Le journal de lecteur
p. 165-188
Texte intégral
FICHE PROJET Niveau de classe : toutes les classes de collège et de lycée. Projet d’étude : faire vivre son journal de lecteur (JdL). Projet d’écriture de l’élève :
L’écriture : fonction dans le projet, compétences visées :
Organisation, étapes du projet :
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1Le professeur de français doit développer et valoriser conjointement chez ses élèves les dimensions sensible et intellectuelle de la lecture littéraire, et accroître en eux le goût assidu de la lecture par la valorisation de l’activité lectorale et la reconnaissance de l’identité singulière de chaque lecteur. Le journal de lecteur, appelé aussi JdL, est un dispositif qui vise à atteindre ces objectifs. Il peut être utilisé de l’école primaire au lycée1.
1. Présentation du journal de lecteur
2En tant qu’outil scolaire, le journal de lecteur est un support sur lequel, toute l’année, l’élève garde trace de ses lectures. Il impose des activités d’écriture régulières – presque ritualisées – sur les livres et sur l’activité du lecteur, dont il garde la mémoire. Dans la classe, il permet d’ouvrir des débats sur les lectures et les interprétations de chacun.
3Comme son nom l’indique, ce journal est utilisé le plus souvent possible, presque au jour le jour, donc doit être nourri régulièrement par de multiples écrits sur les livres, proposés par l’enseignant et menés par l’élève en classe ou chez lui. Cependant, même s’il est consacré à la littérature et aux rapports personnels et originaux que l’élève entretient avec les œuvres littéraires, le journal de lecteur donne une priorité à la lecture littéraire en tant qu’activité et à ses répercussions sur le sujet lisant.
4Aucun journal de lecteur ne ressemble à un autre, puisque les lecteurs réagissent tous différemment à la lecture d’une œuvre littéraire. Le JdL est donc un cahier personnel, personnalisé, qui rend compte de la singularité d’un lecteur. Dans la relation triangulaire auteur/texte/lecteur, il permet de focaliser l’attention sur le lecteur et la manière dont il s’approprie les textes littéraires. Le JdL est donc un espace où se formalise, se met en mots, ce que l’on nomme, en didactique de la littérature, le texte du lecteur2.
2. Objectifs du journal de lecteur
2.1. Pour l’élève
Aborder la littérature par le sensible
5Le journal de lecteur est un outil méthodologique pour favoriser et entretenir le contact esthétique avec les œuvres littéraires. En légitimant l’expression des affects dans la lecture littéraire, la faculté à s’émouvoir, à imaginer, à mettre en jeu son système axiologique, le JdL permet de valoriser une relation personnelle et sensible avec les œuvres littéraires.
Se souvenir de ses lectures
6Le journal de lecteur est un espace de mémorisation des lectures entreprises. L’écriture permet de se souvenir des œuvres qu’on a lues, facilitant la mise en réseau et les références intertextuelles ultérieures. Contre l’oubli involontaire ou délibéré, les écrits sont aussi une représentation tangible des lectures effectuées, des difficultés qu’elles ont représentées, comme des plaisirs qu’elles ont procurés. Ils servent de repères à l’élève et témoignent de son parcours dans l’univers de la littérature.
Apprendre à parler des livres
7En tant que support d’écriture, le journal de lecteur permet à l’élève de penser et de communiquer son expérience de lecteur. Grâce aux échanges qui s’instaurent dans la classe autour de ces écrits – de manière formalisée dans les débats, mais aussi dans des discussions informelles entre pairs –, chacun s’enrichit des propositions des autres et apprend à construire un discours sur les textes.
Se sentir lecteur
8Avec un journal de lecteur, l’élève se sent reconnu comme sujet lisant, ayant quelque chose à dire dans le débat sur les livres. En intégrant ainsi l’élève dans la communauté des lecteurs, le JdL favorise une relation de curiosité et d’intérêt pour les livres.
2.2. Pour le professeur
Créer une communauté de lecteurs
9Le journal de lecteur fonctionne comme un contrat de lecture entre le groupe classe et l’enseignant. L’activité d’écriture motive la lecture et lui donne sens. La perspective des échanges, auxquels chacun apprend graduellement à participer à partir de ce qu’il a écrit, crée une émulation dans la classe.
Évaluer les compétences de lecteur de ses élèves
10En révélant les manifestations de l’appropriation sensorielle et de la participation psychoaffective des lecteurs particuliers que sont ses élèves, le journal de lecteur permet à l’enseignant de découvrir et d’observer leur mode de fonctionnement, mais aussi les problèmes de compréhension qu’ils doivent surmonter.
Adapter son enseignement de la littérature
11Ayant perçu, à la lecture des journaux de lecteurs, les réactions suscitées par l’œuvre et les difficultés rencontrées par les élèves, l’enseignant peut adapter son enseignement, revenir sur les incompréhensions et construire un travail de confrontation des interprétations.
3. Le journal de lecteur en classe
3.1. Son fonctionnement3
12Le journal de lecteur n’est pas un journal intime et il doit donc faire l’objet d’une exploitation en classe. L’enseignant a accès aux JdL de ses élèves, et tout élève peut être amené à présenter son JdL à ses camarades de classe ou/et à le leur faire lire. Au même titre que le classeur de cours, le JdL doit être apporté très régulièrement en cours de français, et le travail demandé fait l’objet d’une vérification par l’enseignant.
3.2. Ses supports
13Le journal de lecteur peut être un cahier, un carnet, un classeur ou un porte-vues que l’enseignant fournit à l’élève ou bien qu’il lui demande de se procurer. Avec les jeunes collégiens, il est préférable de fournir un support identique pour tous et choisi par l’enseignant, afin d’harmoniser les conditions d’écriture : couverture neutre ou non, pages colorées ou blanches avec ou sans lignes, feuilles reliées ou avec spirale, etc. Le premier travail consistera à investir le journal de lecteur pour le personnaliser. Avec les plus grands, l’enseignant peut laisser aux élèves le choix du support. Les adolescents apprécient cette liberté, signe d’autonomie, mais il peut être utile de leur montrer auparavant le JdL d’un ancien élève pour que chacun se représente bien de quoi il s’agit.
14Enfin, on trouve aujourd’hui des journaux de lecteurs numériques auxquels les élèves et leur professeur ont accès par Internet ou sur le site web de l’établissement4. Un tel support nécessite d’avoir un accès régulier à une salle informatique. Selon les choix faits par l’enseignant, ces JdL sont consultables par la classe uniquement ou bien par tous les membres du collège. Pour certains élèves, le travail sur clavier peut faciliter l’écriture, et les aides graphiques donnent rapidement au JdL une allure très soignée qui valorise son auteur.
3.3. Les échanges oraux
15Tous les écrits du journal de lecteur sont susceptibles d’être mutualisés en classe, et il est primordial que la mise en commun s’instaure comme un rituel durant la classe. Il n’est pas question de tout lire mais, après chaque consigne, d’inviter quelques élèves à présenter leur production. Cette socialisation est indispensable pour que les élèves s’impliquent dans leurs écrits et en comprennent le sens. Selon leur nature, les écrits demandés permettent de préparer des débats interprétatifs sur les œuvres lues, de lancer une réflexion sur l’activité du lecteur de littérature, ou de construire des références littéraires.
3.4. Les échanges écrits
16Certains journaux de lecteurs sont des journaux dialogués, c’est-à-dire que l’enseignant et les camarades de classe sont invités à les lire et à y écrire à leur tour des commentaires. Ainsi peut s’engager à l’écrit une forme de dialogue argumenté autour des lectures, propre à faire évoluer les jugements de chacun et à lancer le débat oral dans le groupe. Dans d’autres classes, les journaux restent strictement personnels, et l’on prévoit juste une enveloppe, à l’intérieur des JdL, dans laquelle les lecteurs peuvent déposer des messages au sujet de la tenue et du contenu du journal. Si ce regard porté par les pairs sur le JdL ne débouche pas sur un débat littéraire, au moins a-t-il le mérite de valoriser le travail de l’élève par l’attention qui lui est prêtée.
17Dans tous les cas, l’enseignant doit veiller à ce que les remarques écrites dans le journal de lecteur d’un camarade de classe soient toujours bienveillantes et qu’elles tendent à valoriser l’investissement de son auteur. Cela fait partie du contrat passé avec la classe.
3.5. La correction de la langue
18Dans son journal de lecteur, l’élève est invité à soigner son expression, mais il est préférable que le professeur n’intervienne pas pour corriger les erreurs d’orthographe ou de syntaxe. Pour favoriser le plaisir d’écrire et éviter des inhibitions, le JdL peut échapper à la prescription normative, mais il incombe à l’enseignant d’informer les élèves et leurs parents du statut particulier qui lui est réservé.
3.6. La question esthétique
19La dimension artistique des journaux de lecteurs est importante, notamment chez les écoliers et les jeunes collégiens, car elle facilite l’investissement des élèves. Les travaux de recherche iconographique à partir des œuvres lues et les compositions recherchées et originales que l’élève crée pour rendre compte de ses lectures contribuent à donner au JdL un statut d’œuvre d’art et à lui conférer une valeur particulière qui rejaillit sur la lecture littéraire elle-même.
20L’enseignant veillera cependant à ce que cette dimension artistique ne soit pas exagérément valorisée, car le JdL étant un dispositif au service de la lecture, il comporte de nombreux écrits de premier jet (écrits réactifs au fil de la plume, listes, portraits ou récits à l’état d’ébauche, cartes mentales, journal de bord de lecture, etc.), autant d’écrits de travail qui portent impérativement les marques d’autocorrection qui les caractérisent : ajouts, substitutions, suppressions. Les ratures ne sauraient donc être bannies du JdL mais, au contraire, promues comme signes d’une pensée qui s’élabore dans et par le langage.
21Chez les grands collégiens, on remarque que la tentation de limiter le JdL à un bel objet disparaît au profit d’un investissement dans l’écriture elle-même, d’un point de vue quantitatif et qualitatif. La dimension artistique prend donc un autre aspect, tout aussi important pour l’élève lecteur, et intègre les marques textuelles du tâtonnement scriptural.
3.7. L’évaluation
22Faut-il noter les journaux de lecteurs ? La réponse est laissée à l’appréciation des enseignants. Certains peuvent trouver bon de valoriser l’implication de leurs élèves en choisissant avec soin les critères de réussite à appliquer. D’autres pensent au contraire que la notation démotive certains enthousiasmes et dénature le projet. Ils peuvent se servir du JdL pour évaluer des compétences dans le cadre du socle commun.
23Il semble important, quel que soit le mode d’évaluation choisi, de bien prendre en compte le comportement du lecteur tel qu’il apparaît dans les écrits, plus que la maîtrise de la syntaxe et de l’orthographe, déjà largement évaluée par ailleurs en cours de français. Même si le JdL développe aussi des compétences de scripteur qui peuvent être repérées et valorisées, il est préférable que l’évaluation porte majoritairement sur la construction d’une posture de lecteur impliqué.
4. Activités pratiquées dans le journal de lecteur
24On trouve dans les journaux de lecteurs plusieurs types de travaux écrits que l’on peut classer en trois grandes familles : ceux qui concernent les lectures et les livres lus, ceux qui concernent le lecteur et la réflexion sur la lecture littéraire, et ceux qui concernent plus largement l’univers des livres.
4.1. Les écrits sur les lectures
25Ils représentent tout ce que l’élève a produit à propos des textes littéraires qu’il a lus, avec sa classe ou par lui-même. Ces travaux écrits se mènent toute l’année, au fur et à mesure des lectures.
4.2. Les écrits sur le lecteur
26Ce sont les écrits à dimension métaréflexive qui permettent aux élèves de penser leur activité de lecture littéraire et d’analyser leur propre rapport aux livres et à la littérature. Bien qu’elles ne constituent pas l’essentiel des productions dans les journaux de lecteurs, ces activités d’écriture sont au cœur du dispositif. Elles peuvent être menées à différents moments de l’année, en fonction des lectures proposées et des modalités de lecture différentes que celles-ci imposent. Il est cependant intéressant de les regrouper dans une séquence consacrée à la lecture littéraire prise comme objet d’étude, dans laquelle les élèves s’interrogent sur les caractéristiques des textes littéraires et sur ce qui fait la singularité des lectures de chacun. Placée en début d’année, cette séquence permet à l’élève de nourrir son JdL et de se l’approprier.
4.3. Les écrits sur l’univers de la littérature
27Ce sont des écrits informatifs, non consacrés directement à la lecture ou à une œuvre littéraire précise, mais liés à la culture littéraire. Ils sont archivés pour mémoire dans le journal de lecteur. Ainsi trouve-t-on des textes, rédigés par l’élève, sur les métiers du livre, sur les visites d’une librairie, de la maison d’un écrivain, d’une exposition consacrée aux livres (parchemins enluminés du Moyen Âge, carnets de voyage, manuscrits originaux d’un auteur, etc.). Même s’ils ne mettent pas en jeu la relation esthétique du sujet avec une œuvre d’art, ces écrits témoignent d’une acculturation à l’univers des livres.
28On trouve aussi des textes relatifs à d’autres objets d’art, films, représentations théâtrales ou tableaux, qui entrent en corrélation étroite avec la littérature : par exemple un article sur la mise en scène d’une pièce de théâtre lue en classe ou le compte-rendu d’un film racontant la vie d’un écrivain. L’écriture de ces textes fait partie intégrante de l’enseignement de l’histoire des arts.
5. Investir son journal de lecteur et le faire sien
29Même s’il est un outil scolaire, le journal de lecteur est un objet personnel dont l’élève doit accepter, assumer et accentuer la singularité. La personnalisation du JdL est une étape importante dans le processus d’appropriation et l’affirmation de soi comme lecteur, et elle mérite d’être au cœur des activités d’une séquence de travail.
30Lors de cette séquence, l’enseignant peut privilégier les activités centrées sur le lecteur considéré comme sujet singulier. Il s’agit alors de développer avec les élèves une réflexion sur leur rapport aux livres et de susciter l’expression d’une singularité qui ne soit pas seulement celle d’une personnalité, mais aussi celle d’un lecteur particulier. Les activités proposées permettent à l’élève de répondre à la question : « Quel lecteur suis-je ? » Et, peut-être plus largement dans le groupe classe : « Quels lecteurs sommes-nous ? » puisqu’un des aspects majeurs de cette découverte sera précisément de prendre conscience de la diversité des lecteurs.
31Cependant le professeur peut préférer aborder le journal de lecteur par des activités centrées sur l’objet-livre, qui s’intéressent d’abord au JdL dans sa dimension matérielle de bel objet sur la lecture. En classe, on soigne alors tout particulièrement la couverture, la préface, l’avis au lecteur, l’épigraphe et la quatrième de couverture.
32À cette fin, on peut présenter aux élèves la couverture du livre d’Alberto Manguel, Journal d’un lecteur5. L’image présente, dans une pièce aux murs bleus, un homme en train de lire. Il est allongé tout habillé dans une baignoire sur le rebord de laquelle sont posés des livres, comme en attente. Son attitude, faite de relâchement contenu et de concentration sur le livre qu’il tient dans les mains, est caractéristique du lecteur « plongé dans sa lecture ».
33Après avoir fait avec les élèves une brève analyse de cette image, on peut leur demander, dans un second temps, de créer, pour leur propre journal, une image de couverture qui représente métaphoriquement leur rapport personnel à la lecture.
Couvertures des journaux de lecteur d’Erwan (3e) et Guilhem (6e).
34Comme on préparerait un cahier destiné à devenir un journal de bord ou un journal de voyage, on embellit son JdL pour augmenter le plaisir que l’on aura à écrire dedans.
35Ainsi initié, le journal de lecteur devient d’emblée un lieu d’investigation sur une identité de lecteur, et de réflexion sur la lecture littéraire. Toutes ces activités contribuent à créer le sentiment d’appartenance à une communauté de lecteurs.
Activités pour lancer le journal de lecteur | |||
Objectif | Activité proposée | Activité ou document d’appui | |
Travail axé sur le lecteur | Réfléchir à son identité de lecteur. | Répondre à la question : « Quel lecteur suis-je ? » | Proposer d’utiliser 5 adjectifs ou une comparaison animalière. |
Créer une représentation picturale métaphorique de soi comme lecteur (pour la 1re de couverture) | Faire analyser la 1re de couverture du Journal de lecteur d’Alberto Manguel. | ||
Parmi plusieurs personnages de lecteurs, choisir « le lecteur qui me ressemble », et justifier son choix. | Faire lire un groupement de portraits de personnages lecteurs. Exemples : Matilda, chez Roald Dahl ; Guillaume, dans La Bibliothécaire de Gudule ; Elsa, dans Meurtre au Salon du livre de Martien Delerm ; Antonio José Bolivar, dans Le vieux qui lisait des romans d’amour de L. Sepúlveda. | ||
Investir un personnage de lecteur qui se balade dans une bibliothèque, recherche un livre, le trouve, le lit. | |||
Explorer sa relation aux livres. | Classer sa bibliothèque intérieure. | Donner la définition de la bibliothèque intérieure selon Pierre Bayard(1). | |
Penser son histoire de lecteur. | Écrire son meilleur ou son pire souvenir de lecture. | Faire lire des récits autobiographiques relatifs aux souvenirs de lecture : Sartre, Yourcenar, Beauvoir… | |
Raconter une ou des lectures d’enfance. | |||
Rédiger son autobiographie de lecteur. | Proposer au préalable un questionnaire qui permette à l’élève de nourrir son récit(2). | ||
Définir ses préférences en matière de lecture. | Poursuivre la phrase suivante : « Moi quand je lis… » | Aux jeunes collégiens, on peut demander au préalable de se dessiner en train de lire. | |
Définir son lieu et sa posture de prédilection pour lire. | Faire lire des extraits de « Lire : esquisse socio-physiologique » de Georges Perec (dans Penser/Classer, Paris Hachette, 1985, p. 109-128). | ||
« Le livre que j’ai choisi ». Justifier son choix. | À l’occasion de la visite d’une librairie, d’une bibliothèque ou d’un CDI, faire choisir un livre et faire noter à l’élève les raisons de son choix. | ||
Dire quels sont « les livres qui m’ont nourri », et justifier son choix. | Analyser la phrase suivante : « Car, désormais, non seulement les livres savent me distraire, mais en plus, ils nourrissent l’homme que je suis en train de devenir(3). » | ||
Réfléchir à ses attentes de lecteur. | On peut faire lire la fin de la préface de Pierre Lepape pour Le vieux qui lisait des romans d’amour de Luis Sepúlveda (Paris, Métailié, 1992). | ||
Consolider le sentiment d’appartenance à la communauté des lecteurs. | Faire l’inventaire des livres lus l’année précédente, avec sa classe et dans un cadre privé. | On peut en faire une représentation plastique représentant la bibliothèque collective de la classe. | |
Représenter la bibliothèque idéale de la classe, avec le livre préféré de chaque élève. | L’ensemble peut devenir un jeu, dont le but est de retrouver le livre préféré de chaque élève à partir d’indices sur l’œuvre. | ||
(1) « On pourrait appeler bibliothèque intérieure cet ensemble de livres […] sur lequel toute personnalité se construit et qui organise ensuite son rapport aux textes et aux autres. Une bibliothèque où figurent certes quelques titres précis, mais qui est surtout constituée, comme celle de Montaigne, de fragments de livres oubliés et de livres imaginaires à travers lesquels nous appréhendons le monde. » (Comment parler des livres que l’on n’a pas lus ?, 2007, p. 74) (2) J.-L. Dufays, L. Gemenne et D. Ledur en proposent un dont on peut s’inspirer (Pour une lecture littéraire. Histoire, théories, pistes pour la classe, 2005, p. 175). (3) M. Ollivier, Celui qui n’aimait pas lire, Paris, De La Martinière Jeunesse, 2004. Une autobiographie de lecteur pour les collégiens, citée dans la liste du ministère de l’Éducation nationale pour la classe de 3e. | |||
36
Activités pour lancer le journal de lecteur | |||
Objectif | Activité proposée | Activité ou document d’appui | |
Travail axé sur le JdL | Explorer sa représentation mentale de la lecture littéraire. | En 1re de couverture :
| Faire analyser des affiches ou tableaux représentant la lecture littéraire par une métaphore (par ex. affiches de Salons du livre). Faire lire des textes littéraires qui évoquent la vie des livres de façon imagée : par ex. « le vol du vampire » de Michel Tournier, « les pierres levées » de Jean-Paul Sartre et, pour les plus jeunes, « l’océan de livres » de Martine Delerm(1). Travailler sur les métaphores de la lecture : être plongé dans un livre, mais aussi dévorer des livres, en avoir une indigestion, faire des lectures renversantes, être absorbé par sa lecture, voyager avec les livres, etc. |
En 2e de couverture : Choisir une citation sur la lecture et justifier son choix. | Donner une liste de citations concernant la lecture littéraire. Quelques exemples : « Un livre est un outil de liberté » (J. Guéhenno, Carnets du vieil écrivain). « Un livre a toujours deux auteurs : celui qui le lit et celui qui l’écrit » (J. Salomé, Si je m’écoutais… je m’entendrais). « Lire est la seule façon de vivre plusieurs fois » (P. Dumayet). | ||
Écrire une recette pour bien choisir un livre. | Faire lire des textes qui évoquent le choix d’un livre par un lecteur, par exemple l’incipit de Si par une nuit d’hiver un voyageur d’Italo Calvino ou « La librairie », dans Le Jardin à moustaches et autres définitions de l’homme de Jean-Noël Blanc. | ||
Réfléchir sur le rôle du JdL. | Sous-titre : chercher un sous-titre pour le JdL. |
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En 1re page : rédiger une préface ou un avertissement au lecteur. | Faire lire des avertissements au lecteur. | ||
En 3e de couverture : préparer une enveloppe pour recueillir les avis des autres sur le JdL. | Prévoir une réflexion collective sur le type des remarques admises à propos des journaux de lecteurs des camarades : positives, encourageantes, stimulantes. | ||
S’affirmer comme auteur du JdL. | En 4e de couverture : rédiger une biographie fantaisiste de l’auteur du JdL. | Proposer à la lecture quelques biographies humoristiques d’auteurs pour la jeunesse(2). | |
(1) M. Tournier, Le Vol du vampire. Notes de lecture [1981], Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », p. 11-27. J.-P. Sartre, Les Mots [1964], Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1972, p. 37. M. Delerm, Meurtre au Salon du livre, Magnard, coll. « Tipik junior », 2004, p. 6. (2) Aux jeunes collégiens, on pourra faire lire les biographies fantaisistes de S. Morgenstern dans La Sixième (Paris, L’École des Loisirs, 1984), d’H. Hugo dans Le Petit Napperon rouge (Paris, Syros, coll. « Mini Syros », 2008), de G. Moncomble dans Les Douze Travaux de Romain Gallo (Toulouse, Milan, coll. « Bibliothèque Milan », 1992) ou de B. Moissard et P. Dumas dans Contes à l’envers (Paris, L’École des Loisirs, 2004). | |||
Exemples de textes écrits par des élèves6 « Quel lecteur suis-je ? » Je me définis avec des adjectifs. Fantasque : je suis une lectrice au caractère imprévisible qui passe d'un livre à l'autre en partant dans des styles de lectures totalement opposés : je peux lire des livres historiques comme Le Journal d'Anne Frank pour ensuite ouvrir un manga ou un conte. Je peux lire un recueil de pensées puis passer à un roman fantastique ou bien encore une fan-fiction. Par mes lectures, je m'envole vers des milliers d'aventures toutes plus différentes les unes que les autres. Passionnée : je suis une lectrice passionnée de lecture en tout genre. Je peux lire de très petits livres ou de très gros livres du moment que l'histoire me plaît. Car si ce n'est pas le cas, j'avoue que je peux rechigner longtemps avant de m'y mettre. Comme pour certains livres qu'on me demandait parfois de lire en classe de français quand j'étais plus jeune. Organisée : je suis une lectrice très organisée dans mes lectures ce qui me permet de lire plusieurs livres en même temps sans me perdre dans les différentes histoires. Cette habitude me vient des fan-fictions que je lis sur Internet car les auteurs les publient chapitre par chapitre au fur et à mesure. Des romans étaient publiés de cette manière, il y a quelques siècles à l'époque de Charles Dickens et ses contemporains. C'est une façon de lire que j'aime bien car elle permet de faire une petite pause même si le fait est que certains chapitres soient longs à venir, ce qui est quelque peu frustrant. Japonisée : je suis une lectrice qui aime tout ce qui se rapporte au Japon car c'est un pays que j'adore. Je trouve que le japonais est une langue très jolie. Pour mes lectures cela passe plutôt par les mangas mais cela peut être aussi des textes (musiques ou autres) du moment que j'ai la traduction. (Karine, 4e) « Ce que j’attends d’un livre » Ce que j’attends d’un livre, c’est qu’il soit drôle mais d’un humour léger. Je veux qu’il soit unique et magique. Qu’on ne connaisse pas vraiment la fin pour que chacun puisse imaginer sa propre fin. Il doit être bien écrit, chaque mot est important. Les livres fantastiques, très peu pour moi. Je veux qu’il parle de vous et de moi. (Claire, 3e) « Mes lectures d’enfance » Le premier livre dont je me souviens est l’histoire du vilain petit canard. Ma mère me le lisait souvent quand j’étais petite et c’est d’ailleurs elle qui m’a fait goûter à la lecture. Ensuite, mon père m’a nourrie aux contes de Perrault qui m’ont fait connaître plein d’histoires merveilleuses que je ne soupçonnais pas. Plus tard mes goûts de lecteur se sont développés et j’ai préféré les romans policiers aux contes. […] (Émilie, 3e) « Mon autobiographie de lecteur » Je me souviens qu’en CP, je lisais un livre qui, après tout, n’était pas si mal, mais la manière dont on me le faisait lire le rendait ennuyeux. C’est de là peut-être que me vient mon dégoût pour la lecture. Pas plus tard qu’en CE1, je commençais à prendre du retard par rapport aux autres élèves. En CE2, je faisais tout pour que le professeur ne me dise pas de lire, car je lisais mal et je détestais ça. […] (Rémi, 3e) « Moi quand je lis… » C'est toujours le soir allongée sur le ventre. Quand je commence mon livre, je regarde le nombre de pages et les chapitres et c'est après que je commence vraiment le livre. Quand je suis au milieu du livre, je commence à me mettre dans la peau du personnage principal et je ne peux plus me détacher du livre, jusqu'à ce que ma nuque me fasse mal. Mais j'adore ce moment-là car, alors, j'éteins la lumière, je ferme les yeux et je vis mes propres aventures tirées du livre que je viens de lire. Et je ne veux plus m'endormir car j'ai envie de continuer mon rêve éveillé. (Delphine, 5e) « Pourquoi lisons-nous ? » Nous lisons des livres pour qu’ils nous permettent de sortir de la monotonie de tous les jours, pour découvrir un nouveau monde que nous ne connaissons pas, un monde à découvrir avec envie, avec plaisir et qui nous aspire dans son univers. […] (Johan, 3e) Par le biais d’un personnage lecteur : « Vous êtes Antonio José Bolivar et vous écrivez la première page de votre journal de lecteur. » Travail d’écriture à l’issue d’un travail de relecture du roman de L. Sepúlveda, Le vieux qui lisait des romans d’amour, axé sur l’observation d’Antonio lecteur. Je suis un lecteur sensible qui aime les romans d’amour qui font pleurer et qui parlent de gens qui s’aiment pour de bon. Je les lis debout à cause de mon mal de dos. J’ai amélioré mes talents de lecteur grâce à une gentille institutrice d’Eldorado qui m’a prêté mes premiers livres intéressants. Je lis deux romans que je renouvelle tous les six mois grâce au docteur Rubicondo auquel j’ai demandé ce service. Il demande ces livres à une prostituée d’Eldorado qui a la générosité de me prêter deux livres spécialement tristes. Je les lis en épelant les mots et les syllabes et je relis les phrases belles au langage magnifique. (Yoann, 3e) « Avis au lecteur du JdL » J'ai écrit ce livre en 2008 pendant mon année de 6e au collège Michelet. Dedans, vous pouvez y trouver toutes mes lectures, des plus ennuyeuses jusqu'aux meilleures. J'ai donné une note à chaque livre. Les bandes dessinées sont très bien notées ! Il y a aussi des rédactions comme « la bibliothèque de mes rêves » et « le livre que j'achèterais volontiers ». Mais il y a encore bien d'autres choses, comme des questions que je poserais à Molière, ou des comparaisons entre livres… Bonne lecture de mon journal de lecteur ! (Lila, 6e) « Préface du JdL » C’est une sorte de journal des livres que je lis et des avis que je donne dessus. Mais vous pouvez le lire ! Je l’ai écrit pour que vous puissiez voir à quel point j’aime les livres. Alors lisez, admirez et jugez par vous-mêmes (pas trop sévèrement quand même !). (Maureen, 6e) « Commentaire de citations sur la lecture » « Un livre a toujours deux auteurs : celui qui le lit et celui qui l’écrit » (J. Salomé, Si je m’écoutais… je m’entendrais). Je trouve ça joli. Pour moi, ça veut dire que celui qui écrit le livre se l’imagine dans sa tête et le lecteur, lui aussi, se l’imagine dans sa tête. (Jonas, 6e) « Lire est la seule façon de vivre plusieurs fois » (P. Dumayet). Lire est bien le seul moyen de vivre plusieurs fois, de voyager là où nous n’irons jamais, de rencontrer des gens qui n’existent pas, de vivre à des époques déjà lointaines car, quand nous lisons, nous sommes le héros du livre qui nous absorbe, en plus d’être nous-mêmes, et nous le suivons, où qu’il aille, nous rencontrons ceux qui l’entourent, nous vivons avec eux. Nous sommes à la fois lecteur et héros, et nous vivons, en parallèle avec notre propre existence, celle de nos héros. (Maïté, 3e) « Un livre est un outil de liberté » (J. Guéhenno, Carnets du vieil écrivain). J’ai choisi cette citation car c’est vrai que quand je lis je me sens plus libre que dans la vraie vie. Quand je lis, je suis libre de faire une pause quand je veux dans le livre. Quand je lis, je ne suis pas obligé de commencer mon livre à la première page, ni de finir à la dernière. Quand je lis, je peux penser ce que je veux de l’histoire, des paysages, des personnages. (Ugo, 5e) |
6. Remplir son journal de lecteur au quotidien
37En cours d’année, la majorité des écrits produits dans le journal de lecteur sont liés aux œuvres littéraires lues par l’élève. Ces écrits permettent de garder la mémoire des lectures effectives et des réactions ou réflexions qu’elles ont suscitées chez lui. Les productions, nombreuses et très diverses, dépendent à la fois des consignes des enseignants et des initiatives des élèves.
Les lectures scolaires et les lectures privées
38L’enseignant propose aux élèves de garder trace des lectures faites en classe mais aussi des lectures personnelles, afin que le journal de lecteur soit bien le reflet de la culture littéraire propre de l’auteur du JdL, bibliothèque intérieure où se côtoient œuvres imposées et œuvres choisies librement. Ainsi l’élève perçoit-il le lien fécond entre ce qu’il découvre sur la littérature avec sa classe et les lectures qu’il entreprend par lui-même.
39Pour stimuler les lectures personnelles, l’enseignant peut proposer et présenter des œuvres de littérature de jeunesse adaptées à l’âge et aux capacités de ses élèves7. Il veille aussi à les solliciter régulièrement. Dans un créneau horaire régulier consacré au JdL, il les invite à parler des œuvres qui les ont touchés et à montrer aux autres ce qu’ils ont écrit ou dessiné à leur propos. Si, en début d’année, certains ne savent pas quoi écrire, la question peut être posée collectivement, et la classe fait alors un inventaire des traces possibles concernant les lectures. Quel que soit le niveau de la classe, l’éventail des écrits suggérés doit permettre à chacun de trouver une tâche à sa portée. Voici un inventaire, en forme de contrat de travail, établi par une classe de 6e :
Dans mon journal de lecteur, je peux écrire tout ce qui me concerne en tant que lecteur : ce que j’aime et ce que je n’aime pas lire, comment j’aime lire, où j’aime lire… J’y laisse aussi des traces de mes lectures, celles que je fais dans le cadre du cours de français ou qui sont liées au défi-lecture, mais aussi mes lectures personnelles. Voici des idées de « traces » possibles de mes lectures :
Dans mon carnet de lecteur, j’essaie de varier et de personnaliser les traces de mes lectures. |
40Qu’il s’agisse de lectures cursives ou d’œuvres faisant l’objet d’une analyse par extraits, les travaux à partir des lectures scolaires offrent un cadre plus contraint. Ils sont imposés par l’enseignant et ont un caractère obligatoire.
6.1. Des écrits et des dessins
41Le premier point à souligner est la présence très fréquente du dessin dans les journaux de lecteurs, notamment chez les jeunes collégiens. Le dessin permet de rendre compte d’une image mentale provoquée par la lecture et constitue une trace de lecture à part entière. Il est préférable toutefois de demander à l’élève de rédiger un texte d’accompagnement ou, au moins, de légender son dessin.
6.2. Des écrits rapides et des écrits au long cours
42Certains écrits se font en classe, rapidement. Ils concernent majoritairement l’œuvre étudiée en cours, dont la lecture (ou relecture) est progressive. D’autres écrits ont pour objectif d’accompagner la lecture autonome d’une œuvre et jouent plutôt sur la continuité.
6.3. Des écrits réactifs et des écrits de réflexion
43La plupart des écrits attendus requièrent de la réflexion. Cependant, le professeur demande parfois aux élèves de réagir au texte rapidement et spontanément. Il n’attend pas alors d’analyse de leur part, mais sollicite leur capacité à mobiliser leur imaginaire ou leur système de valeurs.
6.4. Des écrits de travail et des écrits seconds
44Les écrits de travail sont effectués directement sur le journal de lecteur, sans brouillon. Ce sont des écrits de premier jet. Ils facilitent la lecture d’un texte, créent de l’intérêt, permettent d’exprimer un horizon d’attente, anticipent sur la stratégie textuelle. Ces écrits permettent d’ouvrir le débat sur les œuvres lues en garantissant que chacun puisse revenir sur ses impressions premières, puisqu’il en a gardé trace. Les écrits seconds sont des textes souvent plus longs et qui font l’objet d’un travail plus poussé d’écriture et de réécriture. Certains correspondent à des écrits d’invention, largement proposés par les enseignants de français à partir des œuvres littéraires.
6.5. Des écrits avec consigne et des écrits libres
45Le professeur choisit soigneusement les consignes d’écriture en fonction des textes lus. Il s’adapte à la stratégie textuelle pour mobiliser et développer une compétence de lecteur chez ses élèves. Cependant, tous les écrits ne sont pas guidés par l’enseignant. Les écrits d’expression libre sont laissés à l’initiative de l’élève. En début d’année, cette liberté risque de dérouter les élèves, peu habitués à tenir en autonomie un discours sur les livres, et le professeur ne s’étonnera pas de la pauvreté des premières productions. La capacité à donner son avis en écoutant comment le texte résonne en soi s’apprend et se développe en cours d’année par l’expérience, et aussi par le partage et la mise en valeur, dans l’enceinte de la classe, des propos de chacun. Ces écrits d’expression libre développent chez l’élève la prise d’initiative et la créativité qui sont deux attitudes indispensables dans l’activité de lecture pour entrer dans l’interprétation.
Exemples d’écrits à proposer sur les œuvres lues | |||
Moment | Type d’écrit | Objectifs | Consignes |
Avant la lecture | Écrits préparatoires | Préparer la lecture en anticipant sur la fiction. | Émettre des hypothèses à partir du titre, de l’illustration de couverture, de la 4e de couverture, du nom des personnages (consigne à adapter à l’œuvre lue). |
Préparer la lecture en se familiarisant avec le type d’écriture que l’on va rencontrer. | Faire le bilan de ses représentations du genre abordé ou bien des écrits de l’auteur. | ||
Pendant la lecture | Écrits d’accompagnement au long cours (faits à la maison) | Accompagner la lecture. Enregistrer le mouvement de la lecture et permettre de réfléchir, a posteriori, à l’activité de lecture littéraire. | Journal de bord de lecture sans consigne précise. Afin de faciliter le travail de l’élève, l’enseignant peut lui proposer, par exemple, de noter à chaque fin de chapitre :
|
Faciliter la lecture. Surmonter les obstacles du texte : difficultés de langue, risques d’incompréhension, problèmes de connaissances encyclopédiques. | Journal de bord de lecture avec scénario de travail précis. Le professeur prévoit des tâches d’écriture adaptées aux différents passages du livre, afin de ménager des pauses propices à un retour réflexif sur le texte lu. | ||
Accompagner la lecture. Initier l’élève à une pratique de lecteur expert : lire un crayon à la main et annoter son livre. | Tenir une anthologie des mots, phrases ou passages que l’on a appréciés dans le livre. | ||
Écrits de travail courts | Faciliter la compréhension du texte. | Faire la liste des personnages, des lieux rencontrés, des événements. | |
Faciliter l’interprétation en faisant imaginer ce que le texte ne dit pas. | Développer une ellipse temporelle. Écrire la lettre d’un personnage à un autre. Prévoir la suite du chapitre lu. Imaginer les motivations d’un personnage. | ||
Faciliter l’implication du lecteur. | Juger les actions d’un personnage. Poser les questions dont on aimerait connaître les réponses. | ||
Après la lecture | Écrits réactifs | Apprendre à donner un avis en mobilisant son système de valeurs. | Donner son impression sur l’œuvre. Émettre un jugement sur un personnage. Évaluer la fin de l’histoire par rapport à ses attentes de lecteur. |
Écrits de réflexion | Apprendre à interpréter une œuvre. | Imaginer des questions à poser sur l’œuvre et donner les réponses. Associer l’œuvre à un tableau, à une photo, à une musique, et justifier son choix. | |
Développer sa culture littéraire. | Faire des rapprochements avec d’autres œuvres lues et les justifier. Justifier l’appartenance de l’œuvre à un réseau. Faire un bilan sur le genre étudié. | ||
Écrits seconds (retravaillés) | Mobiliser conjointement son imaginaire et son intelligence analytique. | Changer la fin de l’histoire. Décrire un lieu de l’histoire. Ajouter une scène à un récit. Imaginer la vie d’un personnage après la fin de l’histoire. Créer une BD à partir d’un extrait de l’œuvre. Faire le portrait physique et moral d’un personnage. | |
Apprendre à exprimer son avis en s’appuyant sur son intelligence analytique et sur sa sensibilité. | Écrire un article critique sur l’œuvre lue. Créer une nouvelle jaquette pour le livre : illustration + texte d’accroche. Comparer une œuvre et son adaptation cinématographique, théâtrale ou en BD. Écrire une lettre à l’auteur. Écrire une lettre à un personnage. | ||
Exemples d’écrits extraits des journaux de lecteurs Expression libre sur une lecture personnelle Samedi 20 septembre Cher journal, Voilà, je m’octroie une petite pause, une pause d’Anna Gavalda… oui, encore, mais j’adore ça. Alors je lis « Je l’aimais »… Ah, une bonne petite histoire de famille, des disputes, des divorces et voilà que le beau-père et la belle-fille se confient. Et ils parlent, parlent, parlent, parlent, parlent, parlent, parlent, parlent, encore et toujours !!!! Mais quand vont-ils s’arrêter ? En plus, la fin n’est pas comme j’aurais voulu qu’elle soit… Puisque c’est ça, je m’en enfile un autre, ce soir. Na ! Lundi 22 septembre C’est bon, j’ai terminé et j’excuse Anna Gavalda parce que c’était vraiment bien. Ceux qui savent comprendront, retrace encore et toujours la vie de personnages dans le monde d’aujourd’hui, toujours au bout du gouffre comme en a l’habitude Anna Gavalda. (Camille, 3e) Les phrases qui m’ont touchée dans Si c’est un homme de Primo Levi P. 34 : « Alors pour la première fois, nous nous apercevons que notre langue manque de mots pour exprimer cette insulte : la démolition d’un homme. » P. 190 : « C’est à Lorenzo que je dois de n’avoir pas oublié que j’étais un homme […]. P. 250 : « Ce fut là le premier geste humain échangé entre nous. Et c’est avec ce geste que naquit en nous le lent processus par lequel, nous qui n’étions pas morts, nous avons cessé d’être des Häftlinge pour apprendre à redevenir des hommes. » (Émilie, 3e) Journal de bord de lecture du Dernier jour d’un condamné de Victor Hugo P. 9-28 (chap. i à xii) : Au début j’ai eu du mal à me mettre dans la peau du condamné et je trouvais que sa souffrance était peut-être exagérée ou trop redondante, que Victor Hugo en faisait trop. Puis, petit à petit, je me suis glissée dans la tête du condamné et j’ai pris ce roman comme le journal que le condamné aurait écrit lui-même et non comme un roman de Victor Hugo et là j’ai compris que sa souffrance et son désespoir n’étaient pas exagérés, il était quand même condamné à mort ! P. 29-45 (chap. xiii à xviii) : J’ai trouvé ce passage un peu ennuyeux. Certes il décrit bien la vie d’un prisonnier mais je trouve qu’on s’éloigne des pensées du condamné lui-même pour décrire son environnement. Ce passage est moins intéressant. P. 45 (chap. xix jusqu’à la fin) : J’ai lu ce passage d’un coup. C’est ce passage que j’ai préféré. Je dirais presque que le début du livre est trop long et qu’à partir de là, ça aurait suffi même si le début nous met « en condition » et qu’il a un intérêt, je le trouve moindre par rapport à la fin. Peut-être parce qu’à partir de là, c’est vraiment le dernier jour du condamné et tout s’accélère et se bouscule dans sa tête. Chaque pensée, chaque action du condamné devient plus intense et mon intérêt pour le livre s’est accentué. Le passage avec sa fille qui ne le reconnaît pas est très émouvant et je trouve que le livre devient très intéressant au point de vue de la psychologie du personnage par rapport au début qui était un peu lassant. Dans cette dernière partie, on se rend bien compte de la détresse du condamné. (Émilie, 3e) Justification de la jaquette réalisée pour un roman lu en classe 1re et 4e de couverture pour le roman Le Robinson du métro de Felice Holman : Dans le résumé, j’explique comment Slake entre dans le métro et je présente le personnage. Je dis combien de temps il va rester dans le métro. Je souhaite donner aux lecteurs l’impression que Slake est un aventurier et qu’il doit réussir à survivre. Je pose des questions à la fin pour que le lecteur devienne curieux et se demande comment il va réussir à vivre. (Clara, 5e) Article à faire paraître dans une revue pour adolescents : « Lire des autobiographies » De nos jours, de plus en plus d’auteurs, d’écrivains ou même de célébrités veulent retracer leur vie, leur enfance, souvent heureuse parfois joyeuse, au travers de livres et romans autobiographiques. Très en vogue depuis quelques années, l’autobiographie connaît un franc succès auprès des lecteurs ; une manière à la fois subtile et touchante pour l’auteur de raconter, d’expliquer et de se confier au lecteur. Parfois même, d’exorciser ses vieux démons intérieurs et de se libérer comme pour les survivants de la Shoah. Plus que de simples bouquins, ce sont avant tout de vraies armes contre l’oubli. C’est justement ce qu’explique Au nom de tous les miens, retraçant sa terrible enfance dans les camps de concentration. Mais alors me direz-vous, pourquoi en tant que lecteur cherchons-nous à nous nourrir ainsi du malheur d’autrui ? un seul mot suffit : « identification ». Ce mot-là, cette sensation-là, c’est ce que racontent tous les lecteurs d’autobiographie. (Manon, 3e) |
7. Conclusion
46Le journal de lecteur est tout à la fois un outil de communication sur les œuvres, de construction de compétences de lecteur, d’élaboration de savoirs sur la lecture littéraire et de réflexion sur soi lecteur. Le dispositif contractualise les efforts de lecture et d’écriture, et la mutualisation des productions, en les valorisant, donne du sens au travail d’analyse des textes.
47Il est donc légitime de considérer le journal de lecteur comme un catalyseur de lecture, un outil de médiation susceptible, d’une part, d’améliorer la relation entre les élèves et les œuvres littéraires en créant une relation de familiarité, d’autre part, de développer chez l’élève une aptitude à exprimer sa sensibilité et sa réflexion pour donner un avis personnel sur les œuvres littéraires.
Quelques propos d’élèves sur leur journal de lecteur Je garderai sûrement mon JdL pour que, dans 5 ans ou 10 ans, je le regarde une fois de plus et admire ce que j’ai fait sur mon JdL et me rappelle des souvenirs. (Camille, 6e) J’ai aimé cette idée que j’ai bien respectée. J’ai fait des traces de mes lectures, je l’ai bien entretenu. Cela m’a permis de m’exprimer à l’écrit et avec des petites illustrations collées ou dessinées. Je vais bien sûr le garder. J’espère que nous continuerons l’année prochaine. (Thomas, 6e) En gros, le JdL, c’est comme un résumé de ma 2de. Je le garderai et je sais que plus tard, je serai contente de l’avoir et de le feuilleter. Je le relirai avec plaisir. (Mona, 2de) Le journal m’a fait envisager mes lectures différemment : je cherche pendant que je lis le véritable sens de ce que je lis ou ce que je pourrais écrire qui donne envie à d’autres de lire un livre que j’ai aimé. (Frédéric, 2de) |
Notes de bas de page
1 En novembre 2009, une exposition à la médiathèque José-Cabanis de Toulouse présentait des journaux de lecteurs d’élèves de la maternelle jusqu’au lycée.
2 Le texte du lecteur est le texte de l’auteur tel que le lecteur le recompose, le reconfigure, par sa créativité et son imagination, avec son expérience propre du monde et de la littérature (voir C. Mazauric, M.-J. Fourtanier et G. Langlade, Le Texte du lecteur, 2011).
3 L’académie de Toulouse expérimente le dispositif du journal de lecteur depuis 2005. On trouvera, en complément d’information, des outils et des exemples sur le site en ligne de l’académie de Toulouse : http://pedagogie.ac-toulouse.fr/lettres/maitriselangue/journaldulecteur/journal-lecteur-exemples.htm [consulté le 15 mai 2017].
4 On trouvera des exemples de journaux de lecteurs numériques sur le site en ligne du collège Jean-Mermoz de Blagnac : http://pedagogie.ac-toulouse.fr/col-mermoz-blagnac/JDL/Accueil [consulté le 15 mai 2017].
5 Alberto Manguel, Journal d’un lecteur, Actes Sud, 2006.
6 Toutes les citations de journaux de lecteurs d’élèves ont été récoltées entre 2005 et 2011 dans les classes de Catherine Anglade, Muriel Batave-Matton, Christine Colombe, Laurence Escudé, Frédérique Ménard et Véronique Larrivé, enseignantes de l’académie de Toulouse, membres de l’ARED « Journal du lecteur » (2007-2010) et/ou participant à l’expérimentation académique coordonnée par Joëlle Jean, IA-IPR de lettres.
7 Le professeur peut piocher dans la liste proposée par le ministère de l’Éducation nationale, et qui se trouve en ligne : http://eduscol.education.fr/cid83186/liste-documentaires-pour-les-collegiens.html [consulté le 17 mai 2017].
Auteur
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