1789

Janvier

1Le premier jour de l’an, après mâtines, je fus chez M. le curé (parce qu’il n’est point venu à mâtines) lui souhaiter la nouvelle année. Il ne m’a rien donné cette année ni à personne. Ensuite, je fus chez Jean Louis Deseaues, receveur de la Charité, qui me donna la somme de 30 livres pour une année d’éducation des enfants pauvres de la paroisse. Il a fait un temps épouvantable ce jour, pour la neige : il en a tombé 4 à 5 pouces courant au moins. J’ai été souper ce même jour chez Sr André Vigneron.

2Vendredi 2, Mde Carriat nous a envoyé un chapon et un canard pour nos étrennes.

[Dimanche 4 janvier, il faisait un froid très vigoureux]

3Lundi 5, à 4 heures après midi, Mr Hervaux marguillier en charge nous a envoyé une demie corde de bois brigot d’orme, de chez lui, rapport à l’extrême rigueur de l’hiver et ce, pour l’école. Les sœurs de la Charité ont une demie corde de chez Martinet, des chevrons de remise qu’il leur a sciés et vendus.

4Dimanche 11, il a neigé des flocons extraordinaires pour la grosseur. Ce jour-là, j’ai été souper chez M. Carriat avec le Sr François Boucher.

5Jeudi 22 à midi, j’ai été chez M. Hervaux qui m’a payé non seulement mon quartier échu au 21 dudit mois, mais encore celui du 21 avril prochain parce que, me dit-il, dans ce temps il pourrait se faire qu’il n’eut point d’argent de l’église entre ses mains rapport à la perte causée par la grêle. Je lui donnai un second reçu, sur le dos de ma quittance. Ensuite, nous réglâmes ensemble ce qu’il me devait pour les mois d’école de son fils depuis le 21 avril 1788 que je n’avais rien reçu. Il me dit qu’il ne payerait plus la somme que nous étions convenus ensemble, ainsi qu’il me l’avait dit lors de la grêle, mais qu’il me payerait les fagots que j’avais eu cette année, qu’il me donnerait un minot de blé pour le mois d’août de son fils et après cela 24 sols par mois à commencer du mois d’octobre dernier. Je fis mon compte en conséquence. J’ai eu 250 fagots à 13 livres le cent qui font la somme de 32 livres 10 sols, ce qui pouvait me payer sur le pied de notre convention jusqu’au mois d’octobre exclusivement à peu de choses près. Ensuite, je comptai les mois y compris depuis octobre jusque et compris janvier 1789 à 24 sols par mois, ce qui fit, compris les papiers plume et encre depuis le mois de mai dernier, la somme de 9 livres 7 sols. Il m’a donné 9 livres 16 sols et cela a passé comme cela. J’étais pour dîner avec lui, mais on m’est venu avertir que le Me d’école de S. Patu était arrivé chez nous, ainsi je le quittai et m’en vins diner chez nous.

6Lundi 26 au matin, le Sr Victor Boucher, fils de M. Boucher de Chécy145 est venu chez nous, voir son frère François et l’a emmené avec lui chez M. Carriat et l’a ramené vers le soir en s’en retournant à Oissery chez Mde Cocault, sa maman.

7Jeudi 29, les compères Louis Deseaues et Denisot ont posé les boites qui sont dans l’église, pour mettre les livres des écoliers.

Février

8Le blé vaut actuellement à Dammartin 37 à 38 livres de septier et à Nanteuil, 39 à 40 livres. La misère se fait sentir furieusement.

9Dimanche 15, on a distribué 50 jeunes arbres à 50 personnes différentes. Ce sont les députés du bureau intermédiaire de Meaux qui les ont envoyés. Ce sont des pommiers, poiriers et pruniers. On m’a donné un prunier et je l’ai planté dans le bout de la platebande, du côté du vicariat146.

10Le mercredi des Cendres, il a fait un temps épouvantable pour la pluie. Ce même jour après-midi, à une heure, tous les principaux de cette paroisse se sont assemblés dans l’école pour faire leur cahier de doléances pour que Mrs Carriat et Hervaux (qui avaient été nommés députés ce même jour à l’issue de la messe) le portassent à Senlis, lundi prochain, en l’assemblée générale du bailliage dudit Senlis, suivant l’ordonnance de Mr le grand bailly de Senlis. Mr le curé a reçu une pareille assignation pour le clergé, à comparaître le même jour à Senlis147.

Mars

11Dimanche 1^er, premier dimanche de Carême, M. le vicaire a publié au prône de la messe paroissiale (chantée par lui parce que Mr le curé était indisposé) un mandement de Mgr l’évêque de Meaux qui permet l’usage de la viande pendant le Carême excepté la semaine sainte, savoir le dimanche, le lundi le mardi et le jeudi de chaque semaine, un repas par jour seulement et pour cette année seulement, rapport à la grande cherté des denrées et à la rigueur et durée inouïe de l’hiver qui a tout gelé et perdu.

Préparation des États Généraux

12Ledit jour à une heure après midi, tous les principaux habitants de cette paroisse députés et autres, se sont assemblés dans cette école pour entendre la lecture du cahier de doléances et des plaintes dressé par M. Carriat et transcrit par Tavernier, greffier de la Municipalité de cette paroisse, afin de consulter ensemble pour savoir s’il n’y avait rien à retrancher ou à ajouter. Ils ont tenu leur conférence jusqu’à 4 heures du soir et enfin ils ont signé les cahiers de doléances de la paroisse de Silly en Multien, dont voici la teneur mot pour mot ainsi qu’il suit :

Extrait du cahier de doléances de la Paroisse de Silly en Multien tel que le Greffier de la Municipalité l’a écrit sans changer, augmenter ni retrancher aucunes lettres, accents ni virgules.

Etat de plaintes et doléances de la Paroisse de Silly, conformément à la lettre du Roi et règlement pour la convocation des Etats Généraux à Versailles ce 27 Avril 1789. L’An mil sept cent quatre vingt neuf, le vingt cinq Février, issus de la Messe Paroissiale il nous a été fait lecture par le Syndic de la lettre du Roi et règlement pour la Convocation des Etats Généraux à Versailles le 27 Avril 1789, et en vertu du présent règlement nous avons fait conjointement le présent cahier des plaintes et doléances ainsi qu’il suit et nous avons procédé à la nomination de deux Députés pour nous représenter au Bailliage de Senlis, lesquels ont, par ces présentes le plein pouvoir de notre part, de faire, dire et disposer, si les réglementations ci après sont susceptibles d’augmentations ou de changements.
Article 1^er : Les habitants de la paroisse de Silly en Multien ont l’honneur de représenter à Mrs les Députés au Bailliage de Senlis, qu’ils sont depuis 1764 sous la domination de S.A. Monseigneur le Prince de Conti sous l’autorité duquel ils gémissent, et en outre, leur terroir est environné de terres appartenant à son A.S. Monseigneur le Prince de Condé qui sont aussi couvertes de gibiers. Fasse le ciel que leurs calamités finissent par l’entremise des Etats Généraux à qui ils vont faire l’aveu sincère de leurs positions.
Article 2^e : Lorsque son A.S. Monseigneur le Prince de Conti a pris possession de la terre de Silly, il s’est annoncé par l’organe de Mr DeMoncorps, son Capitaine des Chasses, n’ayant d’autres occupations que la chasse et a établi des garde Chasses et gardes Honoraires et en peu de temps, il s’est multiplié une si grande quantité de gibiers que les plaines se sont trouvées ravagées. Ce qui a continué sans interruption jusqu’à ce jour.
Article 3 : Et pour la conservation de son gibier, il a ordonné que les plaines soient garnies d’épines à raison de 15 arpents. Cette innovation paraissant si dure aux Laboureurs, que plusieurs s’y refusèrent, notamment les nommés Dubois et Fieffé, Laboureurs à Silly. Mais ils eurent la disgrâce de se voir enlever militairement de leurs domiciles et trainés en prison jusqu’à ce que leurs femmes eussent fait épiner.
Article 4 : En 1768, au mois de Juin, Jeanne Drugeon, femme de Charles Vigneron étant à échardonner de l’Avoine, eut le malheur de ramasser un œuf de perdrix ; elle fut vue par des gardes qui l’ont traînée en prison où elle a passé 10 jours et n’en est sortie que parce que l’on a vu qu’elle y périrait et, étant rentrée à son lit, elle mourut 3 jours après.
Article 5 : Le 10 Juin 1774, le nommé Rémy, garde Chasse de son Altesse, faisant sa ronde sur le terroir de Silly, aperçut dans une avenue, un pauvre nommé J.B. Bonnaire, de la de Guise près de Villers Cotterets qui mangeait des cerises ; il eut une difficulté avec lui, l’a tué d’un coup de fusil et ledit Bonnaire a été rapporté sur une civière chez M. LeBoeuffe, Chirurgien à Silly. L’affaire a été déclarée nulle, comme s’il eut le droit de le tuer.
Article 6 : En 1788, le 15 Septembre, le nommé Charlemagne Boileau, Marchand Fruitier demeurant à Silly, a été enlevé de son domicile étant à souper avec sa famille sans aucune formalité, sous un faux rapport, ce qui a été prouvé en Justice par plusieurs personnalités qui ont été assignées à cet effet, cependant, il a été 11 jours en prison.
Article 7 : Il a été défendu aux Officiers de Justice de suivre l’affaire dudit Boileau contre ses délateurs, en conséquence des abus, nous demandons que les Justices Seigneuriales soient entièrement réformées.
Article 8 : Il a été démontré que depuis que son Altesse est Seigneur de Silly, son gibier a plus consommé de grains qu’il n’en a fallu pour la subsistance des individus de ladite Paroisse.
Article 9 : Quelle triste position pour des cultivateurs de voir que pour le plaisir d’un Prince, ils ne sont pas libres de cultiver leur héritage ni de nettoyer en tout temps les mauvaises herbes qui nuisent à l’abondance et maturité des grains et même à la récolte ; il n’est pas permis de faire faucher sans leur agrément les blés remplis d’herbes crainte de retirer le couvert de leurs gibiers qui seraient exposés à la vue des oiseaux de proie.
Article 10 : Nous demandons la révocation de l’arrêt du Parlement de Paris du 15 Mai 1779 enregistré aux Maîtrises des Grueries qui somme l’Agriculture à des formes si rigoureuses que les Seigneurs peuvent impunément avoir à loisir telle quantité de gibiers qu’ils veulent.
Article 11 : Comme aussi lorsque le Cultivateur a fait rentrer ses grains il n’est pas permis aux pauvres du pays d’aller au chaume avant le1^er Octobre et les meilleurs chaumes sont toujours pour les Garde Chasse et leurs amis, vu qu’ils les font engager par leur autorité avant que de donner permission aux pauvres d’y aller.
Article 12 : En vertu des ordonnances de son Altesse, il n’est pas permis aux Cultivateurs de faire faucher les luzernes et sainfoins avant le vingt quatre Juin ni même de faire manger par ses troupeaux aucune prairie artificielle, sans que le Garde de son Altesse n’eut fait visite et donne permission.
Article 13 : Le terroir de Silly contenant deux mille arpents est traversé par onze chemins verts et une avenue, le tout garni d’arbres de différentes espèces dont une partie sont plantés sur les propriétaires et en outre trente remises pour la conservation du gibier de toute espèce. Article 14 : Quel avantage pour le bien public que le code des chasses soit annulé et les droits féodaux, qu’il n’existe aucune banalité, en un mot que le français recouvre sa liberté.
Article 15 : Nous demandons qu’il soit fait un pavé carré de Silly à la grande route de Paris à Soissons qui contiendra 600 toises aux dépends des propriétaires de la paroisse, moyennant que les habitants ne seront pas imposés aux Rôles des Corvées pendant vingt ans.
Article 16 : Au mois d’Octobre dernier, il a été donné 68 septiers de blé pour les semences en vertu de la grêle qui a dévasté ladite Paroisse, mais la répartition a été faite contre le gré des députés de la Municipalité de Silly.
C’est à vous, Messieurs les députés, à qui nous adressons nos réclamations et la confiance que nous avons en vous donne le calme à nos âmes et nous assure la félicité que nous en attendons, fait et arrêté en l’Assemblée tenue à cet effet ledit jour et an et après avoir reconnu d’un consentement unanime l’exposé ci-dessus sincère et véritable, avons signé avec les Députés :
Rommetin, Vigneron, Vigneron, Carriat, M. Vincent, Boucard, Vincent syndic, Cholet, Hervaux.
Sans approuver l’article quatorze (cens approuvé lartique quatorze)
Lefèvre François, Tavernier.

13Voilà ce qu’il y a de signatures sur le registre des délibérations de la Municipalité de Silly mais sur le cahier desdites doléances que Mrs Carriat et Hervaux ont porté le Lundi. 2 mars à Senlis, il y en avait considérablement plus. C’est M. Carriat qui est en partie rédacteur et en entier auteur de cette pièce énergique. Si les habitants de Silly ne jouissent pas d’une entière félicité par la suite, ce ne sera pas sa faute. Optime.

14Jeudi 5 après midi, nous avons été, Louis Beuve et moi, à Droisel avec la voiture de M. André Vigneron, chercher une voiture de bois, que j’ai fait abattre. Le petit François Boucher est venu avec nous. Il a neigé toute l’après midi. Le pain de ménage de 10 livres vaut actuellement 36 sols et le bon blé vaut 40 livres le septier, mesure de Nanteuil.

15Vendredi 6, continuation de la gelée et de la neige en abondance.

[Deux émeutes populaires à la halle de Nanteuil, à cause de la trop grande cherté du bled. Mais heureusement cela n’a pas eu de suite]148.

16Samedi 7, augmentation de la gelée jusqu’à geler dans les maisons. Le 8, continuation de la gelée et temps épouvantable pour la neige.

17Lundi 9, continuation de la neige toute la journée et toute la nuit.

18Mardi 10, continuation de la neige toute la journée extrêmement fort. Ce jour on a tenu assemblée à l’école pour la distribution de 100 sacs d’avoine, donnés par le gouvernement, pour les grêlés de Silly. Ce jour, M. le curé et Mrs Carriat et Hervaux ont été à Senlis pour l’assemblée générale.

19Mercredi 11 continuation du froid. Le 13, encore pire ; la neige a recommencé à 7 heures du matin, horriblement fort et a continué jusqu’à midi. Il en a tombé 4 pouces courant au moins et le soir, la pluie a commencé de tomber. C’est aujourd’hui qu’il y eut deux émotions populaires à Nanteuil.

20Le 14, Mr Hervaux nous a fait voiturer une corde de bois brigaut en orme, de chez Pierre Bruxelle, pour l’école et pour l’année prochaine. Les sœurs ont eu une pareille corde de chez le même à raison de 22 livres la corde.

21Dans le courant des mois de janvier ou de février derniers, on a publié dans les villes et bourgs un arrêt du roi qui défendait expressément de vendre du blé ailleurs que sous les halles sous peine de 500 livres d’amende. Plusieurs y ont été pris, entr’autres Mr Carriat de Silly, M. Dupil de Dammartin, le Sr Thomas syndic de Nanteuil, Mde LeDuc de Gesvres, le Châpitre, etc. On leur a fait signifier qu’ils eussent à payer le lundi 9 mars et on leur a donné 24 heures. Le mardi 10, Mde Carriat a été à Dammartin porter 500 livres pour 1 amende que devait Mr Carriat. (On m’a assuré depuis que ce n’était que le lundi 23 Mars 1789 que Mr Carriat avait payé, mais il a payé).

22Lundi 16, la gelée a recommencé ; le 17 continuation de la gelée, le 18 de même. Les Srs Hervaux, Carriat et Pierre Vincent, députés et syndic ont eu chacun un cahier de procès verbal de l’assemblée préliminaire du Tiers Etat du bailliage provincial de Senlis du 2 mars 1789, dont voici l’extrait ci après recopié fidèlement149

23(…)

24Le 18, il a fait un temps épouvantable pour la neige toute la journée. Le lendemain, la pluie a commencé de tomber.

25Le 22, j’ai fait l’état des grains grêlés sur les terres de la Sainte Chapelle de Paris, pour le Sr Nicolas Vincent. Il m’a donné pour ce 1 livre 16 sols. Le même jour j’ai donné pareillement l’état des grains grêlés sur les terres des collèges de Boissy et Beauvais pour M. Mercier et Serain. Il faisait un temps épouvantable pour la pluie.

26Le 28 à midi, Mr Mercier m’a envoyé une pièce de vin, grosse jauge, du crû de Quincy à raison de 42 livres d’achat et les menus frais montant à 26 sols, font pour le tout 43 livres 6 sols qu’elle me coûte ; il m’a fait présent du charriage. Le blé vaut actuellement 42 livres le septier à Nanteuil et 48 livres à Senlis.

Avril

27Jeudi 2, il a fait un temps épouvantable pour la pluie toute la journée ; la nuit du jeudi au vendredi encore pis, il a fait un vent terrible toute la nuit et de la pluie en abondance de sorte que, jusqu’à présent on n’a encore pu rien faire aux jardins et presque point semé d’avoine. Nous sommes dans une grande calamité.

28Le 10, jour du Vendredi Saint, M. le vicaire a parti aussitôt après le service pour aller à Meaux et de là à Paris trouver Mr Ruallem, abbé de S. Faron de Meaux, pour lui demander la cure de Bouillancy (vacante par la mort de Mre Hubert, curé dudit Bouillancy, décédé ledit jour à 8 heures du matin) comme en étant collateur. Il n’est revenu que la nuit du 11 au 12, nuit de Pasques à minuit ou environ et il n’est venu à l’église dire sa messe qu’après la grand messe, vers 11 heures et demie avant midi, étant harassé et n’ayant point de cure.

29Dimanche 19, de Quasi Modo, Mde Boucher de Chécy est venue chez nous avec M. Carriat en sortant de la grand messe et m’a payé le quartier du Sr François Boucher, son fils, échu le 12 Avril, jour de Pasques dernier. Elle m’a donné 62 livres 10 sols.

30Lundi 20, après midi, notre frère Dieudonné Ducat est venu chez nous, nous donner avis que sa femme était accouchée d’une fille et nous prier de lui donner un parrain ou une marraine. Nous convînmes ensemble que Jean Pierre Manier (fils de l’accouchée) serait le parrain et notre fille Isidore, la marraine. Ils partirent donc à 5 heures du soir et la maîtresse avec eux. Le 21 dudit mois, à 10 heures du matin, on fit le baptême et l’enfant fut nommé Marie Isidore ; la maîtresse et Isidore revinrent ledit jour 21 à 8 heures du soir.

31Vendredi 24, sur le soir, lorsque M. l’abbé Gourlet s’y attendait le moins, il reçut une lettre de M. De Longpérier de Lagny le Sec qui lui donnait avis qu’il était nommé à la cure de Bouillancy et que ses provisions étaient entre les mains de Mr l’abbé de Roquefeuille, grand vicaire de Meaux. Il partit pour Meaux le lendemain à l’issue de la messe de S. Marc et revint le soir. Dimanche 26, ils partirent lui et sa sœur pour s’en aller à Acy et il prit possession de sa cure le Lundi 27 sur le soir, à bas bruit et sans être accompagné de personne excepté ceux qui y sont absolument nécessaires.

32Le 29, il y eut une bagarre à Paris qui a duré jusqu’à deux heures du matin du 30 où il périt 600 personnes au moins, occasionnée par l’imprudence de Mr Réveillon, marchand papetier et M. Henriot150 ou Ariot md salpétrier à Paris qui avancèrent dans l’assemblée de Paris qu’un ouvrier qui gagnait 15 sols par jour pouvait vivre à son aise et porter une montre. Aussitôt que leurs ouvriers surent cela, ils allèrent comme des furieux chez leurs maîtres, pillèrent et saccagèrent tout ce qui était dans leurs maisons et le nombre des séditieux augmentant de plus en plus, la frayeur fut telle dans Paris qu’on sonna le tocsin et que chacun ferma sa porte avec précipitation et on envoya des courriers promptement à Meaux, à Dammartin, à Senlis etc. chercher les Dragons qui y étaient depuis peu. Ceux de Dammartin partirent à minuit ou environ en grande hâte et quand les troupes furent arrivées dans Paris, on fit en sorte d’envelopper les séditieux et alors on tira sur eux et sur les troupes, de sorte que le sang humain coulait dans les rues et cette horreur n’a fini qu’à deux heures du matin le Jeudi 30 avril. Il périt dans cette bagarre plus de 600 personnes, sans compter les blessés151.

33Nous sommes dans une terrible calamité. On ne parle partout que de révolte. Dans tous les marchés à blé, ce ne sont que des tumultes affreux causés par les femmes.

Mai

34Samedi 2, à Meaux, le tumulte recommença par quatre fois différentes et quoiqu’il y eut 4 à 5 brigades de maréchaussée, ils ne purent empêcher que les femmes ne maltraitent plusieurs fermiers, entr’autres les Sr Charlemagne Fieffé de Marcilly et ne prissent leur blé à raison de 27 livres le petit septier. Enfin, tous les esprits sont si tellement échauffés que l’on craint bien une révolte générale152.

35Dimanche 4 au matin, j’ai été dixmer les agneaux pour M. le curé. J’ai dixmé sur la quantité de 133 agneaux, savoir : M. Hervaux 42, Me Vigneron père, 12, M. Carriat 30, M. Rommetin 46, Mr Vincent le jeune 3. Total 133… soit 26 livres 12 sols… j’ai remis l’état à M. le curé le lendemain dans la matinée ; il a ajouté à la somme celle de 14 livres 8 sols qui font ensemble celle qu’il m’a donné savoir 40 livres pour la façon de son jardin et de son parterre pour l’année 1788 et 20 sols pour mes peines de la dixme d’agneaux.

36Dimanche 3 mai, fête de la Dédicace de cette église, Louis Bontemps de Droizel est venu chez nous et il m’a payé l’année de loyer de notre maison de Droizel ; il m’a donné 69 livres 11 sols et a payé en mon acquit savoir 8 livres 5 sols de vingtième ; 4 livres 4 sols à Daguet et 2 livres qu’il a retenu pour lui pour 17 gerbées qu’il a fournies pour les couvertures de notre dite maison, ce qui fait 14 livres, lesquelles jointes à celles de 69 livres 11 sols font 84 livres qui est le prix de la location. Il nous a fait présent d’un jambon et il a resté chez nous jusqu’au lendemain 7 heures du soir. Il a été le seul qui soit venu à la fête chez nous parce que nous n’avons pas fait de fête cette année.

37Jeudi 7 à Dammartin, on a taxé le blé à 30 livres le septier.

38Vendredi 8 à Nanteuil, on a vendu le blé à même prix ou environ eu égard à la mesure et on en donnait à chacun ce qu’il en voulait un minot, 2, 3, selon l’argent qu’on avait. Ce même jour, vers le soir, M. l’abbé Gourlet, ancien vicaire de Silly, partit avec deux voitures qui emmenèrent son bagage pour aller à la cure de Bouillancy.

39Le 16 sur le soir, M. l’abbé Jean-Baptiste Marienval153 natif de Meaux, est arrivé chez M. le curé de Silly, en qualité de vicaire pour remplacer M. l’abbé Gourlet et il a chanté la grand messe le lendemain pour la première fois à Silly et est reparti pour Meaux après les vespres, pour aller apprêter son bagage et est revenu avec deux voitures pleines de meubles le mercredi 20 Mai à 7 heures du soir. C’était la voiture de Pierre Vincent.

40Cette année on a fait la procession des Rogations, savoir, le lundi dans l’église mais les trois autres, on a sorti dans les champs. Le jour de l’Ascension, il faisait un temps superbe, on a rafraîchi chez nous à l’ordinaire.

41Samedi 23, l’abbé Gourlet et son vicaire sont venus diner chez M. le curé de Silly après vespres ; ils ont été tout visiter dans le vicariat ce qui restait de bois et autres effets de l’abbé Gourlet (qui avait envoyé son mémoire signé de lui le jour de l’Ascension, par son père et qui montait à 86 livres y compris 16 livres pour la façon du jardin) après bien des débats, Mr le curé de Silly pour les accommoder offrit à l’abbé Gourlet 64 livres pour le tout, mais il ne voulut point accepter ladite somme. M. le curé lui offrit 2 livres pour une corde de gros bois ; il lui accorda et ils s’en retournèrent chacun chez soi.

42Lundi 25 au matin, le père Gourlet vint avec deux voitures et sa fille à Silly et enlevèrent tout ce qui leur appartenait et voulaient arracher tout ce qui était dans le jardin, pois, fèves etc ; mais M. l’abbé Marienval les en empêcha. Ils lui dirent beaucoup d’injures à cause qu’il ne voulait rien leur donner pour le jardin et on leur a fait laisser un cent de fagots pour pareille quantité que l’abbé Gourlet avait eue de l’abbé Ruellan, son prédécesseur.

43Dimanche 24 à l’issue des vespres on a tenu assemblée de Fabrique au banc d’œuvre, en laquelle on a convenu et arrêté de retirer tous les effets du vicariat appartenant à la fabrique et de ne plus en donner dorénavant aux sieurs vicaires, mais de leur donner 500 livres au lieu de 406 qu’ils avaient ci-devant, il a été dit aussitôt qu’on déposerait une partie des linges du vicariat chez les sœurs de Charité pour soulager les pauvres dans leurs maladies.

44Lundi 25 à Dammartin, le blé valait encore 36 et 37 livres le septier. C’est une désolation générale, il ne s’en trouve pas sous les halles pour en donner deux minots à chaque acheteur.

(Enterrement d’un enfant de quatre ans et demie ; c’est le premier que M. l’abbé Marienval a fait)

45Jeudi 28, en sortant de diner, nous fûmes à Droizel, Louis Beuve, François Boucher et moi. Nous essayâmes deux fois de faire fendre une culée de tilleul avec de la poudre à tirer mais nous ne pûmes en venir à bout. Nous sommes revenus après avoir goûté chez notre frère Adrien.

46Le 31, jour de la Pentecôte, Mr le curé a fait faire la première communion aux enfants au nombre de 21, savoir 12 garçons et 9 filles entr’autres Jean Claude Nicolas Mercier, Jean Denis Mercier, Brice Charles et Jean André Boileau, Jean Nicolas Porcq, Jean Laurent, Philippe Thuillier, Deboves, Jean André, Joseph Drugeon, Denis Porcq. Les filles sont Marie Catherine Adélaïde Thuillier, Marie Geneviève Martin, Marie Claire Vérin âgée de 11 ans et 8 mois, etc.

Juin

47Le lundi de la Pentecôte, à l’issue de la messe, Mrs les députés de la municipalité de Silly ont tenu l’assemblée et m’ont demandé si je voulais accepter la charge de greffier de la municipalité dud. Silly parce qu’ils étaient résolus de révoquer Tâvernier ; à quoi nous acquiesçâmes154 ; ils en ont écrit sur le champ à Mrs les députés du département de Meaux. Ils m’ont dit que l’année commencerait led. jour premier de juin.

48Jeudi 4, j’ai commencé à exercer la fonction de greffier de la Municipalité de Silly, par des affiches que j’ai faites pour avertir les hors-tenant155 que l’assise des tailles se ferait à Silly le mercredi 10 Juin à une heure de relevée.

49Mercredi 10, veille de la fête du S. Sacrement après les vespres, j’ai été chez M. Carriat où était le Sr Briquet, commissaire des tailles. J’y ai resté jusqu’à la fin. Il m’a remis la minute du rôle des tailles pour mettre au greffe de la Municipalité de cette paroisse.

50Jeudi 11, fête du S. Sacrement entre les vespres et le Salut, on a tenu bureau où on a arrêté de faire travailler les gens de cette paroisse qui sont sans ouvrages à la réparation des mauvais pas des entrées de ce village, jusqu’à concurrence de la somme de 300 livres à prendre sur la fabrique. La veuve Charlemagne Vincent 200 livres et le reste de prendre dans le coffre de ladite fabrique. On a arrêté de fixer le mémoire du greffier pour son année qui a fini au dernier jour du mois de mai dernier à la somme de 50 livres sur laquelle somme il m’en reviendra une part pour ce que j’ai écrit pour : l’état de la grêle, avoir fourni les plumes, papier et encre et autres choses détaillées dans ledit mémoire. (Le 17 juin, baptême par Mr le vicaire, qui après avoir écrit l’acte de baptême, le lut haut aux parrain et marraine. C’est la première fois que j’ai vû cela).

51Dimanche 21, Tavernier a quitté la chappe rapport de ce qu’on lui a ôté la charge de greffier de la municipalité. Lundi 22, après diner, Mr Marienval, Louis Beuve et moi, nous avons goûté chez notre frère Adrien, nous avons fait une partie de boules et nous sommes revenus ensuite. Vendredi 19, mort de Jean Jacques Tagu, de Droisel, à 6 heures du soir. La maîtresse et Isidore ont été à son enterrement le lendemain. La tête lui avait tourné totalement depuis la grêle de l’année dernière. Ce jour Mr le curé et Hervaux ont ouvert le coffre de la fabrique pour me donner 100 £ pour les ouvriers qui travaillent à raccommoder les chemins de cette paroisse. Ils m’ont donné 24 livres de trop, par erreur, je les ai rendues à Mr le curé dans sa cour le même jour à 5 heures du soir.

52Mardi 23, nous avons fait les cérémonies accoutumées pour la fête de Mr le curé et le soir, la maîtresse et moi avons eu l’honneur de lui présenter un bouquet à l’ordinaire et il m’a donné 6 francs.

53Jeudi 25, messe haute de S. Eloi par M. le vicaire. Il y eut 56 sols de quête. M. le vicaire m’a donné 1 livre 9 sols. Ensuite de la messe, je fus à Nanteuil chez M. Lavenere pour régler avec lui et je l’ai payé finalement jusqu’à ce jour. Je lui ai donné 86 livres et 36 livres que je lui avais envoyées par Isidore le 13 Février dernier, ce qui fait la somme de 122 livres qui est le montant de son mémoire, de sorte que nous sommes quittes ensemble.

Crise frumentaire

54Ce jour à Nanteuil, j’ai vu passer les petits Suisses au nombre de 7 à 800 qui allaient à Paris. La veille ou la surveille il avait passé un régiment d’Hussards qui allaient semblablement à Paris. On fait état de 40 000 hommes de troupes au moins aux environs de Paris pour le garder. Nous sommes dans une détresse affreuse, on n’entend parler que de révoltes et de massacres de tous côtés. On ne peut plus trouver de blé. Il n’a plus de prix, les boulangers ne cuisent presque plus, ceux qui veulent 4 livres de pain, on leur en donne 2 livres. Il y a des endroits où il vaut 6 sols la livre. Les portes des boulangers sont gardées par des troupes et on distribue une livre de pain par personne, par la fenêtre. Mr Lemaire, boulanger à Nanteuil ne cuit plus faute de farine. Les 4 moulins de Droisel et Versigny sont au foc156, enfin on attend de jour en jour de voir une révolte générale dans tout le royaume, tout y contribue. Les Etats Généraux, soi-disant ne vont pas bien pour le peuple. Les temps aujourd’hui est tout à fait contraire aux biens de la terre : il pleut tous les jours et il fait très froid. On appréhende que la disette ne soit pas moins grande l’année prochaine quoiqu’il y eut une belle apparence sur terre pour les grains, parce que le temps y est tout à fait contraire ainsi que pour la vigne, outre qu’il a eu considérablement de gelée. Le vin de Brie vaut actuellement 50 à 60 livres la grosse.

55Le 23 Juin dernier à 11 heures du soir, à Versailles, il y eut une furieuse crise au château rapport que le Roi s’était mis du côté de la Noblesse et du Clergé à la sollicitation de la Reine, de Mgr le Comte d’Artois etc. et de Mgr l’archevêque de Paris (M. de Juigné) il y avait plus de 30 000 hommes de Paris et d’ailleurs qui étaient prêts à saccager et à forcer le château. On a commandé de faire feu sur eux mais les troupes ont refusé et ont mis, tous, leurs armes à terre et se sont déclarés pour le Tiers Etat. Le Roi a été contraint d’avouer qu’il avait été gagné par ceux dénommés ci-dessus et de se remettre du côté du Tiers Etat. Aussitôt leur fureur s’est portée contre Mgr l’archevêque ; il n’eut que le temps de se sauver, on a fracassé les glaces de sa voiture, il s’est sauvé à Germigny-l’Evêque157 avec M. l’évêque de Meaux. On a été deux fois pour mettre le feu à l’archevêché de Paris ; en un mot, si on n’eut pas fait paraître M. Necker que l’on croyait exilé, ce qui effectivement était prêt de l’être, on aurait vu dans Paris et dans Versailles un horrible massacre et un incendie général.

56Vendredi 26, il est arrivé du blé d’ordonnance à Nanteuil dont on a fait du pain ; on met 4 minots de blé et 2 minots d’avoine et on le vend à 34 sols les dix livres. C’est Bicheron qui le cuit. Des ouvriers de la Thiérache nous ont dit que le blé valait chez eux 72 livres le sac et que la plus grande partie des gens étaient réduits à la plus affreuse misère.

57Dimanche 28, Jean Louis Deseaues fils a commencé à porter le surplis et la chappe au lieu et place de Tavernier.

58Mardi 30, à midi, M. le curé et moi avons tiré du coffre de la fabrique le reste de l’argent qui y était, et ce du consentement des principaux de cette paroisse ; nous avons trouvé 82 livres 16 sols, y compris les 24 livres que l’on avait données de trop, et cela pour occuper ceux de la paroisse qui n’ont point d’ouvrage.

Juillet

59Jeudi 2, le blé a valu à Dammatrin jusqu’à 55 livres le septier.

60Vendredi 3, à Nanteuil, le blé d’ordonnance valait 46 ou 47 livres, encore n’en pouvait-on avoir que deux minots. Le blé était sur la halle et l’escalier était gardé en haut par les Hussards et les cavaliers qui ne laissaient monter les personnes que 4 à 4.

61Lundi 6, à Dammartin, il n’y eut que Mde Vigneron, la mère, qui eut du blé à vendre, pour le Sr Prévot dit Longperrier de Lagny le Sec. Elle n’a pas voulu dire le prix qu’elle l’avait vendu. On présume qu’elle l’a vendu 60 livres parce qu’il vaut cela au moins partout. Le pain vaut 6 sols la livre, presque partout. Félix Beuve ne le vend encore que 50 sols les 12 livres pain bis.

62Mardi 7, on nous a appris qu’il arrivait 40 000 hommes de troupes allemandes ; qu’il en restait 800 dans Meaux, etc. On craint une révolution générale158 dans tout le royaume. On dit que Messeigneurs les Princes de Condé et de Conti sont les seuls qui ne veulent pas se réunir avec le Tiers Etat. Nous sommes dans une terrible calamité.

63Jeudi 9, j’ai eu 250 fagots de houpiers159 à raison de 12 livres le cent et une corde de bois de quartier de chêne à raison de 30 livres la corde, de la vente du Sr Brunard de Dammartin, au bois du Tronsoy. C’est le père Boucher qui en est le garde-vente, qui me les a livrés, voiturés par les voituriers de Mrs Carriat, Nicolas Vincent et Serain. Payé.

64Le blé se vend actuellement 60 et 66 livres le septier et pour mieux dire, il n’a point de prix parce qu’on n’en peut pas trouver, quoiqu’il y a des fermiers qui en ont encore beaucoup, non pas dans Silly, mais dans les endroits où la grêle n’a pas tombé, mais ils ne veulent pas le vendre. On vient de faire retourner tous les Suisses qui étaient dans les paroisses pour la garde des grains, afin de se rendre à leur caserne promptement.

65Dimanche 12, j’ai été chez Mr Hervaux, marguillier en charge. Il m’a donné 50 livres pour mon quartier qui échoira le 21 dudit mois, je lui ai donné une quittance de ladite somme datée du 12 juillet. Le même jour, à l’issue des vespres, ledit Sr Hervaux a fait vendre les meubles du vicariat de Silly qu’on avait déposés chez les sœurs de Charité dudit lieu. C’est Faron qui les criait et ledit Sr Hervaux qui écrivait et recevait l’argent. Nous fûmes à la fête à Montagny après les vespres, la maîtresse, Isidore, Hubert le fils et moi et nous en sommes revenus le lendemain à 2 heures 1/2 du matin, Louis Beuve, Rommetin le fils, Louis Legrand et Jean Louis Boucher étaient avec nous.

66Le Lundi 13 à midi, Mr Hervaux m’a apporté chez nous la somme de 157 livres 4 sols 9 deniers, provenant de la vente des meubles du vicariat et ce pour payer les ouvriers qu’on occupe à raccomoder les chemins.

67La nuit du 13 au 14, il y eut une bagarre terrible dans Paris. Les mécontents, au nombre de 20 000 suivant le rapport, allèrent piller plusieurs communautés, entr’autres celles de S. Lazare qu’ils ruinèrent et en chassèrent tous ceux qui l’habitaient.

68Le Mardi 14 au matin, nous fûmes, M. Marienval, le Sr Fortel et moi, au chemin de Paris, voir passer les troupes du Régiment Dauphin au nombre de 900 au moins, qui allaient dans les environs de Paris et nous vîmes des Pères et des Frères de S. Lazare qui s’en allaient je ne sais où. On dit qu’ils prirent dans S. Lazare seul, plus de 300 septiers, d’autres disent 10 000 septiers, de blé qu’ils firent conduire à la halle de Paris160 Ils démolirent la maison. Ils ont pillé par deux reprises l’école royale militaire. Ils forcèrent tous ceux qu’ils rencontrèrent d’aller avec eux et leur mettaient les armes à la main et à d’anciens, ils leur donnaient de l’argent pour les faire aller avec eux161 Tous ceux à qui ils demandaient de quel ordre ils étaient et qui ne répondaient pas « je suis du Tiers Etat », ils les massacraient ou les jetaient à la rivière. On fait état de 700 hussards qui ont péri par cette raison là. Tous les jours on apprend de mauvaises nouvelles et tout le monde est en transe, on s’attend de jour en jour à se voir pillé et peut être tué.

69Mercredi 15 au soir, M. André Vigneron m’a amené une pièce de vin, grosse jauge, du crû de Quincy de chez Martin Chevrin. Il coûte la somme de 50 livres d’achat et 5 sols de menus frais. Il m’a fait présent du charriage.

Le 14 juillet

70Ledit jour 14 Juillet, les révoltés de Paris se sont présentés à Mr le Marquis de Launay, gouverneur de la Bastille, pour lui demander qu’il leur fournisse des armes. Il en fit entrer un certain nombre dans la Bastille, sous prétexte de leur en donner, et aussitôt fit lever le pont et tirer le canon sur eux, chargé de mitrailles. Leurs compagnons qui étaient restés dehors, escaladèrent les fossés (justement irrités de cette trahison), montèrent à l’assaut, rabaissèrent les ponts levis, enfoncèrent les portes et firent un carnage horrible dans la Bastille. (La Bastille fut bâtie en 1370 et ce fut Hugues Aubriot, prévot de Paris, qui en posa la première pierre le 22 Avril audit an et y finit ses jours lui-même. Elle fut construite sur l’ordre de Charles V, surnommé le Sage). Le premier qui monta à l’assaut fut un Garde Française (on le mena en triomphe par tout Paris pendant deux jours et on lui fit 15 000 livres de rente et la croix de S. Louis qu’il prit au Sr De Launay, il en fut décoré). Il se saisit du gouverneur et on le conduisit à la place de Grève où on lui coupa la tête que l’on porta en triomphe au bout d’une fourche. On en a décapité encore trois autres, savoir M. Flesselles, prévot des marchands, Foulon beau père de Mr Berthier de Sauvigny, Intendant de la Gen. de Paris162 ; en un mot, tout était confusion dans Paris. Ils contraignirent le Roi de venir à Paris le vendredi 17 Juillet, à l’Hôtel de Ville, à 4 heures après midi, pour signer les différentes demandes du Tiers-Etat et entr’autres choses l’éloignement des troupes. Effectivement elles partirent dès le jour même163.

71Vendredi 17 au soir, nous fûmes à Nanteuil où nous vîmes arriver celles qui étaient passées le mardi 14 Juillet dernier. Ils étaient au nombre de 900 ou environ, très fatigués, étant partis le même jour de S. Denis où ils étaient à 11 heures et demie, à midi, ils sont arrivés à Nanteuil à 11 heures du soir où ils ont logé. Le lendemain matin à six heures à l’appel des soldats à la halle, il s’en est trouvé 200 au moins qui avaient déserté pour s’en retourner à Paris, sans doute pour se mettre sous l’étendard de ceux qui prennent la défense du Tiers Etat. Tous ceux qui ont été à Paris durant ce trouble, en arrivant, on leur demandait pour qui tenez-vous ? On répondait prudemment, pour le Tiers-Etat, aussitôt il fallait prendre une cocarde composée de trois rubans, un blanc, un rouge et un bleu. Tous ceux qui en revenaient, de tous états, de toute condition avaient la cocarde. Il n’y eut pas même jusqu’au Roi, à qui l’on donna la cocarde lors de son entrée à Paris le vendredi 17 Juillet. Toutes les troupes qui étaient campées aux environs de Paris, s’en retournèrent à leur garnison. Aussitôt que le Roi fut de retour à Versailles, il en partit aussitôt 15 carrosses, mais on ignore qui était dedans.

[Lundi 20 juillet, messe haute de Ste Marguerite. C’est la femme du jeune Lalouette qui a rendu le gâteau].

72Mde Boucher de Chécy est venue chez nous à midi, avec Mr Carriat, elle m’a payé son quartier de la pension du Sr Gaspard Boucher, son fils. Je l’ai fait lire devant elle et elle m’a paru très contente. Elle a fait présent de 6 livres à Isidore.

73Mercredi 22 à 10 heures du matin, S.A.S. Mgr le Prince de Conti est arrivé au Plessis Belleville à la porte de la Vve Charlemagne Deseaues, en voiture à 4 chevaux, accompagné de Mrs Boulinvilliers, Ravenel, d’Enghien, d’Artois etc. Il s’était sauvé du château de… parce que les Parisiens étaient prêts de le prendre ; au lieu de suivre la grande route pour se sauver, il prit les chemins de traverse ; il passa par Tournan, Armentières derrière Mitry, derrière S. Mard sous Dammartin enfin au Plessis Belleville où il n’entra point. Il fit venir son concierge à qui il remit son Cordon Bleu et autres effets. Il leur dit adieu en pleurant. Il voulait prendre sa route par Senlis, mais on l’en détourna (parce que ce jour, l’Intendant de Paris qui était pris, était promené par toute la ville de Senlis ayant un pain de son attaché à son cou avec une corde à vache, pour être ensuite conduit à Paris et y être justicié selon ses forfaits)164 ; il craignait même de passer dans Nanteuil, enfin tout l’effrayait. Il croyait toujours voir des assassins prêts à le tuer. Il eut peur de son garde général qui venait le voir parce qu’il n’était pas en habit de livrée. Il craignait très fort d’être arrêté en chemin ou au moins aux frontières, mais Mr de Boulinvilliers le rassurait. Il était déguisé et avait la cocarde du Tiers Etat sur un mauvais chapeau, ainsi que tous ceux de sa suite, sans accident, il espérait sortir de France le jeudi à une heure après-midi.

74Vendredi 24, le blé a été vendu à Nanteuil ainsi qu’à Dammartin et Gonesse qui ont donné l’exemple, 36 livres le septier. Je l’ai vu de mes yeux.

75Samedi 25, il a été vendu à Meaux 24 livres le petit septier, c’est à dire 30 livres le grand septier ; et le seigle a été vendu. M. le vicaire à Silly a été ce jour à Meaux et en est revenu ayant la cocarde au chapeau ; c’est une obligation de la porter si l’on ne veut pas être insulté par la multitude. Tous les chanoines, prêtres, moines etc. portent tous la cocarde, les uns attachés à leur poitrine les autres au bras ou au chapeau ; c’est une espèce de frénésie qui règne partout et surtout dans les villes.

76Le même jour 25, Mr le Chevalier de Launay, frère du gouverneur de la Bastille et gentilhomme de Mgr le Prince de Conti, a passé au Plessis Belleville, où il a changé de redingote avec le Sr Paquez et a pris la poste à Nanteuil et a dit à Mde Frémin qu’il espérait repasser dans peu de jours mais plus gaiement qu’aujourd’hui ; sans doute en espérance de ramener Mgr le Prince de Conti. Il est revenu effectivement peu de jours après, mais seul.

Fausse alarme

77Lundi 27, Mr Marienval, le Sr Fortel et moi partîmes ensemble pour aller à la chasse aux canards à Oissery. Y étant arrivés, nous souhaitâmes le bonjour au Sr Fortel d’Oissery et ensuite je fus chez Mde Cocault lui souhaiter le bonjour. Elle me fit l’honneur de m’inviter à dîner chez elle plusieurs fois, de manière que je ne pus m’empêcher d’accepter cette invitation et, comme il commençait à pleuvoir, elle fit descendre M. Cocault son fils aîné et nous causâmes ensemble dans la première salle jusqu’à 11 heures et demie et, au moment que nous allions nous mettre à table, j’entendis dans la cuisine une voix qui me paraissait celle d’un homme effrayé et prononcer le nom de Silly ; aussitôt je me levai pour voir ce que c’était : je vis un mendiant d’Oissery, nommé Tocu, tout hors d’haleine, les yeux égarés qui disait à Mde Cocault : « Sauvez-vous, Madame, sauvez-vous. Il faut faire sonner l’alarme ; les ennemis sont à Silly, montés sur des grands Anglais. Ils pillent tout, saccagent tout. On sonnait l’alarme à Silly comme je partais pour m’enfuir ». Je n’en écoutai pas davantage, je pris ma canne, je saluai Mr et Mdes Cocault et je m’en revins en grande hâte, le cœur serré de détresse sur le rapport de cet homme. Les premières personnes que je rencontrai au premier Ruyot du côté d’Oissery, fut la femme de Jean Vincent et la femme du Sr Fortel, je les voyais de loin, le mouchoir à la main pour essuyer leurs larmes. Quand je les eu abordées, je leur demandai de quoi il était question : « Nous sommes perdus me dirent-elles, les ennemis sont à Lagny le Sec, qui fauchent tous les blés ; on a envoyé des courriers à Silly pour sonner l’alarme afin que tout le monde aille contre ces gens-là. Ils sont 400 faucheurs et les Hussards les gardent ; nous venons de rencontrer un homme à cheval qui a été poursuivi par eux et qui leur a échappé ». Ensuite, elles me demandèrent où était le Sr Fortel, je leur dis qu’il était chez le Sr Charpentier au château et chacun poursuivit son chemin.

78Il pleuvait furieusement et un instant après, j’entendis sonner l’alarme à Silly ; cependant ce qu’elles m’avaient dit m’avait un peu rassuré car je ne croyais pas qu’on fauchait les blés et en outre, les ennemis n’étant qu’à Lagny le Sec, j’avais le temps d’arriver à Silly avant eux. Le second avis que j’eus fut une fille d’Oissery que je rencontrai aux saules du chemin d’Oissery. Elle se désolait, je lui demandai de quoi il était question ? Elle me dit qu’elle venait de Montagny et que tout le monde était en alarme et sous les armes parce que les ennemis étaient à Baron et à Montépillois qui fauchaient les blés etc. Je passai mon chemin, le cœur un peu moins serré, enfin j’arrivai à Silly tout découlant de sueur et d’eau de la pluie. La maîtresse et Isidore étaient dans l’Eglise qui était pleine de femmes et d’enfants. Dès qu’elles surent mon arrivée à la porte de la rue, elles accoururent et nous rentrâmes chez nous où je changeai de chemise et de redingote.

79Elles me dirent que le premier qui avait jeté l’alarme dans Silly était un nommé Jules du Plessis Belleville, domestique chez M. Paquez, qui était venu à grande course de cheval, avertir de sonner l’alarme à 10 heures et demie. Dans l’instant même arrive un second courrier de Nanteuil qui augmente la terreur enfin un troisième et un quatrième qui annoncèrent tous que les ennemis fauchaient les blés étant gardés par des hussards, les uns disaient à Baron, à Versigny, les autres à Montépilloy etc. Alors, on monta au clocher, on sonna le tocsin par deux reprises et Mr le curé parcourut tout le village pour rassembler tous les hommes et garçons, tous armés, peu de fusils, les autres de fourchières, de broches, de haches, de fourches, enfin de ce que chacun peut avoir et ils partirent (Mr le curé en tête en cocarde) vers le Plessis Belleville, de là ils allèrent à Montagny, mais ils ne trouvèrent personne parce que Mr le prieur était parti avec tous ses paroissiens pour aller au devant des ennemis et ainsi des autres paroisses au-delà qui furent à Montépilloy165 où ils trouvèrent que c’était un faux bruit.

80Le Sr François Vigneron au lieu d’y aller avec les autres, monta à cheval et courut ventre à terre jusqu’à Montépilloy et ayant appris la même chose, revint de même à Silly pour remettre le calme. Quantité de personnes apportèrent leurs meilleurs effets dans l’église et dans la sacristie. Le Sr Hervaux, sa femme et ses enfants étaient dans le clocher avec du pain et du vin et ce qu’ils avaient de plus précieux. Enfin tout le monde était désolé et ne s’attendait qu’à la mort jusqu’à deux heures et demie que le Sr François Vigneron rassura un peu par le rapport qu’il fit. Toute l’après midi, il fit un temps épouvantable pour la pluie et chacun revint trempé, les uns un peu plus tôt, les autres un peu plus tard. On délibéra sur le soir qu’il fallait monter la garde crainte de surprise et ce à la réquisition de M. de Marigny, concierge du château et le syndic nomma 16 personnes pour faire la patrouille dans le village, savoir 8 depuis 9 heures du soir jusqu’à minuit et les 8 autres depuis minuit jusqu’à 3 heures du matin. Je fus un des 8 premiers qui montèrent la garde166.

81Mardi 28 après-midi, on sonna la grosse cloche pour faire une assemblée de la paroisse et on s’assembla dans l’école où on fit le tableau de tous ceux qui devaient monter la garde à l’avenir, 16 par jour. Il s’en trouva 144, ce qui fait pour 9 jours avant que son tour revienne. Aussitôt après l’Assemblée on fit les fiançailles de Jean Baptiste Alix de Versigny veuf et berger et de Marie Anne Victoire Boileau de cette paroisse. On devait les fiancer le lundi au soir, mais rapport à ce tumulte, cela n’a pas été. Ils avaient envoyé Laurent Boileau frère de la fiancée à Meaux, pour avoir les lettres de mariage (mais comme il y avait eu un grand baccanal167 à Meaux le dimanche 26 juillet à 9 heures du soir, fait par les faubouriens de S. Nicolas de Meaux qui voulaient tuer M. Huttingais, procureur du Roi, qui avait taxé le pain trop cher, ayant forcé plusieurs maisons où ils pensaient qu’il était (mais il s’était esquivé heureusement pour lui) et le lundi, la même nouvelle étant arrivée à Meaux qu’à Silly, ils ne laissèrent point sortir Laurent Boileau de Meaux. D’autre côté, le marié étant à Versigny pour aller à Senlis pour avoir la dispense de deux bans, il ne fut pas possible de sortir de Versigny, il fallut prendre les armes et aller avec les autres de sorte que le mariage fut remis au mercredi.

82Mercredi 29, mariage de Jean-Baptiste Alix, veuf, berger à Versigny et de Marie Anne Victoire Boileau de Silly à 10 heures du matin à la grand messe. La veille, ils ont eu une fournée de tartes brûlées entièrement rapport à la fausse alarme. Les ouvriers, occupés à la réparation des chemins de Silly ont fini le mercredi 29 Juillet. Cela a coûté 557 livres que je leur ai délivré à chacun, selon qu’ils avaient travaillé. Le blé a été vendu à Dammartin, le lundi 27, 24 livres le septier ainsi qu’à Gonesse, à Nanteuil etc… maintenant c’est la populace qui fait le prix. On en délivre un minot à chacun tant qu’il y en a sous ou sur la halle. C’est une pitié de voir le pauvre monde s’en retourner avec leurs sacs, sans pouvoir avoir de blé parce qu’il n’y en a que pour la moitié des plus hardis. Les portes des boulangers sont gardées par des gens qui y montent la garde et on ne donne qu’un pain à chaque personne, par la fenêtre. A Nanteuil, à Dammartin, on monte la garde bourgeoise jour et nuit. On n’entend parler que de révolte, partout, de meurtre, de trahison. Tous les princes se sont sauvés hors de France depuis la prise de la Bastille et la découverte de l’horrible complot de faire massacrer tout Paris et la ruine entière de la France.

83La nuit du 19 au 20 juillet, au château de Quincé, près de Vezoul en Franche Comté, le seigneur dudit château donna une fête à tous les habitants dudit Vezoul et ensuite un bal sur la pelouse, que le malheureux avait fait miner et que l’on fit sauter tandis que l’on dansait à cet endroit. Il en périt beaucoup et selon la Gazette de Paris168, ceux qui restèrent, tous furieux, brûlèrent le château, le renversèrent de fond en comble, pillèrent tout et continuèrent leurs désordres à plusieurs châteaux voisins. On n’entend parler que de meurtre, de trahison, de tous côtés. A S. Denis, le procureur du Roi a été mutilé.

84Erreur : l’accident fut causé par un baril de poudre qui s’enflamma tout à coup, produisant une explosion meurtrière. Cet accident fut connu depuis pour un effet de l’imprudence.

Août

85Mercredi 5, on a fait pour la première fois le marché au blé à Nanteuil rapport à l’extrême disette des grains. On commence à en manquer à Paris. Il paraît des députés dans toutes les provinces pour faire mener des grains et farines à Paris. On ne l’a fait cette fois seulement.

86Vendredi 7, j’ai été à Nanteuil en sortant de diner. On vendait le seigle depuis 12, jusqu’à 13 livres 10 sols et 14 livres le septier. Ce même jour, on m’a donné les 22 articles arrêtés dans la séance de la nuit du 4 au 5 Août, entr’autres l’abolition des droits de chasse et des capitaineries, des colombiers et garennes etc.169

87Samedi 8, Louis Beuve a chassé en plaine depuis le matin jusqu’au soir. Ce même jour à 2 heures 1/4 après midi. Les Srs Vaillant, garde général du Plessis, son neveu, Marigny concierge au Château du Plessis et son frère et M. le vicaire du Plessis étant à chasser en plaine depuis le Plessis jusqu’à la remise de lièvre et un peu en deça, furent rencontrés sur la grande route par 25 Parisiens bien armés qui allaient quérir du grain du côté de Crépy. Ils descendirent de leurs voitures et désarmèrent lesdits Vaillant etc, leur arrachèrent leurs carnassières et les contraignirent de marcher devant eux jusqu’à Nanteuil où, étant arrivés, ils les firent entrer au corps de garde où ils déposèrent leurs fusils et adressèrent un procès verbal qu’ils firent signer aux susdits Srs Vaillant etc. et les renvoyèrent sans leurs fusils avec défense expresse d’entrer dans les grains, sous peine d’être punis sévèrement.

88Mardi 11 à midi, Mrs Hartelou de Meaux et 7 ou 8 cavaliers de maréchaussée sont venus à Silly et ont fait sonner la cloche pour avertir le peuple qu’il est défendu, sous de grosses peines, d’aller chasser dans les grains avant que la moisson fut faite et obligé les laboureurs de mener au marché 2 septiers par charrue chaque semaine.

Parties de chasse

89Jeudi 13 à 9 heures du matin le Sr Pierre Charpentier me dit à la Croix du Bordet ainsi qu’à Marienval que tout le monde pouvait chasser, excepté dans les grains parce que M. de Moncorps l’avait écrit au Sieur Vaillant. Ainsi je commençai, ainsi que quantité d’autres, à chasser dans les jachères dès midi, ledit jour.

90Le 15, M. DeMoncorps a envoyé au Sr Vaillant la liste des gardes qu’il réformait. De 13 gardes, il en réforme 9 ; entr’autres : Faron de Bouillancy, Saint-Martin de Puisieux, Charpentier d’Oissery, Jean Daux de S. Patu, L. Fortel de Silly, etc. Il n’en réserve que 4, savoir Charpentier de Silly, Sr Vaillant et David du Plessis et Fortel d’Oissery. Cependant Fortel de Silly est resté à sa place.

91Samedi 22 à midi, le Sr Fortel, Mr Marienval, Lesould, M. Rommetin fils, Louis Beuve, le Sr Hervaux, Laurent Porcq et moi, nous avons tué deux biches, une à la remise à Laurent Daux et l’autre à la remise du Burneau. On les a amenées chez le Sr Fortel de Silly où on les a partagées entre tous au nombre de 13 y compris 5 rabatteurs.

92Vendredi 28, les Srs Terrouenne et beaucoup d’autres personnes ont fait la chasse sur le Plessis et Silly telle que le Prince la faisait ci-devant. On ne manque point de gibier actuellement de toute espèce. On vend le sel actuellement dans les villages 5 sols la livre. Le tabac 36 sols ; on n’a jamais rien vu de semblable170.

Septembre

93Jeudi 17 à 2 heures après midi, mon frère Rep et son fils sont arrivés chez nous et s’en sont retournés le samedi 19 à midi. J’ai donné à mon frère Rep 5 perdreaux, 2 levreaux et une caille pour emporter chez lui. Je les ai conduits avec Louis Beuve jusque chez Joson à la Monnoury171. Il commençait à pleuvoir ; malgré cela, ils sont partis. Ces jours là j’ai acheté 80 livres de sel gris chez Charles Mercier dit Bayonnet, à raison de 4 sols la livre.

94Le dernier dudit mois de septembre, M. Rommetin en a acheté 200 livres à raison de 12 livres 10 sols le cent, ce qui faisait 2 sols 6 deniers la livre. Felix Beuve et un marchand lorrain nommé Baptiste ont acheté le reste du chariot, environ 3000 livres et ils l’ont revendu 3 sols la livre. Notre cousine, Cécile Lobin en a acheté à Roissy en revenant de Paris, le même jour que dessus, chez notre cousin Thuillier à 2 sols la livre. La chasse continue toujours ; on chasse partout. On est toujours sur le qui-vive parce que Paris manque de vivres quoiqu’on force les fermiers à fournir au marché 3 septiers de blé par charrue. Cependant nous avons eu cette année une très bonne récolte en grains, fruits, etc. excepté le vin. Il n’y en a presque point aussi le vin renchérit tous les jours. J’ai fait marché à la mi-septembre avec le cousin Nicolas Thuillier pour deux pièces de cidre à raison de 30 livres la pièce et un seau de remplissage et que je fournirai les tonneaux.

Octobre

95Dimanche 4, office du S. Rosaire. On l’a fait cette année dans le chœur parce que le S. Sacrement a été exposé à l’issue des vespres jusqu’à la fin du Salut qui fut chanté à l’issue des vespres et ce par ordre de Mgr l’évêque de Meaux. Immédiatement après le Salve Regina, à la fin des complies, M. le curé entonna O Salutaria hostia que le chœur continua ainsi que la strophe Uni Trinoque, pendant quoi, Mr le curé donna la bénédiction. Ensuite on entonna l’hymne Sacris Solemnis et on fit la procession du S. Sacrement dans l’intérieur de l’église, ensuite de quoi on chanta un répons du S. Sacrement, ensuite le trait Domine Non Secundam puis le psaume Deus Misereatur Nostri, ensuite Sub Tuum, puis une antienne à S. Etienne, une à S. Fiacre puis Domine Salvum Fac Regem, enfin M. le curé entonna une strophe du S. Sacrement après quoi il donna la bénédiction avec le S. Sacrement et ainsi finit le Salut ; on doit faire la même cérémonie dimanche prochain et le dimanche suivant, excepté la procession et ce pour implorer la miséricorde de Dieu et le prier d’apaiser les troubles qui désolent le royaume172. Le lendemain, service du S. Rosaire pour les confrères et sœurs dudit S. R. ; notre confrairie est payée.

96L’on entend parler que de tumulte dans Paris et dans Versailles. On voit les députés de Paris aller de village en village pour faire mener du grain au marché parce que Paris manque de pain.

97Mercredi 7 à 4 heures après-midi, les Srs Fortei, Marienval, Lesould, Rommetin, Louis Beuve et moi avons tué un cerf à la remise des Pétrons sur Nanteuil. La nappe a été pour Lesould parce qu’il l’avait tiré sur Ognes et de là il était venu se réfugier dans la remise de l’Enfant sur Silly. Lesould étant venu nous avertir, nous y fûmes tous. Je lui tirai un coup de fusil à balle ainsi que le Sr Fortel ; de là il s’en fut dans la remise du Burneau où je lui tirai encore un coup de fusil à balle ainsi que les Srs Fortel, Marienval et Louis Beuve ; enfin il fut à la remise des Pétrons où le Sr Fortel lui cassa la tête. On le rapporta dans l’école de Silly sur un cheval de ML Rommetin où on le dépeça. J’ai eu les deux bois, Lesould m’a cédé la nappe de la jeune biche qu’il a tuée le 22 août dernier et ce pour le mois d’août que sa fille est venue à l’école.

98Jeudi 8, nous avons été la maîtresse, François, Louis Beuve et moi à Droisel, chez notre frère Adrien, où nous avons cueilli deux minots de pomme de Reinette, que nous avons rapportées à Silly avec l’âne de notre cousine Jeanne Tagu. Son fils François s’est marié à Othis le Mardi 13 et a épousé une fille du cousin Guérin, charron audit Othis.

99Dimanche 11, on a publié au prône de la messe paroissiale une proclamation de l’Hôtel de Ville de Meaux pour défendre la chasse à tous ceux qui n’ont point de terres et d’entrer dans les bois, remises etc. pour y faire du bois, etc. Cela n’a pas empêché de chasser à l’ordinaire toute la journée. Le même jour à 8 heures du soir on a mis le feu au Plessis Belleville à une grange de Daverdin, dit Beau Cadet, elle était remplie de foin, luzerne etc. le tout a été consumé. Ces jours ci j’ai remis l’état de la dixme à Mr le curé ; j’ai dixmé en tout 4 826 tant blé, avoine etc. entr’autres 3944 gerbes de blé, 429 gerbes d’avoine, etc. La petite couture et le pré de Chaalis n’y sont point comptés parce que c’est Deseaues qui les a dixmé pour moi. Au baptême de Jean Eloi Mercier, ce sont les premiers qui ne nous ont rien donné à M. le vicaire et à moi, sous prétexte de l’abolition du casuel, quoique cela ne soit point encore arrêté173.

100Jeudi 15 à midi, j’ai été mesurer pour M. Carriat au chemin de la Justice en deçà du Grand Chemin, et comme nous finissions à 2 h. après midi, André Martin est accouru nous avertir qu’il y avait un cerf dans la Remise du Commandant sous le Moulin et comme je n’avais pas de fusil, il courut chez le Sr Nicolas Vincent quérir le sien pour moi. Alors, nous fûmes, M. Carriat, M. Julien qui s’y est trouvé, Pierre Vigneron dit Pilon, Pierre le garde moulin et moi, droit à la remise où deux charretiers de M. Carriat étant entrés firent sortir le cerf du côté du couchant. Le garde moulin lui tira un coup de fusil et lui passa une balle à travers le corps. Je lui tirai aussi deux coups de fusil mais de trop loin parce que j’étais du côté opposé où il est sorti. M. Julien courut à toute bride après lui et le fit revenir à la remise à Cromot où nous courûmes tous. Etant arrivé, je lui tirai deux coups de fusil et Mr Julien deux et il tomba mort au bord de ladite remise. J’ai eu un de ses bois et environ 18 à 20 livres de viande. Le garde moulin a eu la nappe et André Martin a eu l’autre bois.

101Dimanche 18, le Compère Louis Deseaues a quitté la chappe parce qu’il m’a dit qu’il ne pouvait pas s’y rendre exact rapport au grand embarras de sa maison.

102Mercredi 21, notre frère Adrien, Louis Beuve et moi, nous sommes partis à deux heures après midi de Silly pour aller à Charlespont chez notre frère Dieudonné. Le lendemain, nous fûmes à la chasse dans les bois de Chaalis, toute la journée. Nous avions 4 rabatteurs avec nous. J’ai tué la femelle d’un daim à plus de 150 pas et Louis Beuve tua son faon à peu près d’aussi loin. J’ai rapporté la nappe à Silly avec environ 18 livres de viande tant de la mère que du faon. Louis Beuve autant avec la nappe du faon. Nous sommes revenus Vendredi 23 à midi.

[Le samedi 24 octobre au soir, j’ai livré 6 sacs et demi de fiente de pigeon au Sr Hervaux ; ce n’est que 5 sacs et demie qu’il me payera, parce que je lui en dois une de l’année dernière].

103Mardi 27, j’ai acheté 3 livres de tabac en poudre au cousin Lequeux de Pont Sainte Maxence, à raison de 20 sols la livre.

104Mercredi 28 au soir, le cousin Nicolas Thuillier nous a amené deux grosses de cidre et j’en ai eu deux seaux, au pardessus des deux seaux de remplissage. Je lui ai payé le tout la somme de 62 livres 8 sols, le Mercredi 4 Novembre au soir.

Novembre

105Le jour de la Toussaint, le soir après les Vigiles des morts, j’ai été chez le Sr Hervaux régler avec lui. Il m’a donné la somme de 78 livres 11 sols savoir 50 livres pour mon quartier de l’église, 16 livres 10 sols pour 5 sacs et demie de fiente de pigeons et 12 livres 1 sol pour les mois d’école de son fils, depuis le mois de février jusqu’à ce jour, non compris la mouture de deux septiers de qu’il a retenu de 48 sols. C’est à recommencer au mois de novembre 1789. Dans la séance du 2 Novembre, aux Etats Généraux tenus à Paris174, il a été arrêté que les biens ecclésiastiques appartiendront à la Nation.

106Dimanche 8, Barthélémi Cholet a commencé à porter chappe avec Deseaues et le père Cartier s’est mis avec moi.

107Lundi 9, Mrs LeBrasseur père et J. Charles Vigneron père, ont fait le partage des terres de Mde de Bray, entr’elle et le Sr Athenas, conjointement avec moi chez ledit Sr Vigneron fils.

108Jeudi 12, le Sr Rebours, notaire à Baron est venu à midi chez nous et j’ai rédigé ledit partage au clair et il m’a donné 5 livres pour mes peines.

[Mort de Pierre Cor, Me d’école à S. Patus. C’est Claude Larguet qui l’a remplacé].

109Vendredi 13, mort de Nicolas Papillon, Me d’école à Ver de Galie175. Son neveu Pierre Claude Nicolas Lequeux de Silly a été reçu en sa place le dimanche à l’issue des vespres. C’est sa 3^e place et dans trois diocèses différents, premièrement à Yvillers, diocèse de Beauvais, 2^e à Ocquerre, diocèse de Meaux et enfin à Ver, diocèse de Senlis.

110Dimanche 15, en l’Assemblée tenue au banc d’œuvre à l’issue de la messe, on a élu pour marguillier le Sr Nicolas Vincent et à l’issue des vespres, on a crié pour la première fois les terres de la fabrique qui sont à renouveler. On ne l’avait point fait à l’issue de la messe parce qu’on ne savait comment faire, rapport à ce que les Etats Généraux ont décrété les biens ecclésiastiques au profit de la Nation176. Enfin, après avoir consulté ensemble, on convint qu’il fallait les renouveler à l’ordinaire et on procéda à la première publication après vespres.

111Lundi 16 à midi, par ordre de M. le curé, j’ai arpenté son jardin et le parterre ainsi que le jardin du vicariat et celui de l’école parce que tous les biens sont imposés actuellement, sans exception. Le jardin et le parterre du presbytère contiennent 22 perches, celui du vicariat contient 11 perches 1/2 et le notre, compris la cour, 10 perches 3/4. Le mardi 17 à une heure après midi, deux soldats de la milice bourgeoise de Paris177 ont fait sonner la grosse cloche pour avertir tous les fermiers de Silly de se trouver à 4 heures après midi à Brégy chez Mde Dardelle ainsi que ceux de Sennevières, Chévreville, Ongnes, S. Pathus et Oissery.

112Mercredi 18, j’ai acheté 40 livres de sel à notre cousine Reine Lequeux à raison de 3 sols la livre.

113La nuit du 29 au 30, 20 Dragons et 4 cavaliers de Maréchaussée de Crépy et Villers Cotterêts ont attaqué 3 ou 4 marchands de sel ayant 3 voitures, sur la grande route de Meaux, vis à vis le moulin à vent de Lagny le Sec. Ils ont fait feu les uns sur les autres, ont mis les charretiers en fuite et mis les marchands hors de combat, ayant cassé l’épaule de l’un et mutilé les autres. 11 y eut un cavalier de Maréchaussée qui eut le visage effleuré d’un coup de fusil et reçut de la chevrotine dans la cuisse ; enfin, ils prirent les marchands de sel et leurs voitures et les emmenèrent à Crépy. C’était le Sr Legrand de Pont Sainte Maxence ; ce n’était pas seulement du sel mais de l’épicerie, telle que la muscade, du café, etc. Il en est mort un à Crépy.

114Dimanche 29, à l’issue des Vespres, on cria les terres de ladite fabrique au banc d’oeuvre en la manière accoutumée. Le premier lot a été adjugé au Sr Hervaux moyennant 30 livres l’arpent, ce qui revient pour ledit lot contenant 30 arpents à la somme de 901 livres 10 sols par an. Le second lot a été adjugé à Paquier Vérin, moyennant la somme de 28 livres 1 sol l’arpent, ce qui fait pour 28 arpents dont le lot est composé 785 livres 8 sols. Le 3ème lot a été adjugé à Antoine Mercier moyennant la somme de 32 livres 11 sols l’arpent, ce qui fait pour 30 arpents dont ledit lot est composé la somme de 976 livres 10 sols. Le^4e lot a été adjugé au Sr Nicolas Vincent moyennant la somme de 34 livres 2 sols l’arpent, ce qui fait pour 30 arpents dont ledit lot est composé la somme de 1 023 livres. Le^5e et dernier lot a été adjugé à Jean Dubois, moyennant la somme de 36 livres 8 sols l’arpent ce qui fait pour 7 arpents dont ledit lot est composé la somme de 254 livres 16 sols. C’est le Sr André Vigneron, comme marguillier en charge qui a adjugé lesdites terres, quoique M. le curé fut présent et Me Gibert, notaire au Plessis. Il y eut même beaucoup de murmures à cause qu’il adjugea trop promptement, le^1er lot, le 3ème et le 4° lot. Faron a eu 30 livres pour ses peines, c’est à dire 6 livres par lot.

[Le total des terres monte à 3941 livres 4 sols, le total des rentes monte à 295 livres 4 sols 9 deniers. Revenu général de l’église… 4923 livres 8 sols 9 deniers]178.

115Ensuite M. le curé proposa à l’assemblée de m’augmenter de 100 livres par an et d’ôter les 30 livres de la Charité pour l’instruction des enfants pauvres de cette paroisse et de les remettre sur la fabrique. Personne ne s’y opposa, au contraire, on répondit que l’église le pouvait en faveur de l’augmentation des revenus des terres179. Alors, on fit un acte par lequel l’église me donnerait annuellement la somme de 330 livres à commencer le premier quartier au 21 janvier prochain. Enfin, on finit l’assemblée par crier deux vieilles portes du fors et de la petite sacristie. Les portes ont été adjugées au Sr Hervaux et la croisée à Nicolas Thuillier et Faron a encore eu 24 sols pour cela.

Décembre

116Mardi 1^er, messe haute de S. Eloi. Il y eut 3 livres 8 sols de quête, Mr le vicaire m’a donné 34 sols.

Incident de chasse

117Ce jour, en sortant de diner, nous fûmes à la chasse, savoir, Sr Pierre Vincent, Lesould, Félix Vincent et ses deux frères, Antoine Mercier, Louis Beuve, son frère, Pierre Beuve, de Meaux et moi et quelques rabatteurs. Etant dans le Fond des Dos d’Anes à faire un rabat, quelques uns des nôtres virent un cerf et l’ayant tiré, il s’enfuit au Bois des Barres. Nos gens furent après excepté Pierre Vincent, Pierre Beuve et moi et 3 ou 4 enfants qui rabattaient. Voyant qu’ils ne revenaient point, nous fûmes en nous promenant vers le bout de S. Pathus, dit le Bourget, où nous revîmes le cerf qui avait déjà été tiré plusieurs fois et qui entrait dans les jardins de S. Pathus ; enfin, il entra dans une cour où il fut tué à coups de coignée quoiqu’il fût traversé de plusieurs balles de part en part. Alors tout le monde et les chasseurs arrivèrent et comme les gens de S. Pathus le portaient à 4 pour l’enfermer dans une maison, Antoine Mercier leur demanda si ils ne nous en donneraient pas un peu. Ils répondirent que si c’était nous qui l’ayons, nous ne leur en donnerions pas. Au même instant, Isidore Vigneron qui le poursuivait à cheval, arriva en jurant que le cerf leur appartenait et qu’ils allaient voir si il n’en aurait pas ; aussitôt, je sortis promptement de cet endroit avec Lesould, pour nous en revenir, de peur de quelque tumulte. Effectivement nous entendîmes une grande rumeur et en sortant des jardins, nous rencontrâmes Mr le curé de S. Pathus qui y allait et nous sortîmes des jardins avec Mrs Lefèvre de Moisort, père et Fils, et étant sortis hors des jardins, nous vîmes qu’on déchargeait les fusils en l’air, crainte de tuer quelqu’un. Nous en revinmes, Lesould et moi, Fieffé, Louis Beuve, en chassant avec 3 ou 4 enfants. Quand nous fûmes vers la remise de Saint Père, vers le chemin de Dammartin, le Sr Pierre Vincent nous rejoignit et nous vîmes qu’il avait été fort mal traité. On lui avait cassé la tête en plusieurs endroits, arraché les cheveux, brisé la bouche en dedans avec le bout du canon d’un fusil et arraché la peau de dessus la main gauche. Il nous dit que c’était lui le plus maltraité et que c’était le curé de S. Pathus qui excitait les paroissiens de le faire écraser de coups. Etienne Lefèvre a été aussi très maltraité et ils n’ont point eu de cerf personne et ont été obligés de se retirer du mieux qu’ils purent. Mr le curé de S. Pathus les menaça d’envoyer plainte contre eux à Mr DeLafayette à Paris, mais il n’en fit rien.

118Dimanche 6, à l’issue des vespres en l’assemblée tenue au bureau de la Municipalité de cette paroisse, il a été délibéré de porter à l’hôtel de la monnaie à Paris, les six chandelliers d’argent du grand autel, les croix d’argent de dessus le tabernacle, les burettes et le bassin d’argent et un des calices de cette église et les deux encensoirs pour répondre à l’invitation de Mrs les vicaires généraux de Meaux et à celle de MM. les députés des Etats généraux, pour convertir le tout en espèces numéraires qui se trouvent pour le présent, extraordinairement rares et pour payer la dette de l’Etat. On a nommé ensuite 3 adjoints, savoir : Antoine Mercier, Etienne Cholet et Louis Deseaues, le jeune, en exécution de l’ordonnance du Roi relative à ce sujet. Ensuite, on prit jour pour dresser le tableau pour la contribution patriotique et pour le rôle des ci-devant privilégiés et cela dura jusqu’au soir. On chargea les Srs Vigneron, marguillier en charge et Nicolas Vincent son confrère de porter ladite argenterie à Paris et à qui on donnait un pouvoir signé.

119Lundi 7, Fête, remise de S. Nicolas ; c’est Charles Félix Denisot qui l’a rendu et porté avec Carriat précédé de Pierre Eloi Vincent avec un cierge et suivi de René Charpentier pareillement avec un cierge et qui doit le rendre l’année prochaine. Il n’y eut point de fête cette année à l’Ecole cette année rapport à l’extrème misère du temps. Nous avons donné les brioches à l’ordinaire. A l’issue de la messe, Mr Boucher, Mlle sa fille et Mr Carriat sont venus chez nous et ledit Boucher m’a payé le quartier du mois d’octobre dernier et je lui ai donné quittance de 62 livres 3 sols. Au 12 du mois de janvier 1790 il m’en devra autant.

120Dimanche 13, à Senlis, un monstre nommé Billon, horloger de profession, pour quelque mécontentement qu’il avait eu dans la compagnie des Arquebusiers de Senlis dans laquelle il était et de laquelle il avait été chassé, ce jour où l’on faisait une procession solennelle pour la bénédiction des drapeaux, le malheureux, au moment où la procession passait tira 3 ou 4 coups de fusil et tua quelques personnes. On enfonça ses portes et au moment où on le saisissait au collet il mit le feu à une mine qu’il avait faite et toute la maison a sauté et quelques autres et il périt en cette occasion 40 personnes au moins, sans compter une très grande quantité d’estropiés. (Il demeurait vis à vis Mr Letellier, marchand coutelier).

121Mardi 14, à 7 heures du soir, les Sieurs Claude André Vigneron et Nicolas Vincent marguilliers en charge et en second sont venus chez Mr le curé pour qu’on leur donne l’argenterie de l’église, destinée par l’assemblée du 6 dudit mois, pour porter à l’hôtel des monnaies à Paris. M. le vicaire et moi fûmes avec eux à la sacristie où on leur donna les 6 grands chandelliers, les deux encensoirs, le bassin et les burettes, le petit calice en vermeil et la patène et enfin la belle croix de dessus le tabernacle ; après que nous eûmes ôté le bois et le fer qui étaient dans les grands chandeliers, nous mîmes le tout dans un sac, et toute déduction faite, il s’est trouvé que le tout pesait 28 livres au moins ; ce qui peut faire pour 2 800 livres d’argent que l’église fait présent à l’Etat. Ils ont pris la guinguette de Nanteuil le lendemain et sont revenus le samedi ensuivant. On a pesé ladite argenterie à l’hôtel des monnaies à Paris, après avoir cassé la croix en leur présence dans laquelle il s’est trouvé du bois et du fer, dans les bras, environ pesant une livre et il s’est trouvé en tout 3210 livres 19 d’argent et on leur a donné un reçu, payable dans 6 mois de ce jour. Ils ont dépensé à leur voyage la somme de 27 livres.

122Dimanche 20 au soir, je fus chez le Sr Nicolas Vincent où je soupai et après le souper nous achevâmes de collationner son terrier c’est à dire celui que je lui ai fait, semblable au mien, et je lui remis entre les mains et il me donna la somme de 60 livres à compte sur icelui.

123Le jour de Noël, j’ai affiché à la porte de l’église le tableau de tous les chefs de famille de Silly pour la contribution patriotique. Il y en a 157.

124Dimanche 27, Madeleine Charlotte Hélène Lequeux a du faire sa déclaration chez Mr Gibert, notaire au Plessis, comme étant enceinte des œuvres de Pierre Wallier, garde Moulin du Sr Hervaux de Silly. Le bruit courant auparavant était que c’était d’Antoine Eloi Deboves, maréchal chez qui elle a toujours été depuis la mort de sa femme, mais il parait qu’il lui a donné une somme, afin qu’elle le donne à un autre, du moins c’est le sentiment de tout le monde.

1790

Janvier

125Le premier jour de l’an après mâtines, je fus chez M. le curé (parce qu’il n’est point venu à mâtines ni à l’Eglise de toutes les fêtes de Noël, étant incommodé) lui souhaiter la nouvelle année. Il ne m’a rien donné pour mes étrennes ; Ensuite, je fus chez Jean Louis Deseaues, receveur de la Charité, qui me donna 30 livres pour une année d’éducation des enfants pauvres de la paroisse. C’est la dernière année qu’il me payera cette somme, rapport à l’augmentation que l’on m’a faite sur l’église.

126Le 15 au soir, le Sr Hervaux et sa femme ont fait leur déclaration au bureau de cette Municipalité180, contre Nicolas Thuillier père et son fils, de ce que le 11 dudit mois et an, Thuillier fils a tiré un coup de fusil dans la ruelle de la ferme dudit Hervaux et a tué 4 pigeons ; ledit Sr Hervaux est accouru au coup et s’est jeté sur ledit Thuillier fils, lui a cassé son fusil sur les reins, l’a terrassé et meurtri à coups de bourrades et de poings et emporté le fusil et l’a déposé au château d’Oissery. Il a déposé que le 13 dudit mois, que lui Hervaux en allant dans une de ses granges qui est dans la cour dudit Thuillier, que Thuillier père, s’est présenté avec un gros bâton pour l’assommer et qu’il n’eut que le temps de prendre la fuite ; enfin sa femme a déposé que le 14 en allant à Dammartin, que Thuillier fils l’avait insultée sur le grand chemin. Ils ont pris pour témoins de leur déclaration Mr Marienval et François Lefèvre qui ont signé.

127Il n’a pas encore gelé jusqu’à présent, au contraire, il fait un temps plus beau et plus doux qu’il ne fait souvent dans le mois de mai. Le 17, la gelée a commencé et n’a duré que deux ou trois jours.

128Dimanche 24, Mr le vicaire a annoncé au prône, une assemblée générale de la paroisse dans huit jours pour la formation des nouvelles municipalités, suivant les lettres patentes du Roi relatives à ce sujet. Le même jour, à l’issue de la messe, le Sr Hervaux a requis assemblée de municipalité et est venu au bureau pour faire signer sa déclaration contre Thuillier par les députés. Il ne s’y est trouvé que le Sr Nicolas Vincent, Pierre France et François Vigneron qui ont signé quoique le Sr Nicolas Vincent n’y fut point présent lors de ladite déclaration et le Sr François Vigneron qui a signé le nom de son père. En suite j’ai délivré une expédition ou extrait de la déclaration audit Hervaux. Le même jour après vespres, le Sr Nicolas Vincent est venu chez nous et nous avons goûté ensemble, ensuite il me donna la somme de 48 livres pour le restant de ce qu’il me devait pour le terrier que je lui ai fait. J’avais déjà reçu de lui la somme de 60 livres. Il me demanda si j’étais content. Je lui dis que oui, et très content, à quoi il ajouta encore 6 livres qu’il fit présent à Isidore et dans l’instant il s’en fut chez lui parce qu’on l’y attendait. Aussitôt je m’en fus chez le Sr André Vigneron, marguillier en charge, recevoir mon quartier. Il me donna la somme de 82 livres 10 sols et enfin, nous fûmes souper tous chez M. Carriat et nous sommes revenus à 11 heures du soir.

129Mardi 26 à l’audience à Oissery, Nicolas Thuillier a été condamné à 80 livres d’amende, sans plaidoyer, sans audition de témoins seulement à la sollicitation du Sr Hervaux et ce pour le coup de fusil que Thuillier le fils avait tiré le 11 dudit mois. Le tout lui coûte plus de 120 livres y compris les frais d’écriture faite par Me Tassu qui était procureur dudit Hervaux. C’est une injustice des plus criantes que je n’ai jamais vu de ma vie, parce que si on eut entendu les témoins, ils auraient déposé le contraire de ce qui est contenu dans la déposition.

Formation de la nouvelle municipalité

130Dimanche 31, en l’assemblée convoquée au son de la cloche à l’issue de la messe et annoncée pour midi précise au bureau de la Municipalité, on procéda à l’élection d’un maire, cinq officiers municipaux et douze notables pour former une nouvelle Municipalité dans cette paroisse, en vertu des lettres patentes du Roi et d’une instruction de l’Assemblée Nationale y relative en date du 14 Décembre 1789 dont voici la teneur de l’acte tel qu’il est inscrit dans le registre de ladite municipalité.

« L’An mil sept cent quatre vingt dix, le trente et un Janvier, issue des Vespres, en l’Assemblée générale des citoyens actifs de la paroisse de Silly (pour être citoyen actif, il faut être domicilié dans la paroisse au moins depuis un an et pour avoir le droit de voter il faut payer au Roi au moins 3 livres et n’être point domestique) convoquée au son de la cloche en la manière accoutumée et tenue au bureau de cette Municipalité, Nous soussignés, en vertu des Lettres Patentes du Roi et d’une Instruction de l’Assemblée nationale y relative et datée du 14 Décembre 1789 qui nous ont été annoncées au Prône de la messe paroissiale et affichées à la principale porte de l’église, le 24 de ce mois, certifions avoir procédé à la formation d’une nouvelle Municipalité en cette paroisse en la manière et ainsi qu’il suit.
Premièrement après avoir fait le dénombrement de la population de cette paroisse, il s’est trouvé monter à cinq cent cinquante individus et pour nous conformer auxdites lettres de patente du Roi, nous avons procédé d’abord à l’élection d’un Maire par la voix du scrutin et par l’événement duquel la majorité des suffrages s’est trouvée réunie en faveur de la personne du Sr Charles Léonord Carriat (ils étaient 29 votants et Mr Carriat a eu 15 voix, Joannet en a eu 7, le Sr Hervaux 3 etc…)
Ensuite nous avons procédé à l’élection des trois scrutateurs pour le dépouillement des scrutins subséquents qui, par l’évènement se sont trouvés être les personnes de Laurent François Joannet, Sr Rommetin et Sr Jean François Hervaux. D’après cela, tous les citoyens actifs ayant écrit les noms des dix citoyens éligibles (pour être éligible, il faut payer au moins dix livres au Roi et n’être point domestique et pour les nommer, il fallait faire attention de ne pas nommer deux personnes qui soient parentes ensemble. Le nombre des votants était plus grand que lors de l’élection du Maire, ils étaient au moins 50) à leur choix et chacun séparément, pour l’élection de cinq membres pour former le Corps Municipal et de dépouillement desdits billets étant fait par les trois scrutateurs ci-devant nommés. Il s’est trouvé par l’évènement d’iceux que les cinq personnes ci-après nommées ont emporté la majorité relative des suffrages, savoir Mrs Jean Rommetin, le premier, Etienne Cholet, le second, Laurent François Joannet, le troisième, Jean Noël Boucard le quatrième et Antoine Mercier le cinquième et dernier. M. Rommetin a eu 20 voix, Etienne Cholet 18, Joannet 14, Boucard 13, Antoine Mercier 12. Les Srs Nicolas Vincent et Louis Deseaues en ont eu aussi chacun 12 mais le plus ancien d’âge a été préféré. Mr Hervaux en a eu 11, Jean Vincent et Denisot chacun 10, Pierre Vincent et Sr André Vigneron chacun 9 etc.
Ensuite et continuant toujours de suivre le même ordre, tous lesdits citoyens actifs écrivirent 12 noms de citoyens éligibles dans un billet, chacun séparément, comme dessus, pour l’élection de 12 notables, lesquels réunis avec le Maire et les cinq membres du corps Municipal cidessus nommés, feront et formeront le Conseil Général de la commune de cette paroisse. Le dépouillement desdits billets étant fait par les trois scrutateurs ci-dessus il s’est trouvé par l’évènement d’iceux que la majorité relative des suffrages s’est trouvée réunie pour les personnes de François Tavernier, Eloi Deboves, Laurent Deseaues, Pierre Denisot, Louis Deseaues le jeune, François Lefèvre, Eloi Martin, Nicolas Boileau, le blond, Jean Vincent, Sr Nicolas Vincent, Sr Pierre Charles Vincent et Jean Louis Deseaues (Pasquier Vérin, les Sr Hervaux et André Vigneron en ont eu chacun 13, mais ce n’était pas assez). Lesquels, Maire, membres du Corps Municipal et Notables ci-dessus nommés ont prêté serment devant la Commune, de maintenir de toutes leurs possibilités la Constitution du Royaume, d’être fidèles à la Nation, à la Loi et au Roi et de bien remplir leurs fonctions. (…)
Et de suite, nous Maire, députés et Notables soussignés avons procédé à la nomination du Secrétaire Greffier de notre Municipalité et après avoir recueilli les voix, il s’est trouvé que la majorité des suffrages s’est trouvée réunie en faveur de la personne de Pierre Louis Nicolas Delahaye, Clerc paroissial de cette paroisse, lequel ayant accepté ladite charge, nous a prêté serment de bien et fidèlement s’en acquitter et a signé avec nous lesdits jour et an ci-dessus » (…)181.

Février

131Dimanche 21 à l’issue de la grande messe, Mdes Boucher et Carriat sont venues chez nous. Mde Boucher m’a payé le quartier de son fils échu le 12 Janvier dernier, 62 livres 10 sols. Elle a fait présent de 6 livres à Isidore. Ce jour, nous n’avons pas eu de prédication parce que le prédicateur est arrivé après la messe. Il fait toujours un temps superbe, aussi beau qu’au mois de mai.

132Le même jour, à l’issue des vespres, en l’assemblée générale des citoyens actifs de cette paroisse tenue au bureau de la Municipalité, on a procédé à l’élection d’un procureur de la commune, par la voix du scrutin. La majorité absolue s’est trouvée réunie en la faveur de Pasquier Vérin. Il a eu 12 voix sur 19. On avait omis cette élection le 30 janvier dernier, croyant qu’il n’était pas absolument nécessaire d’en nommer un. Le même jour au soir, le cousin Boileau le jeune nous a apporté cent livres de beau sel, moyennant la somme de 12 livres que je lui ai données. J’ai pesé tout le sel que j’avais chez nous (le lendemain) y compris celui ci-dessus, j’en ai trouvé 227 livres. J’en ai empli une feuillette sciée en deux.

133Mercredi 24, Mr Rommetin et Louis Deseaues ont été pour la première fois en qualité de collecteurs, chez M. le curé, Mr le vicaire, les sœurs de la Charité etc. et autres privilégiés, avec le rôle particulier pour eux182. Le total dudit rôle monte à 1630 et des livres pour cette paroisse. M. le curé en a eu pour 374 pour 6 mois, Mr le vicaire pour 54 sols pour 6 mois, les sœurs pour 9 livres 11 sols pour 6 mois. On a sûrement oublié de m’y mettre.

Mars

134Mercredi 3, enterrement d’André Martin. Il a été écrasé la veille à 2 heures après midi, par un orme qu’il arrachait et qui en tombant l’écrasa subitement sans qu’il eut le temps de proférer une seule parole. Son frère L’Allouette était avec lui, mais il ne put lui donner aucun secours. C’était dans le jardin de Jean Claude Thuillier. Le même jour, enterrement de Mde Lerminier, la jeune à Nanteuil. Elle a été le lundi 1^er mars à la foire à Crépy et est revenue bien portante jusqu’à 8 heures qu’elle tomba en léthargie et y resta jusqu’au lendemain 2 à 6 heures du matin, qu’elle mourut.

135Jeudi 18, je me suis vu réduit à 6 écoliers parce qu’ils ont tous la rougeole.

136Vendredi 10, j’ai fait la clôture de la contribution patriotique183 de cette paroisse ; il n’y eut que 29 déclarations y compris l’église, le tout monte à la somme de 1256 livres 6 sols. Le même jour, j’ai fini la déclaration de tous les biens du Clergé scis sur le terroir dudit Silly et de leurs revenus annuels. Il s’en est trouvé 698 arpents 34 perches et le revenu annuel monte à la somme de 19 605 livres 11 sols 1 denier.

137Dimanche 28, jour des Rameaux, une fille de Brégy, servante chez M. Rommetin a été faire sa déclaration chez M. Gibert, qu’elle était enceinte des œuvres du Sr Rommetin fils. Ils se sont arrangés depuis ensemble et on lui a donné la somme de 72 livres, c’est à dire que Mde Rommetin est convenue de lui donner cette somme, moitié ledit jour, et moitié aussitôt après son accouchement, sans préjudice de ce que le Sr Rommetin fils lui donnera en cachette.

138Lundi 29, il a fait une chaleur considérable. Il a tonné ainsi que quelques jours auparavant. Le mercredi Saint, 31, à 1 heure après midi, le temps s’est refroidi furieusement de sorte que les jeudi, vendredi, samedi saints il faisait aussi froid qu’il faisait chaud auparavant. Il a gelé très fort et un vent furieux venu du Nord. Le Prince de Conti est arrivé le Vendredi Saint184.

Avril

139Le Lundi de Pasques, j’ai été goûter chez les enfants Serain, à la fin duquel ils m’ont donné 6 livres pour avoir fait la déclaration de toutes leurs terres pour faire l’estimation des blés, seigle, labours, amendements etc. parce que Marie Serain, leur sœur, va se marier incessamment avec Antoine Mercier, le fils, parce qu’elle est fort enceinte dudit Mercier.

140Le mardi de Pasques, 6, Louis Bontemps de Droiselles est venu chez nous avant la grand messe. Il m’a payé la somme de 92 livres pour une année de loyer de notre maison où il demeure, y compris 8 livres 5 sols de vingtième qu’il a payé à mon acquit et que je lui ai tenu compte. Il n’a pas fourni le demi-cent de chaume qu’il est obligé par son bail de fournir chaque année. Il nous a fait présent d’un petit jambon et s’en est retourné à huit heures du soir.

[Le même jour, baptême de deux jumeaux, Perette et Nicolas Serain. J’étais pendant ce temps chez Mr Carriat et on a baptisé la première pour un garçon à qui on avait donné le nom de Pierre, mais on est venu dire que c’était une fille, et nous avons rectifié l’acte le lendemain, et au lieu de Pierre, nous avons mis Perrette. C’est M. le Vicaire qui les a baptisés et a rédigé les actes avec Louis Beuve »]185.

141Jeudi 8 à midi, Jean François Hervaux, le fils, a posé la première pierre du nouveau moulin à vent, que son père fait monter auprès de l’ancien. Il l’a acheté tout fait à Paris où il était situé, mais rapport qu’on a bâti des maisons tout autour, on a été obligé de le vendre parce qu’il ne pouvait plus tourner faute de vent.

142Samedi 10, il est venu un orage terrible pour les éclairs et le tonnerre qui a tombé à plusieurs endroits entr’autres à Lizy sur Ourque, sur une ferme et à Forfery186 sur une maison de particulier et l’a consumée avec deux autres qui étaient voisines de celle-là (et à une quantité d’autres endroits).

143Le 11, le tonnerre a commencé à se faire entendre après vespres et a toujours continué en augmentation jusqu’à 9 heures du soir. Il a tonné des coups épouvantables et des éclairs affreux, le temps était tout en feu partout l’horizon, tel qu’on le voit quelquefois au mois de juillet

144Le 12, enterrement de Perrette, âgée de trois jours, fille d’Antoine Mercier, garçon et de Marie Catherine Serain, fille, le lundi à une heure après midi, la conduite de ladite Serain à l’égard de sa grossesse a fait murmurer furieusement le public, parce qu’elle n’a jamais voulu avouer à personne qu’elle était enceinte au contraire elle a toujours agi en toutes rencontres comme une fille qui n’a rien à craindre et aussitôt qu’elle est accouchée on étouffa son lait et elle ne voulut pas absoluement qu’on mit ses enfants en nourrice. On leur présenta du lait de vache mais ce n’était pas là leur véritable nourriture ; ils ne vécurent pas longtemps.

145Sur le soir, je fus chez M, Carriat et il me donna 62 livres 10 sols pour le quartier de la pension du Sr François Gaspard Boucher, échu ce jour, Mde Boucher y étant venue diner le même jour et avait laissé l’argent pour me le remettre. Je leur ai donné quittance de ladite somme.

146Dimanche 18, on a fait la première communion aux enfants de cette paroisse au nombre de 20 ; entr’autres à Jean Pierre Maurice Vigneron, Antoine Sébastien, Pierre Charles Drugeon, Pierre Etienne Lefèvre, Marie Geneviève Eléonore Carriat, Marie Marguerite Colombe Perpétue Deseaues, Louis Geneviève Boucher, Pierre Louis Thuillier, Pierre Augustin Vigneron.

147Dimanche 25, à Tissue des vespres, la veuve Charlemagne Vincent a rendu le compte de marguillier que feu son mari a exercé en l’année 1786 à 1787. Elle a remis au coffre la somme de 567 livres 1 sol 3 deniers sur laquelle somme on a remis au Sr André Vigneron, marguillier en charge, celle de 300 livres pour acheter du linge pour l’église et ce, par cette assemblée et par autre acte de la même assemblée, il a été délibéré qu’on prendrait 200 livres de reste de ce que ladite veuve avait remis pour soulager les pauvres de cette paroisse, dont on a remis ladite somme entre les mains de M. le curé et remis au lendemain à faire la liste de ceux qui doivent participer à la somme ; j’ai eu pour la dresse dudit compte 9 livres. Ensuite, je fus chez le Sr Vigneron, où je reçus mon quartier échu le 20 dudit mois d’avril, la somme de 82 livres 10 sols.

148Le 26, après la procession de la messe de S. Marc, il y eut une assemblée au bureau pour nommer les personnes qui devaient participer aux 200 livres accordées hier pour le soulagement des plus nécessiteux de cette paroisse dont voici les noms : Première classe, à qui on donnera 3 livres 12 sols chacun par mois, pendant 6 mois : Marie Anne Lefèvre, Veuve Boileau ; Nicole Lequeux, veuve Jean Louis Fosse ; Jean Marie Antoine Appercel ; André Paradis ; la veuve Poixallolles.

149Deuxième classe, à qui on donnera 36 sols par mois pendant 6 mois : Pierre Daux et sa femme ; Nanette Despotes ; Marie Claude Francart ; Madeleine Baubry ; Jean Pierre François Bonnefoi.

150Troisième classe, à qui on donnera 3 livres en une fois données : Lacaille, Marguerite Daux, la veuve Parafroi, J.B. Ganneron, J.B. Billy, Pierre Boileau, Jean Paradis.

151Mardi 27 à 9 heures du matin, à la grand messe, mariage d’Antoine Mercier et de Marie Catherine Serain. Les samedi, dimanche et lundi 24, 25, 26, tous les garçons et même les hommes de Silly ont fait un bacchanal enragé187 chaque jour au soir jusqu’à une ou deux heures du matin, avec des tambours, des tonneaux, des faux, des étoupoirs à four, des violons, des sonnettes, des grelots, des cornets de vachers, des éculettes, des fouets etc. On les entendait des villages circonvoisins et le jour du mariage ils sont venus les conduire à l’église en cérémonie savoir devant marchait un des leurs portant une hotte dans laquelle il y avait deux enfants de paille emmaillotés en blanc ; il était accompagné de plusieurs qui cornaient avec des cornets de vachers et d’autres avec des faux, et les gens de la noce étaient suivis d’autres qui fouettaient avec des fouets et des verges.

152Jeudi 29 à 10 heures, nous sommes partis de Silly au nombre de 45 citoyens actifs ou environ pour aller à l’assemblée primaire à Nanteuil.

Assemblée primaire188

153La liste des citoyens actifs de cette paroisse monte environ à 104 ou 106 environ. On a tenu cette assemblée dans le grenier de la halle à blé dudit Nanteuil, qui était décorée dans le fond vers les marronniers d’une estrade élevée de deux marches, couverte d’une tapisserie sur laquelle étaient un fauteuil et une table. Derrière le fauteuil était attachée sur une grande tapisserie, la liste des 14 ou 15 paroisses qui composent ledit canton, avec les noms de tous les citoyens actifs au nombre de 768. Devant l’estrade, et au bas d’icelle était une grande table couverte d’un tapis et garnie de deux vases pour mettre les bulletins, d’encriers, de plumes, de sabliers etc. entre ladite table et l’estrade était un siège bourré pour asseoir les 3 scrutateurs ; le reste de l’endroit était garni de bancs, suffisants pour que le reste du peuple ayant le droit d’être présent, se place.

154On a commencé la cérémonie par la lecture du décret et l’instruction y relative. C’était Mr Tempier, greffier de la Municipalité de Nanteuil qui a fait cette lecture et qui a fait la fonction de greffier pendant le premier scrutin. Ensuite, on a nommé pour Président de la première séance, notre oncle Tagu de Droisel, comme étant le plus âgé de l’assemblée (il a 83 ou 84 ans) on le conduisit au fauteuil destiné pour cela sur l’estrade quoiqu’il fut en veste. Ensuite, on choisit les trois plus anciens, d’après le Président pour faire la fonction de scrutateurs qui furent Mr Legrain, bourgeois de Nanteuil, Mr Ruellan189, curé de Péroy-les-Gombries et… Fontaine dudit Boissy, qui s’assirent sur le banc au devant de la grande table. Ensuite on procéda au scrutin pour nommer un président pour présider pendant le reste de l’assemblée. Il ne s’y trouva que 231 votants parce que la plupart étaient sortis, les uns pour rafraîchir les autres pour autre chose et ne scrutinant qu’une fois et en présence des 3 scrutateurs, cela demanda un temps considérable, de sorte que le dépouillement du scrutin ne finit qu’à 7 heures du soir et la majorité des voix se trouva réunie en faveur de M. Robinet, l’aîné, qui eut pour lui 138 voix des 231 votants et ce fut par où finit la séance de ce Jeudi 29 Avril.

155Vendredi 30, on procéda à la nomination d’un secrétaire et la majorité des suffrages se trouva réuni tout juste en faveur de M. Gouillars, marchand quincailler à Nanteuil. Ensuite M. le Président prêta le serment devant toute l’assemblée et ensuite le fit prêter à ladite assemblée après quoi on procéda à la nomination de 3 scrutateurs, mais au premier tour de scrutin, la majorité se trouva réunie en faveur de personne. Au deuxième tour, la majorité absolue fut pour Mrs Gibert et Lavenere, marchand épicier de Nanteuil et Robinet, le jeune, de Droisel. Je ne sais si ce second tour de scrutin se fit le vendredi ou le samedi parce que je ne fus point à l’assemblée ces deux jours là.

Mai

156Samedi 1^er, j’ai été percevoir la dixme des agneaux, comme à l’ordinaire, et j’en trouvai la quantité de 119, savoir Mr Hervaux 50 = 10 livres, Mr Vigneron 14 = 2 livres 16 sols, Mr Carriat 4 = 16 sols, M. Rommetin 50 = 10 livres, M. Vincent le jeune 1 = 4 sols. Total 119 agneaux = 23 livres 16 sols190. En rendant ladite somme de 23 livres 16 sols à Mr le curé, il me donna celle de 40 livres pour la façon de son jardin et de son parterre de l’année dernière et 24 sols en sus pour avoir été dixmer les agneaux.

157Dimanche 2, Fête de la dédicace de cette église, il a plu toute la journée. M. Carriat fit sonner la cloche à une heure après midi pour avertir les citoyens de Silly d’aller à Nanteuil à l’Assemblée, cependant, on convint que j’irai à Nanteuil à l’issue des vespres et qu’en cas que le tour de Silly vint, je reviendrai promptement les avertir et qu’ils restassent tranquilles en attendant que je leur vins donner des ordres, mais étant à Nanteuil et voyant que la paroisse de Silly ne passerait point ce jour là, je restai et nous revinmes à 8 heures 1/2 du soir, Mrs Carriat, Vincent le jeune, André Vigneron et moi.

158Lundi 3 à l’issue des services, on sonna les cloches pour avertir les citoyens et nous partîmes de Silly à 9 heures et demie du matin et nous nous trouvâmes à Nanteuil au nombre de 60 à 70 citoyens191 et le scrutin ne fut fini qu’à 8 heures et demie du soir ensuite on compta tous les billets dudit scrutin et on en trouva 292 et ce fut par là que finit la séance du jour. Il fut décidé dans ladite séance que tous les billets où il se trouverait un nom qui ne fut pas suffisamment désigné pour le distinguer d’un autre nom semblable, que ledit billet serait rejeté.

159Mardi 4, en sortant du diner de la noce à Jérôme François Serain et Marie Antoinette Mercier, je fus à Nanteuil à l’assemblée mais je vis que le dépouillement du scrutin ne finirait pas ce jour là, quoiqu’on eut commencé dès le matin ; je m’en revins à Silly à 8 heures du soir et je retournai à la noce192.

160Mercredi 5 à une heure après midi, Mr Carriat accourut à toute bride, pour faire sonner la cloche et avertir les citoyens d’aller à Nanteuil pour procéder au second tour de scrutin et qu’il n’y avait que les deux Robinet de Droisel qui étaient nommés électeurs, c’est à dire qu’il n’y avait qu’eux qui avaient réuni la majorité absolue des suffrages. Il fallait avoir 111 voix pour avoir cette majorité ; M. Robinet l’aîné en avait 180 et Mr Cadet 150 et plus, que lui Mr Carriat en avait eu 104, d’autres 100 etc. Mais cela n’étant pas suffisant, il n’y eut que les deux frères ci-dessus d’élus. On sonna la cloche et nous partîmes à Nanteuil où nous trouvâmes au nombre de 48 ou 49. Nous fîmes nos billets et nous revînmes à Silly à 8 heures 1/2 du soir. Il pleuvait assez fort.

161Lundi 6 vers le soir, Mr Carriat revint de Nanteuil par chez nous et nous apprit que le second scrutin étant dépouillé, la majorité des suffrages se trouvait réunie pour Mrs Gibert, Bourget, Lavanere, md épicier et Frémin, tous de Nanteuil, qu’il fallait 106 voix pour être élu et que tous quatre avaient eu la majorité. Il s’en fallait beaucoup que Mr Carriat fut content, parce qu’il savait que Joannet lui avait soufflé quantité de voix parce que beaucoup de personnes ne sachant pas écrire, lui faisaient écrire leur billet ; il y mettait d’autres noms que ceux qu’ils lui dictaient193. Mr Carriat me dit de sonner la cloche pour avertir les citoyens d’aller à Nanteuil, le lendemain, pour l’élection des deux derniers électeurs et que l’on recevrait les personnes à mesure qu’elles se présentaient parce qu’il fallait que le tout fut fini à midi, ce que je fis.

162Vendredi 7, vers les neuf heures du matin, je sonnai la cloche une seconde fois et je fus à Nanteuil à 11 heures 1/2 avant midi et aussitôt arrivé à l’Assemblée, je fis mon scrutin et me retirai. Avant de partir de Nanteuil, je dis à Vigneron, le jeune, que si le hasard voulait que nous eussions un électeur dans notre paroisse, ce que je n’espérais pas, il vint m’avertir promptement et je m’en revins à Silly. A 5 heures moins un quart du soir, ledit Vigneron arriva chez nous et me dit que Mr Carriat et Mr Julien du Plessis étaient électeurs. Je lui proposai aussitôt d’aller porter un bouquet à Mr Carriat, ce qu’il accepta. Nous retournâmes aussitôt à Nanteuil avec le jeune l’Allouette et Fieffé que nous rencontrâmes dans le chemin, qui revenaient et retournèrent avec nous. Arrivés à Nanteuil, nous trouvâmes dix ou douze habitants de Silly à la Croix d’or qui attendaient Mr Carriat pour lui présenter un bouquet de fleurs qu’ils avaient fait à la hâte. Je leur représentai que ce ne devait pas être à Nanteuil qu’on lui présenta un bouquet, mais à Silly, chez lui. Ils y consentirent et nous fûmes, Vigneron, le Sr Nicolas Vincent et moi, chez le Sr Destrées, marchand épicier près de la Croix d’Or, où nous achetâmes un beau bouquet artificiel et un beau ruban outre celui qu’il avait déjà et nous fîmes une belle cocarde des deux. Avec une bouteille de fleurs d’orange qu’ils avaient achetée, nous revinmes tous à Silly et le long du chemin nous disputâmes avec Joannet parce que tout cela était contre son intention. J’oublie de dire qu’avant de partir, j’avais prié Mr le curé de me donner un mot de compliment relatif au sujet et étant arrivé à Silly, il me le donna en effet dont le voici mot pour mot :

Monsieur,
Le choix sage et judicieux qui confie à vos soins nos intérêts les plus chers, a imprimé dans tous les cœurs la joie la plus vive et la plus vraie.
De quelles douces espérances ne devons nous pas nous flatter en voyant le zèle ardent avec lequel vous remplissez les fonctions dont la confiance publique vous a revêtu.
C’est ce même zèle qui nous est connu, le discernement que vous ne manquerez pas de faire éclater. Monsieur, qui détermine vos concitoyens et vos frères à venir rendre hommage au patriotisme qui a su vous distinguer. En vous félicitant, c’est nous féliciter nous-même, puisque vos intérêts sont les nôtres.
Quitter ses foyers c’est faire un sacrifice. Mais qu’il est doux de faire ce sacrifice quand on emporte avec soi l’amour et la reconnaissance.
Souffrez, Madame, qu’en partageant vos regrets, pour l’absence d’un époux qui vous est cher, nous osions vous assurer qu’il sera sans cesse présent à nos cœurs, pour partager de même votre tendresse.

163Il était alors 7 heures 1/2 du soir et pendant que chacun apprêtait son fusil, je m’appliquai à apprendre le compliment par cœur. Nous partîmes de chez nous à 8 heures 1/4 au plus, avec les violons. Je crois que tout le monde de Silly nous suivait, du moins, il s’en fallait de peu. Quand nous fûmes arrivés chez Félix Beuve, nous apprêtames, c’est à dire que je pris le bouquet dans un plat long couvert d’une serviette et Rommetin, le fils, portait une bouteille de ratafiat de fleur d’orange. Tous les tireurs restèrent à la grande porte de M. Carriat dans la rue sur le pavé et nous, nous entrâmes avec les violons. Nous trouvâmes M. Carriat dans sa maison à qui je fis le compliment ci-dessus et auquel il répondit très honnêtement qu’il était très sensible à l’honneur qu’on lui faisait et en ajoutant qu’il s’acquitterait très fidèlement de la commission dont on lui avait fait l’honneur de le charger, c’est à dire celle d’électeur. Pendant ce temps on fit une décharge de plus de trente fusils, laquelle fut répétée. On but le ratafiat et on mangea les biscuits et pendant ce temps, M. Carriat me demanda si je voulais bien me charger de remettre 18 livres qu’il me présenta pour les tireurs, ménestriers etc. et comme j’hésitais à lui répondre, il me dit que son intention n’était pas de nous choquer étant très persuadés que nous ne lui présentions pas un bouquet dans l’espérance d’en recevoir quelque chose. Alors je reçus les 18 livres et Mde Carriat qui n’était pas présente au commencement entra et après quelque petit compliment que nous lui fîmes, elle demanda à M. Carriat combien il avait donné, lui ayant dit, elle ajouta 6 livres. Ensuite nous prîmes congé d’eux et M. Carriat nous reconduisit jusqu’à la grande porte et l’on fit encore une décharge. Enfin nous rentrâmes chez Félix et je donnais les 24 livres qui servirent pour boire à tous ceux qui se sont trouvés à la cérémonie. Pour nous, nous rentrâmes dans la chambre de Félix à 8 ou 10 pour boire une bouteille de vin à nos dépens, ne voulant point qu’il fut dit que nous buvions aux dépens de ceux pour qui Mr Carriat avait donné l’argent et nous réglâmes les dépens du bouquet qui avait coûté en tout 9 livres 12 sols.

164Dimanche 9 à 6 heures 1/2 du matin, M. Carriat partit de chez lui pour aller à l’assemblée secondaire à Beauvais, qui se tient le Lundi 10 et les jours suivants. Il a dû prendre Mr Julien en passant parce que cela était concerté entr’eux pour aller ensemble à Beauvais. Le même jour, j’ai reçu d’Antoine Mercier et Laurent Porcq, collecteurs en exercice pour l’année 1790, la somme de 50 livres, qui m’était accordée par Mrs de l’Election de Meaux et ce, pour une année de la charge de secrétaire greffier. Cette année, de toutes les processions des Rogations, on ne fit que celle du jour de l’Ascension à l’issue de laquelle tout le clergé descendit chez nous pour rafraîchir parce que Mr le curé avait donné l’ordre à Faron de dire à jean Louis Vérin d’apporter six bouteilles de vin chez nous (parce que nous n’en avions point), ce qu’il fit.

165Vendredi 14, dans la matinée, le Sr André Vigneron m’a fait voiturer 125 fagots de bois du Tronsoy, de la vente du père Boucher, en vieux fagots. Le sel ne vaut plus à présent que 5 livres le cent et même on assure qu’on en a à 3 livres de cent présent. Le tabac vaut 18 et 20 sols la libre de bon tabac à 8 boats.

166Lundi 17 à midi, Mr Carriat est revenu de Beauvais. Ils étaient 458 électeurs.

167Mercredi 26, M. Carriat est parti pour aller à Crépy pour la nomination de 12 membres pour la formation du district et il en est revenu le vendredi 28 au soir. Voici les noms des douze qui ont été nommés pour former le district : MM. Bézin de Lincourt de Crépy, Duvivier, Desouches, Lemaire d’Auteuil194, Lucy, l’aîné, d’Ongne, Julien du Plessis, Lemoine, M. Robinet l’aîné, procureur syndic, Rebours de Crépy, Magnier, Tassar de Vé195, Lefêvre d’ivor196, Gibert de Nanteuil. Les 4 pour former le directoire sont les 4 de Crépy.

168Dimanche 30, de la Trinité, à l’issue de la messe, j’ai publié le décret qui défend la chasse jusqu’au 1^er septembre prochain et ce à toute personne, sans distinction. Il a été publié partout ailleurs beaucoup plus tôt.

Juin

169Samedi 5, à 4 heures 1/2 du matin, Mr Carriat m’a envoyé une pièce de vin du crû de Quincy, vin vieux, jauge reimoise. Elle coûte 60 livres tant pour la quantité que pour la qualité elle vaut 6 livres de moins que celle-ci après. Le même jour à 8 heures du soir, M. Hervaux m’a envoyé une pièce de vin vieux de Quincy, grosse jauge. Elle coûte 60 livres d’achat. Il m’a fait présent du charriage. Le vin est très bon.

170Lundi 7, on vendait le sel à deux liards la livre.

171Dimanche 13, Deseaues a quitté la chappe parce que, dit-il, cela le gêne beaucoup.

172Lundi 14, le Sr Dejunquières, accompagné de plusieurs, est venu chez Mr Carriat pour accommoder l’affaire du jeune Boileau et comme il n’y était pas, il a remis l’affaire dans le lendemain 15 à 8 heures du matin qu’il est revenu et ne pouvant s’accorder ensemble, ledit Dejunquières a donné carte blanche à Mr Carriat pour juger cette affaire qui fait que l’on donnerait décharge audit Boileau de tout. De ce qu’il devait au Prince et que l’on payerait à finir du procès de sa détention à Oissery, pour un faux rapport fait par Vaillant, et en outre qu’on lui donnerait 300 livres pour l’indemniser du tort qu’on lui avait fait, ce qui fut exécuté.

173Vendredi 18, j’ai envoyé une peau de daim et une de biche à Pont Ste Maxence, chez Mr Rousseau, corroyeur, par la voiture de Mr Hervaux, pour les faire passer. Elles ont été perdues pour moi.

174Dimanche 20 après les Vespres, les garçons de Silly, savoir Moisy l’aîné, Vincent l’aîné et d’autres ont chassé 4 filles de la danse à coups de pied au cul, ou du moins 3 qui ont reçu des coups, savoir Denisotte, Elizabeth Lefèvre, Nicole Gayan et Catherine Plée et la fille à Joannet qui n’en a pas reçu parce qu’elle s’est mise à merci et cela parce qu’elles avaient tenu de vilains propos contre les garçons de Silly. Ils les ont, dis-je, chassées jusque dans la rue toutes les trois et là, elles voulurent se répandre encore en invectives, mais Moisy et Vincent leur donnèrent à Denisote et à Elizabeth Lefèvre, chacune au moins deux paires de soufflets ; la Plée s’étant sauvée avec un coup de pied au cul. Cela a donné un moment de plaisir au public. Elles le méritent bien parce qu’elles sont les plus insolentes, ou pour mieux dire, les plus imbéciles que j’ai jamais connues.

175Le 23, nous avons fait les cérémonies accoutumées pour la fête de Mr le curé et le soir, la maîtresse et moi, nous avons eu l’honneur de lui présenter à l’ordinaire et il m’a donné 6 francs.

176Le 24, le moulin neuf de Mr Hervaux a commencé à moudre du blé.

177Le 25, après midi, j’ai été au Tronsoy où j’ai payé le père Boucher la somme de 12 livres 10 sols pour cinq quarterons de fagots que je lui devais, en présence de son fils, cocher chez M. de Mazancourt et du nommé Tellier qui a paru être garde-chasse.

178Mercredi 30, Mr Rommetin m’a fait voiturer une corde de bois billon, en chêne pelé à raison de 24 livres la corde, au bois de Baron, exploité par M. Ferry, de l’Hôtel Dieu de Nanteuil et M. Rebours de Crépy, réserve de Chelles et Pasquier Vérin m’en a voituré aussitôt une corde pour l’école de Silly, le même jour que dessus et de la même vente.

Juillet

179Samedi 3 à midi précise, on a sonné la grosse cloche de la part de Monsieur le maire, pour assembler tous les paroissiens afin de recevoir 9 garçons de cette paroisse qui se proposaient pour aller le lendemain à Crépy en qualité de milices nationales, pour la paroisse de Silly (parce que dans presque toutes les paroisses, on a tiré au sort, même les hommes jusqu’à l’âge de 60 ans et au-dessus, 6 hommes par cent pour aller chacun à son district où l’on doit tirer une seconde fois, un homme par 200, pour aller à la Confédération générale du royaume, qui doit se faire à Paris, au Champ de Mars, le 14 JUILLET prochain) on les accepta volontiers, dans l’église et je fis leur acte de réception, conçu en ces termes :

« L’an 1790, le 3 Juillet, en l’Assemblée des Citoyens de la paroisse de Silly, convoquée au son de la cloche en la manière accoutumée, par ordre de M. le Maire dudit Silly, étant tous réunis au-devant de la principale porte de l’église, il a été fait lecture de l’adresse des citoyens de Paris à tous les français et des extraits des procès-verbaux du 5, 8 et 9 Juin 1790, de l’Assemblée Nationale et autres pièces relatives à la Confédération Nationale et conformément à l’article desdits extraits nous avons fait les dénombrements des citoyens de cette paroisse en état de faire le Service Militaire197, lequel s’en trouve monter à 155 et après avoir tiré au sort les nommés François René Vigneron, Louis Etienne Nicolas Beuve, Jean Rommetin, fils, Jean Charles Moisy, Jean Pierre Vincent, Pierre Félix Vincent, François Charlemagne Vincent, Jean Louis Charlemagne Courtier et Charles Mercier sont ceux qui sont proclamés pour représenter les citoyens de cette commune au District de Crépy, lesquels sont chargés de présenter ledit acte de nomination à MM. du Directoire du District de Crépy, pour coopérer de concert avec leurs collègues, à la nomination de ceux qui iront à Paris à la Confédération Générale. »

180Les dénommés ci-dessus ont consenti et signé avec nous les jours et an que dessus excepté Moisy qui a déclaré ne le savoir. Ils sont partis tous le lendemain 4 juillet et M. Carriat comme maire avec eux. Ils ont été très bien reçus. L’assemblée du district a décidé que l’on se joindrait par canton. On les a joins avec ceux du Plessis Belleville qui étaient 5, ceux de Lagny le Sec qui étaient 5 et ceux de Montagny. Ce sont les seules paroisses du canton de Nanteuil qui s’y sont trouvées. On les a fait nommer par la voix entr’eux pour en choisir deux et c’est sur le Sr Rommetin et sur François Vigneron que le choix tomba. On les a fait diner tous dans le Jeu de Paume, au nombre de 400 et plus, très bien servis, chacun sa bouteille, son pain d’une livre et la viande à discrétion, servis par les Officiers de la ville. Ils sont revenus à 8 heures du soir avec un tambour de Nanteuil (Charles Gobert) accompagnés des garçons du Plessis et de Lagny le Sec.

181La nuit du samedi au dimanche 3 au 4, entre 10 et 11 heures du soir, on a mis le feu à Charlespont à la maison du nommé Fleury. Il a eu 8 travées de bâtiment de brûlées et notre frère Dieudonné 5, d’une maison appartenant à sa femme.

182Samedi 10, Mrs Nicolas Vincent, Maurice Mercier et François Vigneron m’ont voituré 225 fagots et une corde de bois de quartier en chêne, du bois de Baron, de la vente des Srs Ferry de Nanteuil et Rebours de Crépy : les fagots à 12 livres le cent, le bois de quartier à 28 livres la corde. J’ai eu aussi 3 sachées de braisettes à 40 sols la sachée, deux pour mois et une pour Mr le vicaire, la braisette est payée dans la vente.

Fête civique

183Mardi 13 à midi, nous avons sonné toutes les cloches pour annoncer la fête civique que nous devions faire le lendemain et ce, à l’imitation de celle qui devait se faire à Paris au Champ de Mars, à 11 heures 1/2 j’ai sonné la grosse cloche pour avertir et pour afficher que le lendemain on dirait la grande messe à 10 heures 1/2 précises etc. à midi j’ai carillonné en volée et à l’ordinaire jusqu’à une heure dans l’après midi. Nous avons commencé à planter les piquets à la Croix pour dresser une tente pour dîner le lendemain soir. Nous avons carillonné en volée et ensuite sonné deux accords.

184Le lendemain 14, à 4 heures 1/2 du matin on a tiré un coup de canon à la Croix (où le canon était monté sur un affût par ordre de M. le maire) aussitôt j’ai carillonné en volée et ensuite sonné deux accords. Après cela nous fûmes à la place travailler à couvrir la tente parce qu’il pleuvait presque continuellement. A 10 heures 1/2 on chanta une grande messe solennelle en actions de grâces. Mr le vicaire a fait sous-diacre à la fin de laquelle, Mr le curé monta en chaire et prononça un discours relatif à la cérémonie198 et à la fin duquel il fit le serment civique et chacun répondit par ces mots : je le jure. Au même instant on tira un coup de canon qui était à l’entrée du cimetière et on entonna un Te Deum, pendant lequel on tira encore deux coups de canon. Après qu’on eut fini, chacun se rendit au repas fraternel qui était préparé sous la tente, à la Croix : nous étions cinquante quatre, qui avaient souscrit pour ledit repas à 2 livres chacun199. Etant arrivés tous, on tira un coup de canon qui fut le signal de se mettre à table et chacun se plaça où il se trouva, sans choix et sans distinction. Il y avait 54 couverts (assiettes, fourchettes et serviettes) 54 bouteilles de vin, 54 pains d’une livre et demie, 80 livres de viande au moins moitié en longe de veau rôtie et moitié en neuf pâtés, un pour six, 13 bouteilles de vin de Bourgogne, une pour 4, en dessert 9 salades, 13 ou 14 tartes, autant de gâteaux, 2 bouteilles de liqueur parfait amour et eau de vie d’Andaye et chacun son biscuit, voilà en quoi consistait le dîner qui s’est passé à la plus grande satisfaction de tous les assistants et je suis très assuré qu’on a donné aux pauvres qui étaient présents, la moitié du dîner. Ensuite, la plupart fut prendre une tasse de café chez Félix Beuve après quoi on dansa sous la tente et d’autres y jouèrent aux cartes tout le reste de la journée jusqu’à 9 ou 10 heures du soir. Quantité de gens d’Ongnes et du Plessis Belleville sont venus exprès voir la fête et pour s’y divertir. Malheureusement le temps était pluvieux, ce qui a gâté beaucoup la fête, néanmoins on s’y est parfaitement bien distrait et tout le monde a été très content. Louis Desaues et Félix Beuve ont fait le repas.

185Lundi 12 juillet, les Sieurs Rommetin fils et François Vigneron étaient partis dès le matin pour aller à Paris à la Confédération générale. Les garçons de Silly les ont conduits jusqu’à la Monnourie et ils sont revenus le mercredi 21 au soir. On les a reçus au bruit de la mousquetterie.

186Le Mardi 27 juillet, Jean Louis Deseaues receveur de la Charité a rendu son compte chez Mr le curé, pardevant Mre Bourget de Nanteuil, Tàssu, Carriat et Rommetin ; j’ai eu pour la dresse du compte, papier et double d’icelui, la somme de 12 livres ; il est en avance sur ladite charité de la somme de 129 livres 5 deniers que la Charité lui redoit ; son compte comprend depuis et compris 1784 jusques et compris 1789. Nous avons tous dîné chez Mr le curé avant la reddition dudit compte. Il a mis en reprise la somme de 188 livres 1 sol.

187Jeudi 29 après midi, j’ai été à Nanteuil chez M. Lavenere et je lui ai payé totalement ce que je lui devais jusqu’à ce jour. A Brégy, une fille qui était servante chez M. Rommetin, le Carême dernier est accouchée d’un garçon. La mère de la fille est venue à Silly pour chercher le reste de son argent ; M. Marienval qui en était chargé, lui remit le samedi 31, avec une lettre pour le Sr Villot de Brégy qui le charge de lui donner 12 bouteilles de vin.

188Vendredi 30 à Mitrey en France200, les Gardes Nationales de l’endroit ont fait feu sur les moissonneurs qui faisaient les bacchanals et en ont tué deux et blessé deux autres dangereusement.

Bacchanal de moissonneurs

Août

189Jeudi 5, le bacchanal (quoique expressément défendu)201 a commencé à Silly, l’après midi, quoiqu’on eut affiché aux portes de Mrs les laboureurs que l’on prendrait les prix de Brégy, on fut obligé de convoquer une assemblée de Municipalité pour fixer et arrêter un prix autre que celui de Brégy pour apaiser les moissonneurs qui menaçaient de prendre M. Carriat si on ne leur donnait pas 18 livres et nourris, de la couple d’arpent. A 5 heures du soir, la Municipalité s’assembla en ce bureau et tous les moissonneurs étaient vis à vis de la porte en très grand nombre qui attendaient avec impatience la délibération de l’assemblée qui fut qu’on leur donnerait 16 livres et nourris et en outre 15 livres de pain par arpent de blé et 12 livres de pain par arpent d’avoine. Les moissonneurs ne voulurent point accepter ce prix et se retirèrent.

190Dimanche 8 à l’issue des vespres, Mrs les garde Nationaux sonnèrent les cloches pour avertir les moissonneurs qu’ils aillent se retirer chacun chez leur maître et qu’ils allaient aller de ferme et ferme leur présenter le prix, afin que ceux à qui il conviendrait signassent ledit prix pour aller travailler le lendemain et que ceux qui ne voudraient pas le signer eussent à se retirer sous peine de sévir contr’eux. Ils y furent en effet et la plupart signèrent et le lendemain, ils furent travailler tous, les plus mutins ainsi que les autres. L’on entend parler que de bacchanales terribles de tous côtés et de menace de pendaison. A Oissery, ils ont dressé une potence sur la place, et une table au pied avec du papier, plume et encre, où ils traînèrent forcément les fermiers pour signer le prix qu’ils ont fait eux-mêmes, sous peine d’être pendu. Il est de 18 livres la couple et nourri, de la viande deux fois le jour et du fromage de même.

191Vers le 18, Mrs les fermiers d’Oissery firent venir les cavaliers de maréchaussée et des troupes pour régler les moissonneurs et ils ne leur payèrent qu’à 16 livres la couple.

Septembre

192Mardi 7 au soir vers 9 heures, le Sr Vuillot, marchand de Vervins qui m’a envoyé l’année dernière vers la fin du mois de juin 14 livres de tabac en 4 carottes à raison de 40 sols la livre que j’étais convenu avec lui, mais comme je ne l’ai reçu que dans le mois de septembre ensuivant, et que tout était changé de face, je ne lui ai payé le tout que 12 livres qu’il a reçu et je suis convenu avec lui qu’il m’enverrait 2 carottes de bon tabac d’Hollande de chacune 8 livres ou environ moyennant 30 sols la livre.

193Vendredi 10, la femme du Sr Jean François Hervaux a perdu la tête totalement, encore pire que la Rose Renard, il y a quelques années.

194Vendredi 17, j’ai reçu de chez Mde LeBrun à Nanteuil 13 livres juste de tabac que le Sr Vuillot, m’a envoyé quoiqu’il me manque 15 livres sur la lettre d’avis ; il n’y en a cependant que 13 livres juste.

195Mardi 21 au matin, nous sommes partis, le compère Louis Deseaues, Isidore et moi pour aller à Roissy et nous sommes revenus le Jeudi 23 au soir.

Octobre

196Vendredi 1^er, Ganneron le jeune, charron, a monté l’escalier de l’horloge qu’il a fait de neuf. C’est moi qui lui ai fourni deux pièces de bois de sciage, en chêne, de chacune 9 pieds de long sur 3 pouces 1/2 à 5 pouces 1/2 de gros, le 11 septembre 1790, au matin, qu’il me rendra de pareille nature et grosseur.

[Le dimanche 3 octobre, office du S. Rosaire dans la chapelle de la Ste Vierge à l’ordinaire. Le lendemain les services et les messes pour les confrères et sœurs trépassés dud. S. Rosaire]

197Samedi 28, le Sr Rommetin fils est parti pour s’en aller je ne sais où, il emporte soi-disant 640 livres de la taille.

198Lundi 25, nous avons été à l’assemblée primaire à Nanteuil, pour l’élection d’un juge de paix. C’est notre oncle Tagu qui a été le premier président. MM. les curés de Boisssy et de Droiselle et M. Legrain qui ont été les scrutateurs. Ensuite, ce fut Mr Robinet, le cadet, qui fut le président pour la nomination d’un juge et assesseurs et pour scrutateurs MM Lemire fils, Lavenere, md épicier et Gouillard et pour secrétaire le Sr Marty. Ce fut par où finit la séance. Je m’en revins avec M. l’abbé et le Sr Nicolas Vincent et je soupai chez Mr l’abbé avec Isidore et la maîtresse. Le lendemain matin, Mr l’abbé et moi, nous y retournons à 10 heures 1/2 du matin et après le dépouillement du scrutin fait, la majorité absolue des voix s’est trouvée réunie en faveur de Dom Besançon procureur du couvent de Nanteuil (qui avait fait sa renonciation à la vie monastique la veille, dans l’église de Nanteuil où se tenait ladite assemblée). M. Gibert du Plessis qui y prétendait beaucoup n’en a eu que 38 et le Sr Lemire le fils, qui y prétendait encore bien davantage, n’en eut que 7 ou 8 ; il s’en fut tout en colère et en protestant que la nomination na valait rien parce que Dom Besançon ne pouvait pas être élu. Après beaucoup de débats qui ne servirent à rien et qui emportaient beaucoup de temps, sur la manière de nommer les assesseurs, on remit la séance à dimanche prochain 31 à 11 heures avant midi et nous sommes revenus en la même compagnie qu’hier soir et Eloi Deboves avec nous.

Vol dans l’église

199Mercredi 27, à la fin du Salut des écoliers, je m’aperçus que le tapis qui couvre le banc d’œuvre était retroussé dans toute sa longueur j’y fus pour le remettre, croyant que c’était quelqu’enfant qui l’avait dérangé en jouant, mais je fus très surpris lorsque j’aperçus que le tiroir en dessous et dans lequel on mettait l’argent des quêtes des pauvres, était forcé et demi ouvert, je m’approchai et regardai dedans. Je vis qu’il y avait encore quelque peu de monnaie, alors je fus saisi, croyant que les voleurs étaient encore dans l’église, cachés dans quelques bancs, je courus aussitôt pour appeler quelqu’un, mais ne voyant personne dans la rue et sachant que M. le curé ni M. le vicaire n’y étaient, j’envoyai notre petit François chez le Sr Hervaux, mais son fils vint me dire que son père n’y était pas. Alors je leur demandai s’ils avaient remarqué que le tapis du banc d’œuvre était retroussé. Notre petit François et Charles Denisot me dirent qu’ils l’avaient vu ainsi dès le matin. Dans ce moment, j’entendis passer quelqu’un pardevant la porte de l’église. J’y fus et je vis que c’était François Lépine, batteur202 de Mr le curé, qui portait son blé. Je le priai aussitôt qu’il serait déchargé, de venir à l’église. Il y vint, accompagné de Marguerite Porcq, domestique de M. le curé. Alors, nous visitâmes le tiroir et nous vîmes qu’il avait été forcé avec quelque ferrement. M. Carriat (qui venait chez nous) arriva et vit ainsi que nous que ledit tiroir avait été forcé. Nous retirâmes le peu d’argent qui y restait et nous le comptâmes sur la banquette des chantres et nous trouvâmes 31 sous 6 deniers. Alors, M. Carriat envoya quérir le Sr André Vigneron, marguillier en charge et Faron Daux. Etant arrivés, ils certifièrent que ledit tiroir était en son entier le dimanche précédent et Faron étant interrogé combien il pouvait y avoir dans ledit tiroir, il répondit qu’il ne pouvait pas le dire au juste mais qu’à sa connaissance il pouvait bien y avoir 20 livres au moins, le tout en monnaie, surtout en gros sous. Je fis ma déposition en ce greffe et je remis les 31 sous 6 deniers entre les mains dudit Sr Vigneron. Le soupçon de ce vol porte sur le fils du Sr Bizet, vitrier à Nanteuil, qui est venu dans l’église, le mardi 26 dudit mois, pendant que nous n’y étions personne et qu’il n’avait rien à faire dans ladite église.

200Dimanche 31, à 11 heures avant midi, à Nanteuil, on a tenu l’assemblée pour nommer les assesseurs de chaque paroisse. Chaque paroisse s’était séparée dans l’église et tenait son scrutin particulier et l’apportait ensuite dans le vase. Il y eut du grabuge, parce que Joannet avait mis deux billets, dans lesquels il s’était nommé lui-même, ce qui fut cause qu’on recommença le scrutin (il aurait mérité autre chose que cela), enfin les assesseurs de la paroisse de Silly sont les Srs Nicolas Vincent, Joannet, Nicolas Boileau, le Blond et Denisot.

201Samedi 30 à 6 heures du soir, le Sr Bizet père est venu chez nous. Il était ivre et dans la conversation, je fis tomber le sujet sur ce que son fils n’était pas venu mettre un carreau aux croisées de l’école. Il nous dit qu’il en avait cent pieds par-dessus les oreilles, qu’il avait de l’argent quoiqu’il ne lui en donna pas, mais enfin qu’il lui donnait beaucoup de chagrin. Je ne lui dis rien de ce qui s’était passé dans l’église et il finit par me prier de lui faire son mémoire pour les ouvrages qu’il avait faits dans le cours de l’année, dans l’église. Je lui promis pour le lendemain, ce que je fis.

Novembre

202Mercredi 2, M. le curé donna à dîner, suivant la coutume et le père Cartier dit à table qu’un des jours de la semaine dernière, le fils de Bizet et deux autres avec lui, avaient fait une ribotte à Sennevières chez le nommé Giroux, cabarretier, et qu’ils avaient dépensé 8 livres et des sous et que le fils Bizet avait payé en gros sous et pièces de deux liards.

203Mercredi 10, les sabres, gibernes, bonnets de grenadiers, ceintures de chasseurs et banderolles, sont arrivés chez M. Carriat, dans la voiture du jeune Boileau, qui a été exprès à Paris les quérir203.

Nomination de nouveaux officiers municipaux et notables

204Dimanche 14, on a chanté la grand messe, vespres et complies. Tout de suite, le tout étant fini à 10 heures 1/2 ensuite de quoi on a nommé au banc d’œuvre, Louis Deseaues, le jeune, pour marguillier. A midi précise, tous les citoyens de Silly se sont assemblés au bureau ordinaire où étant, on commença par tirer au sort pour faire sortir deux officiers municipaux ; Jean Noël Boucard et Antoine Mercier, le père, furent les deux qui sortirent. Ensuite on procéda au scrutin pour la nomination de deux nouveaux officiers municipaux et au deuxième tour de scrutin, la majorité absolue des suffrages fut pour les personnes des sieurs Louis Nicolas Bertrand et Antoine Deboves. Ensuite, on procéda à la nomination de six notables par la voix du scrutin de liste et la majorité relative fut pour les Srs François Eloi Daux, Laurent Thuillier, Etienne Félix Beuve, Jean François Hervaux, Claude André Vigneron et Jean Boileau le Blond.

205Dimanche 21 à midi précis, on a commencé à distribuer les armes dans l’école. On a commencé par annoncer que Pierre André Vigneron, capitaine des grenadiers, était convenu avec le Sr Hervaux (lieutenant de ladite compagnie) de changer de charge ensemble204. Je dis que je ne le souffrirai pas, c’est à dire que si le Sr Hervaux était capitaine, j’entendais être lieutenant, étant sergent de ladite compagnie. Il y eut de grands débats rapport à cela et la cabale du Sr Hervaux l’emporta sur la justice de ma représentation. Alors, je dis que puisqu’on me faisait ce passe droit, je déclarai que je remerciais d’être sergent de sorte que Louis Legrand prit ma place. Il y eut plusieurs autres qui remercièrent aussi, tels que les deux Chenu, Ange Vincent etc. Voici la liste des armes qu’on délivra et le pris qu’elles ont coûté :

20660 sabres : 540 livres ; 14 bonnets de grenadiers : 182 livres ; 2 bonnets d’officiers : 110 livres ; garniture de celui de sergent : 20 livres ; garnitures de celles du capitaine et du lieutenant : 45 livres ; celle du sergent : 11 livres ; pour les fournitures : 546 livres ; dragonnes du commandant : 20 livres 5 sous ; du commandant en second : 16 livres 10 sous ; du major : 15 livres 15 sous ; du capitaine des grenadiers : 14 livres 10 sous ; du lieutenant : 14 livres, 15 sous ; du sergent : 14 livres 5 sous ; du caporal : 1 livre 10 sous ; du capitaine des fusilliers : 14 livres 5 sous ; du lieutenant : 14 livres ; du sergent : 13 livres 15 sous ; du caporal : 1 livre 10 sous ; du capitaine des chasseurs : 13 livres 15 sous ; du lieutenant : 14 livres ; du sergent : 14 livres 10 sous ; du caporal : 1 livre 10 sous ; 48 autres dragonnes de laine de diverses couleurs : 48 livres. Pour le voyage des députés pour l’acquisition des dites armes : 72 livres. Pour la conversion des billets en argent monnayé, à raison de 7 1/2 pour 100 pour 500 livres : 37 livres 10 sous.

2072 grandes caisses pour les armes : 15 livres ; une petite caisse pour les plumets : 3 livres ; un grand panier pour les bonnets : 3 livres 10 sous ; papier et emballage : 9 livres.

208total du premier mémoire : 1890 livres 15 sous.

209A mesure qu’on délivrait les armes à chaque soldat, je leur présentais un billet contenant les détails des armes qu’on leur remettait. et ceux qui savaient signer le faisaient puis me le rendaient pour le déposer au greffe et ceux qui ne le savaient pas, le déclaraient en présence de deux témoins. Les garçons, outre leur signature, étaient obligés de donner une caution. Cependant, plusieurs ont emporté leur billet et ne l’ont pas encore rapporté. Ils ont fait beaucoup de cérémonie pour la conduite de leurs officiers chacun ; cela a duré jusqu’au soir.

210Mardi 23, le drapeau est arrivé. Il coûte la somme de 200 livres d’achat, sans les frais de transport.

211Mercredi 24, dans la matinée, Mde Boucher de Chécy est venue chez nous avec M. Carriat et elle m’a payé 6 mois de la pension du Sr François Boucher son fils, échus le 12 octobre dernier, soit 125 livres. Elle a fait présent de 6 livres à Isidore.

212Jeudi 25, je n’ai point carillonné au matin suivant la coutume parce que la sœur Robert est venue chez nous le 23 à midi me prévenir qu’elle ne ferait point de fête cette année et qu’on ne chanterait point la messe de Ste Catherine, parce qu’elle n’avait point de gâteau à présenter, cependant elle est venue aujourd’hui après la messe de M. le curé, me demander congé pour mes écoliers ; je leur donnai à l’heure même.

213Mardi 30 novembre à midi, le cousin Riblon et Pierre Dutrou de Peroy, sont venus chez nous pour régler le bois que j’ai eu au bois de Rosières. C’est M. André Vigneron qui a payé pour moi, sur mon quartier qu’il me devait, parce qu’il n’a pas pu recevoir d’argent chez aucun fermier de l’église, excepté en billet, et qu’en payant le bois des écoles, le sien et le mien, il en avait pour la somme de 197 livres, savoir 75 livres pour moi, 52 pour l’église et 70 pour lui et par ce moyen, il passait un billet de 200 livres. J’ai eu pour l’école une corde de bois quartier de 28 livres et les sœurs une corde de billon de 24 livres.

Décembre

214Ensuite de la messe du 1^er décembre, Mde Vincent, du Chef de la Ville est venue chez nous, régler le mois d’école de ses enfants. Elle m’a payé de même que Mde Carriat et le Sr André Vigneron. Elle m’a donné 31 livres 4 sous. C’est à recommencer au mois de Décembre 1790.

215Samedi 4 décembre au soir, j’ai été chez le Sr André Vigneron, ancien marguillier. Il me donna la somme de 7 livres 10 sous pour restant de mon quartier de 75 livres qu’il avait payé au cousin Riblon, garde vente du Sr Ferry, pour deux cordes de bois, une de quartier et une de rondin et 200 et un quarteron de fagots, le tout faisant la somme de 82 livres 10 sous.

216Dimanche 5, au soir, j’ai carillonné ainsi que le lendemain pour la fête de S. Nicolas. Lundi 6 au matin, M. le vicaire a chanté la messe. C’est Charpentier qui a présenté le gâteau et Jean Charles Vigneron qui a pris le chanteau pour l’année prochaine ; ensuite de la messe, j’ai porté les brioches comme à l’ordinaire et ensuite, les enfants se sont joués dans l’école parce qu’il n’y eut point de fête rapport à la cherté du vin et de la viande.

217Mardi 7, j’ai été au Ménil acheter du vin. J’en ai acheté une pièce de vin Gâtinois, grosse jauge, la somme de 72 livres et une pièce de Damar, grosse jauge pour les domestiques de M. Rommetin la somme de 45 livres. C’est Jean Vincent le fils qui est venu exprès me le voiturer.

218Le jour de S. Nicolas à midi, on est venu nous prier d’assister à l’inhumation de notre belle sœur, la femme de mon frère Pascal, de Nanteuil. Elle est morte la nuit du 5 au 6. Nous n’avons pu y aller personne parce qu’Isidore était allée à Dammartin, Mr le curé et M. le vicaire y étaient aussi, ma femme hors d’état d’y pouvoir aller et moi, j’étais de nécessité obligé de rester à la maison, tant à cause des enfants que parce que devant aller le lendemain au Ménil, il fallait que je préparas pour mon voyage et surtout, ne devant être enterrée que vers le soir, il aurait été presque impossible de revenir ce jour-là.

219Dimanche 12 à midi, au bureau de la Municipalité, on a fait la distribution de 50 fusils aux Gardes Nationales de Silly. Ils coûtent 21 livres chacun, ce qui fait pour le tout 1050 livres son compris les frais de transport, d’emballage etc.

220Dimanche 19, Victor Stanislas Carriat a chanté O Oriens et nous avons été souper tous les quatre chez M. Carriat.

221Jeudi 30, j’ai été à Nanteuil chez Mr André où j’ai acheté 2 aunes 1/2 de drap couleur de cul de bouteille pour me faire une redingote à raison de 11 livres l’aune et une aune 1/2 de toile pour doubler le dos, les manches et pour faire les poches ; pour le tout, la somme de 30 livres (et une douzaine et demie de boutons de métal blanc). Ce même jour, en arrivant à (de) Nanteuil, je trouvai MM. les officiers municipaux de cette paroisse assemblés pour recevoir le compte des députés nommés pour l’achat des armes de la garde Nationale de cette paroisse. Il monte à la somme de 3191 livres 8 sous et 19 livres 11 deniers qu’ils remirent entre les mains du Sr Claude André Vigneron ancien marguillier, font la somme de 3210 livres 19 sous qui est le montant de l’argenterie de l’église que l’on avait portée à l’Hôtel de la monnaie le 15 Décembre 1789, y compris ce qu’il en a coûté pour convertir les billets en argent.

1791

Janvier

222Le premier jour de l’an avant mâtines, nous fûmes, ma femme et moi, chez Mr le curé lui présenter nos très humbles respects comme à l’ordinaire. Ce même jour, à la messe, il y eut quatre grenadiers et un sergent qui montèrent la garde à l’autel, pendant la grand messe. C’était Pierre Ganaval et Isidore Vigneron à droite et Charles Moisy et Jean Pierre Vincent à gauche et Louis Legrand sergent des grenadiers dans le milieu du sanctuaire. Nous avons été souper ma femme, Isidore et moi chez les Srs Nicolas Vincent pour l’O du petit Vincent.

Bénédiction du drapeau de la garde nationale

223Samedi 8, à 11 heures du matin, nous avons sonné à 4 accords des 4 cloches et ensuite, j’ai carillonné le double carillon et enfin j’ai carillonné à l’ordinaire pour annoncer la fête de la bénédiction du drapeau de la Garde Nationale de cette paroisse qui se devait faire le lendemain. A cinq heures du soir, mon frère Rep, sa femme et leur fille sont arrivés dans la voiture du Sr Hervaux qui revenait de Paris. Aussitôt après leur arrivée, je fus au clocher où je carillonnai comme à midi, à la fin duquel, Louis Beuve tira un coup de canon, ensuite on sonna deux accords puis un second coup de canon et enfin un troisième accord.

224Le lendemain, Dimanche 9 à 6 heures du matin, je fus au clocher où je carillonnai comme la veille. Ensuite on tira un coup de canon puis on sonna deux ou trois accords. A huit heures précises du matin, on chanta la Messe, Vespres et Complies du jour. A 10 heures du matin, la Garde Nationale conduisit MM. le Maire et Officiers Municipaux à leur bureau ordinaire. A 10 heures 1/2, ladite Garde Nationale ayant leurs Officiers à leur tête, vint lever lesdits officiers municipaux à leur bureau et se mirent tous en marche pour aller à l’église, où, étant arrivés, MM les officiers municipaux se placèrent dans le sanctuaire du côté de l’Evangile, sur des chaises préparées pour cela. MM. les commandant, major, capitaine et lieutenant se mirent sous la lampe et le reste de la troupe, sur deux lignes à droite et à gauche du chœur de la nef. Ensuite M. le maire s’avança avec MM. les officiers municipaux, excepté Joannet, tous décorés d’une écharpe, à l’entrée du sanctuaire et prononça la formule du serment, dont la teneur suit : Vous jurez et promettez d’être fidèles à la Nation, à la Loi et au Roi, de maintenir de tout votre pouvoir, sur la réquisition des corps administratifs et municipaux, la Constitution du Royaume. Vous jurez et promettez pareillement sur les mêmes réquisitions. de prêter main forte à l’exécution des ordonnances de Justice et à celles des décrets de l’Assemblée Nationale, acceptés et sanctionnés par le Roi. de protéger les personnes et les propriétés, la perception des impôts et la circulation des subsistances. Au moment du sermon, on tira un coup de canon. A quoi, le Sr François René Vigneron, commandant, officiers et soldats ont répondu, en tenant la main levée « Je le jure », à haute et intelligible voix. Ensuite, ils signèrent tous le procès verbal dudit serment sur l’autel de la Ste Vierge. Ensuite j’ai entonné l’Introit Spiritus de la messe votive du St Esprit et après le dernier Kyrie, le Sr Pierre Charles Vincent, porte enseigne, qui était au milieu du chœur, s’avança avec le drapeau qu’il portait au bas de l’autel et s’étant agenouillé sur la première marche, Mr le curé se retourna vers le peuple et fit un petit discours relatif à la cérémonie et ensuite on bénit de drapeau. Puis il le prit des mains du porte enseigne, l’embrassa et le lui rendit. Aussitôt j’entonnai le Domine Non Secundum après quoi on reprit le Gloria In Excelsis et on acheva la messe, le plus solennellement possible, à la fin de laquelle, M. le curé entonna le Te Deum et alors la troupe fit la procession autour de l’église et ils revinrent chacun à leur place jusqu’à la fin du Te Deum. Ensuite MM. les commandant et officiers invitèrent MM les maire et officiers municipaux, M. le curé M. le vicaire, le père Cartier et moi d’aller diner avec eux. Nous y fûmes tous. Le dîner se fit dans la grange du compère Deseaues. Il y avait au moins 70 couverts. Après le dîner, ils donnèrent le bal jusqu’à deux ou trois heures du matin. Ils firent un petit réveillon où chaque soldat eut sa bouteille de vin de Champagne, du pain et de la viande, quelques salades etc. Le diner était fort bien servi. Ce sont les officiers qui ont régalé. MM. le curé, vicaire et moi sommes revenus en sortant du dîner et nous y retournâmes sur le soir y passer environ deux heures et je revins souper chez nous avec ma compagnie.

225Le même jour au soir, à huit heures, on sonna deux accords pour le service du lendemain qui devait se faire pour nos frères de Nancy205. Le lendemain, au matin, on sonna deux accords et à 9 heures, nous commençâmes les Vigiles à neuf leçons et toute la troupe vint en cérémonie de deuil, s’est à dire le crespe au bras gauche, le drapeau ployé, le tambour battant d’un ton lugubre, assisté de MM. les officiers municipaux comme la veille et aux mêmes places. A l’offrande, ils firent le tour de l’église ainsi qu’à la fin de la messe pendant le Libera. Ensuite, on nous invita au diner de même qu’hier, avec cette différence que ce furent les sergents et caporaux qui nous invitèrent au nom de tous les soldats parce que c’était eux qui régalaient aujourd’hui. Nous y fûmes tous et à la fin du diner, MM. les officiers municipaux régalèrent de chacun un biscuit et une tasse de café. Il y manquait très peu de soldats. Le tout s’est très bien passé. Ensuite du diner, on recommença le bal qui dura aussi longtemps que celui d’hier, mais je m’en revins joindre ma compagnie au sortir du diner et je n’y retournai plus. Mon frère est parti le Mardi 11 au matin, avec notre cousine Thuillier.

226Dimanche 16, à l’issue de la grande messe, M. le curé et M. le vicaire ont prêté leur serment206, ordonné par le décret du 27 Novembre 1790, sanctionné par le Roi, le 26 Décembre audit an et de, du grand autel et en la présence de MM. le maire, officiers municipaux, revêtus de leurs écharpes, étant dans le sanctuaire du côté de l’évangile et les officiers de la Garde Nationale, du côté de l’Epître et le reste des soldats, rangé comme le jour de la bénédiction du drapeau. Ensuite, je fis la lecture du procès verbal relatif à ce serment et de celui du service du lundi précédent et ensuite, chacun signa où il convenait qu’il signât. Ce même jour, on a nommé 8 commissaires pour procéder au classement des terres de cette paroisse. Ce sont MM. François Lefèvre, Nicolas Vincent, Jean François Hervaux, Pierre Charles Vincent, Nicolas Boileau, Louis Deseaues, Antoine Mercier et François Tavernier.

227Dimanche 23, à l’issue des vespres, Jean Pierre Martin, dit Martinet, a rendu son compte de marguillier. Il a remis au coffre la somme de 23 livres 17 sols 3 deniers. J’ai eu pour la dresse de son compte, papier et copie d’icelui, la somme de 9 livres 2 sols 6 deniers.

228Lundi 24, nous avons commencé à travailler au classement des terres du terroir de Silly, lequel a duré deux semaines entières, pendant lesquelles je n’ai point tenu l’école parce que les séances se tenaient dans l’école et commençaient à 7 heures du matin jusqu’à midi et recommençaient depuis 1 heure jusqu’à 7 ou 8 heures du soir et tous les jours excepté le jour de la Chandeleur. Nous avons fini le samedi 5 février au soir.

229Enterrement de Pierre François Ganneval, âgé de 30 ans et 9 mois. On lui a fait son service le matin où la Garde Nationale de Silly a assisté au deuil (excepté Jean Pierre Ganneval, frère unique du défunt qui était poudré et bichonné comme un jour de noces) ainsi qu’à son enterrement qui fut fait ledit jour à 4 heures 1/2 du soir, où ils ont fait trois décharges de leurs fusils, la première à l’entrée de son corps à l’église, la deuxième à la descente de son corps dans la fosse, et la troisième en quittant la fosse pour s’en retourner. On a sonné considérablement pour lui et toute volée à 4 cloches. Il était dans les troupes depuis 14 ans et il était venu en semestre pour passer l’hiver à Silly. La fête de la bénédiction du drapeau a beaucoup contribué à sa mort qui est arrivée le 24 Janvier à 7 heures du soir.

230Dimanche 30, à l’issue de la grande messe, Jean Pierre Ganneval a emporté de dedans l’église le luminaire qui avait servi aux obsèques de son frère Pierre François Ganneval, disant qu’il n’appartenait plus à M. le curé.

Février

231Vendredi 4 au soir, j’ai reçu une lettre anonyme qui m’avertissait que mon frère Adrien avait vendu son jardin à M. Lemaire de Droiselles.

232Samedi 12, les deux marchés de Nicolas Toussaint Vigneron, savoir un de Bourgfontaine et l’autre du Chapitre de S. Frambourg, comme domaines nationaux, ont été vendus au directoire de Crépy, adjugés à Pierre Ganneval, menuisier à Silly, qui était associé avec plusieurs entr’autres Eloi Deboves, Etienne Cholet, Laurent Thuillier, Boucard, Eloi Daux, Denisot, Nicolas Thuillier. Ils ont eu beaucoup de bruits pour se partager.

Société d’achat de biens nationaux

233Dimanche 20, au bureau de la Municipalité de cette paroisse, nous avons fait une société de 28 personnes pour acquérir le marché de terres dépendant (de la) ci-devant abbaye Notre Dame de Chaalis et ce, par un écrit sous seing privé, quoique M. Gibert, notaire royal au Plessis y fut présent, pour éviter un plus grand frais, dont voici l’extrait mot pour mot :

Les soussignés Jean Pierre Martin, manouvrier, Jean Drugeon, berger, Pierre Denisot, charron, Nicolas Thuillier, marchand boucher, Jean Noël Boucard maréchal ferrant, Jean Boileau sabotier, Etienne Félix Beuve, cabaretier et boulanger, Pasquier Cartier, charretier, Pierre Alexis Francart, couvreur en chaume, Eloi Martin cribleur, Etienne Cholet maréchal ferrant, Claude Paul Cartier charretier, Pierre Louis Nicolas Delahaye greffier de la municipalité de Silly, Louis Nicolas Bertrand chirurgien, Louis Deseaues le jeune, cabaretier et maçon, Antoine Eloi Deboves maréchal ferrant, Laurent François Joannet marchand, Jean Louis Vérin Cabaretier, François Eloi Daux bourrelier, Nicolas Charlemagne Boileau marchand fruitier, Pierre Bruxelle l’aîné Charretier, Adrien Amable LeBrasseur, Laurent Thuillier laboureurs, Jean Rommetin laboureur, Laurent Porcq aussi laboureur, tous demeurant à Silly, excepté ledit Sr Adrien Amable LeBrasseur qui est demeurant à Ongnes ; François Bégat berger et Pierre Eloi Martin cribleur audit Silly ont fait entr’eux les traités et conventions qui suivent :
Article premier : Tous les dénommés ci-dessus s’associent par ces présentes à l’effet d’acquérir un marché des terres dépendantes de l’abbaye Notre Dame de Chaalis et dont l’adjudication doit être faite Mercredi prochain 23 Février présent mois au Directoire du District de Crépy-en-Valois.
Article 2 : Les enchères seront mises et portées par lesdits Srs Jean Rommetin, LeBrasseur et Laurent Thuillier auxquels les autres donnent à cet effet tout pouvoir pour le compte de la Société ci-dessus.
Article 3 : Dans le cas où quelques-uns des associés ci-dessus trouveraient que les enchères portées par lesdits Srs LeBrasseur, Rommetin et Thuillier seraient au plus haut prix qu’ils désirent mettre à ce marché, il leur serait loisible de déclarer avant les enchères subséquentes des trois susnommés et en présence au moins de deux autres co-associés, auxquels il est expressément convenu qu’on sera tenu de s’en rapporter à cet égard, qu’ils entendent se retirer de la Société dès l’instant de cette déclaration.
Article 4 : Dans le cas où ceux qui feraient la déclaration de se retirer de la Société se rendraient adjudicataires du marché susdit, seront tenus ainsi qu’il en est expressément convenu entre tous les susnommés, de souffrir le partage et division dudit marché aussi entre eux tout de même et ainsi si les déclarants ne se fussent pas retirés de cette société.
Article 5 : Toutes les terres de ce marché qui se trouvent sur les terroirs d’Ongnes, Oissery, S. Pathus et Nanteuil ne feront point partie de l’opération ci-après, attendu qu’il est expressément convenu qu’elles appartiendront audit Sr LeBrasseur seul à l’exception de quatre arpents les plus éloignés d’Ognes, sur le terroir dudit Nanteuil entre ce dernier et Silly, qui feront partie du surplus ci après.
Article 6 : Tout le surplus des terres du marché étant sur le terroir de Silly appartiendra aux associés ainsi que les quatre arpents ci-dessus expliqué, lesquels prendront le tout au prorata du prix de ladite adjudication, se soumettant à la décision des experts ci après nommés, pour les pièces qui leur seront assignés à proportion de la quantité pour chacun qui sera ci-après expliquée.
Article 7 : Pour procéder à la division et à la composition des lots, suivant la nature et la qualité des terres et pour qu’il soit à cet égard rendu également justice à tous les associés, excepté ledit LeBrasseur dont la part et portion est ci-dessus expliquée, ils nomment lesdits Claude Paul Cartier, Pierre Bruxelle, l’aîné et les Sieurs François Lefèvre, Pierre Charles Vincent et Antoine Mercier, Laboureurs audit Silly, à qui il donne par ces présentes tout pouvoir requis en nécessaire et renoncent même à pouvoir contrevenir à leurs décisions.
Article 8 : Dans le cas où par l’évènement de la composition et division qui sera faite par les experts susnommés, la quantité de 103 Arpents 89 perches 1/2, portée par les affiches du District de Crépy, le manque sera déduit sur la part et portion de chacun des associés, y compris le Sr LeBrasseur, au prorata de cette part et portion, laquelle division sera faite d’après les différentes quantités qui se trouveront comprises dans les déclarations des différents terriers des terroirs sur lesquels les dites terres sont situées. Desquelles quantités attribuées auxdits associés ainsi que les noms d’iceux, la Déclaration suit : A Jean Pierre Martin, 1 Arpent ; Pierre Denisot, 2 Arpents ; Jean Drugeon, 2 Arpents ; Nicolas Thuillier, 3 Arpents ; Jean Noël Boucard, 2 Arpents ; Jean Boileau, 37 perches 1/2 ; Etienne Beuve, 2 Arpents ; Pasquier Cartier, 1 Arpent ; Pierre Alexis Francart, 1 Arpent 50 Perches ; Eloi Martin, 1 Arpent 50 Perches ; Claude Paul Cartier, 1 Arpent 50 Perches ; DeLahaye, 2 Arpents ; Louis Nicolas Bertrand, 75 Perches ; Louis Deseaues, le jeune, 2 Arpents ; Antoine Eloi Deboves, 2 Arpents ; Laurent François Joannet, 2 Arpents ; Jean Louis Vérin, 2 Arpents ; Nicolas Charlemagne Boileau, 1 Arpent ; Louis Beuve, 2 Arpents ; Pierre Bruxelle l’aîné, 1 Arpent 50 perches ; Laurent Thuillier, 10 Arpents ; Jean Rommetin, 15 Arpents ; Laurent Porcq, 1 Arpent ; François Bega, 1 Arpent ; Pierre Eloi Martin, 1 Arpent. Total : 65 Arpents 12 Perches 1/2.
Enfin il est convenu et arrêté expressément entre les parties qu’il n’y aura entr’elles aucune solidité au sujet du paiement du prix total de ladite adjudication et que chacune d’elle payera seulement le prix de la quantité qui lui est assignée.
Le tout fait et arrêté entre les soussignés et double entr’eux, audit Silly, ce vingt Février mil sept cent quatre vingt onze. Suivent les signatures.

234Le 23, nous avons été à Crépy presque tous les dénommés ci-dessus où nous avons eu ledit marché moyennant la somme de 53 100 livres. Dans le cours de l’adjudication des dites terres, il y en eut plusieurs qui se retirèrent de la société, tels que M. Rommetin, Etienne Cholet, Boucard etc. parce qu’il leur semblait qu’elles étaient trop chères. Ensuite de l’adjudication nous fûmes tous diner ensemble chez le Sr Lécrinier, où les principaux fermiers de chez nous se joignirent à nous et nous fîmes un très beau repas. Il n’y eut qu’Etienne Cholet et Boucard qui ne s’y trouvèrent pas. Cette société fut admirée de toute la ville de Crépy et de tous ceux qui en ouirent parler. Nous revînmes tous ensemble à Silly en grande gaîté.

235Dimanche 27, nous avons partagé les terres de Chaalis en deux lots égaux pour parvenir plus facilement au partage définitif desdites terres. Etienne Cholet et Boucard ont été expulsés de ladite société, non seulement parce qu’ils avaient déclaré dans la salle de l’adjudication qu’ils se retiraient, mais encore parce qu’ils n’avaient pas daigné venir avec nous diner à Crépy. Ils ont fait l’impossible pour rentrer en société avec nous pour avoir desdites terres, offre d’argent etc. tout cela fut inutile. M. Rommetin s’en était tiré aussi bien qu’eux, mais au sortir de l’adjudication, il ne quitta point la compagnie et fit comme tous les autres, ce qui est cause qu’il eut desdites terres ce qu’il devait en avoir, mais les deux autres n’en eurent point.

Mars

[Baptême, le Jeudi S. Sabot 3 Mars à 7 heures du soir. La compagnie de chasseurs y était présente. Ce même jour mon frère Pascal Delahaye est venu avec Melle Papillon sa prétendue, nous inviter à leurs noces le lundi gras prochain 7 de ce mois].

236Le 5 après midi, j’ai levé trois septiers de blé chez Mr le curé savoir un qu’il me devait et deux qu’il me vend.

237Dimanche 6, après les vespres, nous avons fini le partage des terres de Chaalis en les tirant au sort. J’ai eu pour ma part desdites terres 2 arpents 25 perches (un quartier plus que j’avais été inscrit dans le compromis, parce que Pierre Eloi Martin, le jour de la vente au matin a dit qu’il n’en voulait plus et qu’Etienne Cholet et Boucard ont été expulsés de ladite société), savoir 121 perches dans les 9 arpents du chemin de Montagny, 41 perches dans les 96 perches du chemin de la Justice et 63 perches dans le Pré de Chaalis au-dessus du chemin de la Procession. Total : 225 perches. Dans mon lot, les 63 perches du Pré de Chaalis étaient à les prendre dans le bout de ladite pièce vers l’Orient, je l’ai changé en passant le contrat, en les faisant mettre au milieu de ladite pièce et mettant Jean Drugeon à ma place et lui à la mienne. Je crois que j’ai eu tort.

238Le 7 dans la matinée, Mde Boucher de Chécy, accompagnée de Mde Carriat et de Melle Lefèvre de Noëfort, sont venues chez nous. Elle m’a payé un quartier de la pension de son fils, échu le 12 janvier dernier. Ce même jour, notre frère Pascal a épousé Melle Papillon.

239Le 9, MM. Berson d’Ognes, Pierre Charles Vincent, Eloi Daux, Laurent Thuillier et moi avons été à Crépy. Nous avons payé au Sr Levieux, receveur du district, la somme de 6372 livres pour les 12 du cent du prix de l’adjudication des terres de Chaalis. Nous avons payé ladite somme en assignats étant moins pesant à porter que de l’argent monnayé ; j’ai moi-même changé de l’argent avec des assignats pour la raison ci-dessus. Ce même jour, les Srs Pierre Charles et Nicolas Vincent se sont rendus adjudicataires des terres de la Présentation de Senlis moyennant la somme de 23 800 livres.

240Dimanche 13, à l’issue des Vespres, le Sr Hervaux a rendu son compte de marguillier. Il a remis 300 livres 6 sols et j’ai eu pour la dresse de son compte, papier et copie d’icelui la somme de 10 livres 6 sols. La boite pour mettre les livres des enfants dans l’école, a coûté 14 livres. C’est ledit Sr Hervaux qui l’a fait faire par Denisot. Ce même jour, Barthélémi Cholet a quitté la chappe.

241Dimanche 20 à midi, Louis Bontemps de Droisel, est venu chez nous ; il m’a donné la somme de 81 livres 18 sols et 10 livres 2 sols qu’il a payé en mon acquis, savoir 8 livres 5 sols de vingtième et 37 sols de taille pour la contribution foncière, font ensemble la somme de 92 livres. Daguet a employé deux dixiaux de chaume sur le fournil. C’est encore 8 dixiaux qu’il doit pour les deux années. La Roze et sa petite fille sont venues après vespres et s’en sont retournées vers le soir. Ce jour, Boucard fils a quitté le surplis. Jusqu’à présent, il a toujours fait un très beau temps, aussi beau qu’on peut le voir au mois de mai. cependant ce jour vers le soir, le temps s’est couvert et la pluie a commencé de tomber la nuit ensuivante.

242Mercredi 30, à 9 heures du matin, M. Lemaire de Droisel est venu chez nous parce que notre frère Adrien Ducat lui avait vendu (le 29 décembre 1790) 25 perches de son jardin vert, devant Pannetier, notaire à Senlis, moyennant 250 livres et qu’il avait mis son contrat au bureau des hypothèques de Crépy le 13 Janvier ensuivant, auquel j’avais formé une opposition à ladite vente le 23 février suivant (parce que j’en avais été averti par une lettre anonyme) il me demanda quelle était mon intention au sujet de cette affaire. Je lui proposai de le subroger207 en mon lieu et place. Nous convinmes de la somme de 270 livres et nous fûmes au Plessis Belleville en passer le contrat chez M. Gibert et nous n’en revînmes qu’à 3 heures après-midi.

Avril

243Le 3 après la grand messe, je m’en fus à Droisel, chez M. Lemaire ainsi qu’il m’en avait fait l’honneur de m’inviter mercredi dernier et avant de diner, il me donna la somme de 270 livres, savoir un billet de 200 livres, un de 60 livres et 10 livres en espèces sonnantes. Ensuite nous dinâmes en la compagnie de MM. Caillet, Madelain, Dugat, Dom Guiremain etc. de Nanteuil. Ensuite du diner, François Tagu et Jean Baptiste Parrain dit le Blond, entrèrent et vendirent pareillement leurs terres à savoir leur part desdits biens audit Sr Lemaire et je suis revenu vers les 8 heures du soir. Ce même jour, ils ont fait à Silly une société de neuf personnes pour acheter le marché des terres des Carmélites de Paris. Le 4, acquisition des terres desdites Carmélites par le Sr François Vigneron, moyennant la somme de 42 100 livres.

244Le 8 au soir, M. Rommetin m’a envoyé une pièce de vin, grosse jauge du cru de Quincy, moyennant la somme de 55 livres 5 sols, tous les frais faits, savoir 54 livres d’achat, 20 sols de frais de voiture et 5 pour le gourmet208.

245Le 21, Jeudi Saint, la Garde Nationale a monté la garde à Silly.

246Le Vendredi Saint 23, il faisait un temps épouvantable pour la pluie.

247Le 24, jour de Pâques, annonce au prône que la Dédicace de cette église est remise au dimanche 8 Mai à cause de la quinzaine.

248Le 26, au matin, M. Vincent marguillier m’a donné un billet de 90 livres pour mon quartier au lieu de 82 livres 10 sols. L’argent commence à devenir rare. L’on n’en voit presque plus. Ce même jour, MM les commandant, major, officiers et toute la garde Nationale de cette commune ont été avec le drapeau et sous les armes (c’est à dire en hommes libres) au Plessis Belleville présenter leurs hommages à M. Jean Louis Brodelet, propriétaire des terres de la ci-devant Seigneurie de Silly, Oissery, le Plessis Belleville, etc. 11 était venu à Silly la veille et a rendu visite à plusieurs209.

[Le Vendredi 29 avril, service pour Marie Jeanne Prévôt ; la première messe fut celle du jour et la seconde fut celle de Requiem ; c’est la première fois de ma vie que je vois chanter une messe de Requiem dans la quinzaine de Pâques, le corps n’étant pas présent.]

Mai

249Le 5, M. Carriat a acquis les terres de Noëfort, très bonnes terres, moyennant la somme de 5550 livres. Il y en a quinze arpents, c’est à dire 370 livres l’arpent. La nuit du 5 au 6, il a gelé très fort.

250Le 8, jour de la Dédicace de cette église, le cousin Thuillier de Roissy et son fils ont soupé et couché chez nous ainsi que le lundi 9 et s’en sont allés le mardi 10. Louis Bontemps et sa fille de Droisel sont venus le jour de la fête.

251On a commencé, ce jour là, à la grand messe à supprimer les gros morceaux de pain béni à tout le clergé et ce à ma requête parce que je savais que cela portait scandale ou plutôt faisait envie à plusieurs et surtout à Tavernier.

252Mardi 17, M. Julien, cultivateur au Plessis Belleville s’est rendu adjudicataire des terres de S. Vincent de Senlis moyennant 40 200 livres.

253Le 19 après midi, j’ai été à Droisel avec une voiture à M. Carriat quérir du bois d’orme que j’avais fait abattre, parce qu’il était mort.

254Le 22, MM les électeurs du district de Crépy se sont assemblées à Crépy pour nommer aux cures dudit District, vacantes par les curés qui ont refusé de prêter le serment prescrit par la Loi.

255Lundi 23, dès 7 heures du matin, nous apprîmes que M. Marienval, vicaire de Silly, était nommé à la cure de Versigny, vacante par le refus du Sr Duroisel. M. Lelong, vicaire de Nanteuil était nommé à la cure de Rouvres en Multien, etc.210.

Fuite des sœurs de charité

256Le 24, MM les officiers municipaux ont fait inventaire chez les sœurs de la Charité de cette paroisse, à trois heures après-midi. Il n’y manquait que Joannet.

257Le 27, à 4 heures 1/2 du matin, M. Carriat est venu frapper à notre porte et me dit d’aller avec lui et les autres officiers municipaux et procureur de la commune chez les sœurs parce qu’elles partaient pour s’en aller. Nous trouvâmes la sœur Robert que M. Carriat avait fait revenir sur ses pas et nous fîmes la revue des effets inventoriés et après lui avoir fait rapporter plusieurs effets non inventoriés, mais que l’on connaissait, elle partit à 7 heures ou environ du matin et nous mîmes ensuite les scellés sur toutes les portes des armoires, buffets et autres bâtiments de la charité tant intérieur qu’extérieur et nous finîmes à 8 heures du matin ou environ.

258Le 29, la nomination des nouveaux curés se fit à Crépy où ils se trouvèrent tous et le lendemain 30 Mai, lundi des Rogations, ils partirent tous à Beauvais pour recevoir l’Institution canonique de Mr l’évêque Massieu211. Cette année nous avons fait toutes les processions. Il faisait un temps très beau, surtout le jour de l’Ascension. On a rafraîchi à l’ordinaire chez nous. Nous n’avons que la grand messe à 9 heures, parce que Mr l’abbé Marienval, vicaire de Silly, est parti ce jour à 7 heures 1/2 du matin, accompagné de la moitié de la Garde Nationale dudit Silly, pour aller prendre possession de la cure de Versigny. le tout s’est fort bien passé et il en est revenu à 5 heures du soir, avec le même cortège.

Juin

259Le 7, mort du Sr Beaucerf, maître d’école de Montagny. C’était un parfait honnête homme. Il est mort du chagrin que lui ont causé sa femme et le prieur dudit Montagny. Départ de M. Marienval pour Versigny.

260La nuit du 13 au 14, lundi de la Pentecôte, il a gelé à glace. Il y eut des haricots de gelés et beaucoup de vignes. Il a neigé en beaucoup d’endroits, la terre était toute blanche.

261Mercredi 15, le Sr Mornet, de Montagny est passé chez nous, à midi. Je lui ai rendu ses deux caractères et vignette et lui prêtai deux caractères, des mieux, un majuscule et l’autre y ravenant. Le même dont est écrit les noms de baptême des douze notables sur le tableau de la Municipalité.

Assemblée primaire

262Dimanche 19, dimanche de la Trinité, on a chanté mâtines à 6 H. du matin, la grand messe à 9 heures et les vespres ensuite à cause de l’assemblée primaire qui se tenait ce jour à Nanteuil pour l’élection de nouveaux électeurs. J’y ai été au sortir du diner et j en suis revenu à 7 heures 1/2. L’on a élu ce jour que le président, le secrétaire, les scrutateurs. A 8 heures du soir, nous avons chanté les complies et le salut. Le lendemain peu de personnes retournèrent à Nanteuil212. Le résultat du scrutin fut en faveur de MM Robinet aîné et Cadet, Carriat, Tempier, Gouillard, Therouenne de Cantemerle et Lavaux de Lagny le Sec, qui furent nommé électeurs.

Fuite du roi

263Le 23, on a fait un reposoir superbe à la Croix de la place où on a été processionnellement ainsi que la Garde Nationale pour la fête du S. Sacrement. Le même jour au soir, j’ai présenté un bouquet à Mr le curé, à l’ordinaire, excepté que je n’ai pas carillonné, rapport aux circonstances213.

264Le 25, messe haute de S. Eloi. J’ai eu 28 sols 6 deniers. Je n’ai point carillonné. La nuit du 24 au 25, le Roi et sa famille ont couché à Meaux en revenant à Paris.

265Le 26, à l’issue des vespres, Mde Boucher est venue chez nous avec Eléonore et Sophie Carriat. Elle m’a donné un billet de 50 livres et 12 livres 10 sols d’argent, pour un quartier de son fils échu le 12 avril dernier. Elle voulait m’en payer deux en billets mais je ne voulus pas. Mr Carriat a reçu contre-ordre pour ne pas partir pour Beauvais.

266Le 28, le Sieur Gibert, laboureur à Nanteuil et commandant de la Garde Nationale a envoyé un courrier au Sr François Vigneron pour l’avertir d’envoyer le lendemain, à 5 heures du matin, 10 Gardes Nationales et qui devaient arriver à Nanteuil pour y coucher et pour les conduire à Dammartin. C’était un lieutenant colonel et deux capitaines. Ils les ont gardés à l’auberge de la Croix d’Or. Ils y ont été le 29 dudit mois dès 4 heures du matin à 11 ou 12 et Louis Beuve en qualité de capitaine. Ils les ont gardés jusqu’à 7 heures du soir qu’ils en sont partis pour les conduire jusqu’à Dammartin, où ils ont couché et en sont revenus le lendemain (petite fête-Dieu) l’après midi. Ils ont eu l’étape à Nanteuil et à Dammartin, chacun selon son grade.

Juillet

267Le 3, à l’issue des vespres, la dame Brodelet, accompagnée du Sr Gibert, notaire au Plessis Belleville, sont venus à Silly où l’on a tiré une cane. Ladite dame Brodelet a tiré le coup d’honneur et a donné 24 livres pour celle qui abattrait ladite cane et 9 livres à Sophie Lefèvre, pour donner un petit bal sur la place où la demoiselle Brodelet a dansé avec Eloi Alexis Boileau. Ladite cane a été abattue le lendemain par Marie Louise Lépine, femme Joannet, dans la matinée. Le même jour, avant les vespres, j’ai été chez Antoine Mercier fils, collecteur de 1790 et percepteur de la contribution patriotique. Il m’a donné 10 livres 9 sols 4 deniers étant les deux deniers pour livre du montant du rôle de ladite contribution patriotique audit Silly, accordés au greffier des municipalités par le décret du 20 Décembre 1790. J’ai fait le deuxième paiement de ma contribution patriotique.

268Le 5, à 5 heures et 1/2 du matin, Antoine Mercier, le jeune, nous a amené une pièce de vin de Quincy, grosse jauge, à raison de 46 livres et espèces sonnantes et 4 livres pour le charriage. Le même vin en billet vaut 52 et 53 livres.

269Le 6 à midi, M. LeBrasseur est venu chez nous et m’a donné 10 livres à compte sur 12 livres qu’il me devait pour des calculs que j’ai fait pour lui. L’après midi, j’ai été au bois de Rosières et en revenant j’ai passé par Nanteuil et j’ai donné à M. Lavenere, marchand épicier, un assignat de cent livres à compte de ce que je lui dois.

270Le 8, j’ai été au bois de Baron, où j’ai enlevé (avec la voiture du Sr Nicolas Vincent) 114 fagots de la vente du Sr Ferry et consorts. Le lendemain, j’ai eu de la même vente cent fagots pour moi, par la voiture de M. Carriat et une corde de bois de quartier pour l’école par la voiture dudit Sr Vincent. Le bois de quartier 24 livres la corde, les fagots 10 livres le cent. Payé chez nous le 20 Novembre suivant.

271Le 13, M. le curé, Mlles ses sœurs et moi, nous avons été diner chez M. le curé de Versigny. Il a plu considérablement l’après midi.

272Le 14, nous avons fait la fête de la Fédération comme l’année dernière à la place de la Croix. Nous étions à peu près autant que l’année passée. Nous avons donné chacun 30 sols et on a retranché à chacun une demie livre de pain et la bouteille de dessert pour quatre. Il a fait un très beau temps ce jour. M. le curé, ses sœurs, M. Carriat et moi, nous avons été souper chez M. Vincent du Chef de la ville.

273Le 16, Martinet a acheté la dépouille du jardin de la Charité 24 livres et 12 sols pour le crieur. J’ai acheté la dépouille de celui du vicariat 7 livres 5 sols et 12 sols pour le crieur. M. Hervaux a loué la grange de la charité 12 livres et 12 sols pour le crieur et en outre de faire remettre la porte où elle était anciennement. Antoine Mercier, le jeune, a été accepté pour receveur des contributions foncières et mobiliaires de cette commune moyennant 6 deniers pour livre du montant de la recette. Laurent Antoine Plocq est sa caution.

274Mardi 19, M. Carriat est parti pour aller en pension à Argenteuil près Paris. Le même jour, 7 garçons de Silly, savoir Charles Mercier, Paul Paradis, Jean Baptiste Nicolas Vincent, François Eloi Vigneron, Nicolas Thuillier, Pierre Félix Vincent, sont partis pour Crépy en qualité de volontaires214 mais ils sont revenus le jour même.

Août

[Mariage de Louis Nicolas Bruxelle et de Marie Catherine Dufour de Rouvres sous Dammartin à 11 heures parce que ladite Dufour était enceinte, le 9 août]

275Le 23, j’ai été à Roissy et le 25, nous avons été à Paris, ma cousine Thuillier, mon frère Rep et moi. Nous sommes revenus à Roissy le même jour et je suis revenu à Silly le samedi 27 Août dans l’après midi.

276Le 28, M. Carriat a parti pour aller à Beauvais pour nommer les membres de l’Assemblée Nationale et en est revenu le vendredi 9 Septembre.

Septembre

277Le 13, le Sr François Gaspard Boucher, est parti pour aller à Chécy chez ses père et mère avec Mde Carriat. Il y a deux ans et 11 mois qu’il était chez nous.

278Le 21 après midi, j’ai été arpenter pour M. Carriat et au soir il m’a donné 125 livres en billette, savoir un de cent livres, quatre assignats et un billet patriotique215 de chacun 5 livres. Il me dit que c’était pour la pension dudit Sr Boucher quoiqu’il ne me fut dû que 5 mois de pension. Le 26, Mlle Boucher de Chécy est revenue chez nous pour emporter l’équipage du Sr Boucher, son frère.

279Le 30, j’ai été à Quincy avec le Sr Charpentier. Nous avons parti à 1 heure du matin et nous étions arrivés à 6 heures audit Quincy. Nous avons acheté chacun une pièce de vin, grosse jauge, la somme de 66 livres, payées en billets de toute espèce.

Proclamation de la Constitution

Octobre

280Le 2, dimanche du S. Rosaire, nous n’avons chanté qu’un nocturne à mâtines parce qu’on devait publier la Constitution à la messe. A 8 heures du matin, nous avons chanté tierce, l’eau bénite et la procession ensuite la Municipalité en corps et la Garde Nationale entrèrent dans l’église et M. le maire s’étant mis dans la stale de M. le curé, publia la Constitution et fut une heure et demie. Ensuite de quoi, on chanta la messe à la fin de laquelle nous allâmes processionnellement près de Champuis en chantant sexte et étant arrivés on a mis le feu à un feu de joie qui avait été préparé à l’avance et pendant qu’il brûlait, nous chantâmes le Te Deum. La garde nationale fit une décharge ensuite nous retournâmes à l’église en chantant des antiennes en action de grâces. On tira plusieurs coups de canon. La Municipalité donna un bal à toute la jeunesse sur la place et on distribua 30 bouteilles de vin et 12 livres de pain. Ce même jour, les cousins DeLahaye d’Acy et les cousins Hubert de Nanteuil soupèrent avec nous.

281Le 3, service du S. Rosaire pour les confrères et sœurs trépassés, dans la chapelle de la Ste Vierge. Notre confrairie est payée.

282Mercredi 12, à 6 heures et demie du soir, on est venu en grande hâte quérir M. le curé pour administrer Marie Catherine Dufour, femme de Louis Nicolas Bruxelle. ML le curé était à Crépy et heureusement M. le curé de Versigny était à Silly. Nous y fumes promptement et nous la trouvâmes dans des convulsions terribles. On lui administra seulement l’Extrème Onction et elle mourut peu de temps après ; elle avait été la veille au Plessis Belleville chez M. Julien. M. Bertrand l’entama pour sauver son enfant qui fut trouvé vivant et porté à l’église où il reçu le baptême et fut nommé François par Jean Pierre Bruxelle et Marie Madeleine Bruxelle, Vve Victor Chaudron vers les 9 ou 10 heures du soir et mourut ensuite.

283Le lendemain matin, on fit le service pour ladite Marie Catherine Dufour, âgée de 22 ans à peu près et son fils de quelques heures, inhumés tous deux dans le même cercueil par M. le curé de Versigny, quoique M. le curé de Silly fut de retour le 13 octobre à midi. La pluie a commencé le 7 octobre et a presque continué jusqu’à ce jour, heureusement pour les semailles parce que les terres étaient comme des cendres, n’ayant pas plu depuis la Fédération du 14 Juillet dernier.

284Le 16 à l’issue des vespres, le Sr Claude André Vigneron a rendu son compte de marguillier. J’ai eu pour la dresse d’icelui papier et copie, deux écus de 6 livres. Il a remis au coffre la somme de 121 livres à peu près, savoir 49 livres 1 sol en argent que M. le curé avait entre les mains du compte du Sieur Hervaux, 16 livres 10 sols que le Sr Nicolas Vincent a donné pour remboursement de sa dragone et 9 livres que le Sr Pierre Charles Vincent a donné pour le remboursement de son sabre et le restant, du compte dudit Sr Claude André Vigneron. On a donné aussi au même instant 6 livres à Nicolas Charlemagne Boileau pour avoir rapporté les armes de Paris, pour la garde Nationale de cette paroisse.

285Jeudi 20, le cousin Nicolas Thuillier m’a fourni 6 sachées de pommes au pressoir, à raison de 6 livres 10 sols la sachée, ce qui fait pour le tout 42 livres 5 sols desquelles j’ai eu une grosse et presque une reimoise de cidre. J’ai payé au cousin Laurent Thuillier, pour la façon, 6 livres 11 sols y compris deux seaux de cidre qu’il nous a vendu auparavant à raison de 28 sols le seau.

286Le 23, à une heure après midi, les dames Tillet, Lefèvre et la Demoiselle Théophile Lefèvre d’Ognes sont venues chez nous et après les vespres ont goûté et ensuite nous sommes convenus ensemble qu’elles mettraient 4 jeunes demoiselles en pension chez nous, savoir 3 à M. Lefèvre et une à Mde Tillet, à raison de 250 livres chacune par an et qu’elles leur fourniraient le coucher et linges. Nous ne sommes tenus que de les nourrir, instruire, loger et surveiller. Elles doivent les amener le Jeudi 3 novembre prochain.

287Le 25 au soir, j’ai été chez le Sr Nicolas Vincent, marguillier en charge. Il m’a donné un billet de 80 livres et un de 50 sols pour mon quartier et j’ai soupé avec lui. Le 26 au matin, il a neigé de grosses papillottes.

Incendie de la ferme du maire

288La nuit du 28 au 29, environ une heure moins un quart du matin, M. Claude André Vigneron est venu frapper à grands coups à notre porte en criant que j’aille promptement sonner l’alarme parce que le feu était aux meules de blé de M. Carriat à bout de la rue S. Pathu. Effectivement quand je fus en haut du clocher, je vis qu’elles étaient embrasées totalement. Je sonnai le tocsin à plusieurs reprises en criant « Allez au bout de la rue de S. Pathu, le feu est aux meules de M. Carriat ». Ensuite, j’y fus et je trouvai beaucoup de monde, mais il était impossible d’éteindre le feu. Il y avait deux meules de blé qui pouvaient contenir environ 11 000 gerbes de blé et qui pouvaient produire environ deux cents septiers de blé suivant la déclaration de M. Carriat. Il y avait tout près desdites meules de blé, une petite meule de chaume à Jean Bruxelle qui était déjà consumée. La Municipalité fait fournir du pain et du vin à ceux qui travaillaient au feu et a payé à ceux qui les ont fourni tel que le Sr Charpentier, sur leur mémoire, le montant d’iceux.

289Lundi 31, après midi, M. André Vigneron m’a fait voiturer 3 cordons de billons en chêne et 50 fagots de la vente du cousin Riblon au bois de Rozières. Il fait un froid très vif depuis quelques jours et la gelée augmente tous les jours.

Novembre

290Le 1^er nous n’avons chanté que le premier et le troisième nocturne à mâtines parce qu’il n’y avait presque personne216 et qu’il faisait très froid. Le jour des morts, nous avons dîné chez M. le curé comme à l’ordinaire. M. le curé de Versigny y est venu. Le temps s’est radouci un peu vers le soir.

291Dimanche 6, M. Carriat a envoyé sa démission par écrit de la charge de maire de la Municipalité.

292Dimanche 13, on a chanté vespres à l’issue de la messe, rapport aux nouvelles élections à faire des membres de la municipalité, qui ont fini vers 8 heures du soir. On n’a point chanté complies. A l’issue des vespres, au banc d’œuvre, Pierre Denisot a été élu marguillier.

[Le 17 Novembre, baptême de Pierre François, fils de Marie Eléonore Victoire Martin, de père inconnu. La chronique scandaleuse lui donne pour père les deux garde-moulins de Silly, Pierre et François Wallier dont il porte les noms. C’est la femme à Coette qui l’a apporté à l’église].

293Le 20, à l’issue des Vespres, le cousin Riblon de Péroy est venu chez nous et je lui ai payé la somme de 41 livres 8 sols pour 264 fagots à raison de 10 livres le cent et 3 cordons de billons pelés à raison de 20 livres la corde. Je lui ai donné un billet de 80 livres et il m’a rendu 6 billets patriotiques de chacun 5 livres, un billet de 50 sols, un de 20 sols et 2 sols en monnaie, ce qui fait en tout 38 livres 12 sols qu’il m’a rendu ; en conséquence je ne lui dois plus rien.

294Le 24 à midi, nous avons sonné une volée et le 25 au matin, j’ai carillonné pour la fête de Ste Catherine. A 8 heures on a chanté la grand messe où Marie Geneviève Catherine Hervaux a porté le gâteau. Après la messe, j’ai été avec une voiture de M. Hervaux au bois de Montagny, quérir 218 bottes de bruyère, moyennant 10 livres pour le tout. Nous sommes revenus à 4 heures après midi. C’est le suisse de Montagny qui me les a vendues, livrées et je l’ai payé chez le Sr Mornet où nous avons rafraichi en passant.

Décembre

295Le 1^er, fête de S. Eloi. J’ai carillonné au matin. A la messe, j’ai eu 20 sols 9 deniers, savoir deux billets de chacun 5 sols et 10 sols 9 deniers de monnaie et M. le curé a eu un billet de 30 sols. Le même jour, après midi, Jean Pierre Ganneval nous a apporté une couchette neuve, à bas pilliers, qu’il nous a faite, pour notre cabinet, à raison de 15 livres. Je lui ai donné 11 livres 10 sols en billets et 3 livres 10 sols pour l’enterrement de son frère le 25 Janvier dernier, ce qui fait la somme de 15 livres. Ce même jour, j’ai été souper chez le Sr Nicolas Vincent où étaient les Srs Hébert et Nottin.

296Dimanche 4, Pierre Laurent Vincent a commencé à porter le surplis.

297Lundi 5 à midi, nous avons sonné une volée des trois grosses cloches. Au soir, je n’ai sonné que la grosse moyenne.

298Mardi 6, Fête de la S. Nicolas, j’ai carillonné au matin. C’est Jean Charles Vigneron qui a rendu le gâteau et c’est Nicolas Etienne Marc Vincent qui a pris le chanteau. Il n’y a pas eu de fête à l’école cette année parce que tout est extraordinairement cher. Cependant Louis Laurent Deboves, Sophie Charpentier et son frère, le petit Fieffé et Jean Charles Vigneron ont dîné avec nous, parce qu’ils ont donné pour faire la fête. Ils ont joué le reste de la journée avec d’autres enfants.

299Jeudi 15 à midi, Mr Lefevre et Mde Tillet d’Ognes, sont venus chez nous et m’ont payé un quartier de la pension de leurs enfants qui échoira le 4 Février 1792, savoir Mr Lefèvre 187 livres 10 sols et Mde Tillet 62 livres 10 sols, ce qui fait en tout 250 livres. Ce même jour, le petit Charpentier a chanté l’O Sapienta.

300Dimanche 18, Nicolas Etienne Marc Vincent a chanté O Clavis David et j’ai été souper chez eux le même jour.

301Mercredi 21, Isidore a été tenir sur les fonts baptismaux un enfant mâle de notre frère Pascal, à Nanteuil, avec le cousin Nicolas Thuillier, fils.

1792

Janvier

302Le premier jour de l’an au matin, la maîtresse et moi, nous avons été chez Mr le curé, comme à l’ordinaire. Ce même jour nous avons commencé les mâtines par le 2^e nocturne. Deseaues et Barthémémi Cholet ont repris la chappe à la messe. Le soir, j’ai été souper chez le Sr Nicolas Vincent avec M. Bertrand.

Baptême civique

303Baptême de Louis Zacharie Vincent, dont voici l’extrait de Pacte de baptême :

L’an mil sept cent quatre vingt douze, le quatorze Janvier, Louis Zacharie, né avant hier du légitime mariage de Nicolas Vincent, cultivateur de cette paroisse et de Victoire Meunier, a été cejourd’hui baptisé par nous, prêtre Curé, soussigné et a reçu la cocarde de la Liberté, des mains de la Garde Nationale de cette paroisse. Le parrain, Louis Marie Prudhomme, Editeur des Révolutions de Paris, la marraine Marguerite Meunier (femme du Sr Duchoisel) demeurant en la paroisse S. Laurent dudit Paris, qui ont signé avec nous, Prudhomme, Meunier, Pierre André Vigneron, Lieutenant, Bourget Curé de Silly217.

304Le parrain m’a donné 3 livres en une pièce, enveloppée dans du papier et cachetée. Une partie de la Garde Nationale y était, le tambour et Langlois avec son violon. M. le curé était tout arrivant de Paris. Il faisait froid. La veille de ce baptême, la Roze, femme de Louis Bontemps, nous a apporté un jambon.

305Mercredi 18, M. Mercier m’a envoyé chercher une voiture de bois d’orme à Droiselles chez Louis Bontemps. C’est Louis Beuve qui a été charger à ma place.

306Samedi 21, j’ai été recevoir mon quartier chez le compère Louis Deseaues, marguillier en charge. Je lui ai donné quittance sur papier timbré : 82 livres 10 sols.

307Dimanche 22 après Vespres, j’ai été chez M. Mercier de la Rochette et je lui ai achepté 3 septiers de blé, froment criblé, mesure de rivière à raison de 27 livres le septier. Je lui ai donné un billet de 50 livres à compte et nous sommes convenus que je lèverais ledit blé au fur et à mesure que j’en aurais besoin.

308Mardi 24, Rebat, chasseur du Sr Hervaux a été lever un septier de blé pour moi, chez M. Mercier de la Rochette. C’est le premier des trois que je lui ai achetés dimanche dernier. Tout est hors de prix actuellement, le blé a été vendu vendredi dernier à Nanteuil 30 livres le septier, le sucre vaut 3 livres, le savon 20 sols, la chandelle 18 sols. Nous sommes dans un temps de détresse.

309Vendredi 27 au matin, M. Mercier l’a envoyé le second septier de blé. C’est 4 livres que je lui dois maintenant. La veille, il a été vendu à Dammartin, mesure du lieu, 28 et 29 livres le septier. Le Sr LeBrasseur (Amable) est venu le 26 janvier, pour convenir avec les acquéreurs des terres de Chaalis, du prix de la dîme, mais nous n’avons rien fini définitivement : nous lui avons laissé à 4 livres 10 sols l’arpent. Il a convenu en quelque façon mais il nous a dit que ce serait à condition que M. son père y consentirait.

Février

310Le 12, j’ai diné chez M. le curé et après lequel il m’a donné la somme de 40 livres pour la façon de son jardin et de son parterre, pour l’année dernière.

311Le 13, les commissaires-adjoints pour la contribution foncière ont commencé à aller sur le terrain, dans les champs pour numéroter les classer les pièces parce que tout ce que l’on a fait l’année dernière ne vaut rien.

312Le 14 dans la matinée, M. Mercier m’a envoyé une grosse de vin du crû de Quincy. Elle me coûte tous frais faits, la somme de 60 livres. Il m’a fait présent du charriage. Je lui ai payé les 4 livres que je lui devais sur les deux septiers de blé que j’ai levé chez lui le 27 Janvier dernier. Ce même jour, au soir, chez le Sr Pierre Charles Vincent, laboureur et cabarretier audit Silly, j’ai vu vendre trois écus de 6 livres la somme de 27 livres en billets patriotiques. C’est le nommé Vincent Brayer, marchand boucher à Dammartin qui les a vendus à Eloi Daux, bourrelier et maire de Silly. On ne voit plus d’argent et on ne veut plus de billets d’aucune municipalité. On n’en veut plus que ceux de Paris.

313Le 22, mercredi des Cendres, à midi, tous les acquéreurs des terres de Chaalis se sont rassemblés à l’école pour payer l’annuité desdites terres qui échoit le lendemain 23 dudit mois de février. J’ai payé pour ma part la somme de 119 livres 5 sols parce que nous avons mis chacun 5 sols par arpent pour les frais relatifs à cette opération, ce qui peut produire une somme de 12 livres environ. Mon cousin Laurent nous a fait présent pour 6 ou 7 francs de miel que nous lui devions et ce, pour ma peine d’avoir dressé le tableau desdites annuités, lesquelles montent à la somme de 4658 livres 10 sols 6 deniers par an parce que M. Berson a remboursé les siennes le 27 juin dernier.

Mars

314Le 14 à midi, Louis Bontemps, de Droiselles, est venu chez nous et m’a donné la somme de 58 livres 5 sols, savoir 52 livres 5 sols en billets patriotiques et un écu de 6 livres et 43 livres 5 sols qu’il a payé en mon acquit, pour réparations faites à la maison où il demeure et y compris deux pommiers et un poirier qu’il a achetés et plantés dans le jardin de ladite maison. Le tout ensemble fait la somme de 101 livres 10 sols, savoir 92 livres pour une année de loyer, 4 livres 10 sols pour l’appréciation de la dîme et 5 livres pour celle de la Taille. Je lui ai donné quittance sauf erreur dans les appréciations.

Nouvelle crise frumentaire

315Jeudi 15, à Dammartin, le peuple a fait donner le blé à raison de 25 livres le septier. Il n’y avait pas un laboureur présent.

316Vendredi 16, à Nanteuil le Haudouin, le maire du lieu (Cadet Maugras) a fait donner le blé en dessous la halle à raison de 20 livres le septier et n’en ayant pas assez à fournir aux acheteurs il en fit venir de chez le Sr Frémin et en fit mesurer dans les greniers du Sr Aubry. C’est presque partout de même, l’on entend parler d’émeutes populaires de tous côtés218.

317Mardi 20 après-midi, Mde Lefèvre d’Ognes et une des Dlles Tillet sont venues chez nous. Mde Lefebvre m’a donné 125 livres en billets, savoir deux de 50 livres chacun et deux de 10 livres et un bouquet de 5 livres et ce pour deux mois de pension de ses trois filles, qui échoiront le 4 avril prochain.

318Vendredi 23 dans l’après-midi, Melle Victoire Tillet, est partie de chez nous pour s’en aller chez Mde sa mère, pour se faire traiter, étant malade. Le même jour, 7 gardes nationaux de cette paroisse, savoir Pierre André Vigneron en qualité de lieutenant, Laurent Thuillier, Louis Beuve, Louis Legrand, Laurent Boileau, Deboves fils et Pierre Eloi Martin ont été à Nanteuil pour la garde de la halle. Malgré cela il n’y a pas eu de prix fixé pour le blé et le méteil de même. On a vu la tête du blé se payer 20 livres et du méteil 20 livres.

Retour des sœurs de charité

319Dimanche 25, à l’issue des vespres, on a tenu assemblée des paroissiens au banc d’oeuvre, pour répondre à la lettre de la supérieure des sœurs de la Charité, qui demande (avec hauteur, pour ne point dire autrement) la somme de 300 livres chaque sœur et en outre qu’on leur fournisse tout le linge qui leur est nécessaire, le blanchiement, la lumière, le bois, le sel etc. On leur a accordé le tout. Je tâcherai d’avoir copie de cette lettre, qui est d’un style vraiment insultant.

320Le lendemain 26, fête de l’Annonciation, à midi, la Municipalité a fait la description des bâtiments de l’école et de la Charité. On a évalué la maison, bâtiments cour et jardin de l’école 48 livres de loyer. Ceux de la Charité, y compris le Jardin ont été évalués 80 livres de loyer et ce, par ordre du district.

Avril

321Le Mercredi Saint, 4, j’ai donné au maire de Silly (Eloi Daux) l’évaluation de ma place de maître d’école etc. ainsi que le district le demandait. Il l’a signée dans l’école, de là, il fut chez François Lefèvre et Louis Desaues qui signèrent, ensuite, il fut chez Eloi Deboves à qui il dit de le suivre chez Joannet (tous officiers municipaux) et là ils changèrent la somme de 330 livres portée sur ledit état et que je reçois véritablement de l’église en celle de 230 livres parce que j’avais eu la maladresse de mettre les sommes en chiffres, ce qui était un faux.

322Le lendemain matin, François Lefèvre et Louis Deseaues sont venus protester contre ladite fausseté parce qu’elle avait été faite après qu’ils eurent signé et je partis de suite pour Crépy, présenter ledit faux au directoire du district, avec l’extrait de l’acte qui m’accorde la somme de 330 livres. Le président voulait sévir sur le champ contre ledit Daux mais je l’ai prié d’oublier cela, ce que j’obtins avec beaucoup de peine. Il faisait un temps épouvantable. Je suis revenu pour les ténèbres.

323Mardi 10, location du jardin du vicariat à Jean Pierre Martin, dit Martinet, pour neuf années219, moyennant 10 livres par an et le bout de chemin de l’Embûche à Pierre Antoine Denisot et Pierre Alexis Francart pour une année moyennant 38 livres et 24 sols pour le crieur. Je ne crois pas que ces derniers aient jamais payé cette somme. Le même jour, affiche à la porte de l’église, je ne sais par qui, pour faire le baccanal de batteurs en grange.

324Le lendemain 11, les batteurs en grange de cette paroisse, dès le matin et à 9 heures 1/2 du matin, ont sonné la cloche pour se rassembler. Le 12, ils l’ont sonnée de même plusieurs fois, mais ce fut en pure perte. MM. les fermiers ne s’assemblèrent point et ils furent obligés de travailler comme auparavant.

325Le 12 toujours, à midi, MM. les maire, officiers municipaux, notables et moi secrétaire greffier, allâmes à la maison de la Charité de Silly pour procéder à l’inventaire des meubles et effets de ladite maison, lequel inventaire fut fait le 24 mai 1791. Vérification faite le tout s’est trouvé conforme à icelui et même de plus ; de laquelle reconnaissance, acte en a été dressé au bas dudit inventaire et signé des assistants et de la sœur Marie Millot, sœur de la Charité demeurant à Nanteuil qui était présente. Le même jour vers les 6 heures et demie du soir, la sœur Madeleine Robert qui s’en alla le 27 mai 1791 parce que dit-elle alors, elle ne pouvait plus rester à Silly où était un curé constitutionnel et excommunié, revint avec une autre sœur (probablement parce que on leur donnait à chacune 300 livres, le linge, le bois, la lumière, le sel etc. le tout accordé dans l’assemblée du 25 mars, ce qui est plus qu’il n’en faut pour lever l’excommunication et tout scrupule, Ah, mon Dieu !…). Des femmes et des filles de cette paroisse sonnèrent les quatre cloches à leur arrivée à l’église, ensuite des hommes et des garçons sonnèrent deux accords, comme on aurait fait autrefois, à la prise de possession d’une cure ou d’une seigneurie220.

326Vendredi 13, Melle Tillet est revenue au matin chez nous. Elle en était partie le 23 mars dans l’après midi. C’est 20 jours qu’elle a été absente de chez nous.

327Dimanche 15 de Quasi-Modo, M. le curé a oublié de dire Introibo, il a commencé la messe par le Kyrie eleison et ce par distraction causée par tous les malheurs dont nous sommes environnés et menacés. La nuit dernière, on a mis le feu à une meule de blé de M. Nottin, cultivateur à Brégy. L’on entend parler que de malheurs de tous côtés. Toutes les denrées sont hors de prix : le vin de brie vaut actuellement 72 livres la pièce, le sucre 3 livres, le café en grains 44 sols, le savon 20 sols la livre, l’eau de vie un peu passable 40 sols la bouteille, l’huile d’olives 40 sols la livre, encore nous menace-t-on que nous n’en aurons pas encore longtemps. J’ai été à Nanteuil samedi dernier régler et payer M. Lavenere. Je lui ai donné 12 livres au moins plus que je ne pensais lui devoir, quoique j’ai mis les marchandises au plus haut prix, suivant moi. Nous sommes actuellement quittes. Nous sommes dans une grande calamité.

328Vendredi 20 au matin, chez nous, le compère Deseaues, marguillier en charge m’a payé mon quartier qui échoit le lendemain 21, 82 livres 10 le tout en billets patriotiques, savoir un de 20 livres, douze de 5 livres et un se 50 sols.

329Dimanche 22, M. le curé a fait faire la première communion à 21 enfants, savoir 12 garçons et 9 filles, entr’autres jean Pierre François Bonnefoy, Laurent Deboves, Pierre Antoine Vincent, Claude Charles Thuillier, deux à la Vve de Me Etienne, Marie Charlotte Hervaux, Marie Geneviève Lefèvre, Françoise Zéphirine Béga, Marie Catherine Pascal Chaudron, etc. Le même jour, à l’issue des vespres, M. Carriat m’a envoyé par Eléonore, sa fille, 24 livres en pièces de 6 livres pour remettre aux sœurs de Charité, lesquelles 24 livres provenaient de leur inventaire. Je les ai remis le lendemain matin à la sœur Robert en présence du maire et de Joannet, ladite sœur Robert m’en a donné reconnaissance.

Mai

330Mardi 15 au soir, le compère Louis Deseaues comme marguillier en charge, m’a payé la somme de 29 livres 19 sous, à quoi s’est trouvé monter le mémoire approuvé et arrêté

331de M. le curé et des principaux habitants de cette paroisse. Il contient le nom des filles pauvres qui se sont trouvées à mon école pendant l’absence des sœurs de la Charité221.

332Mercredi 16, M. Mercier m’a envoyé deux cordes de bois de brigot en orme, de chez lui, moyennant 20 livres la corde.

333Le Jeudi 24 au soir, M. Mercier m’a envoyé une grosse de vin du crû de Quincy, elle coûte 80 livres d’achat.

Juin

334Vendredi 8, j’ai payé à Martinet la somme de 15 livres 15 sous pour 10 jours 1/2 qu’il a travaillé chez M. le curé et chez nous.

335Le Samedi 9, à 10 heures du matin, Mde Tillet est venue chez nous et m’a donné un assignat de 60 livres et un billet de 50 sous pour 3 mois de pension de Mlle Victoire Tillet, sa fille, échus le 4 mai dernier.

336Le 23, un peu avant le Salut, nous avons présenté un bouquet à l’ordinaire à M. le curé. Il m’a donné un corset et un billet de 20 sous, ce qui fait 6 livres. Je n’ai point carillonné en tout, rapport aux circonstances critiques où nous sommes222.

337Lundi 25, messe haute de la S. Eloi, il y eut 57 sous à la quête. Ce même jour, on nous a ramené une sachée de farine de blé que le Sr Nicolas Vincent m’a vendue, à raison de 28 livres le septier. Il vaut actuellement 34 à 35 livres. Tout est hors de prix.

Juillet

338Samedi 21, j’ai été à Crépy porter la matrice du rôle de la paroisse de Silly. Je l’ai commencé le 8 mai dernier et je ne l’ai fini que ce jourd’hui.

339Mercredi 25, j’ai été diner chez M. le curé de Versigny. M. le curé de Silly y était ainsi que M. le prieur de Montagny et la veuve Beaucerf. Ce même jour, j’ai reçu mon quartier sur l’église.

340Vendredi 27, j’ai été au bois de Rozières, à la vente du Sr Dufresnes d’Ormoy. J’ai eu pour mon compte 250 fagots et une demi-corde de bois billon de chêne. Les fagots, 10 livres le cent et le billon 20 livres la corde. On a aussi voituré le bois pour les deux écoles de Silly, de ladite vente, payé au fils Dufresne, le mardi de Pâques, 2 avril 1793, dans l’école, avant la messe. Boucard, trésorier de la Municipalité223, a payé aussi le même jour, le bois des écoles.

341Dimanche 29, on a chanté les vespres à Tissue de la messe, rapport à l’assemblée primaire, tenue à Nanteuil, pour la nomination d’un juge de paix, vacant par la mort de M. Besançon. On n’a point fini ce même jour et la séance a été ajournée à dimanche prochain 5 août. Toujours des cabales ! Ce même jour, dès le matin, plusieurs garçons de cette paroisse, plantèrent un arbre de la Liberté dans la place devant la place de l’école. Ils l’ont été arracher au bout du chemin de Chévreville, dès la veille au soir224.

Août

342Vendredi 3, M. Lefèvre d’Ognes est venu chez nous à deux heures après midi et m’a payé la somme de 250 livres en trois billets, savoir 2 de cent livres chacun et un de 50 livres, pour la pension de ses trois enfants jusqu’au 4 du mois présent, quoique Mlle Marie Anne ait quitté dès le 8 Juillet dernier. C’est 19 livres qu’il me fait présent. Elles doivent partir toutes ce soir pour aller passer la moisson chez leurs père et mère.

343Mercredi 8, j’ai levé un septier de blé chez M. Vincent, du Chef de la ville, mesure de Dammartin. Il m’en fait présent parce que feu son père, dans le temps, m’avait promis un septier de blé, si j’apprenais l’arpentage à son fils, ce que j’ai fait, mais il ne me l’a pas donné et c’est ce septier là que M. son fils me donne aujourd’hui. Je l’ai conduit au moulin tout de suite. Ce même jour, j’ai payé audit Vincent la somme de 28 livres pour le septier de blé que j’ai eu chez lui le 25 Juin dernier.

344Jeudi 9 au soir, j’ai été à Nanteuil chez M. Lavenere et j’ai donné à Mde son épouse, un billet de cent livres, à compte sur ce que je lui dois.

345Vendredi 10, au matin, le Sr Ladeux de la Malnourry, m’a envoyé une feuillette de bière de Soissons, moyennant la somme de 25 livres. J’en ai eu 110 bouteilles et environ 15 bouteilles de répandues. Ce même jour, j’ai été à Nanteuil avec M. Bertrand, où nous avons appris qu’il y avait de grands troubles à Paris et de grands désordres, tels que le massacre horrible des braves Marseillais et la suspension du Roi225.

La chute de la monarchie

346Les Dimanche et lundi 26 et 27 Août, nous avons été à l’Assemblée primaire de Nanteuil, pour nommer 8 électeurs, pour aller à Chaumont226 et là, nommer des députés pour la Convention Nationale. Les 8 électeurs de ce canton sont MM. Lerminier, Lavenere (épicier), André, Robinet de Droiselles, Gouillard, Maugras maire de Nanteuil, Tampier et Villot, le jeune, dit Cadet. Nous n’étions que 7 ou 8 de Silly le lundi227. Ce même jour à Nanteuil, nous avons vu passer les trois députés de l’Assemblée Nationale qui avaient été retenus à Sedan (MM. Antonelle, Kersaint et Péraldi)228. Nous apprîmes aussi la nouvelle de la prise de Longwy par le Roi de Prusse à la tête de 80 000 hommes, le 22 Août dans la matinée. C’est plutôt la reddition que la prise de cette ville, car les lâches qui étaient dedans ont ouvert les portes plutôt que de se défendre. Les traîtres !229

Septembre

347Mercredi 5, la sœur Robert et sa compagne ont quitté le costume des sœurs de la Charité, pour prendre celui des autres femmes, et ce parce que la loi l’ordonne. Le même jour à Meaux, la garde Nationale dudit Meaux, à la sollicitation de celle de Paris, a massacré 7 prêtres réfractaires, entr’autres M. Duchêne, ancien curé de S. Nicolas de Meaux, l’abbé Meignen, l’ancien curé de Monthion et 7 criminels230. Le Sr Duchêne a passé le premier. Ils les ont percés à coups de bayonnette. Ils ont coupé la tête dudit Duchêne et l’ont portée au bout d’une pique jusque vers Château Thierry. J’ai entendu dans notre maison, des enfants de Silly, demeurant à Meaux se vanter d’avoir participé à ces massacres. C’était le grand ton du jour. En mon particulier, je suis très persuadé qu’un jour viendra où ils auront horreur eux-mêmes d’avoir tenu de tels propos, surtout n’y étant pour rien, comme je le présume. Aujourd’hui la plupart des têtes sont tournées : l’on entend parler que de massacrer, de guillotiner, pendre à la lanterne etc. Quelle horreur mon Dieu !231

348Les 2 et 3 dudit mois de septembre et jours suivants, on en a massacré un nombre infini à Paris et ailleurs. Nous sommes dans un temps cruel. L’on entend plus parler que de massacres tous les jours. Nos ennemis s’avancent vers la capitale.

349Jeudi 13, vers les 5 heures 1/2 du soir, étant à Nanteuil chez Trichet, aubergiste à la Croix Blanche, le Sr Maugras, maire de Nanteuil vint me quérir pour aller avec lui chez Mde LeBrun à la Croix d’Or où étaient MM. Jean Debri, Merlin de Thionville et Legendre, députés de l’Assemblée Nationale et commissaires du Conseil Provisoire exécutif. Comme ils demandaient à voir les maires des communes environnantes, je me présentai en qualité de maire de Silly et ce, pour avoir la facilité de voir des députés de l’Assemblée Nationale (tant il est vrai que les hommes sont toujours les mêmes, c’est à dire des enfants). M. Merlin me demanda si l’on était patriote dans notre pays ? Je lui dis que la municipalité avait offert à la patrie tant de fusils garnis de bayonnettes, tant de sabres, de gibernes, banderolles, etc. Il me répliqua avec hauteur que nous avions fait un présent qui ne nous appartenait pas et que tout appartenait à la Nation. Ensuite, Jean Debri, nous recommanda très pathétiquement de faire fournir du blé pour la ville de Paris, parce que si les Prussiens venaient à pénétrer dans ce pays-ci, lui-même viendrait mettre le feu à ces pays-ci, afin que les ennemis n’y trouvent rien et que s’ils venaient à Paris, l’Assemblée Nationale se retirerait au Midi de la France. J’ai remarqué une chose qui nous fit rire après qu’ils furent partis, c’est qu’en prenant un verre de vin avec eux, qu’ils nous présentèrent, le Sr Maugras, en les saluant, dit : M. Merlin, j’ai l’honneur de vous saluer, celui-ci le reprit vivement : « on dit à ta santé mon ami Merlin, parce que nous sommes tous frères ». Peu après, ils remontèrent dans leur voiture pour s’en retourner à Paris. Tout en descendant l’escalier de la chambre où ils avaient diné, M. Jean Debri ne cessait de crier avec force : « Croyez moi, recommandez à vos fermiers de fournir du blé le plus promptement possible si ils veulent être sauvés ». le Sr Gibert et autres fermiers de Nanteuil étaient là qui les écoutaient sous la grande porte de la Croix d’Or.

350Mercredi 18, Jean Nicolas Martin Boucard, Charles Moisy, Pierre Théodore Billy, Jean Louis Charlemagne Courtier, Germain Foucaut, Jean Eloi Deboves, Joseph Lépine et Pierre Ange Vincent sont sortis en qualité de volontaires pour aller défendre la patrie. Ils sont partis, dis-je, à neuf heures du matin pour aller à Crépy. Ils ont eu chacun un fusil, garni de sa bayonnette, une giberne garnie de la banderolle et une ceinture de chasseur. Chacun 30 livres et habillé en garde national où 64 livres, ce qui fait à chacun 94 livres que Louis Deseaues, marguillier en charge, leur a donné, par délibération du 9 dudit mois, sans compter la quête qu’ils ont faite dans Silly avant de partir.