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Chapitre 1. Contextes

p. 19-39


Texte intégral

I. La France en Allemagne

1. La quatrième puissance occupante

1A la Libération, le Général de Gaulle mit tout en œuvre pour convaincre les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’URSS que la France devait participer à la défaite puis à l’occupation de l’Allemagne. Il entendait ainsi restaurer le prestige de son pays, tout en espérant convaincre les Trois Grands, qui préparaient activement l’après-guerre depuis 1943, d’adhérer à la politique qu’il comptait mener à l’égard de l’Allemagne et dont le principal objectif était d’assurer définitivement la sécurité de la France.

2Son pays ayant subi trois invasions germaniques en seulement soixante-dix ans, le Chef du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) voyait dans le nazisme une conséquence directe de l’esprit prussien et considérait l’Allemagne comme un ennemi héréditaire, un éternel agresseur qu’il fallait mettre hors d’état de nuire.1 Cette politique de sécurité impliquait la décentralisation de l’Allemagne : « plus de Reich centralisé ! C’était, à mon sens, la première condition pour empêcher que l’Allemagne retournât à ses mauvais penchants. Chaque fois qu’un État dominateur et ambitieux s’était saisi des pays allemands en contraignant leur diversité, l’impérialisme avait jailli. On ne l’avait que trop vu sous Guillaume II et sous Hitler. »2 Le Général de Gaulle préconisait donc trois mesures essentielles visant à affaiblir l’Allemagne politiquement, militairement et économiquement : séparer définitivement la rive gauche du Rhin du reste de l’Allemagne et la placer sous le contrôle de la France, la Grande-Bretagne, la Belgique et la Hollande ; internationaliser la Ruhr pour empêcher l’Allemagne d’utiliser l’« arsenal de matières stratégiques »3 de cette région ; intégrer la Sarre au système économique français, « ce qui, grâce au charbon, réglerait la question [des] réparations. »4 Tout en privant l’Allemagne de sa capacité d’agression, ces mesures devaient donc aussi permettre à la France d’assurer son propre redressement économique en exploitant les ressources allemandes.

3Pour espérer mener à bien cette politique ambitieuse, la France devait d’abord être acceptée comme quatrième puissance occupante. Or, elle n’était guère en position de force : la défaite de 1940, l’occupation allemande et le Gouvernement de Vichy l’avaient discréditée et affaiblie, et les Trois Grands avaient du mal à considérer le Général de Gaulle comme le représentant légitime du peuple français. C’est seulement le 23 octobre 1944 que « Washington, Londres et Moscou reconnurent, en bonne et due forme, le Gouvernement provisoire de la République française. »5 Quelques semaines plus tard, le 11 novembre 1944, Winston Churchill informa de Gaulle que la France pourrait désormais siéger à la Commission consultative européenne (CCE) qui travaillait depuis plus d’un an à la mise au point des modalités et des structures de l’occupation.6 Mais la décision d’octroyer à la France une zone d’occupation en Allemagne et un siège au Conseil de Contrôle interallié ne fut prise qu’en février 1945, pendant la conférence de Yalta.7

4Définitivement fixé le 26 juillet 1945, le tracé de la zone française d’occupation (ZFO) témoignait du peu d’importance que les Trois Grands accordaient à la France, qu’ils considéraient toujours comme une puissance de second ordre. Plus petite que les autres – 42 800 km2 et environ six millions d’habitants8 –, la ZFO se composait de territoires disparates, prélevés sur les zones qui devaient à l’origine revenir aux Américains et aux Britanniques : la Rhénanie du Sud, une partie de la Hesse-Nassau, le Palatinat, le Sud du Bade et du Wurtemberg, le Hohenzollern, le cercle de Lindau sur le Lac de Constance, ainsi que la Sarre qui fut détachée du reste de la zone le 30 août 1945 pour être intégrée au système douanier français.9 Essentiellement agricole, la ZFO ne possédait pas de grands centres industriels – à l’exception d’un complexe chimique à Ludwigshafen – et ses villes les plus peuplées étaient de taille moyenne.10

5La France ne fut pas conviée à la première grande conférence de l’après-guerre, qui se déroula à Potsdam du 17 juillet au 2 août 1945 et au cours de laquelle les Trois Grands discutèrent du traitement à appliquer à l’Allemagne dans la phase initiale de l’occupation.11 Informée du contenu de l’accord élaboré en son absence, la France adhéra aux principes fondamentaux de dénazification, démilitarisation, décentralisation et démocratisation. En revanche, elle rejeta les clauses susceptibles de favoriser la reconstitution d’un Reich unitaire et centralisé.12 Au fil des mois, la France continua à mettre l’accent sur sa sécurité et tenta vainement de faire accepter ses prétentions à l’égard de la Ruhr et de la rive gauche du Rhin. Mais en 1947-1948, l’évolution du contexte international – dégradation des relations Est/Ouest et Guerre Froide – la contraignit à aligner sa politique sur celle des Anglo-Américains et à accepter la création d’un État ouest-allemand.

2. Les structures de l’occupation

6Le 18 novembre 1944, une semaine après avoir obtenu de siéger à la CCE, le GPRF créa une Mission militaire pour les Affaires allemandes (MMAA) dont le rôle était de « coordonner les mesures concernant les intérêts français en Allemagne. »13 Subordonnée à cette MMAA, une Administration militaire française en Allemagne (AMFA) se trouva chargée de « toutes les mesures d’exécution tendant à assurer la participation française à cette administration militaire, soit dans les zones dévolues à l’occupation des forces françaises, soit dans celles où cette participation était motivée par la présence d’intérêts français. »14 C’est ainsi que l’AMFA procéda en un temps record au recrutement et à la formation du personnel administratif de la future ZFO. Les détachements de l’AMFA furent envoyés en Allemagne à partir du mois de mars 1945 et placés sous l’autorité du 5ème Bureau de la 1ère Armée, qui administra les territoires occupés par les troupes françaises jusqu’à l’installation du Commandement en Chef français en Allemagne (CCFA) fin juillet.15

7Institué le 15 juin 1945, le CCFA fut confié au Général Pierre Koenig.16 De Baden-Baden où il s’installa le 31 juillet 1945, celui-ci assumait en sa qualité de Commandant en Chef « l’autorité sur l’ensemble des services français de gouvernement, d’administration militaire et de contrôle en Allemagne. »17 Composé d’une multitude de services et sous-services, le CCFA coiffait le Commandement supérieur des Troupes d’occupation (CSTO), le Groupe français du Conseil de contrôle (GFCC), le Gouvernement militaire français de Berlin (GMFB) et le Gouvernement militaire de la Zone française d’occupation (GMZFO). Dirigé par Emile Laffon, nommé Admistrateur général le 24 juillet 1945,18 le GMZFO constituait, contrairement à son appellation, une administration civile dont le siège central était situé lui aussi à Baden-Baden. Il se composait d’une Direction de la Sûreté et de quatre Directions générales chargées respectivement des Affaires administratives (DGAA), de l’Économie et des Finances (DGEF), du Contrôle du Désarmement, et de la Justice.19 Ces Directions générales s’articulaient en plusieurs Directions, elles-mêmes composées de divers services et sous-services. Responsable notamment de la culture et des moyens d’information, la DGAA comprenait ainsi sept Directions : Personnel, Matériel et Budget ; Intérieur et Cultes ; Santé publique ; Information ; Éducation publique ; PTT ; Personnes déplacées.20 Une Délégation Supérieure, dont la structure était calquée sur celle du GMZFO, représentait l’Administrateur général dans chaque province de la zone française.21 Emile Laffon, qu’une rivalité opposa immédiatement au Général Koenig,22 démissionna en novembre 1947 et ne fut jamais remplacé. L’année suivante, le Gouvernement français procéda à une restructuration complète du CCFA.23

8Affirmant ne pas avoir reçu d’instructions précises, les membres du CCFA firent tout de suite preuve d’une grande indépendance vis-à-vis de Paris où le GPRF avait pourtant créé le 7 juillet 1945 un Comité interministériel des Affaires allemandes et autrichiennes (CIAAA).24 Celui-ci élabora le 19 juillet suivant des « directives pour notre action en Allemagne » qui insistaient sur la nécessité de garantir la sécurité de la France et traitaient essentiellement des aspects purement politiques de l’occupation. Elles énonçaient brièvement quelques principes se rapportant aux moyens d’information (presse et radio) et à l’enseignement, ce qui traduisait une volonté de mener une politique culturelle qui s’annonçait très vaste.25 En décembre 1945, l’étude des « problèmes que [posait] la conduite de la politique et de l’Administration française en Allemagne »26 fut confiée à un Commissariat général aux Affaires allemandes et autrichiennes (CGAAA), qui fut rattaché au ministère des Affaires étrangères en août 1946,27 avant d’être transformé en Secrétariat d’État aux Affaires allemandes et autrichiennes (SEAAA) en novembre 1947.28

II. Le cinéma allemand sous le troisième Reich

9Les dirigeants nazis, qui avaient su percevoir le pouvoir des images et leur immense impact sur le public, firent du cinéma un élément essentiel de leur propagande, concentré entre les mains de Joseph Goebbels. Sa nomination au poste de Ministre de la Propagande le 13 mars 1933 fut suivie d’une série de mesures qui devaient aboutir à la mise au pas du cinéma allemand.

1. La mise au pas

10Joseph Goebbels exerçait un contrôle total sur la vie artistique et culturelle allemande par l’intermédiaire d’une Chambre de la Culture dont il était président. Créée le 12 septembre 1933, elle se composait de sept chambres professionnelles, spécialisées respectivement dans la littérature, le théâtre, la musique, la radio, la presse, les beaux-arts et le cinéma. Suite à une ordonnance du 1er novembre 1933, tous ceux dont l’activité relevait de la production, la reproduction, la distribution ou la conservation des biens culturels, furent contraints d’adhérer à l’une de ces chambres.29

11La Chambre du Cinéma existait depuis le 14 juillet 1933.30 Sa création fut donc antérieure à celle de la Chambre de la Culture, ce qui montre bien l’importance que Goebbels accordait au cinéma, premier moyen d’information des masses à tomber sous la coupe du nouveau régime. Dès le 6 juin 1933, le ministère de la Propagande promulgua une ordonnance écartant les Juifs et les étrangers de l’industrie cinématographique, ce qui provoqua un exode massif. Parmi les membres de la profession qui prirent le chemin de l’exil figurent notamment les réalisateurs Fritz Lang31 et Max Ophuls,32 les comédiens Conrad Veidt33 et Peter Lorre,34 ou encore le producteur Erich Pommer, que les Américains chargeront en 1946 de faire renaître le cinéma allemand dans leur zone d’occupation.35 Il convient également de citer le scénariste Billy Wilder, qui fera une brillante carrière de réalisateur aux États-Unis et travaillera lui aussi pour le Gouvernement militaire américain après la guerre.36

12La censure cinématographique joua un rôle primordial sous le Troisième Reich et ses conséquences furent immédiates. Ainsi, la première de Das Testament des Dr. Mabuse de Fritz Lang, prévue le 24 mars 1933, fut ajournée et le film fut interdit cinq jours plus tard.37 Tous les films produits, réalisés ou interprétés par des Juifs ou des artistes ayant émigré furent systématiquement interdits, de même que les films jugés hostiles au nouveau régime. Les Nazis instaurèrent également une censure préalable particulièrement efficace : la création le 1er février 1934 d’un poste de « Dramaturge du Cinéma », complétée le 16 février suivant par une « loi sur le cinéma », permit désormais à Goebbels d’exercer un contrôle absolu sur chaque film, depuis le scénario jusqu’à la sortie en salles.38 Peu importante avant 1933, la critique cinématographique disparut totalement sous le Troisième Reich et fut remplacée par des comptes rendus essentiellement narratifs.39

2. Nationalisation et concentration de l’industrie cinématographique

13Les Nazis procédèrent à la nationalisation et à la concentration de l’industrie cinématographique allemande, dominée depuis des années par la célèbre Universum Film-Aktiengesellschaft (UFA). Les attributions de cette firme toute-puissante, fondée en décembre 1917, s’étendaient à toutes les branches du cinéma (production, distribution, exploitation, technique). Dotée de studios vastes et modernes près de Berlin, de laboratoires performants et de salles importantes, la UFA avait produit de nombreux films depuis sa création, notamment Metropolis de Fritz Lang ou encore Der blaue Engel de Josef von Sternberg avec Emil Jannings et Marlene Dietrich.

14Entamée en 1935 avec l’acquisation du groupe Tobis, la nationalisation s’intensifia deux ans plus tard. Un homme de paille du ministère de la Propagande, Max Winkler, fut chargé de racheter les sociétés cinématographiques pour le compte de l’État. La UFA fut nationalisée en mars 1937, suivie par la Terra, puis par la Bavaria. En 1939, les firmes Tobis, UFA, Terra et Bavaria contrôlaient à elles seules 73 % de la production, une concentration qui aboutit à la création en janvier 1942 d’un trust gigantesque : la UFA-Film GmbH, qui fut très vite appelée UFI afin d’être distinguée de la UFA. Cette dernière connut alors d’importants changements : elle conserva des filiales spécialisées dans la distribution, l’exploitation et la technique, mais elle dut renoncer à son département de production, qui devint une société appelée UFA-Filmkunst GmbH.40

15La UFI contrôlait la quasi-totalité de l’industrie cinématographique. La production était assurée par les sociétés UFA-Filmkunst, Tobis-Filmkunst, Terra-Filmkunst, Berlin-Film, Bavaria-Filmkunst, Wien-Film et Prag-Film, auxquelles on peut adjoindre la Deutsche Zeichenfilm GmbH, spécialisée dans les dessins animés. Les filiales de l’ancienne UFA permettaient à la UFI de régner sur la distribution (Deutsche Filmvertriebs GmbH), un important réseau de salles (Deutsche Film-Theater GmbH), les actualités allemandes (Deutsche Wochenschau GmbH), la fabrication de pellicule (AG für Filmfabrikation, connue sous le sigle AFIFA), l’installation des salles et la vente d’équipements (UFA-Handels GmbH), ou encore les publications se rapportant au cinéma (UFA-Buchverlag GmbH). Au total, la UFI finit par englober 138 sociétés.41

3. Les films

16La volonté des dirigeants nazis d’utiliser le cinéma comme un moyen de propagande destiné à servir leur politique se traduisit par la réalisation de films glorifiant le parti et ses idéaux, comme SA Mann Brand de Franz Seitz, Hitlerjunge Quex de Hans Steinhoff et Hans Westmar de Franz Wenzler. Les ennemis du Reich furent brocardés dans des films antisémites, racistes ou xénophobes : les Juifs dans Die Rothschilds de Erich Waschnek et surtout Jud Süss de Veit Harlan, les Slaves et les communistes dans Weiße Sklaven de Karl Anton et G.P.U. de Karl Ritter, la Grande-Bretagne dans Ohm Krüger de Hans Steinhoff, et la France dans Der höhere Befehl de Gerhard Lamprecht et Kolberg de Veit Harlan, deux films mettant en scène les guerres de libération de l’Allemagne sous Napoléon 1er. L’Armée allemande se trouva glorifiée dans des films de guerre comme Stukas de Karl Ritter ou encore U-Boote Westwärts de Günther Rittau. Les vertus et la grandeur germaniques furent exaltées dans des productions retraçant le destin des grands hommes allemands : le roi Frédéric II de Prusse (Der alte und der junge König de Hans Steinhoff, Fridericus de Johannes Meyer, Der große König de Veit Harlan), le Chancelier Bismarck (Bismarck et Die Entlassung de Wolfgang Liebeneiner), mais aussi les médecins et les savants (Robert Koch, der Bekämpfer des Todes de Hans Steinhoff), les écrivains (Friedrich Schiller der Triumph eines Genie de Herbert Maisch), les peintres (Rembrandt de Hans Steinhoff), et les musiciens (Wen die Götter lieben de Karl Hartl, consacré à Mozart). Enfin, les « Blubo-Filme » comme Der Strom de Günther Rittau ou Ewiger Wald de Hans Springer et Rolf von Sonjevski-Jamrowski mettaient l’accent sur les notions de terre et de sang germaniques.42

17A côté de ces œuvres de propagande, le cinéma nazi produisit une majorité de films de divertissement (comédies, comédies musicales, opérettes) comme Das Schloß in Flandern de Geza von Bolvary, Die große Liebe de Rolf Hansen et Kora Terry de Georg Jacoby, pour n’en citer que quelques-uns.43 Pendant la guerre, le nombre de ces films s’accrût au fur et à mesure que les défaites allemandes augmentaient. A la fin du conflit, alors que l’Allemagne s’effondrait, les studios de cinéma continuaient à tourner des films respirant la gaieté et la joie de vivre. Certains ne furent jamais achevés. D’autres, comme le film d’Helmut Käutner Unter den Brücken, ne furent projetés qu’après la guerre.44

4. Les réalisateurs et les acteurs

18Cinéaste officielle du Troisième Reich dès 1933, Leni Riefenstahl (1902-2003) occupe une place prédominante dans l’histoire du cinéma nazi. Dans les années vingt, elle fut l’interprète de plusieurs films « de montagne », tels que Der heilige Berg, Der große Sprung, et Stürme über dem Mont-Blanc, réalisés par le spécialiste du genre, Arnold Fanck. En 1932, elle écrivit, produisit, réalisa et interpréta Das blaue Licht. Séduit par ce film, Adolf Hitler chargea la cinéaste de filmer les grands rassemblements du parti nazi à Nuremberg, ce qui donna lieu à deux documentaires : Der Sieg des Glaubens en 1933 et Triumph des Willens en 1934. Deux ans plus tard, Leni Riefenstahl disposa de moyens considérables pour filmer les Jeux Olympiques de Berlin. Elle en tira le fameux documentaire en deux parties, Olympia (Les Dieux du stade).45

19Du côté des films de fiction, Veit Harlan (1899-1964) demeure sans conteste le réalisateur le plus célèbre de la période nazie : son nom reste en effet associé au film le plus antisémite de l’époque, Jud Süss. Acteur dans les années vingt, il rallia le nouveau régime dès 1933 et passa aussitôt à la mise en scène en co-réalisant Die Pompadour. En 1942, il réalisa Die goldene Stadt, une superproduction en Agfacolor, qui marqua le vingt-cinquième anniversaire de la UFA. L’année suivante, il fut chargé par Goebbels de réaliser Kolberg, une production d’intérêt national relatant la résistance d’une petite ville prussienne face à l’oppresseur napoléonien. Le tournage dura deux ans et lorsque le film fut enfin projeté en janvier 1945, le Reich était au bord de l’effondrement. Par ailleurs, Veit Harlan fit de son épouse, l’actrice suédoise Kristina Söderbaum, la vedette féminine de la plupart de ses films. Parmi les interprètes les plus fameux de l’époque, on peut citer Emil Jannings, qui joua dans Der alte und der junge König, Robert Koch ou encore Ohm Krüger, ainsi que Heinrich George, également acteur de théâtre, qui remporta de grands succès au cinéma avec Hitlerjunge Quex, Jud Süss et Der Postmeister. D’autres acteurs et réalisateurs étaient spécialisés dans les films de divertissement. Ainsi, Geza von Bolvary et Georg Jacoby excellaient dans la réalisation de comédies musicales. Le second dirigea sa femme d’origine hongroise, Marika Rökk, à plusieurs reprises, notamment dans Frauen sind doch bessere Diplomaten (le premier film en Agfacolor) Kora Terry et Die Frau meiner Träume. Quant à Willy Fritsch et Lilian Harvey, ils formaient le couple vedette du film de divertissement, genre qui fut également représenté par l’actrice suédoise Zarah Leander.46

III. Le cinéma français de l’occupation à l’après-guerre

1. Le cinéma français sous l’Occupation (1940-1944)

20Le 3 septembre 1939, la France entra en guerre suite à l’invasion de la Pologne par l’Allemagne. Après la débâcle des troupes françaises face à l’Armée allemande, le maréchal Pétain signa l’armistice en juin 1940 et une ligne de démarcation fixée par les vainqueurs coupa le pays en deux : tandis que la zone Nord restait sous le contrôle des Allemands, qui installèrent leurs principales administrations à Paris, dans la zone Sud, Vichy devint la capitale de l’État français. En novembre 1942, la France fut occupée dans sa totalité, situation qui dura jusqu’à la Libération en 1944.

21Dans l’histoire du cinéma français, ces quatre années d’occupation constituent une période extrèmement complexe et paradoxale. Etroitement contrôlé par les Allemands et en même temps réorganisé de façon efficace par le Gouvernement de Vichy, le cinéma français traversa les épreuves et put s’épanouir d’une façon inattendue. C’est à cette époque, souvent considérée par la suite comme un « âge d’or »,47 que furent tournés des films aussi célèbres que Le Corbeau ou Les Enfants du paradis.

a. L’emprise allemande

22En zone occupée, le cinéma tomba immédiatement sous la coupe de la Propaganda-Abteilung, créée le 18 juillet 1940 et installée à Paris, à l’hôtel Majestic. Rattachée à la Wehrmacht, elle constituait une antenne du ministère de la Propagande de Joseph Goebbels et entendait imposer à la France le modèle culturel du Troisième Reich.48 Dès juillet 1940, le Dr. Dietrich, qui dirigeait le Referat Film (Service du Cinéma) de la Propaganda-Abteilung, pria les responsables de la profession cinématographique présents à Paris de constituer des groupements corporatifs pour les différentes branches de l’industrie du cinéma (production, distribution, exploitation, industries techniques, techniciens et acteurs). Outre la transmission de directives aux groupements corporatifs, le Referat Film s’occupait de la censure, de la répartition des matières premières et de l’administration des biens juifs.49 La promulgation entre septembre 1940 et avril 1942 de plusieurs ordonnances allemandes relatives au cinéma se traduisit notamment par l’interdiction des productions anglo-saxonnes et américaines – ce qui fut profitable au cinéma français, privé de son redoutable concurrent américain – et des films interprétés par des Juifs, puis de tous les films sortis en France avant le 1er octobre 1937.50 Durement touchés par les mesures prises à leur encontre par les Autorités allemandes, les Juifs furent écartés de la profession cinématographique et privés de leurs biens.51 Ces dispositions furent étendues à la zone libre où le Gouvernement de Vichy signa dès le 3 octobre 1940 une première loi sur le statut des Juifs.52 Malgré les risques encourus, certains d’entre eux continuèrent à travailler dans la clandestinité. Ainsi, le décorateur Alexandre Trauner parvint à concevoir les décors des films Les Visiteurs du soir, Lumière d’été et Les Enfants du paradis.53

23L’emprise allemande sur le cinéma français se traduisit également par la mise en place d’un véritable empire de production, distribution et exploitation de films, dirigé d’une main de fer par Alfred Greven. Ami de Goering depuis la Première Guerre mondiale, il avait été directeur de production à la UFA dans les années trente, ce qui lui avait permis de rencontrer les cinéastes et artistes français venus tourner dans les studios de la célèbre firme. Alfred Greven arriva à Paris en septembre 1940 et s’empressa d’y créer une société de production : la Continental, société de droit français à capitaux allemands vit le jour le 3 octobre 1940. Quelques semaines plus tard, Alfred Greven constitua la SOGEC, une société d’exploitation qui fit l’acquisition de circuits de salles appartenant à des Juifs. Pour la distribution, il s’appuya sur l’ACE, une filiale de la UFA, ouverte à Paris en 1926. Enfin, il signa un contrat avec le Paris-Studio-Cinéma de Billancourt pour les prises de vues. Convaincu de la médiocrité des films allemands, Alfred Greven proclama tout de suite son intention de produire un cinéma français de qualité, dénué de toute propagande pro-nazie, et s’efforça d’engager les meilleurs réalisateurs et acteurs de l’époque. Le tournage du premier film produit par la Continental – L’Assassinat du Père Noël de Christian-Jaque, adapté d’un roman de Pierre Véry54 – débuta le 15 février 1941.55 Récemment, le cinéaste Bertrand Tavernier a dépeint les activités de la société Continental et la vie dans les studios parisiens sous l’Occupation dans le film Laissez-passer, sorti dans les salles en 2002.

b. Les réformes vichyssoises

24Le Gouvernement de Vichy procéda à une réorganisation générale du cinéma français. La création à Paris des groupements corporatifs voulus par le Dr. Dietrich accéléra la mise en place de nouvelles structures institutionnelles. En effet, comme l’explique l’ouvrage de Jacques Siclier sur La France de Pétain et son cinéma, il fallait à tout prix éviter « de laisser sous le seul contrôle allemand la production et l’exploitation en zone occupée, où Paris était un point de forte concentration de studios et de circuits. »56

25La première mesure prise par Vichy fut de doter le Secrétariat général à l’Information, institué par un décret du 13 juillet 1940, d’un Service du Cinéma ayant autorité sur l’ensemble de la législation et de la réglementation cinématographiques. Cette centralisation permit de mettre un terme à l’anarchie qui régnait dans le cinéma sous la IIIe République en raison d’une dispersion des compétences. Installé à Paris, ce Service du Cinéma – qui devint une Direction générale du Cinéma en mai 1942 – fut dirigé jusqu’en février 1941 par Guy de Carmoy, un Inspecteur des Finances connu pour avoir rédigé en 1936 un rapport sur la mauvaise organisation du cinéma français et sur les réformes qu’il conviendrait d’appliquer. Les idées contenues dans ce fameux rapport servirent de base à la réorganisation mise en œuvre par le Gouvernement de Vichy.

26Une loi portant réglementation de l’industrie cinématographique fut promulguée le 26 octobre 1940 : « une carte d’identité professionnelle devenait obligatoire dans tous les secteurs de la profession ; la location des films aux producteurs devait être payée non plus au forfait (…), mais selon un pourcentage de la recette nette globale ; le double programme était supprimé, ce qui donnait place à des courts métrages en première partie des spectacles. »57 Cette loi fut complétée par un décret du 2 novembre 1940 – publié au Journal officiel le 4 décembre suivant – instituant le Comité d’organisation de l’Industrie cinématographique (COIC). Celui-ci fut créé sur la base de la loi-cadre du 16 août 1940 concernant l’organisation provisoire de la production industrielle : désormais, le cinéma était considéré avant tout comme une industrie et un commerce, et non plus comme un art.58 Installé à Paris et confié dans un premier temps au producteur Raoul Ploquin, le COIC joua un rôle essentiel, dans la mesure où il « permit au cinéma français non seulement de rester français, mais encore de s’épanouir économiquement, artistiquement, en dépit de la contrainte allemande et des difficultés matérielles de l’économie de guerre. »59

27En quatre ans, le Service – puis la Direction générale – du Cinéma et le COIC accomplirent une œuvre majeure, préfigurant l’organisation ultérieure de l’industrie cinématographique française. Vichy procéda entre autres aux réformes suivantes : centralisation de toute autorité publique sur le cinéma dans un seul ministère, création d’une carte d’identité professionnelle, instauration d’un contrôle des recettes, suppression du double programme, création d’un système d’avances à la production, création d’un « Registre public de la cinématographie », réforme fiscale, création d’une école de cinéma – le CATJC puis l’IDHEC –, aide à la Cinémathèque française, contrôle technique du matériel et des installations.60

c. La production

28Après l’armistice, les activités des trois centres cinématographiques de l’époque – Paris, Marseille (studios Marcel Pagnol) et Nice (studios de la Victorine) – redémarrèrent progressivement, d’abord en zone libre : le 13 août 1940, Marcel Pagnol reprit le tournage de La Fille du puisatier, interrompu depuis le 17 juin 1940, et six autres films furent mis en chantier jusqu’en décembre. En zone occupée, Christian-Jaque commença à tourner L’Assassinat du Père Noël dans les studios de Billancourt, maintenant sous la tutelle d’Alfred Greven, en février 1941. Dans les autres studios parisiens, la production ne reprit qu’à partir du mois de juin 1941.

29Pendant ces années d’occupation, le cinéma français se trouva confronté à des difficultés économiques et matérielles toujours croissantes : le coût de production des films avait considérablement augmenté et les tournages étaient entravés par le manque de matériaux, de pellicule et de charbon, par les coupures d’électricité et par les alertes aériennes. Pour ces diverses raisons, la production française chuta par rapport aux années trente où la moyenne était d’environ 120 films par an. Au total, 220 films seulement furent produits sous l’Occupation : 7 en 1940, 58 en 1941, 78 en 1942, 60 en 1943 et 17 en 1944 (janvier à mai).61 Même si la qualité de nombre d’entre eux est indiscutable, il convient de préciser que leur succès public et commercial fut favorisé par l’interdiction des films anglo-saxons et américains, ainsi que par l’inexistence de la concurrence allemande.62

30A elle seule, la Continental d’Alfred Greven produisit trente films – les deux plus grandes firmes de l’époque, Pathé et Gaumont, n’en produisirent respectivement que quatorze et huit63 –, dont Le Corbeau d’Henri-Georges Clouzot, Les Inconnus dans la maison d’Henri Decoin, La Main du Diable de Maurice Tourneur, ou encore La Symphonie fantastique de Christian-Jaque.64 Le dernier film de la Continental fut Les Caves du Majestic de Richard Pottier, adapté d’un roman de Georges Simenon, avec Albert Préjean dans le rôle du commissaire Maigret.65 Parmi les 190 autres films tournés sous l’Occupation, on peut citer Les Visiteurs du soir et Les Enfants du paradis de Marcel Carné, Pontcarral, colonel d’Empire et L’Eternel Retour de Jean Delannoy, Douce et Le Mariage de Chiffon de Claude Autant-Lara, Le Ciel est à vous et Lumière d’été de Jean Grémillon, Les Anges du péché de Robert Bresson, ou encore La Nuit fantastique de Marcel L’Herbier et Nous les gosses de Louis Daquin.

d. Les réalisateurs et les acteurs

31Si des réalisateurs comme Marcel Carné, Henri Decoin, Abel Gance, Jean Grémillon, Marcel L’Herbier, Christian-Jaque ou encore Jean Delannoy, déjà célèbres dans les années trente, poursuivirent leur carrière sous l’Occupation, d’autres cinéastes de renom quittèrent la France et entamèrent à l’étranger une nouvelle carrière, plus ou moins réussie : René Clair, Julien Duvivier, Jean Renoir et Max Ophuls partirent pour les États-Unis, Pierre Chenal gagna l’Argentine et Jacques Feyder s’installa en Suisse avec son épouse, la comédienne Françoise Rosay. Ces départs forcés ou volontaires permirent à d’anciens assistants ou scénaristes de passer à la réalisation. Parmi les dix-neufs cinéastes qui réalisèrent leur premier film sous l’Occupation, Jacques Becker, Robert Bresson et Henri-Georges Clouzot furent, selon Jacques Siclier, les « trois révélations majeures »66 de cette époque : Jacques Becker, qui avait été l’assistant de Jean Renoir, tourna son premier film, Dernier Atout, en 1942 et connut la consécration l’année suivante avec Goupi mains rouges ; Robert Bresson, jusqu’alors inconnu, s’imposa avec Les Anges du péché en 1943 ; Henri-Georges Clouzot, après avoir écrit les dialogues du Dernier des six de Georges Lacombe et des Inconnus dans la maison d’Henri Decoin, réalisa L’Assassin habite au 21 en 1942. L’année suivante, il tourna Le Corbeau, une sombre histoire de lettres anonymes, qui dépeint avec férocité les habitants d’une petite ville de province. Ce film, qui valut à Clouzot de sérieux ennuis à la Libération, reste la production la plus célèbre de la Continental.67

32Privé d’acteurs de premier plan, comme Jean Gabin et Michèle Morgan, partis aux États-Unis, le public français retrouva tout de même dans les films de l’Occupation d’incontournables vedettes des années trente : Arletty, Pierre Blanchar, Danielle Darrieux, Fernandel, Edwige Feuillère, Pierre Fresnay, Ginette Leclerc, Gaby Morlay, Albert Préjean, Raimu, Pierre Richard-Willm… En même temps, de nouveaux acteurs s’imposèrent, parmi lesquels Bernard Blier, Suzy Delair, Jean Desailly, Renée Faure, Odette Joyeux, Jean Marais, Georges Marchal, François Périer, Gérard Philipe, Micheline Presle ou encore Madeleine Sologne.68

2. La réorganisation du cinéma français (1944-1946)

33Pour le cinéma français, l’Occupation prit fin avec la libération de Paris en août 1944. Créé dans la clandestinité au début de l’année, le Comité de Libération du Cinéma français (CLCF) passa à l’action le 19 août en occupant les locaux des organismes cinématographiques, notamment ceux du COIC, de la Direction générale du Cinéma et de la société Continental. C’est également le CLCF qui se chargea de filmer en direct la libération de la capitale et d’en faire un documentaire. Les dernières scènes – celles qui montrent le Général de Gaulle sur les Champs-Elysées – furent filmées le 26 août. Le montage de La Libération de Paris fut achevé le jour même et le commentaire enregistré par Pierre Blanchar. Projeté à Paris deux jours plus tard, ce documentaire de 37 minutes attira – et bouleversa – aussitôt un public nombreux.69

34Au lendemain de la Libération, tandis que des commissions d’épuration examinaient les dossiers des membres de la profession pour sanctionner ceux qui s’étaient compromis sous l’Occupation,70 le cinéma français dut faire face à de nouvelles épreuves. Confronté à une grave crise économique et matérielle, il devait maintenant « réapprendre la liberté, renouer avec les marchés ouverts, les progrès techniques, les mutations esthétiques, les nouvelles sensibilités. »71 En résumé, il lui fallait « rattraper un temps, admirablement servi, compte tenu des circonstances, mais qui [avait] été, quand même, du temps perdu, par rapport à la marche du monde. »72 La période qui s’ouvrait s’annonçait donc difficile. Elle fut surtout essentielle, puisqu’elle aboutit en 1946 à une réorganisation du cinéma français, caractérisée par un renforcement du rôle de l’État.

a. La réforme des institutions : la création du CNC

35A la Libération, le cinéma fut placé sous la tutelle d’un nouveau ministre de l’Information, Pierre-Henri Teitgen, nommé par le GPRF le 10 septembre 1944. Un éminent réalisateur de films scientifiques, Jean Painlevé, fut nommé à la tête de la Direction générale du Cinéma en août 1944, puis fut remplacé par Michel Fourré-Cormeray le 16 mai 1945. Le COIC, confié en octobre 1944 à un commissaire provisoire, Philippe Acoulon, fut transformé en Office professionnel du Cinéma (OPC) le 28 août 1945. L’année suivante, après la promulgation de la loi du 26 avril 1946 portant dissolution des organismes professionnels, il devint urgent de doter le cinéma français de nouvelles institutions. En quelques mois, le Gouvernement français procéda à une réforme fondamentale qui se traduisit par la suppression de la Direction générale et de l’OPC au profit d’un organisme d’État qui existe toujours : le Centre national de la Cinématographie (CNC).

36Créé par la loi du 25 octobre 1946, le CNC était un établissement public, doté de l’autonomie financière, placé sous l’autorité du ministre de l’Information.73 Nommé directeur général du CNC par un décret du 2 janvier 1947,74 Michel Fourré-Cormeray était assisté « d’un conseil paritaire de 16 représentants patronaux et salariés de la profession et d’un conseil administratif composé de huit représentants ministériels (finances, information, affaires étrangères, éducation nationale, production industrielle, économie, colonies, agriculture). »75 Le rôle du CNC était d’étudier les projets de législation ou de réglementation, de contrôler le financement et les recettes des films, d’aider financièrement la production française, d’assurer la diffusion des films documentaires et le développement d’un secteur non commercial, d’organiser la formation professionnelle et technique, et de coordonner les œuvres sociales du cinéma.76

b. Le sort des biens ennemis : la création de l’UGC

37Confisqués à la Libération, les biens cinématographiques allemands – à commencer par ceux de la société Continental – furent d’abord gérés par l’administration des Domaines, dépendante du ministère des Finances, avant d’être cédés à l’Union générale cinématographique (UGC), créée pour la circonstance en septembre 1946. Société anonyme dont l’État était le seul actionnaire,77 l’UGC était dotée de plusieurs filiales spécialisées dans la production (UGCP), la distribution (AGDC), l’exportation (UGEP) et l’exploitation (SOGEC). Issue de l’empire Greven, elle disposait « d’un catalogue de films importants, basé essentiellement sur la production de la Continental pendant la guerre, d’un instrument de distribution efficace avec des agences à Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Rennes, Lille et Nancy, et d’un réseau de trente-deux salles particulièrement performantes. »78 Sous l’impulsion de son directeur, André Halley des Fontaines, l’UGC se lança en 1947 dans un ambitieux programme de production.79 Elle s’ouvrit également des débouchés en Allemagne occupée en devenant le principal actionnaire de la Film-Union AG, une société franco-allemande créée à Baden-Baden. La même année, l’UGC coproduisit avec l’Italie le célèbre film de Roberto Rossellini Allemagne année zéro, dont les extérieurs furent essentiellement tournés dans les ruines de Berlin.80

c. La concurrence américaine : les accords Blum-Byrnes

38Préoccupé par le retour de la concurrence hollywoodienne, le GPRF entreprit de réglementer les importations de films américains. Un arrangement fut conclu dans le cadre d’accords franco-américains signés à Washington par Léon Blum et James F. Byrnes le 28 mai 1946 : le marché français devait s’ouvrir largement au cinéma américain, mais il était prévu d’instaurer un système de quota par écran, « destiné à faciliter par une protection temporaire la reconstruction de l’industrie française du film éprouvée par la désorganisation due à l’occupation de la France par l’ennemi. »81 Le texte stipulait qu’« à compter du 1er juillet 1946 le contingent à l’écran réservé aux films français [serait] au maximum de quatre semaines par trimestre. »82 Aucune autre restriction ne devait être apportée à l’importation des films américains « pendant la période d’application du contingentement à l’écran »83 et, à la satisfaction des États-Unis, le Gouvernement français envisageait « l’élimination complète de toutes protections pour le moment où l’industrie française du film [aurait] recouvré son pouvoir de concurrence. »84

39Les accords Blum-Byrnes furent très mal accueillis par les professionnels du cinéma. Il est vrai que le texte, formulé de façon maladroite, donnait l’impression de vouloir contingenter les films français sur leur propre marché. En réalité, sur les treize semaines que comportait un trimestre, quatre devaient être réservées aux films français, tandis que les neuf autres, soumises à la libre concurrence, étaient ouvertes aux films français et étrangers. Les accords Blum-Byrnes, qui entrèrent officiellement en application suite au décret et à l’arrêté du 17 août 1946, garantissaient donc à la production française un quota trimestriel de quatre semaines au minimum, mais ils n’en débouchèrent pas moins sur une importation massive de films américains.

d. La production

40Pendant les derniers mois d’occupation, les difficultés économiques et matérielles s’accrûrent, rendant les tournages de plus en plus pénibles et paralysant peu à peu la production cinématographique. A l’automne 1944, dans les semaines qui suivirent la Libération, les studios et les laboratoires parisiens reprirent tout de même leur activité pour achever tant bien que mal les films interrompus. Au total, 26 films tournés ou commencés sous l’Occupation sortirent progressivement sur les écrans français entre octobre 1944 et janvier 1946,85 notamment La Cage aux rossignols de Jean Dréville, Les Dames du Bois de Boulogne de Robert Bresson, Falbalas de Jacques Becker, et surtout Les Enfants du paradis de Marcel Carné, dont la première le 22 mai 1945 marqua de façon éclatante le retour à la paix.

41La production redémarra fin 1944-début 1945 avec la mise en chantier de Farrebique de Georges Rouquier, L’Affaire du collier de la reine de Marcel L’Herbier ou encore Roger la Honte d’André Cayatte. Bien que sinistré, le cinéma français de l’après-guerre était toujours de qualité, marqué par des films comme La Belle et la Bête de Jean Cocteau, Un Revenant de Christian-Jaque ou La Symphonie pastorale de Jean Delannoy. Cette époque vit également naître un nombre non négligeable de films sur la guerre et la résistance, le plus beau et le plus célèbre d’entre eux étant La Bataille du rail de René Clément, réalisé en 1945.86 Au total, 73 films furent entrepris en 1945 et 93 en 1946.87

 

42En 1945-1946, alors que la France occupait l’Allemagne avec les Trois Grands, le cinéma français se trouvait donc dans une situation très particulière : confronté à une grave crise économique, à laquelle s’ajoutait la nécessité de procéder à une réorganisation des institutions mises en place par le Gouvernement de Vichy, il demeurait globalement d’une grande qualité artistique. Ces différents éléments, ainsi que la nécessité de dénazifier le cinéma allemand, ne pouvaient manquer d’avoir une incidence sur les activités cinématographiques menées dans la zone française d’occupation à partir de l’été 1945.

Notes de bas de page

1 Jérôme Vaillant, « L’occupation française en Allemagne », in Institut Charles de Gaulle (éd.), De Gaulle et la Nation face aux problèmes de défense (1945-1946), Plon, 1983, p. 215-226.

2 Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, Tome 3 : Le Salut 1944-1946, Plon, 1959, p. 46.

3 Ibid.

4 Ibid., p. 47.

5 Ibid., p. 44.

6 Lorsqu’à partir du 27 novembre 1944 la France siégea à la CCE, celle-ci avait déjà adopté les deux textes fondamentaux sur l’occupation de l’Allemagne : le protocole du 12 septembre 1944 « sur les zones d’occupation en Allemagne et l’administration du Grand Berlin » et l’accord du 14 novembre 1944 « sur le système de contrôle en Allemagne ».

7 Henri Ménudier, « La grande alliance à l’épreuve de la guerre », in Henri Ménudier (éd.), L’Allemagne occupée 1945-1949, Éditions Complexe, 1990, p. 27.

8 Raymond Poidevin/Jacques Bariéty, Les relations franco-allemandes 1815-1975, Armand Colin, 1977, p. 328.

9 Gilbert Badia (éd.), Histoire de l’Allemagne contemporaine, Tome 2 : RFA-RDA, Messidor, Éditions sociales, 1987, p. 27.

10 D’après un recensement effectué en octobre 1946, les villes les plus peuplées de la zone française étaient Ludwigshafen et Fribourg-en-Brisgau qui comptaient respectivement 107 939 et 92 966 habitants. Suivaient Mayence (74 687), Trèves (63 422), Reutlingen (63 124), Kaiserslautern (55 991) et Coblence (51 878). Dans les autres villes de la ZFO, le nombre d’habitants était inférieur à cinquante-mille. (cf. La France en Allemagne, n° 8, mars 1948, p. 85, 89, 93).

11 Henri Ménudier, op. cit., p. 34.

12 Gilbert Badia (éd.), op. cit., p. 26.

13 Notice sur le Gouvernement militaire (brochure non datée), p. 5.

14 Ibid.

15 Sur l’activité de l’AMFA et les premiers mois de l’occupation, se reporter au témoignage de Charles Muller, « Les premiers mois de l’occupation », in Joseph Jurt (Hrsg.), Von der Besatzungszeit zur deutsch-französischen Kooperation/De la période d’occupation à la coopération franco-allemande, Rombach Verlag, Fribourg, 1993, p. 190-195.

16 « Décret du 23 juillet 1945 portant nomination du Commandant en Chef français en Allemagne », in Journal officiel de la République française, n° 172, 23-24 juillet 1945, p. 4581.

17 « Décret n° 45-1406 du 15 juin 1945 portant création d’un Commandement en Chef français en Allemagne », in Journal officiel de la République française, n° 150, 27 juin 1945, p. 3891.

18 « Décret du 24 juillet 1945 portant mise à la disposition du Commandant en Chef français en Allemagne, par le Ministre de l’Intérieur, de M. Laffon », in Journal officiel de la République française, n° 177, 29 juillet 1945, p. 4696.

19 « L’Administration française en Allemagne », in La Revue de la zone française, n° 3, 15 janvier 1946, p. 5.

20 Ibid.

21 Au départ, les Délégations Supérieures étaient au nombre de quatre : Rhénanie – Hesse-Nassau, Palatinat Hesse-Rhénanie, Bade, Wurtemberg. Après la création des Länder en 1946, elles furent ramenées à trois : Rhénanie-Palatinat, Bade, Wurtemberg.

22 Se reporter à l’étude d’Alain Lattard, « A propos de l’occupation française en Allemagne 1945/49 – Le conflit Laffon/Koenig », in Gilbert Krebs (éd.), Sept décennies de relations franco-allemandes 1918-1988, Publications de l’Institut d’Allemand d’Asnières, Université de la Sorbonne Nouvelle, 1989, p. 227-262.

23 Le poste d’Administrateur général fut supprimé et les anciennes Directions du GMZFO furent érigées en Divisions. Un décret du 4 avril 1948 porta le nombre de « services centraux de gouvernement, d’administration et de contrôle en Allemagne » à douze : Division Politique, Division de l’Information, Division de la Sûreté, Division des Affaires administratives, sociales et culturelles ; Division de l’Éducation publique, Division de l’Économie générale et des Finances ; Division de la Production industrielle ; Division de la Production agricole et du Ravitaillement ; Division des Communications, Transmissions et PTT ; Inspection générale du Désarmement ; Service de l’Administration générale ; Service des Réparations et Restitutions. La Division Politique, la Division de l’Information, la Direction de la Sûreté et l’Inspection générale du Désarmement furent directement placées sous l’autorité du Commandant en Chef, de même qu’une Division de la Justice, créée en août 1948. Les autres Divisions furent rattachées au Secrétariat général du CCFA. (cf. « Arrêté du 4 avril 1948 portant organisation, attributions et effectifs des services français de gouvernement, d’administration et de contrôle en Allemagne », in Journal officiel de la République française, n° 88, 11 avril 1948, p. 3614-3615).

24 « Décret n° 45-1654 du 7 juillet 1945 portant création d’un Comité interministériel des Affaires allemandes et autrichiennes », in Journal officiel de la République française, n° 173, 25 juillet 1945, p. 4610.

25 MAE Colmar, GMFB, C. 164, P. G V, Secrétariat général du Comité interministériel des Affaires allemandes et autrichiennes – Document n° 1 : « Directives pour notre action en Allemagne », le 19 juillet 1945, p. 5-6.

26 « Décret n° 45-041 du 26 décembre 1945 portant création du Commissariat général aux Affaires allemandes et autrichiennes et réorganisation du Comité interministériel aux Affaires allemandes et autrichiennes », in Journal officiel de la République française, n° 306, 27 décembre 1945, p. 8610.

27 « Décret n° 46-1836 du 20 août 1946 portant rattachement du Commissariat général aux Affaires allemandes et autrichiennes au ministère des Affaires étrangères et réorganisation du Comité interministériel des Affaires allemandes et autrichiennes », in Journal officiel de la République française, n° 196, 23 août 1946, p. 7353-7354.

28 « Décret du 24 novembre 1947 portant nomination des membres du Gouvernement », in Journal officiel de la République française, n° 276, 24 novembre 1947, p. 11630.

29 Lionel Richard, Le nazisme et la culture, Éditions Complexe, 1988, p. 108.

30 La Chambre du Cinéma fut d’abord présidée par Fritz Scheuermann, puis par Oswald Lehnich à partir de 1935, enfin par Carl Froelich à partir de 1939.

31 Fritz Lang (1890-1976) fut immédiatement victime de la censure nazie, puisque Das Testament des Dr. Mabuse, qui devait sortir en 1933, fut interdit. Goebbels lui proposa cependant de travailler pour le nouveau régime (l’épopée des Nibelungen que le réalisateur avait tournée en 1924 suscitait l’admiration des Nazis en raison de son « germanisme »). Fritz Lang quitta l’Allemagne le jour-même. En 1934, il dirigea un film en France, Liliom, avant de gagner Hollywood.

32 Après avoir fait une carrière théâtrale, Max Ophuls (1902-1957) aborda le cinéma à l’avènement du parlant. Il réalisa cinq films en Allemagne, notamment Liebelei – d’après la pièce d’Arthur Schnitzler – en 1933. Contraint à l’exil, il émigra d’abord en France où il s’adapta difficilement. En 1940, le pays se trouvant occupé par les Allemands, Max Ophuls gagna les États-Unis et eut là encore des difficultés à s’imposer. Dans les années cinquante, il retravailla en France où il réalisa La Ronde (1950), Le Plaisir (1952), Madame de… (1953) et Lola Montès (1955).

33 Conrad Veidt (1893-1943) commença sa carrière en jouant dans des films expressionnistes, notamment dans Das Kabinett des Dr. Caligari de Robert Wiene en 1919. Après avoir travaillé à Hollywood de 1926 à 1929, il regagna l’Allemagne où on put le voir dans Der Kongreß tanzt d’E. Charell en 1931 et dans Raspoutine d’A. Trotz en 1932. L’année suivante, il s’exila en Grande-Bretagne avec son épouse juive et obtint la nationalité britannique en 1939. Il s’établit à Hollywood en 1940 et interpréta des rôles de méchants ou de nazis dans plusieurs films, en particulier dans Casablanca de Michael Curtiz (1943).

34 Peter Lorre (1904-1964) était devenu célèbre en 1931, lorsqu’il avait incarné le personnage principal du film de Fritz Lang, M. Après avoir quitté l’Allemagne, il tourna en Grande-Bretagne dans la première version de The Man Who Knew Too Much d’Alfred Hitchcock (1934). Il gagna ensuite Hollywood et apparut dans un certain nombre de productions américaines, notamment dans The Maltese Falcon de John Huston (1941), Casablanca de Michael Curtiz (1943) et Arsenic and Old Lace de Frank Capra (1944).

35 Producteur à la UFA, Erich Pommer (1889-1966) avait découvert Marlene Dietrich et engagé Josef von Sternberg pour réaliser Der blaue Engel, film dont le succès fut considérable. En 1933, il quitta l’Allemagne pour la France, avant de s’établir en Grande-Bretagne. Il y fonda avec Charles Laughton la société Mayflower Pictures Corporation, qui produisit notamment Fire over England de W.K. Howard (1937) et Jamaica Inn d’Alfred Hitchcock (1939). Erich Pommer s’installa ensuite à Hollywood et obtint la nationalité américaine en 1944. Deux ans plus tard, chargé par les Américains de relever le cinéma allemand dans leur zone d’occupation, il encouragea la création de plusieurs sociétés de production.

36 Scénariste à la UFA, Billy Wilder (1906-2002) adapta notamment le roman d’Erich Kästner Emil und die Detektive (film réalisé par Gerhardt Lamprecht en 1931). En 1933, il s’exila en France où il aborda la mise en scène avec Mauvaise Graine, en collaboration avec Alexandre Esway. Il entama ensuite une grande carrière de réalisateur aux États-Unis. On lui doit The Lost Week-End (1945), Sunset Boulevard (1950), Witness for The Prosecution (1958) ou encore Some Like It Hot (1959). Après la guerre, de retour en Allemagne en tant que membre du Gouvernement militaire américain, il supervisa l’élaboration de Die Todesmühlen, un documentaire sur les camps de concentration. En 1948, l’occupation américaine à Berlin lui inspira A Foreign Affair, une comédie interprétée par John Lund, Jean Arthur et Marlene Dietrich.

37 Das Testament des Dr. Mabuse ayant été interdit en Allemagne, la première eut lieu à Vienne le 12 mai 1933.

38 Hans Helmut Prinzler, Chronik des deutschen Films 1895-1994, Verlag J.B. Metzler, Stuttgart, Weimar, 1995, p. 112.

39 Francis Courtade/Pierre Cadars, Le cinéma nazi, Eric Losfeld, 1972, p. 20 ff.

40 Klaus Kreimeier, Une histoire du cinéma allemand : la Ufa, Flammarion, 1994.

41 Francis Courtade/Pierre Cadars, op. cit., p. 28-29.

42 Ibid., p. 35 ff.

43 Sur les 1350 longs métrages produits pendant la période nazie, 1200 sont des films de divertissement et les 150 autres des films de propagande (cf. Ibid.).

44 Unter den Brücken fut tourné en 1944 et autorisé par la censure allemande en mars 1945, mais sa sortie fut ajournée en raison des événements. La première mondiale du film eut finalement lieu à Locarno en septembre 1946 et sa première allemande à Hambourg le 18 mai 1950.

45 Première partie : Fest der Völker (Fête des peuples) ; deuxième partie : Fest der Schönheit (Fête de la beauté).

46 Francis Courtade/Pierre Cadars, op. cit.

47 François Garçon, « Ce curieux âge d’or des cinéastes français », in Jean-Pierre Rioux (éd.), La vie culturelle sous Vichy, Éditions Complexe, 1990, p. 293-313.

48 La Propaganda-Abteilung entretenait des relations conflictuelles avec la Propaganda-Staffel de Paris – créée dès le 28 juin 1940, elle dépendait administrativement de la Propaganda-Abteilung, mais tenta de la supplanter – et l’Ambassade d’Allemagne d’Otto Abetz. Les conflits cessèrent en 1942 : les compétences respectives de la Propaganda-Abteilung et de l’Ambassade d’Allemagne furent délimitées dans un accord conclu en juillet, et la Propaganda-Staffel fut supprimée en novembre.

49 Jean-Pierre Bertin-Maghit, Le cinéma français sous l’Occupation, PUF, 1994, p. 7 ff.

50 Les sept ordonnances prises entre septembre 1940 et avril 1942 concernaient : l’admission des films à la présentation publique (9 septembre 1940) ; l’exploitation des salles de cinéma et la location de films (9 septembre 1940) ; la saisie et la fabrication des négatifs de films (17 octobre 1940) ; la prise de vues, la location et la projection des films dits de format réduit (22 octobre 1940) ; les activités dans le domaine de la cinématographie (28 novembre 1940) ; l’assainissement et la réglementation du marché du film (25 mai 1941) ; l’utilisation des déchets de films, des vieux films et des bandes de pellicule destinées à la destruction (28 avril 1942).

51 Les Autorités allemandes promulguèrent quatorze ordonnances à l’encontre des Juifs entre le 27 septembre 1940 et le 15 septembre 1943.

52 Paul Leglise, Histoire de la politique du cinéma français, tome 2 : Le cinéma entre deux Républiques (1940-1946), Pierre Lherminier Editeur, 1977 p. 41-42.

53 Pierre Billard, L’Age classique du cinéma français – Du cinéma parlant à la Nouvelle Vague, Flammarion, 1995, p. 372-373.

54 Christian-Jaque avait déjà triomphé en 1938 avec Les Disparus de Saint-Agil, autre film adapté d’un roman de Pierre Véry.

55 Jean-Pierre Bertin-Maghit, op. cit., p. 13.

56 Jacques Siclier, La France et de Pétain et son cinéma, Ramsay Poche, 1990, p. 27.

57 Ibid., p. 28.

58 Paul Leglise, op. cit., p. 33.

59 Jacques Siclier, op. cit., p. 31.

60 Pierre Billard, op. cit., p. 366 ff.

61 Jacques Siclier, op. cit., p. 259 ff.

62 François Garçon, op. cit., p. 300 ff.

63 Jacques Siclier, op. cit., p. 42.

64 Dans son ouvrage sur La France de Pétain et son cinéma, Jacques Siclier a classé les trente films produits par la Continental de la façon suivante : onze comédies (Premier rendez-vous, Caprices, La Fausse Maîtresse, Annette et la dame blonde, Mariage d’amour, Le Club des soupirants, Adrien, Ne bougez plus, Simplet, Vingt-cinq ans de bonheur, Défense d’aimer), sept films policiers (L’Assassinat du Père Noël, Le Dernier des six, L’Assassin habite au 21, Picpus, Cécile est morte, Les Caves du Majestic, La Ferme aux loups), cinq études de mœurs (Les Inconnus dans la maison, Le Corbeau, Le Val d’enfer, La Vie de plaisir, Le Dernier Sou), deux films historiques (Mam’zelle Bonaparte, La Symphonie fantastique), deux adaptations de romans du 19ème siècle (Au bonheur des dames, Pierre et Jean), deux mélodrames (Péchés de jeunesse, Mon amour est près de toi) et un film fantastique (La Main du Diable).

65 Albert Préjean avait déjà incarné Maigret dans deux autres films de la Continental : Picpus (1942) et Cécile est morte (1943). Charles Spaak écrivit le scénario des Caves du Majestic à la prison de Fresnes, où il avait été incarcéré par la Gestapo.

66 Jacques Siclier, op. cit., p. 22.

67 Le Corbeau fut interdit à la Libération, ainsi que deux autres productions Continental : Les Inconnus dans la maison d’Henri Decoin et La Vie de plaisir d’Albert Valentin.

68 Jacques Siclier, op. cit., p. 23.

69 Pierre Billard, op. cit., p. 429-430.

70 Dans l’ensemble, l’épuration du milieu cinématographique fut plutôt indulgente, à l’exception de quelques cas isolés. L’un des plus célébres demeure celui d’Henri-Georges Clouzot qui se vit reprocher d’avoir travaillé pour la Continental et surtout d’avoir réalisé Le Corbeau, film qualifié de « tendancieux et antifrançais ». Clouzot ne put reprendre son activité qu’en 1947, année où il réalisa Quai des Orfèvres.

71 Pierre Billard, op. cit., p. 450.

72 Ibid.

73 Le cinéma passa sous la tutelle du ministère de l’Industrie et du Commerce en 1947, puis du ministère de la Culture à partir de 1959.

74 « Décret du 2 janvier 1947 portant nomination du directeur du centre national de la cinématographie », in Journal officiel de la République française, n° 3, 3 janvier 1947, p. 100.

75 Paul Leglise, op. cit., p. 146-147.

76 Ibid., p. 147.

77 La société UGC fut privatisée en 1971.

78 Pierre Billard, op. cit., p. 507-508.

79 L’UGC produisit notamment Monsieur Vincent de Maurice Cloche (1947), La Vie en rose de Jean Faurez (1947), Rendez-vous de juillet de Jacques Becker (1949), Le Journal d’un curé de campagne de Robert Bresson (1950), Edouard et Caroline de Jacques Becker (1950). A partir de 1951, les activités de la société furent freinées par des difficultés financières et par le désintérêt de l’État.

80 Sur Allemagne année zéro, voir Roberto Rossellini, Le cinéma révélé, Collection « Champs Contre-Champs », Flammarion, 1988, p. 42 ff.

81 Cité par Francis Courtade, Les Malédictions du cinéma français, Alain Moreau, 1978, p. 243.

82 Ibid., p. 244.

83 Ibid.

84 Ibid., p. 245.

85 Il faut leur adjoindre Espoir d’André Malraux, tourné en 1938-1939, qui sortit sur les écrans en 1945.

86 En 1946, René Clément aborda à nouveau le thème de la résistance, de façon plus comique cette fois, dans Le Père tranquille, film interprété par Noël-Noël.

87 Maurice Bessy/Raymond Chirat, Histoire du cinéma français – Encyclopédie des films 1940-1950, Éditions Pygmalion, Gérard Watelet, 1994.

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