Janvier

1Jeudi 1^er. Je n’ai jamais commencé l’année sous de meilleurs auspices puisque j’ai obtenu aux adjudications de la Guerre des lots importants de doublures et de tentes, de draps de lit, de matelas. J’espère que le Bon Dieu protègera ma petite famille comme il l’a fait jusqu’à ce jour et que cette année sera la continuation du bonheur dont nous avons joui jusqu’à présent.

2Vendredi 2. Temps superbe. Je vais à Marquette en voiture phaéton. Vente Renaudin où j’achète quelques livres par l’intermédiaire de Leleu […].

3Dimanche 4. Je vais à Marquette pour l’inventaire. Dîner chez maman Loyer avec les Houzé, Gonnet, Dubrulle, Henri Scrive et le ménage Jeannel, professeur45 à l’Université catholique. M. Jeannel récite La Marchande de journaux et le Canon de Coppée, il nous intéresse beaucoup. […]

4Mercredi 7. Je vais à cheval à Marquette. Temps glacial, brume désagréable. Puis, je vais au Cercle me délecter avec madame de Sévigné, la grande édition Hachette de M. Monmerqué46. […]

5Vendredi 9. Je vais à cheval à Marquette. Le temps est moins mauvais que mercredi et Stella galope joyeusement sur les chemins de terre.

6Samedi 10. Dîner chez Georges, jeunes ménages. […] Après le dîner, il y a eu un bal auquel assistait Dutilleul, maire de Lille et les Bernard, c’est à dire un mélange de gens d’opinions politiques et religieuses entièrement opposées.

7Dimanche 11. Temps admirable, sec mais froid. Je fais seller Stella et je me promène de 9 h à 11 h ½ du côté d’Haubourdin et du canal. […] Visites du nouvel an chez Boutry à Fives, chez les Barrois, Casse, Verstraete. Dîner chez madame Gonnet avec sa famille et les Groulois. […]

8Jeudi 15. […] Invitation de Delmer – Lenglart pour dîner le mardi gras en travesti. Je me décide pour un costume de Robinson et pour Mathilde en femme de Robinson. […]

9Dimanche 18. Je vais au Salon lire les journaux et causer avec Montigny et Allègre. Messe à midi à St Maurice. Messe officielle pour la rentrée des chambres. Dîner chez maman Jules […].

10Lundi 19. Froid excessif, encore 17 à 18°. Je vais à Valenciennes avec M. Baudet pour la vente des faïences et des porcelaines du docteur Legral. Superbe collection, bien complète de toutes les céramiques de France. Les plus belles pièces avaient été exposées en 1878 au Palais du Trocadéro. Le musée de Valenciennes est de toute beauté. Superbe triptyque de Rubens. Le soir, nous allons au bal chez mon oncle Henri. Charmante réunion où nous restons jusqu’à 2 h.

11Mardi 20. […] J’apprends par cœur différentes pièces de vers pour nos réunions : Le chêne et le roseau47, Le matin lorsque je te quitte, L’aquarium48, Les 2 cortèges49, La levrette50, Le vase brisé51. […]

12Dimanche 25. Enrhumé fortement, je reste au lit une partie de la journée, presque jusqu’à l’heure du dîner que je donne aux Émile, aux Henri, à Auguste Scrive, Dujardin Armand, aux Scrive – Bigo ; en tout 24 convives. Tout est parfait grâce à la bonne organisation que Mathilde sait donner à tout cela. Quel bonheur d’avoir une aussi charmante petite femme. Émile parle de la liquidation des Danset Louis et Achille qui seront ruinés.

13Lundi 26. Je pars pour Paris avec Deblock et Vial. Ce dernier est un vigoureux gaillard dont j’envie la bonne santé et la belle humeur. […] Théâtre du Gymnase : Le Fils de Coralie52. Je m’attendais à mieux que cela. […]

14Jeudi 29. Je suis effroyablement enrhumé et fatigué. Charmant dîner chez Roussel. Je suis à côté de M. Boyer – Chammart et de madame Paul Delmer. Après dîner, séance de prestidigitation de Albert de Caede. L’affaire de L. Danset est sur la langue de tout le monde.

15Samedi 31. Je reste à la maison tellement je suis enrhumé. Je reçois l’avis de la faillite Daillier – Van Merris. Je m’occupe de rédiger pour Ernest dans Le Petit Wazemmois, journal qu’il distribuera chez lui, le dimanche gras. […]

Février

16Lundi 2. […] le soir, je vais chez Ernest où l’on répète la Symphonie burlesque et Caracalla pour dimanche. […]

17Mercredi 4. Je vais essayer les costumes pour mardi. Je crains que le mien soit bien chaud. […] Duplay accepte de me céder 2 lots de toile à doublures et à tentes du marché de la Guerre. […]

18Dimanche 8. Affreux temps. Dégel humide et froid. Je m’occupe toute la journée de faire des vers pour la fête que donnera ce soir Ernest. Le Petit Wazemmois, Caracalla, Symphonie burlesque. Je me déguise en shah de Perse, en Robinson Crusoë. Ed. Plaideau en Américain excentrique. Ernest Loyer en vieux général. Albert Plaideau en vieille laitière. Rollez en marquis. Georges Scrive en Anglais. Ch. Delesalle en vieux savant allemand. Albert Scrive en jocrisse.

19Lundi 9. Je m’occupe d’arranger les toasts et le boniment que je dois prononcer demain soit comme Robinson, soit comme marchand du journal Le Petit Wazemmois.

20Mardi 10. Temps splendide. Fête de mardi gras. Je me déguise en Robinson Crusoë avec ma petite famille. Charmant accueil chez Delmer, déguisé en Gambrinus, Lenglart en diplomate, Salomé en prince indien, de Salleles en Faust, Georges en mi-partie, bonne d’enfant et sapeur. Je porte un toast qui a le plus grand succès et Delmer répond par une tirade de 400 vers au moins. À 10 h ½, chez Louise, je fais une entrée triomphale. Je suis travesti en marchand de journaux. Je débite un boniment très réussi.

21Mercredi 11. Je vais à Marquette à 9 h mais j’ai mal à la tête. Je rentre à midi et je m’occupe des invitations que je dois faire pour la mi-carême. […]

22Samedi 14. Je vais à Douai à la vente de M. Minard, conseiller à la Cour qui avait une belle bibliothèque. Je fais route avec l’abbé Carnel, aumônier de l’hôpital militaire, de l’abbé Dennel doyen de St-André qui vient d’être nommé évêque de Beauvais, Bergerot, Salomé le peintre, Houzé père. Visite du beau musée de Douai avec Lemonier fils ; très intéressante après-midi. […]

Famille Scrive déguisée en « sauvage »

23Dimanche 15. […] De tous côtés on nous envoie des acceptations pour notre fête de mi-carême. Le mariage de Groulois avec M^lle Verley – Faure est rompu pour cause d’incompatibilité d’humeur entre les 2 familles. Dîner chez maman Jules avec les Édouard et les Henri. En outre, il y a le jeune ménage Cousin – Renault et le jeune Himbert, petit-fils de M. Dollfuss de Mulhouse. Charmant garçon. Je lis Nana, nouveau roman de Zola. C’est infect, écœurant.

24Lundi 16. Arrivée des amis Dislère à qui nous faisons voir nos costumes de Robinson et à qui nous disons toutes nos sottises pour la mi-carême. Je vais après dîner à pied avec Dislère chez mon oncle Henri pour entendre la 1^re répétition des chœurs que l’on doit chanter lundi prochain. M. de Salelles les conduit admirablement. […]

25Vendredi 20. P. Decroix et Plaideau viennent pour s’entendre avec nous sur le programme du 7 mars. Je fais goûter des bananes que l’ami Dislère vient de m’envoyer. […]

26Samedi 21. Je m’occupe des couronnes et des plumes pour les domestiques pour le 7 mars. […] Je visite l’hôtel de Potteau d’Hancardrie qui vient de mourir en laissant 11 millions de fortune. Ce vieux ladre vivait dans la crasse et se privait de tout. Beaux livres. Le soir, à l’hippodrome lillois, fête musicale donnée au profit des pauvres par l’Union chorale et l’orchestre de Martin. On joue Ève de Massenet, oratorio.

27Dimanche 22. Temps affreux. Je vais aux Dominicaines où le père Farges prêche un très beau sermon. Mathilde va chez l’oncle Henri pour la répétition de musique des chœurs qui seront chantés demain. Nous allons au théâtre où l’on joue La Fille du tambour major53. Nous rions beaucoup.

28Lundi 23. […] Admirable soirée de musique chez l’oncle Henri. Les chœurs ont été bien chantés. Les chanteurs Pascalin, Charpentier, Caullier étaient excellents. Le V^te de Salleles a très conduit les chœurs et joue admirablement du piano. Nous rentrons à 1 h ½ du matin.

29Mardi 24. […] Danset vient me remercier de consentir à lui prêter 50 000 F. […] Dimanche 29. […] Promenade avec les enfants à l’aléthoscope54 Ponti : vues de Venise. Dîner chez maman Loyer avec les La Couture, Houzé, Georges, Nelly, Dujardin l’aveugle et Dujardin – Scrive. […]

Mars

30Vendredi 5. Je suis très occupé chez moi pour la fête de demain.

31Dimanche 7. […] Grand dîner de Robinson à ses amis, A. Plaideau, 3 Decroix, Ch. Delesalle, Sonck, Delmer, Georges Scrive, Dujardin. Dîner sauvage. Fête sauvage. Vers et toasts de circonstance. Ambassade du roi de Siam. Conférence Le wazemographe de Desjardin – Verkinder. Caracalla. L’enlèvement de Déjanire.

32Mardi 9. Nous allons tous nous faire photographier chez Baudelaire, en Robinson. […]

33Vendredi 12. Lettre très amusante de l’ami Huret – Lagache à qui je réponds.

34Dimanche 14. Bonne promenade à cheval ; puis à pied après la messe avec ma femme et mes enfants. Temps admirable. Visite de nos invités pendant toute l’après-midi, y compris Crépy ! ! Dîner chez papa Jules avec les Boselli et l’archevêque de Beauvais ; puis grande soirée de musique chez les Armand Dujardin. On joue les Rêves de Marguerite55 et cette fête se prolonge jusqu’à deux heures du matin. […]

35Mardi 16. Temps superbe. Je vais à cheval à Marquette. Je m’occupe avec Rogier56 de la construction de Marquette, d’une salle au-dessus de la salle de jeux. […]

36Jeudi 18. Je vais à cheval à Marquette. Les enfants y passent la journée. Ordre à Rogier de commencer mardi la construction à Marquette. Dîner chez maman Jules avec Louise et Victor. […]

37Dimanche 21. Charmante excursion à Tournai. Départ à 9 h 20 avec Vanpeteghem. La gare nouvelle de Tournai est admirable. Nous visitons Bossut qui nous invite à dîner à 2 h et qui nous pilote dans toute la ville. Nous voyons les monuments et les antiquaires. […]

38Mercredi 24. Les maçons commencent le travail à la maison. […]

39Dimanche 28. Je reçois de Michel l’avis que mes toiles sont classées 1^res après l’essai en mer. Je m’empresse d’écrire cette bonne nouvelle à l’ami Dislère.

Avril

40Jeudi 1^er. Départ à 6 h 40 du matin pour Paris avec les enfants. Dans le même train, se trouvent Louis Bigo et sa femme. Nous allons déjeuner chez Lucas, à la Taverne Anglaise, rue Boissy d’Anglas, puis nous allons promener et je rencontre Laure Mimerel. Je rentre pour écrire à maman Jules. Après dîner, je vais à la conférence L. Simonin sur le professeur Nordenskjöld57, le héros du jour, qui a découvert le passage du nord-est entre la Nouvelle-Zemble et la mer de Kara, au nord du Japon.

41Vendredi 2. Commandé à Franken, carrossier, 1 phaéton neuf contre 2 phaétons vieux et 800 F de retour ; 1 coupé neuf 4 places, 5 glaces contre Clarence, le vieux coupé et 1900 F de retour. Garnitures au choix et peintures. Société de Géographie, 184 Bd St Germain ; secrétaire, M. Maunoir à qui je demande un billet pour la réception du professeur Nordenskjöld. Je vais assister à cette séance au Caveau des Champs - Élysées et je m’y intéresse beaucoup. Le jeune prince de Suède que j’avais déjà vu à la distribution des récompenses en 1878 (exposition universelle) est venu tout exprès pour cette cérémonie. L’amiral Laroncière Le Noury58 présidait la séance. Nordenskjöld était accompagné du capitaine Palander qui conduisait la Véga et ses marins.

42Samedi 3. […] Je conduis les enfants à 2 h chez Robert Houdin où ils ont beaucoup de plaisir. Les tours ingénieux de cet habile physicien les amusent infiniment. Revue de l’année à l’Athénée Comique : Bric à Brac59.

43Dimanche 4. Le temps est exécrable […]. Messe à La Madeleine à 10 h ½. Déjeuner avec Ernest et Pauline. Nous prenons ensuite une voiture pour aller à l’Hippodrome avec les enfants qui s’y amusent beaucoup. […] Je passe la soirée à lire les lettres si intéressantes de Nordenskjöld.

44Lundi 5. […] Nous faisons des visites l’après-midi chez les Delestré, au père Ollivier et au père Boulanger, chez Boselli, chez Albert Loyer, chez madame Marchand et chez les de Jessaint où nous trouvons la cousine Scrive – Bertin […]. Nous allons dîner avec Ernest et Pauline, M. et M^me Dislère, chez le restaurateur Foyot, puis nous allons entendre Les Noces d’Attila de M. de Bornier60 à L’Odéon.

45Mardi 6. Grande promenade le matin jusqu’au Château d’Eau en visitant les marchands de porcelaine. Je vais ensuite avec les enfants au Jardin d’acclimatation en tramway et retour par le Bois de Boulogne.

46Mercredi 7. […] Promenade aux Champs – Élysées avec les enfants – Guignol – Diorama61. […]

47Jeudi 8. Déjeuner avec madame Mancel. Promenade aux Buttes Chaumont et au Père Lachaise. […]

48Vendredi 9. […] Nous allons en promenade avec les enfants jusqu’au passage des Panoramas, chez Marquis, le chocolatier. De là, je les envoie chez Delestré pour jouer avec ses enfants et nous allons visiter l’hôtel Drouot. […] Mancel et sa femme viennent dîner avec nous et nous allons au théâtre boulevard Beaumarchais entendre la Girouette62 qui nous amuse beaucoup.

49Samedi 10. Hudelist vient m’annoncer que les 1900 m. toile de chemin de fer sont reçus, ce qui me donne l’espoir que les 4 000 autres le seront aussi, malgré leur insuffisance de forces. […]

50Dimanche 11. Messe à La Madeleine à 10 h. Déjeuner. Visite à l’hôtel Drouot pour l’exposition des Fragonard de la vente Walferdin. Jardin des plantes. Barrière Fontainebleau chez la tante Villain […]. Dîner et théâtre Taitbout où nous entendons l’Estudiantine espagnole qui nous amuse beaucoup.

51Lundi 12. […] Après déjeuner, nous allons visiter avec Dislère, la manufacture des tabacs, ce qui nous fatigue beaucoup sans nous intéresser car l’établissement est vieux et mal installé. Dîner avec les Scrive – Bigo et les Couderc.

52Mardi 13. […] Au théâtre de l’Opéra comique, nous rencontrons mon oncle Auguste, Boselli, Alfred Descamps, Clara Descamps, Jean de Nivelle63 […].

53Mercredi 14. Je vais avec le père Ollivier à Clichy visiter le refuge Ste-Anne où je passe la matinée d’une façon fort intéressante. C’est un ancien pavillon de Louis XIV et de Lavallière. Après déjeuner, nous visitons les Gobelins, St-Julien-le-Pauvre, le Val de Grâce, St-Sulpice et St-Germain des Prés.

54Mercredi 15. Je vais essayer mes vêtements chez Meyer puis nous allons avec les enfants à l’hôtel de Rome où nous apprenons que ma tante Scrive – Bigo et Caroline sont parties hier matin. […] Nous visitons avec M^me Dislère l’Imprimerie nationale, l’église St-Gervais et Protais. Pluie torrentielle à la sortie de l’église. Les enfants qui sont allés visiter Notre-Dame et qui sont revenus en bateau-mouche sont mouillés par la pluie. Le soir, conférence de Sarcey64 sur le théâtre Alphonse Daudet.

55Vendredi 16. […] nous allons retrouver les Dislère chez M^me Marchand, 162 rue Rivoli, et nous visitons la Bibliothèque nationale, le cabinet des médailles, le cabinet des estampes avec M. Gruyer, gendre de M. de Laborde, le conservateur du musée des estampes. Nous voyons le cabinet de M. de Laborde avec des albums des Rois de France, François 1^er, Henri II… Après dîner, nous allons à l’Opéra où l’on joue admirablement Aïda65 : la Krauss66, Rosine Bloch67, Mairill68, Sellier69.

56Samedi 17. Je vais lire les journaux au Grand Hôtel et je reviens par les rues de Provence où je vois des marchands de bric à brac. Après déjeuner, nous allons chercher M^me Dislère et nous visitons la Sainte-Chapelle, le Palais de Justice, la Conciergerie, la Cour de cassation. Nous trouvons d’abord M. Viollette avoué, puis M. Richou le bibliothécaire de la Cour de cassation qui nous fait tout visiter en détail […].

57Dimanche 18. J’écris une longue lettre à maman Jules. Temps superbe, digne du mois de juin. Messe à 10 h ½ à La Madeleine où nous voyons les Roussel, pendant que Dislère conduit les enfants au musée de marine du Louvre. Puis, nous allons au Vaudeville assister à la matinée dramatique : le Trésor de Coppée, Le Ménage Popincourt, La Chanson du printemps, Le Saule de Musset déclamé par Sarah Bernard puis des romances de Montaland70 et d’autres artistes, entre autres Mounet-Sully qui a déclamé La Mort de l’enfant de V. Hugo. En sortant du Vaudeville nous sommes remontés jusqu’à la place de la Concorde pour voir les équipages de retour du Bois. Les enfants sont allés au Jardin d’acclimatation avec les bonnes.

58Lundi 19. […] Je vais me promener jusqu’au Luxembourg et au retour, je vais dire bonjour à Couder. Arrivée de Viellard. Visite au Conservatoire des instruments de musique où nous avons rencontré M. Chouquet, le conservateur, qui nous a fait les honneurs d’une façon charmante. […]. Le soir, nous avons dîné chez qui allait ensuite à l’Opéra entendre Aïda et nous nous sommes rendus au Théâtre français pour la représentation de Daniel Rochat71. C’est ce que nous avons entendu de plus remarquable depuis notre arrivée.

59Mardi 20. Maman Loyer annonce son arrivée pour aujourd’hui. Nous allons retenir un appartement au Grand Hôtel. De là, chez Marquis, le chocolatier, chez Duvelleroy et je reviens après avoir vu l’exposition des aquarellistes de la rue Laffitte : Leloir72, Vibert73, Lambert74, autres artistes très remarquables. Après déjeuner, nous visitons l’église des Invalides, le tombeau de Napoléon, le musée d’artillerie et les Invalides. […]. Après dîner, nous allons voir maman Loyer au Grand Hôtel et de là au Gymnase où l’on joue Les Secrets de Valentine, L’Amiral75 et le grain de beauté76.

60Mercredi 21. Je vais prendre un bain turc au hammam. Très bel établissement où l’on trouve le confortable le plus raffiné. […] Les enfants jouent et voient les guignols les plus variés […] Après dîner, nous allons en landau aux Champs – Élysées au café-concert des Ambassadeurs.

61Jeudi 22. […] Après déjeuner, nous allons chercher madame Dislère mais elle est trop souffrante pour nous accompagner aux Archives nationales. Cette visite nous intéresse beaucoup. Ensuite nous venons au Grand Hôtel et nous nous promenons en landau avec maman Loyer et Ernest pour voir les beaux hôtels de l’avenue de Villars, avenue Wagram… […] Dîner au Grand Hôtel. Concert donné au bénéfice de l’orphelinat laïque de Levallois – Perret. Ce concert manque d’organisation, mais cependant nous entendons de bons artistes : Mounet-Sully, M^lle Fechter77, M^lle Thénard78, Ben Tayoux79…

62Vendredi 23. […] Après déjeuner, nous visitons la Banque de France et sa superbe galerie, puis l’Hôtel des Monnaies et la collection de médailles, puis nous allons au Sénat mais il n’y a pas de séance et nous ne pouvons y entrer. Enfin, nous allons visiter le palais des Beaux-Arts. Maman Loyer nous régale à l’auberge du Lyon d’Or, rue du Helder, le cabaret à la mode et ensuite nous allons aux Variétés où nous rencontrons Auguste Agache, sa femme et Julia, puis Viellard et sa femme.

63Dimanche 25. Repos ce matin et messe à 10 h ½ à La Madeleine. […] Nous partons ensuite pour le Châtelet avec maman Loyer, les bonnes et les enfants pour voir Les Pilules du diable80. Cette féerie nous amuse beaucoup ; il y a la mouche d’or qui est particulièrement extraordinaire. Ce truc nouveau a beaucoup de succès […].

64Lundi 26. […] L’inventaire est fait par l’agent de Gérard, notre agent de location. Puis avec l’aide de Louis, on charge les malles et nous partons pour le chemin de fer. Nous déjeunons chez Barbotte avec les enfants. Le retour s’opère admirablement et en rentrant, j’ai le plaisir de constater que tout est dans le meilleur état possible. La visite (la veille) de Jules Ferry a été le signal de désordres entre les Cléricaux et les Républicains. Des batailles ont eu lieu, des chapeaux enfoncés, des coups de poing échangés […].

65Mercredi 28. […] Visite au musée qui a été agrandi et remanié. Il est vraiment très beau. Départ pour Marquette. Visite de l’usine. Dîner avec papa et maman Jules, Ernest et Pauline, Dislère et sa femme, M. et M^me Marchand […].

66Jeudi 29. Nous allons à Lille à 10 h pour la messe de maman Briansiaux, cette chère grand-mère que j’ai tant aimée et qui était si tendre pour l’aîné de ses petits-enfants. Ensuite, je vais dire adieu à madame Dislère chez maman Jules […].

67Vendredi 30. Je mets de l’ordre dans mon bureau et je suis étonné de l’importance que j’accordais jadis aux affaires dont je me souviens à peine aujourd’hui ! Hélas ! Pauvres insensés que nous sommes, préoccupés de fantômes et de rêves ! Quelle est donc la réalité ? À quoi aboutissent tant d’agitations stériles ? Malgré ces pensées pleines de philosophie et de raison, je ne laisserai pas moins mon cerveau se torturer et mon esprit s’user dans les mille tracasseries de la vie de tous les jours. Je travaille avec Larivière le plan d’agrandissement du pliage et d’une cave pour les toiles. Soirée chez madame Wallaert avec M^gr Langénieux, évêque de Reims avec qui je cause de M. Lamy ; avec le grand vicaire de Beauvais, les de Germiny, M. d’Audiffret avec qui je cause longuement.

Mai

68Lundi 3. […] Interpellation de M. Lamy à la Chambre des Députés.

69Mardi 4. […] Je lis les appréciations des journaux sur l’interpellation Lamy. Succès de mon ami mais insuccès du scrutin. En somme, c’est un acte de courage que d’oser parler le langage de la justice à des gens aussi violents dans leur radicalisme […].

70Samedi 8. […] Grèves à Roubaix et Tourcoing. Visite à 3 h de M. de Vicq qui nous attend pour nous montrer sa belle collection d’antiquités, de livres, de faïences. M^me de Vicq (Palmyre Taverne de Mondhyver) est une assez drôle de femme.

71Dimanche 9. Messe à 7 h ½ avec Julio. Promenade à cheval du côté de Bondues, Linselles, Wambrechies. Temps ravissant […].

72Lundi 10. Ducasse du hameau du Pont. Je vais à Lille avec M. Armand. L’après-midi se passe à lire avec Mathilde.

73Mardi 11. Promenade à cheval jusqu’à Croix. Superbe établissement Holden qui transforme tout ce quartier. C’est vraiment merveilleux que le pouvoir de l’industrie quand il est entre les mains d’hommes aussi capables que ces messieurs Holden. Revers de la médaille industrielle : grèves de tous les côtés, Armentières commence la sienne après celles de Roubaix et Tourcoing. Après-midi, je vais avec Mathilde à Lille. Elle va voir sa mère, je vais chez Agache voir le téléphone qu’il a installé entre son usine de Pérenchies et son bureau de Lille. Ce n’est pas la perfection. Je n’entends qu’un faible son et je ne comprends pas ce que me dit le directeur de Pérenchies. Bonne soirée avec ma chère petite femme.

74Mercredi 12. Je vais en phaéton jusqu’à Wazemmes. J’achète chez Leleu L’Histoire de Dunkerque de Faulconnier, 35 F. […].

75Jeudi 13. Grève de Marquette. Au moment où j’allais partir à l’obit de M. Ducrocq, maire de Marquette, je suis arrêté par Soots et une bande d’ouvriers du tissage demandant de l’augmentation, une heure de travail de moins et la suppression de amendes. Je leur parle pendant plus d’une heure ½. Je leur donne rendez-vous pour demain à 10 heures. Ils avaient profité de l’absence de Larivière qui était allé à la 1^re communion de son fils, pour me fourrer dans ce guêpier. Nous allons dîner chez maman Jules avec les Henri. L’on commente beaucoup les incidents de la journée à Roubaix et à Armentières. On annonce une émeute formidable pour le 15 ou le 23.

76Vendredi 14. À 10 h, les délégués, Soots en tête, viennent chercher leur réponse. Je leur fais un nouveau discours qui paraît leur donner satisfaction. Grève chez Danset et chez Delestré et chez Delesalle. J’augmente les bobineuses et les caneteuses qui viennent me demander de l’augmentation mais je refuse aux ourdisseuses.

77Samedi 15. Je rédige un manifeste à mes ouvriers pour les exhorter au calme. Je vais aux messes de mon oncle Bigo. Tout le monde me demande des renseignements sur les événements des jours précédents. Je suis heureux de répondre que je me suis arrangé avec eux, qu’ils avaient été très convenables et respectueux dans leur 2^e visite au bureau. Je vais déjeuner à Wazemmes avec les enfants puis je porte à l’Écho du Nord ma proclamation pour la faire imprimer de suite. Lille, Roubaix, Armentières sont en état de siège. Les cuirassiers y sont arrivés et campent de différents côtés.

78Dimanche 16. Je remets ma proclamation aux ouvriers. Ils en paraissent ravis et fort enchantés de la solution que je leur ai donnée. De tous côtés, on parle des événements. Grand messe en musique. Il ne manque pas un musicien et ils jouent parfaitement leurs morceaux […].

79Mardi 18. Le travail reprend ce matin avec enthousiasme […]. Je vais à Lille au Salon. Courrier nul, affaires nulles. À Armentières, la grève continue mais il y a amélioration à Roubaix ; le travail n’a pas repris […].

80Samedi 22. Je continue de recevoir des lettres charmantes de ceux à qui j’ai envoyé mon manifeste aux ouvriers de Marquette […].

81Mardi 25. Le temps est encore au beau fixe. L’on commence à craindre pour les lins. Je vais à Lille à cheval mais je vois avec peine que je commence à être très fatigué quand je me promène à cheval.

82Mercredi 26. Je fais des achats considérables de fil surtout de 20 lin sec […].

83Vendredi 28. La pluie continue à tomber toute la nuit mais la terre est tellement sèche que c’est à peine si la croûte est percée. J’achète encore beaucoup de fil aujourd’hui à Agache.

84Dimanche 30. […] Concours hippique. Affluence immense pour voir remis le prix de la coupe. Carrousel de Marcq.

85Lundi 31. Temps admirable. Promenade à cheval à Lille puis à Verlinghem où je vois la campagne que vient d’acheter madame Agache. Visite de De Prins qui vient voir mes livres anciens et qui trouve que j’ai parfaitement réussi à me composer une jolie bibliothèque […].

Juin

86Mercredi 2. […] Les commandes arrivent pour le 3^e trimestre […].

87Jeudi 3. Heureuse journée ! J’apprends que je suis titulaire des 2 marchés importants de vareuses à Brest et de toiles à drap de soldats et d’officiers à Toulon. Je partage par tiers avec Heuzé et Danset mais ce dernier ne veut pas fabriquer parce qu’il trouve que le prix est trop bas […].

88Vendredi 4. Visite à la collection de Boyer. Il y a vraiment de très belles choses, ce qui est extraordinaire vu la brutalité de ce personnage. Où diable le goût était-il allé se nicher ? Temps affreux. Pluie toute la journée mais elle est utile aux champs […].

89Dimanche 6. Nous nous réveillons au milieu d’un déluge. Impossible que la procession ait lieu. Ernest m’amène à Lille après la messe. Nous allons voir la vente Boyer, c’est à dire l’exposition des objets composant cette vente. Les fêtes de Lille ne peuvent avoir lieu à cause de cet affreux temps.

90Mardi 8. […] Madame Ducpétiaux de Bruxelles est installée chez mon oncle Henri. […]. Elle me fait force compliments sur ma circulaire aux ouvriers. Je lui demande de m’envoyer les ouvrages de son mari sur la classe ouvrière. […]

91Jeudi 10. […] Adjudication hôpitaux de la Marine et nous nous sommes entendus avec Heuzé pour enlever cette adjudication.

92Samedi 12. Danset – Montaigne m’écrit pour me demander de prêter à Jules Danset une somme de 50 000 F pour l’aider à traverser la liquidation Faucille qui lui doit 200 000 F.

93Dimanche 13. Nous allons à la messe aux Dominicains. Beau sermon du père Givron sur « la loi » et sur les caractères d’une loi juste et équitable. Ereintement de Bergerot81 dans le Petit Nord. […] Léonard Danel conduit tous ses ouvriers à Dunkerque pour le 40^e anniversaire de son entrée dans l’imprimerie […].

94Mercredi 16. […] Georges Danset vient me remercier d’avoir prêté 50 000 F à son frère et à lui.

95Jeudi 17. Pluie toute la journée. […] Adjudication des matelas à Toulon. Je suis adjudicataire. Vanderhaghen m’interpelle dans la rue pour m’annoncer la guérison miraculeuse (dit-il) de M^lle Lezair qui, malade depuis 7 mois, était mourante quand, après avoir communié sur son lit, elle a entendu une voix qui lui a crié « Lève toi, tu es guérie » ; et, en effet, elle s’est levée et depuis lors, elle va bien. Ce brave Vanderhaghen en est à moitié fou.

96Vendredi 18. […] Je m’occupe de mon départ pour la Belgique et la Hollande que je désire visiter. […]

97Dimanche 20. Grand messe à St-Maurice en l’honneur du bienheureux Baptiste de La Salle, fondateur de l’œuvre des frères de la Doctrine chrétienne. Sermon magnifique du père Ollivier mais il s’enroue et paraît gêné de continuer, ce qui met mal à l’aise les auditeurs. […] Après déjeuner, nous partons à 2 h pour Bruxelles. Nous faisons route avec Coevoet – Renouard. Nous prenons une voiture pour faire une promenade. Il y a foule partout à cause des fêtes de l’Indépendance dont c’est le 50^e anniversaire. C’est fort gai. Nous dînons au restaurant près de la gare d’Anvers et à 8 h, nous partons pour Anvers où nous arrivons à 9 h, Hôtel de St Antoine. Les musiciens de Marquette vont au festival d’Armentières.

98Lundi 21. Nous quittons le Petit St Antoine à 9 h pour visiter l’église St-Jacques, remarquable par la richesse de l’ornementation intérieure. La chapelle de la famille Rubens, derrière le maître-autel. Musée : descente de croix de Rubens et de Van Dyck. Foule de chefs d’œuvre. Musée moderne chez M. Nottebom ? [Nottebohm], Faust et Marguerite d’Ary Scheffer82. Promenade en voiture dans toute la ville ancienne et moderne. Superbes quais et entrepôts. Prison de l’Inquisition avec des vieilleries peu intéressantes. Jardin zoologique de toute beauté. Le dromadaire, sous mes yeux, se livre à des familiarités étranges avec M^me dromadaire. Continuation de la promenade en voiture dans le parc, les nouveaux boulevards, nouveau palais de Justice sur l’emplacement de l’ancienne citadelle. Musée Plantin qui me procure les plus agréables émotions. Je suis enchanté de cette visite. Je termine mes courses chez un bouquiniste bien achalandé. Déjeuner et visite à la cathédrale. Départ à 3 h 40 pour La Haye. L’on traverse Rotterdam sur un viaduc, ce qui permet de tout voir dans l’intérieur des maisons. Nous arrivons à La Haye à 7 h ¼ du soir et nous faisons un plantureux repas. Après une promenade à pied dans le vivier et la place, nous rentrons à l’hôtel. J’écris à maman Loyer et à maman Jules. Dès 9 h du matin, nous allons avec un guide en voiture à Scheveningen. Pluie torrentielle ; visite au château du Bois de La Haye. Rentrés à l’hôtel à 13 h ½, nous déjeunons et nous visitons les musées royal et de chinoiseries et japonais. Nous repartons pour Leyde où a lieu une cavalcade des étudiants. Foule énorme, costumes frisons, voitures de la cour. Je traverse la ville en voiture après avoir laissé Mathilde aux bons soins d’une famille hollandaise qui demande 20 florins pour ce précieux dépôt. Le guide m’a accompagné à Leyde ce qui m’épargne beaucoup d’ennuis. Nous arrivons juste à temps pour le départ d’Amsterdam et nous descendons à l’Amstel Hôtel, superbe palais bâti sur le modèle des hôtels américains et situé sur l’Amstel. Nous trouvons des lettres et des journaux. Après dîner, nous allons au casino. Concert qui nous amuse beaucoup : les amazones, le faux éléphant, les imitations françaises…

99Mercredi 23. Dès le matin, nous visitons, après avoir pris déjeuner, les différents musées de la ville. Entre autres, le Trippenhuis ou musée royal dont j’achète le catalogue. Le monument est fort pauvre. On va le reconstruire dans un nouveau quartier. Ce sera merveilleux. Puis, nous voyons le musée Six, appartenant à un riche particulier d’Amsterdam. On dit que Napoléon III avait offert 12 millions… J’en doute, mais les Hollandais sont fort vantards. Puis, nous roulons en voiture dans tous les sens ; nous voyons le parc, les principales rues, le palais du roi sur la grande place, le local de la Société Artis et Amicitiae, qui contient une merveilleuse exposition de vieux objets d’art et d’argenterie. cela était vraiment fort intéressant et méritait d’être vu. Nous avons été visiter le musée Fodor, appartenant à la ville et contenant de beaux tableaux modernes : Ary Scheffer, Descamps, Marilhat.

100Jeudi 24. Après avoir dîné et payé à l’Amstel Hôtel où j’ai pu prendre les billets de voyage et de bagage, ce qui était fort commode, nous avons pris le train de Bruxelles. Nous sommes montés dans un coupé sans payer de supplément mais on nous a fourré du monde. La famille qui était avec nous était composée d’un père, d’une mère et de 2 garçons en pension à Leyde. Nous avons beaucoup causé sur l’instruction et sur l’éducation. Arrivés à 11 h ½ à l’Hôtel de Flandre, nous trouvons des lettres de Lille et des journaux. Indigestion le matin parce que j’avais trop fumé hier dans le parcours d’Amsterdam à Bruxelles. Néanmoins, je sors à 11 h et nous nous promenons dans le parc. Visite au palais du Sénat et au palais des députés. Déjeuner à la taverne Jean. Puis, à 1 h, nous montons en voiture et nous nous faisons conduire au musée Wiertz, au musée d’antiquités de la porte de Hall, aux musées royaux, au palais d’Arenberg dont nous avons visité la galerie par permission spéciale du prince. De là, nous sommes allés à l’exposition nationale qui est très belle, surtout comme collection rétrospective de vieux meubles, tapisseries, faïences, porcelaines. Orage épouvantable pendant notre visite à l’exposition. Après dîner, nous allons aux Galeries St Hubert et nous entendons Monsieur aux Bouffes bruxelloises.

101Vendredi 25. […] Temps affreux. Nous prenons une voiture pour aller voir le musée Waterloo et Ste-Gudule. Je fais une chute dans la boue. Je suis couvert de boue jusqu’au chapeau. Je rentre à l’hôtel pour me changer complètement, déjeuner et partir pour Blankenberge. Le temps se remet et nous arrivons avec un beau soleil. La digue de mer est très belle. Nous la parcourons au pas de course et la visitons en 1 heure. Nous repartons à 4 h ½ pour Ostende où nous arrivons à 6 h pour dîner à l’hôtel de l’Océan. Nous y sommes les seuls voyageurs. Nous y retrouvons le garçon qui nous a servis à Pierrefonds, il y a 2 ans. Promenade sur la digue où nous admirons de superbes villas. Une jeune marchande me dit que la différence de prix que je constate entre 2 objets provient de ce que les uns sont mieux foutus que les autres.

102Samedi 26. Admirable journée. Promenade en ville et départ après un excellent déjeuner. Arrivée à Bruges. Nous prenons une voiture et nous nous faisons promener de tous les côtés : églises St-Sauveur, Notre-Dame, St-Jacques ; musée ; palais de Justice ; chapelle du Saint-Sang… Départ de Bruges pour Lille par Gand. […] Malheureusement, à l’arrivée à Lille, j’apprends que l’arbre de la manivelle de la grosse machine est brisé. Je vais chez Bacqueville pour activer le travail. Arrivés à Lomme, nous trouvons les enfants en très bonne santé. Tony a les cheveux coupés. Je l’aime mieux ainsi.

103Dimanche 27. […] Je trouve un arbre de calibre chez Gronier, marchand de métaux. J’espère que l’arrêt ne sera pas de plus de 8 jours, arrêt dont on profitera pour faire différents travaux que l’on devait effectuer la semaine prochaine […].

104Mardi 29. […] Visite chez Danset – Montaigne où je vois des toiles genre HE que je vends à 93 et qu’il vend à 80.

105Mercredi 30. Aujourd’hui, vente de la grande filature de Marcq sur la mise à prix. Cette coquine de filature a mangé plus de 2 millions à la famille Scrive. Il est juste de dire qu’elle avait été très mal conduite par Auguste, Émile et Édouard. Je vais le soir chez Gustave pour savoir le résultat de la vente. Les propriétaires et les 2 notaires ont attendu toute l’après-midi après les amateurs : il ne s’en est pas présenté. Je visite avec Gustave la filature. Quels beaux bâtiments ! Quelle superbe machine ! Que d’argent gaspillé ! Cela fait mal de penser combien notre famille s’est appauvrie dans cette usine. Je crois que Gustave fera bien de se ménager pour l’avenir ces beaux bâtiments. Expulsion des Jésuites dans toute la France. Mesure inique. On continue les diverses réparations de Marquette. Cet arrêt me sera fort onéreux.

Tissage de Marquette

Juillet

106Jeudi 1^er. Continuation de l’arrêt par suite de la casse de l’arbre de la manivelle […]. Les journaux sont remplis de détails sur l’expulsion des Jésuites […].

107Samedi 3. Je visite la papeterie de Gustave et je la trouve très bien montée. Je lui conseille de s’assurer les bâtiments de la grande fabrique pour y monter une 2^e machine à papier. L’on continue la réparation de la machine, des pompes, du pavage en pierres des allées du grand tissage. Papa et maman Jules partent pour Caestre.

108Dimanche 4. Temps affreux toute la nuit et toute la journée. Fête de Marcq arrosée. […]

109Mercredi 7. La machine remarche ce matin après un arrêt de 12 jours. Quelle perte pour nos ouvriers et pour nous ! Dislère m’apprend que nos toiles sont cotées n^o 1 à Brest et que le succès des toiles à voiles en fil retors est complet. […].

110Samedi 10. Nous allons à Lille déjeuner chez Ernest avec les enfants, M^lle Houzé et Marguerite. De là, je vais à la filature où je vois les travaux de restauration et d’aménagement de la façade. Bersillon vomit du sang et paraît fort souffrant […].

111Lundi 12. […] M. Lallement de Lisbonne m’annonce que le roi de Portugal a vu mes types et qu’il va m’envoyer la décoration de son ordre.

112Mardi 13. On cause beaucoup de la fête de demain. Je décide que l’on ne travaillera pas. La musique du tissage doit aller jouer au Concert Vauban. Bersillon est toujours souffrant. Je prie Vanpeteghem de venir le voir […].

113Mercredi 14. Fête de la République. Pluie dès le matin, temps orageux. Je conduis les enfants à Lille en phaéton pour voir les préparatifs de la fête et je vais chez papa Jules. La musique va au festival de Lille et gagne la prime de 500 francs. Larivière va passer la journée chez ses parents de Hogendorp à St-André près d’Arras. Superbe propriété. […]

114Vendredi 16. Départ de maman Loyer pour Paris et delà pour Royat. M. Regnard, chef de gare, lui fait réserver un compartiment. L’oncle Émile est à la gare et veut faire de l’esprit ( ! !) en me félicitant d’avoir gagné 500 francs avec la musique à la fête de Lille. Je lui réponds de façon à le guérir de la maladie de faire de l’esprit quand la nature n’a pas été généreuse avec nous sous ce rapport.

115Samedi 17. […] Je vais chez Ernest pour dire bonjour et voir ce qui se passe à Wazemmes. Les enfants vont prendre leurs leçons ordinaires. Je les rencontre au coin de la rue du Vieux – Faubourg, ces chers petits amours.

116Dimanche 18. […] Cornut vient causer avec Larivière de la nouvelle machine à vapeur. Il recommande la machine à balancier à détente variable. J’apprends la mort de M. Desboeufs, mon ancien professeur de mathématiques chez Preys. Brave et digne homme qui a fait du bien toute sa vie et qui a fondé l’orphelinat St-Gabriel.

117Lundi 19. Je vais à Lille en phaéton. J’envoie à Lallement de Lisbonne ma photographie (rosette) et je demande à Patte, le photographe de Boulogne, de me faire une vingtaine de photographies émaillées du même cliché. Je mets à la porte Charles Soots, le promoteur de la grève du mois de mai. Ce communard avait la prétention d’entrer et de sortir de l’atelier quand cela lui ferait plaisir. J’ai profité de la sortie qu’il s’était permis de faire sans permission pour le flanquer à la porte.

118Mardi 20. […] Larivière va chez Walker pour une machine à tondre, chez Boyer pour une machine à vapeur. Boyer recommande de monter une seule machine à balancier, détente variable par régulateur, assez forte pour entraîner toute la fabrique. Dans ces conditions, il y a économie de charbon, d’entretien, d’huile… […]

119Jeudi 22. Blervaque, le frère de Florentine, nourrice de Tony, demande ma protection près du préfet pour être garde champêtre de sa commune. […]

120Vendredi 23. Madame Dislère me prie d’aller voir ce que devient la demande de bureau de tabac de la veuve Rincheval. Je vais voir M. Camet, directeur des contributions directes83, successeur de M. Deaubonneau.

121Samedi 24. Je vais à Lille avec les enfants pour leurs leçons du samedi. […] Visite fort intéressante chez Leroy – Dusaussoy qui paie 80 F le bobinage que nous payons 1.10 (bobinoirs verticaux), le canetage à 1.75 que nous payons 1.85. Les ouvriers tisserands suivent 2 métiers. Je vois avec regret qu’à Marquette nous sommes bien en retard. […]

122Dimanche 25. Distribution des drapeaux à Lille. Temps superbe. Je vais voir Descamps qui écrit à différents confectionneurs pour offrir BG sup. à 77 F mais on fait des offres à 72 à Armentières. Blondel, successeur de Boyer, écrit au sujet de la machine nouvelle et demande 50 000 F pour une machine de 240 chevaux, 4 pistons, 55 000 pour une de 280 chevaux. Dîner à Hellemmes pour la St Henri, fort gai. On parle de la jeune dame Delsalle qui se compromet avec de Salelles Je parle à Victor Dujardin de la reprise de Marquette dont je trouve le prix fort élevé en raison des dépenses considérables que je dois y faire pour que l’établissement ait une bonne machine.

123Lundi 26. Le journal Petit Nord donne des détails sur la séance d’hier à l’hippodrome dans laquelle les citoyens radicaux ont démoli la candidature Testelin. Tempête abominable toute la journée comme cela arrive chaque fois que nous recevons à Marquette car nous avons invité papa et maman Jules, Victor et Louise, les Larivière, Ernest et Gustave. Le dîner paraît fort gai malgré la pluie et l’orage.

124Mardi 27. Nuit de tempête. J’emmène Larivière pour visiter la machine Delebart-Mallet, la filature Barrois, le tissage Pauris, le tissage Renouard, le tissage Leroy – Dusaussoy. Tarifs moins élevés surtout chez Leroy – Dusaussoy.

125Mercredi 28. Départ à 6 h 20 pour Bruxelles avec Larivière. Arrivée à 9 h ¼. Nous prenons une voiture pour visiter d’abord les boulevards, les galeries St-Hubert, l’église Ste-Gudule, le musée de peinture, le musée de la porte de Hal, le musée Wiertz. Alors nous entrons à l’exposition où nous sommes émerveillés par la beauté des machines, l’importance de l’exposition. Nous déjeunons très bien au pavillon royal et nous continuons à visiter l’exposition depuis 2 heures jusqu’à 7 h. […] Nous dînons près de la gare du midi et nous reprenons le train à 8 h ½, fatigués mais ravis de notre voyage. […]

126Vendredi 30. Victor fils passe son examen à Douai. Visite de maman Jules. Les Larivière viennent le soir nous faire leurs adieux. Les enfants jouent avec le baudet et font le cirque. Ils deviennent vraiment grands garçons et ils sont fort gentils pour leurs camarades de jeux. […]

127Samedi 31. Gustave vient me proposer de reprendre le bâtiment de droite de la filature […]. Victor fils a été admissible aux épreuves orales mais il a été refusé en histoire. On lui avait demandé la situation de l’Europe pendant les 5 dernières années du règne de Louis XV.

Août

128Dimanche 1^er. Départ pour Boulogne, pluie battante […].

129Lundi 2. Le cheval et le chien arrivent à 11 h ½. Je commence mes pérégrinations. Départ de Miss Dora pour Londres. Nous l’accompagnons à la gare maritime.

130Mardi 3. Promenade à cheval à 7 h ½. Temps admirable. La mer était bleue comme la Méditerranée. Le ciel était de pur azur. Nous prenons le 1^er bain qui nous paraît délicieux, déjeuner, sieste. Nous allons visiter l’aquarium avec les enfants. Je commande à Raynault 1 pantalon de cheval, 1 jaquette, 1 habit. Je vais chercher les photographies chez Patte.

131Mercredi 4. […] Je vais à cheval jusqu’au chalet Coquelin et de là, à Équihen. La chaleur m’accable et je ne prends pas de bain. Cependant je dors après le déjeuner comme une masse. Je vais ensuite à la jetée pour me réveiller et les enfants viennent me chercher pour faire un tour jusqu’au port en eau profonde […].

132Jeudi 5. Distribution des prix du collège de Boulogne. J’y vais vers 10 h ½. […] Je conduis Julio au musée industriel de Boulogne […].

133Vendredi 6. Promenade à cheval le long de la côte de Wimereux. Temps couvert. Nous partons à midi par le paquebot de Folkestone ; le temps est un peu couvert mais il ne tombe pas d’eau, ce qui nous permet de faire un excellent voyage, sans le moindre malaise. À 4 h 15, nous arrivons à Londres où nous trouvons miss Dora et sa sœur Maria qui nous installent à Charing Cross Hôtel. Nous trouvons des chambres au 4^e et au 5^e étage, ce qui nous contrarie beaucoup. Nous sortons à 5 h ½ pour voir Pall Mall, Regent Street et Oxford Street. Nous dînons à Pall Mall Restaurant. Télégraphe donnant le compte-rendu des chambres, au fur et à mesure des discours, de sorte qu’en dînant, on est au courant de la politique. Après dîner, nous allons chez madame Tussaud voir les figures de cire des grands personnages et des grands criminels pendant que la musique joue les airs les plus étranges. Il y avait grande affluence pour voir ces puérilités.

134Samedi 7. Après une bonne nuit, malgré l’insuffisance du couchage, je me réveille à 4 h ½ pour lire la Bible et relire la description du musée de madame Tussaud. À 8 heures, je me lève pour écrire à maman Loyer, à maman Jules, à M. Lamy. Nous déjeunons à l’hôtel et nous allons ensuite au palais de Westminster. Ensuite, comme il pleut, nous allons en voiture voir les parents de miss Dora qui demeurent dans Camberwell. Nous lunchons avec toute la famille puis nous regagnons à 3 heures la Galerie nationale de peinture où nous restons jusqu’à cinq heures. Après le dîner, je vais à l’Alhambra, Leicester square, où j’entends La Fille du tambour major qui est bien chantée, surtout par l’actrice qui jouait le rôle de la fille Monthabor. Grande salle, concert, galerie.

135Dimanche 8. Messe à l’église N-Dame des Français, Leicester place. Il y a fort peu de monde. Puis nous allons à pied jusqu’à la gare de Charing Cross pour prendre le train d’Hampton Court mais on nous dit qu’il ne part qu’à 1 heure. Nous allons jusqu’à la station Waterloo Bridge en traversant le pont de Waterloo mais il pleut pendant une partie de la route. L’on ne voit pas une voiture dans les rues et l’on ne rencontre que des gens allant à pied aux offices religieux. À 1 h, départ pour Hampton Court où nous arrivons à 2 h. Nous visitons le château, les galeries, les jardins. Puis nous prenons une voiture pour faire un tour d’une heure dans le pays. Nous regagnons Londres à 5 h 10. Le temps est redevenu beau.

136Lundi 9. Temps splendide. Nous partons à 10 h pour le British Museum dont nous voyons une partie (livres, bibliothèque, galerie zoologique). De là, nous prenons une voiture pour visiter St-Paul, le Temple, Lincoln’s Inn Fields, Guildhall, Mansion House, Newgate… De là au London Bridge d’où nous partons pour Cristal Palace après avoir lunché à la gare. Nous visitons tout le Cristal Palace par un temps admirable. Les enfants s’amusent beaucoup au théâtre : danse de corde. Retour à Londres à 7 h. Dîner, puis je vais à Drury Lane où l’on joue le World. Je n’oublierai jamais la vue splendide que nous avons eue de la terrasse de Cristal Palace sur les différents comtés avoisinant Londres.

137Mardi 10. Temps splendide qui nous permet de voir aujourd’hui toute la ville de Londres, du East End au West End. À 10 h ½, nous partons pour visiter la Tour de Londres (musée d’armures anciennes, modernes, joyaux de la Couronne) ; de là, aux docks Ste-Catherine que nous traversons ; de là, au musée de Bethnal Green par Cambridge road. En redescendant, nous voyons Gray’s Inn, Charter House (ancienne chartreuse), Holborn street, Bloomsbury square, Russel square, Bedford square, Oxford street, Grosvenor square, Berkeley square, Park lane, Hyde park corner, Aspley House, Kensington Muséum, Albert Hall, Albert Mémorial, chemin entre Kensington Garden (Victoria gate) et Hyde Park (serpentine). Nous faisons le tour extérieur d’Hyde Park, Buckingham Palace, Green Park, Garden Palace, St-James Palace, Marlborough Palace, Whitehall, Pall Mall, Trafalgar square. En comprenant les visites aux musées, j’ai 7 heures de voiture. Les enfants supportent parfaitement cette fatigue et cette chaleur accablante.

138Mercredi 11. Temps toujours admirable. Nous partons à 10 h ½ pour Zoological Garden et nous revoyons les plus beaux squares de Londres, les beaux quartiers de l’aristocratie mais le temps est extrêmement chaud. Nous retournons par une autre route jusqu’à Westminster Bridge et nous prenons le vapeur jusqu’à Greenwich que nous visitons en détail, puis nous rentrons à Londres par le tramway, ce qui nous permet de voir en détail tous les quartiers du sud de Londres. Le soleil ne nous gène pas trop pour admirer le pays que nous traversons. Après dîner, je vais au Royal Aquarium, près de Westminster. C’est un bazar où l’on voit des Zoulous, des géants chinois, des théâtres, des tirs, des boutiques de toute espèce, des femmes et même des poissons.

139Jeudi 12. Jour de départ. Lever à 7 h ½. Départ à 10 h 45 après déjeuner et règlement des comptes qui s’élèvent à un prix assez élevé. Temps charmant. Voyage en mer sur l’Albert – Victor qui fait pour la 1^re fois le service entre Folkestone et Boulogne. C’est un superbe bâtiment, bien aménagé et marchant vite puisqu’il fait la route en 1 h ½ au lieu de 2 h. Nous retrouvons M. Swan, le pharmacien de la rue de la Paix que nous avons connu jadis à l’Hôtel de la Marine. En arrivant à Boulogne, je commence par perdre ma canne mais je la reprends entre les mains d’un Anglais […]. Nous apprenons que Rosalie est partie souffrante pour Lille […].

140Vendredi 13. […] Je pars en promenade à cheval à 7 h ½ mais Stella glisse sur l’herbe sur les bords de la Liane et me jette à terre. Je rentre par Brequerecque, Maquetra, Malbrouck et la Colonne. J’écris à Larivière pour dire d’envoyer Constant à Boulogne. Après déjeuner, je promène les enfants jusqu’à la Haute ville pour voir la foire puis j’essaie mes vêtements chez Raynault et nous allons prendre nos bains que nous trouvons délicieux tant la température est chaude. Le soir, grand bal au casino. Il y a beaucoup de monde […].

141Samedi 14. […] Je me lie avec M. Panckoucke, notre voisin, qui est un ancien rolliniste et avec qui je parle de nos vieux professeurs et de quelques camarades. Il a quitté Rollin en 1848, au moment où j’y entrais. Le soir, nous allons au casino avec les enfants. Le bal est peu animé […].

142Dimanche 15. Journée superbe. Nous allons à la messe à St-Pierre avec les Joire – Vernier et Pollet – Vernier. Nous prenons le bain et après déjeuner, nous allons chez les Crouy qui nous retiennent pour dîner. Les enfants restent à jouer avec les jeunes cousins de Paris. Je reçois la visite du lieutenant de vaisseau Marquer qui revient de Cherbourg où il a vu mon oncle et ma tante Henri. Ils ont été pilotés par lui sur la Lionne, le garde-côte que Marquer commande. Il part demain matin pour visiter les bancs d’huîtres sur la côte et indiquer aux pêcheurs ceux que l’on pourra exploiter. La pêche est interdite aux pêcheurs à moins de 3 miles marins des côtes pour permettre aux jeunes poissons de grandir.

143Lundi 16. Promenade à Wimereux. Je rencontre Fernand Castelain et sa petite famille […]. Un matelot de la Lionne apporte de la part du commandant Marquer une quantité d’huîtres pêchées le long des côtes. Les bateaux excursionnistes de Ramsgate amènent des quantités d’Anglais dont 40 vélocipédistes. Quelques uns se sont blessés sur les côtes si raides de Calais à Boulogne. Le Faidherbe, bateau excursionniste, ramène les gens qui avaient passé la journée à Douvres. Plusieurs dames sont malades, une entre autres a des attaques de nerfs.

144Mardi 17. Promenade à cheval avec le colonel de Montfort qui essaie un nouveau cheval ; puis je prends un bain fort agréable car le temps est charmant […].

145Mercredi 18. Promenade à cheval à 7 h ½ avec le colonel du côté de Wimereux et Wimille. Je vais en ville avec les enfants malgré la chaleur torride qu’il fait aujourd’hui puis je vais à la musique avec Mathilde. Bal d’enfants le soir où nous trouvons les Crépy, Poullier, Fauchille.

146Jeudi 19. Journée splendide. Nous nous promenons avec le colonel du côté du Mont Lambert. Départ à 1 h 33 pour Paris avec Panckoucke qui est fort aimable. Il m’invite à dîner avec lui au restaurant britannique, rue Vivienne. Puis nous allons chez Tortoni84 et après plusieurs tours de boulevard par cette chaleur torride, je vais me coucher mais je ne puis dormir à cause de la palpitation que me donne le champagne. […]

147Samedi 21. Adjudication du couchage de la troupe. Déjeuner avec maman Loyer. J’ai la chance d’avoir 8 lots de paillasses à 96 F et 2 lots de sacs à 94 […].

148Dimanche 22. Bain très agréable avec les Dislère puis nous allons voir la procession de Boulogne en voiture. Après dîner, nous allons aux Tintelleries où il y a de la musique, danse, feu d’artifice. Le colonel de Montfort envoie à Mathilde des globules contre les névralgies. […]

149Mardi 24. Promenade à cheval du côté de la vallée du Denaere. Bain excellent. […] Nous allons le soir au cirque Rancy avec les enfants.

150Mercredi 25. Je vais au Portel par la route des travaux du port en eau profonde et je prends un bain fort agréable […].

151Jeudi 26. Courses de Boulogne. Temps superbe. Je vais lire les journaux au casino puis je vais prendre un bain. La mer est chaude. Après déjeuner, je vais à cheval jusqu’au champ de courses. Je bois du champagne avec Eugène Huret puis je me promène avec Eugène Panckoucke. Une Anglaise a une attaque de nerfs. Des voitures s’accrochent après la course et sont brisées. Bal des courses très animé ! […]

152Dimanche 29. Messe à St-Pierre, puis nous prenons notre bain avec plaisir tant il fait beau et agréable. Grande fête aux Tintelleries pour les enfants. Nous y trouvons madame St Léger et ses enfants qui jouent avec Jules et Tony. […]

153Lundi 30. Promenade avec le colonel dans la vallée du Denaere. Arrivée de papa et maman Jules à 1 h ½ qui ont vu hier maman Loyer assez souffrante à Lomme. Nous allons ensuite au casino respirer la fraîcheur. Concert au Casino qui nous amuse beaucoup parce que les artistes sont fort médiocres : de Sudery, De Wite, Lara et un amateur qui se charge de la partie comique en chantant sérieusement, avec conviction, l’air de Faust à Marguerite

154Mardi 31. Promenade à cheval mais je tombe à terre parce que le cheval butte et se jette à terre. Je suis bien tourmenté de ce contretemps car je ne peux plus songer à remonter sur Stella qui a plusieurs fois manqué de tomber. J’ai mal à la fesse […].

Septembre

155Mercredi 1^er. Bain à 8 h ½ avec Dislère. Départ à 10 h 30 avec madame St Léger […]. Arrivée à Lille à 2 h ¼. Je trouve Descamps au chemin de fer. Je pars pour Marquette en tramway. Tout est en ordre et paraît fort vert et fort gai. Larivière dîne avec moi et il paraît fort heureux. […]

156Jeudi 2. […] Pousser la production pour arriver à 600 pièces afin de ne pas avoir à demander à des fabricants qu’ils travaillent pour nous. […] Le cheval noir marche mal et souffle comme s’il avait une fluxion de poitrine. Gustave vient m’inviter à dîner chez lui avec Léon Danel et Marie Rose […].

157Vendredi 3. Splendide journée. Je cause avec le vétérinaire de mes chevaux et je le prie de voir s’il trouve une paire de chevaux pour remplacer mes deux vieux noirs […]. À Pérenchies, je vois le nouveau textile d’Agache : le china qui s’obtient, dit-on, avec les déchets de filature. Retour à Boulogne par la plus splendide nuit que l’on puisse imaginer. Je retrouve ma chère petite femme en bonne santé.

158Samedi 4. Temps admirable mais trop chaud. Promenade à 3 h au port en eau profonde avec les Panckoucke, les Montfort, les Plock […].

159Mardi 7. […] Après le bain et le déjeuner, nous allons au musée avec maman Jules, les Dislère, Ninette et les enfants. Il fait un temps délicieux […].

160Mercredi 8. Départ des amis Dislère pour Gravelines et Dunkerque. Je compte aller les rejoindre demain à Dunkerque et voir les nouvelles constructions de Rosendaël. J’écris à Descamps, à Suchet (au sujet de la prorogation du marché des toiles rurales), à Duval […].

161Jeudi 9. Je me lève à 5 h ½ pour prendre le train de Dunkerque […]. Je trouve les amis Dislère très satisfaits de Dunkerque mais je trouve que Rosendaël n’est pas beaucoup mieux que lorsque j’y demeurais […]. Nous visitons le musée, les travaux des bassins gigantesques, les jetées… mais le temps se met tout à fait à la pluie. Je rentre à 8 h. Le soir, je vais au casino de Boulogne que je trouve fort animé. […]

162Samedi 11. Après le déjeuner, je pars à 1 h ½ pour Verton et Berck. Arrivée à Verton à 2 h 13. Je monte dans l’omnibus de Berck-plage (45 minutes de route). Jolie plage, garnie de nombreux chalets que l’on croirait sortis d’une boîte de jouets d’enfants. Ils sont plantés dans le sable d’une façon irrégulière mais peu pittoresque. Tout le monde est à pieds nus, c’est la grande mode du pays où l’on vit d’une manière primitive. Je rencontre Stalars et ensuite E. Maquet et ses enfants. Je l’invite à venir dîner avec moi à l’Hôtel de Berck. Je visite le grand hôpital maritime que la ville de Paris construit pour les enfants scrofuleux et infirmes. Je vois Cazin, le médecin qui y soigne les 500 petits malheureux. La communauté religieuse des Franciscaines dessert l’hôpital. Elles sont 68 sœurs pour cette triste besogne. Le résultat paraît excellent. Retour à 8 h 11. Je rentre à Boulogne à 9 h ½ et je vais au casino voir danser les enfants. Il pleut à verse le soir.

163Dimanche 12. Grande fête communale de Boulogne […]. La foule est énorme dans toutes les rues que l’on a pavoisées artistement. Je conduis Mathilde après dîner chez Cavenc pour prendre des glaces et voir passer la retraite aux flambeaux. Foule et bousculade dans la rue de l’Eau.

164Lundi 13. Les fêtes continuent mais le temps devient moins beau. Nous entendons cependant le concert aux Tintelleries que donnent les Guides de Bruxelles […]. Panckoucke va à Paris et le colonel de Montfort prend sa place près de madame, ce qui nous fait bien rire en raison de la confiance excessive que ce brave homme paraît avoir en son ami […].

165Mardi 14. Le temps étant mauvais, le concert des Guides qui devait avoir lieu dans le jardin du casino, a lieu dans le casino même. Nous avons donc musique de 4 à 6 h, puis nous allons au théâtre entendre M^lle Hasselmans dans La Fiancée de Lamermoor85. On jouait aussi une pièce Le Gentilhomme pauvre86 qui nous a bien amusés. Nous avons vu le manège significatif d’une jeune fille de Boulogne lorgnant toute la soirée un officier assis derrière nous et qui se moquait d’elle avec ses camarades.

166Mercredi 15. Temps mauvais. Impossible de prendre des bains car on a la précaution de hisser le drapeau noir et jaune. J’en profite pour faire ma visite aux Huret – Lagache. J’aurais dû la faire depuis longtemps. Je suis admirablement reçu et l’on me fait voir toute l’installation pour l’enduit des havresacs […].

167Samedi 18. Tempête qui empêche de prendre des bains […].

168Dimanche 19. Temps affreux. Pluie et vent. Grande marée. Fête nautique remise à d’autres temps. Après la messe, je vais au casino lire les journaux et en rentrant, Mathilde m’annonce que Lefèvre réclame 500 francs de plus en prétendant que c’est 2300 F que je lui dois pour la location d’août et de septembre. Je m’empresse d’écrire à Larivière pour qu’il m’envoie les reçus de l’année dernière qui doivent se trouver à Marquette.

169Lundi 20. Visite au père Ollivier. Grande marée à 12 h. La mer se brise sur les falaises à une grande hauteur. C’est superbe […]. Le soir, nous jouons aux cartes avec les enfants. J’apprends à Julio l’écarté.

170Mardi 21. Temps pourri, humide. Je lis la Revue des 2 mondes prêtée par le directeur du casino. Promenade au bout de la jetée par la pluie mais je vais néanmoins jusqu’au bureau de ventes où l’on vend les produits d’un peintre boulonnais Eugène Bénard […].

171Mercredi 22. Le temps est toujours sombre mais il ne pleut pas. Je vais chez Raynault commander un gilet pareil à ma jaquette de drap bleu et me faire couper les cheveux chez Albert. Après déjeuner, je monte sur la falaise de Capécure pour voir une dernière fois les travaux du port en eau profonde et faire mes adieux pour cette année au Portel […]. Après le dîner, nous jouons aux cartes avec Tony et nous allons au casino pour la dernière fois de l’année. Il y a encore bal d’enfants assez animé. […]

172Jeudi 23. Temps couvert, pluvieux mais chaud. Nous prenons un bain fort agréable. Départ à midi 20 pour Calais où nous arrivons à 2 h et nous trouvons les amis Cousin qui nous promènent partout en voiture. Je fais visite chez les Isaac – Dathis où je n’étais pas allé depuis 20 ans […]. Le jeune Louis qui a 12 ans doit venir faire son éducation à Marcq. Je me suis proposé pour être son correspondant. […]

173Vendredi 24. Départ de Boulogne à 8 h 50. Je fais une dernière promenade sur la plage regrettant de devoir la quitter […].

174Samedi 25. Je vais à Lille voir maman Jules et Ernest puis je monte au Salon des négociants pour lire les journaux. Julio est fort enrhumé. Vanpeteghem craint une fluxion de poitrine et ordonne vésicatoires, iode… Mathilde couche dans sa chambre et Tony vient avec moi. Il remue toute la nuit comme un ver. […]

175Lundi 27. Je vais chez Bogaert voir un cheval bai brun que je monte et qui me paraît bon, mais encore fort peu dressé. Dîner à Hellemmes pour la fête de ma tante. Soirée ravissante. […] Les Édouard Scrive sont dans une situation peu prospère, car Édouard fils qui avait 300 000 francs a dépensé le double à Marquette, ce qui oblige son père à lui venir en aide et à s’occuper de la papeterie. […]

176Jeudi 30. Je fais atteler le nouveau cheval et je me promène avec Bogaert. Je lui cède Stella + 1200 francs pour avoir cette jolie bête qui marche bien […]. Je fais les visites d’arrivée chez les Auguste, les Émile, les Édouard et Paul Scrive […].

Octobre

177Vendredi 1^er. Je visite la fabrique de Dulac, rue de Tournai. C’est incroyable que Dulac ait pu réussir à gagner de l’argent dans une semblable boutique. On enlevait la petite machine de 20 chevaux (horizontale, Kling, détente Farcot). L’acheteur qui est un nommé Diérickx87, la vendrait 6 000 F avec les pierres. Temps admirable. Julio et Tony prennent leur première leçon avec M. Canotte et M. Hermand. Je vais passer l’après-midi à Armentières où je visite les établissements de Dulac et de Villard. Dulac a 2 machines Corliss de 540 chevaux (270 chacune) qui coûtent 78 000 F. Il est enthousiaste de son générateur à bouilleurs superposés mais son usine laisse beaucoup à désirer sous le rapport des métiers et des machines préparatoires. Il est éclairé à l’électricité. Villard a une installation grandiose. Sa maison est des plus confortables et ses magasins sont immenses. Il peut loger 10 000 pièces de toile et cela ne lui suffit pas car il double son magasin. […]

178Lundi 4. Je vais à Lille avec le nouveau cheval qui marche bien. Il n’a pas peur du tramway à vapeur. Suchet annonce le rejet de 20 pièces toile à chemise qui sont trop rousses. J’espère que nous pourrons les blanchir. Les enfants vont chez leur ami Gabriel Crépy où l’on joue Le Sourd ou l’auberge pleine88 et Les 2 aveugles89. Ils s’amusent beaucoup. Je reste à Marquette tout seul ; il fait un temps affreux et je m’amuse à lire Le Procès de l’absent de S. Blandy qui m’amuse beaucoup.

179Mardi 5. Temps charmant. Je vais chez Bogaert chercher la jument nouvelle et j’en prends livraison. J’espère qu’elle me fera un bon service […].

180Mercredi 6. Pluie toute la journée. Je vais néanmoins à Lille en tramway et Constant vient me chercher avec le vieux cheval. Les jeunes Isaac de Calais viennent passer l’après-midi avec moi. Augustin a épousé M^lle Aigre de Boulogne et il est venu à Lille pour conduire à Marcq son jeune frère Louis […].

181Vendredi 8. Pluie torrentielle. Je reste à Marquette où Émile Loyer, le capitaine de gendarmerie, vient nous retrouver pour dîner avec nous. Il parle de Poupon et de l’affaire de panification qui marche à la diable […].

182Dimanche 10. […] Je vais au Salon et de là aux Dominicains. Le père de La Royère s’anime contre les décrets de proscription qui les obligent à fermer leurs chapelles […].

Tramway à vapeur

183Mercredi 13. Je pars à 6 h ½ pour Bruxelles en compagnie de Casse. Les Boutry – Droulers au grand complet se rendaient aussi à Bruxelles. Je vais déjeuner avec Casse au Grand Hôtel de Bruxelles, copie assez médiocre du Grand Hôtel de Paris. Puis, je l’entraîne au Palais des Beaux Arts voir l’exposition des peintres belges de 1830 à 1880. Visite longue et détaillée de toutes les machines à vapeur de l’exposition parce que Casse a l’intention de monter de nouveaux métiers à tisser et à faire les rideaux […].

184Jeudi 14. Temps ravissant. Je vais à Marcq voir le jeune Isaac et par la même occasion, de Negri. Ce dernier m’intéresse beaucoup. Il est intelligent, mais paraît très délicat, ce qui ne l’empêche pas de vouloir être officier dans l’armée belge comme ses frères. Isaac est le type de collégien indiscipliné mais bon enfant […]. La pension me paraît assez mal tenue et négligée. Il me semble que les Jésuites lui avaient fait beaucoup de tort […].

185Vendredi 15. […]. L’après-midi, je fais une grande promenade à cheval avec Bogaert. Je monte le nouveau cheval qui marche assez bien et dont je suis content, bien qu’il ait fait encore quelques petites fautes. J’espère qu’il s’en corrigera avec le temps et qu’il me fera un bon service, sans me jeter à terre ou dans les fossés.

186Samedi 16. Temps superbe. Je vais à cheval à Lille. Cette bête me fatigue beaucoup. Elle met le mors et la bride de côté et ils paraissent la gêner beaucoup. Elle me fait quelques farces. Il faut que Bogaert la dresse mieux que cela. Je vais jusqu’à Wazemmes. Je retourne l’après-midi à Lille en tramway.

187Dimanche 17. Temps superbe, exceptionnel. Je vais à Lille en tramway lire les journaux au Cercle et au Salon. Je reçois les Émile au grand complet, madame Lisnard, Georges et Nelly […].

188Mardi 19. […] À 2 h, je pars pour Wattignies avec Louise et Mathilde. L’on fait beaucoup de difficultés pour nous laisser visiter les objets d’art parce que Pajot90 est parti par le train de 2 h. Cependant, nous finissons par être reçus et par visiter à peu près l’intérieur du château. Je suis peu émerveillé de l’ensemble et je trouve que c’est bien payé par Pouillier – Longhaye au prix de 430 000 F. Il pleut à verse, ce qui contribue à faire paraître le château fort triste. C’est certainement grandiose mais vieux et mal entretenu.

189Mercredi 20. […] Le représentant de Jean-Peyrusson vient parler à Larivière de son système de machine à vapeur à détente Correy. Il donne les adresses des industriels qui ont monté ce système ou qui ont transformé leurs vieilles machines […].

190Jeudi 21. Je vais à Lille en phaéton le matin, chez Bacqueville et chez Leclerq – Hertemer […]. Vendredi 22. Je vais à Roubaix et à Tourcoing avec Larivière pour voir les machines Jean et Peyrusson de M^me V^e Fouan et de messieurs Delattre père et fils. Nous sommes très satisfaits de ce que nous voyons et de ce que nous entendons. Ces messieurs sont enchantés de leurs machines. Chez Delattre, nous voyons une grande machine qui conduit la filature de laine peignée et qui est transformée par Jean et Peyrusson. Puis, nous en voyons une autre à la filature de coton : 24 000 broches + 6 000 à retordre et 600 métiers à tisser. Lettre de madame Mancel qui annonce que Mancel vient d’être nommé conseil du chemin de fer d’Oran à Tlemcen et qu’il est parti pour l’Algérie […].

191Dimanche 24. […] Dîner chez maman Jules pour le raccroc de noce du fils LeBlan (Émile). Je cause machine à vapeur avec LeBlan qui préconise beaucoup le système Corliss.

192Lundi 25. Les enfants vont prendre leurs leçons et nous allons dîner chez papa Jules qui est très content de nous voir et de pouvoir causer d’affaires. Desmarescaux père et fils viennent raconter leurs misères avec leur forage pour la machine à vapeur du moulin : les outils, les coffres se mettent de travers dans la longueur du forage et on ne peut plus les retirer. On les engage à faire tout simplement un puits ordinaire pour recueillir les eaux sauvages.

193Mercredi 27. […] Je songe à déménager une partie du grand tissage pour placer les métiers dans le tissage neuf quand j’aurai une nouvelle machine à vapeur. Je ferai descendre l’atelier d’Hortense et peut-être les bobineuses dans le grand tissage ainsi débarrassé de métiers.

194Jeudi 28. Le passage prend la place de 22 métiers. J’ai l’envie d’agrandir le petit tissage […]. Dîner à Lomme avec les Théry – Van Rullen, les Vernier — Gihoul, Joire – Vernier, Pollet – Vernier, le jeune notaire Desmottes qui s’installe à Lomme, Mertian, les Houzé de l’Aulnoit, papa et maman Jules, les Henri, les Dujardin et les Scrive – Bigo. […]

195Samedi 30. Je pars à 6 h 40 pour Paris […]. Déjeuner chez Guyot avec Lévesque, Duval et Chas. Entente avec les fabricants pour les toiles 90. Affaire des treillis : 1 000 pièces. Je vais à l’exposition des Champs-Élysées. Exposition des œuvres de La Couture, exposition rétrospective du métal. De là, je vais acheter pour Julio des soldats et chez M. Lièvre voir des objets d’ameublement artistique qui sont vraiment de toute beauté. Retour avec Pouchain, Chas, Mamet, Catteau de Roubaix et Gilin – Wattel de Tourcoing qui nous chante des gaudrioles très réussies (le procès, le sabot, les départements…). Constant est très souffrant d’une bronchite. Je le remplace momentanément par Louis qui vient de chez M^me de Clercq à Oignies. […]

Novembre

196Lundi 1^er. […] Grand messe en musique. Je fais des compliments au chef pour la bonne exécution des musiciens. Maman Loyer vient dîner à midi. Elle nous parle de sa situation qui s’améliore de plus en plus. […]

197Mardi 2. […] je vais chez Bacqueville, chez maman Loyer, chez Dequoy. Je visite en détail cet immense établissement : 600 métiers à tisser dont 270 en jute, filature de lin, filature de jute. C’est colossal mais cela ne prospère pas. Cependant l’usine est bien montée et paraît en ordre. 1 machine Corliss qu’ils vont accoupler. 2 machines verticales construction Le Gavrian d’environ 80 chevaux. Elles vont trop vite (dans mon opinion) à 30 tours par minute. 2 machines horizontales de 60 chevaux. 2 machines en l’air qu’ils disent construites par Boyer d’environ 36 à 40 chevaux. 2 machines horizontales Paulus91 à détente Farcot d’environ 60 chevaux et puis encore d’autres machines que je n’ai pas vues.

198Mercredi 3. Visite chez Wallaert à Moulins. 2 machines Corliss de 660 chevaux (109 000 F) qui remplace la machine Hicks dont ils étaient mécontents. Cette machine dépensait 48 wagons de charbon par mois tandis que la Corliss (plus chargée) n’en dépense que 28 (30 000 broches en fin, 16 000 retord). Au tissage, il y a 260 métiers, 12 pareuses. La machine est d’environ 60 chevaux (2 jumelles de 30) marchant à grande vitesse. Chez Lefebvre, fabricant de céruse, je vois la machine Jean-Peyrusson de 25 chevaux (type n^o 3). Elle a coûté 25 000 francs. Elle remplace une machine de Boyer de même force qui avait été construite en 1832. Dubrulle de chez Jean-Peyrusson vient donner des nouveaux détails sur la machine Correy.

199Jeudi 4. Il gèle fort cette nuit […]. On parle de l’expulsion des Dominicains pour aujourd’hui, aussi y a-t-il beaucoup de monde rue N-D. […]

200Vendredi 5. […] Je cause avec Descamps d’une cave sous le magasin de toile, il trouve que la maison vaudrait 30 % de plus s’il y avait une cave et un magasin sur voûtes. Je vais à Armentières visiter le tissage Béghin. Superbe installation pour 400 métiers, très complet. Machine de 80 chevaux Deplechin, venue de Dunkerque où elle avait marché 13 mois seulement (verticale). Visite le magasin Chas-Vagnair qui est très vaste et bien compris. Visite le tissage Pouchain, très soigné (200 métiers, 3500 broches). Machine Corliss de 80 chevaux montée en 1870 dont il est satisfait. Elle remplace 2 machines de 25 chevaux de Deplechin (verticales) qui sont arrêtées mais prêtes à marcher. Il estime à 10 ou 12 % l’économie de la Corliss. Crémage bien monté, très propre, sur cadres et pas de roulettes. Visite tissage Dulac pour l’éclairage électrique. Superbe effet de lumière […]. Il estime que l’éclairage ne lui coûte pas plus cher que par le gaz et qu’il aura une grande économie quand les bougies coûteront moins cher […] À mes yeux, la plus belle installation d’Armentières est encore celle de Villard – Castelbon. C’est inouï que l’on ose se lancer dans des dépenses aussi considérables dans une industrie aussi terre-à-terre que la toile. Expulsion des Dominicains et des Rédemptoristes

201Dimanche 7. Grande animation au sujet de l’expulsion des religieux. Je vais à la messe à St-Maurice à 8 h après avoir été voir Constant que je trouve fort souffrant. Dîner chez ma tante Scrive-Bigo et tous les ménages Scrive sauf les Édouard. On parle du père Boutry qui va monter à Armentières un tissage de 300 métiers. Il a 75 ans. Il ferait mieux de songer au repos, surtout quand il a sous les yeux le sort de son contemporain M. Mahieu-Delangre qui est à la mort.

202Lundi 8. Réinstallation à Wazemmes. Nous allons dîner chez maman Loyer. […] Je reprends mes agréables habitudes, c’est à dire que je vais au Cercle lire des journaux et des revues pendant quelques instants dans l’après-midi. Le soir, grande discussion avec maman Loyer au sujet des décrets.

203Mardi 9. […] Après le dîner, je visite l’usine Wacrenier. La machine est de toute beauté : Corliss de 80 à 90 chevaux, a coûté 49 000 francs, plus les transmissions, ensemble : 71 000 et 30 000 francs de bâtiments, de pierres, de tuyaux.

204Mercredi 10. […] Le ministère Ferry a été culbuté hier à la Chambre. […]

205Jeudi 11. […] Dîner chez papa Jules avec Louise et Victor. Grande discussion sur les décrets et sur les Dominicains. On fait les expériences à Marquette sur les machines à vapeur. J’écris à 8 ou 10 manufacturiers pour avoir des renseignements sur la machine Correy. […]

206Dimanche 14. Soirée de musique chez M^me Wallaert avec Masurel. Les morceaux de musique de Massenet sont charmants et c’est une soirée très réussie où je m’amuse beaucoup […].

207Mercredi 17. Pluie battante. Lettre de madame Mancel au sujet des événements politiques et religieux. Elle approuve tout ce qui s’est fait ; cela va sans dire et donne des détails sur le voyage d’Algérie de son mari. Soirée chez Auguste Wallaert pour la présentation du futur gendre Jules Verstraete. Maison superbe. Lettre des industriels relative aux machines à vapeur. […]

208Vendredi 19. […] Maman et papa Jules sont allés à Caestre hier malgré le temps affreux. Ils sont contents de l’inauguration du moulin. Anniversaire de la mort de notre petite Mathilde, 19 novembre 1872. Voilà huit ans ! […]

209Jeudi 25. Descamps écrit que les affaires sont très difficiles. Il a néanmoins pris des ordres chez les principaux clients […]. Dîner chez Édouard Agache avec ses père et beau-père. Le peintre Morot92 qui fait le portrait de la jeune Madeleine, Lecreux-Druez, Albert Crespel, les Decroix, Ernest Plaideau, Leblan-Delsalle.

210Vendredi 26. Descamps rentre de Paris. Les affaires difficiles déjà deviennent impossibles en raison des offres insensées des concurrents. Je vais chez papa Jules pour m’entendre avec maman pour la Ste Cécile. Il paraît que Casse fait des sottises pour sa musique. Je ne l’imiterai pas. […]

211Dimanche 28. Temps admirable. Fête de Ste Cécile à Marquette. Messe en musique à St-Maurice avec discours du doyen. Promenade au musée avec les enfants. Conférence de Passy93 au théâtre pour la Société philotechnique […].

Décembre

212Jeudi 2. Distribution des jouets aux enfants de l’asile. Temps superbe […].

213Dimanche 5. Lettre de faire-part de décès de Philippe Duhamel. Je décide que j’irai demain à Merville puis à Aire pour visiter ces localités et assister aux obsèques de Duhamel. Dîner chez mon oncle Henri avec les Émile. Le soir, les Scrive-Bigo, les Boselli. On parle de Dequoy qui doit 2 500 000 francs à la succession J. Descat et qui ne paie rien. Les héritiers réclament le paiement de cette somme parce qu’elle figure sur les livres et que l’on doit payer les droits de succession sur l’actif d’une succession même quand il n’est pas réalisable. Descamps rentre de Paris à 5 h ½ ayant traité 700 pièces treillis à Lévesque et 300 qu’il achètera chez les confrères.

214Lundi 6. Je pars à 6 h 45 pour Merville […]. Après avoir visité l’usine de Duhamel et déjeuné, vu Dupont qui gardait la maison de Duhamel. Je vais jusqu’à Aire dont la cathédrale m’intéresse beaucoup, ainsi que d’autres constructions assez curieuses. […]

215Mercredi 8. Pascalin a acheté la filature d’Halluin que Vrasse dirigeait. Il l’a payée 50 F la broche, soit 174 000 francs. […]

216Jeudi 9. Je vais essayer un cheval chez Bogaert. Je crois que je me déciderai pour un cheval bai qui paraît avoir de l’ardeur […]. Le dîner chez Houzé est très gai. Je tiens le dé de la conversation. Je fais rire les convives en racontant différentes histoires […].

217Vendredi 10. Départ pour Paris par un temps superbe […]. Nous arrivons au Grand Hôtel où nous prenons une belle grande chambre au 3^e étage (20 francs). Théâtre des Variétés, Rataplan94, revue de l’année. Nous y trouvons Ed. Agache et sa femme. La salle est pleine et nous sommes dans une 2^e loge avec un monsieur qui a habité 5 ans l’Égypte. Sa femme est très aimable. Nous revenons à pied nous coucher, contents de notre 1^re soirée. […]

218Dimanche 12. Nous faisons la grasse matinée. Bonnes lettres de Lille. Maman Loyer annonce la fermeture du collège des Jésuites du P. Pillon. Déjeuner chez Nolta ( ?) après avoir été à la messe à La Madeleine. Gymnase : matinée dramatique. Les Braves gens95 qui nous amusent beaucoup : beaux sentiments, bonne comédie, exécution parfaite. […] Nous lisons les journaux au Grand Hôtel ; Mathilde écrit à maman Loyer et nous faisons la dînette dans notre chambre.

219Lundi 13. Je fais une promenade chez les brocanteurs du Boulevard Haussmann. Déjeuner au Grand Hôtel, promenade à pied jusqu’au palais des Champs-Élysées. Exposition des arts décoratifs. Promenade en voiture jusqu’à l’Arc de l’Étoile puis nous redescendons par le jardin Monceau et les boulevards […].

220Mardi 14. […] Après déjeuner, je pars pour St-Germain afin de visiter le musée des Antiquités nationales et revoir le panorama de la terrasse de St-Germain. La pluie me gène un peu. Madame Dislère et Mathilde viennent me chercher et nous allons dîner au Petit Véfour, puis nous nous rendons au Palais Royal où nous entendons Divorçons96 jouée par Chaumont et Daubray. C’est une pièce très salée mais amusante.

221Mercredi 15. Réunion des fabricants de toile à voiles chez Lévesque. Tous sont présent à cette réunion mais je regrette vraiment de venir perdre ainsi mon temps. Nous voyons passer le convoi de madame Thiers sur le boulevard. Théâtre du Chatelet : Michel Strogoffqui nous intéresse beaucoup […]. Dislère dit qu’il y a de mauvais rapports (entre autres celui de Parrayon) sur les nouvelles toiles à voiles en fil retord.

222Jeudi 16. Lévesque me parle d’une affaire colossale en treillis 72 qui monterait à 3 000 pièces. Je me mets à sa disposition pour lui acheter à Armentières ce que je ne pourrai pas fabriquer moi-même. M. Lamy vient déjeuner au Grand Hôtel et nous causons de la situation politique. Il paraît que M. Cambon, le préfet du Nord, lui a fait demander de venir le défendre à Lille […].

223Dimanche 19. […] Messe à Ste-Catherine, sermon du père Givron sur les crèches. Je lis toute l’après-midi. Dîner chez maman Jules avec les Houzé et madame Gonnet, les Scrive-Bigo, les Henri Scrive et leurs enfants. Faillite Funck de Roubaix qui entraîne un monsieur Droulers de Roubaix pour un million. Gustave a acheté une machine à papier à Vilvoorde en Belgique. […]

Papier à en-tête du tissage Scrive : l’usine, les médailles

224Jeudi 23. […] Hier j’ai vu papa Jules et je lui ai dit que j’avais l’intention de reprendre Marquette pour le prix fixé, mais que je demandais à faire l’acte plus tard pour ne pas avoir à payer les droits de mutation qui s’élèvent à 10 %. On ferait un acte sous seing privé renouvelable chaque année. Les tissages d’Armentières sont noyés par la crue de la Lys qui déborde à cause des grandes pluies de ces derniers temps. Je me demande comment Lévesque pourra faire exécuter son marché de treillis si ce temps continue. Dîner chez Gustave avec les Henri, les Dujardin et les Léonard Danel […].

225Vendredi 24. Je me fais conduire à Marquette et je prépare pour Danel le cadre de la bénédiction des maisons dont le texte a été imprimé il y a cent ans chez l’imprimeur L. Danel, son grand-père. Je reste l’après-midi à Wazemmes et je lis les poésies de Panard97.

226Samedi 25. Superbe fête de Noël. […] Je dîne chez maman Loyer avec les enfants. Je vais ensuite à Lille chez maman Jules avec eux.

227Dimanche 26. Temps superbe. Je vais à Lille à pied et, après la messe de midi à St-Maurice, je reviens avec les enfants. Nous dînons chez maman Jules avec les Auguste, les Boselli. […]

228Jeudi 30. La Chambre de Commerce a décidé que l’on me proposerait aux élections pour le 6 janvier avec Frédéric Kuhlmann et Julien LeBlan.