1881-1914
p. 49-51
Texte intégral
1En 1881, à vingt-sept ans, en quittant Anvers pour Bruxelles, Georges Eekhoud opère le grand tournant de la maturité. C’est une force de la nature : ses années en Suisse lui ont appris à développer harmonieusement son corps et son esprit. Toute sa vie, il sera un lecteur insatiable et un marcheur infatigable. Impatient de participer au mouvement et de construire son moi glorieux à travers son œuvre littéraire et son engagement, il entre dans la carrière en gourmand. Cette période de pleine activité va durer trente cinq ans, jusqu’à la brusque cassure de 1914.
2Elle se développe cependant en deux phases. Pendant la première, Eekhoud, ne connaît pas de difficultés matérielles majeures. L’héritage de sa grand-mère et ses appointements de journaliste lui donnent la liberté d’esprit qui permet de se consacrer à l’art. Il sait cependant que l’équilibre est fragile ! Ses œuvres sont saluées les unes après les autres par ses contemporains. Il peut marcher d’un pas sûr vers la reconnaissance nationale que constitue le prix quinquennal. La rumeur qui va entourer ses actes n’a pas encore incité ses compatriotes à ajuster leur lorgnon pour voir le grain de ses écrits.
31895 marque une rupture. A partir de ce moment-là, Eekhoud manque cruellement d’argent. Je ne sais s’il a toujours tenu ses comptes méthodiquement. Mais à partir de cette date nous disposons d’un document irremplaçable : son journal. Tel qu’il nous est parvenu, il commence, en effet, le premier janvier 1895. Il est griffé de bout en bout d’additions et de soustractions. Signes d’un effort inlassable pour ne pas laisser s’ouvrir une brèche, un gouffre. A ces chiffres correspondent d’incessantes besognes, une masse considérable de travail. Je montrerai que l’élaboration honteuse de romans populaires publiés sous pseudonyme produit tout de même de la jouissance, mais une jouissance sombre, distincte de celle que produisent les grandes œuvres écrites à cette époque.
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