11717 Charles VI décrète la liberté de navigation dans l’Adriatique.

21718 Accords austro-turcs de Passarowitz : réduction réciproque des taxes portuaires.

31719 Institution du port franc.

41720 Création d’une compagnie étatique de navigation.

51722 Charles VI fonde une compagnie des Indes à Ostende.

61730 Une décennie après l’institution du port franc, Trieste ne dépasse guère 7 000 habitants.

71731 Afin que l’Angleterre accepte la Pragmatique Sanction, Charles VI dissout la compagnie d’Ostende.

81732 Des patriciens échouent à rétablir un octroi. Un consul accueille les « nations » grecques et ottomanes.

91749 Marie-Thérèse étend la franchise douanière à toute la ville.

101751 Aménagement du port (môle San Carlo) et du Borgo teresiano (canal de Ponterosso).

111755 Une école de navigation voit enfin le jour.

121758 La population passe à 11 000 habitants, augmentant ainsi de 50 % depuis 1730.

131771 Abolition des accords austro-turcs de réduction réciproque des taxes.

141775 Trieste compte désormais 15 000 habitants : progression modeste mais soutenue.

151776 Giacomo Balletti, Pasquale Ricci et Antonio Rossetti fondent une modeste compagnie d’assurances ; un Morpurgo s’y introduit. Sur 92 navires à voile de haute mer abrités à Trieste, on dénombre 24 navires vénitiens, 21 français, 18 anglais, 17 autrichiens (il est temps de former des capitaines au long cours) et 12 napolitains.

161776-1780 Le gouverneur von Zinzendorf fait assainir les salins afin d’élargir la zone constructible du borgo teresiano. Les initiatives portuaires et communautaires de Marie-Thérèse ne portent leurs fruits qu’à la fin du xviii^e siècle, notamment lors de la corégence avec Joseph II, pénétré de l’esprit des Lumières et du mercantilisme en vogue.

171780 Parution du premier journal local en allemand : Triester Welt Correspondent.

181781 Joseph II, Wilhelm Bolts et Carlo Proli mettent sur pied une compagnie impériale de Trieste et d’Anvers.

191785 Joseph II n’étant pas parvenu à débloquer les Bouches de l’Escaut, la Società imperiale per il commercio asiatico di Trieste ed Anversa fondée par Proli et Bolts périclite.

201786 Pour obtenir un permis de navigation, le capitaine doit désormais être naturalisé autrichien.

211787-1789 Après la révolution brabançonne, les Autrichiens perdent le contrôle de leurs Pays-Bas méridionaux.

221795 : La population passe à 21 000 habitants. Elle a ainsi triplé en six décennies.

231797 Première et brève occupation française.

241802: Le port est devenu pluriethnique. Sur 24 603 habitants, on comptait 17 000 Italiens (69%), 4 000 Slovènes (16 %), 1247 juifs (5 %), 1 000 Grecs (4 %), 650 Autrichiens (2,65 %), 366 Illyriens (1, 49 %), 270 Suisses (1 %) et une centaine d'Anglais.

251804 On institue à la Bourse de commerce une Consulta de quarante membres nommés par le gouverneur selon un compartimentage communautaire.

261805-1813 Durant les deuxième et troisième occupations françaises, Trieste connaît une récession aggravée par le blocus continental et passe de 33 000 habitants en 1806 à 24 000 habitants.

271815 Au traité de Vienne, l’Angleterre obtient Malte et des îles Ioniennes, ce qui lui permet de mieux concurrencer les marines autrichienne et turque. À Trieste, retour des jésuites et des immigrés mais les institutions municipales mises en place par les Français demeurent car elles promeuvent les grands bourgeois au détriment des patriciens.

281816 Premier essai de navigation à vapeur sur le Danube en Hongrie (lors d’essais en mer des prototypes ont coulé). La machine à vapeur va se substituer, lentement (car elle suppose de gros investissements) mais sûrement, à la voile. Des voiliers recevront parfois un moteur auxiliaire utilisé par vent faible.

291824-1834 Les Grecs créent des banques pendant leur guerre d’indépendance : Greco banco d’assicurazioni ; l’Adriatico banco d’assicurazioni qui fusionnera avec la Riunione Adriatica di Sicurtà ; Società Triestina d’Assicurazione ; Nuovo Greco Banco d’Assicurazione.

301826 La Deputazione di borsa dispose de la moitié des sièges au conseil communal consulté par le gouverneur autrichien.

311827 Navarin : dernière grande bataille navale entièrement à la voile des protagonistes de la zone : la flotte ottomane est anéantie par une coalition franco-anglo-russe pour mettre un terme aux pirateries barbaresques et aider les Grecs à obtenir leur indépendance en 1830.

321829 Le comte hongrois Széchenyi fonde une compagnie danubienne de navigation. Bientôt, elle subira la concurrence du chemin de fer, ce qui limitera son développement sur des rivières et même sur le Danube qui n’était pas à l’époque entièrement navigable.

331830 Fondation d’une Società illirica d’assicurazioni.

341831 Fondation de l’Imperial Regia Privilegiata Compagnia di Assicurazioni Generali Austro-Italiche en décembre. Dirigée par Giuseppe Morpurgo, elle dispose, dès l’été suivant, d’un siège central à Venise, alors autrichienne. En 1848, repliée à Trieste, elle abrège son nom en Assicurazioni generali (connue de nos jours sous le nom de Generali).

351833 L’ampleur des échanges et les investissements dans les transports routiers, ferrés et maritimes imposent une concentration des capitaux. Vu les risques, le mieux était pour une société de navigation de devenir au moins pour une part son propre assureur. Une vingtaine de banques et/ou de sociétés d’assurance, ainsi que de gros actionnaires comme von Bruck et Revoltella, fondent le Lloyd austriaco sur le modèle du Lloyd’s londonien. Sa section I est d’abord une bourse de réassurances.

361835 On dénombre 50 000 Triestins.

371836 Le Lloyd austriaco ouvre, en section II, une compagnie de navigation qui diversifie sa flotte pour les marchandises, pour les passagers et, bientôt, pour le courrier à destination du Levant. Ses bureaux fournissent d’abord des informations actualisées sur le commerce maritime et sur les marchés des ports méditerranéens : commerce qui sert de colonne vertébrale au développement économique de l’emporium. Le choléra fait des ravages en ville.

381837 Premier voyage d’un bateau à vapeur pour passagers jusqu’à Constantinople. Rachat de la compagnie de navigation anglaise de William Morgan qui assurait la liaison Trieste-Venise. Ouverture d’ateliers de réparation et d’entretien des sept navires de la flotte triestine. Un excès spéculatif de stocks provoque une chute des prix de vente.

391838 Giannichesi fonde avec un autre grec Antonio Antonopulo, le Serbe Vucetic’ et le juif Kohen, une Riunione Adriatica di Sicurtà (RAS) qui deviendra de plus en plus plurinationale. Fondation de la société par actions Tergesteo qui édifie le bâtiment qui porte son nom. Iver Borland, Anglais installé à Trieste depuis 1815, propose au Lloyd de construire six bâtiments de fabrication et d’entretien qu’il louera à la compagnie pendant dix ans, le temps d’amortir le capital investi avant de les lui céder.

401846 Le Lloyd austriaco construit le Trieste, premier paquebot à vapeur autrichien.

411850 Trieste devient « città immediata dell’Impero », preuve de son importance vitale pour Vienne.

421857 François-Joseph inaugure la voie ferrée Vienne-Ljubljana-Trieste conçue par l’ingénieur Carlo Ghega. L’emporium est enfin en mesure de devenir une charnière d’import-export entre l’hinterland et la Méditerranée. La partie n’est pas gagnée pour autant. De Vienne, le rail menait à Prague, dès 1845, et à la Baltique dès 1851. Les Slaves de Bohême et a fortiori les Allemands du nord préfèrent encore se tourner vers les ports hanséatiques de Lübeck et Hambourg, ou vers Anvers et Amsterdam. Les Moraves, les Hongrois et les Viennois disposent du Danube pour commercer avec la mer Noire et Odessa. Trieste va s’industrialiser pour transformer les matières premières importées et les réexporter vers le continent.

43On dénombre 75 000 habitants.

441850-1859 La marine autrichienne ayant demandé de libérer le chantier San Marco qu’elle destine à sa marine de guerre, le Lloyd confie au Danois Hansen la construction d’un nouvel arsenal achevé en 1859 – doté d’un bassin de carénage et d’une cale de halage –, dans lequel il est possible d’entreposer cinq ou six bâtiments en chantier. Les ateliers du port emploient déjà 3 000 ouvriers : contribution primordiale à la constitution d’un prolétariat à Trieste, d’une immigration de modestes Slovènes et Frioulans et de futures apparitions de revendications salariales et de l’idéologie socialiste.

451858 Exemple de concentration : le Stabilimento tecnico triestino résulte de la fusion de la Fabbrica Macchine Sant’Andrea (fonderie, machines à vapeur) et du Cantiere San Rocco.

461859 On dénombre à Trieste 105 000 habitants au moment où s’engage la seconde guerre d’indépendance de l’Italie.

471866 Lors de la troisième guerre contre le Royaume d’Italie, l’empire réquisitionne des navires du Lloyd pour le transport des troupes autrichiennes, ce qui cristallise des réflexes pro-italiens dans le port.

481867 Dans la Double Monarchie, le Lloyd s’appelle désormais austro-ungarico. Il est présidé par le baron von Bruck, qui fut tour à tour ministre du commerce (1848-1851) puis des finances (1855-1860) à Vienne.

491869 Construction du premier navire de guerre cuirassé de fer.

501872 Le Lloyd est un gros actionnaire de la Société de la compagnie du canal de Suez qui va ouvrir aux navires la route de l’Extrême-Orient. Le Triestin Pasquale Revoltella devient le vice-président de cette société au grand avenir. Trois navires de la compagnie défilent dans le canal le jour de son inauguration.

511873 Krach financier à Vienne. L’onde de choc se propage à Trieste : faillite du Stabilimento navale adriatico.

521882-1883 Construction sur la grande place face à la mer du Palazzo del Lloyd.

531883. La mise en œuvre d’un réseau ferroviaire européen, où la Double Monarchie occupe une place stratégique, est symbolisée par l’inauguration de l’Orient-Express.

541891 L’abolition des franchises douanières dans la ville au-delà des limites portuaires révèle que Vienne mise désormais davantage sur la transformation industrielle des matières premières importées par voie de mer. La Hongrie tient à développer le port de Fiume pour son propre compte et y crée une Società di navigazione Adria, concurrente du Lloyd qui reprend son appellation d’origine, austriaco, ce qui est révélateur des tensions avec Budapest.

551895 Société de navigation austro-americana des frères Schenker.

561899-1900 Le Lloyd construit deux navires de guerre : le Kaiser Karl VI et le Habsburg, à toutes fins utiles. Sa marine civile dessert l’Adriatique, le Levant (le Pirée, Constantinople, Alexandrie), la mer Noire (Odessa, Braïla), les Indes et la Chine.

571900-1910 En passant de 176 000 à 235 000 habitants en une décennie, Trieste devient la quatrième ville de la monarchie après Vienne, Prague et Lemberg en Galicie. C’est l’effet de son industrialisation. Elle est même au premier rang pour ce que rapporte en moyenne par tête l’ensemble des contribuables, ce qui prouve le niveau de vie remarquable des classes moyennes.

581906 Construction d’une nouvelle gare. Néanmoins le réseau de voies ferrées mis en place dans l’empire réduit l’importance relative du port : seulement 15 % de l’import et 11 % de l’export de la Double Monarchie. Certes, le volume du transit augmente (2 millions de tonnes en 1900 et 3 millions et demi en 1913) mais moins que la moyenne des grands ports européens. Face à la montée de l’irrédentisme, le siège du Lloyd est rapatrié à Vienne.

591907 Succès des socialistes aux premières élections au suffrage universel masculin.

601908. La population passe à 220 000 habitants, selon Slataper dans La Voce de février 1909.

611910 Le recensement tient compte de la langue d’usage utilisée au travail et non pas en famille et l’on aboutit à des résultats différents selon l’interrogateur.

62Sur un total d’environ 230 000 habitants incluant des localités limitrophes :

638 600 habitants sont des étrangers considérés comme résidents provisoires, dont 29 600 citoyens italiens (13 %) que les élus municipaux ont inclus dans les 140 500, ainsi que 3 770 citoyens hongrois parmi lesquels des italophones venus de Fiume / Rijeka. Par contre, ils n’ont pas fourni de pourcentages : ceux mis entre parenthèses résultent de nos calculs.

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641919 À Trieste, devenue italienne, sera créé un Lloyd triestino dont l’activité financière et navale se rétrécira comme une peau de chagrin.

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65Ce parallèle classique – développement économique / essor démographique – risque néanmoins d’entretenir des erreurs d’appréciation sur l’accumulation du capital à Trieste. D’abord la lenteur de l’afflux migratoire au xviii^e siècle n’exclut pas l’enrichissement rapide et considérable de quelques dizaines d’immigrés de diverses communautés qui furent des entrepreneurs hors pair2. Disons par métonymie que, du temps de la marine à voile, a vite prospéré un commerce maritime au long cours déjà rodé ailleurs et à qui l’on offrait un débouché sur une Mitteleuropa rivale de Venise. Sinon l’on ne comprendrait pas comment Napoléon ait pu exiger lors de son occupation de lourds dédommagements de guerre à quelques dizaines de Triestins fortunés. C’était un capitalisme familial ou au mieux communautaire, raison pour laquelle nous allons d’abord suivre les chemins de la fortune de chaque communauté.

66Ensuite dans les années 1830 des innovations modernes comme la machine à vapeur et la mécanisation nécessitant de lourds investissements ont contraint les banques et les sociétés communautaires à se regrouper en consortiums, holdings (ante litteram) et autres partenariats, donnant naissance à un creuset où fusionnent les ethnies. Le capitalisme bancaire est alors devenu primordial. Ce furent parfois les mêmes familles qui s’enrichirent au cours de ces deux phases successives.

67Quant à la troisième phase où l’industrialisation prend le pas sur le commerce à la fin du xix^e siècle – y compris bientôt la fabrication d’une flotte de guerre et d’armements –, l’essor démographique est l’expression du recrutement d’un prolétariat exploité car souvent mal payé, sans oublier les journaliers chômeurs. Elle correspond plutôt à une phase de paupérisation des masses et de lutte des classes qui cohabitent avec une bourgeoisie cosmopolite dont l’indéniable prospérité connaît d’inquiétants coups durs dus aux guerres, aux épidémies ou à un krach financier.

Figure 5 : Les groupes ethniques d’Autriche-Hongrie en 1910 (Wikimedia Commons).