de la légitimité scolaire puis les apprentissages formels lorsqu’on en vient explicitement aux apprentissages.
Ceux de seconde professionnelle se caractérisent par le fait que de la 1re à la 3e question, ils restent sur le registre du thème du texte qui, à leurs yeux, offre un moyen d’expression personnelle et d’échange entre élèves, voire entre élève et professeur.
Enfin, les réponses de ceux de terminale BEP sont plus difficiles à caractériser. À la question de l’utilité, ils semblent partagés entre l’intérêt pour le contenu et la forme du sujet proposé, peut-être en raison de la préparation des épreuves d’examen. Mais à la troisième question se référant explicitement aux apprentissages, les justifications dominantes concernent à nouveau le thème du texte.
1.4. Quel professeur donne ce genre de sujet ?
31Cet ensemble de questions relatives au thème et au genre d’écrit demandé se termine par cette interrogation précise, dont le but est de saisir, de manière indirecte, ce que les élèves imaginent que l’on est censé apprendre avec une telle consigne d’écriture. On s’attend à ce que les élèves qui ont mis en avant des apprentissages scripturaux évoquent le professeur de français ; que ceux qui ont mis en avant l’information, les échanges, l’ouverture au monde évoquent soit l’histoire-géographie, l’éducation civique pour les élèves de troisième de collège, ou l’éducation civique, juridique et sociale (ECJS) pour les secondes technologique et professionnelle. Les réponses s’organisent autour des tendances suivantes (voir tableau 34) :
Les élèves de troisième citent plus souvent le professeur de français seul. Cela confirme l’orientation de leurs justifications autour de l’argumentation et des apprentissages en langue et en écriture.
Pour les élèves de seconde professionnelle et de terminale BEP, c’est également le professeur de français qui est très majoritairement évoqué. Les élèves de seconde professionnelle, pourtant, à la série précédente de questions relatives au thème et au genre d’écrit demandé, ne font pas ou peu référence à des apprentissages en matière d’écriture ou de langue. Ceci interroge la représentation qu’ils ont de la discipline « français » et du rôle du professeur qui en a la charge.
Pour les élèves de seconde technologique, c’est plutôt le professeur d’ECJS qui est susceptible de faire écrire ce genre de texte. Ceci peut rendre compte du fait qu’à la question « Est-ce que ça apprend quelque chose d’écrire ce genre de texte ? », les justifications associées aux réponses positives se répartissent entre référence au contenu et référence à la forme du texte.
2. Jugements portés sur le texte produit
32Les jugements sollicités le sont en référence d’une part à l’institution scolaire, d’autre part au jugement social. Du point de vue de l’école, les questions portent sur la question de savoir si l’élève, d’après eux, respecte les attentes de l’institution et comment ils pensent qu’il serait évalué par l’enseignant. Du point de vue social, la question posée est celle de savoir si un journal pourrait publier un tel article.
2.1. L’élève répond-il à la consigne ?
33Les élèves de troisième et ceux de seconde technologique se distinguent des élèves de seconde professionnelle et de terminale BEP. Ces derniers répondent très majoritairement de manière positive (91 % des élèves de seconde professionnelle et 97 % de ceux de terminale BEP), alors que la majorité est moins nette dans les deux autres classes (77 % en troisième et 79 % en seconde technologique). Notons que nous avons déjà observé la dichotomie entre les classes de 3e, 2de technologique et 2de professionnelle d’une part, et celle de Tale BEP d’autre part, aux questions précédentes, principalement à celle sur l’utilité d’écrire ce genre de texte.
2.2. La longueur du texte est-elle celle attendue ?
34Les élèves devaient répondre à une question fermée : le texte est-il trop long, trop court ou juste ce qu’il faut ?
35Globalement, ils considèrent que le texte a une longueur correspondant aux attentes scolaires. Refuge dans une réponse moyenne ou jugement fondé ? Un élève de terminale BEP précise : « C’est ce qu’on demande en BEP. » [4, Tale BEP]. Mais, à l’exception des élèves de seconde professionnelle qui ne commentent pas leur réponse, des élèves des trois autres classes font remarquer que la longueur n’est pas un critère suffisant pour définir un bon texte : « La taille n’a pas d’importance. » [24, 2de techno] D’autres font remarquer que s’il est d’une longueur acceptable, le contenu est discutable, soit parce que l’élève se répète — « Elle répète des idées, elle ajoute des lignes » [23, 2de techno] —, soit parce que le contenu n’est pas pertinent — « Ce qu’il faut mais pas avec ce qu’il faut dedans » [21, Tale BEP] ; « Le texte peut être petit avec de bons arguments […] et il peut faire trois pages avec rien dedans » [3, 3e de collège].
2.3. Quelle note pourrait avoir ce devoir ?
36Il est demandé aux élèves de donner une note sur 20 à ce devoir.
37Les notes moyennes attribuées par les élèves des quatre groupes sont les suivantes : 12,5/20 pour les élèves de seconde technologique et ceux de terminale BEP ; 13,9/20 pour les élèves de seconde professionnelle ; et 14,4/20 pour les élèves de troisième.
38Ainsi, plus on monte dans la scolarité, plus la note moyenne baisse. L’étendue des notes, elle, se réduit : elle est de neuf points en troisième et passe à cinq points en terminale. Cela indique que les normes scolaires sont progressivement intégrées par les élèves, qu’il s’agisse de la note attribuée ou du constat que la longueur d’un texte ne suffit pas en à faire un bon texte.
2.4. Le professeur va-t-il apprécier les idées de l’élève ?
39Le texte de la question stipule explicitement qu’elle porte sur les idées de l’élève. Mais, à travers cette question et les commentaires qu’elle suscite, il s’agit d’appréhender indirectement quelles sont, selon les élèves, les normes d’évaluation des textes.
40Les élèves répondent majoritairement « oui » à cette question : 71 % en seconde technologique et plus de 85 % dans les trois autres classes. Seuls ceux de seconde technologique et de terminale BEP sont plus nombreux à répondre qu’ils ne savent pas : respectivement 17 % et 15 % contre 4,5 % des élèves de troisième et 4 % de ceux de seconde professionnelle. Est-ce parce qu’ils pensent que là n’est pas le problème ? L’examen des commentaires de ces élèves ne permet pas de le dire. En effet, certains d’entre eux affirment tout simplement qu’ils ne savent pas au sens littéral, c’est-à-dire qu’ils ne connaissent pas les opinions du professeur : « Je sais pas, peut-être », « Ça dépend du prof, je sais pas, s’il est féministe » [24, 2de techno]. Les deux autres hésitent, parce qu’elles pensent que « la liberté d’aimer les filles, c’est pas trop le vif du sujet » [18, 2de techno], et « quand j’ai demandé aux autres […] y avait personne qui avait mis le mariage » [17, 2de techno]. Elles jugent donc sur l’adéquation du thème traité à la consigne, et ainsi ne répondent pas directement à la question posée. Par ailleurs, leurs commentaires, que leur réponse soit « oui » ou « non », portent majoritairement sur les idées : « S’il est pas macho » [1, 2de techno] ; « Peut-être pas toutes les idées, mais dans l’ensemble, oui » [7, 2de techno]. Seuls trois évoquent la forme, laissant entendre qu’elle constitue le critère principal : « Les idées peut-être mais le langage moins. » [22, 2de techno]
41Les commentaires des élèves de troisième, d’une part, de ceux des sections professionnelles, d’autre part, sont contrastés. La majorité des réponses des seconds évoque conjointement les idées et la forme du texte : « Les idées, oui, mais pas les expressions » [15, Tale BEP] ; « Je pense, mais pas de la façon dont elle a formulé » [17, Tale BEP]. Ceux des élèves de 3e qui répondent majoritairement « oui » évoquent la qualité des arguments ou de l’argumentation. Sept commentaires comportent le terme « argument (s) » : « Y a qu’une idée mais elle est bien argumentée. » [10, 3e de collège] Les normes scolaires d’évaluation intériorisées sont donc différentes : la correction de la langue et l’organisation textuelle pour les élèves de terminale BEP ; l’argumentation, critère plus précis et correspondant à un objectif scolaire affiché, pour les élèves de troisième.
42Au total, donc : les élèves de seconde technologique évitent de se prononcer ; ceux de troisième font référence à la qualité de l’argumentation (le contenu) ; et ceux de section professionnelle évoquent conjointement les idées et la forme du texte.
2.5. Ce texte pourrait-il être réellement envoyé au journal ?
43Cette question aborde l’évaluation sous l’angle d’une norme sociale, celle d’un journal. La consigne ne précise pas de quel type de journal il s’agit : « Vous écrivez une lettre à un journal ».
44La réponse « oui » est faiblement majoritaire dans tous les groupes (entre 50 % et 65 %), sauf en terminale BEP (39 %). Mais les non-réponses sont assez nombreuses chez les élèves de troisième et de seconde technologique, ce qui rend l’analyse difficile. En réalité, cette question était un préalable, une sorte d’introduction à des commentaires sur la manière dont un journal pourrait juger un tel texte.
45Nous distinguerons les raisons fournies selon qu’elles suivent une réponse positive ou négative. Plusieurs élèves fournissent plusieurs types de commentaires.
2.5.1. Commentaires associés aux réponses « oui »
46Les élèves de troisième sont ceux qui commentent le plus leur réponse positive. Sur six commentaires, quatre relèvent de critères scolaires : les arguments sont bons, le texte est bien présenté, il suffit de le recopier pour qu’il soit plus lisible. Un seul élève fait référence aux normes journalistiques, et dit que « la forme dans un journal doit avoir peu d’importance, c’est bon pour un journal de jeunes » [3, 3e de collège].
47Dans les trois autres groupes, on relève huit commentaires au total. Pour deux élèves, il suffirait de préciser que l’auteur est un « amateur, pas un journaliste » ou « un élève », pour trois autres, de changer quelques mots ou de taper à l’ordinateur. Deux autres élèves évoquent la chance : « Pourquoi pas ? » [4, Tale BEP] ; « On peut tenter sa chance » [1, 2de techno]. Un seul trouve le propos suffisamment intéressant pour être publié : « Parce que ça donne un point de vue précis de la question. » [15, Tale BEP]
2.5.2. Commentaires associés aux réponses « non »
48Cette fois, ce sont les élèves de terminale BEP qui commentent le plus leur réponse négative (18 commentaires au total). Les arguments évoqués sont principalement liés à la langue : l’orthographe, le langage, la présentation, l’organisation du texte, les arguments (pas clairs ou trop développés). Un seul commentaire fait état du mode de fonctionnement d’un journal : « Ils doivent recevoir pas mal de lettres, donc, ils en voient des comme ça, c’est un gros bloc […] ils vont la jeter plutôt que de la lire. » [33, Tale BEP]
49Le seul commentaire d’un élève de troisième évoque le fonctionnement d’un journal. Celui-ci pense que le critère sera l’exactitude du propos tenu dans la lettre : « Si je suis l’éditeur, je chercherais déjà à savoir si ce qu’elle dit est vrai. » [22, 3e de collège]
50Les sept commentaires venant d’élèves de seconde technologique et de seconde professionnelle portent tous sur la forme : le langage « pas bon », la formulation, l’absence de construction du texte, les « fautes ».
51Au total, donc, la majorité des élèves, à l’exception de ceux de terminale BEP, hésite à affirmer qu’un journal pourrait accepter de publier ce texte. Les élèves de terminale BEP, eux, pensent, à une faible majorité, que le journal n’accepterait pas, et ils justifient leur réponse en invoquant des critères formels. Les autres élèves sont partagés. Les réponses « oui » des élèves de troisième sont justifiées par la nature des arguments utilisés par l’auteur du texte. Les autres élèves justifient peu leur réponse affirmative. Quant aux réponses « non », ce sont là encore les élèves de terminale BEP qui se distinguent nettement en invoquant les problèmes de forme concernant la construction du texte autant que la langue utilisée. Les spécificités et les exigences journalistiques sont très peu évoquées.
52Il est intéressant de noter que les critères d’évaluation scolaires et sociaux sont sensiblement les mêmes : ce sont les aspects formels qui représentent majoritairement les critères d’acceptabilité, dans le champ scolaire comme dans le champ social que représente un journal.
2.6. Conclusion partielle : évaluation des textes
53Concernant l’évaluation de la production, on retiendra que seuls les élèves de troisième évoquent l’argumentation comme critère d’évaluation. Ceci conforte leurs réponses précédentes relatives à l’intérêt d’écrire ce genre de texte à l’école et sur ce que cela peut apprendre. Ils répondent en termes scolaires et de manière ciblée, l’argumentation étant précisément au programme de français de la classe de 3e.
54Les réponses des élèves de terminale BEP se caractérisent par leurs jugements très critiques sur la langue et leur évocation du genre textuel concerné, à savoir la lettre.
55Dans les deux autres classes, en seconde professionnelle et en seconde technologique, c’est la langue et l’organisation textuelle qui sont évoquées, que ce soit pour l’évaluation scolaire ou pour la sélection dans un journal.
56Au total, donc, deux ensembles de critères dominent. Les élèves de troisième jugent en fonction d’un critère précis, relevant du programme de français de l’année : l’argumentation. Les autres jugent en fonction d’un critère plus général : la langue et le genre de texte. Concernant le jugement sur le thème, nous avions déjà noté que les élèves de troisième avaient des jugements plus précis, répondant de manière plus spécifique à chacune des questions posées.
3. Jugements portés sur l’élève auteur du texte
57Un premier groupe de questions porte sur l’identité du scripteur, telle que se la représentent les élèves à partir du texte qu’il a produit : fille ou garçon ? Son âge ? Sa classe ? S’agit-il d’un bon élève, d’un élève moyen ou d’un mauvais élève ?
3.1. L’identité de l’auteur du texte
58Pour la quasi-totalité des élèves des quatre classes, l’auteur est une fille.
59Par contre, concernant l’âge supposé de l’auteur du texte, les réponses diffèrent. De la comparaison entre l’âge moyen attribué à l’auteur du texte et l’âge moyen des élèves de chaque classe, il ressort les constats suivants concernant les quatre groupes d’élèves :
ceux de section professionnelle imaginent un élève plus jeune qu’eux ;
ceux de seconde technologique pense à un élève presque du même âge qu’eux (à six mois près) ;
les élèves de troisième imaginent, quant à eux, un élève plus âgé.
60Le contraste entre les élèves de troisième, d’un côté, de section professionnelle, de l’autre, pourrait s’entendre comme indiquant une différence quant au jugement relatif à la qualité de la lettre. Les élèves de troisième auraient un jugement plus sévère sur le texte, ceux de section professionnelle feraient preuve au contraire de plus d’indulgence à l’égard de l’élève scripteur.
61Pour fournir des indications permettant de comprendre ces réponses, deux questions complémentaires ont été posées : « En quelle classe est l’auteur du texte ? » et « Quel type d’élève est-il : bon, moyen ou mauvais élève ? ». Dans les deux cas, le jugement demandé l’est à partir du texte.
62Concernant la classe de cet élève scripteur (voir tableau 35), les élèves de troisième n’envisagent que des classes de collège et de lycée général. Les réponses des élèves des autres classes se répartissent entre le collège, le lycée général et le lycée professionnel. Les élèves de seconde technologique situent l’auteur principalement en lycée général ou en troisième et seconde. Ceux de seconde professionnelle l’imaginent en lycée général, également, mais aussi en lycée professionnel. C’est en terminale BEP que les réponses sont les plus diversifiées et souvent vagues.
63Ces réponses suggèrent les remarques suivantes :
Il parait difficile, pour les élèves, d’attribuer un texte à un niveau précis de la scolarité. Ceci n’est pas étonnant et il y a tout lieu de penser qu’il en serait de même pour des enseignants, même si l’on peut penser que la dispersion serait moindre.
On notera que c’est en terminale BEP que les réponses sont les plus dispersées et les plus imprécises.
On peut néanmoins s’étonner que ce texte, qui comporte nombre de maladresses, textuelles autant que phrastiques, nombre de termes familiers et d’erreurs orthographiques, puisse être attribué à des élèves de lycée général, même si c’est avant tout la classe de seconde qui est évoquée. Peut-être les élèves pensent-ils que de la seconde à la terminale on peut faire des progrès suffisants ? Ou est-ce leur conception de la norme sémantique, textuelle et langagière qui est en cause ? Autrement dit, considèrent-ils qu’il est normal de produire un tel texte au lycée ?
64L’examen des réponses à la question suivante, à savoir s’il s’agit d’un bon élève, d’un élève moyen ou d’un mauvais élève, peut apporter des indications susceptibles d’éclairer l’analyse. La possibilité de réponse « élève moyen » ayant été donnée, il n’est pas étonnant que les élèves l’aient largement utilisée, évitant sans doute par là de juger un de leur camarade. Il est donc surtout intéressant de voir combien d’élèves le jugeront « bon élève » et avec quels types d’arguments. Qu’est-ce qui, dans une production écrite, serait caractéristique d’un bon élève ?
65Les réponses des élèves de troisième se répartissent de manière égale entre « bon » et « mauvais ». Ceux de seconde professionnelle sont encore quelques-uns à considérer que l’élève est un bon élève (35 %). Mais en terminale BEP et seconde technologique, très peu d’élèves qualifient l’auteur de bon élève (respectivement 17 % et 15 %). Rôle de l’âge ? De la filière ? L’analyse des arguments avancés peut éclairer l’analyse.
66Quelles sont les justifications données par les élèves qui décident de considérer l’auteur comme un « bon élève » ? Quelles seraient les caractéristiques scripturales d’un « bon élève » ? Celles-ci correspondent-elles à ce que les élèves pensent que l’on peut apprendre à l’école par l’écriture de ce type de texte (voir ci-dessus, dans ce même chapitre, 1.2. et 1.3) ?
Les réponses des élèves de troisième sont très diverses, mais très majoritairement relatives aux aspects linguistiques : le vocabulaire, la mise en forme, l’absence de fautes d’orthographe. Deux élèves sont sensibles au style, soulignant leur admiration pour la forme interrogative utilisée, sorte d’adresse au lecteur : « Pour faire une lettre comme ça avec des questions » [15, 3e de collège] ; « Ça doit être une bonne élève parce que pas tout le monde oserait parler comme ça » [8, 3e de collège]. Seuls deux des huit élèves qui classent l’auteur comme « bon élève » font référence à sa bonne argumentation : « Elle argumente bien » [5, 3e de collège], qui évoquait l’argumentation aux questions sur l’utilité scolaire, et [7, 3e de collège]. Deux autres, enfin, mettent en avant les idées : « Déjà elle a eu une idée sur le sujet, donc ça veut dire qu’elle est bonne. » [20, 3e de collège]
Les trois élèves de seconde technologique qui classent l’auteur dans les bons élèves évoquent l’argumentation et la structure des phrases. L’une d’elles a une formulation qui évoque une appréciation d’enseignant : « De bons arguments mais ils auraient pu être mieux développés. » [17, 2de techno]
Les réponses des élèves de seconde professionnelle et terminale BEP sont qualitativement de même type, mais plus évasives que celles des élèves de troisième et de seconde technologique : les idées et la réflexion (« Il a une bonne réflexion et il développe ses idées » [9, Tale BEP]) ; l’absence de fautes (« Elle fait vraiment pas beaucoup de fautes » [12 et 15, 2de pro]). Il est intéressant de noter que trois élèves de seconde professionnelle et deux de terminale BEP évoquent l’argumentation : « Elle argumente assez bien ce qu’elle dit. » [10, 2de pro] Ceci est à noter et montre que les élèves de section professionnelle ont peut-être perçu l’objectif scolaire plus que ne le laissaient penser leurs réponses aux questions plus directes sur l’utilité scolaire de l’écriture de ce type de texte.
3.2. Conclusion partielle : l’identité du scripteur
67Au total, l’auteur est une fille pour la quasi-totalité des élèves. Le sujet développé dans le texte, à savoir la liberté des filles concernant leur mariage, est probablement la raison de cet accord unanime. Cela pourrait signifier que, pour les élèves interrogés, on peut s’impliquer personnellement dans les textes scolaires : une fille peut parler d’elle sur le plan personnel dans un texte scolaire. Les réponses aux questions relatives à la dimension « implication personnelle » (voir ci-dessous) apporteront sans doute un éclairage complémentaire.
68Cette fille est perçue comme un peu plus âgée qu’eux par les élèves de classe de 3e, un peu plus jeune par ceux de section professionnelle. Il est difficile de définir avec précision sa place dans la scolarité. Sur ce plan, il faut noter que les élèves de section professionnelle donnent des réponses très diverses et surtout assez vagues.
69Il y a lieu de s’interroger sur le fait qu’un nombre non négligeable d’élèves des quatre classes situent l’auteur d’un tel texte en lycée. L’examen des quelques justifications fournies par ceux qui considèrent l’auteur comme un bon élève apporte peu d’informations nouvelles par rapport aux travaux antérieurs : un bon élève en français est celui qui fait peu de fautes, qui sait s’exprimer, qui a des (bonnes) idées et, seule chose précise, y compris en section professionnelle, qui argumente bien. Seules ces réponses ciblées de la part des élèves de section professionnelle viennent nuancer des observations antérieures selon lesquelles les élèves en difficulté se caractérisent par leurs réponses évasives, voire tautologiques, à ce type de question : un bon élève serait tout simplement celui qui réussit à l’école ou qui obtient de bonnes notes (Barré-De Miniac, Croz & Ruiz, 1993). Mais il resterait à examiner de plus près ce que ces élèves mettent sous l’expression « bien argumenter ».
4. Les stratégies du scripteur
70Un autre groupe de questions tente de cerner plus précisément l’élève scripteur. Quelles stratégies met-il en œuvre devant la demande scolaire : dit-il ce qu’il pense ? Cherche-t-il à plaire au professeur ? Fait-il trop voir ses idées personnelles ? Ces questions sont une manière indirecte d’appréhender la manière dont les élèves des quatre classes se représentent les attentes et les normes scolaires, et, plus précisément ici, comment ils pensent qu’il faut se comporter pour répondre à ces attentes et s’inscrire dans ces normes. Trois questions, posées dans l’ordre suivant, cherchent à appréhender cette dimension :
L’élève dit-il ce qu’il pense ?
L’élève écrit-il ce qui va plaire au professeur ?
L’élève fait-il trop voir ses idées personnelles ?
71Aux deux premières questions, il est demandé aux élèves de donner des exemples tirés du texte pour étayer leurs réponses.
4.1. L’élève dit-il ce qu’il pense ?
72La réponse est quasi unanime (tous les élèves sauf trois) : oui, l’élève dit ce qu’il pense.
73Concernant les exemples qui le montrent, plus de la moitié des élèves de troisième, de seconde technologique et de seconde professionnelle, et près des deux tiers de ceux de terminale BEP, citent des passages du texte comportant un pronom de la première personne : je, moi ou nous (les filles). Ainsi, auteur et narrateur sont une seule et même personne. Ceci confirme l’attribution du texte à une fille et l’interprétation que nous en avons proposée, à savoir qu’il est possible de s’impliquer personnellement à l’école. Cela traduit aussi ce que l’on pourrait appeler un effet de transparence de l’écriture : celle-ci ne pourrait traduire que la réalité vraie ou, en d’autres termes, ce qui est écrit ne peut qu’être vrai. C’est ce que traduit ce propos d’une élève de troisième : « Quand il marque “moi”, ça montre qu’il est à fond dans son truc. » [1, 3e de collège]. Ou encore celui d’une élève de terminale BEP : « Déjà “moi”, juste dire “moi”. » [27, Tale BEP]
4.2. L’élève écrit-il ce qui va plaire au professeur ?
74La réponse est très majoritairement « non », ce qui confirme les réponses à la question précédente. Mais cette fois, l’unanimité n’est pas aussi nette : 21 % des élèves de seconde technologique et 26 % de ceux de seconde professionnelle répondent « oui », contre 9 % en troisième et 3 % en terminale BEP.
75L’examen des justifications des quelques élèves qui répondent « oui » à cette deuxième question montre que, dans ce cas, c’est la forme, à savoir le style, le vocabulaire ou encore le respect des normes scolaires, qui est le plus souvent évoquée : « Au début, parce qu’il joue bien avec les mots » [9, 2de pro] ; « Quand elle reprend le sujet » [4, 2de techno] ; « La conclusion qui aide à bien comprendre » [15, 3e de collège]. Plaire au professeur est donc en lien avec la longueur et le style, donc concerne la forme et non le contenu.
4.3. L’élève fait-il trop voir ses idées personnelles ?
76Cette question est un peu différente des deux précédentes et présente l’avantage de ramener les élèves sur la question du contenu du texte. Il s’agit de savoir jusqu’où, d’après les élèves, on peut aller en ce qui concerne la sincérité ou l’authenticité dans les écrits scolaires. Les élèves, là-dessus, sont beaucoup plus partagés que dans leurs réponses aux deux autres questions. En troisième et en seconde technologique, les réponses se partagent à peu près à part égale entre le « oui » et le « non » : 55 % et 41 % dans la première classe, 46 % et 54 % dans la seconde. Par contre, le « non » l’emporte plus nettement chez les élèves de section professionnelle : 61 % des élèves de seconde professionnelle et 67 % de ceux de terminale BEP. Pour ces derniers, l’auteur du texte n’en dit pas trop. Leurs justifications sont diverses : « C’est le but du texte », appuie l’une de ces élèves [5, Tale BEP]. Une autre essaie d’excuser l’auteur : « Quand même il pose des questions au lecteur […] Elle ne pense pas totalement qu’à elle. » [13, Tnale BEP]
4.4. Conclusion partielle : les stratégies du scripteur
77Pour la quasi-totalité des élèves, l’auteur du texte écrit ce qu’il pense, comme si, pour ces élèves, auteur et narrateur étaient une même personne. Corrélativement, la très grande majorité de ceux-ci pense que l’élève n’écrit pas ce qui va plaire au professeur mais ce qu’il pense, lui. Néanmoins, l’accord sur ce plan n’est pas unanime. Certains élèves soulignent que l’auteur cherche à plaire au professeur sur le plan de la forme, en appliquant des règles typiquement scolaires : soigner l’introduction ou la conclusion, choisir ses mots. Il y a chez ces élèves une conscience d’une norme scolaire que ces propos évoquent. La question reste posée de savoir s’ils s’en sentent proches ou éloignés, s’ils ont envie ou non de s’y conformer. Ces aspects font l’objet des questions de la dernière partie du questionnaire, qui tentent de cerner l’implication personnelle des élèves dans les tâches d’écriture en classe (voir ci-dessous).
78D’ores et déjà on peut retenir que, pour ces élèves, chercher à plaire au professeur n’implique pas que l’on renonce à ses idées et à son implication personnelle. En effet, les élèves de section professionnelle répondent majoritairement « non » à la question de savoir si l’élève en dit trop. La norme scolaire serait donc pour eux essentiellement une norme formelle. C’est moins nettement le cas pour les élèves de troisième et de seconde technologique.
5. Textes scolaires et implication personnelle
79Autour de l’implication et de l’investissement de l’écriture à l’école, quatre ensembles de questions sont posées aux élèves :
Est-ce qu’ils ont aimé écrire selon la consigne qui leur a été proposée ? Il s’agit globalement de saisir l’intérêt pour ce type de travail en classe ; cette question se situe du côté de la force d’investissement.
Sont-ils d’accord avec ce que dit l’élève dont ils ont à lire le texte ? Cette deuxième question oriente plus précisément l’élève interrogé sur le contenu, le thème à propos duquel il faut écrire.
Le texte écrit est-il intéressant ? Cette troisième question prolonge et complète la précédente, permettant de vérifier l’implication effective dans la lecture du texte.
Aiment-ils les sujets dans lesquels il faut donner son avis ? Ceux où ils doivent inventer/imaginer une histoire ? Lequel préfèrent-ils ? Après les questions qui portaient sur le texte écrit par un autre élève, cette question revient sur l’élève interrogé et le questionne de manière précise sur son type d’investissement.
5.1. La force d’investissement : ont-ils aimé écrire ce texte ?
80As-tu aimé traiter ce sujet ? Pourquoi ? Qu’est-ce qui t’a plu, pas plu ? Ce sont les trois questions qui ont été posées pour aborder ce thème de la force d’investissement.
81À la première question, la réponse est très majoritairement « oui » : 71 % pour les élèves de seconde technologique ; de 82 % à 87 % pour les trois autres groupes. Les élèves de seconde technologique se distinguent donc par un plus grand pourcentage de réponses « non ». Est-ce que simplement ces élèves osent plus que les autres exprimer un avis critique, ou est-ce l’expression d’un moindre intérêt pour ce type de sujet ou de consigne d’écriture ?
82L’analyse des explications fournies permet d’apporter quelques éléments de réponse. En effet, la question se poursuivait, que la réponse ait été positive ou négative, par : « Pourquoi ? Qu’est-ce qui t’a plu, pas plu ? »
83D’un point de vue quantitatif, on constate que les élèves de seconde technologique fournissent un plus grand nombre de raisons : 27 raisons sont avancées par les 17 élèves qui ont répondu positivement à la première partie de la question, neuf d’entre eux, soit environ la moitié, fournissant deux raisons. Viennent ensuite les élèves de terminale BEP : 37 raisons avancées par les 28 élèves qui ont répondu « oui » à la première partie de la question, dix d’entre eux, soit un tiers environ, avançant deux raisons. Les élèves de troisième et ceux de seconde professionnelle, en raison peut-être de leur plus jeune âge, s’expriment moins : 24 raisons avancées par les 18 élèves de troisième ayant répondu « oui » ; 23 raisons avancées par les vingt élèves de seconde professionnelle ayant répondu « oui ».
Pourquoi ?
84D’un point de vue qualitatif, l’analyse du contenu des raisons avancées par les uns et les autres permet d’établir les huit catégories de réponses suivantes :
Le sujet permet de s’exprimer/donner son avis : « Parce que on donne nos idées, ce n’est plus du cours, c’est rien que nous. » [17, Tale BEP]
Le sujet concerne les jeunes, eux en particulier : « J’ai bien aimé parler de la vie des jeunes. » [23, Tale BEP]
Le sujet change des sujets scolaires habituels : « Il était intéressant par rapport à ce qu’on nous donne d’habitude. » [2, 3e de collège]
Commentaires scolaires sur le sujet : « C’est pas facile de trouver des arguments » [5, Tale BEP] ; « On pouvait dire oui et non » [20, 2de techno] ; « Je pense que je m’en sors pas trop mal [de ce type de sujet] » [3, 3e de collège].
Intérêt pour l’échange/évocation du genre « lettre » : « […] de comparer mes choix avec ceux d’autres personnes […] qui ne penseraient pas la même chose. » [11, Tale BEP]
Intérêt pour l’écriture en général : « J’aime bien écrire en général. » (12, Tale BEP]
Sujet qui fait réfléchir : « Ça fait réfléchir un peu, ça ouvre les yeux. » [05, 2de pro]
Réponses tautologiques ou vagues (ou commentaire du sujet) : « Je n’avais pas bien compris la phrase “les jeunes sont-ils toujours libres de choisir”… » [26, Tale BEP]
85Si l’on range par ordre décroissant les pourcentages des réponses de chaque catégorie, pour chacun des quatre groupes d’élèves (pourcentages calculés sur le nombre de réponses fournies par chaque groupe, voir tableau 36), on constate que la réponse majoritaire pour tous les élèves est que c’est un sujet qui permet de s’exprimer, de donner son avis. À tous les niveaux, donc, les élèves aiment écrire lorsque les sujets leur permettent de s’impliquer personnellement et d’exprimer leur propre avis. Ce constat rejoint des résultats d’études antérieures (Barré - de Miniac, 2002 ; Penloup, 1999) montrant que le rapport à l’écriture ne peut être défini indépendamment du type de texte à écrire, et qu’un élève peut investir l’écriture d’une sorte de texte et se tenir à distance d’une autre. Marie-Claude Penloup tire les fils de ce constat et propose de partir de ce que les élèves aiment écrire, ou écrivent spontanément, pour organiser des apprentissages langagiers et textuels.
86Les réponses qui viennent ensuite en terme de fréquence diffèrent selon les groupes :
Les plus âgés (élèves de terminale BEP et de seconde technologique) prolongent leur réponse par des énoncés vagues ou de type commentaire de texte : « C’est dur de savoir s’ils sont libres » [4, 2de techno] ; « Parce que c’est intéressant » [6, Tale BEP].
En seconde professionnelle, après le désir de s’exprimer, qui représente 50 % des réponses, viennent des justifications qui relèvent de considérations générales concernant l’écriture.
En troisième, les réponses les plus fréquentes, après le désir de s’exprimer, relèvent de considérations scolaires : « C’était un peu difficile à trouver les preuves, des arguments à ce qu’on disait. » [07, 3e de collège] Chez ces élèves, le plaisir de s’impliquer personnellement dans un texte n’exclut pas la perception et la prise en considération des objectifs scolaires. Rappelons que ces élèves ont répondu, plus fréquemment que les autres, qu’écrire ce genre de texte est utile parce que permettant d’apprendre l’argumentation et de s’entrainer à l’utiliser.
5.2. Es-tu d’accord avec ce que dit l’élève ? Aurais-tu répondu de la même façon ?
87De manière tout à fait majoritaire dans les quatre groupes, la réponse est « oui » à la première partie de la question (68 % en troisième, 96 % en seconde technologique, 91 % en seconde professionnelle et 73 % en terminale BEP). Les pourcentages un peu plus faibles en troisième et en terminale BEP sont liés à un plus grand nombre de non-réponses dans le premier cas et de réponses « non » dans le second.
88Mais dans les quatre groupes, le fait d’être d’accord avec ce que dit l’élève auteur du texte n’implique pas que l’on ait répondu de la même manière. En effet, la réponse à la seconde partie de la question est majoritairement « non » dans les quatre classes (respectivement 77 %, 67 %, 74 % et 85 %). Les élèves qui commentent leur réponse décrivent les similitudes et les différences en matière d’arguments ou d’exemples. Leurs réponses, qui se présentent comme des commentaires de leur propre texte, semblent montrer qu’ils auraient envie de poursuivre la réflexion et l’écriture, ce qui conforte leurs réponses précédentes à la question de savoir s’ils ont aimé écrire sur ce sujet (rappelons que ce questionnaire leur était proposé au moins deux semaines après qu’il leur avait été demandé d’écrire le texte) :
J’ai pas parlé du mariage mais on parle à peu près de la même chose. [13, 3e de collège]
Elle cible plus des éléments, j’ai parlé plus généralement. [16, 2de techno]
J’ai mis d’autres idées. [5, 2de pro] En partie, un même argument. [8, 2de pro]
J’ai mis d’autres exemples. [6, Tale BEP] Pas tout à fait, je n’ai pas parlé de femmes forcées au mariage. [15, Tale BEP]
5.3. Le texte est-il intéressant ?
89La réponse à cette question est majoritairement « oui » dans les quatre groupes (68 % en troisième, 75 % en seconde technologique, 81 % en seconde professionnelle et 82 % en terminale BEP). Bien qu’attendu, eu égard aux questions précédentes, cet intérêt exprimé conforte les réponses à la première question concernant l’intérêt pour les sujets qui permettent de s’exprimer, de donner son avis, et qui concernent les jeunes.
90Les commentaires des réponses positives à la question de savoir si ce texte-là, donné à évaluer, est intéressant, ne portent pas systématiquement sur le contenu :
En classe de 3e, la moitié des élèves qui justifient leur réponse, négative ou positive, avancent des arguments de type formel ou scolaire (trop de répétitions, pas assez d’exemples), ou, au contraire, soulignent la qualité de l’argumentation : « Elle explique bien » [7, 3e de collège] ; « Ça a un bon rapport [avec le sujet] » [3, 3e de collège].
Il en est de même en terminale BEP : « Oui, mais un peu court » [25, Tale BEP] ; « Oui et non parce qu’elle parle de la taille, ça n’a pas trop d’importance » [20, Tale BEP].
Les élèves de seconde professionnelle justifient peu leur réponse.
Ceux de seconde technologique, quant à eux, s’inscrivent sur un autre registre, s’intéressant à ce texte comme à un texte d’auteur, et leurs jugements portent bien sur le contenu, à la différence de leurs collègues de troisième ou de terminale BEP : « Mon texte est différent, mais, oui, il peut être intéressant » [15, 2de techno] ; « C’est intéressant de voir comment elle voit les choses » [22, 2de techno].
91Ainsi, là encore, les élèves de troisième montrent leurs préoccupations pour les objectifs scolaires en matière d’écriture, évoquant la qualité de l’argumentation ou la présence de répétitions. À l’autre extrême, on trouve les élèves de seconde technologique, qui s’intéressent principalement au contenu, aux idées exprimées.
5.4. Le type d’investissement : aimes-tu les sujets où il faut donner son avis ? Les sujets où tu dois inventer/imaginer une histoire ? Lequel préfères-tu ?
92Aux deux premières questions qui portent sur un seul type de texte, les réponses sont très majoritairement « oui » dans les quatre groupes d’élèves.
93Concernant les sujets « où il faut donner son avis », les pourcentages de réponses positives sont les suivants selon la classe :
91 % en 3e ;
79 % en 2de technologique ;
87 % en 2de professionnelle ;
97 % en Tale BEP.
94On note un pourcentage un peu plus faible en seconde technologique.
95Concernant les sujets où il faut « inventer/imaginer une histoire », les pourcentages de réponses positives sont les suivants selon la classe :
82 % en 3e ;
79 % en 2de technologique ;
70 % en 2de professionnelle ;
67 % en Tale BEP.
96En dehors de la classe de 2de technologique où les pourcentages de « oui » à chacune des deux questions est le même, on note que dans les trois autres groupes, le pourcentage de « oui » à la seconde question est toujours plus faible. Il y aurait un moindre intérêt pour l’écriture de textes de fiction.
97La troisième partie de la question porte sur la préférence pour l’un ou l’autre type de texte. Cette question est posée aux élèves qui ont répondu « oui » à chacune des deux questions précédentes, à savoir qui déclarent aimer les deux types de texte. Sur ce point, des différences apparaissent entre les quatre groupes d’élèves.
C’est seulement en troisième qu’écrire l’un ou l’autre type de texte est majoritairement indifférent : 18 % se prononcent en faveur du texte argumentatif et 22 % en faveur du texte de fiction. Cette absence de préférence nette pourrait s’analyser en relation avec les préoccupations scolaires de ces élèves : répondre aux exigences scolaires passerait avant les intérêts et les gouts personnels. Rappelons que si l’enseignement de l’argumentation commence de manière explicite en classe de 3e, comme le précisent les programmes de français pour ce niveau scolaire, les textes argumentatifs ne sont pas les seuls types de textes prévus dans les activités d’écriture :
Les activités d’écriture permettent à l’élève d’affiner l’expression de soi, de développer et d’affirmer son point de vue dans l’argumentation, de mettre l’accent sur l’implication et l’engagement (opinion, conviction, émotion), ou au contraire, la mise à distance et le détachement (objectivité, distance critique, humour). […] écrit argumentatif : au collège, on exige seulement la présentation d’une prise de position étayée par quelques arguments et exemples ; ce type d’écrit sera développé au lycée. (MEN, 2008a, p. 12-13)
En seconde professionnelle, la préférence va au texte argumentatif (48 % des élèves) plutôt que de fiction (30 %). L’argumentation n’est certes pas la seule forme de discours prévue dans les programmes, mais son enseignement est plus approfondi :
Notions pour l’analyse des textes. Éléments pour l’étude des textes argumentatifs : sujet et thèse ; thèse proposée, thèse réfutée ; argument, contre-argument, exemple ; marques de subjectivité ; indices d’organisation. (MEN, 1992, p. 5-6)
Il en est de même en terminale BEP de manière encore plus tranchée : 61 % se prononcent en faveur des textes argumentatifs contre 30 % pour les textes de fiction. En seconde comme en terminale, poésie, théâtre et prose narrative sont également prévus aux programmes. Mais nos données indiquent que les élèves préfèrent nettement l’argumentation, notamment sur des sujets de société, et ce, d’une manière croissante de la seconde à la terminale BEP.
Les élèves de seconde technologique, quant à eux, sont également peu nombreux à déclarer que, narration ou argumentation, peu leur importe. Mais ils sont partagés entre ces deux formes discursives (42 % dans les deux cas).
5.5. Conclusion partielle : investissement et implication des élèves
98On retiendra que les élèves des quatre groupes déclarent avoir apprécié la consigne qui leur a été donnée d’écrire cette lettre à un journal sur le thème qui leur a été proposé. Cette réponse positive et massive pourrait s’interpréter comme un effet de désirabilité sociale, l’entretien se déroulant, certes, en dehors de la classe, mais dans l’établissement scolaire. Les justifications données portent à donner du crédit à leur intérêt pour l’écriture de ce texte. Pour les élèves des quatre groupes, l’intérêt qu’ils trouvent à écrire ce type de texte est qu’ils peuvent s’exprimer, donner leur avis personnel. Écrire pour cela ne leur déplait donc pas.
99L’analyse des commentaires qui suivent la deuxième question qui leur est proposée, à savoir s’ils sont d’accord ou non avec les propos de l’élève dont ils ont à évaluer le texte, confirme cette première conclusion. Commentant ce texte, ils s’expriment comme s’ils commentaient ou poursuivaient l’écriture de leur propre texte, manifestant par là leur intérêt pour le sujet qui leur est proposé.
100Les quatre groupes diffèrent quelque peu lorsque l’entretien les conduit sur le terrain de l’intérêt du texte écrit par un autre élève qu’eux-mêmes. Les élèves de troisième jugent la forme et le contenu, quand ceux de lycée professionnel prennent majoritairement en considération le contenu, les idées.
101Enfin, concernant le type d’investissement, à savoir quel type de texte — narratif ou argumentatif — les élèves préfèrent écrire, ceux de lycée professionnel déclarent très nettement leur préférence pour les textes argumentatifs sur des sujets de société.
6. En conclusion
102La relation qu’entretiennent les élèves aux exigences scolaires a été appréhendée à travers quatre ensembles de questions : des questions sur le thème et le type de texte donné à écrire ; d’autres portant sur l’évaluation du texte produit ; d’autres sur l’auteur de ce texte, tel que les élèves se l’imaginent ; et, enfin, des questions visant leur propre investissement de ces textes scolaires.
103Ces questions visaient les objectifs suivants :
repérer comment les élèves perçoivent les objectifs scolaires en matière de production écrite, et, surtout, avec quel degré de précision ils parviennent à les exprimer ;
connaitre les jugements portés sur le texte, ainsi que sur l’élève auteur du texte, en référence aux exigences scolaires ;
évaluer si, pour les élèves, exigences scolaires et exigences sociales sont identiques ;
repérer, enfin, le type et la force d’investissement de l’écriture scolaire chez les élèves des quatre groupes.
104Sur tous ces points, les réponses des quatre groupes d’élèves sont comparées. L’hypothèse initiale qui a guidé l’analyse des résultats était celle d’un contraste entre les élèves de troisième, appartenant encore à un cursus général, et ceux de section professionnelle, orientés vers des cursus courts — ceux de seconde technologique se situant à mi-chemin entre ces deux groupes plus contrastés du point de vue de leur position scolaire. Les résultats nuancés conduisent à préciser cette hypothèse générale.
105Concernant les objectifs scolaires, on constate effectivement un contraste entre les réponses des élèves de troisième et celles des élèves de section professionnelle. Celles des premiers sont plus ciblées, ces élèves répondant de manière spécifique à chacune des questions. Par contraste, on constate que les élèves de section professionnelle tendent à rester dans le même thème, que la question porte sur le sujet à traiter, l’utilité de ce genre de texte ou les apprentissages que l’on peut réaliser en écrivant ce type de texte. Leurs réponses sont donc plus générales et moins ciblées que celles des élèves de troisième.
106Par contre, les uns comme les autres associent ce type de consigne à la classe de français. Ceci interroge la représentation qu’ont les élèves de section professionnelle des objectifs de la classe de français, dans la mesure où, à la question des apprentissages pouvant être réalisés à l’occasion de l’écriture de ce type de texte, ils n’envisagent pas les apprentissages langagiers. Les élèves de seconde technologique, eux, associent ce type de texte à la classe d’ECJS, centrant leurs commentaires évaluatifs sur le contenu.
107Concernant l’évaluation de ce texte, à l’aune des critères scolaires, là aussi des différences, mais aussi des similitudes, apparaissent entre les élèves de troisième et ceux de section professionnelle. Tous les élèves semblent avoir intégré que la longueur d’un texte n’est pas un gage de sa qualité, celle-ci relevant d’autres critères. Par contre, les commentaires sur la question de savoir si le professeur va apprécier les idées de l’élève se différencient. Si les élèves de seconde technologique semblent éluder cette question, fournissant peu de commentaires, ceux des élèves de troisième et de section professionnelle diffèrent. En classe de 3e, les commentaires sont plus souvent centrés sur la question de l’argumentation, ceux des élèves de section professionnelle sur les idées et la forme (maitrise de la langue).
108Concernant l’évaluation à l’aune de critères sociaux (acceptation ou non par un journal), les critères mis en avant par tous les groupes d’élèves sont sensiblement les mêmes, et les mêmes que ceux mis en avant concernant le cadre scolaire, à savoir des critères formels. Mais sur cette base commune, on constate que les élèves de troisième mettent en avant la qualité de l’argumentation, ceux de section professionnelle celle de la langue.
109Concernant les jugements sur l’auteur du texte, son identité et son niveau, les clivages sont moins marqués. Pour tous les élèves, il s’agit d’une fille, en référence à l’écriture au « je ». Si les élèves de troisième sont partagés quant à la question de savoir s’il s’agit d’un « bon » ou d’un « mauvais » élève, peu d’élèves de terminale BEP et de seconde technologique le considèrent comme un bon élève.
110Concernant, enfin, l’investissement de l’écriture scolaire, on constate un point commun à tous les élèves : l’intérêt pour les textes qui leur permettent de s’exprimer et de donner leur avis personnel. Mais lorsque la question porte sur l’intérêt du texte proposé à leur jugement, les élèves de troisième, là encore, se distinguent des élèves de lycée professionnel en mettant en avant des jugements formels là où ces derniers poursuivent sur des jugements relatifs aux contenus.
111Au total, deux principaux résultats sont à retenir :
les élèves de troisième fournissent des réponses plus ciblées et, surtout, conformes aux objectifs des enseignants, en relation avec les programmes scolaires, à savoir que par ce type de consigne, le professeur poursuit un objectif scolaire : il cherche à développer et vérifier les capacités argumentatives des élèves ;
ces mêmes élèves de troisième fournissent plus souvent que les autres des réponses précises et, surtout, très ciblées en fonction des différentes questions posées.
112Les élèves de section professionnelle, plus que ceux de seconde technologique, ont des difficultés à cerner et à exprimer clairement les objectifs et les attentes scolaires.
Annexe
7. Annexe
3e de collège (22 élèves) | 2de techno. (24 élèves) | 2de pro. (23 élèves) | Tale BEP (33 élèves) | |
OUI | 19 (86 %) | 22 (92 %) | 19 (83 %) | 30 (91 %) |
NON | 2 (9 %) | 1 (4 %) | 3 (13 %) | 2 (6 %) |
Tableau no 31. « Est-ce que ce sujet doit être traité à l’école ? » Effectifs et pourcentages de réponses positives et négatives pour chaque groupe d’élèves.
3e de collège (22 élèves) | 2de techno. (24 élèves) | 2de pro. (23 élèves) | Tale BEP (33 élèves) | |
S’exprimer | 1 (4,5 %) | 2 (8 %) | 4 (17 %) | 6 (18 %) |
Ça nous concerne / C’est l’âge où on doit en parler | 6 (27 %) | 5 (21 %) | 6 (18 %) | |
Avoir les avis des autres/Échanger | - | 5 (21 %) | 3 (13 %) | 5 (15 %) |
Pour informer les jeunes | 3 (14 %) | 3 (13 %) | 2 (6 %) | |
Pour que les profs nous connaissent mieux | 3 (9 %) | |||
C’est un sujet dont on ne parle pas assez | 2 (9 %) | |||
C’est important/intéressant | 3 (14 %) | 6 (25 %) | 6 (26 %) | |
Apprendre l’argumentation | 1 (4,5 %) | 3 (13 %) | 1 (3 %) | |
Apprendre à réfléchir / à avoir l’esprit critique | 1 (4,5 %) | 2 (8 %) | 1 | 1 (3 %) |
Paraphrase du sujet | - | 3 (12,5 %) | 3 (13 %) | 1 (3 %) |
Tableau no 32. « Est-ce que ce sujet doit être traité à l’école ? » Justifications aux réponses « oui ».
3e de collège (22 élèves) | 2de techno. (24 élèves) | 2de pro. (23 élèves) | Tale BEP (33 élèves) | |
Apprentissages scolaires généraux (le français, l’orthographe, former des phrases) | 1 (4,5 %) | 1 (4 %) | 1 (3 %) | |
Apprentissages scolaires spécifiques (argumenter, développer ses idées, le genre « lettre », la rédaction, la dissertation, etc.) | 10 (45,5 %) | 7 (29 %) | 1 (4 %) | 10 (30 %) |
Réfléchir au sujet, l’approfondir, y penser | 1 (4,5 %) | 2 (8 %) | 2 (9 %) | 6 (18 %) |
S’exprimer / donner son opinion | 1 (4.5 %) | 4 (17 %) | 7 (21 %) | |
Faire connaitre son opinion au professeur | 1 (4,5 %) | 1 (4.5 %) | 1 (4 %) | 3 (9 %) |
Échanger | 1 (4,5 %) | 2 (8 %) | 3 (13 %) | 7 (21 %) |
C’est intéressant | 1 (4,5 %) | |||
Informer les jeunes | 2 (8 %) | 5 (22 %) |
Tableau no 33. « Est-il utile d’écrire ce genre de texte à l’école ? » Justifications associées aux réponses « oui ».
3e de collège (22 élèves) | 2de techno. (24 élèves) | 2de pro. (23 élèves) | Tale BEP (33 élèves) | |
Apprentissages scolaires généraux (le français, l’orthographe, former des phrases) | 3 (14 %) | 1 (4 %) | 2 (6 %) | |
Apprentissages scolaires spécifiques (argumenter, développer ses idées, le genre « lettre », la rédaction, la dissertation, etc.) | 9 (41 %) | 5 (21 %) | 1 (4 %) | 2 (6 %) |
Réfléchir au sujet, l’approfondir, y penser | 2 (9 %) | 4 (17 %) | 4 (17 %) | 6 (18 %) |
S’exprimer/donner son opinion | 1 (4,5 %) | |||
Faire connaitre son opinion au professeur | 1 (4,5 %) | |||
Échanger/s’informer | 5 (23 %) | 5 (21 %) | 5 (22 %) | 15 (45,5 %) |
Informer les jeunes | 1 (4 %) | 1 (3 %) | ||
Paraphrase du sujet ou réponse vague | 4 (17 %) |
Tableau no 34. « Est-ce que ça apprend quelque chose d’écrire ce genre de texte ? » Types de justifications de la réponse « oui ».
3e de collège (22 élèves) | 2de techno. (24 élèves) | 2de pro. (23 élèves) | Tale BEP (33 élèves) | |
Français | 12 (55 %) | 5 (21 %) | 15 65 %) | 23 (70 %) |
Français- CIO | 1 | |||
Français- LE | 1 | |||
Français- éduc. civique | 2 | |||
Français- hist-géo | 3 | 2 | 2 | 4 |
Français- philosophie | 1 | |||
Français- ECJS | 10 (42 %) | 3 | 5 | |
Français- hist-géo - ECJS | 1 | 1 | ||
ECJS | 3 | |||
ECJS- hist-géo | 1 | |||
Éducation civique | 1 | |||
Philosophie | 1 | 1 | ||
NR | 1 | 1 |
Tableau no 35. « Quel professeur donne ce genre de sujet ? » (les pourcentages ne sont donnés que pour les effectifs supérieurs à dix élèves).

Tableau no 36. « En quelle classe est l’auteur du texte ? » Nombres et pourcentages de réponses pour chaque groupe d’élèves.

Tableau no 37. « Pourquoi as-tu aimé/pas aimé faire ce sujet ? » Nombres et pourcentages de réponses relevant de chaque catégorie pour chaque groupe d’élèves.
Notes de bas de page
1 Les modalités de cette enquête sont décrites dans l’introduction de l’ouvrage et rappelées, ci-dessus, dans la présentation de cette 2e partie. Le questionnement des élèves a lieu à partir du texte d’élève reproduit à la fin de la présentation de cette 2e partie. Les questions relatives à la thématique étudiée dans ce chapitre sont présentées au fil du texte. Les tableaux chiffrés ont été, quant à eux, reportés en annexe de ce chapitre de manière à rendre plus fluide la lecture des analyses proposées.
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Écrire dans l’enseignement supérieur
Des apports de la recherche aux outils pédagogiques
Françoise Boch et Catherine Frier (dir.)
2015
Le temps de l’écriture
Écritures de la variation, écritures de la réception
François Le Goff et Véronique Larrivé
2018
Itinéraires pédagogiques de l'alternance des langues
L'intercompréhension
Christian Degache et Sandra Garbarino (dir.)
2017
Ces lycéens en difficulté avec l’écriture et avec l’école
Marie-Cécile Guernier, Christine Barré-De Miniac, Catherine Brissaud et al.
2017
Le sujet lecteur-scripteur de l'école à l'université
Variété des dispositifs, diversité des élèves
Jean-François Massol (dir.)
2017
La lettre enseignée
Perspective historique et comparaison européenne
Nathalie Denizot et Christophe Ronveaux (dir.)
2019