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1882

p. 107-137


Texte intégral

Janvier

1Dimanche 1er. Malgré le mal de gorge de Mathilde, nous commençons l’année assez heureusement. Il fait un temps charmant. Vanpeteghem vient à 7 h et constate que la gorge est plutôt en voie de guérison. Hier soir nous avons souhaité la nouvelle année à maman Loyer qui nous a donné 1 000 F. Ernest et Pauline m’ont offert la Terre sainte et à Julio un nécessaire géographique, à Tony un établi de menuiserie. Julio, Tony 100 F chacun à maman Loyer. Tony 20 F à son oncle Ernest. Julio, Tony, 100 F chacun à maman Jules. Nous recevons 1 000 F de maman Jules. Dîner chez maman Jules avec les Auguste Scrive, les Boselli, le doyen de St-André, le père Crépy et Adolphe.

2Lundi 2. Les ouvriers sont bien à leur poste, malgré l’absence de Larivière. J’écris à Mme Isaac pour lui donner les renseignements qu’elle me demande sur Charles Delestré qui désire se marier. Soirée chez mon oncle Scrive-Bigo. Séance de prestidigitation donnée par Alberti. L’armoire mystérieuse est tout à fait extraordinaire. Je m’amuse beaucoup à voir le plaisir des enfants. Mathilde va mieux.

3Mardi 3. Les enfants vont en soirée chez Duplay où ils retrouvent le prestidigitateur Alberti. […]

4Jeudi 5. […] Adjudication des 225 000 toiles vareuse pour les colonies à Rochefort. Je soumissionne 78 F mais Mamet enlève l’affaire à 76,50. C’est décourageant pour l’avenir. J’ai fait aujourd’hui la pénitence imposée par le confesseur. Je suis satisfait d’avoir accompli ce devoir (assister à une messe qui n’était pas d’obligation) qui n’était pas gênant. […]

5Samedi 7. J’ai de nouveau la grippe. Je reste chez moi l’après midi et je me couche à 4 h avec la fièvre. Décidément je suis valétudinaire et l’âge critique est arrivé pour moi. L’hiver est aussi doux que possible et malgré cette extrême douceur de la température, j’ai constamment des douleurs. On commence l’inventaire. J’ai fait de très fortes expéditions de toiles fournitures. Je lis les 2 volumes de la Revue des 2 mondes (Maurice de Saxe, Gustave III…) qui m’intéressent beaucoup.

6Dimanche 8. Temps superbe mais je reste encore au lit jusqu’à midi. Dîner chez ma tante Auguste avec les Émile et les Lemoinier, le jeune ménage Toussaint, Gustave, Valérie. […]

7Lundi 9. […] Larivière s’est très sérieusement occupé de l’inventaire pendant la journée d’hier. Je fais le relevé des ventes de l’année : il y a 400 000 F de moins que l’année dernière. Les élections sénatoriales d’hier donnent 45 sièges aux républicains et seulement une douzaine aux royalistes ; mais l’intransigeant Labordère a passé à Paris. Echec pour Gambetta. […]

8Mercredi 11. Papa m’offre 25 000 F si j’en ai besoin pour mes affaires. Un arrêté du maire fixe le nom de la rue qui va de la rue Deschodt au boulevard Bigo-Danel, on l’appelle rue Henri-Loyer en souvenir de papa Loyer, adjoint au maire de Wazemmes et membre de la Chambre de Commerce de Lille.

9Samedi 14. Incendie chez Poullier-Lemahieu, quai Vauban.

10Dimanche 15. Arrivée de Degouy. Bonne dépêche de Bonfils annonçant que les no 4 refusés pour excès de poids sont reçus et que le marché pantalons blancs est prorogé au prix de 1,07. Dîner chez maman Loyer avec les Houzé, Victor Dujardin, madame de La Couture, M. et Mme Victor Lemoine de Calais. Je m’amuse bien. […]

11Lundi 16. Degouy demande qu’on lui fasse encore 600 pièces de toile jaune. […]

12Mardi 17. Clôture de l’inventaire. Il est passable. […] Maman Loyer nous fait cadeau d’un superbe tapis d’escalier, valant 3 ou 400 francs. […]

13Jeudi 19. Après avoir souffert horriblement toute la nuit sans avoir fermé l’œil, je vais chez Rédier qui m’enlève la dent malade. Je suis soulagé instantanément. Je vais voir papa Jules qui décline visiblement. Il ne peut plus marcher, ce qui le rend tout à fait triste. […] Dîner chez moi, 24 personnes. Les Auguste Scrive, Boselli, Émile Scrive, Scrive-Bigo, Caroline Barrois, les Crépy, Louise, Victor, les Delemer, Mme Gonnet, Pauline et Ernest. On s’amuse beaucoup et on trouve que le dîner est très réussi.

14Vendredi 20. […] Le dictateur Gambetta voit 32 commissaires sur 33 opposés à son scrutin de liste et aux réformes qu’il juge indispensables. Sa chute est imminente. Il serait remplacé par Freycinet et Léon Say. […] Paul Crépy président de la Société de Géographie me demande la musique de Marquette pour la distribution des prix de la Société de Géographie. Je vais m’entendre avec lui. Séance remarquable à la Chambre de Commerce. Je touche mes 10 jetons de présence qui sont très beaux. Le Gavrian donne communication de son rapport sur la gare nouvelle et il faut reconnaître qu’il est très bien fait. Dîner chez Georges Scrive avec M. de Salelles, P. Delemer, maman Loyer, madame Lisnard, M. et Mme Mertian. On joue la partition d’Hérodiade129 et un quatuor composé par M. de Salelles […]

15Dimanche 22. Je vais voir Trémel130, le « dernier des troubadours » pour l’inviter ainsi que sa femme à venir demain chez moi, jouer de la guitare et chanter. Je lui donnerai 50 F. […] Séance intéressante à la Société industrielle. Conférence de M. Geraldy, ingénieur des Ponts et Chaussées, sur la lumière électrique. Sujet tout à fait de circonstance.

16Lundi 23. […] J’avais invité pour le soir les Allègre et les Rollez avec les Duplay, Fernand et Albert Danchin, Ernest et Pauline. On joue des charades jusqu’à l’arrivée de Trémel, le dernier des troubadours que j’avais retenu la veille. On paraît s’amuser beaucoup et il y a beaucoup d’entrain. On parle des sinistres financiers occasionnés par la baisse effroyable de la bourse. Un agent de change, Lemaire, a disparu.

17Mercredi 25. […] À dîner j’ai Pierre Decroix et Gabrielle. Ils sont très gentils. On cause des déplacements de fortune qui ont été la conséquence de la baisse.

18Jeudi 26. Temps superbe dont je profite pour revenir à pied de Marquette jusqu’à Wazemmes, puis pour aller à Lille également de pied. Le soir je vais à la conférence de Géographie de M. Guillot. Il parle des explorations de Soleillet131 dans le Sénégal et le Niger, de St-Louis du Sénégal à Médine, Bafoulabé, Kita (ce point est celui le plus extrême de notre conquête. Borgnis-Desbordes132 y a construit un fort). […]

19Samedi 28. […] Chute du cabinet Gambetta sur le vote par scrutin de liste. La bourse reste très lourde.

20Dimanche 29. Départ pour Paris après la séance de la Société de Géographie où la musique de Marquette s’est fait entendre. […]

Février

21Mercredi 1er. Je suis rentré de Paris hier soir après un séjour charmant malgré les ennuis des affaires. En somme, je suis bien aise d’avoir une position aussi splendide quand de tous côtés, on ne parle que de ruines et de pertes. Les agents de change de Paris et de Lyon sont ruinés par la débâcle de l’Union Générale et de Suez. C’est pour centaines de millions que l’on a perdus à la bourse dans ces derniers jours. […]

22Vendredi 3. Je vais voir avec Mathilde la pièce de Dumas fils, l’Etrangère, que l’on joue au théâtre avec en lever de rideau : Toto chez Tata133. Peu de monde mais nous nous amusons bien. Froid très vif. Lévesque annonce l’admission de 140 pièces toile aux Hôpitaux. Il dit que Pouchain a beaucoup de tentes refusées […].

23Samedi 4. […] Froid assez vif. Je me suis assez enrhumé pour ne pas désirer sortir l’après-midi et pour rester à Wazemmes […] Je lis la Revue des 2 mondes et surtout la Vie de Mme Récamier et de JJ. Ampère par Mme Lenormant nièce de Mme Récamier.

24Dimanche 5. […] Je suis trop enrhumé pour aller chez madame Gonnet qui nous avait invités à dîner. Mathilde seule y va et s’amuse.

25Lundi 6. Soirée chez Faucheur-Deledicque. Bonne musique et jolie réunion. Madame Allart-Leroy joue parfaitement et M. Honoré, oncle de Mme Faucheur, chante avec beaucoup de goût. Mlle Boulanger et son père ont aussi beaucoup de succès. Je cause avec Ed. Agache, Édd Descamps… […]

26Jeudi 9. Je vais à Marquette à pied. Danset vient causer de tissage. Il a ses métiers Atherton qui marchent parfaitement bien pour les toiles fines puisqu’ils produisent 104m de toile à 28 duites134 en 3 jours ce qui fait 92 400 duites par jour. Or le métier battant à 160 coups, cela fait par jour 60 x 12 x 160 = 115 200 coups. La freinte n’est que 115 200 – 92 000 ou 23 000 duites, environ 18 %. Ce rendement est très bon, mais il diminue beaucoup si les chaînes ne sont pas très bonnes. […]

27Vendredi 10. Agache a payé à M. Garnier 2 postes téléphoniques Ader 655.80. La pose d’un fil aérien 250 F par kilom. avec poteaux ; 125 F pour une ligne supportant déjà des conducteurs ; 12 F l’entretien par an par km pour une ligne servant à d’autres ; 50 F droit de poste par an (25 F par téléphone)

28Samedi 11. Temps admirable. On se croirait au printemps. J’arrive à Marquette en même temps que Derache et je suis furieux de voir que pendant une ½ heure il est tout seul dans le bureau de Larivière avec les livres de fabrication tout grands ouverts sous les yeux. Je décide que nous ferons un bureau spécial de réception.

29Dimanche 12. Lettre de Lévesque avec ses regrets sur l’échec de jeudi à Brest […]. Nous avons raté notre affaire pour quelques centimes. Dîner chez ma tante Henri avec les Auguste Scrive et les V. Dujardin. Georges dit qu’il ira en Russie pour le mois de mai, époque du couronnement du Czar [sic]. J’ai bien envie d’y aller avec lui.

30Lundi 13. Soirée chez Édouard Descamps avec Alberti l’escamoteur. Je cause avec Herlin, Rose, Henri Barrois, Debuchy… Je ne m’ennuie pas, la maison est bien distribuée et fait honneur à l’architecte Newnham. […]

31Mercredi 15. Mauvaise lettre de Duval. Quand serai-je débarrassé de tous ces ennuis d’affaires ? […]

32Jeudi 16. […] Dîner chez P. Decroix avec Albert Plaideau. Nous nous amusons beaucoup. Les enfants sont ravissants.

33Samedi 18. […] Bal chez Wallaert (Auguste). Très belle réunion où nous nous amusons. On parle des mariages d’A. Fauchille avec Mlle Wallaert, du jeune Wallaert avec Mlle Masquelier.

34Dimanche 19. Temps ravissant. Je vais chez Agache voir le téléphone avec Larivière. Nous allons à la messe avec les enfants à Wazemmes puis nous allons voir les masques. […] Dîner chez maman Jules avec les Guichard, les Émile, les Auguste, Roussel, Albert, Marie et Jeanne Paulis, les Dujardin, les Crépy…

35Lundi 20. Arrivée des Dislère qui passent la journée avec nous. […] Bal chez les Paul LeBlan très animé. Je cause avec beaucoup de dames mais je constate avec une stupeur facile à concevoir que mes danseuses de jeunesse sont aujourd’hui des mères de famille conduisant leurs filles dans le monde pour leur trouver des maris tandis que je n’ai que des enfants bien jeunes.

36Mardi 21. Lettre insolente de Lévesque parce que je n’accepte pas son règlement de partage de toiles à voiles. Affluence extrême dans les rues de Lille et nombreux masques. Dîner chez maman Loyer avec les Descamps-Groulois, Bonte-Descamps, Scrive-Bigo, Houzé père et fils, Dujardin, Souriaux le colonel et sa femme […].

37Jeudi 23. Lettre insolente de Lévesque au sujet de la répartition des hamacs et des voiles. On annonce le départ de M. Cambon préfet du Nord qui vient d’être nommé ministre plénipotentiaire à Tunis. Il était à Lille depuis 5 ans mais son administration ayant présidé à l’exécution des décrets du 27 mars135 contre les religieux, il était dans une sorte de quarantaine […].

38Vendredi 24. […] Chambre de commerce. Les discussions à la tribune de la Chambre relatives au traité de commerce avec l’Angleterre font l’objet d’un discours de LeBlan. […]

39Dimanche 26. Visites chez P. LeBlan, chez E. Descamps, chez papa Jules à qui nous annonçons notre départ pour Bruxelles pour demain. […]

40Lundi 27. Départ pour Bruxelles à 1 h 55. Nous trouvons dans le wagon M. et Mme Cottignies (ancien commissaire priseur à Lille). Nous allons chez Bossut puis au Grand Hôtel où nous dînons. Hérodiade au théâtre de La Monnaie, très belle représentation et musique excessivement mélodieuse mais manquant peut-être de variété. En fait de Lillois, nous y retrouvons les Cottignies et la famille Baudet qui sont comme nous fort satisfaits de cette nouvelle pièce dont la mise en scène est très réussie.

41Mardi 28. Fatigués de notre journée d’hier, nous ne faisons pas aujourd’hui tout ce que nous aurions désiré faire. Cependant nous visitons à pied 4 ou 5 marchands de bric-à-brac et nous allons déjeuner aux « Frères Provençaux » rue Royale. C’est un restaurant fort cher. Nous y trouvons Ferdinand et Alphonse Humbert (de Lille) avec leur beau-frère Alph. Pauris. Le temps est assez maussade. Nous faisons visite aux Bossut, puis à Mme Guichard où nous avons le plaisir de rencontrer la charmante Mme Jacobs-Bernard, femme du ministre (catholique) de la Justice, bien qu’il soit très jeune. Elle vient d’avoir son 4e enfant il y a quelques semaines à peine. Nous allons au Musée des tableaux de 3 h à 4 h puis nous faisons visite à Mme Delehaye et nous rentrons à l’hôtel pour nous reposer car nous sommes vraiment très fatigués. À 6 h nous allons dîner au Café Riche où nous retrouvons les Humbert et Pauris, puis nous terminons notre soirée aux Galeries St Hubert où l’on joue Boccace136 et où nous retrouvons les mêmes compatriotes.

Mars

42Mercredi 1er. Pluie qui nous pénètre malgré les précautions que nous prenons. Nous faisons nos malles et nous décidons de partir à 5 h 20 pour rentrer à Lille à 7 h 55. Visite à l’hôtel de ville qui est fort beau. Les salons sont superbement restaurés dans l’ancien style gothique flamand, puis nous allons à l’exposition des tableaux dans le nouveau palais des Beaux Arts. Une voiture nous conduit dans la rue des Harengs où se trouvent les restaurants flamands que nous préférons aux français où l’on est écorché sans être nourri suffisamment. Après déjeuner nous allons à la Porte de Hal. Musée très intéressant comme celui de Cluny à Paris et qui se complète tous les jours ; puis nous nous faisons conduire au bois de la Cambre137 et qui mérite d’être visité. Nous terminons par les serres du jardin botanique et nous prenons le train à 5 h 20.

43Jeudi 2. […] Conférence intéressante sur les populations de l’Algérie : Berbères, Kabyles (populations indigènes) Arabes (les conquérants) qu’ils appellent erranis avec les Mzabites et les Biskris qui viennent du sud de l’Algérie, Maures qui viennent d’Espagne, 300 000 Juifs – Français 150 000 – Espagnols 92 000 – Italiens 250 000 (ces derniers deviennent de plus en plus nombreux) et enfin des Allemands.

44Vendredi 3. J’achète des fils en prévision de l’affaire des sacs de couchage et des paillasses. […]

45Samedi 4. J’achète chez madame Carlier 6 chaises Rubens à 25 F toutes garnies (150 F). Je souscris pour le banquet d’adieux à offrir à M. Cambon préfet du Nord qui est nommé ministre en Tunisie.

46Dimanche 5. Je vais avec les enfants à la messe de 9 h à St-Maurice, puis chez M. Alex. Hette-Vermont pour examiner sa belle collection de monnaies anciennes. Julio s’intéresse beaucoup à cette étude. Puis nous allons chez maman Jules. Dîner chez maman Loyer avec les enfants. Toute l’après-midi se passe à la maison. Lecture. Souper chez bonne maman qui fait de la musique avec Mathilde. Le préfet du Nord, M. Cambon vient me faire visite.

47Lundi 6. Visite à l’établissement de Roland à Marcq. Teinture en noir. Arrêté depuis 2 ans. J’y vois de belles machines pour la teinture mais rien à acheter. Je paie à Bellet 70 F pour le cadre ovale de la tête de Christ en tapisserie, 30 F pour la plaque en cuivre repoussé que j’envoie à Paris pour la faire redorer.

48Mardi 7. […] Je vais visiter en partie l’usine Dheere et Fremaux à La Madeleine (94 métiers), presse hydraulique d’Hespel-Béaghe. Étude de réfrigérant à placer au dessus des bacs qui sont sur le bâtiment de pliage. Je reste à Wazemmes l’après-midi. Banquet aux sapeurs pompiers à 7 h offert par les industriels à M. Cambon. 200 personnes y assistent. Testelin préside. Géry Legrand maire de Lille, les 2 Cambon, M. É. Delesalle président de la Chambre de Commerce, Telliez président de la Société d’Agriculture du Nord. Je suis entre M. Labbe président du tribunal de commerce et Ed. Faucheur.

49Mercredi 8. […] Je vais voir Tournier, secrétaire de la Chambre de Commerce pour savoir si les renseignements relatifs au tarif des confections de l’abbaye de Loos est arrivé [sic]. Nous causons du banquet d’hier.

50Jeudi 9. […] Cours de Guillot sur le chemin de fer du Sahara. Expédition Soleillet, Duponchel138, Flatters139. Détails sur le massacre de Flatters et de ses compagnons par les Touaregs.

51Samedi 11. […] Grand concert donné à l’Hippodrome en faveur des Écoles catholiques. Mme Georges Scrive est à la tête de cette œuvre. On a entendu Hasselmans140 harpiste, Mlle Bertha Baldi chanteuse, M. de Zarensky pianiste et les Orphéonistes Lillois. Le chœur original de Malbrouck a été bissé. En somme très jolie soirée fructueuse pour les pauvres écoles. […]

52Dimanche 12. Temps charmant. Visite du nouveau préfet du Nord. Messe à St-Maurice. […] Larivière qui a passé une heure au tissage Lefebvre, vient chercher les enfants pour les conduire à Marquette. Je vais à la conférence de M. Henry sur la répartition des langues sur la terre. Je m’amuse infiniment à l’audition de tout ce que nous dit ce jeune savant. […]

53Lundi 13. Je porte à Tournier le rapport sur les prix de façons à l’abbaye de Loos pour la Chambre de Commerce. Il me parle de sa discussion avec Schoutteten au sujet de l’article du Propagateur qui blâmait la Chambre de Commerce d’avoir offert un banquet au préfet. […]

54Jeudi 16. Très agréable journée à Marquette avec Mathilde et les enfants qui ont été tondus hier comme de petits conscrits. Je vais au Salon où je rencontre Boselli et M. Le Roy, le président du tribunal civil. […] Après dîner, je vais avec Victor fils au cours de géographie : la Tunisie et le pays des Kroumirs141, le Mogod142 et les mœurs de ces peuples. […]

55Dimanche 19. Charmante journée de fête. Je vais à la messe à St-Maurice où je rencontre Gustave, ma tante Scrive-Bigo et Émile père. Il me demande si je lui conseille de faire pour 10 000 F de lins avec les Danset. On lui a dit que je commanditais Danset. Je vais chez Crépy (Paul) voir les préparatifs de la fête et demande qu’on nous réserve une chambre pour changer de costumes après notre entrée en ours du pôle nord. Il m’annonce le mariage d’Adolphe Crépy avec Caroline Bommart. […] Le cirque d’Angers avec ses 150 chevaux, ses chars, ses éléphants et ses chameaux fait une cavalcade superbe dans la ville de Lille. Les enfants sont charmés. Je les conduis ensuite à Marquette où j’ai à causer avec Larivière. Nous revenons non sans peine jusqu’à Wazemmes à cause des nombreux badauds qui encombrent les rues, les places. Neuf heures, nous partons pour la fête Crépy. Mathilde en esquimaude et moi en ours blanc. Succès. Je prends la tête du cortège qui est charmant, sans qu’il y ait pourtant de costumes bien particulièrement spirituels. Je rentre en reporter du journal Affiches et Annonces. Habit couvert d’yeux (coutil), boîte du journal avec des têtes de canards, pantalon collant (de cheval) jaune avec des têtes de canards sortant des poches. Je me suis fait la tête de Franciosi, rédacteur du journal de Danel – chapeau avec voile couvert d’yeux, grande paire d’oreilles, cocarde : encrier et plume d’oie. Je crois que Danel avait peur que je fisse un boniment satirique sur son journal si insignifiant. Il me fuyait et n’osait rien me dire. Mathilde était en sauvage, c’est à dire en costume de Robinson. Noce de village : Decroix en maire, Parenty en fille de ferme, un officier de chasseur en paysan, un autre officier en garde champêtre… C’était très drôle. Alfred Descamps en triboulet puis 2 dominos très amusants : Caulier et Maurice Bernard… En somme soirée très réussie.

56Lundi 20. Dîner chez G. St-Léger avec les Paul LeBlan, leurs 2 enfants, Hartung, les Duplay, Maurice Descamps, Delesalle-Poullier, Dejardin-Verkinder, Léonie Mariage, Mme Saint-Léger la maman, Émile LeBlan-Mariage et M. Hirsch, ingénieur du chemin de fer du Nord que l’on voudrait marier à Léonie Mariage, mais nous ne pensons pas que cela puisse aller comme sur des roulettes. On parle du mariage Crépy, de la grave maladie d’Adrien Bonte, de la fête d’hier chez P. Crépy. […]

57Mercredi 22. Séance de la Commission des Douanes : É. Delesalle, A. Delesalle, Schoutteten, Agache, LeBlan et moi. On lit 2 lettres (A. Delesalle – LeBlan) en réponse à celle de la Chambre de Commerce de Londres. Celle de LeBlan est adoptée de préférence à celle de Delesalle. On désigne LeBlan pour aller à la réunion de Paris du Grand Hôtel, pour protester contre les Anglais et soutenir le ministre du Commerce. […]

58Jeudi 23. Je conduis Lévesque à Marquette et à Marcq. Il dit à Danset que les toiles à tentes sont très mauvaises et qu’il ne peut les livrer, tandis que les miennes sont excellentes. Il trouve que Marquette est en excellent état et que l’organisation de mon usine est excellente. Je l’engage à ne pas monter de métiers et à rester dans son rôle de commissionnaire mais je suis prêt à l’autoriser à dire qu’il a 50 métiers dans mon tissage, afin d’obtenir la patente de fabrication pour prendre part aux adjudications. Il me remercie de cette idée qu’il trouve très pratique. […]

59Vendredi 24. Dîner avec Pierre Decroix et sa femme qui sont très gentils. […] Henri Desmarescaux demande qu’on bâtisse une petite ferme près du moulin et qu’on lui donne 17 à 18 hectares de terre de la Commanderie. […]

60Samedi 25. Lettre Lévesque qui ne veut pas que nous soyons unis par un lien de « vasselage ». C’est fichtre bien mon avis, car je tiens autant que lui à ma liberté pleine et entière.

61Dimanche 26. Tempête. Mathilde toujours souffrante et je me trouve aussi fort enrhumé. Je vais cependant au convoi de M. Bonte, mais il fait un ouragan si violent que l’on a de la peine à résister. Depuis le fameux ouragan du 13 mars 1879, il n’y a pas eu un temps aussi mauvais. Je vais avec Agache, Labbe, Brunet et autres collègues de la Chambre de commerce. Discours de MM. Crespel, Mathias, J. Decroix au nom du Crédit du Nord, de la Société industrielle et de la Chambre de Commerce. Dîner chez maman Jules avec les Houzé, Gonnet, Scrive-Bigo, Crépy, André Scrive, E. Loyer…

Préfecture du Nord

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Centre du pouvoir de l’État en province, la Préfecture de la place de la République offre au Préfet un cadre solennel. Construite en style néo-renaissance sur les plans de l’architecte Charles Marteau, elle a été achevée en 1875. Jules Émile Scrive la fréquente souvent, que ce soit pour ses affaires ou pour assister aux réceptions officielles.

62Lundi 27. Auguste Houzé m’apporte le Journal Officiel qui donne le discours de M. des Rotours du samedi 25 courant, dans lequel il cite ma déposition à l’enquête de 1870 dans les termes les plus flatteurs. Il rappelle que papa Scrive a introduit la filature du lin en France avec M. Feray. J’écris à M. des Rotours pour le remercier. […] J’écris à Lecomte pour des obligations Gaz parisien pour le compte de papa Jules. Maman engage ce cher père à nous donner 50 000 francs à chacun pour sa fête mais je ne crois pas qu’il se décide à une générosité aussi grande.

63Mercredi 29. […] Je lis au Cercle les Mémoires de madame de Rémusat qui m’intéressent beaucoup.

64Jeudi 30. […] Je reçois les volumes du libraire de Gand : Ethnographie des peuples de l’Europe143. Grand dîner à la Préfecture, 140 personnes environ. Le préfet est gracieux pour moi. Je cause avec Madame des armes de Lille (iris d’argent sur champ de gueules) et de différents sujets d’histoire locale. À table, je suis près de Viollette, doyen de la faculté des Sciences et de M. Berthot, ingénieur des télégraphes.

Avril

65Dimanche 2. […] Séance à la Société de géographie. Conférence de M. Bertrand sur la répartition des végétaux à la surface de la terre. C’est un orateur remarquable et intéressant. Dîner chez mon oncle Auguste avec les Georges et les Hartung. […]

66Mardi 4. Dislère m’envoie une lettre affectueuse dans laquelle il parle du nouveau préfet. Il a la grande amabilité de prétendre que je dois être décoré cette année.

67Mercredi 5. […] Larivière et sa famille partent à 6 h 40 ce matin pour Paris. Vacance de 10 jours. Le directeur du télégraphe m’envoie le contrat à signer pour établir un téléphone entre Marquette et Lille. J’écris à Larivière pour l’informer que Toulon demande 30 000 m de drap de lit de soldats et l’engager à voir quelques clients à Paris. Je remets à Ernest Loyer un projet d’ensemble sur les modifications à apporter à la filature de coton : machines, chaudières…

68Jeudi 6. Nous communions à 7 h à Wazemmes. Ernest et Pauline viennent ensuite déjeuner avec nous. Julio a aujourd’hui 10 ans. Que Dieu protège ce pauvre oiseau et lui donne la santé et la force physique dont il a tant besoin ! […]

69Samedi 8. Inauguration à 3 h de l’exposition des Arts industriels144 : très jolie fête favorisée par un temps admirable. Beaux produits de Casse et des Agache. Alfred Crépy achète pour 148 000 F. le domaine de Rupilly145 qui appartenait aux Le Boucq. […]

70Dimanche 9. […] Temps superbe. Grand messe à Wazemmes avec les petits puis je les conduis à l’exposition où ils s’amusent beaucoup. De là nous allons sur l’Esplanade entendre la musique et chez papa Jules. Dîner chez Houzé : 30e anniversaire de son mariage. Je lui porte un toast qui fait plaisir. J’y rencontre le doyen de Ste-Catherine, l’abbé Duriez, qui a été vicaire il y a 33 ans à St-Étienne, et qui m’a fait faire ma communion. Soirée charmante avec Mathilde.

71Lundi 10. Enterrement de madame Wallaert-Crépy, monde considérable. […] Départ de Pauline pour Fontainebleau pendant qu’Ernest va prendre le commandement de sa compagnie à Aire-sur-la-Lys pour son service de 13 jours. Soirée charmante avec Mathilde.

72Mardi 11. Charmante fête d’enfants à Wazemmes : Pierre Edmond Decroix, Robert Decroix, Marcel Sauvaige, Édouard Scrive, Albert Scrive, Marcel, Raymond Scrive et nos 2 gamins. Jolies comédies jouées par Julio et Tony : Crapotin Guibollard et ensuite la St Gobineau. Ils sont très gentils. Comme parents, j’ai à dîner Ernest Plaideau, Pierre Decroix, sa femme et maman Loyer. […]

73Mercredi 12. Papa Jules m’annonce qu’il nous donne 50 000 F. à chacun pour sa fête. C’est un cadeau superbe que nous fait ce bon père. Que Dieu a été bon pour nous de nous avoir donné des parents aussi complètement excellents. […]

74Jeudi 13. Mathilde vient à Marquette avec moi. Nous souhaitons la fête à papa Jules qui nous offre le bon de 50 000 francs pour chacun de nous. Ce bon père est fort ému. Les enfants rejouent leur petit chœur des vendanges avec paroles appropriées à la fête de bon papa. […]

75Samedi 15. Arrivée à 1 h ½ du général en chef du corps d’armée Lallemand. Je vais avec la Chambre de commerce au Quartier général pour lui présenter mes hommages. Nous n’étions que quatre : É. Delesalle le président, MM Labbe, Derode et moi. Il y avait 4 membres du tribunal de commerce et une foule de notabilités administratives et d’officiers. […]

76Dimanche 16. […] Promenade avec les enfants à l’exposition des Arts industriels. Musique sur l’Esplanade. […]

77Lundi 17. […] Adjudication aux hôpitaux. 2 dépêches de Larivière, l’une qui annonce qu’il ne reviendra peut-être pas ce soir à cause de la lenteur de l’adjudication. L’autre qui arrive à 8 h ½ annonce que nous avons 2 lots de draps et de matelas à 91 F. et 98 F.

78Mardi 18. Vanpeteghem vient voir Mathilde. Il trouve que ses urines sont fort chargées d’acide urique.

79Jeudi 20. […] Visite à madame la préfète. Concert à la salle du conservatoire de madame Wanda de Bogdani. […] Très beau concert bien que peu de monde en dehors de la société qui s’occupe spécialement de musique. […]

80Vendredi 21. Lettre de Duval demandant les prix pour le ministre, des sacs de couchage. […] Séance de la Chambre de Commerce. LeBlan, Agache, Vial quittent pour assister à une réunion relative à la grève des peigneurs de lin que l’on organise pour le mois prochain.

81Samedi 22. Communication très importante de Lévesque, adjudication de près de 17 000 pièces de toile pour le 22 mai. Cela va faire sauter les fils. […] Je m’occupe du projet d’agrandissement de la filature de coton et de la machine à vapeur. Avec les enfants, nous allons voir Michel Strogoff au théâtre. Ils s’amusent beaucoup. La salle est peu remplie mais le spectacle est fort intéressant.

82Lundi 24. […] Vente assez remarquable au bureau de ventes d’objets d’antiquité et de céramique. J’y passe l’après-dîner. Les enfants vont avec maman Loyer au patronage de l’abbé Mille où l’on joue Le courrier de Lyon. Nous passons la soirée très agréablement. L’oncle Auguste Houzé apporte le plan d’agrandissement de la filature qu’il a mis à l’échelle. Mariage de Constant Vandersluys avec la fille de l’épicier d’en face (bureau de Lille). Je crains qu’ils n’aient pas le sentiment de leur situation et qu’ils veuillent en faire plus qu’ils ne peuvent.

83Mardi 25. Installation à Marquette. […] J’assiste à la vente des bibelots au bureau de ventes. Je n’achète que des niaiseries (bois sculptés pour imagerie enfantine). […]

84Mercredi 26. Temps affreux. Je reste toute la journée à Marquette où je m’occupe de remettre tout sur un bon pied. Impossible de travailler à la cheminée ou au réfrigérant. Mme de Bogdani vient donner une leçon de chant à Mathilde. Grand talent très original. […]

85Jeudi 27. Dîner à Menin chez Ernest Plaideau avec les Alb. Crespel, Gaston Sauvaige, Boyer-Chammard, E. Loyer, Alb. Plaideau, Delarue, Sauvaige, Droulers, Plaideau.

86Samedi 29. […] Dîner à 1 h chez maman Jules puis je vais chez M. Labbe et chezTournier secrétaire de la Chambre de commerce pour leur communiquer la lettre que j’ai reçue de Dislère pour le conseil des prud’hommes de Lille. […]

87Dimanche 30. Nous allons à la messe à Lille avec les enfants, puis nous rentrons dîner à Marquette avec maman Loyer, papa et maman Jules. Les enfants sont gentils et je suis bien heureux de les voir appréciés par leurs grands parents. Maman Jules me communique les projets de mariage entre Valentine et Raymond Bommart. J’en suis très heureux car ce jeune homme me paraît charmant sous tous les rapports.

Mai

88Mercredi 3. Hier mariage d’Adolphe Crépy et de Caroline Bommart à Ste-Catherine. À cause de la mort de madame Wallaert, il y avait fort peu de monde. Surtout les dames manquaient de toilettes. J’y vais avec Druez, ex président du conseil des prud’hommes à qui je demande des renseignements sur ce qui s’est passé. Il m’explique que les prud’hommes fonctionnaient bien jusqu’au moment où le député de Lyon, M. Millaud, a fait voter une nouvelle loi par laquelle les présidents étaient choisis alternativement parmi les patrons et parmi les ouvriers. Il y a eu protestation unanime, générale. Les patrons ont remis 3 fois leur démission et ont été réélus 3 fois. Actuellement, c’est le secrétaire qui règle les affaires, en ce qui concerne les ouvriers des industries textiles et la Chambre syndicale des entrepreneurs de bâtiments qui règle les différents entre les ouvriers et les patrons entrepreneurs (Laurenge et Rouzé sont les principaux entrepreneurs). Il y a 8 ouvriers prud’hommes et 8 patrons. Les ouvriers touchent 300 F. par an, c’est pour en augmenter le nombre et pour multiplier le nombre des partisans de la république que l’on veut augmenter le nombre des sections du Conseil (3 sections au lieu d’une comme le demande le nouveau projet venant du Conseil municipal). Druez est d’avis de 2 conseils distincts : l’un pour le bâtiment et l’autre pour tout ce qui n’est pas le bâtiment. Il prétend que le bâtiment donne plus d’affaires aux prud’hommes que le reste de l’industrie toute entière. J’aurai la statistique des affaires plaidées l’année dernière. Les cabaretiers, dans un but de s’attirer la clientèle ouvrière, se font nommer prud’hommes et promettent aux ouvriers de leur faire gagner leurs procès contre leurs patrons. Ce sont des hommes illettrés et incapables de présider, car c’est le président qui dirige les débats et il faut avoir une certaine instruction pour s’en tirer convenablement. Un seul, nommé Lecreux, ouvrier typographe, pourrait présider, mais les autres sont des incapables.

89Vendredi 5. Nous avons dîné mercredi chez papa Jules avec les Auguste Scrive. Je crois qu’ils ne resteront pas à Lille, mais qu’ils habiteront Paris où Boselli les attire. C’est fâcheux que les belles fortunes gagnées à Lille aillent se perdre à Paris. […] Soirée de musique chez M. De Bure pour Mme de Bogdani dont le vrai nom est Vandermere. Son nom de fille : de Kleczkowska (polonaise). Il y avait maman Loyer, Ernest et Pauline, les de La Couture, de Margerie, Trolley de Prévaux, Muel, Georges et Nelly, de Jessaint, Desplats, un officier M. de Boulémont et en tout 30 personnes. […]

90Dimanche 7. Lévesque demande si nous voulons soumissionner 2 lots de sacs à l’adjudication de demain. J’accepte. Il annonce que Becquart, fabricant à Armentières, demande qu’il le représente à Paris. Je vais dîner avec Mathilde chez papa Jules avec les Scrive-Bigo, les Crépy, les Dujardin et Declercq-Gardel. […]

91Lundi 8. Lettre Lévesque avec détails sur l’affaire ratée de ce jour. Mauvais prix pour les sacs subsistance. C’est incroyable de travailler dans des conditions aussi stupides que ce Richer qui enleva 9 lots de sacs. […]

92Mardi 9. […] Émilie s’est plainte de ce que j’avais su les projets de mariage avec Raymond Bommart. Je porte les invitations pour dimanche. Au retour, je trouve la fabrique arrêtée à cause d’un joint au couvercle du grand cylindre qui laisse échapper de la vapeur. On le change mais la fuite existe encore. On se décide à faire la même opération au caoutchouc du petit cylindre. Cette fois on réussit mais toute la journée a été perdue.

93Vendredi 12. […] Après dîner, je vais à la Chambre de Commerce où nous sommes peu nombreux mais Decroix nous amuse en racontant les absurdités du ministre des Postes et Télégraphes, comme Delesalle en nous lisant la correspondance du Garde des Sceaux, ministre de la Justice. […]

94Dimanche 14. Fête de Marquette, festival et ducasse du hameau du Pont. Je reçois à dîner la famille Scrive, c’est à dire les Émile, les Scrive-Bigo, les Dujardin et ma tante Henri, les Roussel. On a l’air de se trouver heureux d’être réunis. Les Larivière viennent passer la soirée. Naturellement l’oncle Émile est toujours fort rustique mais en somme, il ne nous ennuie pas trop.

95Lundi 15. […] Le tissage marche assez convenablement malgré la fête d’hier. On arrête à midi. Dépêche de Vauthier disant de ne pas monter les toiles blanches qu’il avait demandées. De tous côtés ce sont des contre-ordres. […]

96Mardi 16. Hier on a fait une observation à Édouard Boucly qui est depuis 37 ans à Marquette parce qu’il dérangeait des ouvriers à leur métier. Il demande son livret, très froissé de ce qu’on lui fasse des observations !

97Jeudi 18. Messe à St-Maurice où je rencontre Gaston, l’oncle Émile, Gustave, Albert. Départ à une heure 15 pour Paris : les Gustave Barrois, madame Ch. Mille. […]

98Vendredi 19. Visite chez Lévesque qui me reçoit parfaitement. L’adjudication n’aura pas lieu le 22. Elle est remise pour une date plus éloignée. L’Exposition nous occupe toute l’après-midi. Vers 4 h nous partons pour le Bois de Boulogne en landau découvert, mais maman Loyer a froid et a une fausse indigestion. Nous allons dîner chez Maire et de là, à la Renaissance où l’on joue Madame le Diable146. Nous y rencontrons les Poupon et les Gaillard mais la pièce est fort bête.

99Samedi 20. […] Déjeuner avec Gaillard et Victor fils. Nous allons ensuite au panorama de la bataille de Champigny où nous rencontrons Lévesque et sa fille ; puis nous allons chez Petit, marchand de tableaux, voir une superbe exposition de peintres français et étrangers. Visite à l’exposition des œuvres de Courbet aux Beaux Arts ; visite à la Chalcographie du Louvre où nous voyons de très jolies gravures à des prix très bas. Dîner au Grand Hôtel ; Opéra Comique, les Noces de Figaro […]. C’est superbe.

100Dimanche 21. […] Déjeuner chez Storez, 25 rue Matignon avec 2 jeunes gens : Alex., très bon musicien, et Jules Sarrazin de Calais, plus Victor Dujardin. Réception charmante, jolie installation. Après le déjeuner, nous voyons Alphonse Isaac qui vient avec M. et Mme Thierry Delanoue, cousins des Storez. Orage violent pendant le déjeuner. […] Nous essayons d’aller à l’Exposition des Beaux Arts mais la foule des visiteurs est tellement grande que nous préférons aller en voiture au Trocadéro. Musée ethnographique très intéressant. […] Nous rentrons à l’hôtel très fatigués mais vers 7 h ½ nous allons dîner chez Lucas. Je retrouve Charles, garçon pendant 17 ans au Restaurant de France chez Guillon rue St-Fiacre où nous allons à chaque réunion des fabricants de toiles à voiles. Dîner en cabinet particulier. Nous rentrons à 9 h à l’hôtel.

101Lundi 22. Chez Lévesque, j’examine les types toiles à voiles de différentes qualités qu’il désire nous faire fabriquer. Après déjeuner, je vais à la séance de la Société de secours aux veuves des marins naufragés, 87 rue de Richelieu. […]

102Mardi 23. Temps orageux. Je me promène rue de Lafayette, rue de Provence, rue de Châteaudun chez les antiquaires et marchands de bric-à-brac. Je rentre pour déjeuner puis nous allons avec Mathilde à l’exposition des Arts décoratifs et à l’ouverture de l’exposition d’horticulture. Le Président de la République vient avec plusieurs personnages pour cette inauguration. J’y rencontre madame Coste. Départ par le train de 6 h 15. Une quantité de Lillois et surabondance de voyageurs qui nous gênent beaucoup. Nous faisons la dînette en route avec des provisions achetées au pâtissier de la place de la Bourse.

103Mercredi 24. Visite à papa Jules qui m’annonce l’achat de la ferme de Godewaervelde, 800 000 F. Il paraît très content de son achat. Je vais chez Ernest Loyer que j’engage à venir souper avec Pauline. Nous parlons beaucoup de la nouvelle machine et des chaudières de Wazemmes. […]

104Jeudi 25. […] Conférence remarquable du Dr Bayol147 qui a passé plusieurs mois dans l’Afrique centrale chez les Fouta-Djallou. C’est ce peuple qui a envoyé cette année des ambassadeurs en France.

105Vendredi 26. Ernest Loyer et Crombet viennent me chercher avec Larivière pour visiter à Tourcoing la machine Compound – Sulzer de M. Binet, peigneur de laines. Cette machine est superbe. M. Deswarte et M. Binet nous donnent toutes les explications. Je suis peu satisfait de la commande par câbles et je préfère les engrenages. Triste situation du peignage mécanique à Roubaix et à Tourcoing. L’Allemagne fait une concurrence désastreuse à Roubaix par le bon marché de la main d’œuvre des ouvriers. Chez Amédée Prouvost, il y aurait une différence de 600 000 francs par an s’il était en Allemagne. Nous revenons par Roubaix, par le superbe boulevard neuf où l’on ne voit que des maisons – palais. Etablissement de Croix, peignage des Anglais, colossal. […]

106Dimanche 28. Messe à 7 h ½. Mathilde va à la grand messe et musique. La chaleur lui donne la migraine : il fait une température très chaude, 28° à l’ombre, très orageux. […] Mathilde ne vient pas chez les Émile Scrive. Dîner de fiançailles de Gaston et d’Émilie. Je suis à côté des demoiselles Debuchy. […]

107Lundi 29. On monte le paratonnerre. Nous allons à la séance du concours hippique où nous voyons d’abord le défilé des équipages primés puis les courses d’officiers pour le prix de la coupe. C’est Crémieu-Foa sous-lieutenant des dragons qui remporte le prix. Il monte successivement 4 chevaux magnifiques. Assistance très nombreuse. Les Émile, les Couderc, les Roussel et madame Henry dînent chez Maman Jules avec les enfants de Maman Jules dont c’est la fête. On souhaite la Ste Émilie à maman, à Émilie Crépy, à Émilie Dujardin, à Émilie et à l’oncle Émile. Couderc me fait une conférence sur le phylloxera qui ravage ses vignobles. En somme, bien agréable journée.

108Mardi 30. […] Temps affreux qui m’empêche d’aller voir le Rally-Paper des officiers de cavalerie au champ de Mars de Ronchin. Cependant cette fête a lieu et il paraît qu’elle a bien réussi. […]

Juin

109Jeudi 1er. […] Dîner chez Ernest avec les Houzé. Maman Loyer, Émile Loyer, ma tante Villain, Randoux, en tout 17 à 18 personnes. Le père Houzé dit des bêtises, notamment contre Lamartine. Quelle singulière idée de faire dîner un jour anniversaire de deuil. Cela devient une petite fête ! […]

110Vendredi 2. […] Je rentre à Marquette en tramway où je suis bien heureux de me retrouver. On essaie le paratonnerre. On termine les travaux de jonction de la 1re chaudière à la nouvelle cheminée. On inaugure la nouvelle cheminée.

111Samedi 3. […] Blondel (ancienne maison Boyer) vient me demander d’aller jeudi à Armentières avec lui pour voir la machine qu’il vient de monter chez Lourme, filateur. Dimanche 4. Départ pour Caestre à 6 h 45 avec les enfants et Miss Dora. À la gare de La Madeleine nous trouvons les Dujardin. Voyage agréable […]. Malheureusement il commence à pleuvoir et le temps reste mauvais toute la journée. C’est bien fâcheux pour les jeunes gens du cours de géographie qui font aujourd’hui une excursion au mont Cassel. Nous les rencontrons dans la gare d’Hazebrouck. Grand messe à Caestre (nouvelle église non encore terminée) singularités du service, musique par trop dansante, suisse qui ressemble à un vieux singe couvert d’une défroque défraîchie de vieux hussard hongrois, il est affligé d’un torticolis chronique. Les enfants sont très gentils. Retour à 9 h 22. Je trouve une lettre très agréable de Lévesque remettant un ordre de 190 000m draps hôpitaux. […]

112Jeudi 8. Visite à Armentières chez Lourme et Thilleur, filateurs, pour voir la machine Boyer avec la détente, Pierre Blondel, Crombet, chaudière Dulac. Puis nous allons chez Villard dont nous visitons le magasin. Cette installation est splendide.

113Vendredi 9. Je vais chez Bacqueville, chez Walker où les affaires sont très actives, pour réclamer ma machine à parer. […]

114Dimanche 11. Je me fais conduire à la messe à Lille à St-Maurice où je cause avec Maurice Descamps. Je vais à l’exposition de la vente Camille Benoit et je donne des ordres à Bonnier pour différents achats de livres. Je lis une partie de l’après-midi : les Degrés de l’échelle de H. Gréville, la Revue des 2 mondes etc. À 5 h les invités viennent : Mertian, les de La Couture, les E. Loyer, les Houzé, P. Decroix. Dîner superbe et gai. […] Feu d’artifice, flammes du Bengale… Les enfants s’amusent. […]

115Mardi 13. Je vais à Lille voir Chevresson et prendre mes actions Compagnie générale d’éclairage en Europe, puis chez maman Jules, chez ma tante Scrive-Bigo. Lettre de Dislère au sujet des faillites. Loi qui est à l’étude au Conseil d’État. Adjudication des 195 000m bourgerons à des prix désastreux. J’avais indiqué à Lévesque le prix de 93 F, il veut que je descende à 90. […]

116Jeudi 15. J’assiste à une partie de la vente de Camille Benoit, l’artiste peintre et j’achète quelques petits tableaux et des livres. Dîner chez maman Jules avec Maman Loyer, ma tante Villain, mes tantes Auguste et Henri. […]

117Vendredi 16. Je vais déjeuner chez Larivière avec les enfants et Mathilde. […] Je paie à Bonnier 204 F 25 pour achat de gravures, de livres. […]

118Dimanche 18. Mathilde communie à la messe de 7 h ½. Elle travaille toute la journée à combiner les itinéraires et les détails pour notre grand voyage en Normandie. Quelle délicieuse petite femme ! Nous devions aller à Hellemmes où la famille dîne chez ma tante Henry, mais il fait si mauvais temps que le mieux à faire est de rester à Marquette où je me régale de la lecture et de la vue de mes chers bouquins.

119Lundi 19. […] Expédition de 350 pièces draps d’hôpitaux.

120Mardi 20. Lévesque envoie un entrefilet où il est question de l’affaire Georges Danset, il demande des renseignements sur le viol dont on l’accuse sur une de ses ouvrières. […]

121Mercredi 21. Départ à 1 h 45. […] Ma tante Émile et Claire viennent avec nous jusqu’à Douai puis nous restons seuls jusqu’à Paris. Les enfants sont très gentils et très sages. Nous trouvons à l’hôtel un appartement superbe mais trop cher. J’obtiens une réduction ce qui le remet à près de 50 F par jour. Fichtre ! Pour un fabricant de toile, c’est raide ! Dîner chez Lucas. […]

122Jeudi 22. […] Je vais chez Lévesque et je cause de toutes nos affaires en cours. Je suis satisfait de cette entrevue chez Dislère où le meilleur accueil m’est fait comme d’habitude et qui nous invite à dîner ce soir […]. Après déjeuner, nous allons au panorama Champigny, au Trocadéro, au plan en relief de France. […]

123Vendredi 23. Visite chez Lévesque où je parle de toutes mes affaires. […] Chas et Becquart viennent causer de l’adjudication de demain pour laquelle 21 concurrents sont inscrits. […] Nous prenons Mme Dislère chez Mme Marchand pour la conduire au musée Grévin puis au musée de Cluny. Dîner à 7 h à la Taverne britannique rue de Richelieu. […]

124Samedi 24. Aujourd’hui grande adjudication ! Les Dislère viennent déjeuner au Grand Hôtel puis je vais à l’exposition des Œuvres Baudry148 à l’Orangerie des Tuileries. Le portrait de Marie Boselli s’y trouve exposé puis je vais à la fameuse séance d’adjudication qui dure jusqu’à 4 heures ½. J’obtiens un succès complet car j’enlève 26 lots de 25 000m soit 6500 pièces à fabriquer jusqu’à la fin de l’année. […]

125Dimanche 25. […] Les enfants s’amusent beaucoup à l’hippodrome. Nous revenons à pied par les Champs — Élysées et nous dînons chez Lucas où Tony a beaucoup de plaisir avec l’ambassadeur chinois et son fils qui dînaient dans ce restaurant. J’écris à Larivière, à maman Loyer et à maman Jules. Visite chez Lévesque qui est très aimable.

126Lundi 26. Départ à 8 h pour Orléans. Difficultés parce que l’on ne veut pas me donner les billets directs pour Blois. Arrivée à 11 h à Orléans. Déjeuner excellent à l’hôtel St-Aignan, au coin du faubourg Bannier puis nous nous mettons en route pour voir le nouvel hôtel de ville, près de la cathédrale, l’ancien hôtel de ville où se trouvent le musée de peinture et le musée zoologique ; ancien hôtel de ville très curieux, maison d’Agnès Sorel, maison de Diane de Poitiers convertie en musée archéologique. L’abbé de Noyelles que je vois m’en fait les honneurs. Il me montre le cheval en bronze et les objets trouvés dans une carrière de sable. Ils auront été enfouis à l’époque de l’invasion des Bagaudes. Après avoir promené jusqu’à 3 h, nous prenons une voiture pour visiter la ville, […] mais nous sommes saisis par la pluie et nous rentrons au chemin de fer pour prendre le train de Blois. Rosalie était partie directement ce matin avec les bagages.

127Mardi 27. […] Notre arrivée chez les amis Mancel a été cordiale. […] Je me réveille avec une forte congestion à la gorge. Heureusement que 2 rigolos149 vigoureux servent de dérivatif à cette indisposition. Visite au château de Blois qui nous intéresse vivement tant au point de vue archéologique qu’au point de vue artistique. J’achète un drageoir de la fabrique d’Ulysse de Blois, conservateur du musée de Blois et je l’offre à madame Mancel, puis j’achète un hanap de la même fabrication que je fais expédier à Louise. Visite dans la ville où abondent les vieilles maisons.

128Mercredi 28. Je me fais couper les cheveux chez le beau coiffeur de Blois Lurachy. Chaleur excessive. Soleil ardent que je brave en allant jusqu’à la préfecture de Blois, route de Paris et en visitant les rues pittoresques qui descendent des hauteurs. Maisons anciennes, très curieuses. À 12 h, déjeuner. Départ à 1 h pour le château de Chaumont appartenant au prince de Broglie, marié à Mlle Say, fille du riche raffineur de Paris. Ils font exécuter une restauration complète dans cette princière résidence. Ecurie royale. Tour où Nini le potier exécutait ses charmants médaillons et qui est maintenant le manège de l’usine. Le château habité par Catherine de Médicis et Ruggieri domine un paysage délicieux. Salles bien décorées dans le style Renaissance, tapisseries, bibelots. Puis nous allons voir le château de Beauregard, appartenant au comte de Cholet. Dans la cour sont les médaillons des rois de France. Chapelle, galerie de tableaux très originale avec les nombreux portraits des rois de France et des personnages illustres contemporains de ces rois. Nous rentrons à Blois à 7 h ½.

129Jeudi 29. Je vais faire un petit tour dans Blois et visiter avec Édouard l’hôtel Robertet où demeure un ami d’Édouard. Il est très intéressant : une salle particulièrement a été restaurée avec goût. L’escalier, la galerie sont remarquables. Belles sculptures Renaissance. Je vais prendre un bain qui me fait le plus grand bien car je souffre un peu de cette chaleur. À 1 h départ pour Chambord dans 2 voitures, une Victoria où je prends place avec Mancel et un landau où sont les mamans et les enfants. Route charmante. Je revois avec plaisir le château de Chambord où je m’étais déjà trouvé il y a 17 ans, trois ou quatre jours après mon mariage. Cette excursion est réussie sous tous les rapports. Dîner avec le jeune ménage Lemaitre dont la jeune femme est la propre fille de Robert Oudin150, l’ami de Danton et de mon oncle Henri. M. Lemaitre est très amusant, a beaucoup d’entrain. Il nous explique plusieurs trucs de Robert Oudin. […

130Vendredi 30. […] Journée de repos qui nous est bien utile pour nous rafraîchir et nous défatiguer. Après dîner, nous allons faire une promenade du côté du Jardin de l’Evêché d’où la vue est si belle. Nous revisitons l’hôtel d’Alluye (Robertet l’a habité) puis nous allons chez un joaillier, spécialiste pour les bijoux Renaissance en argent (Vollerain – Rain), mais nous n’achetons rien. J’achète un plat en faïence de fabrication allemande chez un dépositaire des faïences d’Ulysse, ainsi qu’une boîte en faïence d’Ulysse représentant une salamandre. Visite à la bibliothèque de Blois qui est intéressante. […]

Juillet

131Samedi 1er. Départ de Blois aujourd’hui à 8 h du matin. Nous emmenons Mme Mancel pour visiter Amboise, Tours, Chenonceau. Rosalie part à 2 h 12 directement de Blois pour Tours avec les bagages. Charmant voyage de Blois à Amboise, château du comte de Paris qui y fait des travaux considérables. C’est une résidence admirable. Nous visitons avec le marquis d’Azeglio, le vieil ambassadeur d’Italie à Paris, qui amuse les enfants. Déjeuner à Amboise chez Robin. Voiture pour Chenonceau où nous séjournons de 1 h ½ à 5 h dans l’admiration la plus vive pour cette superbe résidence. Départ pour Tours où nous arrivons à 6 h ½. Nous y retrouvons Rosalie qui nous a choisi de très bonnes chambres. Nous visitons après le dîner la ville en voiture découverte. […]

132Dimanche 2. Nous nous levons de bonne heure pour aller à la messe de 9 h à St-Gatien mais comme nous tombons sur une grand messe (nous admirons beaucoup le costume du suisse), nous prenons la rue Colbert pour aller à l’église St-Julien-St-François, au coin de la rue Royale. Après la messe, nous allons aux musées où nous restons 1 h ½, occupés à admirer tous les tableaux et les curiosités qu’ils renferment, puis nous allons en voiture visiter la partie de la ville que nous n’avions pas vue la veille, c’est à dire le côté du jardin botanique, de la caserne Bonaparte, de l’hôpital militaire où nous assistons au service funéraire d’un jeune lieutenant. Affluence d’officiers à Tours. Ils paraissent les rois du pays. À 12 h ½, déjeuner. Adieux à Mme Mancel que nous conduisons jusqu’à la gare qui est tout près de l’hôtel. Nous partons nous même à 1 h 52 et nous admirons le château de Langeais, de Laroche et une infinité d’autres. Arrivés à Angers à 4 h ½, nous allons à l’hôtel du Cheval Blanc où nous trouvons des lettres. […]

133Lundi 3. […] Nous visitons le musée Barrault où se trouve le musée de peinture contenant d’excellents tableaux de l’école flamande et de l’école française (Pater, Lancret), musée Bodinier, musée David d’Angers et de sculpture. Ensuite, nous allons au monastère Toussaint où ont été massacrés les Vendéens qui constitue une ruine remarquable. Après déjeuner, nous prenons une voiture qui nous conduit à l’hôpital St-Jean (musée archéologique très intéressant), à l’hôpital général superbe, belle chapelle, à l’église du Ronceray, à l’église St-Serge, anciennes maisons, puis nous prenons Rosalie et nous allons aux Ponts-de-Cé à 6 km d’Angers. Tir aux pigeons. Départ à 4 h 40 pour Nantes où nous arrivons à 6 h ½. Nous faisons connaissance à table d’hôte avec un abbé Hélin qui connaît très bien Lille. Il nous parle de madame Mille, du jeune Descamps le mari de Claire. Je lis mon courrier, très intéressant. […].

134Mardi 4. […] Je me lie avec l’abbé Hélin que je décide à nous accompagner à Guérande. Dans un landau, nous parcourons Nantes : château, églises, musées, quais, jardin botanique, de 9 h à midi. Déjeuner à 12 h ½ à l’Hôtel de France et départ pour Guérande avec arrêt de 3 h à St-Nazaire. Je cause avec un jeune commissaire de marine, ami des Pujo qui part pour la Guyane. Nous arrivons à 9 h du soir à Guérande dans un hôtel impossible, un véritable coupe-gorge. La visite des chambres me fait craindre que nous soyons très mal. L’hôtelier a une figure sinistre, il s’est enivré et battu avec sa femme. Heureusement, Mathilde et Rosalie viennent aider la femme de chambre et la forcent à changer les draps des lits. […]

135Mercredi 5. […] Dès le matin, nous visitons l’église de Guérande […] Service funéraire, auquel nous assistons en partie, du père du médecin de la ville. Urne dans laquelle on met les cartes. Nous y voyons les noms des vieux nobles de la ville. Tour de la ville. […] Départ pour Vannes à 12 h 20. Route charmante. 1er arrêt à Escoublac, 2e arrêt à St Nazaire, 3e arrêt à Savenay. Nous visitons la ville bâtie en amphithéâtre d’où la vue est admirable. 4e arrêt à Redon dont l’église fortifiée et la belle tour sont aussi visitées par nous. Arrivée à Vannes à l’Hôtel de France. Je fais prévenir Jeannel de notre arrivée. Il vient nous voir avec sa femme et nous causons agréablement de Lille et des excursions à faire dans les environs de Vannes. Il conseille d’aller à Arradon et à Roguedas, propriété superbe du père de mon ami Arthur Panckoucke. […] Nous partons à 9 h ½ en voiture pour Arradon et Roguedas sur le Morbihan. Cette promenade est excessivement agréable, les points de vue sont variés et des plus beaux. Nous voyons les propriétés Bouruet-Aubertot, Panckoucke et le collège des Jésuites. Retour à 12 h. Tour du Connétable, musée archéologique installé dans un vieux bâtiment. Déjeuner avec les Jeannel. Départ pour Auray à 2 h 30 avec une foule de sœurs et de prêtres qui viennent probablement pour le pèlerinage de dimanche prochain. […]

136Vendredi 7. Les Bretonnes sont toujours en noir ; quand on leur demande la raison, elles répondent que c’est par correction. Nombre de religieux extraordinaire. Quand le temps est douteux, ils disent que c’est un temps de conseil. Je suis frappé de l’aspect sérieux de tous les Bretons. Ils ont l’aspect pétrifié, mais leurs yeux sont intelligents et leur bouche fine. Nous partons à 8 h ½ pour la grande excursion de Carnac et Quiberon, d’environ 60 km aller et retour. D’abord, nous voyons les alignements de pierre de Kermario puis la villa gallo-romaine avec ses différents bâtiments, le tumulus gigantesque du Mont St Michel d’où la vue est admirable. Nous déjeunons à Carnac dans l’hôtel Langham [ ?], très curieux : on dirait un couvent ou un béguinage. Visite au musée où j’achète le beau livre de James Mill sur le pays. Le sacristain de l’église des Carmes nous amuse beaucoup ; il pue horriblement mais est fort instruit et raconte fort bien les légendes de St Cornély des bestiaux et des faits historiques dont son pays a été le théâtre. Alignements de Carnac au milieu de la ferme de Ménec. Les paysans paraissent ennuyés d’avoir cet amas de pierres dans leurs champs. L’église de Carnac très curieuse. Trois tombeaux à Plouharnel appelés les Grottes de Rondossec mais j’oublie que nous avons visité le fort Penthièvre à Quiberon où nous bûmes une bonne jatte de lait chez le garde du fort. Nous avons un panorama superbe et nous voyons de gros bateaux dans la baie de Quiberon. Puis nous voyons le chemin de fer qui a été terminé hier mais qui n’est pas encore livré à la circulation. Plage de sable. Etablissement d’ostréiculture fondé par la princesse Bacciochi. Au retour, visite de l’église de Plouharnel derrière laquelle se trouve une belle pierre militaire ; cinq femmes en cornette blanche faisaient la veillée du mort. Tumuli de Crucuno. Visite au monument de Cadoudal à la Villeneuve près d’Auray. […]

137Samedi 8. Aujourd’hui, 8 juillet, temps affreux, pluie diluvienne pour la 1re fois depuis notre départ. […] Heureusement, le temps s’éclaircit après le déjeuner et nous pouvons partir pour Gavrinis où se trouve le plus beau dolmen du pays. Un bon batelier nommé Riou, ancien marin de l’État, nous promet un heureux passage et nous filons sur la mer avec la rapidité de la flèche. Nous admirons la grotte et la vue que l’on a sur la butte qu’elle recouvre. Le retour à Locmariaquer est un peu moins facile : quelques lames sautent par dessus le bord de notre petite coquille de noix mais après une heure de navigation, nous arrivons sains et saufs. Visite aux dolmens de Locmariaquer, les plus beaux qui existent. 1re Mané Er-Grah, montagne de la fée, d’où l’on a une vue superbe : Belle Ile, Houat, Hoëdic, Quiberon. À travers champs, nous nous dirigeons vers le Dolmen des Marchands qui est de grande taille. À côté sont deux grands menhirs couchés à terre. L’une de 3 pièces, l’autre immense a 25 mètres de long. Il est question de faire venir des apparaux de Lorient pour redresser ces 4 morceaux. Si l’on fait ce travail, on fera du même coup la fortune du pays. Nous admirons la simplicité primitive et la noblesse de sentiments de tous les gens de ce pays. Jamais ils ne tendent la main ni ne réclament de pourboire pour les services qu’ils rendent. Après cela nous voyons le grand dolmen de Mané Lud où l’on descend par un escalier étroit. Nous visitons l’église de Locmariaquer avec ses piliers du 12e siècle, son bénitier en pierre. On baptise un petit garçon que Tony embrasse. Retour à 7 h à Auray.

138Dimanche 9. Départ pour Ste-Anne à 8 h ½. Route charmante, foule considérable. Costumes variés, mais plus de peuple que de gens bien mis. À midi seulement le sermon est donné par Mgr d’Hulst recteur de l’université catholique de Paris sur l’utilité de la prière… Trop long. Une femme tombe malade à côté de moi. Une pluie d’orage empêche de donner la bénédiction à la Scala-Santa. Sauve qui peut grotesque. Retour à Auray. Déjeuner copieux, promenade. Je termine ma lettre à maman Jules. J’ai oublié de dire que nous avons visité sur notre route la basilique Ste-Anne d’Auray, le champ des martyrs de Quiberon et la chapelle expiatoire chartreuse, aujourd’hui convertie en hospice de sourdes-muettes. Nous voyons celles qui parlent en lisant sur les lèvres. En nous promenant dans Auray, rencontre d’un vieux bonhomme qui a bu un coup de trop et qui nous déclare « que Ste-Anne vaut bien ça ». Costumes de toile à voile brodée, faux cols invraisemblables, toque de juge en velours noir des femmes de Rosporden.

139Lundi 10. Aujourd’hui lundi, à 8 h, départ pour Lorient. Nous allons chez Besné qui nous conduit à l’Hôtel de France où nous déjeunons à 10 h. Nous visitons l’arsenal. […] On arme 5 vaisseaux de guerre. Tour dans la cour de la préfecture maritime d’où la vue est superbe sur Port-Louis, la pointe de Gâvres où l’on tire le canon. […] Visite aux torpilleurs qui sont de tout petits bateaux, munis d’une machine de 4 à 500 chevaux vapeur et filent à une vitesse de 22 nœuds de 1800 m à l’heure. C’est une vitesse fantastique. Visite chez madame Besné. Collation. Départ pour Hennebont à 2 h ½ en voiture où nous arrivons à 4 h. Eglise superbe. Ville intéressante avec ses anciens murs. Château de Jeanne de Montfort : ville close, ville ancienne, nouvelle ville. Dîner à Hennebont où Tony fait mille folies, puis retour à 8 h ½ à Auray.

140Mardi 11. Départ d’Auray à 7 h du matin pour St-Brieuc où nous arrivons à 11 h. Après avoir lunché à Pontivy à l’Hôtel de France, je trouve mes lettres et un très bon dîner. Nous prenons une voiture qui nous conduit à la Tour Cesson, dans la propriété Glais Bizoin. Tour à moitié démolie mais très pittoresque d’où l’on voit la mer et l’entrée de la baie de St-Brieuc. Nous avons de la chance d’avoir une éclaircie car il a plu toute la matinée et la journée est gâtée, mais la pluie ne tombe que quand nous sommes en chemin de fer. Palais de justice de St-Brieuc, églises, vieilles maisons. Départ à 4 h pour Dinan. Arrêt de 5 h à 7 h à Lamballe ce qui nous permet d’aller visiter la remarquable église Notre-Dame qui servait de chapelle au château des Penthièvre. Vieille ville d’un aspect féodal l’église St-Jean qui sert de paroisse à la ville, je vois les noms de très anciennes familles nobles gravés sur les bancs. Enfin, église St-Martin, la plus ancienne de toutes, elle date de 1083. Panorama grandiose de la promenade qui se trouve près de l’église Notre-Dame. Départ à 7 h pour Dinan où nous arrivons à 8 h ½ avec une véritable tempête ! Triste hôtel que celui du Commerce.

141Mercredi 12. La nuit a été excellente. Nous sommes très bien reposés. Le soleil reparaît à 7 h du matin. Les enfants sont gais et bien portants. J’écris à maman Jules. Nous visitons Dinan où nous logeons dans une auberge décorée du nom d’Hôtel du Commerce, place Du Guesclin. Nous dormons très bien quoique les chambres soient ridicules et que l’on sente l’écurie. Château qui sert de prison où nous ne pouvons entrer (il faut la permission du sous-préfet). Statue de Du Guesclin. Promenade des petits fossés. Une vieille dame fort aimable nous indique la route pour visiter la cathédrale et la chapelle N-D de Lourdes. Vieilles rues et vieilles maisons très curieuses avec pignons surplombant formant comme à la rue de Rivoli des passages couverts. Hôtel de ville et collections. Déjeuner excellent et départ pour visiter la Tour de Léhon appartenant jadis aux Rohan mais qui n’est qu’une ruine très pittoresque. Les ruines du château de la Garaye, le château de la Cominais qui est très beau, l’hospice des fous des Bas-Foins, 50 hectares, superbes bâtiments. Chapelle moderne, admirable pièce d’eau dans les rochers. Enfin, la promenade de la fontaine d’eau minérale. Nous sommes ravis de notre promenade et nous trouvons très remarquables les environs de Dinard où séjournent beaucoup d’Anglais. […] Départ sur la Rance sur le Bretagne, charmant vapeur où nous retrouvons Rosalie qui était partie avec les bagages. Nous arrivons à Dinard et ensuite à St-Malo après une charmante traversée à bord. […] Promenade sur les remparts avec Mathilde.

142Jeudi 13. […] Nous faisons la même promenade avec les enfants qui trouvent que c’est charmant de visiter une ville sur les murs car St-Malo est exceptionnelle sous ce rapport mais c’est une ville triste. Nous visitons la cathédrale où nous causons avec le frère de P. Olivier qui est en ce moment en Hongrie. Nous visitons le Grand Bé151 à marée basse. Tombe de Chateaubriand. Départ en bateau à vapeur (10 h 3/4) pour Dinard. Déjeuner au bon Hôtel de la Plage qui avait été recommandé par M. Avenel. Excellent déjeuner puis nous partons en break découvert pour St-Enogat, St-Lunaire (église très vieille que l’on va démolir), St-Briac, La Chapelle où se trouve le superbe château du baron de Villebreme d’Angers, pont-levis, remparts. Nous nous promenons de 1 h à 4 h et nous arrivons juste à temps pour prendre le bac à 4 h et de passer le pont roulant de St-Servan. Arrivés à la place de l’Hôtel de ville, nous trouvons une vieille calèche qui nous conduit à Paramé, charmante ville de bains, toute nouvelle où l’on construit un casino énorme et un hôtel gigantesque. Le pavillon indien du prince de Galles a été reconstruit à Paramé. […]

143Vendredi 14. Réveillés par la Marseillaise de la musique municipale et le canon. Arrivée à Pontorson à 10 h. Départ en break pour le Mont St-Michel (10 km). Arrivée à 11 h ½ ; Déjeuner à l’hôtel Poulard, tenu par un jeune ménage charmant et très honnête. Visite consciencieuse du mont jusqu’à 4 h. Visite à Pontorson au cousin Félix Loyer puis dîner à l’Hôtel de Bretagne et départ pour Avranches. Fête nocturne à Avranches, très réussie. Nuit excellente. Lettre à maman Loyer. […]

144Samedi 15. Après une excellente nuit à l’Hôtel de Londres qui est très bien tenu, nous causons avec l’hôtelier, M. Fauvel, singulier déclassé qui a eu jadis une très belle situation. Il est venu à Lille en 1848 avec les gardes nationaux parisiens pour le monument élevé à Négrier. Son hôtel est un petit musée, surtout pour les sculptures effectuées au mont St Michel par les détenus. Visite au jardin botanique d’Avranches et aux différentes églises, au musée. Vues superbes. Départ à 4 h 36 pour Granville où nous arrivons à 6 h ½ à l’hôtel des Trois Couronnes, très vanté par M. Fauvel. Déception éprouvée par tous en visitant le soir la ville de Granville, sale et vulgaire. […]

145Dimanche 16. Repos aujourd’hui à Granville. Temps orageux mais beau. J’écris à Larivière. Nous visitons la ville haute, les casernes, le point de vue du rocher où se trouve la ville haute. Déjeuner puis nous retournons à la ville haute pour la messe de midi. Nous allons à la plage où les enfants jouent sur le sable 4 h nous revenons pour voir si les courses de Jullouville sont finies, mais c’est une véritable fumisterie. Ce devait être curieux de voir cela ! Après le déjeuner, je régale les enfants de glaces. Nous retournons sur la plage où la mer est très haute et se brise sur la falaise.

146Lundi 17. Départ à 6 h 45 sur le bateau Honfleur pour l’île de Jersey. Arrivée à 10 h ½. Déjeuner à l’Hôtel de l’Europe tenu par madame Delépine et excursion sur le Royal Blue, voitures spéciales pour ce genre de distraction. Je suis à côté d’un facétieux Français qui finit par m’ennuyer. Pays charmant mais qui n’a pas de physionomie particulière, cela rappelle assez bien la Hollande mais ce qui est curieux, c’est le nombre de cabarets auxquels on s’arrête pour se rafraîchir, sous prétexte de rafraîchir les chevaux. Arrivés au Trou du Diable à 1 h. Il mérite bien ce nom par les difficultés de la descente. Puis on remonte en voiture et l’on arrive à 2 h aux grèves de Lecq et aux cavernes. Ici la descente et la remontée sont périlleuses. Hauteur vertigineuse. Retour fatigant, pénible. Luncher dans un hangar où les guides de l’excursion se mettent à chanter au piano des chansonnettes comiques françaises et anglaises. C’est plus ou moins amusant ! Mais la pluie se met à tomber à torrents et nous rentrons à l’hôtel, mouillés jusqu’aux os. […]

147Mardi 18. À 3 h ½ je me réveille et je me décide à repartir par le vapeur de 5 h 15 qui rentre à Granville à 8 h ½ du matin. Je sais que je ferai plaisir à Mathilde et aux enfants et j’ai eu à Jersey autant de plaisir que je pouvais l’espérer. Journée de repos. J’écris à tout le monde. […]

148Mercredi 19. À 9 h, je loue une voiture pour visiter St-Pair, la Mare Bouillon, Jullouville et la pointe de Carolles. Jolie excursion mais attristée parce que Jules se plaint de l’estomac et parce que la pluie se met à tomber quand nous quittons Carolles jusqu’à Granville. Charmant vallon conduisant au port du Lude, sauvage, pittoresque, rappelant les gorges des Pyrénées, solitude absolue. Je cause avec une vieille femme charmante, malgré ses 65 ans, belle figure, beaux yeux noirs et traits fins malgré son âge et ses cheveux blancs. Départ à 4 h pour Coutances, pluie torrentielle pendant toute la route. Arrivée à Coutances à 6 h ½. Nous faisons coucher Julio. Ville admirablement située sur une montagne. Eglises superbes : St-Nicolas, St-Pierre, la cathédrale. Jardin public de toute beauté, camélias en pleine terre, arbres magnifiques. Ce jardin a été légué à la ville de Coutances par M. JJ Quesnel – Morinière. Le musée est installé dans l’hôtel d’où dépend ce jardin. Monuments nombreux, vieilles maisons.

149Jeudi 20. Nuit excellente. Julio va mieux, Dieu merci. À 8 h nous partons pour voir la ville de Coutances où l’on remarque beaucoup d’églises, de couvents, de séminaires… En sortant de la cathédrale, nous voyons entrer les enfants très bien arrangés et frisés pour la fête de la Ste Enfance qui a lieu précisément aujourd’hui. Un petit Chinois et une petite Chinoise amusent les enfants. Je grimpe dans la tour de la cathédrale après avoir visité de nouveau le jardin public et le musée. Vue splendide du haut de la tour. Déjeuner à 11 h. Départ à 12 h 26 pour Cherbourg où nous arrivons à 5 h 26. M. Bonfils est à la gare, nous nous installons à l’Hôtel du Louvre où plusieurs généraux sont descendus et ont pris le logement qui nous était destiné, mais je me contente de celui que l’on m’a préparé. […]

150Vendredi 21. […] Visite au musée de 9 h à 10 h. Bons tableaux. À 10 h, déjeuner avec Pujo et Bonfils. Visite à l’arsenal de midi à 3 h ½. Je vois les toiles de Boutry (hamacs) très belles. Celles de Portier, laides mais fortes. Celles d’Huret, 4bis et 5bis, lisières emportées, métiers trop lourds. Atelier de construction occupant 4 000 ouvriers. Visite au bateau l’Infernet où Pujo a été embarqué pendant 2 ans. […] Cette visite nous intéresse beaucoup et grâce à la présence de Pujo, nous voyons tout, les torpilleurs et les torpilles compris. Visite à M. Bonfils aîné qui nous conduit à sa campagne du Maupas, sur la hauteur du rocher. Vue splendide sur la rade de Cherbourg. Sa ferme nous intéresse beaucoup : bestiaux de Jersey, chevaux, poulains dont il fait l’élevage, puis, malgré la pluie, nous voyons le casino des bains et l’hôtel des bains. Dîner très agréable avec la famille Bonfils. Dîner très soigné.

151Samedi 22. Départ samedi pour Bayeux à 8 h ½, nous arrivons à 11 h et nous visitons de suite la cathédrale qui est considérable. Nous voyons ensuite le trésor de la cathédrale. Musée où se trouve la célèbre tapisserie de la Reine Mathilde. […] Excellent déjeuner à l’Hôtel du Luxembourg à midi. Foire de Bayeux. Départ à 1 h 26 pour Caen où nous arrivons à 2 h 50. Nous partons de suite en voiture jusqu’à 6 h ½ pour visiter toute la ville, les églises. Jolie ville, très animée, très riche en belles maisons. Vieux monuments. Église de Vaucelles, St-Jean, St-Gilles, St-Pierre, St-Étienne, Abbaye aux hommes, Ste-Trinité, abbaye aux dames et hôtel-dieu superbe, château. Jardin des plantes. Musée de peinture dans l’hôtel de ville. […]

152Dimanche 23. À 8 h nous allons à la messe à St-Jean puis à St-Pierre. Je vais voir la rue des Carmes où les Girondins se sont réunis avant de se révolter contre la Convention. Le brave épicier qui nous montrait le vieux couvent et que je remerciais, me répond « je ne le mérite pas » ! À 9 h la voiture nous prend et nous partons pour revisiter la ville : musée d’archéologie, musée d’histoire naturelle, musée Mancel, musée de Montaran, école de dressage, la maison des gendarmes. Déjeuner à midi. Départ à 1 h ½ pour Falaise où nous arrivons à 3 h. Je loue une voiture et je pars pour la Brèche au Diable, Soumont-St-Quentin, le tombeau de Mary Joly, le château de la Tour après avoir vu les 2 églises de la ville et le château de Robert le Diable. Rentrés à 7 h fatigués, mais très contents de notre journée. […]

153Lundi 24. Lever à 5 h ½ pour prendre le train de Cabourg où nous arrivons à 11 h après avoir traversé la vallée d’Auge où des plantureux bestiaux s’engraissent. Bel Hôtel de la Plage, construit sur de grandes proportions mais qui manque de confort bien que les prix soient à la hauteur la plus élevée. Après avoir visité la plage, nous prenons une voiture pour aller à Dives, Houlgate, voir madame Auguste qui est malheureusement absente. […] La voiture nous conduit ensuite à la montagne sur laquelle est bâti le château de M. Lecesne d’où la vue est admirable sur toute la côte normande, de Trouville à Luc/mer, puis nous allons à Brucourt, Varaville, Le Hôme, par une route charmante et nous rentrons à l’hôtel à 5 h ½. […]

154Mardi 25. Je fais le tour de Cabourg à pied puis je viens jouer avec les enfants sur le sable. À 11 h, après avoir réglé à l’hôtel, nous partons pour Houlgate déjeuner chez les Auguste, mais le temps se met à la pluie et la partie est manquée. Pluie continuelle pendant le déjeuner. Nous allons cependant sur le sable mais la pluie devient insupportable et quand nous repartons, vers 2 h ½, pour Trouville, nous sommes fort ennuyés de ce déluge. Installés à l’Hôtel de Paris, nous nous mettons à écrire jusqu’à l’heure du dîner. Rosalie arrive à 6 h ¾ par l’omnibus de Trouville avec les bagages. Immense hôtel, très confortable et bonne table. Après dîner, nous faisons un petit tour sur la plage et nous nous réfugions au casino. Lecture des journaux. Musique excellente.

155Mercredi 26. Le temps redevient beau. Je vais à pied sur la route de la Cavée visiter les travaux que l’on fait après l’Hôtel des Roches Noires, pour augmenter la surface des terrains à bâtir. […] La plage est superbe : les villas admirables, les casinos « somptueusement beaux » comme dirait Mlle Hazard. Promenade avec Mathilde. Déjeuner très bon, puis je prends une voiture pour visiter Deauville, plage triste parce que les bancs de sable grandissent et refoulent la mer. Chose déplorable pour les riches propriétaires de ces superbes châteaux qui sont aujourd’hui à 1 h de la mer. Il y a une longue jetée en bois qui rejoint la mer, avec des cabines pour les hommes et les femmes, à droite et à gauche de cette jetée. En somme, c’est très ennuyeux et la plupart des propriétaires ne viennent habiter Deauville qu’à l’époque des courses : 15 jours par an ! Les villas du duc de Morny (aujourd’hui à la baronne Erlangen), de Greffulhe, de Demidoff, de Dreyfus… Je m’entends avec un loueur de voitures pour venir chercher mes bagages à 10 h demain pour les conduire à Honfleur. 5 h, quantité de monde sur la plage pour voir baigner les dames. On ne se baigne à Trouville qu’à marée haute, la mer étant trop éloignée et trop dangereuse à marée basse. Ceci est bien gênant. Grande affluence de flâneurs et de curieux. Le soir, nous allons promener les enfants le long des planches et nous allons au casino qui est de toute beauté : salles de billard, de danse, de lecture, petits chevaux, petits coureurs (jeu nouveau), théâtre : Le 66, Chez une petite dame.

156Jeudi 27. À 10 heures, départ de Trouville après avoir fait une dernière promenade dans la ville, sur la jetée, à l’église où a lieu une messe solennelle. Route admirable par Villerville (où nous descendons pour voir la plage qui nous paraît peu agréable) puis par la côte de Grâce, nous arrivons à Honfleur à midi ¾. Déjeuner médiocre au Cheval Blanc, sur le port. Visite de la ville. Départ à 4 h ½ pour Le Havre sur le vapeur qui traverse en ¾ d’heure l’embouchure de la Seine. Arrivée à Frascati à 6 h. J’écris à Lévesque, à Larivière. Dîner à 7 h. Promenade en ville. Tramway. Musique au casino qui est dans l’hôtel. Nous nous endormons au son de la musique.

157Vendredi 28. Nuit excellente. Mathilde et Tony prennent un bain chaud dans l’hôtel. Promenade en voiture dans la ville. Docks, transatlantique, bassins, musée d’histoire naturelle, musée archéologique, musée de peinture, bibliothèque. Déjeuner à Frascati, excellent et promenade en voiture à Ste-Adresse, Sanvic et Ingouville. Panorama admirable. Je loue une voiture pour demain pour Étretat : 45 F + 5 F de pourboire. Musique à 4 h. J’écris à Lille et à maman Jules, à Huret et à Lévesque. Musique à 9 h. Lecture de la Revue des 2 Mondes et des journaux.

158Samedi 29. Je me mets en route à 9 h pour voir l’aquarium et pour parcourir en tramway la ville du Havre. Enchanté par la visite de l’aquarium, je viens chercher Mathilde et les enfants pour le leur faire voir. Nous allons ensuite déjeuner à Tortoni, près du théâtre et nous partons à 1 h pour Étretat dans un bel équipage sur lequel nous nous perchons. Mais la route est moins jolie que nous ne l’espérions. Nous arrivons à Étretat à 4 h et nous visitons de suite la falaise d’aval ; après le dîner, nous allons visiter les falaises d’amont. Charmante soirée au casino très original d’Étretat.

159Dimanche 30. Promenade matinale et messe à 9 h à l’église Notre-Dame. Beau sermon du curé sur la « fausse conscience », c’est à dire sur les erreurs des gens qui faussent leur conscience au gré de leurs passions et qui sont convaincus d’être parfaits chrétiens. Salutaris Hostia chanté dans la perfection. Sortie de messe très curieuse. Déjeuner, café en plein air, à l’Hôtel Blanquet et départ pour Yport et Fécamp. D’Yport, j’envoie une dépêche à maman Loyer et nous achetons des bérets bleus aux enfants. Route charmante jusqu’à Fécamp. Le cocher nous conduit à l’église de la Trinité, à la chapelle du Précieux Sang, à l’hôtel de ville dont le bibliothécaire se fait le cicérone, à l’église St-Étienne, au casino de Fécamp. Mauvais dîner à l’Hôtel Fleury et départ à 6 h 08 pour Rouen la gare des Ifs, je reconnais le préfet du Nord, M. J. Cambon, qui revenait d’Étretat où il a installé sa femme dans la villa appelée « La Caloge », rue Eugène Le Poittevin. Nous causons du renversement du ministère Freycinet et de la guerre d’Égypte. Arrivée à 8 h 45 à Rouen, très ennuyés de ne pas avoir de voiture à la gare mais il finit par en arriver une et nous partons pour l’Hôtel d’Angleterre.

160Lundi 31. Très mauvaise nuit parce que le cours Boieldieu est très animé et trop bruyant, cependant nous avons un si joli temps qu’il n’y a pas moyen de rester au lit le matin.. Nous visitons à pied la vieille tour St-Maclou, la cathédrale avec ses beaux mausolées de Diane de Poitiers et des cardinaux d’Amboise, enfin St-Ouen, le square St-Ouen. Nous traversons l’hôtel de ville et nous allons déjeuner Cour Martin dans un très bon petit restaurant bon marché. Après déjeuner, une bonne voiture de louage nous mène à St-Sever puis nous revenons par le pont de pierre pour visiter les églises St-Vincent, St-Éloi (temple protestant), la statue de Jeanne d’Arc, la tour St-André et la jolie maison dite de Diane de Poitiers, la grosse horloge, l’hôtel Bourgtheroulde, le palais de Justice (admirable), l’église St-Patrice, l’église St-Godard, le musée d’antiquités et de céramique. Nous revenons par les boulevards Cauchoise, Beauvoisine. Nous nous reposons à l’hôtel. J’écris à maman Jules, à Lévesque, à Larivière, à Descamps. Après dîner, nous allons jusqu’au bateau Le Touriste qui devait faire une promenade de 2 h en Seine mais les mariniers se sont mis « en balade » et le bateau ne peut partir, ce qui contrarie beaucoup les enfants à qui nous avions promis cette petite partie. Alors, nous allons aux Folies Bergères dans l’île Lacroix et nous nous amusons en entendant les inepties que l’on chante, en voyant les exercices acrobatiques de la famille Cristiany et les chiens et singes savants. À 10 h ½ nous rentrons à l’hôtel mais j’ai l’ennui de ne pas retrouver ma clef. On doit crocheter la porte de la chambre des enfants.

Août

161Mardi 1er. Nuit excellente qui me remet des fatigues précédentes. Nous allons à pied au musée de peinture, en passant par chez LeBrument, le libraire – bouquiniste. Nous voyons en détail le musée de peinture dans son magnifique palais de la rue Thiers et nous revenons déjeuner Cour Martin. En voiture, nous allons faire le tour des boulevards, les églises St-Vivien, St-Nicaise, la fontaine Ste-Marie, le musée d’histoire naturelle très important, nous revoyons le musée d’antiquités et de céramique. Nous allons ensuite chez le grand marchand de curiosités Lefrançois qui a de belles choses mais qui est très cher. Bibliothèque très riche. Je cause avec le bibliothécaire qui ne demanderait pas mieux que de me montrer ses beaux livres mais je suis trop pressé par le temps. Musée de la Société industrielle qui n’a rien de remarquable, on sent qu’il n’y a pas d’entrain à Rouen pour ce genre d’instruction. C’est un bureau d’échantillons plutôt qu’autre chose. Après dîner, nous allons au Théâtre français, mal tenu, vieux et sale. On joue 115, rue Pigalle152, farce très drôle, jouée par une troupe de passage. Peu de monde, mais on rit beaucoup.

162Mercredi 2. Je vais acheter quelques livres chez LeBrument et je revois le palais de justice, la cathédrale et St-Maclou, puis à 10 h nous partons pour Dieppe. Nous rencontrons à la gare le général Hartung que nous saluons et qui nous dit s’ennuyer à Rouen. Il va inspecter Dieppe. Nous faisons une route charmante jusqu’à Dieppe où Suzanne Delestré vient nous chercher pour nous installer chez elle, rue Sygogne. La maison est charmante, confortable et nous sommes enchantés de son aimable accueil. Après déjeuner, nous allons jusqu’à l’église St-Rémy où prêche le père Jouin (sur le travail) et nous l’écoutons en partie. Ensuite, la voiture vient nous prendre pour nous conduire à Puys, joli village près de Dieppe et à Arques dont nous visitons le château en ruines. Cette promenade est délicieuse. Après dîner, nous allons au casino où il y a beaucoup de monde mais où il fait fort chaud. Nous rentrons à 10 h avec de la pluie et du vent.

163Jeudi 3. […] Après le déjeuner, nous partons pour les environs de Dieppe, dans un grand omnibus avec tous les enfants et les jeunes amis […] Nous allons à Varengeville, Pourville, au phare d’Ailly. Temps superbe. Jolie route. Après dîner au casino où nous allons voir jouer aux petits chevaux. Il ne manque pas d’originaux et d’originales parmi tous ces gens là qui ne valent pas cher. Mais Delestré connaît beaucoup de monde et nous raconte leur biographie plus ou moins croustillante.

164Vendredi 4. Mathilde a été dérangée toute la nuit et je vais seul visiter la ville qui est assez intéressante : Grande Rue, église St-Jacques, quais, boulevard Aguado bordé d’hôtels et de jolies villas. Jetée et phare. Ensuite, je vais voir prendre les bains sur les galets et lire les journaux au casino. Après déjeuner, je vais entendre le P. Jouin qui prêche sur l’éducation. Son sermon est très beau : il fait une description de la mauvaise éducation donnée aux jeunes gens qui est très belle et très pittoresque. Il prêche sur la vocation, sur la nécessité d’élever l’âme des enfants « super terrain », cite des vers de Musset. Musique au casino à 4 h. […]

165Samedi 5. Promenade le long de la falaise, lecture des journaux au casino. Visite chez M. Frosmont qui a de très jolis objets d’art et une habitation très curieuse. Après déjeuner, je vais entendre le père Jouin qui prêche sur « l’honneur » mais je trouve que son argumentation n’est pas très serrée. Je retiens un landau pour lundi matin et je ferai expédier les bagages par grande vitesse pour Lille. Je me promène sur les galets puis je lis les revues et les journaux illustrés au casino. Les enfants vont au cours de danse avec les Delestré. Soir, grand bal au casino, grande affluence dans les salons et aux petits chevaux. Nous revenons avec madame Hénon en chantant le Printemps de Mendelssohn et « Domi pure »

166Dimanche 6. Messe à 9 h après avoir fait un petit tour en ville puis, nous allons voir les préparatifs de la fête d’aujourd’hui, régates et courses au trot attelé. Les trains de plaisir ont amené beaucoup de monde et l’animation est grande en ville. […] Le temps est admirable. La mer est superbe. Je la contemple pendant plus d’une heure et je regrette de devoir m’arracher à ce beau spectacle. […] Après dîner, nous allons à l’éternel casino où il y a un grand concert, mais il y a tant de monde que je vais respirer sur la terrasse. Nous allons nous coucher à 11 h et nous dormons mal à cause de la chaleur et de notre énervement à cause de la fatigue.

167Lundi 7. Je me lève à 7 h pour préparer le départ, écrire à Descamps pour lui annoncer le retour. Temps superbe. Dernière promenade au casino. Déjeuner très cordial. La voiture vient prendre les voyageurs pour Tréport et ils trouvent la route assez animée par les voitures et les équipages qui la sillonnent. Arrivée à Eu à midi. Déjeuner à l’Hôtel du Cygne qui se trouve sur la place en face de l’église et du château. Malheureusement on ne peut visiter le château qui est occupé par la famille d’Orléans. Nous voyons le jeune duc d’Orléans, fils du comte de Paris et le duc de Penthièvre, tous deux habillés comme des Savoyards. Nous allons visiter la fabrique de biscuits de mer et la scierie qui sont installées sur la Bresle, tout près du château et du parc. C’est la propriété du duc de Nemours et on les appelle les Moulins Packham. Nous repartons à 2 h pour Le Tréport. Route très gaie : voitures, baudets, omnibus, véhicules de tous genres le long de cette route. Installation Hôtel de la Plage, juste en face de la mer. Je prends une voiture pour aller à Mers voir les Villain qui sont installés dans cette petite localité très gentille, chez leurs amis Gribeauval d’Amiens. Nous rencontrons sur la route les Rapy et les Dujardin avec qui nous passons la soirée. […]

168Mardi 8. Nous partons à 9 h pour Amiens après avoir fait une promenade le long des maisons de la plage et avoir acheté des photographies. Route charmante du Tréport à Amiens et journée très agréable quoique ce soit la dernière de ce beau voyage. Je déjeune à la gare d’Amiens où nous arrivons à 12 h 40 et nous parcourons la ville dans une voiture : cathédrale que nous revoyons avec plaisir et qui a le plus beau portail du monde, musée de Picardie. Départ à 2 h ½ pour Lille où nous arrivons à 5 h. […] À la gare de Lille, nous trouvons nos parents en bonne santé. Papa et maman Jules viennent au devant de nous. Maman Loyer et les Dujardin qui veulent commencer leur voyage dès jeudi. À Marquette, tout me paraît en bon état et en ordre.

169Mercredi 9. Après avoir causé avec Larivière, je vais à Lille pour encaisser mes rentes et pour voir ce qui se passe au magasin. […] Le temps est froid, gris, désagréable et le contraste est grand avec le beau soleil qui nous a accompagné pendant tout notre voyage. […]

170Vendredi 11. J’ai versé 4 500 F à mon compte (provenant du dividende Ciments Français) Mathilde vient avec moi chez Tahon et nous achetons quelques bibelots. Je porte les ivoires chez l’encadreur Chevalier pour qu’il les place dans des petits cadres de velours. Je vais au Salon. Félix Cuvelier et Huot me font un très aimable accueil. Chambre de Commerce. Derode me paraît bien malade. Je crois qu’il n’ira pas loin. […] Seizième anniversaire de notre mariage. Est-il possible que 16 ans soient déjà écoulés depuis ce jour heureux ! C’est à ne pas y croire.

171Samedi 12. Je m’occupe de modifier la trame des paillasses (Agache) qui est pailleuse. Lettre de Michel qui donne les résultats de l’adjudication des hamacs du 10. Nous avons un lot et Heuzé l’autre lot. Lettre de Suchet avec la commande de 71 000 vareuses et la proposition de prorogation des marchés des doublures que j’accepte bien volontiers. […]

172Dimanche 13. Messe à 8 h où nous voyons Pollet – Vernier. Le temps se met à l’orage et il pleut toute la journée. […] Nous lisons des journaux et des livres. La journée est assez monotone mais je me repose. […]

173Mardi 15. Je vais après la messe jusqu’à Lille pour lire les journaux et les revues. Déjeuner sous le champignon, ce qui est fort agréable mais la pluie vient encore gâter notre plaisir. Les demoiselles Hazard nous ont invité [sic] à dîner avec le jeune ménage Siraudin, maman Loyer, Alfred Hazard et le jeune Croin. Le jeune mari Siraudin me fait l’effet d’un viveur émérite : une sorte de Georges Bacot, jeune et riche. Chevaux, tir au pigeon et femmes, voilà sa conversation. Il me semble que sa jeune femme n’aura pas longtemps d’illusions sur son époux mais elle paraît prendre la chose philosophiquement. Elle est fort laide mais elle a un certain chic.

174Mercredi 16. Je mets de l’ordre dans mes papiers et dans mon bureau. Dîner chez maman Jules avec les Declercq – Gardel qui sont plus intéressants que je ne l’aurais supposé. Sans leur accent flamand et sans la voix de castrat du mari, ils seraient même agréables.

175Jeudi 17. Départ pour Boulogne à 1 h. Je prends au Crédit 3 500 F pour régler avec Dislère les comptes d’achat des actions Lehideux. Voyage sans incidents. Nous arrivons à Boulogne à 4 h ½ par un temps très sombre et même pluvieux mais en somme, nous nous installons très bien à l’Hôtel de la Marine, au 1er étage, salon avec balcon. […] La table d’hôte est bien tenue. Nous allons faire un tour au bout de la jetée […].

176Vendredi 18. Dès le matin, je vais au Casino où je vois […] tous les habitués de Boulogne. Après déjeuner, j’emmène les enfants en promenade jusqu’à 3 h ½. Nous rencontrons M. Bourgeois qui les invite à venir ce soir à la foire voir les baraques avec sa fille. Nous allons au musée mais j’ai une colique qui m’ennuie beaucoup. Je soupe avec un œuf et une tasse de thé. Mathilde fait connaissance avec les familles Lévy et Dreyfus. M. Lévy est ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, sa fille est très gentille. Concert au Casino. […]

177Samedi 19. Lecture pendant toute la matinée au Casino. Le temps est maussade. […] Déjeuner sur la jetée. […]. Nous nous trouvons très bien dans ce restaurant. Bal d’enfants assez animé. Les enfants dansent avec les jeunes Delemer et avec Marthe Bourgeois – Dislère.

178Dimanche 20. Nous allons à la messe à St Pierre et nous revenons avec les Delemer. Dislère vient nous dire bonjour et nous raconter comment il a été nommé directeur des Colonies mais cette situation lui est plus onéreuse que lucrative. Après le déjeuner, nous allons voir madame Crouy qui nous invite à passer la soirée jeudi. De là, nous allons aux Tintelleries où nous voyons la famille Poulle, les Henriot et les Dislère. Dislère nous emmène faire une promenade en voiture du côté de Wimereux et de la Colonne, mais il fait un froid presque glacial. […]

179Lundi 21. Les courriers de Lille sont mauvais. Les bissacs sont supprimés. Les no 8 chanvre Rochefort Dickson sont refusés comme contenant du lin. Enfin, tout va de travers en ce moment.

180Mardi 22. Les courriers continuent d’être désastreux. Le temps se met au grand vent mais je n’en vais pas moins visiter les beaux travaux du port en eau profonde et de là, je vais au Portel le long de la plage puis, je remonte vers les falaises. Je rentre à Boulogne après une promenade de 3 heures. Temps affreux l’après-midi, ce qui n’empêche pas les amateurs des courses d’aller s’y faire geler. […] Bal très brillant à 9 h ½. Nous y conduisons madame Dislère. Les Poulle viennent se placer à côté de nous et M. Serres, procureur général de Douai et sa fillette. Nous voilà collés dans le parti républicain ultra avancé. C’est embêtant de ne plus être libre de ses faits et gestes.

181Mercredi 23. Tempête affreuse toute la nuit qui continue pendant toute la journée. J’écris à Lille, à Mancel… Je lis quelques revues. Après le déjeuner, arrivée de Louise et de ses enfants. Ils viennent de Berck où la tempête a accumulé le sable contre les portes des maisons à tel point que l’on doit descendre du 1er étage avec des échelles. Émilie a plusieurs compères dans chaque coin des yeux. Longue séance au casino dans l’après-midi. Retour des courses fort peu intéressant car il y a bien peu de monde et les Panckoucke disent qu’il n’y avait presque pas de chevaux engagés dans les courses. Bal des courses fort animé bien qu’il y ait encore beaucoup de gens ridicules, surtout du côté des Anglais. […]

182Vendredi 25. […] Les Léonard Danel, Émile Bigo sont arrivés en voiture de Lille après avoir fait un séjour chez les Dambricourt. Léonard Danel, toujours fantoche et taquin, paraît fort peu distingué à madame Dislère. La matinée est employée à écrire des lettres à Lévesque, à Larivière au sujet des paillasses et des sacs de couchage pour lesquels Lévesque craint un rejet. Après déjeuner, je vais chez Raynault essayer un complet qu’il me fait et chez Lisse, le chapelier. Je continue jusqu’à la bibliothèque où je me réfugie pour lire Crébillon fils, des revues littéraires et causer avec le bibliothécaire. […] Bal où viennent les Dujardin, Henriot, Deberry, Duwitte, Dislère, Danel, Mme Bigo-Danel et sa fille, Gustave Barrois, les Poulle, les Serres… […]

183Dimanche 27. Je prends médecine. J’écris une lettre pour Dickson afin de permettre l’adjudication en recette moyennant rabais des toiles contenant du lin (no 8) et une réclamation pour les marchés à venir. Promenade après le déjeuner. Nous allons au Portel avec les Dujardin et les enfants malgré l’incertitude du temps. Vue splendide sur la mer. Madame Dislère vient nous rejoindre avec Mathilde. Tony et Victor fils viennent avec ces dames en voiture et Camille est triste de l’indifférence et de la froideur de son époux qui n’a pas l’air de s’occuper d’elle. Elle pleure en voiture. C’est triste d’allier un cœur aussi tendre à un physique aussi ingrat et de ne pas s’en rendre compte. […]

184Lundi 28. […] Après la promenade, je vais avec Mathilde serrer la main aux Dislère qui partent à 11 h 20 pour Paris. Camille soulage son cœur en nous racontant tous les griefs qu’elle a contre la famille de son mari. Après déjeuner, je vais lire à la bibliothèque où je lis les Voyages à Naples et Sicile, 5 beaux volumes admirablement illustrés. Les enfants sont au bal au Casino. Beau concert à 9 h. […] Le jeune Maurice vient nous souhaiter le bon soir. Est-ce qu’il songerait à Marie-Louise ?

185Mardi 29. […] Je cause avec Jacques de la maison Sauvage qui appartient à un épicier nommé Bourgois. Il a été sur le point de la vendre 110 000 F à M. Lonquety pour sa fille, madame Adam Lonquety, mais elle est morte la veille du jour de l’achat. Il croit que Lonquety l’achètera. Son bail à lui, Jacques, expire dans 2 ans, mais il serait enchanté d’être débarrassé de cette maison qu’il loue 5 000 F et qui ne lui rapporte pas ce qu’il espérait trouver. Départ à 5 h 22 et arrivée à Marquette à 9 h 10. Voyage sans incident.

186Mercredi 30. Je fixe rendez-vous à Dickson 10 h et j’apporterai la lettre de Carfort et la lettre que j’ai préparée pour le Ministre de la Marine. Je vois Dickson qui n’est pas d’avis d’envoyer cette lettre parce que les ennuis considérables qu’il a pour ses voiles le forcent à filer doux. […] Duval annonce l’admission des 1ers envois paillasses et sacs de couchage. Il est d’avis d’envoyer toutes les paillasses de suite. Espérons que cela marchera bien. Il apporte une commande considérable en draps hôpitaux. […]

187Jeudi 31. Je vais voir Ernest qui me parle de ses projets pour la construction de la machine à vapeur, les chaudières et la reprise par Tony pour l’avenir. […] Il dit que les Danset sont pris pour 80 000 F chez Boucher-Delorme [ ?] de Paris. J’espère que c’est une erreur. […]

Septembre

188Dimanche 3. […] Dîner avec papa Jules, puis le soir, nous partons pour le cirque Fernando qui est installé à l’Hippodrome. Affluence colossale, monde extraordinaire à la foire de Lille à cause de la Braderie. Plaisirs variés de tous les côtés. Nous trouvons les Delemer, les Lenglart, les Lefebvre-Lenglart, les P. Decroix et leurs enfants. Nous nous amusons bien.

189Lundi 4. Temps superbe pour la fête de la Braderie. Affluence considérable en ville où il y a une animation extraordinaire. Je vais au Salon l’après-midi pendant que Mathilde fait visite à ma tante Henri et à Mlle Hazard. Elle apprend la mort du fils aîné d’Henri Boutry à 11 ans. C’était un beau petit garçon, très intelligent, qui meurt d’une méningite. […] Leroy-Leleu consent à faire 500 pièces de doublures à façon au prix de 21 tondage compris. J’écris à Lévesque pour lui rendre 500 F paillasses. Il me reste encore 7 000 pièces à fabriquer pour la fin de l’année, ce qui est déjà très considérable dans cette saison. […]

190Jeudi 7. […] Dîner chez maman Jules avec maman Loyer, ma tante Henri, M. Gardel, les Crépy et Dujardin. […] Installation du téléphone à Marquette.

191Vendredi 8. Dîner chez ma tante Auguste avec Adolphe Crépy et sa femme, Arthur Bommart et ses fils et sa fille, Ernest Crépy et sa fille, madame Toussaint, les Boselli, M. Crépy père et Auguste Crépy. 1re expérience de téléphone que j’installe entre Lille et Marquette.

192Samedi 9. Bonne lettre de Duval qui demande l’expédition des sacs et des paillasses. J’en expédie 3 wagons, soit près de mille pièces. Je vais chez Bogaert lui demander s’il a un cheval à m’offrir. Je lui troque Marthe contre une jument alezan brûlé.

193Dimanche 10. […] Nous allons avec les enfants au cirque Carré ; ils s’amusent beaucoup. C’est un cirque superbe. Maman Loyer vient nous y rejoindre et nous allons promener à l’Esplanade. Monde énorme partout. Dîner chez Ernest avec madame Itasse et sa fille, Mertian, Léon Houzé, Auguste Houzé, sa femme et sa fille et Henriette Houzé. On trouve que je suis très gai, très en train.

194Lundi 11. Grand ennui avec la machine à vapeur dont la cale sort du volant. On arrête à midi pour voir ce qu’il y a à faire. Larivière affirme qu’il faut un moyen radical, c’est à dire commander une nouvelle machine. Cette perspective me sourit peu car il s’agit d’une dépense de plus de 80 000 francs, en machine et bâtiments. On remet la cale à sa place. Le travail est terminé à 9 heures du soir.

195Mardi 12. Je pars à 6 h 52 pour Caestre […] Le temps est fort sombre et la pluie menace de gâter tout notre plaisir. Heureusement que nous pouvons nous mettre en voiture vers 10 h ½ pour visiter les fermes nouvelles de Godewaersvelde (Houvenagel) et la ferme réparée de Steenvoorde de Dequeker. […] La fête de la Criolle (rentrée de la dernière gerbe de la moisson) a eu lieu dimanche avec solennité à la ferme. Joli programme, très amusant. La cueillette du houblon m’a fort intéressé. […]

196Mercredi 13. Conversation avec Larivière au sujet des machines à vapeur. Comparaison des différents types de Boyer et de Jean et Peyrusson. […] Nous faisons fonctionner le téléphone une partie de la journée.

197Jeudi 14. Je vais trouver Lefebvre qui me montre son système de châssis pour conserver la chaleur sur les fils de parage. Je lui donne 1 000 pièces de doublures au lieu de 500. Je vais ensuite voir Chuffart à l’Union linière pour lui demander de faire des OC et des traversins. Les OC à 14 et les traversins à 19. Ce qu’il accepte avec plaisir. De là, je vais chez Picavet qui me montre sa machine Corliss. Je lui dis de livrer à Dequoy le 25 qu’il devait me fournir. Nous retournons à Marquette avec Victor fils. Le temps est ravissant. Dans l’après-midi, Mme P. Decroix vient au téléphone avec ses enfants demander si nous sommes à Marquette. Je cause avec elle et je la prie de venir pour passer l’après-midi et goûter à 4 h ½. Visite de Dubrule, l’ingénieur de Jean et Peyrusson. Nous causons machine à vapeur et nous étudions la question de faire une machine de 150 chevaux pour mettre dans la nouvelle place, près du crémage et d’avoir une 2e machine de même force dans l’ancienne salle de machine. Chacune coûterait 32 000 F.

198Vendredi 15. Je vais à Lille le matin et l’après-midi. Mathilde retourne chez M. Pilate pour s’entendre avec lui sur l’éducation de Julio. Elle est très satisfaite de son entrevue avec M. Pilate. […] J’achète chez Garemin un livre de Xavier Aubryet, l’histoire du Moyen Âge de Duruy qui me procurent une soirée charmante. […]

199Dimanche 17. […] Victor Dujardin vient dîner avec nous et nous parle de la conversation qu’il a eue avec Crépy aux courses. Le mariage est rompu entre Valentine et Raymond Bommart parce que l’on a mis pour conditions qu’on renverrait de la filature André et qu’Alfred se retirerait. Il paraît que c’est le jeune homme qui est venu faire cette proposition à son futur beau-père. C’est incroyable de naïve fatuité.

200Lundi 18. Temps charmant qui me décide à aller aux courses. Alfred Crépy vient me trouver au bureau, rue du Vieux-Faubourg, pour me donner tous les détails sur l’affaire qui se passe à la filature : c’est une série de catastrophes dont il est victime. On le met à la porte de l’affaire, on met son fils à la porte, on brise le mariage de sa fille et l’avenir de son fils. En vérité, c’est une triste situation. Je vais aux courses avec Victor fils. Nous nous amusons beaucoup. […] Dîner à Hellemmes après le défilé des courses. Nous regardons les voitures pendant quelque temps. L’affaire Crépy fait le sujet de la conversation après le dîner. […]

201Mercredi 20. […] Bourse des fils de lin très agitée. Hausses sur toute la ligne. Heureusement que j’ai prévu cela en faisant des achats considérables depuis plusieurs semaines.

202Jeudi 21. […] Lettre de Lévesque annonçant une nouvelle commande de 43 900 m de draps d’hôpitaux. Il faudra donner du travail à d’autres fabricants moins heureux que nous. Je vais chez Danset avec Larivière pour voir le calorifère, la machine à étirer les toiles, les 3 tondeuses Craig à 3 couteaux… Cette usine est vraiment bien installée. C’est fâcheux qu’elle soit en des mains aussi inexpérimentées. […]

203Dimanche 24. […] Grand dîner chez maman Loyer. Temps admirable. Le dîner de maman Loyer est très réussi. […]

204Lundi 25. Le temps est tellement beau que je vais à Lille toute la journée, le matin avec 1 cheval, l’après-midi avec 2 chevaux. À Wazemmes, je vois Ernest et M. Auguste. La construction de la cuisine avance. […]

205Mardi 26. […] Je vais à Lille avec Mathilde et Julio pour le présenter à M. Pilate. […]

206Mercredi 27. […]. Descamps me fait part de son intention d’accepter le poste de directeur du patrimoine des familles. Je suis un peu surpris, car je croyais lui avoir fait une situation très convenable.

207Jeudi 28. À 11 h 45, je pars avec Mathilde, les de Jessaint et Victor Dujardin père pour Rupilly. À la gare, 2 voitures viennent nous chercher pour nous conduire au château de Crépy. Je suis très surpris qu’il ait pu avoir un aussi beau domaine pour un prix si modique. Le château est en très bel état et d’une belle architecture. Les écuries et les dépendances sont superbes. Le bois est très agréable. […]

208Vendredi 29. Je conduis aujourd’hui à Gand à 8 h du matin Julio et René. Le temps n’est pas beau mais cependant nous avons encore assez de chance. Dès l’arrivée à Gand, nous allons visiter St-Bavon, le bouquiniste Vyt, rue des Régnesses, le musée d’histoire naturelle à l’académie, puis nous déjeunons copieusement à l’Hôtel Royal. Après dîner, visite à St-Michel, St-Jacques, les vieilles boucheries, jardin botanique, maison d’Artevelde, vieux St-Bavon, le casino où il y a une exposition d’art industriel ancien et moderne. Nous repartons à 6 h par l’express de France.

Octobre

209Dimanche 1er. J’ai rarement commencé un trimestre sous des auspices plus agréables. J’ai plus de 7 000 pièces de toile à livrer pendant ce trimestre. Il faudra que je prenne les mesures les plus énergiques pour ne pas me laisser acculer par les livraisons. […] Le mois dernier s’élève à plus de 350 000 francs. Jamais, nous n’avons fait plus d’affaires ! J’espère que les mois suivants seront aussi forts. […]

210Lundi 2. […] Larivière s’occupe de l’éclairage électrique chez Gaillet-Huet. Je reçois la visite de Mesmack, le gérant du Nord contemporain qui me demande de laisser photographier le tissage de Marquette… et de souscrire à l’émission d’actions de cette entreprise. Je le remercie beaucoup. […]

211Mardi 3. Entrée de Julio dans la pension Pilate. Nous allons le conduire à 7 h ½ avec René et Larivière. Visite chez Descat pour l’éclairage électrique et chez Deflandre. Ces messieurs n’en sont pas satisfaits, sauf pour l’atelier de visite des pièces. Je reste à Lille et vais déjeuner chez papa Jules. […]

212Jeudi 5. Dîner chez maman Jules avec les Crépy, les Dujardin, les Boselli, les Auguste Scrive. Ma tante Henri et Nelly sont parties à Canterbury avec Henri qui désire entrer chez les jésuites. Le bal de Wallaert a été un désastre pour les Crépy ; tandis que Valentine a été fort peu recherchée, Marie-Louise Dujardin a eu beaucoup de succès. Apprêts de la fête de dimanche 8 octobre. On commence le travail de toiture, rue du Vieux-Faubourg.

213Vendredi 6. […] Danset vient pour me parler de la manière dont on peut tisser sans parer. Il est évident que dans beaucoup de cas, ce serait fort utile de pouvoir tisser sans parer, surtout les toiles de nuances claires.

214Samedi 7. Je pars à 7 h pour Lille avec Jules et René. Je déjeune avec maman Jules qui cause toujours de l’éternelle affaire Crépy. Il y a eu hier une réunion chez Dujardin et pendant tout le temps, c’étaient des cris tels qu’on les entendait au 3e étage. Les mots « conduite infâme » et autres insanités lancés au jeune Raymond Bommart ont de plus en plus brouillé les choses. Installation du téléphone qui communique avec la rue du Vieux-Faubourg et le bureau central.

215Dimanche 8. Journée splendide pour la fête de Lille, souvenir du bombardement de Lille en 1793 [sic]. Dès le matin, nous allons à la messe à St Maurice, après avoir vu la braderie Watteau républicain de la rue de Paris, place du Théâtre et autres rues. Nous allons ensuite voir les chars qui sont préparés à l’abattoir et M. Quarré père nous en fait les honneurs. Le citoyen Pamelard en général républicain et son état-major sont superbes. Après déjeuner, nous retournons à Lille pour voir la cavalcade. Je me promène avec la famille Bellon après avoir installé Mathilde et les enfants chez Louise. Je vois la fête du Salon des Négociants. La Grand-Place présente un aspect superbe et vraiment l’on sent la fibre patriotique s’émouvoir. Mais les membres du Salon sont à la glace et Lequenne en passant leur montre le poing en disant : « il s’agit de la gloire de Lille, messieurs. Criez Vive Lille » ! C’était très drôle. Après avoir dîné chez Louise, nous allons avec les enfants voir les illuminations rue Nationale, Grand-Place, rue de la Gare. Foule excessive partout.

216Lundi 9. Je m’occupe de faire remplir les séchoirs de toile afin de profiter du beau temps. Je cause avec Mortreux de l’organisation future dans laquelle je lui réserve une place. Les ouvriers travaillent bien et je vais leur donner congé à midi. Cortège historique de Wazemmes. Nous partons à 1 h ½ pour Wazemmes. Nous rencontrons le cortège au coin de la rue des Stations. L’ensemble est assez malpropre et les ivrognes sont en majorité. De chez maman Loyer où sont réunis les Scrive-Bigo, les Dujardin, les Houzé, madame Souriaux et sa sœur madame Pouriaux, nous voyons la cavalcade et nous lui donnons des « sous ». Dîner chez Georges Scrive avec ma tante Henri, madame Lisnard et les amis Bossut de Tournai. Le dîner est fort gai. […]

217Mercredi 11. Je charge Descamps de voir les gens qui s’offrent pour être concierges et emballeurs, rue du Vieux-Faubourg. […] Grande conversation avec Danset qui m’apporte les comptes rendus de ses opérations. Chevresson du Crédit du Nord, m’informe du départ de Milius pour le mois d’avril 83. C’est lui, Chevresson, qui remplace M. Milius.

218Jeudi 12. Visite de Danset qui se charge de faire du fil lessive pour nous, de Courier qui s’offre comme vendeur, de Deltour pour des actions de sa nouvelle affaire de Banque. Je lui prends 50 actions. On s’occupe du calorifère du séchoir. […]

219Vendredi 13. Commande de 31 000p de vareuses Toulon. Danset travaille pour nous et son aide nous est bien utile car, malgré toutes mes précautions, on manque de trame pour les tisseurs à façon.

220Samedi 14. […] Je m’entends avec le garçon du Cercle, Gustave Druard, pour être emballeur – concierge, rue du Vieux-Faubourg, à 90 F par mois. Expérience téléphonique entre le bureau central Marquette et le Cercle du Nord. […]

221Dimanche 15. Je vais à la messe à Lille puis au bureau de vente où il y a une exposition intéressante de curiosités. André Crépy part à 10 h pour l’Angleterre (Leeds). Son grand-père a paru surpris qu’il s’en allât en Angleterre, affirmant qu’on ne voulait pas le renvoyer de la filature. Qu’est-ce que tout cela veut dire ? […]

222Mardi 17. Lecture du livre de P. L. Courier, le pamphlétaire de la Restauration. J’en suis tout ému : quel bon sens. Quelle délicieuse et fine ironie ! Comme il serait utile d’avoir de nos jours un écrivain de cette trempe et quels services il nous rendrait. Entre les stupides Jacobins et les crétins royalistes, n’y aurait-il pas place pour un groupe de gens instruits et honnêtes qui permettraient à la France de s’organiser et de prospérer ? Hélas, ce n’est qu’un rêve, peut-être, car le Français n’a pas la tête équilibrée et calme. Il aime l’agitation stérile, les excès, l’imprévu, les coups d’état, les restaurations les plus contradictoires, tombant de la monarchie tyrannique dans la démocratie tyrannique.

223Dimanche 22. Conférence géographique de M. de Brazza, l’explorateur du Congo. Il a eu le tort de ne pas faire assez la part de la partie anecdotique ou pittoresque de son voyage et surtout, de faire une conférence trop courte. Dîner chez maman Loyer avec les Houzé, les Crépy, les Dujardin, les G. Scrive et ma tante Henri. Temps affreux. Déluge. Élection très chaude aux prud’hommes ouvriers entre les socialistes et les collectivistes. L’Écho du Nord donne la liste des prud’hommes patrons dont l’élection aura lieu demain. Parmi eux figurent Boutry Henri, Ange Descamps, Georges et Ernest.

224Lundi 23. […] Larivière me dit que le bruit court que l’usine des Danset serait rachetée par Mahieu et par Dutilleul pour y faire des fournitures. Il ne manquerait plus que cet ennui là !

225Mardi 24. Tempête aujourd’hui. Nous sommes dans le grand coup de feu des expéditions et nous ferons aujourd’hui et demain 3 wagons complets de fournitures. C’est d’autant plus beau que les affaires au commerce ne vont pas du tout. […]

226Vendredi 27. Nous quittons Marquette pour prendre nos quartiers d’hiver à Lille. Je prie le ciel de protéger mes enfants et ma femme pendant ces mois d’hiver. Ils sont un peu enrhumés, ce qui m’inquiète. J’expédie encore 1 wagon à Lévesque dont je reçois une lettre assez aimable. Les affaires au commerce sont tellement mauvaises que je dois m’occuper très sérieusement de les améliorer. Tony va jouer au bureau d’Ernest. Ce gamin a un heureux caractère. Je voudrais que Julio eût la même gaîté.

227Dimanche 29. […] Conférence de la citoyenne Louise Michel à l’Hippodrome. Je vais à cette conférence qui devient un tumulte effroyable. On vocifère, on se bat, on s’insulte, on se crache à la face. Je n’avais jamais vu pareille bousculade. […]

228Mardi 31. Lettre désagréable de Dislère qui demande si je puis lui prêter 36 000 francs pour payer des actions de Crédit foncier qu’il a achetées par spéculation et qui sont en baisse. […]

Novembre

229Mercredi 1er. Je vais d’abord à Lille voir le courrier et téléphoner avec Larivière, puis à la messe à St-Maurice où je vois G. Desrousseaux qui revient avec moi rue du Vieux-Faubourg. Il me raconte son voyage à Leeds. […] Il m’a annoncé la ruine de Prosper Derode, entraîné dans les spéculations de café des Tourquenois. […]

230Dimanche 5. […] Ernest revient le soir après avoir fait une bonne chasse. […]

231Jeudi 9. Nouvelle commande de 18 500 m draps hôpitaux. Déjeuner à Marquette et conseil municipal.

232Samedi 11. Visite à la maison d’Ernest pour voir la cheminée qui doit recevoir la plaque de faïence d’Ulysse de Blois. Superbe habitation, mais que je trouve trop luxueuse pour un industriel.

233Dimanche 12. Visite chez M. Léon Lefebvre, rue de Metz, qui vend sa collection de tableaux, puis nous allons chez maman Jules. Messe à St-Maurice. Malgré la conférence que doit faire Renouard à la Société de Géographie sur la Russie et les Russes, je préfère rester tranquillement à Wazemmes. Il paraît qu’il a été peu intéressant. […]

234Vendredi 17. […] Le jeune Bataille vendeur de l’Union linière vient me faire ses offres de service. Il paraît très convenable. Il gagne 2 000 F. L’Union linière établit un magasin pour la vente des toiles dans la rue de Paris chez Olivier (à côté de chez Mouquet et Dubois)

235Samedi 18. Visite de J. Danset qui m’offre de travailler à façon et de me donner le bénéfice résultant de la différence avec les prix des marchés qu’il a à livrer. Lettre de Lévesque engageant à prendre des mesures de précaution contre les Danset, il dit de faire une délégation sur les marchés Danset. […]

236Dimanche 19. Anniversaire de la mort de notre pauvre petite Mathilde. Messe à 8 h où communie Mathilde et où assistent les enfants. […] Nous allons ensuite avec les enfants chez Alexandre Hette voir sa belle collection de médailles et lui demander de mettre en ordre celle de maman Jules. […] Dîner chez ma tante Henri avec Hasselmans, le harpiste venu pour le festival de Massenet qui a eu lieu aujourd’hui à l’Hippodrome. […]

237Mardi 21. Ernest a failli se tuer aujourd’hui en s’approchant du volant de la machine Cavé pour voir ce que l’on faisait au dôme du générateur. La roue l’a frappé à la tête et a déchiré son arcade sourcilière jusqu’à la racine des cheveux. Il est incroyable qu’il en sort quitte pour si peu.

238Mercredi 22. […] Souper avec M. Jeannel, lecture de poésies. […] Je vais voir papa Jules et lui porter une boîte de cigarettes hongroises.

239Jeudi 23. […] Enterrement d’Alfred Houzé avec une très grande solennité. Toutes les facultés y assistaient en grand costume, robes jaunes ou rouges. Discours remarquables de Wannebroucq, Danel, Deligne et Olivier. […]

240Samedi 25. […] J’organise tout pour la sainte Cécile de demain. Je vais chez Descamps lui demander un renseignement sur 2 pièces de toile et je visite sa maison que je trouve fort mal tenue. Rien n’est en place et tout est fort en désordre.

241Dimanche 26. […] Visite de Danset à Marquette pour différentes toiles à fabriquer. Je lui cause par téléphone, puis Larivière va à la messe de sainte Cécile et le soir au banquet. Je visite le père de mon futur employé Bataille, ainsi que sa famille. Ils paraissent tous de braves gens et Mlle Delefortrie les recommande chaleureusement.

242Lundi 27. Concert et soirée chez madame Dujardin. Je ne m’y amuse guère parce que je me sens bien fatigué et j’ai bien peu d’entrain. Est-ce que la vieillesse arriverait avant l’âge pour glacer mon sang et m’apporter le cortège des infirmités et des douleurs physiques ? Ce serait bien triste et j’espère que Dieu m’évitera ce malheur ! […]

243Mardi 28. […] Je reçois la visite de Bataille et je conviens avec lui qu’il restera 10 ans avec moi à 2400 F d’appointements. Je lui promets une gratification au bout de 2 ans, basée sur le bénéfice dont je ne lui ferai pas connaître le quantum. Je cause aussi avec Constant Vandenluys et je lui promets 2 400 F. […]

Décembre

244Vendredi 1er. […] Réunion à la Chambre de Commerce où je cause avec Vial de la situation des affaires à Armentières. Soirée de musique chez madame Lisnard. C’est insensé de réunir tant de monde pour si peu de chose et dans un local aussi restreint. Soirée très agréable. […]

245Samedi 2. A. Scrive parle de la suspension de paiement des Danset. Je rencontre l’ami Géry Legrand, maire de Lille, chez Dujardin et je lui demande 500 billets de la loterie du Palais des Beaux Arts. Il paraît très heureux de cette marque de sympathie.

246Dimanche 3. Dîner chez maman Loyer avec papa, maman Jules, les Gonnet, les Houzé, les Dubrulle et les Dujardin. Conférence avec Vanlaer au sujet des Danset. Il engage d’être très prudent. Je lis avec Mathilde le joli roman Dans le monde de Rabusson dans la Revue des 2 mondes. Temps affreux. Aussi, je ne vais pas à la séance de géographie. […]

247Mercredi 6. Dîner chez Sonck avec les Debuchy, Druez, J. Decroix, Mertian, Dansaert, Louise Dujardin et ses enfants, C. Delesalle, madame Barrois et son fils. Je cause avec Druez de l’affaire Danset. Je lui explique comment j’ai été amené à faire une avance de 50 000 F. J’ai vu C. Dépret qui dépose son bilan. […]

248Samedi 9. Bataille vient me dire qu’il y a chez M. Dequoy 12 000 pièces de toile en magasin. C’est effrayant. […]

249Dimanche 10. Enterrement de Laure Bigo, la veuve de Louis Danel. Conférence très intéressante du Père Perny qui a passé 30 ans en Chine. Les renseignements qu’il donne sur ce pays sont très curieux. Aussi, je l’invite à dîner et je l’emmène rue Notre-Dame. M. Jeannel et Larivière viennent dîner et sont charmés de cette surprise. Le père nous raconte tous les incidents de son séjour : langage, philosophie, sciences et arts. Tout est passé en revue. Bonne lettre de Lévesque.

250Lundi 11. Je conduis à Marquette le Père Perny et je lui fais visiter la papeterie de Gustave. Je lui demande des détails sur les massacres de la Commune de Paris auxquels il a échappé de bien près, puisqu’il a été témoin de la mort de ses confrères. Il vient déjeuner avec moi puis il va à Roubaix dîner chez Henri Bossut et, de là, à une conférence à la mairie de Roubaix où il y a peu de monde. […] Ernest Loyer est nommé au comité de secours aux blessés en remplacement de son oncle Alfred Houzé. […]

251Mercredi 13. Départ pour Paris à une heure. Je pars avec Debuchy et sa fille et nous parlons beaucoup du Père Perny. Nous dînons chez Dislère et après dîner, nous allons au théâtre des Variétés : Une nuit de noces au P. L. M. est très amusante. La revue est également intéressante mais rien de saillant. C’est toujours la même série de calembredaines et de blagues. Dislère paraît écrasé de besogne et de tracas. Je le trouve sombre et peu communicatif.

252Jeudi 14. Réunion des fabricants de toile à voiles. Pétition pour que le lin et le chanvre soient mis sur le même pied à la prochaine adjudication de toiles à voiles. Journée horrible comme temps mais qui se passe mieux que je ne le croyais comme réunion. Je crois que Joubert a raison de ne plus vouloir de l’entente qui nous paralyse vis à vis des autres fabricants étrangers à nos réunions. […] À 4 h, je rentre à l’hôtel et nous allons dîner chez Véfour, puis au théâtre du Palais royal où l’on joue La Boule, pièce très amusante de Ludovic Halévy et Meilhac. […]

253Vendredi 15. Je vais faire mes courses dans la matinée puis nous déjeunons au Grand Hôtel avec les amis Dislère. Après déjeuner, nous allons à l’hôtel Drouot où je rencontre Charles Scrive. Mathilde se commande une robe chez la couturière de madame Dislère. Puis nous allons à la Bibliothèque nationale voir les dessins chinois du palais d’été. C’est le seul exemplaire qui existe au monde de ce beau travail. Le palais d’été était un ensemble gigantesque de constructions admirables de palais, de jardins. Tout a été détruit par les Anglais et les Français dans l’expédition de Chine. Ensuite, nous allons au panorama de la rue St-Honoré voir les 5 sens de Mackart et les tableaux de différents peintres. Nous allons ensuite voir Fédora153 au Vaudeville et nous sommes émerveillés du talent de Sarah Bernhardt. […]

254Samedi 16. […] Après déjeuner, visite de M. Béatrix qui cause longuement de la généalogie des Loyer à laquelle travaille Mathilde. Dîner à l’hôtel avec madame Dislère et Suzanne Delestré. Au Gymnase, Le Roman parisien154 pour lequel j’ai loué une loge. Nous avons beaucoup de plaisir, surtout avec Suzanne qui est fort gaie, peut-être trop gaie pour une jeune veuve.

255Dimanche 17. Je lis les journaux avant la messe de 10 h à La Madeleine. Il fait un temps charmant dont nous profitons pour faire une tour de promenade à pied puisque nous devons nous enfermer pendant 3 heures au théâtre du Vaudeville pour entendre Tête de linotte155 qui nous amuse beaucoup. […]

256Lundi 18. […] Après déjeuner, grande promenade en voiture dans Paris et visite au pauvre abbé Hélin, vicaire de la Trinité qui est gravement malade. Il crache le sang depuis plusieurs semaines. Il est touché de ma visite. Nous allons jusqu’au Bois de Boulogne puis au Louvre, puis faire quelques achats chez le pâtissier pour la route qui sera abrégée par cette petite collation.

257Mercredi 20. […] Élection à la Chambre de Commerce et au Tribunal de Commerce. Tout le monde se plaint de devoir se déranger plusieurs fois. Aussi le nombre des votants est-il insignifiant. L. Danel, Maurice Bernard et Alfred Thiriez se mettent sur les rangs

258Samedi 23. […] Aujourd’hui l’on fait partir 3 wagons de Marquette. Je n’ai jamais fait une journée pareille. Mathilde et maman Loyer vont chez madame Lisnard qui donne une très jolie soirée de musique. Je reste à la maison, me sentant fatigué.

259Dimanche 24. Journée charmante. Je vais à Lille et ensuite à la messe de Wazemmes où Mathilde quête pour les crèches. Je reste l’après-midi à Wazemmes jusqu’au moment où M. Jeannel vient faire sa visite d’adieux car il quitte définitivement la faculté catholique et la ville de Lille. Il est enchanté de s’en aller. […] À minuit, les enfants vont à la chapelle des petits orphelins pour entendre la messe. Ils sont très heureux de cette escapade.

260Lundi 25. Grand messe à Wazemmes. Dîner chez ma tante Henri avec les Émile Scrive, les Roussel, les Auguste Scrive et les Boselli

261Mardi 26. Vente de plats et de faïences où j’achète pour maman Loyer un bon nombre de plats et de bibelots.

262Mercredi 27. […] Nouvelles élections à la Chambre de Commerce où je suis nommé pour 6 ans.

263Jeudi 28. Lamaladie de Gambetta prend des proportions inquiétantes. On craint un empoisonnement du sang quand l’abcès interne crèvera. Dîner chez Ernest Loyer avec le jeune Groulois, les dames de La Couture, M. et madame Houzé, madame Gonnet et les Dubrulle. […]

264Vendredi 29. C’est aujourd’hui la plus forte expédition de toiles que nous ayons faite depuis que le tissage existe, puisque nous expédions pour près de 80 000 francs ! Et cependant, les affaires sont bien languissantes partout.

265Samedi 30. Nous allons chez le Père Beveren pour nous confesser. J’apporte à Marquette les étrennes.

Notes de bas de page

129 De Jules Massenet.

130 Frédéric Trémel, chanteur et poète breton.

131 Paul Soleillet (1842-1886), explorateur du Sahara, Sénégal. Associé de Rimbaud.

132 Gustave Borgnis-Desbordes (1839-1900), polytechnicien, général ; il a participé à la conquête coloniale française, notamment en Cochinchine et au Soudan.

133 Comédie en 1 acte d’Henri Meilhac.

134 Fil que la navette conduit depuis une lisière jusqu’à l’autre dans le tissage d’une étoffe.

135 Décrets du 29 mars 1880 du ministre de l’Instruction publique Jules Ferry sur l’expulsion des Jésuites de l’enseignement.

136 Opérette de Franz von Suppé (1819-1895), créée en langue française aux « Galeries Saint-Hubert » de Bruxelles en 1881.

137 Parc public créé en 1862.

138 Alexandre Duponchel, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, chargé du chemin de fer trans-saharien.

139 Paul Flatters, militaire et explorateur né en 1832, massacré par les Touaregs le 16 février 1881 au Sahara.

140 Alphonse Jean Hasselmans (1845-1912), compositeur, harpiste et pédagogue d’origine belge.

141 Peuple d’une région montagneuse du Maghreb couverte de forêts, à l’ouest de l’Algérie et au Djebel Abiod en Tunisie.

142 Extrême nord de la Tunisie.

143 Steur Ch. Ethnographie des peuples de l’Europe avant jésus-christ ou essai sur les nomades de l’Asie, leurs migrations, leur origine, leurs idées religieuses, Bruxelles-Paris-Londres, 1872-1873.

144 Au Palais Rameau, inauguré en 1879.

145 À Mérignies, à une douzaine de kilomètres au sud de Lille.

146 Opérette-féerie en douze tableaux, paroles de Meilhac et Mortier, musique de Serpette.

147 Jean Bayol (1849-1905), médecin militaire, explorateur et gouverneur de la Guinée de 1889 à 1890.

148 Paul Jacques Aimé Baudry (1828-1886), peintre académique français.

149 Le Rigollot est un cataplame à la farine de moutarde, vendu tout prêt à l’emploi.

150 Robert Houdin, prestidigitateur ?.

151 Ile inhabitée de Saint-Malo située à l’embouchure de la Rance.

152 Comédie en 3 actes d’Alexandre Bisson.

153 Fédora, drame en 4 actes, par Victorien Sardou.

154 Un roman parisien, pièce en 5 actes d’Octave Feuillet.

155 Tête de linotte, comédie en 3 actes d’Edmond Gondinet.

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