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  • – 7 – Oxford. La vie politique (1890-190...
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    Presses universitaires du Septentrion
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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral Le congrès international de Bruxelles (1891) Rencontres à Oxford Le congrès international de Zürich (1893) L’implantation du Parti ouvrier L’habileté de Bebel La fin d’Engels et les premières dissensions Le congrès international de Londres (1896) Ruptures de l’unité doctrinale Notes de bas de page

    Les souvenirs de Charles Bonnier

    Ce livre est recensé par

    • Sylvie Aprile, Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, mis en ligne le 19 octobre 2009. URL : https://journals.openedition.org/chrhc/1612 ; DOI : https://doi.org/10.4000/chrhc.1612
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    Table des matières

    – 7 – Oxford. La vie politique (1890-1900)

    p. 193-218

    Texte intégral Le congrès international de Bruxelles (1891) Rencontres à Oxford Le congrès international de Zürich (1893) L’implantation du Parti ouvrier L’habileté de Bebel La fin d’Engels et les premières dissensions Le congrès international de Londres (1896) Ruptures de l’unité doctrinale Notes de bas de page

    Texte intégral

    1Pendant ce long séjour à Oxford, je m’occupai assidûment de politique et je fus, dans la mesure du possible, un chaînon de cette longue chaîne flottante qui s’étendait alors sur toute l’Europe, la chaîne de la nouvelle Internationale, fondée à Paris au Congrès de 18891.

    Le congrès international de Bruxelles (1891)

    2En 1890, lors de la première manifestation du 1er Mai, il fallut absolument trouver un organe quotidien, ce rara avis2 du Parti ouvrier français. Je ne sais comment Jules Guesde fit la connaissance d’un boursier au nom italien, possesseur d’un journal qui végétait misérablement. Guesde s’en empara et me demanda de l’aider ; nous étions en tout deux rédacteurs à part un membre de l’ancienne rédaction qui rédigeait le courrier des théâtres et des tribunaux. C’est alors que nous eûmes l’idée de créer une agence socialiste internationale, à l’instar d’Havas, de Reuter ou de Wolff. C’était l’époque des belles audaces ! Liebknecht, à qui j’écrivis à ce sujet, m’indiqua son gendre Geiser3 comme correspondant pour l’Allemagne et l’Autriche ; les Aveling se chargèrent de l’Angleterre ; je ne me rappelle plus le nom des autres correspondants. Ce fut avec ce staff improvisé que Le Combat4 se lança dans la lutte et son apparition eut deux résultats. Le premier fut que Constans, qui allait bientôt être le Constans de Fourmies5, jugea à propos de subventionner un journal allemaniste pour nous combattre, le second – gloire immortelle – fut que Le Temps daigna nous emprunter, sous toutes réserves, nos renseignements internationaux.

    3Basly6, qui n’était plus à ce moment le Basly d’Anzin et de Decazeville, et pas encore le fondateur du grand syndicat des mineurs du Nord, avait paru hésitant sur la conduite à tenir lors du 1er Mai. Avec la belle exagération et intolérance de la jeunesse, je n’hésitais pas à le déclarer traître, et j’écrivis un article contre lui qui produisit une certaine sensation dans les milieux ouvriers du Nord. Chose curieuse ! l’apparition de ce journal ne fut pas approuvée par Engels, probablement parce qu’il en prévoyait la courte durée et parce que Lafargue n’y collaborait pas. Le journal ne survécut pas au 1er mai et il retomba dans son obscurité première.

    4J’étais délégué à la première manifestation du 1er Mai à Hyde Park, avec Delcluze (de Calais), nous étions sur l’estrade internationale dont Edouard Aveling était le Chairman : sur cette estrade se trouvaient les différents représentants des partis socialistes, entre autres Bernstein, Mendelson7, Stepniak. Je parlai de la fusillade de Fourmies dont on venait de recevoir la nouvelle. Les journaux bourgeois, comme le Daily Chronicle, ne pouvant critiquer le fond du discours, en attaquèrent la forme. Le grand succès fut, comme toujours, pour la plate-forme où se trouvait John Burns, le véritable orateur du meeting. Après la manifestation, on se rendit chez Engels. J’assistai au second congrès international, qui eut lieu à Bruxelles (1891)8, je revenais d’Allemagne. Ce congrès fut signalé par la déclaration commune, contre les armements capitalistes, portée à la tribune par Liebknecht et Vaillant. Dans la section française, les possibilistes étaient fractionnés en broussistes et allemanistes, ce qui causait de vifs regrets à Louis Bertrand, rédacteur du Peuple9. Iglésias10 vint faire un discours en espagnol contre les anarchistes avec une telle verve pittoresque, qu’Allemane, enchanté de comprendre cette langue sans l’avoir apprise, en fit la traduction au Congrès... Il faut signaler aussi la première apparition à un congrès socialiste de la citoyenne Kulishof, jadis célèbre anarchiste, et que nous retrouverons en 1893 à Zurich, devenue citoyenne Turati et marxiste acharnée11. Je revis à ce congrès Anseele et Volders, je crois que Vandervelde12 n’y parut pas. Dans la section où nous nous trouvions, un être broussailleur nommé Camescasse13 et moi, Volders parut pour faire des allocutions en allemand, allocutions qu’il terminait toujours par le mot : Verstanden ? Quoi qu’il en soit, Vaillant eut plus de succès auprès des délégués allemands ; il faut remarquer que Vaillant a toujours été préféré par les socialistes allemands, soit parce qu’il leur parlait leur langue, soit pour quelque autre affinité élective14. Je me souviens aussi, lors de ce congrès, d’avoir fait la connaissance de Plekhanof, de Vera Zassoulitch et d’Axelrod15. Plekhanof, toujours vif et agité ; figure fine et broussailleuse ; Vera Zassoulitch, la femme ou plutôt la jeune fille d’une seule action, portant dans sa personne mystérieuse le souvenir d’un seul geste, le bras tendu, la main crispée sur le revolver qui tua le préfet de police, le général Trepof ; Axelrod, que je connus davantage au congrès de Zurich. Après les événements de Fourmies, Lafargue, comme on sait, fut condamné. J’allai le voir à Sainte-Pélagie. Il était au milieu d’anarchistes et passait son temps à se disputer avec eux, très gaiement d’ailleurs. L’élection de Lille l’en fit sortir16. Je le vis plusieurs fois à Lille ; il eut l’idée de me poser comme candidat dans la circonscription de Cysoing, croyant que le fait d’y avoir des parents pourrait amener le succès de ma candidature, il n’y avait d’ailleurs aucune chance de succès, et l’affaire, comme on dit, n’eut pas de suite.

    Rencontres à Oxford

    5Il m’a été donné pendant mon séjour à Oxford de faire la connaissance d’une étrange personnalité, qui alliait pour moi l’époque présente aux années qui précédèrent la révolution de 1848. Un des anciens professeurs de la pension où je professais à mon tour, le Dr Wolff17 vint me voir un jour. Il était petit, vêtu de noir comme un clergyman ; on se moquait de lui dans cette école, parce que l’on prétendait qu’il ne savait pas maintenir la discipline, et qu’il avait souvent besoin de l’appui de son fils pour tenir en respect les turbulents boys de l’école. Chez lui-même, sa femme et ses enfants ne semblaient pas avoir pour lui beaucoup de considération. Eh bien ! ce petit professeur étriqué était un ancien collaborateur de la Neue Rheinische Zeitung ; il avait été l’ami de Marx, d’Engels, de Freiligraht18, de Lassalle et de Heine. Il avait vécu à Paris avec ce dernier, et lorsque je lui montrai le livre de Weill, il me décrivit l’intérieur de Heine et de la fameuse Mathilde19. Il avait aussi été lié avec Lassalle et il me le représentait avec cette forfanterie qui était chez lui presque inconsciente, c’était bien celui que Marx et Engels appelaient « le coq » (der Halm). Un jour, il avait dit à Wolff : Ich stamme von David (je descends de David). On l’appelait alors « Wolff le rouge » (der rote Wolff) pour le distinguer de Wilhelm Wolff20, à qui Marx a dédié le premier volume du Capital. A Londres, dans la société des proscrits, il fréquentait beaucoup Lothar Bucher21, qui ne se doutait pas alors qu’il deviendrait un jour le familier de Bismarck (voir Bismarck und seine Leute de Moritz Busch22). Puis la nécessité d’élever une famille lui avait fait adopter le métier de professeur libre, en Lancashire (à Bolton, je crois). Comment était-il venu échouer à Oxford, cette épave des temps héroïques ? Il prétendait toujours avoir eu chez lui des lettres très intéressantes de Lassalle, qu’on lui aurait dérobées, disait-il. J’eus la bonne fortune de rétablir les relations entre lui et Engels. Ce dernier vint me voir à Oxford en 1892, je crois, et je lui fis refaire la connaissance de Wolff, avec qui il avait déjà échangé quelques lettres. De même, lorsque Liebknecht fit sa tournée de conférences avec les deux Aveling, il passa quelques heures avec son ancien compagnon d’exil. Il n’y avait pas, je crois, beaucoup de sympathie entre eux. La nature sérieuse, un peu solennelle de Liebknecht ne « cordait » pas avec l’esprit vif, spontané, de Wolff.

    6La visite d’Engels fut pour moi un joyeux moment de ma vie, il revoyait avec plaisir Oxford où il était venu jadis avec Marx. A ce moment les premières ombres de la vieillesse et de la souffrance commençaient à peine à assombrir cette vigoureuse nature. J’allais plusieurs fois le voir dans sa nouvelle demeure à Londres : ce n’était plus le joyeux milieu des années précédentes, à la bonne et cordiale Hélène avait succédé le ménage de la première Madame Kautsky, remariée à un docteur en médecine de Vienne23. Il me sembla gêné dans ce nouveau milieu, et, jusqu’à un certain point, tenu en tutelle. Le ménage avait pris chez lui un peu trop de place et écartait – comme cela arrive presque toujours – les amis de la première heure.

    7La conférence de Liebknecht à laquelle je ne pus malheureusement assister eut un succès de curiosité : tous les étudiants voulaient aller entendre le député du Reichstag, récemment condamné. Je rencontrai dans High Street quelques étudiants qui discutaient les théories socialistes. Je m’étais lié d’une amitié profonde avec Powell, comme on l’a vu plus haut, et nos différences d’opinion politique ne purent rien contre cette affection. Je crois que Powell avait vu Marx, qui était allé le trouver à Christ Church, du moins il me raconta ainsi son initiation au socialisme. Pendant son séjour à Londres, lorsqu’il était membre du Middle-Temple, il avait beaucoup fréquenté en 1871 les réfugiés de la Commune, notamment J. Vallès24 et J.-B. Clément25. A propos du premier, il me racontait combien il avait été séduit par cette parole sarcastique et pittoresque ; dans un exemplaire de L’Insurgé, que je possède, où se trouve le portrait de Vallès, Powell écrit : « c’est bien lui, c’est là ! » J.-B. Clément était resté à Londres le poète du Chant des Cerises, je ne le vis qu’au congrès de Bruxelles, où il bougonnait la nouvelle Internationale, où il se trouvait dépaysé. Powell avait donc beaucoup fréquenté les milieux communards de Rupert Street ou de Leicester Square ; il me racontait les saillies spirituelles et mordantes de Jules Vallès, un communard fut traduit devant les tribunaux (à Old Bailey, je crois) et le juge Newton, en interrogeant Jules Vallès, lui avait dit : « Vous êtes Monsieur Jules Vallès ; j’ai beaucoup admiré vos Réfractaires26 ! » J.-B. Clément chantait ses chansons. Tout cela se résumait chez Powell dans ce mot « la Sociale », qui couvrait cette époque héroïque, qu’il préféra – probablement pour des motifs artistiques – toujours au nouveau socialisme, moins coloré et romantique.

    8Lorsqu’il fut nommé regius professor of modern history, il consacra une partie de son cours à une étude sur la Commune de Paris, ce qui fut jugé subversif par ses collègues. Ces derniers, tout en admirant et aimant beaucoup York Powell, étaient tant soit peu effarouchés de rencontrer chez lui des révolutionnaires de marque, tels que Kropotkine27 et William Morris ou Bernard Shaw. Je n’ai jamais rencontré Kropotkine mais il n’en est pas ainsi des deux autres. Je vis William Morris chez Powell un jour qu’il venait faire une conférence dans un local attenant à la place du Marché. J’assistai à cette réunion, Powell présidait. Morris était loin d’être un orateur de réunion publique, mais chez lui le poète et l’ami de Ruskin faisaient tolérer aux yeux des étudiants le socialiste militant. Powell me racontait qu’un jour, chez lui, on lui annonça la visite d’un évêque (anglican) et que Morris s’écria en entrant : « Where is the L… Bishop ? » (où est ce sacré évêque ?).

    9Dans cette réunion dont je parle, le grand succès fut pour Hinds. C’était un brave homme, ce qu’on appelle en anglais un character ; il était le seul représentant du socialisme à Oxford et il haranguait les étudiants qui plaisantaient avec lui familièrement. Il avait vraiment le talent primesautier de l’orateur en plein vent, il prêchait aussi bien sur le green d’un village que dans la rue ; il avait été élève de Bradlaugh et aussi de Joseph Arch28. Il était d’ailleurs ramoneur de son état. Un jour à Magdelen College un étudiant l’avait invité à venir chez lui avec George Bernard Shaw, les autres étudiants vinrent les assiéger et voulaient leur faire chanter le God save the Queen ; je crois qu’on enleva la perruque de Hinds (qu’il vint d’ailleurs rechercher gravement le lendemain), Bernard Shaw prétendit qu’il était trop enrhumé et pas en voix. J’allai voir Hinds chez lui, c’était un intérieur « sociétaire », avec de nombreuses demoiselles Hinds. Nous avions fait le projet d’aller voir William Morris à Kelmscott29 mais je ne sais pourquoi nous ne pûmes jamais trouver le temps de faire cette excursion, nous devions aller aussi visiter un parc seigneurial, Hinds prétendait qu’avec son ami, le game-keeper30, nous entrerions partout, nous visiterions tout. Lorsque Liebknecht vint me voir avec les Aveling, je lui présentai Hinds, qui fut enthousiasmé de celui qu’il appelait « Lip Knech » et il m’en parlait toujours avec admiration. Quant à Bernard Shaw, il appartenait aux Fabiens et j’en ai parlé plus haut, un jour que j’allai voir Powell, celui-ci me dit que Shaw venait de lui lire une petite comédie : The Man of Destiny31, qui lui avait beaucoup plu. On venait de jouer, je crois, à l’Avenue Theater, sa première comédie The Arms of the man qui avait révélé son nom comme auteur dramatique. De même qu’on appelait une actrice de l’Empire le « passage des princes », on pouvait nommer l’appartement de Powell le passage des célébrités politiques et autres. Powell, dans sa jeunesse, était sympathique à la « Sociale », comme il disait, mais c’était plutôt un goût du pittoresque et de l’indépendance qui lui faisait rechercher les réfugiés de la Commune. Dans nos conversations à ce sujet, il m’avouait franchement qu’il n’admettait guère les théories de Marx ; il était plutôt disciple de Stanley Jevons32 et de sa théorie des valeurs, qui ne serait pas, comme Marx, basée sur la durée du travail mais sur la valeur intrinsèque de l’objet. C’est d’ailleurs un peu l’opinion répandue dans les universités anglaises. Qui peut admettre la lutte des classes dans les bosquets et les allées de Christ Church ou d’Addison’s Walk, tout au plus dans les sombres allées du quartier avoisinant Folly Bridge, où Hardy place les aventures de son obscur Jude ?

    10Après le congrès de Bruxelles (1891), on eut l’idée de grouper les syndicats internationalement, et à cette œuvre se consacra surtout et avant tout Mrs Eleanor Marx Aveling. Sa connaissance profonde de plusieurs langues lui permit de devenir correspondante entre les syndicats des diverses nations. Je l’aidais dans la mesure de mes moyens. En ce qui concerne la France, elle fut celle qui mit en rapport les tullistes de Calais (Saint-Pierre) avec ceux de Nottingham ; je parlerai plus en détail de cette grève, car j’en connus les principaux acteurs, Delcluze, Salembier et Letailleur33. Delcluze, petit, ramassé, plein d’énergie, avec une sorte de gaieté cordiale qui le rendait populaire dans la masse ouvrière de Calais ; Salembier, plus lourd, ancien marin, organisateur du syndicat des tullistes ; Letailleur (de Saint-Omer) qui eut l’idée, je crois, de s’adresser à l’Union de Nottingham. Une grève avait éclaté entre les ouvriers et les patrons et ces derniers allaient l’emporter, lorsque les secours anglais décidèrent la question, moins par leur importance que parce que les patrons sentirent derrière le syndicat français l’appui de l’Unionisme anglais. Ce fut une belle victoire.

    Le congrès international de Zürich (1893)

    11Mrs Aveling amena aussi l’union entre les verriers d’Angleterre (avec Greenwood) et ceux de France. La police française eut vent de ces négociations, et un jour on vint chez moi, en France, faire une enquête à mon sujet. Nous arrivons ainsi au Congrès international de Zürich (1893). Ce congrès fut un des plus déconcertants et des plus chaotiques qu’il y ait eu depuis la fondation de la seconde Internationale. En premier lieu, les militants français des partis organisés ne purent y assister, à cause des élections législatives ; ils avaient demandé la remise du Congrès, ce qu’on ne put leur accorder. La conséquence fut que les anarchistes, de Lyon et d’ailleurs, mélangés aux membres des syndicats, arrivèrent en rangs serrés, conquirent la majorité dans la section française et régalèrent les oreilles des autres délégués internationaux de nombreux cris de « Vive l’Anarchie ». J’étais passé par Berlin et j’y avais vu Liebknecht et Singer à qui je demandai d’envoyer leur appui « monnayé » aux membres du Parti Ouvrier ; ils envoyèrent, je crois, 3000 marks, dont il fut beaucoup parlé, notamment lors de l’élection de Jules Guesde à Roubaix. Je m’arrêtai à Stuttgart, où je vis Madame Zetkin et Kautsky. Arrivé à Zurich, où je n’avais pas l’intention d’assister au Congrès en curieux, j’y fus retenu par Bebel et Liebknecht qui voulaient avoir au moins un délégué du Parti Ouvrier Français. Ils s’apercevaient un peu tard de l’erreur commise en n’ajournant pas le Congrès ; ils allaient être débordés par les éléments anarchistes, auxquels la scission de Domela Nieuventhuis allait ajouter un appoint sérieux. Ils écrivirent à Jules Guesde et à Lafargue à ce sujet. Je restai donc, n’ayant pour tout potage qu’une délégation envoyée par L’Ere sociale34. C’était une revue dirigée par un Roumain, Diamandi, à laquelle j’avais envoyé quelques articles, un entre autres sur la science bourgeoise, qui attira l’attention de Ferdinand Brunetière35. Lors de la première réunion de la section française il fut fortement question de ne pas accepter mon mandat. Keufer36, délégué des typographes, arguait, non sans raison, qu’un mandat de collaborateur d’un journal ou d’une revue avait peu de valeur. Chose curieuse ! ce fut Argyriadès37 qui soutint ma cause, lui aussi était orfèvre. Les agapes de la section française n’étaient rien moins que fraternelles, je faillis me battre avec un des délégués, semi-blanquiste semi-anarchiste, E. Degay38, depuis rédacteur en chef du Petit Calaisien et employé au Ministère du Travail, sous Viviani. Vandervelde nous sépara, mais depuis mes relations avec la section française furent tendues. D’autant qu’à la tribune du Congrès, où je siégeais en qualité d’interprète, j’avais attaqué les anarchistes. A ce moment, j’avais reçu un mandat en règle venant de Paris.

    12Les faits saillants du Congrès furent la lutte entre Domela et Bebel, l’ovation faite à Engels qui vint assister à la dernière séance du Congrès, présidée par la citoyenne Turati (voir Kulishof). La délégation italienne était alors d’un purisme de principes presque effrayant, quelques années plus tard Turati et autres devenaient des réformistes et partisans de la participation au ministère. L’ovation faite à Engels blessa vivement la délégation française qui se répandit en clameurs contre la famille Marx. Je fis aussi connaissance d’Antonio Labriola, alors professeur à l’université de Rome39, qui me parla tout le temps de son admiration pour Anatole France. L’arrivée, vers la fin du Congrès, du Dr Jaclard40, calma les quelques blanquistes de la section, auxquels il reprocha leurs accointances avec les anarchistes. A la délégation anglaise resplendissait G. Bernard Shaw qui était venu pour enseigner le socialisme aux Allemands et qui finit par admettre que ceux-ci n’étaient pas trop ignares en la matière, quoique ignorant les doctrines de Stanley Jevons et de Sydney Webb. Bebel aurait été presque digne de devenir Fabian.

    13Entre les séances du Congrès, on se réunissait au Ton Hall, c’est là que je vis plusieurs fois Bebel, qui avait sa fille mariée à Zürich avec le Dr Simon. Adler41 et la délégation autrichienne m’avaient mis dans leur sein. Je voyais aussi les Aveling, qui rédigeaient leur rapport du Congrès pour Reynolds ; c’est dans un de ces articles qu’Aveling prétendit que j’étais célèbre dans les champs sportifs d’Oxford, ce qui était loin d’être le cas. Au retour de Zürich, je tombai en pleine lutte électorale et je me rendis à Roubaix pour assister à l’élection de Guesde. Dans une promenade en voiture que nous fîmes à Wattrelos, nous fûmes salués non par des acclamations mais par des briques. Lors de la déclaration du scrutin, je remontai avec lui la rue de la gare et nous fûmes salués par des ouvriers qui crièrent : « Vive Guesde ! » Plus nous avancions, plus la foule devenait dense et, sur la place de la mairie, la cohue était telle que Guesde fut séparé de son fils Mario. Je restai à veiller pendant la nuit chez Carrette pour recevoir les résultats des élections dans le reste de la France, peu des nôtres furent élus, Lafargue fut battu à Lille par un gros fabricant nommé Loyer42.

    L’implantation du Parti ouvrier

    14Le premier succès du Parti ouvrier avait été l’élection municipale de Roubaix qui avait remplacé les représentants des patrons par ceux des ouvriers : un souvenir m’est resté d’une promenade en voiture avec Henri Carrette, grand, dégingandé, le vrai type de l’ouvrier roubaisien, le long du grand boulevard de Roubaix43. Sur ce boulevard s’élèvent les châteaux des Roubaisiens enrichis, avec tout leur luxe américain et insolent. Nous venions de quitter les quartiers les plus pauvres de la ville, mais pauvres de cette pauvreté sale de Manchester, telle que l’a décrite Engels dans sa « petite Irlande ». Après l’élection municipale de Roubaix eut lieu celle de Lille, où les socialistes furent élus en majorité avec des radicaux contre la municipalité opportuniste. Delory fut nommé maire avec Delesalle comme premier adjoint44. Le parti avait alors un journal à lui, Le Réveil du Nord, dont le rédacteur était Siauve-Evausy venu je crois de Bordeaux et dont nous parlerons plus loin. En ce moment, j’allais beaucoup à la mairie de Lille voir Delory et causer avec lui ; il me rendait fréquemment mes visites à Templeuve. A Calais, les nôtres étaient entrés aussi au conseil municipal et ils avaient aussi un organe, Le Petit Calaisien. En somme, le parti avait le vent du succès dans les voiles, et il le devait à sa discipline et à son orientation franchement socialiste. Le succès municipal était dû au programme municipal de Lyon ; au Congrès de Marseille, on avait aussi rédigé un programme agricole45.

    15Un des congrès les plus intéressants auxquels il m’ait été donné d’assister fut celui que le Parti tint à Romilly dans l’Aube en 1895, le treizième congrès du Parti. On peut dire qu’il donna l’expression même du Parti ouvrier, tel qu’il était alors, créateur et classificateur. Un délégué des inscrits maritimes était venu assister au congrès et il subit un cross examination de la part de Guesde et de Lafargue au sujet des revendications des ouvriers des ports. J’eus alors l’impression d’un programme vivant, chaque article décidé et voté, séance tenante. Mon frère Pierre m’avait demandé de présenter en son nom deux propositions, l’une tendant à donner à la Commune la faculté d’adopter et de légitimer les enfants naturels nés sur son territoire, en leur laissant le nom de leur mère. L’autre demandait que les produits pharmaceutiques hygiéniques, sérums thérapeutiques, etc., fussent comme l’alcool l’objet d’un monopole de fabrication sous la responsabilité et la garantie de l’Etat, leur distribution devant être confiée à des pharmacies municipales. Cette dernière motion passa sans difficulté, le parti était en ce moment en lutte contre le gouvernement Méline-Barthou qui combattait la création de pharmacies municipales. Au sujet de la première, il s’engagea une discussion, plus animée, les idées masculines représentées par Paul Lafargue et beaucoup d’autres membres du Congrès ; Guesde et Madame Aline Valette46 et moi soutenant la proposition qui fut adoptée.

    16C’est le moment d’esquisser ici le rôle de la militante citoyenne Valette, qui avait fondé l’Harmonie Sociale où elle exposait, en collaboration avec mon frère, les idées socialistes et féministes. Son énergie et sa volonté devaient finir par briser cette frêle enveloppe ; elle mourut l’année suivante à Arcachon. Pédron47, un des anciens du Parti, se trouvait at home, chez lui, dans ce congrès ; je le revois encore grand, mince, avec sa barbe flottante ; il nous avait chanté la plupart de ses chansons socialistes ; il était le créateur et l’esprit directeur de la Fédération de l’Aube. A côté de lui Millet48, qui venait d’être révoqué par Barthou de ses fonctions de maire, petit, énergique. Je revois encore la petite ville de Romilly avec ses longues lignes d’arbres maigres, le long de l’Aube, au milieu d’une plaine crayeuse. Pendant ces années Guesde faisait cette campagne à la Chambre qu’il a retracée dans son livre Quatre ans de lutte de classe49. A propos de son discours sur la journée de huit heures, le docteur de Vienne qui devait épouser Madame Kautsky, s’était permis de critiquer quelques données scientifiques médicales contenues comme preuves, et Engels, qui se laissait volontiers inspirer par son milieu immédiat, m’avait rapporté ces critiques. Sa grande et fidèle correspondante pour les affaires de France était Laura Lafargue, qui le tenait au courant des progrès du Parti. On était un peu vexé dans la famille Marx de l’échec subi par Lafargue, et Engels se souvenait des anciens démêlés qu’avaient eus avec Guesde les fondateurs de l’Internationale. Ceci rendait ma position un peu équivoque dans le salon d’Engels, car j’étais toujours considéré comme l’ami de Guesde.

    L’habileté de Bebel

    17Une autre cause de discussion fut le programme agricole. Vollmar50 au Congrès de Munich avait indiqué la nécessité d’un programme agricole, et le besoin qu’avait le parti socialiste allemand de s’occuper des revendications de la petite agriculture. Il avait à ce propos invoqué le programme du Parti Ouvrier Français et l’avait jeté à la tête des intransigeants du Parti. Bebel était, à ce moment, plutôt considéré comme appartenant à ce groupe. Il écrivit à Engels pour lui demander une critique du programme français ; et celui-ci la fit, il faut le reconnaître, avec tous les ménagements possibles pour nous, mais ce ne fut pas sans une nombreuse correspondance entre lui et moi, où je tentai de lui montrer le bien-fondé des articles de notre programme étant donnée l’existence en France des petits propriétaires paysans, opposée à la propriété féodale qui domine en Prusse et dans la plus grande partie de l’Allemagne – reconnaissant la nécessité de défendre, autant que possible, ces petits paysans qui étaient en possession de leurs instruments de travail. D’ailleurs Engels avait admis la différence des milieux et avait écrit que le programme agricole français avait été « une bonne affaire » (ganz güte Geschäft) pour le parti ouvrier. Quoi qu’il en soit, Bebel avec cette souplesse du leader of men dans un congrès subséquent laissa tomber ses revendications et adopta avec Schœnlank51 les idées de Vollmar.

    18Je vis à cette époque Bebel à différentes reprises chez Engels et surtout dans une traversée d’Ostende à Douvres, lorsque nous revenions ensemble d’une conférence à Bruxelles, préparatoire au congrès de 1896. A cette époque on se plaignait chez nous de ce que les socialistes allemands n’adoptaient pas la cessation absolue de travail pour le 1er Mai. Nous causâmes de cela, et d’autre chose, et je fus frappé de cette aménité, de ce charme tout extérieur chez Bebel, qui n’allait pas loin ; du moins ce fut alors mon impression. On n’avait pas avec lui cette impression de solidité qui émanait de toute la personne de Liebknecht, qui représentait pour nous l’Internationale elle-même. Bebel, gai, fin, souple, vous échappait assez vite ; on sentait qu’il pourrait s’éloigner de vous et vous échapper à la première tangente. C’était d’ailleurs l’impression assez répandue en Allemagne, à chaque congrès Bebel soutenait avec la même animation une thèse différente, ce n’était chez lui ni recul, ni mauvaise foi, mais une sorte d’adaptation, un flair spécial qui lui faisait sentir l’idée générale, non exprimée, avant que le congrès ne s’en fut rendu compte. C’était une nature de premier ordre, un born leader of men comme disent les Anglais, et aujourd’hui qu’il est mort, les Allemands de tous les partis reconnaissent que ce fut lui qui amena le parti socialiste, à travers tous les écueils, à la prépondérance qu’il exerce dans la politique de l’Allemagne. Nous nous séparâmes chez Engels, et en me donnant rendez-vous au congrès international prochain, il me dit : « In [illisible] treffen wir uns (we meet at [illisible]52)»

    La fin d’Engels et les premières dissensions

    19Pendant cette période, la situation se gâtait à Calais pour notre parti ; ce fut justement le succès qui commença à désagréger les forces jusque-là si unies des syndicalistes et des socialistes. Il semblait qu’il y eut place pour tout le monde, Delcluze à la Chambre, Salembier à la mairie. Y eut-il froissement entre deux personnalités, ou plutôt de bons amis communs en arrivèrent-ils à brouiller les deux chefs du parti ? Toujours est-il qu’un jour où nous allâmes, Guesde et moi, à Calais, nous eûmes à entendre les récriminations réciproques des deux leaders. On essaya de l’arbitrage de Lille ; rien n’y fit, et l’on se disputa les fonctions de maire (qu’ils remplirent d’ailleurs alternativement). Une rupture s’ensuivit. Naturellement l’un et l’autre en voulurent à ceux qui ne leur donnaient pas complètement raison. Le Petit Calaisien et Letailleur donnèrent raison à Salembier ; Delcluze et les siens firent bande à part. Je le vis un jour dans le café qu’il gérait, rien de plus mélancolique que de les voir lui et sa famille (sa vaillante femme et sa gentille petite fille) isolés et abandonnés. C’est pourquoi Jules Guesde me disait un jour, d’un ton moitié plaisant, moitié sérieux, que, comme Marie Tudor, si l’on ouvrait son cœur, on y trouverait écrit le nom de Calais. Il songeait à tant d’efforts dépensés en pure perte, à une si belle occasion manquée et à cette position si avantageuse perdue par le parti, et tout cela parce que deux militants se sont brouillés et n’ont pas su sacrifier leurs rancunes personnelles. Et nunc erudimini53.

    20Après son apparition à Zurich, où il semblait clore une période de l’histoire du socialisme, en disant que beaucoup de membres du parti socialiste allemand regrettaient les épreuves de la loi d’exception, Engels eut une fin assez mélancolique. Lorsque j’allai le voir pour la dernière fois, c’est tout au plus si on lui permit de me reconduire en cab jusqu’à Paddington. Peu de temps après, il partit pour Eastbourne, et ce fut là qu’il succomba de son mal (un cancer au larynx). J’appris sa mort par le journal (comme je devais apprendre tant d’autres morts) et tandis que j’étais en France, je ne pus assister à la cérémonie de la crémation qui eut lieu à Woking (Londres). On sait que ses cendres d’après ses instructions furent recueillies et jetées à la mer par Bernstein et Aveling. En résumé, à part ces derniers moments plutôt mélancoliques (que n’est-il mort tout d’un coup et debout, comme Liebknecht), tout ce qui se rattache à Engels dans mon souvenir est gai et lumineux. C’est certainement la plus glorieuse apparition dans ma vie, une sorte de sur-humanité, libre, indépendante et gaie. Aujourd’hui encore, lorsqu’il y a un moment difficile à passer, une question délicate à résoudre, je me demande (et beaucoup de ceux qui l’on connut doivent se poser la même question) : « Qu’en aurait-il dit ? Qu’aurait-il conseillé ? » Avec lui disparaissait le faisceau qui unissait la seconde Internationale. Nous allons voir ce que vont devenir les membres épars.

    21J’assistai de loin, pendant ce temps, à l’entrée d’éléments nouveaux dans le parti socialiste ; je ne percevais que les échos du « discours de Saint-Mandé54 » ; j’apprenais l’élection de Deville à Paris ; je me rappelle que Engels, par une sorte d’instinct prophétique, signalait le danger qu’allait faire courir J. Jaurès au parti ; il ne lisait qu’avec mauvaise humeur ses discours et il me disait de se méfier de cette nouvelle « phrase ». C’était un esprit nouveau55 qui allait se répandre non seulement dans le parti français mais aussi dans toute l’Internationale. Gabriel Deville n’appartenait plus au parti depuis quelque temps ; il avait quitté l’agglomération parisienne après une querelle avec un des militants, Camescasse. L’évolution en retour que fit Deville est très explicable. Fils d’un notaire du Midi, ayant rompu en visière avec toutes les idées de sa caste ; tant qu’il y eut la lutte, son caractère combatif l’entraîna et le soutint. Ce fut à l’époque du succès du parti qu’il prit une route divergente. Au Congrès de 1899, il présida encore d’une façon remarquable, avec un style de couperet, qui faisait dire dans le parti que ce serait lui, à la prochaine, qui serait président du tribunal révolutionnaire. Mais il fut aussi absolu dans ses idées modérées. Son livre intitulé Principes socialistes, tout en conservant encore l’unité de la doctrine, pouvait faire prévoir un singulier adoucissement des conséquences. Ce fut d’ailleurs son livre qui servit de Bible à Millerand et aux néophytes qui le choisirent comme leur théoricien. Je lui écrivis souvent à ce moment au sujet du programme agricole, et il le soutint à la Chambre. En même temps que Deville, Bernstein commençait aussi à chercher une via media : tant qu’Engels vivait, les tendances modérées de Bernstein ne se manifestèrent que par intervalles ; je le sentis plusieurs fois dans nos conversations se rebeller contre les doctrines trop absolues, suivant lui, des partis socialistes anglais. D’ailleurs, après l’abrogation des lois d’exceptions, le Sozialdemokrat n’avait plus de raison d’être. On ne laissa plus à Londres que la Bibliothèque ouvrière, sous la direction de Motteler. Bernstein occupa ses dernières années de séjour à Londres à faire des recherches historiques sur l’histoire du socialisme en Angleterre ; il publia chez Dietz56 (Stuttgart) une étude très intéressante sur l’origine du mouvement radical en Angleterre après la grande rébellion, chez les Quakers et autres sectes semi-religieuses, semi-politiques ; il me demanda de communiquer cet ouvrage à York Powell. Il collaborait alors à d’autres travaux, les œuvres complètes de Lassalle entre autres. C’était – et avait toujours été – un grand travailleur ; je le rencontrai chez les Aveling dans leur nouvelle maison à Sydenham, après la mort d’Engels ; puis dans sa nouvelle demeure où je vins plusieurs fois avec Kautsky. Les dissentiments de doctrine devaient bientôt dégénérer, comme il arrive souvent, en querelles personnelles.

    Le congrès international de Londres (1896)

    22Plekhanof vint aussi me voir à Oxford, ainsi que le fils de Liebknecht, Karl, jeune homme réservé et grave, que je ne vis que cette fois-là. Nous arrivons ainsi au Congrès international de 1896, qui devait être le dernier de la nouvelle Internationale ; un observateur perspicace aurait pu discerner déjà les éléments de séparation dans cette union dernière. Ce Congrès, à la préparation duquel je pris part dans l’entrevue de Bruxelles (je nous revois aux Trois Suisses à Bruxelles avec les Aveling, Bebel, Van Kol57 et d’autres) fut d’une gestation difficile. Je fus tenu au courant par Mrs Aveling des négociations des unions et des groupes socialistes avec William Morris, qui ne furent pas toujours amicales Il y avait aussi ce que les Anglais appellent des frictions entre les groupes socialistes, la Social Democratic Federation à laquelle s’étaient ralliés les Aveling et le Parti indépendant du travail d’une part et les grandes unions de l’autre.

    23J’avais été prié par Deville et Jaurès de leur trouver un logement (Old Compton Street) ; j’allai les chercher à la gare, et je vis par la même occasion Millerand et Viviani qui logeaient à l’Hôtel Terminus de Charing Cross. Je fis pour la première fois connaissance avec Jaurès que je menais le lendemain à la National Gallery, où il commença à me faire une dissertation sur Botticelli, qu’il venait de découvrir. Le soir, nous nous rencontrâmes avec Paul Brousse – c’est la seule fois que je le vis – et Degay au café Royal Picadilly. Le lendemain, arrivaient les délégués étrangers, notamment Adler, qui me raconta à sa manière les manifestations qui avaient éclaté à Lille, lors du passage et de la réception des délégués allemands, Liebknecht et Singer. Adler était peu satisfait des camarades de Lille, qui avaient cependant risqué leur popularité pour recevoir les délégués internationaux ; Liebknecht, à qui je parlais, fut beaucoup plus juste et se rendit bien compte des difficultés de la situation, en ajoutant que les camarades de Lille avaient fait tout leur devoir.

    24Le Congrès se tenait à Queen’s Hall. Nous présentions pour la première fois à l’Internationale, qui les accueillit avec réserve, les nouveaux venus au socialisme, tels que Jaurès, Millerand, Viviani, Gérault-Richard. Nous répondions d’eux à cette époque. Un incident, qui me revient à la mémoire, fut une visite que Jaurès, Viviani, Gérault-Richard et Deville firent à John Burns à la Chambre des communes. Ce dernier, que je n’avais pas vu depuis 1889, à la veille du 1er Congrès, semblait avoir un béguin pour Jaurès, car, à chaque remarque qu’il faisait, il me disait : « Traduisez cela à Jaurès ! ». Gérault-Richard58 se montrait à cette époque très indigné contre la modération de John Burns et Deville était obligé de le modérer à son tour. Burns nous reconduisit jusqu’à Trafalgar Square, et, sur la place, il nous fit une description vive et animée de la fameuse manifestation qui eut lieu sur cette place, le dimanche sanglant (Bloody Sunday). Lui, John Burns et Curninghame Graham, franchirent la triple ligne des policemen ; Curninghame eut la tête fendue, et lorsque John Burns (d’une famille de boxeurs) fut arrivé au-delà de la troisième ligne, les policemen, sportsmen avant tout, crièrent : « Bravo John ! » et Burns ajoutait amèrement : « Et Monsieur Hyndman, pendant ce temps, restait sur les marches de l’église ». Burns critiqua aussi la manifestation des parapluies qui eut lieu à Hyde Park, en la comparant avec celle de la grève de 1889. Il commençait alors son évolution vers le parti libéral. Cette rencontre entre Millerand et Viviani d’une part, et celui dont ils devaient bientôt imiter la conduite, peut être aujourd’hui qualifiée de fatidique. Les incidents de pugilat dans la section française (entre Guérard59 et moi), l’essai des anarchistes avec l’appui des Blanquistes de renouveler le coup de Zurich, la séparation de la section en deux fractions, tout cela appartient à l’histoire générale du Parti. En ce qui me concerne personnellement, Lafargue m’avait demandé d’aider Dormoy60 à enlever les papiers de la section ; Guérard (des cheminots) voulut s’y opposer, et c’est alors qu’eut lieu cette scène de boxe, à laquelle South-Heasingley assista en spectateur étonné. Vaillant – dont je n’ai pas compris la conduite à cette époque – tenait avec les anarchistes, et, dans la réunion que l’on tint à ce propos à l’hôtel Horse Shœ (Tottenham Court Road), il maintint cette attitude, malgré les reproches que lui fit Liebknecht à ce sujet. J’entends encore Liebknecht dire de sa voix grave à Vaillant : « Citoyen Vaillant, votre conduite m’étonne ».

    25Ce fut à ce congrès que Jules Guesde donna sa fameuse définition d’un syndicat, qui lui fut reprochée à la tribune de la Chambre par Fabérot61. Je signalerai encore le discours de Millerand, répétition du programme de Saint-Mandé, la traduction en anglais par Lafargue du discours d’Iglésias, l’improvisation de Jaurès qui, en parlant des tombeaux de l’abbaye de Westminster, eut le don de blesser Wilson, secrétaire de l’union des ouvriers des ports. Une manifestation enflammée fut faite par l’anarchiste Malatesta62, qui bondit sur la table comme un vrai brigand corse, cependant que Sembat et Turati criaient à Vaillant, qui était à la tribune : « Vaillant, ne nous laissez pas avec les anarchistes ». Guesde, malade, quitta le congrès avant la fin pour revenir avec Jourde en France ; je partis pour l’Allemagne ; je vis pour la dernière fois, en m’en allant, Bebel, qui causait avec Schœnlank et qui me souhaita bien du plaisir à Bayreuth. A ces détours du chemin de la vie, on quitte ainsi inconsciemment ceux que l’on ne doit plus revoir.

    Ruptures de l’unité doctrinale

    26Pendant la période qui s’étendit du congrès à l’affaire Dreyfus, mon seul souvenir fut une visite que je fis à Lafargue, en compagnie de Guesde. Jadis, quand il était au Perreux, je lui avais présenté un singulier zoologiste, « schemer » appelé Patrick Goddes ; ce dernier voulait appliquer dans les cités ouvrières les idées artistiques de Ruskin et prétendait résoudre la question sociale en peignant les corons ouvriers de couleurs brillantes, une façon de faire considérer au prolétariat la vie en rose ; c’était le prélude des « garden cities » et des habitations à bon marché. Ce socialisme ruskinien avait beaucoup d’adeptes à Oxford : on sait que Ruskin y avait été professeur et j’ai même été voir les commencements des travaux qu’il entreprit avec ses élèves (dans ce que l’on appelait la Vallée heureuse, the happy Valley). Il était tout naturel qu’on y fondât un collège qui porte son nom (Ruskin Hall) et où l’on reçoit des ouvriers qui veulent goûter à la vie universitaire. On sait que c’était l’ambition du héros de Hardy, Jude. Powell, qui détestait Ruskin comme ennemi de l’art japonais, mais qui l’appréciait comme théoricien, contribua beaucoup à la fondation de ce Hall.

    27La dernière visite que je fis à Lafargue fut à Draveil ; c’est là qu’il s’était établi, grâce à l’argent hérité d’Engels, dans une vieille et confortable demeure avec un grand jardin où il put enfin réaliser son rêve de « planteur »63. A ce moment il ne parlait que de ses poules et de ses légumes. Guesde, à propos de Madame Lafargue, cita « la ferme et la fermière » d’Hégésippe Moreau64. Tandis que nous étions encore à table, on annonça deux visiteurs à Madame Lafargue : c’étaient Madame Liebknecht et Gabriel Deville. Ce dernier s’était complètement séparé du Parti, et faisait cause commune avec les ralliés du socialisme ; il y avait même eu quelques polémiques pénibles entre lui et Kautsky, où le nom de Guesde avait été mêlé. Cette rencontre me rappelait l’entrevue célèbre des quatre mousquetaires dans Vingt ans après, dans le chapitre intitulé : « Quatre anciens amis s’apprêtent à se revoir ». On causa de choses indifférentes, notamment, je crois, de la pluie et du beau temps.

    28Depuis le congrès socialiste international de 1896, il semblait que la plus grande partie des forces socialistes fut unie sous un même drapeau. Domela Nieuwenhuis avait fait sécession avec Cornelissen65 ; il n’avait d’ailleurs joué qu’un rôle de spectateur au congrès, et son disciple avait prononcé un discours en trois langues. Je le vois encore au fond de la salle annoncer ses changements de langage en disant : english, deutsch, français. Domela avait encore eu un succès de physionomie auprès d’une déléguée anarchiste française, qui l’appelait : « Jésus Christ ! » La renaissance de l’anarchisme coïncidait fatalement avec la déviation qui allait se produire dans les rangs socialistes. Jaurès, que je revis encore après le congrès de 1896, vint me voir chez moi pour m’inviter à déjeuner ; il demeurait alors dans une maison neuve au bout de la rue Madame ; je vis à ce déjeuner Madame Jaurès, grande personne méridionale et sa fille, à propos de laquelle devait surgir bientôt un incident66. Jaurès avait, comme presque tous les hommes politiques, la discorde religieuse dans sa famille ; lui libre-penseur, sa femme et sa fille cléricales. Après le déjeuner, nous allâmes ensemble jusque chez Hachette, où, comme ancien normalien et professeur, il avait ses entrées. Durant le parcours, il me questionna sur Gladstone et son genre d’éloquence obscure et trouble, il me reprocha une critique acerbe de la politique gladstonienne. Nous ne devions plus nous revoir que dans le Congrès, il alla d’ailleurs bientôt s’établir à Passy. Il avait été question d’une Histoire Socialiste de la Révolution, à laquelle chacun des représentants socialistes devait collaborer ; Guesde avait choisi la Convention et il m’avait chargé de prendre des notes ; je dépouillais pour lui à la Bodleian le Moniteur et les Mémoires. Guesde renonça plus tard à cette collaboration, et ce fut Jaurès qui prit sa place.

    29Aux élections générales qui suivirent, Guesde et Jaurès furent battus et l’affaire Dreyfus qui commençait déjà en sourdine allait bientôt rompre l’Unité Socialiste en France. Inutile de revenir sur cette histoire trop connue. Notre campagne au congrès de Montluçon67 et dans Le Socialiste nous attira à la fois la haine des intellectuels et des anti-dreyfusards. Les premiers nous attaquaient pour ne pas abandonner la cause ouvrière et nous mettre à la suite des professeurs d’Université ; les seconds nous reprochaient d’être aux gages de l’Allemagne. Un article que je publiais dans Le Socialiste et où je démontrais que les officiers qui dévoilent les secrets de l’Etat-Major sont des amis de l’humanité puisqu’ils empêchent la guerre. Cet article m’attira une attaque furibonde de Judet68. D’autre part mes attaques contre les Normaliens intellectuels, à la Andler et à la Herr69, étaient vivement ressenties. Je me rappelle que nous étions avec Guesde à Vimereux, près de Boulogne, à dîner avec le professeur Giard et ses élèves (dont était mon frère Jules), lorsque vint la nouvelle du faux du colonel Henry.

    30En ce moment, les anarchistes comme Sébastien Faure70 étaient très cotés dans les réunions intellectuelles. Dans l’internationale, on nous reprochait notre conduite, l’élément israélite y était fort représenté, Madame Zetkin écrivit contre nous et nous échangeâmes une correspondance qui amena un refroidissement dans notre amitié. Bebel louvoyait, seul Liebknecht nous donna sa pleine et entière approbation, cela nous suffisait amplement. Comme suite fatale de l’Affaire arriva l’entrée de Millerand dans le Ministère Waldeck-Rousseau71, ceci amena la cassure. Le congrès du parti ouvrier à Epernay prit dans ces circonstances une importance capitale : il s’agissait de savoir ce qui allait triompher du nouveau confusionnisme ou du socialisme. Liebknecht, qui suivait de près les événements qui se passaient en France, m’avait demandé de télégraphier au Vorwärts les faits saillants du Congrès et la décision finale. Lui-même était en désaccord avec ses principaux rédacteurs et surtout avec le nommé Kritchevsky72 qui était le correspondant du journal en France. Ce dernier prenait fait et cause pour Millerand et même pour Galliffet73 qui avait selon lui été mal jugé. Il voulut assister au congrès. Fortin74, le matin même, à la première séance alla le prévenir que le congrès n’était ouvert ni au public ni aux journalistes. Beaucoup étaient venus au Congrès pour amener une rupture, et il fallut à Guesde un doigté extraordinaire pour empêcher la scission et ne pas donner à ceux qui le cherchaient un prétexte pour quitter le Parti. Zévaès75, alors le bras droit de Guesde, avait excité l’indignation des délégués millerandistes en criant dans son discours : « Je m’en f… de votre République ! » Cette excitation faillit provoquer le craquement final. Durre et Compère-Morel76 nouveaux venus au Parti protestèrent ; Delesalle (de Lille) vint donner corps à toutes les tendances réformistes en racontant à la tribune dans quelle situation angoissante s’étaient trouvés le maire et les adjoints de Lille, lors des émeutes que provoqua la visite de Liebknecht, Singer et Adler ; devaient-ils requérir la troupe et la faire marcher sur les manifestants ? On en était venu à envisager ces possibilités. Parmi les millerandistes, on voyait s’agiter Siauve-Evausy, qui avait soutenu la cause de Dreyfus dans Le Réveil du Nord, Pastre, Boyer, Carnaud, (ces deux derniers députés de Marseille), Gabriel Bertrand, Quilici77, etc. Quoiqu’il en soit, Guesde sur qui retombait la lourde tâche de la direction du Parti à cette heure décisive, tout en rétorquant aux arguments des partisans de la collaboration des classes et en réprimant les écarts à la Zévaès trouva moyen de rédiger un programme commun pour les partisans et les adversaires de Millerand. Il s’agissait de préserver l’unité du Parti à la veille du Congrès unificateur de la salle Japy. Guesde était épuisé à la fin de son discours et eut même une défaillance. On se sépara à moitié réconciliés. On devait se retrouver dans quelques jours à Paris.

    31Le Congrès de la Salle Japy78 dont d’ailleurs on possède un compte rendu officiel, devait mettre en présence les différents partis socialistes réunis dans un but d’unification ; quelques faits saillants surgirent. J’avais rencontré le matin Alexandre Desrousseaux qui assistait pour la première fois à un congrès. L’entrée de la délégation du Parti, après une lutte dans la rue avec la police qui voulait arracher un drapeau rouge (d’ailleurs salué par Loubet à l’inauguration de la statue de la République). L’intervention de Guesde qui fut dramatique au possible ; ce dernier avait été absent à l’heure du dîner, invité avec Lafargue chez un ami commun. Delesalle (de Lille) pendant ce temps prenait la parole et s’efforçait d’atténuer dans le sens millerandiste le programme voté au congrès d’Epernay, à la grande indignation des nôtres, travaillés en dessous par les Blanquistes qui alors désiraient une scission. Je vois encore Guesde rentrer au milieu du tumulte, Jaurès clamait de la tribune : « Guesde, Guesde, je vous somme de tenir votre parole ! » Guesde se tourna vers son parti et le força à respecter sa signature, l’opération fut dure ! Aristide Briand79, alors presque inconnu, sauf par son association avec Pelloutier80, le grève-généraliste, et qui n’avait fait qu’une apparition au Congrès de Marseille, se présenta à la tribune et reprocha amèrement à Lafargue de l’avoir empêché de se servir de son fusil (de paille anarchiste) en lui recommandant l’usage du bulletin de vote. Le bouquet de ce feu d’artifice fut l’exclamation d’un journaliste dreyfusard s’écriant « A bas Liebknecht ! ». A ce moment, Jaurès voulut protester mais Guesde lui fit accepter la responsabilité de cette exclamation intellectuelle. Je partis avant la fin du Congrès. Je vis pour la première fois le nommé Rappoport81 qui alors criait : « Vive Jaurès » avec un fort accent russe. Ce fut une triste période pour le socialisme ; je n’assistais que de loin aux débats qui signalèrent cette première tentative d’unification, au mois d’avril, je crois, je fus présenté à l’une de ces séances unitaires et elle me fit augurer mal de cette jonction d’éléments réfractaires. Il s’engagea à cette séance une discussion interminable dans laquelle Aristide Briand, dont le rôle d’intermédiaire se révélait de plus en plus, montra ces qualités félines de loyauté, de souplesse et de traîtrise, voilées sous une grande apparence de candeur et de loyauté.

    32A Londres, j’avais vu pour la dernière fois Liebknecht qui était venu loger chez Hyndman réconcilié avec les Aveling. J’y rencontrais aussi Bernstein et Jaurès, Bernstein s’amusa à nous confronter Jaurès et moi. Cette triste période se termina, plus tristement encore, par la nouvelle de la mort de Liebknecht, qui m’arriva comme celle d’Engels, par le journal. Je ne pus, pour des raisons de famille, aller à Berlin assister aux funérailles de ce vaillant soldat de la révolution. Quelques camarades de la Fédération du Nord, qui y avaient été délégués, me racontèrent à quel point elles furent impressionnantes. L’air populaire Ich hatte einen Kamerad’- einen besseren findest du nie82 que l’on joua en mineur, exprimait bien la pensée commune des assistants. Pour ceux de son parti, pour l’Internationale tout entière, il avait été un « camarade » et l’on n’en trouvera jamais de meilleur.

    Notes de bas de page

    1 Se reporter notamment à Claude Willard, Les Guesdistes..., op. cit., Madeleine Rebérioux, « Le socialisme français de 1871 à 1914 », op. cit. et Marie-Louise Goergen, Les Relations entre socialistes, op. cit.

    2 Rara avis : oiseau rare (cf. Juvénal, Satires, VI, 165).

    3 Bruno Geiser, époux d’Ernestine Liebknecht.

    4 Dirigé par Antide Boyer (1850-1918), député socialiste de Marseille, alors membre du Parti ouvrier, Le Combat parut du 23 mars au 29 mai 1890.

    5 Ernest Constans (1833-1913), ministre de l’Intérieur de 1889 à 1892. L’accusation de financement policier, ou obscur, est récurrente dans le mouvement ouvrier. Bonnier doit viser ici Le Parti ouvrier d’Allemane, fondé en 1888. Sur Fourmies (1er mai 1891), cf. Madeleine Rebérioux (dirigé par), Fourmies et les premier mai, Editions de l’Atelier, 1994.

    6 Emile Basly (1854-1928), organisateur du syndicat des mineurs, futur député-maire socialiste de Lens.

    7 Stanislaw Mendelson (1857-1913), un des fondateurs du parti socialiste polonais.

    8 Le congrès de Bruxelles se tint du 16 au 23 août 1891.

    9 Le Peuple est le grand quotidien socialiste belge fondé en décembre 1885 et dirigé par Louis Bertrand (1856-1943). La scission entre les deux fractions françaises est effective et officielle depuis octobre 1890.

    10 Pablo Iglésias (1850-1925), typographe, fondateur du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol et de l’Union Générale des Travailleurs.

    11 Anna Kuliscioff (1857-1925), fut d’abord la compagne de Andrea Costa avant de se lier en 1885 à Filippo Turati (1857-1932). Elle joua un rôle essentiel dans le mouvement socialiste italien. Cf. Madeleine Rebérioux, Parcours engagés dans la France contemporaine, Belin, 1999, p. 141-160.

    12 Emile Vandervelde (1866-1938), principal dirigeant du Parti ouvrier belge, futur président de l’Internationale socialiste.

    13 Léon Camescasse (1835-1905), dirigeant du parti ouvrier dans la région parisienne, venait de s’opposer à la direction guesdiste.

    14 Edouard Vaillant (1840-1915) joua en effet un rôle-clef, non seulement dans le socialisme français, mais au sein de l’Internationale, qui devait après 1905 assurer la suprématie de Jaurès. Cf. Jolyon Howorth, Edouard Vaillant, la création de l’unité socialiste en France, EDI/Syros, 1982.

    15 George Plekhanov (1856-1818), Vera Zassoulitch (1851-1919) et Pavel Axelrod (1850-1928) sont les dirigeants historiques du socialisme russe, de tendance marxiste, « social-démocrate », animateurs du courant menchevik après 1903. D’abord « populiste », Vera Zassoulitch s’était rendue célèbre par son attentat contre le Gal Trepov, préfet de police de Saint-Petersbourg le 23 janvier 1879.

    16 Condamné à un an de prison pour provocation au meurtre après les événements de Fourmies, Lafargue est libéré grâce à son élection comme député de Lille le 8 novembre 1891.

    17 Ferdinand Wolff (1812-1905), militant et ami de Marx, publia dans les années 1890 des articles dans la Neue Zeit et collabora avec Engels, grâce à l’entremise de Charles Bonnier.

    18 Ferdinand Freiligrath (1810-1876), poète et militant de la Ligue des communistes, s’éloigna de la vie politique et rentra en Allemagne en 1868.

    19 Heinrich Heine (1797-1856) vécut à Paris après 1831. Bonnier fait allusion aux Souvenirs intimes de Henri Heine (1883), publiés par Alexandre Weill (1811-1899).

    20 Wilhelm Wolff (1809-1864), député au parlement de Francfort en 1848, professeur à Manchester, légua un millier de livres à Karl Marx, qui lui dédia le premier tome du Capital.

    21 Lothar Bucher (1817-1892), rapporteur au Ministère des Affaires étrangères et en effet proche collaborateur de Bismarck. Il prépara les Pensées et souvenirs de ce dernier (2 vol., 1898. vol. 3, 1921).

    22 Moritz Busch (1821-1899), journaliste lié à Bismarck, auteur de nombreux ouvrages historiques.

    23 Louise Strasser (1860-1950), première épouse de Karl Kautsky (1883-1889), puis mariée à Ludwig Freyberger (1894), fut la gouvernante et secrétaire d’Engels de 1890 à 1895.

    24 Jules Vallès a transcrit ses souvenirs londoniens dans La Rue à Londres (1884).

    25 Jean-Baptiste Clément (1836-1903) milita ensuite aux côtés de Jean Allemane.

    26 Jules Vallès avait publié en 1865 Les Réfractaires.

    27 Kropotkine (1842-1921) fréquentait, entre autres, Morris, Wilde et les milieux universitaires d’Oxford.

    28 Joseph Arch (1826-1919), organisateur du syndicat des ouvriers agricoles, député libéral du Wiltshire (1885-1886, 1892-1900).

    29 Morris fonda à Kelmscott une prestigieuse maison d’édition.

    30 Game-keeper : garde-chasse.

    31 L’Homme du destin (1895), une des « pièces plaisantes » de Shaw.

    32 William Stanley Jevons (1835-1882), économiste libéral dont la théorie de la valeur est fondée sur le degré d’utilité (ou utilité marginale) d’un bien.

    33 Auguste Le Taillieur [dit Letailleur] (1849-1926), négociant, militant socialiste et ami de Salembier, recueillit en effet en 1890 des fonds en Grande-Bretagne pour soutenir la grève des tullistes de Calais.

    34 L’Ere nouvelle, fondée par George Diamandy, parut de juillet 1893 à novembre 1894 et publia quelques études de Charles (« Monsieur Gladstone », « Les paysans de Balzac ») et Pierre Bonnier (« Sexualisme et socialisme », signé X). Lui succéda Le Devenir social, d’avril 1895 à décembre 1898, avec une collaboration active de Charles Bonnier : « La crise du nationalisme », « La morale bourgeoise, la religion et la famille », « Les successeurs » [sur la filiation Hegel/Marx], « La question de la femme ». Sur ces revues, cf. Claude Willard, Les Guesdistes, op. cit. et Christophe Prochasson, Les Intellectuels, le socialisme et la guerre, Seuil, 1993, « L’Univers historique ».

    35 Ferdinand Brunetière (1849-1906), directeur de la Revue des deux-mondes, membre de l’Académie française. Cf. Antoine Compagnon, Connaissez-vous Brunetière ?, Seuil, 1997.

    36 Auguste Keufer (1851-1924), secrétaire général, et véritable fondateur de la Fédération Française des Travailleurs du Livre (1884-1920).

    37 Paul Panayottis, dit Argyriadès (1849-1901), avocat et journaliste, passé du guesdisme au parti socialiste révolutionnaire de Vaillant.

    38 Edmond Degay (1862-19 ? ?), militant blanquiste dans l’Aisne, puis à Paris, journaliste à La Petite République, candidat de la SFIO en 1906 à Calais. Viviani fut ministre du Travail de 1906 à 1910.

    39 Antonio Labriola (1843-1904), professeur d’université, correspondant d’Engels et théoricien du marxisme révolutionnaire (à ne pas confondre avec Arturo Labriola (1873-1959), socialiste, proche un temps du syndicalisme révolutionnaire).

    40 Victor Jaclard (1840-1903), fondateur du Syndicat des journalistes socialistes et militant blanquiste, était en effet docteur en médecine et professeur de mathématiques.

    41 Victor Adler (1852-1918) dirigeait le socialisme austro-hongrois.

    42 Ernest-Henri Loyer (1844-1902), industriel du coton, maire de Lomme, battit nettement Lafargue, avec 58 % des voix au second tour. Il siégea parmi les progressistes et soutint Méline.

    43 Henri Carrette avait été élu maire de Roubaix en 1892, Jules Guesde député du Nord (circonscription de Roubaix-Wattrelos) le 20 août 1893.

    44 Gustave Delory fut pour la première fois élu maire de Lille le 17 mai 1896. Edouard Delesalle (1857-1917), conseiller municipal, ne devint son adjoint qu’en 1900 avant de choisir le combat dreyfusard et de rejoindre Jaurès.

    45 Le congrès de Lyon (9e du Parti ouvrier) s’était tenu du 26 au 28 novembre 1891. Celui de Marseille (10e) du 24 au 28 septembre 1892. Le programme agricole fut complété au congrès de Nantes (12e), réuni du 14 au 16 septembre 1894, sur la base de Considérants préparés par Jaurès.

    46 Aline Valette (1850-1899), professeur, inspecteur du travail, intimement liée à Jules Guesde, mourut de la tuberculose. Elle avait préfacé le livre de Pierre Bonnier sur le sexualisme.

    47 Etienne Pédron (1849-1930), artisan horloger et chansonnier socialiste, animateur du Parti ouvrier dans la Marne et l’Aube avant de rejoindre la région parisienne en 1896.

    48 Henri Millet (1865-1902), ouvrier bonnetier, maire de Romilly (1895-1896 et 1900-1902).

    49 Quatre ans de lutte de classe à la Chambre, 1893-1898, Bibliothèque du Parti socialiste de France, 2 vol., 1901.

    50 Georg von Vollmar (1850-1922) dirigeait la Social-démocratie en Bavière. Il prit la défense de la petite propriété paysanne au congrès de Francfort (1894).

    51 Bruno Schönlank (1859-1901), brillant journaliste social-démocrate, député de Breslau après 1893.

    52 In [??] treffen wir uns : nous nous rencontrons en ? Le mot illisible pourrait être « congrès » ou « Londres », lieu du congrès international préparé (qui se tint finalement au Queen’s Hall du 27 juillet au 1er août 1896), voire « Arcadie », par allusion mythologique, mais on croit lire « Philippe », et la phrase, à nos yeux du moins, reste obscure.

    53 Et nunc erudimini : Et maintenant instruisez-vous, citation biblique (Psaumes, 2), reprise par Bossuet en exergue de son oraison funèbre d’Henriette-Marie de France, veuve du roi d’Angleterre Charles Ier.

    54 Le discours de Saint-Mandé prononcé par Millerand le 30 mai 1896 appelait à l’unité socialiste autour d’un programme minimum fondé sur la conquête électorale et l’intervention de l’Etat. Deville fut élu député de Paris en juin 1896.

    55 L’expression d’« esprit nouveau » est péjorative sous la plume d’un républicain puisqu’elle fait allusion à la politique de rapprochement avec la droite ralliée menée par les gouvernements « progressistes » au début des années 1890.

    56 Johann Dietz (1848-1922), éditeur, journaliste et député, fonda et dirigea les éditions de la Social-démocratie allemande.

    57 Hendrik Van Kol (1851-1925), lui aussi wagnérien (il utilisa le pseudonyme « Rienzi »), dirigeait le socialisme hollandais.

    58 Alfred-Léon Gérault-Richard (1860-1911), journaliste et député socialiste indépendant, directeur de La Petite République.

    59 Eugène Guérard (1859-1931), militant PSR et surtout secrétaire du syndicat national des chemins de fer de la CGT (1890-1909).

    60 Jean Dormoy (1851-1898), ouvrier métallurgiste et militant socialiste acquis aux thèses marxistes, maire de Montluçon (1892-1898).

    61 Pascal Fabérot (1834-1908), ouvrier chapelier, député POSR de Paris de 1893 à 1898.

    62 Enrico Malatesta (1853-1932), révolutionnaire libertaire italien.

    63 La propriété achetée grâce à l’héritage d’Engels comprenait en effet une maison de 30 pièces, plusieurs pavillons annexes, un parc d’un hectare et demi… « Planteur » fait à la fois allusion aux goûts fastueux de Lafargue et à ses origines puisqu’il était né à Santiago-de-Cuba.

    64 Hégésippe Moreau (1810-1838), poète sentimental et républicain.

    65 Christian Cornéllissen dirigeait l’anarcho-syndicalisme hollandais. Cf. Homme Wedman, « Christian Cornélissen (1864-1943) », Les Temps maudits, no 5, mai 1999, p. 79-92.

    66 Allusion à la première communion de Madeleine Jaurès, au printemps 1901, et aux polémiques qui s’ensuivirent.

    67 Le congrès de Montluçon du POF se tint du 17 au 20 septembre 1898. Il fut dominé par les controverses sur l’Affaire Dreyfus.

    68 Ernest Judet (1851-1943), directeur du Petit Journal, puis de L’Eclair, nationaliste et affairiste.

    69 Charles Andler (1866-1933) et Lucien Herr (1864-1926), intellectuels socialistes de premier plan, cf. Correspondance entre Charles Andler et Lucien Herr (1891-1926), édition établie, présentée et annotée par Antoinette Blum, Presses de l’ENS, 1992.

    70 Sébastien Faure (1858-1942) avait d’abord milité chez les guesdistes avant de passer à l’anarchie. Il fonda Le Libertaire.

    71 Alexandre Millerand (1859-1943), ministre du Commerce, de l’Industrie et des Postes dans le gouvernement présidé par René Waldeck-Rousseau (1846-1904), président du conseil du 22 juin 1899 au 4 juin 1902.

    72 Boris Kritchevsky (1866-1919), militant russe proche de Plekhanov, correspondant du Vorwärts à Paris, plus tard collaborateur de L’Humanité sous le pseudonyme de Bruno Veillard.

    73 La présence du général Pierre de Galliffet (1830-1909), grand fusilleur de Communards passé au gambettisme, comme ministre de la Guerre au sein du gouvernement Waldeck-Rousseau scandalisa particulièrement les milieux socialistes.

    74 Edouard Fortin dirigea le Parti Ouvrier Français en 1898-1899. Traducteur de Marx, rédacteur en chef de La Société nouvelle, militant dans l’Oise, il fut un des trois exécuteurs testamentaires de Guesde (avec Bonnier et Bracke).

    75 Alexandre Bourson (dit Zévaès, 1873-1953), dirigeant des Etudiants socialistes révolutionnaires internationalistes, poursuivit une riche et complexe carrière politique et éditoriale.

    76 Henri Durre (né en 1867), voyageur de commerce et dirigeant socialiste de la région de Valenciennes ; Adéodat Compère-Morel (1872-1941), secrétaire de la fédération socialiste de l’Oise, joua par la suite un rôle de premier plan dans le courant guesdiste et au sein du mouvement socialiste.

    77 Bonnier évoque ici d’anciens guesdistes ralliés à Jaurès au moment de l’Affaire : François-Gustave Siauve, dit Siauve-Evausy (né en 1862), journaliste ; Ulysse Pastre (1864-1930), instituteur, futur député du Gard ; Antide Boyer, déjà cité ; Maximilien Carnaud (1863-1937), instituteur et député socialiste de Marseille (1894-1910) ; Gabriel Bertrand (1861-1917), dirigeant socialiste de Carpentras, futur secrétaire de rédaction de L’Humanité, puis diplomate ; Quilici, conseiller municipal et militant régional.

    78 Ce congrès général des organisations socialistes françaises se tint du 3 au 8 décembre 1899.

    79 Aristide Briand (1862-1932) ne cessa de jouer un grand rôle dans le mouvement socialiste, puis dans la vie politique française. Au moment où écrit Bonnier (1914...), il était particulièrement détesté par les milieux socialistes.

    80 Fernand Pelloutier (1867-1901), secrétaire de la fédération des Bourses du Travail de 1895 jusqu’à sa mort. Cf. Jacques Julliard, Fernand Pelloutier et les origines du syndicalisme d’action directe, Seuil, 1971, « L’Univers historique ».

    81 Charles Rappoport (1865-1941), militant socialiste russe, réfugié en France depuis 1895. Cf. Une vie révolutionnaire 1883-1940. Les mémoires de Charles Rappoport, op. cit.

    82 J’avais un camarade – un meilleur tu ne trouveras jamais.

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    1 Se reporter notamment à Claude Willard, Les Guesdistes..., op. cit., Madeleine Rebérioux, « Le socialisme français de 1871 à 1914 », op. cit. et Marie-Louise Goergen, Les Relations entre socialistes, op. cit.

    2 Rara avis : oiseau rare (cf. Juvénal, Satires, VI, 165).

    3 Bruno Geiser, époux d’Ernestine Liebknecht.

    4 Dirigé par Antide Boyer (1850-1918), député socialiste de Marseille, alors membre du Parti ouvrier, Le Combat parut du 23 mars au 29 mai 1890.

    5 Ernest Constans (1833-1913), ministre de l’Intérieur de 1889 à 1892. L’accusation de financement policier, ou obscur, est récurrente dans le mouvement ouvrier. Bonnier doit viser ici Le Parti ouvrier d’Allemane, fondé en 1888. Sur Fourmies (1er mai 1891), cf. Madeleine Rebérioux (dirigé par), Fourmies et les premier mai, Editions de l’Atelier, 1994.

    6 Emile Basly (1854-1928), organisateur du syndicat des mineurs, futur député-maire socialiste de Lens.

    7 Stanislaw Mendelson (1857-1913), un des fondateurs du parti socialiste polonais.

    8 Le congrès de Bruxelles se tint du 16 au 23 août 1891.

    9 Le Peuple est le grand quotidien socialiste belge fondé en décembre 1885 et dirigé par Louis Bertrand (1856-1943). La scission entre les deux fractions françaises est effective et officielle depuis octobre 1890.

    10 Pablo Iglésias (1850-1925), typographe, fondateur du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol et de l’Union Générale des Travailleurs.

    11 Anna Kuliscioff (1857-1925), fut d’abord la compagne de Andrea Costa avant de se lier en 1885 à Filippo Turati (1857-1932). Elle joua un rôle essentiel dans le mouvement socialiste italien. Cf. Madeleine Rebérioux, Parcours engagés dans la France contemporaine, Belin, 1999, p. 141-160.

    12 Emile Vandervelde (1866-1938), principal dirigeant du Parti ouvrier belge, futur président de l’Internationale socialiste.

    13 Léon Camescasse (1835-1905), dirigeant du parti ouvrier dans la région parisienne, venait de s’opposer à la direction guesdiste.

    14 Edouard Vaillant (1840-1915) joua en effet un rôle-clef, non seulement dans le socialisme français, mais au sein de l’Internationale, qui devait après 1905 assurer la suprématie de Jaurès. Cf. Jolyon Howorth, Edouard Vaillant, la création de l’unité socialiste en France, EDI/Syros, 1982.

    15 George Plekhanov (1856-1818), Vera Zassoulitch (1851-1919) et Pavel Axelrod (1850-1928) sont les dirigeants historiques du socialisme russe, de tendance marxiste, « social-démocrate », animateurs du courant menchevik après 1903. D’abord « populiste », Vera Zassoulitch s’était rendue célèbre par son attentat contre le Gal Trepov, préfet de police de Saint-Petersbourg le 23 janvier 1879.

    16 Condamné à un an de prison pour provocation au meurtre après les événements de Fourmies, Lafargue est libéré grâce à son élection comme député de Lille le 8 novembre 1891.

    17 Ferdinand Wolff (1812-1905), militant et ami de Marx, publia dans les années 1890 des articles dans la Neue Zeit et collabora avec Engels, grâce à l’entremise de Charles Bonnier.

    18 Ferdinand Freiligrath (1810-1876), poète et militant de la Ligue des communistes, s’éloigna de la vie politique et rentra en Allemagne en 1868.

    19 Heinrich Heine (1797-1856) vécut à Paris après 1831. Bonnier fait allusion aux Souvenirs intimes de Henri Heine (1883), publiés par Alexandre Weill (1811-1899).

    20 Wilhelm Wolff (1809-1864), député au parlement de Francfort en 1848, professeur à Manchester, légua un millier de livres à Karl Marx, qui lui dédia le premier tome du Capital.

    21 Lothar Bucher (1817-1892), rapporteur au Ministère des Affaires étrangères et en effet proche collaborateur de Bismarck. Il prépara les Pensées et souvenirs de ce dernier (2 vol., 1898. vol. 3, 1921).

    22 Moritz Busch (1821-1899), journaliste lié à Bismarck, auteur de nombreux ouvrages historiques.

    23 Louise Strasser (1860-1950), première épouse de Karl Kautsky (1883-1889), puis mariée à Ludwig Freyberger (1894), fut la gouvernante et secrétaire d’Engels de 1890 à 1895.

    24 Jules Vallès a transcrit ses souvenirs londoniens dans La Rue à Londres (1884).

    25 Jean-Baptiste Clément (1836-1903) milita ensuite aux côtés de Jean Allemane.

    26 Jules Vallès avait publié en 1865 Les Réfractaires.

    27 Kropotkine (1842-1921) fréquentait, entre autres, Morris, Wilde et les milieux universitaires d’Oxford.

    28 Joseph Arch (1826-1919), organisateur du syndicat des ouvriers agricoles, député libéral du Wiltshire (1885-1886, 1892-1900).

    29 Morris fonda à Kelmscott une prestigieuse maison d’édition.

    30 Game-keeper : garde-chasse.

    31 L’Homme du destin (1895), une des « pièces plaisantes » de Shaw.

    32 William Stanley Jevons (1835-1882), économiste libéral dont la théorie de la valeur est fondée sur le degré d’utilité (ou utilité marginale) d’un bien.

    33 Auguste Le Taillieur [dit Letailleur] (1849-1926), négociant, militant socialiste et ami de Salembier, recueillit en effet en 1890 des fonds en Grande-Bretagne pour soutenir la grève des tullistes de Calais.

    34 L’Ere nouvelle, fondée par George Diamandy, parut de juillet 1893 à novembre 1894 et publia quelques études de Charles (« Monsieur Gladstone », « Les paysans de Balzac ») et Pierre Bonnier (« Sexualisme et socialisme », signé X). Lui succéda Le Devenir social, d’avril 1895 à décembre 1898, avec une collaboration active de Charles Bonnier : « La crise du nationalisme », « La morale bourgeoise, la religion et la famille », « Les successeurs » [sur la filiation Hegel/Marx], « La question de la femme ». Sur ces revues, cf. Claude Willard, Les Guesdistes, op. cit. et Christophe Prochasson, Les Intellectuels, le socialisme et la guerre, Seuil, 1993, « L’Univers historique ».

    35 Ferdinand Brunetière (1849-1906), directeur de la Revue des deux-mondes, membre de l’Académie française. Cf. Antoine Compagnon, Connaissez-vous Brunetière ?, Seuil, 1997.

    36 Auguste Keufer (1851-1924), secrétaire général, et véritable fondateur de la Fédération Française des Travailleurs du Livre (1884-1920).

    37 Paul Panayottis, dit Argyriadès (1849-1901), avocat et journaliste, passé du guesdisme au parti socialiste révolutionnaire de Vaillant.

    38 Edmond Degay (1862-19 ? ?), militant blanquiste dans l’Aisne, puis à Paris, journaliste à La Petite République, candidat de la SFIO en 1906 à Calais. Viviani fut ministre du Travail de 1906 à 1910.

    39 Antonio Labriola (1843-1904), professeur d’université, correspondant d’Engels et théoricien du marxisme révolutionnaire (à ne pas confondre avec Arturo Labriola (1873-1959), socialiste, proche un temps du syndicalisme révolutionnaire).

    40 Victor Jaclard (1840-1903), fondateur du Syndicat des journalistes socialistes et militant blanquiste, était en effet docteur en médecine et professeur de mathématiques.

    41 Victor Adler (1852-1918) dirigeait le socialisme austro-hongrois.

    42 Ernest-Henri Loyer (1844-1902), industriel du coton, maire de Lomme, battit nettement Lafargue, avec 58 % des voix au second tour. Il siégea parmi les progressistes et soutint Méline.

    43 Henri Carrette avait été élu maire de Roubaix en 1892, Jules Guesde député du Nord (circonscription de Roubaix-Wattrelos) le 20 août 1893.

    44 Gustave Delory fut pour la première fois élu maire de Lille le 17 mai 1896. Edouard Delesalle (1857-1917), conseiller municipal, ne devint son adjoint qu’en 1900 avant de choisir le combat dreyfusard et de rejoindre Jaurès.

    45 Le congrès de Lyon (9e du Parti ouvrier) s’était tenu du 26 au 28 novembre 1891. Celui de Marseille (10e) du 24 au 28 septembre 1892. Le programme agricole fut complété au congrès de Nantes (12e), réuni du 14 au 16 septembre 1894, sur la base de Considérants préparés par Jaurès.

    46 Aline Valette (1850-1899), professeur, inspecteur du travail, intimement liée à Jules Guesde, mourut de la tuberculose. Elle avait préfacé le livre de Pierre Bonnier sur le sexualisme.

    47 Etienne Pédron (1849-1930), artisan horloger et chansonnier socialiste, animateur du Parti ouvrier dans la Marne et l’Aube avant de rejoindre la région parisienne en 1896.

    48 Henri Millet (1865-1902), ouvrier bonnetier, maire de Romilly (1895-1896 et 1900-1902).

    49 Quatre ans de lutte de classe à la Chambre, 1893-1898, Bibliothèque du Parti socialiste de France, 2 vol., 1901.

    50 Georg von Vollmar (1850-1922) dirigeait la Social-démocratie en Bavière. Il prit la défense de la petite propriété paysanne au congrès de Francfort (1894).

    51 Bruno Schönlank (1859-1901), brillant journaliste social-démocrate, député de Breslau après 1893.

    52 In [??] treffen wir uns : nous nous rencontrons en ? Le mot illisible pourrait être « congrès » ou « Londres », lieu du congrès international préparé (qui se tint finalement au Queen’s Hall du 27 juillet au 1er août 1896), voire « Arcadie », par allusion mythologique, mais on croit lire « Philippe », et la phrase, à nos yeux du moins, reste obscure.

    53 Et nunc erudimini : Et maintenant instruisez-vous, citation biblique (Psaumes, 2), reprise par Bossuet en exergue de son oraison funèbre d’Henriette-Marie de France, veuve du roi d’Angleterre Charles Ier.

    54 Le discours de Saint-Mandé prononcé par Millerand le 30 mai 1896 appelait à l’unité socialiste autour d’un programme minimum fondé sur la conquête électorale et l’intervention de l’Etat. Deville fut élu député de Paris en juin 1896.

    55 L’expression d’« esprit nouveau » est péjorative sous la plume d’un républicain puisqu’elle fait allusion à la politique de rapprochement avec la droite ralliée menée par les gouvernements « progressistes » au début des années 1890.

    56 Johann Dietz (1848-1922), éditeur, journaliste et député, fonda et dirigea les éditions de la Social-démocratie allemande.

    57 Hendrik Van Kol (1851-1925), lui aussi wagnérien (il utilisa le pseudonyme « Rienzi »), dirigeait le socialisme hollandais.

    58 Alfred-Léon Gérault-Richard (1860-1911), journaliste et député socialiste indépendant, directeur de La Petite République.

    59 Eugène Guérard (1859-1931), militant PSR et surtout secrétaire du syndicat national des chemins de fer de la CGT (1890-1909).

    60 Jean Dormoy (1851-1898), ouvrier métallurgiste et militant socialiste acquis aux thèses marxistes, maire de Montluçon (1892-1898).

    61 Pascal Fabérot (1834-1908), ouvrier chapelier, député POSR de Paris de 1893 à 1898.

    62 Enrico Malatesta (1853-1932), révolutionnaire libertaire italien.

    63 La propriété achetée grâce à l’héritage d’Engels comprenait en effet une maison de 30 pièces, plusieurs pavillons annexes, un parc d’un hectare et demi… « Planteur » fait à la fois allusion aux goûts fastueux de Lafargue et à ses origines puisqu’il était né à Santiago-de-Cuba.

    64 Hégésippe Moreau (1810-1838), poète sentimental et républicain.

    65 Christian Cornéllissen dirigeait l’anarcho-syndicalisme hollandais. Cf. Homme Wedman, « Christian Cornélissen (1864-1943) », Les Temps maudits, no 5, mai 1999, p. 79-92.

    66 Allusion à la première communion de Madeleine Jaurès, au printemps 1901, et aux polémiques qui s’ensuivirent.

    67 Le congrès de Montluçon du POF se tint du 17 au 20 septembre 1898. Il fut dominé par les controverses sur l’Affaire Dreyfus.

    68 Ernest Judet (1851-1943), directeur du Petit Journal, puis de L’Eclair, nationaliste et affairiste.

    69 Charles Andler (1866-1933) et Lucien Herr (1864-1926), intellectuels socialistes de premier plan, cf. Correspondance entre Charles Andler et Lucien Herr (1891-1926), édition établie, présentée et annotée par Antoinette Blum, Presses de l’ENS, 1992.

    70 Sébastien Faure (1858-1942) avait d’abord milité chez les guesdistes avant de passer à l’anarchie. Il fonda Le Libertaire.

    71 Alexandre Millerand (1859-1943), ministre du Commerce, de l’Industrie et des Postes dans le gouvernement présidé par René Waldeck-Rousseau (1846-1904), président du conseil du 22 juin 1899 au 4 juin 1902.

    72 Boris Kritchevsky (1866-1919), militant russe proche de Plekhanov, correspondant du Vorwärts à Paris, plus tard collaborateur de L’Humanité sous le pseudonyme de Bruno Veillard.

    73 La présence du général Pierre de Galliffet (1830-1909), grand fusilleur de Communards passé au gambettisme, comme ministre de la Guerre au sein du gouvernement Waldeck-Rousseau scandalisa particulièrement les milieux socialistes.

    74 Edouard Fortin dirigea le Parti Ouvrier Français en 1898-1899. Traducteur de Marx, rédacteur en chef de La Société nouvelle, militant dans l’Oise, il fut un des trois exécuteurs testamentaires de Guesde (avec Bonnier et Bracke).

    75 Alexandre Bourson (dit Zévaès, 1873-1953), dirigeant des Etudiants socialistes révolutionnaires internationalistes, poursuivit une riche et complexe carrière politique et éditoriale.

    76 Henri Durre (né en 1867), voyageur de commerce et dirigeant socialiste de la région de Valenciennes ; Adéodat Compère-Morel (1872-1941), secrétaire de la fédération socialiste de l’Oise, joua par la suite un rôle de premier plan dans le courant guesdiste et au sein du mouvement socialiste.

    77 Bonnier évoque ici d’anciens guesdistes ralliés à Jaurès au moment de l’Affaire : François-Gustave Siauve, dit Siauve-Evausy (né en 1862), journaliste ; Ulysse Pastre (1864-1930), instituteur, futur député du Gard ; Antide Boyer, déjà cité ; Maximilien Carnaud (1863-1937), instituteur et député socialiste de Marseille (1894-1910) ; Gabriel Bertrand (1861-1917), dirigeant socialiste de Carpentras, futur secrétaire de rédaction de L’Humanité, puis diplomate ; Quilici, conseiller municipal et militant régional.

    78 Ce congrès général des organisations socialistes françaises se tint du 3 au 8 décembre 1899.

    79 Aristide Briand (1862-1932) ne cessa de jouer un grand rôle dans le mouvement socialiste, puis dans la vie politique française. Au moment où écrit Bonnier (1914...), il était particulièrement détesté par les milieux socialistes.

    80 Fernand Pelloutier (1867-1901), secrétaire de la fédération des Bourses du Travail de 1895 jusqu’à sa mort. Cf. Jacques Julliard, Fernand Pelloutier et les origines du syndicalisme d’action directe, Seuil, 1971, « L’Univers historique ».

    81 Charles Rappoport (1865-1941), militant socialiste russe, réfugié en France depuis 1895. Cf. Une vie révolutionnaire 1883-1940. Les mémoires de Charles Rappoport, op. cit.

    82 J’avais un camarade – un meilleur tu ne trouveras jamais.

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    Ce livre est cité par

    • (2018) Édouard Vaillant. DOI: 10.3917/arco.andar.2018.01.0201
    • Galazzi, Enrica. (2014) Studies in the History of the Language Sciences History of Linguistics 2011. DOI: 10.1075/sihols.123.18gal
    • Prochasson, Christophe. (2005) Histoire des gauches en France. DOI: 10.3917/dec.becke.2005.01.0426
    • (2001) Librairie. Vingtième Siècle. Revue d'histoire, no 71. DOI: 10.3917/ving.071.0128
    • (2001) Lectures. Cahiers Jaurès, N° 161-162. DOI: 10.3917/cj.161.0005

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    Candar, Gilles. « – 7 – Oxford. La vie politique (1890-1900) ». Les souvenirs de Charles Bonnier, Presses universitaires du Septentrion, 2001, https://doi.org/10.4000/books.septentrion.70808.

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