Deuxième départ du mort

1La semaine dernière j’ai rêvé de grand-papa et de Solange. Sur la mer — une mer qui ressemblait à celle de Pornichet — Grand-Papa et Solange étaient sur l’eau emportés doucement vers le large. Grand-Papa regardait Solange avec son sourire — que je vis tellement bien que j’eus peine à me représenter de suite, au réveil, que de ces deux êtres que je venais de voir ensemble aussi vivants l’un que l’autre — Grand-Papa et Solange — l’un était mort.

2Quelqu’un, me semble-t-il, dit « c’est aussi comme çà avec son grand-père Prendini » ou plutôt c’est peut-être moi qui l’ai dit, mais pour répondre tout aussitôt que ce n’était pas comme çà et que dès qu'elle me voyait Solange se détachait de son grand-père pour aller à moi. Rien de semblable ici ou ils restaient l’un près de l’autre.

3Ce rêve est lié, certainement, à la fin du film « Crin Blanc » lorsque Crin Blanc et le garçon sont emportés vers le large, heureux ensemble.

4Mais il y a autre chose.

5Cette autre chose serait-elle, ainsi que certaines croyances le soutiennent, le deuxième départ du mort qui, pendant un certain temps, reste — pour une part de lui-même — aux environs de la terre avant de s’en détacher complètement. Ce qui m’y fait penser c’est le sourire — d’une sérénité et bienveillance complètes — de grand-papa partant vers le large.

6Que « symboliserait » dans ce cas Solange ? L’innocence, l’attache (ce à quoi je suis le plus attaché) ? Grand-papa au contraire se détachait emmenant avec lui Solange, symbole pour moi des plus fortes attaches.

7J’ai pensé écrire quelque chose (roman) sur ce deuxième départ d’un mort. Ne serait-ce pas un peu un blasphème ?