Janvier

1Samedi 1^er. Cette année commence sous les plus heureux auspices. Les santés de mes enfants et de mes parents sont bonnes et les affaires chez nous sont très prospères. Espérons que Dieu daignera nous bénir encore cette année. Messe à 8 h. Communion à l’église St-Pierre– St-Paul. À 1 h chez maman Jules puis, visites partout. 72 visites dans la journée. Dîner chez maman Jules avec les Boselli, les Auguste Scrive et la famille.

2Dimanche 2. Messe à midi au Sacré-Cœur. Continuation des visites de l’an puis, à Fives. Dîner chez madame Dujardin, avec les Crépy, les Houzé, les Gonnet et les Émile.

3Lundi 3. Danset m’écrit qu’il va faire voter pour moi tous ses amis d’Armentières et ses parents.

4Mercredi 5. Je dis à papa Jules que je rembourse les 400 000 F de l’usine. Élection du tribunal et de la Chambre de Commerce : Kuhlmann fils, nouveau membre ; Julien LeBlan, J. Scrive-Loyer, en remplacement de Henri Bernard, Scrive-Bigo et Bautista de Cambrai.

5Jeudi 6. Je rembourse papa de l’importance de l’usine de Marquette. […]

6Samedi 8. Je réponds à l’oncle Mimerel qui m’avait envoyé une carte de félicitation pour mon élection à la Chambre de Commerce. […]

7Dimanche 9. Élections générales pour toute la France des conseillers municipaux. Je vais voter rue des Stations pour Vanpéteghem, Villette, Couvain et Pecqueur, candidats réactionnaires. Ils sont battus comme le sont d’ailleurs tous les autres candidats de la même nuance. Je suis nommé à Marquette mais je suis l’un des derniers sur la liste parce que je ne viens pas assez souvent aux séances du Conseil. Grande animation chez maman Loyer au dîner. Papa et maman Jules, Victor et Louise, les Houzé, Gonnet et La Couture. […]

8Mardi 11. […] Je reste l’après-midi à Wazemmes et je m’occupe de comptabilité. Je fais des tableaux avec différents taux de dépréciation avec Ernest et Quivy. Je dîne chez Louise avec les Anatole Descamps, les Boselli, les G. Barrois, Herlin, Desmazières et Duchange, notaires, les Sonck. Anatole me dit que c’est lui qui a proposé ma candidature à la Chambre. […] Il paraît que Paul Verley envoie partout des listes pour l’élection de demain en substituant son nom à celui de Julien LeBlan. […]

9Jeudi 13. Il tombe une neige très forte pendant toute la journée. Je vais à Marquette en voiture. Je porte des cartes chez mes collègues de la Chambre de Commerce, notamment chez Julien LeBlan et chez Anatole Descamps. Franciosi me donne en communication une lettre de madame Lallement qui dit que la marine du Portugal préfère les anciens types de toiles à voiles aux nouveaux. Je réponds à Lallement pour le remercier de son obligeance. Je reste à Wazemmes où je m’amuse à tenir mes comptes.

Église St Pierre-St Paul

10Vendredi 14. Neige abondante. Temps affreux. Je vais à Marquette avec le cocher et je m’occupe des pauvres et des malades qui doivent bien souffrir d’un temps pareil.

11Samedi 14. Gelée des plus intenses : — 18° de froid, ce qui rend la neige extrêmement glissante. […] Lettre de Lévesque qui presse les treillis et qui demande les pantalons blancs. Il faut que je vois qu’on ne me mette pas un n^o trop fin en trame pour ne pas avoir d’ennuis comme ceux que nous avons à Rochefort en ce moment. […]

12Dimanche 15. […] Le temps paraît s’adoucir un peu. Messe et prières publiques à St-Maurice. J’y suis convoqué mais je ne puis y aller. Dîner chez Albert des jeunes ménages de la famille.

13Lundi 17. Temps fort désagréable. Je prends médecine et je sens qu’elle me fait du bien. […] J’apprends que M. Hermand, le secrétaire de l’Inspection d’Académie, professeur de mes fils, est nommé percepteur à Mouvaux. Cela va bien me gêner pour nos petits gamins qui travaillent bien avec M. Hermand. Il est distingué et discret. J’aurai de la peine à le remplacer.

14Mardi 18. Tempête de neige. L’hiver s’annonce comme devant être aussi mauvais que celui de 1880 de funeste mémoire. […] Larivière m’envoie le relevé de l’inventaire. Je trouve, comme lui, qu’il est fort maigre. Dîner chez madame Julien Barrois. Je fais envoyer mes excuses et mon refus.

15Mercredi 19. La neige est tellement épaisse et son abondance si grande que les chemins de fer ne peuvent pas circuler. Aujourd’hui, le dégel paraît commencer.

16Jeudi 20. Je vais à Marquette avec Mathilde bien que le temps soit mauvais et qu’il rappelle plutôt la Sibérie que la France. Je m’occupe de comptabilité et je fais porter au compte de Larivière 810 F pour redressement du compte amortissements de matériel sur les anciens calculs des inventaires de Raviez et de Masquelier. Superbe dîner chez Auguste Scrive, les Humbert, les Lemoinier etc.

17Vendredi 21. Froid rigoureux. Je ne vais pas à Marquette mais simplement à Lille où je vais lire les journaux de la semaine.

18Samedi 22. Représentation des « Français » pour la Société typographique : L’Ami Fritz98, La Cravate blanche99.

19Dimanche 23. Séance de la Société industrielle : conférence de M. Chamberland100 sur les animalcules microscopiques. Dîner chez mon oncle Henri avec les Pujo. […]

20Mardi 25. Mort de M. Poullier-Longhaye, l’un des plus importants filtiers de Lille. C’était un travailleur hors ligne, toujours le premier à son usine et le dernier parti. Il venait d’acheter le beau château de Wattignies au comte du Maisnil. On dit qu’il laisse 12 millions dont 4 en usine et le reste en placement.

21Mercredi 26. […] Mort de M. Kuhlmann, l’un des plus importants manufacturiers et des plus savants chimistes de France.

22Jeudi 27. À toucher 2034 francs pour 4 obligations tabacs. Société Générale : Italiens à 510 moins 6 francs d’escompte. […]

23Vendredi 28. 1^re séance de la Chambre de Commerce aujourd’hui à 4 heures. Je suis très bien accueilli par mes collègues et le préfet préside la séance. On vote pour le remplacement du président, M. Bernard et c’est Delesalle Émile qui est élu. J. Decroix, vice-président, Anatole Descamps, trésorier.

24Samedi 29. Enterrement de M. Kuhlmann avec une affluence inouïe de monde. Je n’ai jamais vu autant de monde pour une cérémonie de ce genre. Je vais avec la Chambre de Commerce. Discours remarquable du pasteur M. Ollier.

25Dimanche 30. […] Séance très intéressante à la Société de Géographie. Conférence de M. Léger sur les Russes et la Russie et de M. Gaston Tissandier101 sur les ascensions aérostatiques les plus célèbres. Souper avec Louise, Victor. A Wallaert donne 200 000 F de dot à sa fille. Jules Verstraete a 300 000 F en se mariant. […]

Février

26Mardi 1^er. Temps superbe dont je profite en allant à Marquette à pied. Tony est gai comme un petit pinson ce matin et Jules est pleurnicheur. Pourquoi cette différence dans ces deux petits hommes ? Je vais au mariage de M^lle Wallaert avec Verstraete. […]

27Jeudi 3. Dîner chez moi. Je réunis les Auguste Scrive, les Boselli, les Houzé, les Gonnet et Dubrulle. En tout, 27 personnes avec Delmer. Je porte un toast à maman Loyer pour la remercier de m’avoir accueilli, il y a 15 ans à pareil jour. On s’amuse beaucoup. Les Anatole Descamps viennent le soir.

28Vendredi 4. […] Mauvais courrier. Lettre de Lévesque avec des plaintes très violentes sur les treillis dont je viens de livrer 1200 pièces.

29Dimanche 6. Messe à St-Maurice. Je vais lire au Salon, les journaux de la semaine et les illustrations. Dîner cher maman Jules avec les Auguste Scrive et les Édouard Fauchille. On parle de la fortune de Kuhlmann qui s’élèverait à 3 millions. Il donne 50 000 francs à la Société des Sciences. […]

30Mardi 8. Tempête qui fait beaucoup de dégâts dans tout le pays. Je vais jusqu’à la mairie de Marquette pour voir la liste électorale. J’ai peine à y arriver, tant le vent est fort. […]

31Mercredi 9. Bal chez Ernest Descamps. Mertian me fait ses confidences au sujet de son mariage avec M^lle Descamps. Il se plaint de la manière plus que singulière avec laquelle on le traite dans cette maison. Cotillon superbe conduit par Gaston Scrive et madame Albert Crespel.

32Jeudi 10. Temps abominable. Je reçois à dîner 30 personnes (jeunes ménages tels que Dejardin-Verkinder, Motte-Descamps, Sonck, les Decroix, les Plaideau, les Dujardin, Albert Scrive, Émile Scrive fils, Charles Roussel, Edmond Agache). Je porte un toast qui fait plaisir. Après le dîner, il vient un artiste que j’ai gagé pour faire des imitations d’acteurs de Paris et des silhouettes parisiennes. On se retire à 11 h et l’on s’est amusé. On examine beaucoup mes différents objets d’art.

33Samedi 12. Neige très abondante pendant la matinée. Je m’amuse à composer une chanson satirique sur l’air Bonjour, mon ami Vincent. Le refrain est : « Que nous sommes heureux d’avoir tant d’esprit ! » Soirée chez M. Houzé l’avocat : musique. […]

34Dimanche 13. Promenade avec Mathilde. Je vais voir l’exposition d’objets de curiosité de la vente de l’architecte Leroy. Dîner chez madame Gonnet avec l’évêque de Beauvais, M^gr Dennel, précédemment doyen de St-André. Je cause beaucoup avec lui. […]

35Mardi 15. À la vente Leroy, j’achète par l’entremise de madame Maillet 1 plat Moustier, 20.50 ; 2 flacons cristal, 31 ; 2 plats Delft, 25.

36Mercredi 16. J’achète chez Tahon : 1 joli tableau religieux fait 25 ; 1 gothique id 70 ; 3 albâtres, 100 ; 1 albâtre plus grand, 35 ; 1 plat Delft couleurs, 12 ; 1 plat italien à jour, 25 ; pour 250 francs. […]

37Jeudi 17. Départ pour Paris à 1 h. […] Dîner chez Maire. Je rencontre Govart de Dunkerque avec Auguste Fauchille qui m’engagent d’aller voir La Mascotte102 aux Bouffes. Je m’amuse beaucoup. Soirée magnifique. Promenade sur le boulevard.

38Vendredi 18. À 9 h, je vais chez Lévesque où je rencontre les amis. Déjeuner animé. Je vais ensuite au Figaro, à l’hôtel Drouot, chez Camus réclamer les 80 francs. Je rencontre Alfred Crépy et M. le docteur Guenez ( ?), boulevard des Capucins, puis du Grand Hôtel, je vais aux Mirlitons103 voir l’exposition. Départ à 6 h. […]

39Lundi 21. Dîner chez Delmer auquel j’ai refusé d’assister. Je cause au Salon avec Dépret de l’affaire Wattel de Roubaix et des scandales de Bordeaux. […]

40Jeudi 24. L’on annonce la mort de mon ancien camarade de classe Michel Ney, duc d’Elchingen, petit-fils du maréchal Ney fusillé en 1815. […]

41Vendredi 25. Toute la maison est souffrante. Les enfants toussent et Mathilde a une bronchite. J’ai du rhumatisme. Je me fais conduire en voiture fermée parce qu’il recommence à neiger.

42Samedi 26. […] J’écris à Brest, à Toulon, à Cherbourg pour avoir des échantillons des fils qui servent à coudre les voiles, parce que Dislère dit que les voiles en fils câblés sont arrachées par les fils qui servent à les coudre.

43Dimanche 27. Alphonse, le fils du jardinier, vient me demander une lettre d’introduction près du chef de musique du 27^e régiment d’artillerie à Douai. Fête en l’honneur des 80 ans de Victor Hugo, le poète national. Je vois le cortège des fenêtres du salon où je cause avec M. Le Roy, président du tribunal.

Mars

44Mardi 1^er. […] Lettre de Lévesque demandant les 320 pièces de treillis que j’ai en magasin. C’est une excellente lettre ! […]

45Mercredi 2. […] Mort de mon oncle Mimerel à 7 h du soir après une longue maladie.

46Jeudi 3. 1 000 F au Crédit. Je suis très préoccupé et très triste. Je fais une prière au bon Dieu pour qu’il me tire d’embarras. Visite Vanoye qui m’annonce qu’il est mis à la porte de chez sa mère et de son usine. Il me donne des détails qui m’intéressent vivement.

47Vendredi 4. Ma tante Édouard est à l’agonie. Je vais ce matin voir mon oncle Édouard pour lui dire ce que j’éprouve dans cette circonstance. Je dis à maman Jules de se saigner plus sérieusement. Je m’occupe de la forge du gendre de Charlotte. J’engage de prendre le bâtiment qui servait de forge dans la filature de Marcq.

48Samedi 5. Ma tante Édouard est morte hier à midi à 55 ans. Enterrement de mon oncle Mimerel. […] Mathilde a une mauvaise nuit. Je suis fort triste. Je fais venir Vanpeteghem pour lui demander s’il faut une consultation. Il engage à attendre.

49Dimanche 6. […] Je lis au Cercle les journaux et je vais ensuite à l’exposition des objets d’art que l’on vend demain. Je remarque des faïences de Douai. Les enfants vont à Marquette chez Larivière. Ils chantent de gais morceaux. […]

50Lundi 7. Enterrement de ma tante Édouard. Pluie torrentielle. Je vais à Marquette. […]

51Mardi 8. Je vais encore à la vente mais je n’achète rien. Je bouquine chez Garemin. […]

52Mercredi 9. Je vais à Marquette malgré la pluie torrentielle pour examiner l’affaire des pantalons blancs pour Toulon. […]

53Samedi 12. Je prépare mes papiers pour l’adjudication du 17 et les prix de revient. Je regarde les compositions de Julio. Elles ne sont pas brillantes. M. Focqueu104 demande 120 F par mois pour l’éducation des enfants.

54Dimanche 13. Je souhaite, ainsi que les enfants, la fête de ma femme chérie. Les enfants ont des chants français et anglais dont ils se tirent bien. Je suis très satisfait de leurs progrès. Promenade au Jardin Vauban. […]

Léonard Danel

55Lundi 14. Fête de ma chère femme. Je pars pour Paris. Départ de Lille à 1 h avec Dickson puis je rencontre à Amiens Douchy de Valenciennes avec qui je cause beaucoup de Perdrix et des amis de Valenciennes. […]

56Mardi 15. Journée superbe qui me permet de jouir un peu de Paris. Après la corvée de chez Lévesque et le déjeuner, je vais en promenade pour acheter quelques jouets, puis à l’Hôtel Drouot et à l’exposition des aquarellistes. Je rencontre les Crépy, d’abord Alfred, puis Adolphe, puis Édouard. Je rentre avec J. Danset et son cousin Narcisse ainsi que Clouard, de la Société de Pont-Rémy, le type de voyageur farceur de l’ancienne école.

57Mercredi 16. Je vais remercier Danel de m’avoir envoyé le joli tableau chromolithographique de Coquelin dans les Fourberies de Scapin. Émile Bigo me dit qu’il m’a fait nommer à la Commission du Canal du Nord avec J. Decroix, Ange Descamps, Crespel-Tilloy. J’achète à l’hôtel des commissaires priseurs, vente Ivoy, 1 bibliothèque 38 F, plus quelques lots de livres, romans et voyages par l’intermédiaire de Bonniez. Achat d’un tableau en bois sculpté et cadre italien chez Bonniez, 40 F.

58Jeudi 17. Messe de ma tante Édouard. Temps admirable. Je vais l’après-midi chez Bellet où je rencontre Boselli. J’achète une gravure de Boilly : L’Ogre les a mangés ! ! ! et une jardinière en soi-disant Douai pour 11 F. J’achète chez M^me Mailliez105 2 bras Louis XVI à 80 F semblables aux premiers

59Samedi 19. Prendre au Crédit 1 500 F pour Mathilde et pour moi.

60Lundi 21. […] Le temps redevient froid. J’envoie à Lemoine et Carton, les anciens professeurs de mes fils, un panier de vins. J’envoie à M. Jeannel, professeur à l’université catholique, mon cahier où se trouve une poésie de Coppée dont il m’avait parlé. Ernest est à Paris pour assister à la séance du Sénat. Discours Tirard sur les traités de commerce.

61Mardi 22. Il neige ce matin. Nous ne sortirons donc jamais de ce malheureux hiver ! Je reçois les pots de crème que j’ai achetés en septembre dernier à l’exposition de Bruxelles à la maison Boch-frères. J’en offre quelques uns à M^me Larivière. L’oncle Henri va partir pour Nice y passer une quinzaine de jours pour retrouver de l’appétit. […]

62Jeudi 24. Lévesque me propose une répartition que je n’accepte pas parce que Danset se trouve n’avoir que 21 000 m de prélarts.

63Vendredi 25. Lettre impertinente de Lévesque au sujet de la répartition des toiles à hamacs et autres. Je lui réponds très ferme. Séance de la Chambre de Commerce où il est question du canal du Nord. Barrois demande la convocation d’un meeting monstre. Delesalle, le président, n’est pas partisan, mais la Chambre se range à l’avis de Barrois, soutenu par Agache, Descamps et d’autres membres.

64Samedi 26. Wilson me dit que la machine à tondre coupe les lisières parce que celles-ci sont trop lâches. Wilson dit que les lisières sont très défectueuses. […]

65Lundi 28. Enterrement de M^lle Clara Béghin, la vieille sœur de L. Béghin, le brasseur. Affluence de cabaretiers et de brasseurs ainsi que des vieux célibataires et viveurs de Lille.

66Mardi 29. J’écris à Lecomte de vendre à 4 800 mes actions Banque achetées 3200 en 1871. […]

67Jeudi 31. Je vais chez papa Jules pour lui dire que Lecomte, agent de change, engage de souscrire aux obligations du Gaz Parisien qui rapporteront 5 %. Visite de Vial qui vient offrir des fils.

Avril

68Vendredi 1^er. J’écris à Lecomte de vendre mes 20 actions Banque de France. Il les vend à 4 720 F. Je les avais achetées en 1871 à 3 200. Bénéfice 1 500 F par action […]

69Samedi 2. Je vais chez papa Jules qui me dit qu’il faut verser à Dujardin le complément des 323 347 20 que désire Auguste Wallaert pour se libérer de madame Wallaert.

70Dimanche 3. Trimestre de Marquette : 5 625 x 4 (22 500). Trimestre Loyer Lille 1 500 x 4 (6 000). Ensemble : 7 125. […] Mort de Charles Vanderstraeten, mon ami, 48 ans. Il meurt subitement d’une colique néphrétique. Il était le secrétaire du Conseil général du Nord depuis plusieurs années. […]

71Mardi 5. Séance importante de la Chambre de Commerce. Canal du Nord. On réunira un congrès pour le 25 avril à Lille sous la présidence de Testelin, sénateur. Gare à St-André. Je trouve qu’elle est inutile. On devrait en faire une à Vauban. Canal de la Haute-Deûle, de la Moyenne-Deûle : rectification du parcours.

72Mercredi 6. Vente de livres. J’achète les Mémoires d’une honnête fille, Les Célébrités par Alfred Delvau.

73Jeudi 7. Vente de livres. J’achète le livre Rouge106 (5), le Répertoire en 3 langues (6 F). […]

74Mardi 12. Mathilde qui m’a souhaité la fête cette nuit, vient à Marquette avec moi pour organiser l’installation.

75Mercredi 13. Je copie au Cercle du Nord 2 poésies de Reynaud (1852), la Cassette et la Source.

76Jeudi 14. Se renseigner sur l’état sanitaire de Marquette. Nous communions aujourd’hui. Temps superbe. C’est le printemps longtemps attendu qui arrive enfin avec sa grâce et sa jeunesse.

77Vendredi 15. Papa Jules se décide à donner 100 000 F à chacun de ses enfants. […]

78Lundi 18. Nous allons à Marquette avec les enfants et nous y déjeunons. La journée est superbe. […] Dîner chez papa Jules qui nous offre à chacun 100 000 francs pour cadeau de Pâques ou de St Jules. […] Auguste Scrive, sa femme et Marie Boselli viennent le soir. […]

79Vendredi 22. Mauvais courriers aujourd’hui. Je suis très vivement tourmenté, au point d’en être spleenétique, moi généralement si gai et si confiant. Mon Dieu, donnez moi le courage de supporter les épreuves et surtout épargnez les ennuis à ceux que j’aime plus que ma vie. […]

80Dimanche 24. […] Visite au musée, à la vente des tableaux. Dîner chez maman Loyer avec les Jeannel, les Dubrulle, les Gonnet, Poupon, Gaillard, madame Julien Barrois et son fils et le colonel Souriaux107. […]

81Mardi 26. Les Gaillard vont à Marquette et je leur fais le boniment de l’usine. Je déjeune avec Mathilde à Marquette. […]

82Vendredi 29. […] Je vais faire mes adieux à mon pauvre oncle Henri qui est agonisant. […] À 9 h du soir, on vient nous annoncer la mort de notre pauvre oncle Henri Scrive qui s’est éteint à 7 h. Papa et maman Jules ont assisté à ses derniers instants. […]

Mai

83Lundi 2. Enterrement de l’oncle Henri. Beaucoup de monde malgré le temps affreux qu’il fait pendant toute la cérémonie. […]

84Mardi 3. Temps lourd. Orages. Je vais à la messe de sept heures à Wazemmes puis, je visite l’établissement de Lefebvre, tissage mécanique parfaitement monté.

85Mercredi 4. Installation à Marquette. Tout semble bien marcher. Je suis heureux de me retrouver au milieu de mon petit monde. […]

86Vendredi 6. Je vais avec Larivière au chemin de fer, gare de La Madeleine, réclamer pour le wagon envoyé par erreur à Marquette. Puis, nous allons chez Gaillet et Huet108 pour un calorifère perfectionné pour le séchoir des fils. Enfin, chez Lefebvre pour visiter son tissage qui est très bien installé. […]

87Samedi 7. Je visite l’établissement d’Édouard Scrive et je le trouve très bien monté. Gaillet vient à Marquette pour donner des conseils pour le séchoir. […]

88Dimanche 8. […] Grand dîner donné à Marquette aux Houzé pour le retour d’Ernest et Pauline. J’ai : Auguste Houzé, Henriette Houzé, Paul Houzé, Ernest, Pauline, Émile Loyer, capitaine de gendarmerie, Victor Dujardin, Louise, Victor fils, Émilie, maman Loyer. Le dîner a été très gai. Les Larivière sont venus faire visite dans l’après-midi.

89Lundi 9. Jour de fête du Pont-de-Marcq, aussi l’on arrête la fabrique à midi. Je vais à Lille le matin et j’engage Descamps à partir pour Paris afin de savoir ce qu’est au juste, l’affaire des toiles à tentes dont parle Lévesque. Temps glacial. Je passe l’après-midi avec Mathilde. Les enfants sont allés dîner à Wazemmes. Je suis ennuyé par le professeur de Marcq qui ne veut pas donner de leçons aux enfants parce qu’il a peur de ne pas bien faire l’affaire. […]

90Mercredi 11. Messe à Hellemmes pour l’oncle Henri. Je prends de la rhubarbe pour me guérir de mon rhume et de mon embarras gastrique. Descamps dit que l’affaire des tentes est peu importante. […]

91Vendredi 13. Je vais à Wazemmes voir maman Loyer et Ernest. Maman Loyer a écrit à Enghien pour retenir, une jolie villa sur les bords même du lac. […]

92Samedi 14. Messe de mon grand-oncle Bigo, ancien maire de Lille. Hélas ! Comme on est vite oublié ! À peine le quart de la famille assistait au service de ce bon oncle. […] M^me Jeannel m’envoie le plan d’une propriété magnifique à Villefranche près de Nice. 5 ha ¾ au prix de 3 F.

93Dimanche 15. […] Dîner à 2 h chez maman Jules avec les enfants. Je vais ensuite au Cercle pour lire les journaux. Les enfants et Mathilde vont faire une petite visite à Marie-Louise à Esquermes.

94Lundi 16. […] Vente de porcelaine. J’achète différents bibelots […]

95Mercredi 18. […] J’ai passé la matinée chez M. Quarré, ancien libraire, aujourd’hui bibliophile enragé. Il a de très beaux livres, surtout pour l’histoire locale. On travaille au magasin de Lille et les pavés sont amenés à Marquette. Soirée charmante avec Mathilde qui me lit les souvenirs très intéressants de M^me Jaubert sur Berruyer, Alfred de Musset et Lanfrey109.

96Jeudi 19. Adjudications doublures Brest. Adjudications hôpitaux Marine Brest. Je suis battu pour les hôpitaux par Boutry, ce vieux Juif qui a 76 ans a plus de vigueur pour les affaires que beaucoup de jeunes gens. […]

97Vendredi 20. Je vais à Lille surveiller les travaux du magasin de toiles que je désire faire bien complet pour le présent et pour l’avenir. Mathilde va s’entendre avec maman Loyer pour un logement à Enghien.

98Samedi 21. Je vais à cheval, mais la petite sotte se jette de côté au port Vauban et me lance sur la chaussée assez brusquement. L’on arrête le cheval et je remonte en selle. Je rentre sans autre accident à Marquette mais je me sens fort courbaturé et ankylosé au point de ne pouvoir marcher que fort difficilement. Mathilde me soigne admirablement et me frictionne avec de l’arnica. […]

99Dimanche 23. Bogart vient avec le nouveau cheval qu’il a ramené d’Angleterre, à ce qu’il prétend. Il me plaît et, comme il me paraît bon, je l’achète à 2 200 F et je lui vends mon vieux cheval noir que j’avais acheté il y a 13 ans et qui en a par conséquent, 18 aujourd’hui, au moins. Il me le prend pour 400 F.

100Mardi 24. Je vais avec l’américaine et les 2 chevaux chez maman Jules, au bureau, puis voir la construction d’Ernest et à Wazemmes. Le nouveau cheval va bien. Je le montre au vétérinaire Herbaux qui ne lui reproche qu’une grosseur du genou qu’il appelle un hygroma.

101Jeudi 26. Après la messe de 1^re communion à Marquette et le déjeuner, nous partons pour Lomme en landau découvert. Dîner à Lomme avec les Houzé, les Gonnet, les Jeannel, Crépy, Dujardin. On parle beaucoup du concours hippique. Belle journée.

102Vendredi 27. Je reviens de Lomme à pied jusqu’au Canteleu où je prends le car. Je m’entends avec Rogier pour faire une cave, rue du Vieux-Faubourg, sur le devant afin d’avoir toute la maison excavée.

103Samedi 28. Noce de Mariette Barrois et de Maurice Wallaert : 160personnes à table, illumination des jardins. En somme, il paraît que cette noce a été la plus belle qu’on ait vue depuis longtemps. […]

104Dimanche 29. Départ à 6 h 45 pour Caestre. Je rencontre à la gare Dujardin, Léon Motte et Ange Descamps. Les derniers nous parlent de la noce d’hier. Nous déjeunons en arrivant et nous partons pour Eecke à la grand messe et ensuite, nous allons à Steenvoorde pour visiter les 2 fermes, Folk et Degryck. Retour par la pluie à 3 h ½ au moulin que nous visitons en détail avec grand intérêt. Le temps se raccommode en soirée. Quant à Lille, il a fait un temps affreux pour la clôture du concours hippique.

105Lundi 30. […] Le chaudronnier Meunier apporte les plans des 2 chaudières neuves. Je me décide à les commander pour avoir un montage parfait et pouvoir brûler des charbons moins riches.

106Mardi 31. […] Larivière attrape une brique qui fait ricochet et qui le blesse à la cheville. On lui met des sangsues. […]

Juin

107Mercredi 1^er. Messe de papa Loyer à Wazemmes. 3^e anniversaire de sa mort, c’est à dire qu’il est mort le 1^er juin 1877 (à Paris). […]

108Jeudi 2. Dîner chez maman Jules qui est rentrée de Caestre mais sa voiture s’est brisée en route et ces chers parents ont dû revenir en chemin de fer depuis Armentières. […]

109Vendredi 3. Je vais lire les journaux au Salon, il fait le plus charmant temps que l’on puisse voir, mais les affaires sont bien nulles. Les constructions continuent à Lille et à Marquette.

110Samedi 4. Je visite la maison d’Édouard Agache, très bien installée, ancienne maison de Vanderstraeten. Je vais avec Pauline visiter la maison qu’elle bâtit et de là, à Wazemmes. Il faudra que l’on utilise l’ascenseur du crémage pour porter les fils au nouveau séchoir. […]

111Dimanche 5. Temps admirable. Messe en musique à l’église du Pont-de-Marcq, avec les enfants. Puis, je m’occupe avec Larivière et je lis la Revue de Paris, 1832. Dîner : maman Loyer, les Houzé, Ernest, Pauline, M^lle Ytasse, Victor et Louise et leurs enfants. M^lle Ytasse chante avec beaucoup de goût et fait grand plaisir. […]

112Lundi 6. Je vais à Lille. Temps affreux aujourd’hui. Mathilde arrive avec les enfants qui jouent la petite comédie qu’ils ont apprise par cœur pour la fête de maman Jules. Dîner chez maman Jules avec les Dislère, Gardel, Scrive-Bigo et ma tante Auguste.

113Mardi 7. Mathilde va chez madame de La Moussaye, femme du colonel du 19^e chasseurs pour avoir des renseignements sur un domestique. Ces renseignements sont très bons. […]

114Samedi 11. […] Nouvelle de l’admission des pantalons blancs à Toulon. J’en suis enchanté car je craignais un échec. LeBlan qui part demain pour Londres pour assister aux conférences et aux négociations du traité de commerce me fait demander le soir chez lui pour les toiles à voiles. En y allant, il m’arrive un accident de voiture. Le nouveau cheval se jette à terre et se trouve pris sous le timon. Heureusement, il ne rue pas et tout se termine bien, mais au milieu d’un rassemblement incroyable de badauds rue Nationale, en face du Progrès.

115Dimanche 12. Nous allons avec les enfants à la messe au Pont-de-Marcq, puis nous souhaitons la fête à Tony. Visite à madame Wallaert et à ma tante Auguste, puis à ma tante Émile, puis à ma tante Sophie à Hellemmes et enfin, chez les Boutry-Droulers à Fives. Dubrulle de chez Jean-Peyrusson vient relever les mesures pour un chemin de fer et d’autres travaux à Marquette.

116Lundi 13. Les ouvriers de Rogier font la noce à Lille et à Marquette. J’en suis très contrarié à cause du retard que cela va occasionner.

117Mardi 14. On met les toiles dans le nouveau magasin de Lille. […]

118Mercredi 15. Je vais faire mes adieux à maman Jules, à Émile, à Louise. Papa et maman Jules, Victor et son fils viennent dîner avec nous. Gustave et Valérie viennent nous faire leurs adieux. La soirée est superbe. Déménagement des cloisons des bureaux de Lille et installation dans le magasin en face. J’espère que cet arrangement sera très convenable.

119Jeudi 16. Nous préparons tout pour notre départ à 1 h 15 pour Enghien. Le domestique Louis Lenglet part. M. Regnard, le chef de gare, nous facilite beaucoup le départ de Lille. Temps orageux, très lourd, aussi l’orage éclate-t-il quand nous arrivons à Paris. Nous avons pu rester seuls dans notre compartiment jusqu’à Clermont. Nous arrivons en temps pour monter dans le train d’Enghien à 5 h 55 et nous trouvons à la gare maman Loyer et la voiture, malgré la pluie. La villa est délicieuse, avec une vue charmante sur le lac. C’est vraiment un séjour enchanté. Après un excellent dîner, je fais le tour du boulevard de ceinture mais j’ai une indigestion en rentrant. […]

120Vendredi 17. La nuit est orageuse et je dors peu, mais tout est si joli que je m’amuse à regarder par la fenêtre l’aspect du lac dans la nuit. […] Départ à 7 h ½ pour Paris : palais des Champs-Élysées, exposition de tableaux. Retour à 6 h. Route charmante.

121Samedi 18. Départ à 7 h 52 pour Paris. Je vais à pied chez Lévesque puis, après avoir fait les prix pour l’adjudication, je pars à pied pour faire une promenade jusqu’à l’Intendance mais, après avoir pris un bain tiède dans la rue Vivienne et déjeuné chez Véfour, chaleur étouffante. J’arrive à la séance de 3 h ½. Comme il y avait 63 lots à adjuger, j’arrive encore avant que l’on s’occupe de nous. Enfin, on dépouille nos soumissions et j’enlève les 3 lots les plus importants mais les prix en sont désastreux. J’envoie une dépêche à Descamps et je reviens à pied à la Gare du Nord, après une marche d’une heure par une pluie battante.

122Dimanche 19. Bonne nuit. Temps frais. Messe à 8 heures. Promenade charmante avec les enfants sur le lac que nous parcourons en tous sens. Après dîner, inauguration du Jardin des roses. La fête est jolie mais le temps se gâte et la pluie finit par tomber à torrents. Chacun se sauve dans le Casino. Après souper, nous allons au théâtre du Casino où nous entendons les pupazzi110 de Neuville111 qui nous amusent beaucoup, de plus des chansonnettes et de romances. Enfin, nous nous amusons beaucoup.

123Lundi 20. Visite au médecin M. Japhet qui me trouve nerveux et me conseille un traitement Il m’engage à revenir dans 2 jours. Promenade en voiture à St-Denis. Nous visitons les tombeaux de l’église et les monuments. Ils sont dans un état tout à fait moderne car les révolutions ont eu pour conséquence de détruire les anciens cénotaphes des rois et des princes.

124Mardi 21. Visite de Jules Danset qui vient me demander de me mettre à la tête du conseil d’administration de son affaire qu’il va mettre en actions pour trouver le capital qui lui est nécessaire pour continuer les affaires. Triste résultat des hâbleries et des vantardises de son père et de son oncle. Pauvres jeunes gens d’être obligés d’accepter une tâche aussi lourde. Je refuse poliment mais énergiquement de me mettre dans cette affaire qui ne m’inspire pas confiance car, s’ils n’ont pas réussi dans les bonnes années que nous avons traversées, il est impossible qu’ils réussissent aujourd’hui qu’elles sont plus difficiles. […]

125Mercredi 22. Je retourne chez le médecin qui m’ordonne inhalations, bains et douches sulfureuses. […]

126Jeudi 23. Premier bain, ou plutôt première douche. Après déjeuner, je visite avec M. Lévesque sa propriété pour maman Jules et je la loue à raison de 1 500 F par mois. Il doit s’occuper d’une écurie et remise. […]

127Vendredi 24. Je pars à 8 h 27 pour Versailles par Argenteuil, Asnières. Temps splendide. Excursion charmante. […]

128Samedi 25. Inhalations – bain – douche. J’écris à Dislère, à Descamps, à Larivière, à maman. […] Temps orageux, pluie. Je reste avec Mathilde. Nous allons voir la Papillonne de Sardou et une saynète, 2 Epaves, jouée par les auteurs Galipaux – Samson.

129Dimanche 26. Journée admirable. En allant à la messe, je rencontre Cécile Isaac, M^me Storez qui a une propriété à Enghien. Elle vient après la messe chez nous et je la reconduis chez elle avec les enfants. Après le déjeuner, nous allons au Jardin des Roses où il vient beaucoup de monde, puis M. Storez, René Tallandier fils, Candelier de Cambrai et Alphonse Isaac viennent faire une promenade en bateau. Ma tante Villain, Clara sont venues passer l’après-midi à Enghien. Après leur départ, nous allons au théâtre où l’on joue La Roussotte112. En sortant du théâtre, nous voyons la comète113.

130Lundi 27. Après avoir conduit les enfants à la séance de gymnastique, je lis les journaux. Je prends inhalations et bains. Après déjeuner, nous partons pour Montmorency avec les Storez, la jeune Corinda, maman Loyer. Nous voyons de charmants points de vue, de beaux châteaux à Montlignon, St-Brice, Ecouen, Sarcelles… Lettre de Danset demandant que je prenne des actions dans son affaire.

131Mardi 28. Temps couvert. Nous partons pour Paris à 8 h 55. Déjeuner au Grand Hôtel. Je vais avec Lévesque chez son notaire, M. Renard, pour savoir comment il pourrait se couvrir des sommes avancées à Danset. […]

132Mercredi 29. Visite aux machines de l’établissement thermal. J’écris à Larivière, à Descamps, à maman Jules. Promenade à pied sur la route de Montmorency. […]

133Jeudi 30. Un cocher vient se présenter pour maman Jules. Il me paraît bien. Je vais me promener à Montmorency par un temps charmant. Ma tante Poupon, maman Loyer et les enfants vont au Casino où a lieu une distribution de jouets et un bal d’enfants. Le soir est splendide. Je vais avec Mathilde sur le lac entendre le 2^e acte de la Fille du Tambour major au Casino.

Juillet

134Vendredi 1^er. Visite des amis Dislère par un temps admirable mais fort chaud. Nous partons pour Montmorency en landau avec les enfants. Nous faisons une ravissante promenade avec repos au rendez-vous de chasse. Dîner en plein air après avoir visité la propriété de la baronne de Montailleur. Promenade sur le lac après dîner et nous reconduisons les amis à la station. Nuit agitée à cause du champagne. Je m’endors à 5 h après avoir longtemps causé amicalement. […]

135Dimanche 3. Fête de la rosière. Temps superbe. Messe à 8 h. J’y rencontre Storez de retour de St-Omer. Au Jardin des roses, concert de 2 h ½ à 5 heures (vocal et instrumental). Illuminations superbes sur le lac. Les enfants se promènent jusqu’à dix heures.

136Lundi 4. Départ d’Enghien 7 h 07. […] Je vais dîner chez papa Jules qui a une indigestion. Il revenait de Caestre en voiture découverte et la chaleur excessive l’a rendu malade. Journée accablante de chaleur. Le thermomètre marque 58° au soleil, 32 à l’ombre. […]

137Mercredi 6. Je m’occupe de mes affaires et de l’inventaire. Dîner chez Gustave Scrive avec ses parents. Papa et maman Jules et les enfants qu’ils emmènent partent à 10 h du soir pour Enghien. Ils arrivent en bonne santé à 7 h du matin.

138Jeudi 7. Gustave vient me dire adieu. Je pars à 1 h 55 pour Paris – Enghien. J’arrive chez Dislère à 6 h ¼. J’y trouve Mathilde. Retour à Enghien à 10 h 42.

139Vendredi 8. Bain, douche et inhalation. L’après-midi est employé à une charmante promenade à Franconville, Ermont, Eaubonne, mais Théodule, en quittant la remise, brise la portière. Ernest et Pauline annoncent le mariage de Léon et de Marie Ytasse. Léon a 120 000 F de dot et Marie 10 000 auxquels le médecin Houzé ajoutera 5 000 F. […]

Paul Dislère

140Samedi 9. Je lis les journaux à l’établissement des bains. Après le déjeuner, Storez arrive avec ses enfants pour jouer avec les nôtres et il nous propose de l’accompagner dans une excursion au Camp de César. C’est un endroit charmant dans la forêt de Montmorency et nous sommes enchantés de cette promenade. Après le souper, je me promène en barquette avec Mathilde. Le temps se couvre et menace de nous amener une tempête.

141Dimanche 10. […] Je reçois l’inventaire dont le résultat dépasse mes espérances. Je serai bienheureux de toujours en avoir autant.

142Lundi 11. Inhalation, bain, douche. Nous allons faire une promenade charmante à Montmorency, Andilly, Soisy. Nous traversons de ravissants pays que nous n’avions pas encore parcourus. Je promène les enfants sur le lac. Je prolonge la promenade jusqu’à 9 h pour profiter de cette belle soirée.

143Mardi 12. Nous partons avec Julio et Émile pour St-Germain par le train de 9 h ½. Nous arrivons à 11 h ½ et nous allons déjeuner au pavillon Henri IV qui est admirablement situé et d’où la vue est splendide. Déjeuner excellent. Visite au musée historique qui intéresse vivement les enfants. Promenade en forêt en voiture. Retour par le train de 4 heures qui nous ramène à 6 heures à Enghien mais la température est écrasante.

144Mercredi 13. Séance d’inhalation, bain, douche. Temps charmant, moins chaud. Arrivée d’Ernest, de Pauline, de M^lle Ytasse. Après dîner, nous allons en canot, mais une fausse manœuvre que fait M^lle Ytasse, lui fait mettre la main entre le canot et la pierre d’abordage chez maman Jules et elle éprouve une vive douleur. […]

145Jeudi 14. Fête nationale favorisée par le plus beau temps du monde mais il fait une chaleur écrasante. Après l’inhalation, je vais chez Storez pour m’entendre avec lui sur la soirée. J’y trouve Auguste Agache, Alphonse Isaac et M. et M^me Vinit, amis des Storez. M^lle Ytasse nous fait de la musique, exquise malgré la difficulté qu’elle éprouve à faire marcher ses doigts. À 4 h, nous partons en landau pour Sannois d’où l’on voit tout Paris : coup d’œil féerique des feux d’artifice que l’on tire de différents côtés.

146Vendredi 15. […] Lettre à Descamps et à Larivière pour leur demander quelques renseignements sur les affaires. La température est si chaude que nous restons sans bouger toute la journée, mais le soir après dîner, nous faisons une ravissante promenade en canot sur le lac où M^lle Ytasse chante avec beaucoup de goût. […]

147Samedi 16. Bain, douche, inhalation. Bonnes lettres de Lille. Grande réception chez maman Loyer avec les Japhet, les Storez, les Vinit et les Dislère. Je porte un toast à M^lle Ytasse. Feu d’artifice que Dislère, Ernest vont tirer sur le lac dans l’île des Cygnes. Soirée de musique.

148Dimanche 17. Temps toujours admirable mais écrasant. Inhalation et douche. À 3 h, nous allons au Casino où l’on entend les enfants de St-Denis. Nous y rencontrons Fargeon de Boulogne. Après une jolie promenade sur l’eau, nous allons encore au Casino où il y a un très gentil concert et une pièce de comédie : Une date fatale114.

149Lundi 18. Je vais à Paris voir Normand, Lévesque et Dejouy. Je rentre à 2 h 20 après avoir déjeuné au Grand Hôtel et être revenu à pied malgré la chaleur accablante du Grand Hôtel à la Gare du Nord. Ernest, maman, Pauline, Léon et M^lle Ytasse sont aux courses d’Enghien. Soirée chez maman Jules. Promenade en bateau. Adieu à madame Coste, à Louise, aux Japhet.

150Mardi 19. Départ d’Enghien par le train de 6 h 38. Bonne maman donne 100 F à Tony pour la St Henri, 200 à Jules. Le retour à Lille s’effectue par une chaleur horrible et une poussière aveuglante, mais les enfants ne paraissent pas en souffrir. Nous rentrons à Marquette qui nous paraît plus ravissant que jamais. […]

151Mercredi 20. Je vais à Lille voir Dujardin, Auguste Houzé, prendre mes actions Ciment Desvres. Souper avec Crépy, Dujardin. La pluie a rafraîchi le temps. Je m’occupe de mes écritures de comptabilité particulière. […]

152Vendredi 22. Je vais à Lille avec Larivière pour voir l’appareil pulvérisateur de l’ami Auguste Houzé. […]

153Dimanche 24. […] Lettre de Victor fils à laquelle je réponds dans la journée. Le temps se gâte de plus en plus. C’est ennuyeux pour nous qui devons aller à Hellemmes. Ozenfant dit que Schrevere115 a exposé chez Fernandez116 le portrait de mes enfants qui est très ressemblant. Je ne sais pas ce que cela veut dire.

154Lundi 25. […] Je vais chez Schrevere et je m’aperçois qu’Ozenfant a pris les enfants Cliquennois pour les miens. […]

155Mercredi 27. Départ de La Madeleine à 6 h 45 avec 20 colis pesant 728 kilos. Le temps est incertain pendant le voyage mais en somme, pas trop mauvais. Je me retrouve avec plaisir à Boulogne. […]

156Jeudi 28. Nous allons au théâtre entendre Le Songe d’une nuit d’été et L’Étincelle117 qui sont très bien rendus. Adjudication de 95 000 bourgerons à Paris.

157Vendredi 29. Descamps m’écrit que l’adjudication d’hier a été plus désastreuse que la dernière qui a eu lieu il y a 8 jours. Il craint de n’avoir rien. Visite à La Lionne que commande l’ami Marquer que j’invite à dîner pour le soir. […]

158Samedi 30. Je prends le 1^er bain de cette année. La mer est belle et je n’éprouve aucun malaise mais j’ai bien fait de prendre des précautions car ma peau était toute rouge comme si j’avais de l’urticaire. […]

159Dimanche 31. Temps affreux. Pluie et vent. Nous allons à la messe à St-Pierre comme nous y allons depuis 15 ans, toujours heureux de nous retrouver dans notre cher Boulogne. […]

Août

160Jeudi 4. […] Temps assez froid. Je me baigne mais pas Mathilde ni les enfants. Brouillard épais le soir. Je lis avec Mathilde la Revue des 2 Mondes et le Punch.

161Vendredi 5. Le temps se remet au beau. La chaleur est délicieuse. […] Je vais visiter le port en eau profonde. Bain délicieux. J’écris à Larivière et nous partons ensuite pour Wimereux voir madame Maxton avec les enfants. Charmante femme. Il me semble qu’ils sont loin d’être aussi riches qu’on le dit. Son mari a grande confiance dans les ciments. Il croit à 8 % de dividende. Dépêche de maman Jules disant d’acheter 100 actions ou plus des Ciments Français. Grand bal au Casino. […]

162Samedi 6. J’achète pour papa Jules 130 actions Ciments Desvres et je lui écris pour lui demander s’il en veut encore 48 qui sont à vendre. […] Bal d’enfants où vont Jules et Tony.

163Dimanche 7. Temps superbe. Messe à 8 h ½. Bain excellent. Régates sur la Liane. Nous y allons en voiture et terminons notre promenade en allant à la foire. Le jardinier de Marquette, les parents de Rosalie et ceux d’Hortense viennent par le train de plaisir. Il y a beaucoup de monde à Boulogne qui nous semble fort gai. […]

164Lundi 8. Lettre exécrable de Duval qui annonce le rejet de toutes les toiles matelas et paillasse pour manque de forces J’engage Larivière à aller à Paris. Je vais acheter pour papa Jules les 48 dernières actions de Ciments Français proposées par M. de Linares. Tony a 7 ans aujourd’hui. Nous conduisons toute la maison au cirque Rancy. Brillants exercices. Mais à la sortie, il pleut à torrents. Nous avons la bonne chance d’accrocher un landau, ce qui permet aux enfants, à Mathilde et aux misses anglaises de rentrer au logis sans être saucées. […]

165Mardi 9. Tempête. Drapeau noir. Pas de bains. Dire au Crédit de faire un virement de 30 000 F du compte de J. Scrive et fils au crédit Scrive-Briansiaux. […]

166Vendredi 12. Pluie torrentielle. Est-ce la fin de notre déveine ? Que faire de nos amis si ce temps continue. Nous restons toute la journée sans bouger, sauf pour aller voir la mer montante et nous rentrons trempés. […] M. de Saint-Léger nous fait conduire au Casino pour le bal du soir, pluie torrentielle. Il y a du monde cependant au Casino, mais des Anglais burlesques dominent par le nombre ; peu de Français. […]

167Samedi 13. Après le bain, nous allons en promenade du côté de la foire avec M. et M^me Dislère.

168Dimanche 14. Messe à St-Pierre. Pluie et vent froid. Visite aux Crouy. Nous allons ensuite aux Tintelleries où il y a une fête au profit des naufragés du bateau L’Alliance. Jeux d’enfants. Peu de monde. Nous sommes obligés de partir à cause de la pluie et nous entendons 2 concerts au Casino. Le soir, nous allons aux marionnettes Holden qui sont vraiment très bien machinées. […]

169Mardi 16. Départ des pélerins pour Lourdes par le bateau Le Falcon. 300 passagers. Ils resteront 14 jours en route parce qu’ils vont au Mont St-Michel et à Notre-Dame d’Auray. Beaucoup de monde était allé sur les jetées pour assister à ce départ. Nous y avons passé l’après-midi. Après dîner, nous allons au théâtre entendre Chez une petite dame118 et Le Postillon de Longjumeau119. Nous nous amusons beaucoup.

170Mercredi 17. Bain excellent malgré le vent. Lecture de la Revue des 2 Mondes au Casino. Promenade sur les falaises mais il n’y fait pas agréable. Promenade en voiture. […]

171Jeudi 18. […] Journée assez monotone. Je vais chercher les actions Ciments Français chez M. de Linares. Il m’en propose 50 autres de Maxton. J’écris à maman Jules pour les lui proposer.

172Vendredi 19. Lettre annonçant que la commission de Cherbourg se réunira demain. Je décide de partir pour Marquette. […] Je pars à 2 h 15 pour Étaples, St-Pol, Béthune, Lens et Carvin et j’arrive à 8 h à Lille où je trouve Constant. […] Lecomte m’a acheté des actions Ciments Français à 490 F.

173Samedi 20. Je ne dors que jusqu’à 3 h. Je me lève à 5 h ¼ pour assister à l’entrée des ouvriers. Temps charmant mais frais. Je vais à Lille où je vois Dejouy qui, comme d’habitude, réclame des rabais sur une foule de genres. Je reçois une dépêche de Bonfils annonçant l’adjudication des 30 pièces pantalons. J’écris longuement à Mathilde.

174Dimanche 21. Temps affreux pendant la matinée. Messe à 7 h ½ où je suis seul. Élections pour la Chambre des députés. Masure contre Giard et Jh Bernard. Legrand contre Clouet. […] Je déjeune chez Danchin avec maman Loyer puis je retourne au Cercle lire les journaux et écrire à maman Jules et à Mathilde. […] Courses de Lille qui ont lieu malgré le mauvais temps mais qui ne paraissent pas fort brillantes.

175Lundi 22. Larivière ne revient pas. Il faut que je reste à Marquette, ce qui m’ennuie prodigieusement. […]

176Mardi 23. Larivière me rend compte de son voyage. Je lui communique la note des observations faites pendant mon séjour à Marquette. Je reçois différents mandats de la Marine, pour près de 60 000 F, au moment où je pars pour prendre le train de 10 h 18 qui arrive à Boulogne à 1 h 15. Je trouve à la gare Mathilde, Dislère et les enfants. Nous rentrons, bien heureux de nous retrouver. Je me repose près de ma chère femme jusqu’à 4 h puis nous allons voir le retour des courses de Boulogne. Grand bal au Casino où il y a beaucoup de monde. Nous voyons les St Léger, Mariage, les Haubourdin, Charvet, Panckoucke, de Montfort, Hamon, d’Hespel, de Mieulie120.

177Mercredi 24. Je vais chez M. de Linarès que je ne rencontre pas pour lui parler des Ciments que j’achète 490 F à Paris. Promenade en ville. Marée haute tout près des cabines, mais le rhume m’empêche de me baigner. Dislère rencontre le jeune Colson, auditeur au Conseil d’État, ingénieur et garçon très capable. Je l’invite à déjeuner. Nous assistons au départ des courses puis, je promène les enfants au bassin à flot. Je rencontre Fargeon qui débine l’affaire Ciments : mauvaise fabrication, frais généraux trop élevés… Je rencontre ensuite Plock, l’ingénieur en chef accompagné de M. Véron Duverger, directeur général des Chemins de fer de France, conseiller d’État. Nous causons ensemble. […] Grand bal des courses très animé. J’amène à M^lle Mariage plusieurs cavaliers.

178Jeudi 25. Continuation du mauvais temps. Les enfants vont avec moi en ville. Dislère, Colson, Agache visitent le port en eau profonde mais il pleut. […] Au théâtre, je n’ai pu avoir que des 2^es loges mais nous rions beaucoup ; on joue Fra Diavolo121 et les Projets de ma tante122. Chaleur très grande. Nous allons prendre des glaces chez Delacour dans le salon du 1^er étage.

179Vendredi 26. […] Lettre de Larivière à qui j’écris aussi. Envoi de la soumission à Brest. Je lis L’Art d’être grand-père de Victor Hugo que m’a prêté Delmer. Une dame tombe au gymnase ; je lui donne des soins. Concert splendide avec M^lle Thuiller, le ténor et Gillet violoncelliste. Linarès a acheté (pour moi) 12 actions Ciments, 480 F = 5 760. […]

180Samedi 27. Je vais chez M. de Linarès pour prendre livraison des actions achetées par son intermédiaire. Puis, je vais prendre un bain avec M^lle Mariage et les amis. J’ai lu toute l’après-midi et je me donne mal à la tête. […]

181Dimanche 28. […] Bain exquis. […] Beaucoup de monde. Beau jour de fête, c’est vraiment charmant. À 5 h, grand concert dans les jardins du Casino pour les familles des naufragés de L’Alliance123. Monde fou. À 8 h ½, bal populaire, très réussi, feu d’artifice. Les Panckoucke, de Montfort, St Léger et M^lle Léonie viennent chez nous pour voir la fête. On prend du thé et des glaces.

182Lundi 29. Bain excellent. Temps sombre. Je vais à Pont-de-Briques pour voir Huret-Lagache. Il me parle de Blanchet, des Ciments Français, du Marché linier dont il est administrateur (30 millions) et qui doit faire la banque. […] Concert au kiosque. Bal au Casino où un beau Portugais nous amuse par sa prestance à la Mirabeau et ses prétentions de poser pour le torse. Les Panckoucke ne nous quittent plus décidément. Léonie Mariage a fait leur conquête.

183Mardi 30. […] Théâtre : La Mascotte nous amuse. Elle est bien jouée. Belle chambrée !

184Mercredi 31. Départ de la famille St Léger, de M^lle Mariage et de presque tous les Lillois. Temps dur, beaucoup de vent mais la mer est excellente. […] Lecomte annonce l’achat de 26 actions Ciments Français. J’en garde 16 pour mon compte et j’en cède 10 à papa à qui il en manquera encore 3 pour en avoir 200. Je donne des ordres à Maxton pour acheter 3 actions complémentaires. J’écris à M. Milius pour le règlement de ce compte. Lecomte annonce l’achat des 3 dernières actions Ciments à 485 F, avec les frais 1456.85 que je fais payer par le Crédit du Nord.

Septembre

185Jeudi 1^er. […] Invitation de madame Maxton à déjeuner à 1 h ½. Nous partons par un temps affreux, presque une tempête. J’écris à Suchet, Descamps, à Milius, à Dislère, à maman Jules en attendant l’heure du départ, car il fait trop mauvais pour bouger de l’appartement. Maxton et sa femme nous reçoivent parfaitement ; il y avait comme convives M. et M^me Routier de Calais, ex substitut démissionnaire de l’époque des décrets. […]

186Vendredi 2. Tempête pendant toute la nuit. Adjudication à Brest 6 000 m treillis. Je me réveille avec un rhume attrapé à Wimereux. Je vais lire les journaux pendant plusieurs heures au Casino. Jamais le temps n’a été aussi mauvais qu’aujourd’hui et cependant le baromètre est assez haut. Nous allons au bal qui est assez animé. M. Crouy, Panckoucke, Poulle fils, Huret fils, de Montfort viennent causer avec nous. M. Catoire dit que l’affaire Ciments est une flouerie.

187Samedi 3. Le temps se remet un peu, mais le mal de gorge dont je souffre beaucoup m’empêche de me promener. Je vais cependant jusqu’à l’usine Ciments où j’ai un entretien très long et très intéressant avec Famchon. J’ai plus confiance dans l’avenir de l’affaire après avoir causé avec lui qui me paraît fort capable. Il produira cette année 110 000 tonnes, l’an prochain 135 000 et l’année suivante 150 000. Il m’a montré la lettre d’engagement de M. de Linarès de ne pas quitter l’affaire et celle de M. Vicat qui lui signale la visite de M. van der Zee qui voulait s’entendre avec lui pour monter une concurrence à l’affaire Ciments. Famechon dit que la réussite des autres usines est loin d’être assurée car il ne suffit pas de produire du ciment pour être admis aux adjudications. Les enfants vont au bal. […]

188Lundi 5. Le temps s’améliore beaucoup mais le rhume m’empêche de me baigner. […] Je vais voir M. de Linarès qui prétend que les vendeurs des Ciments veulent vendre à 500 F. La pluie recommence à tomber dans la soirée. Nous restons à la maison sans aller au Casino.

189Mardi 6. Pluie et vent. J’éprouve vers 6 h un grand malaise par suite d’accumulation de bile et de mucosités dans la gorge. Mathilde me prépare un gargarisme qui me dégage mais je commence à être bien ennuyé de ces malaises. J’ai peur de passer un mauvais hiver. […]

190Mercredi 7. Temps charmant. […] Je reprends mes bains de mer que je trouve exquis. Je décide que nous partions seulement mercredi prochain. Nous allons chez Huret-Lagache mais il est à Paris et sa femme est sortie. Eugène Huret nous fait les honneurs de la maison, il est très gentil. Nous rentrons à 5 h ¾ après avoir traversé Echinghen et autres charmantes localités. St-Martin. C’est la 1^re jolie promenade que nous faisons. Julio reste couché : diarrhée. Nous allons au Casino où nous rencontrons M. Le Roy, président du tribunal124 de Lille et sa fille, M^me Allart, dont le mari est en Suisse depuis 6 semaines. Panckoucke et le colonel de Montfort, les Crouy, viennent nous souhaiter le bon soir et causer avec nous. Nous rentrons à 11 h. Bonne soirée.

191Jeudi 8. Mathilde un peu fatiguée. Le temps redevient pluvieux, c’est décourageant. Cependant, Tony et moi nous nous baignons. Après déjeuner, je conduis Julio chez le pharmacien Dutertre pour demander un petit conseil à cause de la diarrhée qui ne le quitte pas. Nous comptions aller visiter le port en eau profonde, mais il fait un temps affreux pendant l’après-midi. Nous restons le soir chez nous pour nous reposer et nous nous couchons de bonne heure.

192Vendredi 9. Julio a été très malade cette nuit. Il a été 8 ou 9 fois à la selle et jusqu’au sang. Fillette, le docteur, est venu ce matin et a reconnu que c’était une dysenterie dont il espère le guérir. Cataplasmes laudanisés, lavements amidonnés (1 cuiller à café), vomitif (comme boisson du lait ou du bouillon). Je vais visiter le port en eau profonde, profitant de ce que le temps est beau (mais orageux). […]

193Samedi 10. Temps affreux qui empêche toute velléité de promenade. Julio a bien dormi. Fillette le fait purger avec un peu d’huile de ricin ; il dit qu’il ira tout à fait mieux dans la journée. Je lis les journaux de 1 h ½ à 5 h ½, puis je rentre près de Julio. Le soir, peu d’enfants au Casino. […]

194Dimanche 11. Temps abominable. Pauvres fêtes de Boulogne pour lesquelles nous sommes restés ! Quelle déception ! Julio va mieux. Nous allons à la messe à St-Nicolas à 11 h ½ par une pluie torrentielle. Nous allons faire le tour de la ville en voiture pour voir l’aspect de la fête. Tony vient avec moi sur la jetée qui est encombrée d’excursionnistes venus par les trains de plaisir mais qui sont ahuris par le froid et la pluie. Un certain nombre vont sur le vapeur Le Faidherbe arrangé pour une excursion en mer. […]

195Lundi 12. Le temps, notre grande préoccupation depuis un mois, est moins mauvais. Les fêtes seront belles et le public accouru pour la cérémonie de la statue de Frédéric Sauvage ne sera pas volé. Nous prenons notre bain à 11 h ½ et, après déjeuner, nous partons avec M. de Montfort et les Panckoucke pour Wimereux et Wimille. Je conduis les chevaux du colonel. De retour à 3 h ½, nous faisons notre visite d’adieux à la famille Crouy et à M. et M^me Poulle 5 h, foule énorme au Casino pour le grand concert populaire. Nous nous y trouvons très agréablement parce que nos places étaient retenues d’avance. Le concert dure jusqu’à 8 h ½ ! ! ! Pendant ce temps, il y avait représentation gratuite au théâtre et ensuite un banquet de 200 couverts au lycée. À 10 h, grand bal, très nombreux, très amusant. Nous causons avec les Panckoucke, de Montfort, É. Delesalle, les Crouy, Le Roy, M^me Allart, M^lle Duchochois, M^me Govaert, M^me Poulle, les Dujardin. Nous rentrons à minuit ½.

196Mardi 13. Départ de Boulogne à 12 h 20. Nous faisons nos adieux à tout le monde et nous réglons tous nos comptes. Le temps est splendide. Tout le monde est enchanté de voir cesser cette affreuse série de mauvais temps qui dure depuis 5 semaines. Je trouve Marquette en très bon état. […]

197Mercredi 14. Je pars à 8 h ½ pour Lille. Je vais voir papa Jules que je trouve malheureusement fort affaibli. Je crains que ce pauvre père ne soit désormais impotent et qu’il n’aille toujours en s’affaiblissant. […] Beaucoup de monde dans les rues. […]

198Jeudi 15. Il recommence à pleuvoir à torrents. J’écris à Dilsère. Je mets en ordre mes cahiers de valeurs. Nous allons au Palais Rameau voir l’exposition des Beaux-Arts puis à Wazemmes. […]

199Vendredi 16. Je pars pour Lille pour faire des courses avec Constant, profitant du temps admirable qu’il fait aujourd’hui. J’achète chez Tahon 2 verrières venant de chez Desmottes et un petit cadre rond pour 280 F + 20 F = 300 F. Je vais à Wazemmes voir Lefèvre puis Ernest avec qui je cause de l’agrandissement de la filature.

200Samedi 17. Je visite l’exposition des Beaux-Arts avec Edmond Agache. […] Nous apprenons le mariage de Gaston avec Émilie. Il ira habiter Cannes. Nous sommes contents de ce mariage pour Gaston ; ce sera moins mauvais que de vendre du fil et du lin à des industriels sans capitaux qui peuvent faire des mauvaises affaires.

201Dimanche 18. Il y avait trop longtemps qu’il faisait beau car le temps se remet à la pluie, juste pour notre voyage à Lomme et pour le dîner de maman Loyer. Nous allons à la messe à Lille en coupé et en phaéton et nous arrivons à Lomme à 2 h. Les Houzé, de La Couture, M^me Souriau, les Dujardin et Mertian viennent dîner et la partie est assez agréable.

202Lundi 19. Je reviens à 8 h avec Ernest Loyer pour retourner à Lomme à 3 h. Je visite l’exposition des Beaux-Arts avec De Prins […]

203Mardi 20. Je rentre de Lomme à 8 h. Je vais porter chez Casse une douzaine de serviettes et je vois son superbe établissement qui prend tous les jours un nouveau développement. Je vais l’après-midi à l’exposition des Beaux-Arts où je retrouve Mathilde et les enfants. […]

204Mercredi 21. […] Louise, Victor et leurs enfants, St Léger, sa femme et leurs enfants viennent souper avec nous. C’est une très agréable petite réunion et l’élément St Léger y apporte une variante. De temps à autre, il est bon de renouveler un peu son répertoire ; c’est ce qui manque à nos réunions de famille. […]

205Samedi 24. Avec Mathilde, nous allons à l’exposition des Beaux-Arts où nous retrouvons Louise accompagnée de madame Bellon-Lorthiois et de M. et M^me Desurmont-Lorthiois. Nous avons beaucoup de plaisir. […]

206Dimanche 25. Nous devions aller à Hellemmes mais le mauvais temps nous en a encore empêchés. Dîner chez papa Jules dont c’est aujourd’hui le 68^e anniversaire de naissance. Aussi est-il tout ému. C’est le 43^e de la naissance d’Émilie Crépy. Je porte leurs santés ainsi que celle de la fiancée de Gaston Scrive, Émilie Couderc. […]

207Lundi 26. Réception à la Société industrielle de M. Feray, ce vétéran de l’industrie, qui à 77 ans a encore plus d’énergie que beaucoup de jeunes gens de 40 ans. LeBlan, Delsalle Alfred, Delesalle Émile, Delfosse, Pierre Varin, Ch. Jonglez prennent la parole pour remercier M. Feray des services qu’il a rendus à la cause de la protection. Il y aurait beaucoup à dire sur ce sujet car la protection n’a pas empêché beaucoup d’industriels de se ruiner tandis que bon nombre d’autres se sont enrichis et sont devenus millionnaires depuis les traités de commerce. M. Feray a fait un discours remarquable bien entendu à l’unisson des autres et avec toute l’émotion qu’autorise son grand âge. Il a terminé en disant qu’il regrettait de ne pouvoir s’écrier comme le héros troyen : « Hic victor cestus artemque repono ! » car il craint que la cause de la protection soit perdue !

208Mardi 27. Madame Wallaert donne à la commune de La Madeleine une église qui, d’après Auguste Scrive, coûtera 300 000 F. Que dira le père Wallaert dans sa tombe, lui qui coupait les liards en quatre pendant sa vie, s’il apprend que ses héritiers font un pareil usage de ses millions ! Oh le bizarre retour des choses d’ici bas ! Quelle amère dérision de nos projets, de nos soucis, en un mot, de tout ce qui intéresse notre existence. À peine sommes nous couchés dans la tombe que nos héritiers font tout le contraire de ce que nous faisions ! Que dis-je ? C’est presque un point d’honneur que de nous donner un démenti et que de tomber dans l’excès contraire de celui par où nous pêchions ! Nous visitons l’exposition des Beaux-Arts avec maman Loyer pour lui donner notre avis au sujet de différents tableaux qui lui paraissent convenables pour le salon de Wazemmes. Elle achète le tableau de fleurs de M^lle Crouan (500 F).

209Mercredi 28. […] Auguste Ozenfant me fait visiter le musée De Vicq et le musée archéologique qu’il est en train de mettre en ordre. P. Decroix et sa femme viennent souper avec nous. Ils paraissent très contents de notre petite mais affectueuse réception. Arrivée de Briois comme cocher. Il paraît devoir faire un bon domestique.

210Jeudi 29. Adjudications à Brest, hamacs ; à Toulon, doublures. Mathilde et moi, nous allons à l’exposition des Beaux-Arts dont M. Lenglart nous fait les honneurs. Ernest et Pauline y sont venus dans la matinée et ont approuvé l’achat du tableau Weber pour 3 500 F. De plus, ils trouvent comme nous, que le tableau des Réfugiés d’Évariste Carpentier125 n’est pas ce qui convient pour maman Loyer. C’est un sujet très triste. Nous l’engageons à acheter le Semeur de Pluchart126 dont le prix (1 500 F) n’est pas élevé. […]

Octobre

211Dimanche 2. […] Profitant du temps admirable d’aujourd’hui, je vais en phaéton à 2 chevaux chercher Victor fils. Nous nous dirigeons vers Lomme où nous voyons maman Loyer puis, vers Pérenchies où nous faisons visite à Édouard Agache. Nous voyons ses nouvelles acquisitions de terres qui donnent à sa propriété plus de 20 hectares. C’est la plus belle propriété industrielle des environs de Lille. Il occupe 1350 ouvriers et il ne s’en tiendra pas là. Je le considère comme l’homme le plus capable du Nord sous le rapport de l’industrie. Dîner intime chez M^me Wallaert avec les Dujardin, les Paquin, Boselli et Marie, M. Crépy père et Adolphe Crépy. Papa Jules est bien fatigué. Je suis tout triste de le voir aussi affaissé. […]

212Lundi 3. Temps admirable dont je profite pour aller à Lille avec le phaéton et Briois. Je vais chercher les rentes 3 % de papa Jules qui est mieux qu’hier […]

213Mardi 4. […] Je vais avec Mathilde à l’exposition des Beaux-Arts où nous passons une heure. Visite chez ma tante Scrive-Bigo où nous rencontrons Marie-Rose Danel qui connaît particulièrement M^me Agache, séparée de son mari. Elle lui donne tous les tords, prétend que son mari était très gentil et que c’est parce qu’elle a refusé d’avoir des enfants que son mari s’est fâché. C’est une ambitieuse, sans cœur.

214Mercredi 5. Charmante réunion chez Louise avec Ernest Loyer, Pauline, maman Loyer. Nous allons ensuite au théâtre où une troupe de passage vient jouer Le Monde où l’on s’ennuie127 de Pailleron. Nous nous amusons beaucoup. La chambrée est superbe et la pièce amusante. Ce n’est pas la grande comédie de mœurs de Molière mais c’est un tableau piquant des travers modernes. L’auteur est aimable et spirituel et l’on passe agréablement les heures dans sa compagnie, mais ses personnages sont faits « de chic », ils n’existent pas dans la réalité. […]

215Jeudi 6. 36 obligations Gaz parisien, faire le versement complémentaire, 20 avril. Du 6 au 20 octobre, 250 F à payer. Il y a à recevoir l’intérêt de ces obligations. […]

216Vendredi 7. Courses à Lille avec Constant. J’achète à la vente de Smet une histoire de l’imprimerie assez curieuse (5.50), 1 livre de méditation à l’usage des jeunes gens (1.50). J’écris à Lévesque, Merten ( ?), Heuzé, Suchet au sujet d’une petite commande de toiles à voiles. […]

217Lundi 10. Nous allons à Lille avec Dislère qui visite la fabrique de St-Léger, rue des Tours. Nous allons l’après-midi à l’exposition des Beaux-Arts. Je rentre pour le conseil municipal de Marquette à 4 h et je cause dans le tramway avec madame Auguste Mille. Dîner chez St-Léger avec les Édouard Longhaye, les St Léger-Allègre, Paul Deledicque, madame Mariage, Léonie Renault et les Émile LeBlan. Je suis à côté de Juliette Longhaye, mon amie d’enfance et je m’amuse beaucoup car elle est fort intelligente.

218Mardi 11. Dislère vient à Lille avec moi. Puis, après le déjeuner, nous allons chez papa et maman Jules et chez Louise. Départ des amis Dislère à 4 h. Je rentre à Marquette avec Mathilde et nous passons une soirée délicieuse en lisant ensemble Serge Panine, un charmant roman d’un nouvel auteur George Ohnet.

219Mercredi 12. Mauvaise journée. Duval arrive pour annoncer que la commission des hôpitaux est tellement surexcitée par l’intendant Simon qu’on refuse toutes nos pièces de toiles à draps et qu’il faut ne pas essayer de les représenter mais qu’il faut recommencer immédiatement la fabrication ! C’est une perte de 15 à 20 000 francs.

220Jeudi 13. Réunion chez M^lle Lefebvre, sœur du général des dames de l’Association des secours aux blessés. Maman Loyer vient chez maman Jules pour voir Mathilde et s’entendre avec elle pour envoyer Désiré Bigo (le valet de chambre) se placer à l’Institut industriel. Mais je doute qu’il fasse l’affaire, attendu qu’il doit y avoir beaucoup d’ouvrage et que Désiré n’aime pas le travail. J’ai à m’occuper toute l’après-midi de protêts et de procès. D’abord je vais chez l’huissier Flipo chercher le dossier de Jouveneaux et le porter à M. Houzé puis, je m’occupe de Marrou (de Paris) avec M. Houzé et enfin, de la faillite Mouquet-Dubois avec Ruffelet, syndic de cette faillite. Si j’avais souvent des journées comme celles d’hier et d’aujourd’hui, je fuirais volontiers l’industrie pour conserver ce que j’ai gagné, mais ce serait trop de bonheur : nemo omni parte beatus ! Il faut se consoler et reconnaître encore la bonté de Dieu envers nous.

221Vendredi 14. Je vais à Lille acheter des livres et des romans. On s’occupe du remplacement des toiles chez Lévesque et je vais chez Delobelle et chez Deflandre pour m’entendre avec ces messieurs pour blanchir et teindre en bleu les pièces rejetées. La grande affaire, c’est d’enlever le lito bleu qui traverse la pièce. Si ce lito peut s’enlever (comme il est faux teint, j’espère qu’il partira), nous pourrons vendre ces pièces. […]

222Samedi 15. La pièce blanchie par Delobelle rentre et je la trouve bien. J’espère me débarrasser de cette lèpre de rejets en les faisant blanchir. […]

223Dimanche 16. Temps charmant. Je vais à Lille voir le nouveau local du Cercle du Nord sur la place. C’est très joli et je crois que le nombre des sociétaires augmentera. De là, je vais au Salon où Mathilde vient me chercher pour aller au bureau de ventes et à la loterie Petit-Wery. […] Départ de Désiré qui entre en service demain chez Ladureau.

224Lundi 17. […] Lettre de M. Jeannel qui m’engage beaucoup à acheter une propriété à Villefranche.

225Mardi 18. […] Dîner à Lomme. Raccroc de noce de Desmottes, le jeune notaire qui a épousé M^lle Théry. Tous les Houzé au complet, bien que maman Léon n’y fût pas. C’était son repas de noces mais elle doit garder la chaise longue. Le jeune ménage Desmottes est très gentil et le mari, bon musicien, paraît aimer sa femme. 34 personnes à table, un peu genre de dîner de table d’hôte. La musique de Lomme vient jouer dans le parc et surtout boire le vin de maman Loyer. En somme, c’est une réunion assez réussie. Nous causons tard avec Mathilde. […]

226Jeudi 20. Je vais donc chez papa Jules et l’on me parle de l’affaire Delattre de Roubaix. Ils doivent 1 million à Julien Lagache et 600 000 F à Masquelier. Triste retour des choses d’ici-bas ! P. Decroix me dit que la banque met l’escompte à 5 %. […]

227Vendredi 21. Encore une mauvaise lettre de Lévêque annonçant le rejet de 38 pièces de toile à tentes. Commissions très rigoureuses. Les affaires vont mal. Je suis dans une mauvaise veine. […] Séance de la Chambre de Commerce : peu intéressante. Il est surtout question des réclamations à faire au ministre des Postes et Télégraphes pour les irrégularités du service dans la distribution des lettres et dépêches. Soirée charmante avec ma petite femme.

228Samedi 22. Je vais chez M. Houzé pour l’affaire Jouveneaux. […] Lévêque envoie le compte des doublures et tentes du 2^e semestre. Je pars à l’Hôtel de l’Europe pour voir si Heuzé est encore à Lille. On remonte la grille d’entrée et l’on termine les travaux aux nouvelles chaudières et au chemin de fer de la cour. Soirée chez Auguste Wallaert pour le raccroc de noce de Maurice Wallaert, son neveu avec Mariette Barrois. Appartement superbe, luxe de bon aloi qui donne bonne idée de la fortune des « Princes de l’industrie ».

229Dimanche 23. Journée agréable malgré la pluie car je l’emploie à lire plusieurs numéros de la Nouvelle Revue. Articles de Ernest Daudet sur son frère Alphonse Daudet, l’auteur à la mode. Dîner chez papa Jules avec les oncles Auguste, Scrive-Bigo, papa Crépy, Adolphe… […]

230Mercredi 26. Je vais à l’enterrement de la mère de Lhomme. Représentation du Gendre de M. Poirier par les sociétaires de la Comédie française pour la caisse de la Société typographique. Chambrée admirable. Nous avons la loge du maire, au milieu de la salle, avec M. et M^me De Bure, M. et M^me Desjardin de Warenghien. Je n’ai jamais entendu d’acteurs plus remarquables, surtout Got dans le rôle du père Poirier et Delaunay dans celui du marquis de Presle. C’est la perfection. […]

231Jeudi 27. Vente de faïences au Bureau de ventes où j’achète un vase en Douai 26 F par l’intermédiaire de Tahon et une aiguière en Vieux Lille à 56 F par l’intermédiaire de Bonnier. […]

232Vendredi 28. Je vais trouver Milius pour lui annoncer que papa Jules va verser 350 000 Francs (remboursement du prêt fait à Auguste Wallaert). Il consent à donner un intérêt de 5 %. […]

233Dimanche 30. Temps charmant. Dîner chez ma tante Émile avec les Crespel et Descamps-Crespel, M. et M^me Auguste Scrive. […] On met en train les nouvelles chaudières auxquelles on travaille depuis si longtemps. […]

Novembre

234Mardi 1^er. Grand messe à l’église de Pont-de-Marcq. La musique du tissage y fait merveille. En ce qui me concerne, j’ai horreur de la musique de grosse caisse dans une église et de voir tous les embarras que font les musiciens. C’est faire descendre Dieu au rang de maire de village à qui l’on donne une sérénade après un concours agricole. Dîner chez Auguste Scrive avec les Émile, le père Crépy, Adolphe Crépy, madame de Montbrun, le général Lefebvre commandant le corps d’armée. Nous nous amusons bien. Adolphe parle de la guerre de 1870. Dans l’après-midi, nous avions été au cimetière faire une petite visite à nos morts chéris. […]

235Mercredi 2. […] Je vais chez le menuisier Bulkens pour m’entendre avec lui au sujet des meubles que j’ai achetés et en faire des vitrines à bibelots. Descamps m’apporte à 8 h ½ du soir la dépêche de Lévesque annonçant l’admission de cent pièces de toiles à bandes. Nous lui enverrons demain le solde. […]

236Vendredi 4. Je suis adjudicataire à Bordeaux mais je n’ai rien à l’Assistance. Mahieu prend le directeur de Villard ; il lui donne 20 000 francs par an plus 100 000 Francs de dédit s’il le renvoie avant la fin de son engagement. […]

237Lundi 7. Je vais à Douai recommander Victor Dujardin à son examinateur M. Angellier, par l’intermédiaire de Poulle, conseiller à la cour. Voyage agréable avec Auguste Scrive-Humbert, M. et M^me Fauchille-Blondeau. Le fils Fauchille est à Arcueil et la mère est enchantée de cette pension. […]

238Mardi 8. Payé ce jour à Leleu, libraire, sa note (Magasin pittoresque et autres volumes achetés à la vente Smet 154 F 80). Visite d’un S^r Bernard, 31 Bd Magenta à Paris, qui se présente pour être mon représentant à Paris. Il me parle de ses cousins Salmon qui ont liquidé leur affaire de la rue du Sentier et qui ont payé 9 millions sur la place d’Armentières. Alfred Salmon monte une maison 52 rue Faubourg Poissonnière. Il croit qu’il aura le dépôt de la Linière de Marcq dont son associé Goujon est administrateur. Les 3 bureaux (Salmon, Goujon, la Linière) sont dans le même local. Bernard a perdu 50 000 F chez Lesage-Bironneau où L. Danset l’avait fait entrer. Il n’avait pas vérifié où en était le capital social quand il est entré dans cette boîte, aussi a-t-il perdu l’argent qu’il avait gagné chez ses cousins Salmon pendant une quinzaine d’années. Il me parle beaucoup de Villard qui fait 8 000 000 d’affaires. […]

239Jeudi 10. Je paie Tahon et j’achète un huilier Douai avec burettes pour Dislère. […] Je vais voir Agache qui me parle de son invention du lin – soie dont il se félicite beaucoup. […]. Dîner chez papa Jules avec maman Loyer, ma tante Henri, M^me Fauchille-Prévost, M^me Prévost, les Crépy sauf Alfred et les Dujardin.

240Vendredi 11. Je vais voir papa Jules qui était souffrant hier soir, je le trouve mieux. Je reçois pour papa Jules 38 actions Crédit à 6 F = 198 ; 1 reçu Société Générale, 498.65 = 696.65.

241Samedi 12. Danset me dit qu’il peut empêcher les clairières en bougeant les excentriques ; de cette façon on supprime tout à fait cette défectuosité qui est une cause de rejet dans les toiles à voiles en fils retors. Je fabrique par avance des n^o 2, 3, 4 fils retors. Il compte fabriquer à 13 F % m de façon des toiles à sacs pour le service des subsistances. Cauvin le fournisseur est très embarrassé de faire ces toiles.

242Dimanche 13. Henri De Wauthier refuse les toiles bleues fournies par Druez. Il ne manquait plus que cet ennui à ajouter à tous ceux qui nous arrivent. Descamps se plaint des affaires et apporte des types de ce qui se fait. Duval a perdu son petit garçon. Messe à 11 h ½ à Wazemmes. Sermon du curé sur le sacrilège. C’est un bon orateur mais je n’aime pas son type ; il me paraît plutôt un rhéteur qu’un prêtre. […]

243Lundi 14. Dîner chez Delemer, 50 personnes. Je suis entre M^me Jules Lenglart et M^me Auguste Lenglart. Charmante réunion. Toasts éloquents, chaleureux de Delmer et d’Hié. Je regrette de n’avoir pas la présence d’esprit nécessaire pour pouvoir à mon tour remercier Delemer au nom « des amis », de son aimable réception. Après le dîner, soirée de musique où nous entendons Jacobs, Schiller, Koszul. […]

244Jeudi 15. […] Je vais à Marquette avec Mathilde, il fait un temps superbe. Séance du conseil municipal. Vote de fonds pour le pavage du chemin St-Roch, ce qui sera pour nous fort utile.

245Vendredi 18. […] Séance à la Chambre de Commerce. Schoutteten lit un rapport très bien fait sur la loi réglant le travail des enfants et des femmes dans les manufactures et le limitant à onze heures. É. Delesalle propose de faire une nouvelle gare de voyageurs à St-André. […]

246Dimanche 20. Messe avec les enfants à St-Étienne après avoir été au Salon et au Cercle lire les revues et journaux. Ernest envoie différentes tapisseries provenant du devant d’autel de la chapelle d’un château. Elles sont admirables de délicatesse et d’harmonie. J’offre 500 F pour une portière en soie brodée avec un médaillon central représentant la figure de N. S. Jésus Christ. […]

247Lundi 21. […] Séance à la Chambre de Commerce pour la rédaction d’une protestation contre les traités de commerce avec la Belgique et l’Italie. Schoutteten, Agache, Delsalle, LeBlan et moi. Je suis très content d’avoir assisté à cette séance au lieu de fuir cette corvée et je n’ai pas fait plus mauvaise figure que les autres. […]

248Mercredi 23. Réunion orageuse du Comité du lin parce que les Armentiérois sont furieux contre les filatures qui ne veulent pas réclamer contre les nouveaux traités de commerce qui lèsent leurs intérêts. […]

249Dimanche 27. Tempête la nuit. Pluie torrentielle pendant la matinée. Je vais néanmoins à Lille. Je lis les journaux au Salon. Messe de Ste Cécile à St-Maurice. Dîner chez madame Gonnet avec les Descamps-Groulois, de La Couture. Je suis près de Lucie de Negri qui est charmante et fort instruite.

250Lundi 28. Dîner chez M. Houzé de l’Aulnoit avec les Deschodt, Léon Houzé est souffrant pendant le dîner. Charmant concert ; en somme, je m’amuse. […]

Décembre

251Samedi 3. Je paie à Bonnier 20 F pour les 2 tableaux de la destruction de Ninive et de Babylone. St Nicolas superbe pour les enfants chez bonne maman Loyer. […] La brodeuse « de Ste Cécile » prétend qu’il faut transporter sur une autre étoffe la superbe broderie destinée à faire une portière au salon. Départ de Larivière pour Paris pour arranger nos affaires en litige.

252Dimanche 4. […] Dépêche de Larivière demandant des renseignements précis sur Potel qu’on désire faire sauter de son poste de vérificateur. J’envoie Descamps au Propagateur et chez M Gand, ex juge d’instruction. […]

253Mercredi 7. Retour de Larivière qui est fort mécontent de son voyage à Paris. L’expert Potel est de plus en plus malveillant […]

254Jeudi 8. Danchin me donne le Progrès du Nord du 22 juin 1871 donnant le compte-rendu de l’affaire Potel/marchés de la Guerre, chaussures en carton ; mais il en ressort clairement que ce brave homme n’a rien fait de répréhensible. […]

255Dimanche 11. Visite des bibelots au bureau des ventes. Lettre Lévesque au sujet de Potel. Je lui réponds que je ne veux plus faire de tentes pour lui. […]

256Lundi 12. Départ de Lille à 1 h 15. Route fort agréable avec Dépret qui cause tout le temps et qui nous amuse. Chambre très belle au 3^e étage sur la place de l’Opéra mais on demande 24 francs par jour, ce qui est salé. Mancel vient nous trouver et nous allons ensemble dîner chez Peters. Nous y rencontrons Sauvage et sa jeune femme Van Lockeren : ils paraissent ne pas se douter de la mauvaise affaire de Roubaix qui leur enlève toute leur fortune au commencement de leur ménage.

257Mardi 13. Par le plus beau temps du monde, je vais me mettre en course, commençant par Lecomte, agent de change. Il engage à faire des reports qui rapportent 6 % et à acheter des Panama. Nous allons après déjeuner, Mathilde avec madame Dislère fait des acahats, et moi à l’hôtel Drouot voir les bijoux de madame Blanc. À 5 h, je rentre et nous allons dîner chez Bonnefoy. […] Aux Nouveautés parisiennes, nous allons voir l’opérette de Lecoq « Le jour et la nuit » qui nous amuse beaucoup. La soirée est délicieuse.

258Mercredi 14. […] Je me promène jusqu’au Palais royal après avoir répondu à Lefebvre de Boulogne que je ne pouvais pas lui prêter 6 000 francs. Nous déjeunons avec l’oncle Auguste Scrive et nous allons ensuite nous distraire dans les boutiques de marchands de bric à brac. Vente à l’Hôtel Drouot des bijoux de madame Blanc (de Monaco) et d’autres curiosités. […] Grand dîner chez Dislère. […]

259Jeudi 15. Visite à 9 h chez Lévesque. Doublures refusées ou plutôt mises à réparer. Déjeuner après la séance des fabricants de toile à voile. […] Ce déjeuner « mémorable » dure depuis 11 h ½ jusqu’à 3 h ½. J’en sors épuisé, assommé et après avoir fait une petite promenade, je rentre à l’hôtel. J’écris à Larivière. Visite des Panckoucke. Nous allons dîner à la Taverne anglaise chez Lucas et ensuite nous allons au théâtre où l’on joue Odette de Sardou. Nous nous trouvons très bien mais la pièce est surfaite.

260Vendredi 16. […] Visite de Suzanne. […] M et madame Dislère viennent avec nous au Lyon d’or où je trouve l’ami Viellard. Je l’invite à déjeuner pour demain. Nous allons enuite voir la Grande Revue aux Variétés. C’est d’une stupidité ! […]

261Dimanche 18. […] Déjeuner chez Storez qui nous reçoivent de la façon la plus charmante, puis nous causons une partie de l’après-midi. […] Dîner chez M^me Marchand où nous allons à pied. […] Nous allons à pied au théâtre du Châtelet où l’on joue une féérie admirable mais stupide Les mille et une nuits128. J’y rencontre Frédéric d’Hespel et sa famille.

262Lundi 19. […] Nous allons promener du côté de l’avenue de Villars et nous partons à 6 h 10. Nous prenons un coupé qui nous isole de la foule des voyageurs et nous trouvons nos enfants en bonne santé. […]

263Mercredi 21. Je vois dans le Petit Nord que notre ami Dislère est nommé conseiller d’État. Je m’empresse de lui envoyer une dépêche. Je lui écris et je lui envoie la Marine 3 vol. de l’encyclopédie édités à la fin du siècle dernier chez Panckoucke, sur le plan de l’encyclopédie de Diderot et D’Alembert. […]

264Vendredi 23. Séance très intéressante à la Chambre de Commerce. M. Mongy vient présenter les plans de la nouvelle gare qu’il s’agirait de reporter au-delà des fortifications. Il faudrait faire une gare de passage au lieu d’une gare terminus. Delesalle, président de la Chambre, est très opposé à ce projet parce qu’il trouve que Lille ancien sera sacrifié au profit de Fives et des banlieues.

265Mercredi 28. […] Lucien, domestique de maman Jules, a mis ses économies (4 000 F) chez un nommé Dufils, banquier rue Esquermoise, qui vient de prendre la fuite. Je commence mon 1^er rhume de cerveau de la saison. Je reste à Wazemmes où je me régale d’une après-midi de lecture.