Avril 1855

1Le premier de ce mois j’ai prêché deux fois à Grougis. Les trois premiers jours de la semaine je les passai à Bertry où je prêchai le mardi soir. Le jeudi 5 je retournai à Grougis où je prêchai le soir. Le 6, Vendredi Saint, j’ai prêché à neuf heures du matin à Grougis. Le samedi 7 je fis des visites. Le 8, dimanche, jour de Pâques, j’ai prêché deux fois à Grougis. Le 9, lundi, j’ai quitté mon poste de Grougis. Je suis allé à Fresnoy, de là à Bertry où j’ai trouvé M. Levasseur à qui j’ai remis la clef de mon logement à Grougis parce que c’était lui qui devait m’y remplacer. J’ai causé avec lui sur l’état de l’œuvre évangélique de Grougis.

2J’ai passé toute la semaine à Bertry, ne sachant pas où je serais employé. Plusieurs me disaient que je devais aller à Verdun, mais personne ne m’en donnait l’ordre. M. Guiral me conseilla d’aller aux réunions des Sociétés à Paris, parce que là je pourrais savoir quelque chose318. Le 15, dimanche je prêchai deux fois. Le 16 je fis des visites et le 17 je prêchai à Bertry.

3Le 18, mercredi, je partis pour Paris. Je suis arrivé chez votre frère à La Villette. Le 19, jeudi, j’ai été à la réunion de la Société des Missions Evangéliques à la Chapelle Taitbout. J’ai vu le cousin Héliodore319. Le 20, j’ai été à la réunion de la Société Biblique. J’y ai vu M. Guiral. Je lui ai demandé à qui je devais m’adresser pour savoir quelque chose touchant mon affaire. M. Guiral me dit : « Je n’en sais rien. Venez ce soir à l’Oratoire, à la réunion de la Société Centrale. Après le service nous parlerons à ces Messieurs ». Je me trouvai ce soir à l’Oratoire avec le cousin Héliodore et votre frère. Après le service je parlai à M. Guiral et je lui dis : « Que faire ? » Alors il me dit : « Il faut, demain, chercher à parler à M. Rosselet. c’est lui qui remplace M. Ventes320 dans ses fonctions de secrétaire, car M. Vernes est absent ». Je lui dis : « Mais où demeure M. Rosselet ? ». « Je n’en sais rien, me dit M. Guiral, mais vous pourrez avoir son adresse chez Grassart »321.

4Le 21, samedi, j’ai été chez Grassart lequel m’a donné l’adresse de M. Rosselet, rue Neuve St Eustache. Je trouvai M. Rosselet chez lui. Je lui dis le but de ma visite et qui j’étais. Ce monsieur fut bien surpris de ce que je n’étais pas à Verdun parce que l’on m’y comptait, mais le départ de M. Vernes avait fait négliger les affaires. On croyait que M. Vernes m’avait écrit. M. Rosselet me donna l’adresse de M. Newenham, de Verdun, et lui, de son côté, écrivit à M. Newenham pour lui donner la mienne322. Et tout fut arrangé. Je devais aller à Verdun.

5Le 22, dimanche, j’ai été avec votre frère à la chapelle, rue de Chabrol323. J’y ai entendu M. Lenoir. J’y ai rencontré cousin Héliodore. Le 23, lundi, je retournai à Bertry. J’ai visité M. Guiral à Saint-Quentin. J’ai passé la semaine à Bertry. J’y ai prêché le mardi. J’ai écrit à M. Newenham et j’ai reçu une de ses lettres, laquelle s’était croisée avec la mienne. J’en reçus une seconde. Tout est arrêté. Le 29, j’ai prêché à Bertry plusieurs fois. Le 30, lundi, j’ai fait des visites d’adieu.

Mai 1855

6Les premiers jours de ce mois je fis des préparations de départ. Le 3, jeudi, je partis avec Jérémie Moity de pied pour aller à Saint-Quentin où le messager de votre oncle Léopold avait conduit ma caisse. Là nous prîmes le chemin de fer pour Paris où nous arrivâmes vers dix heures du soir. Votre frère et Charles Moity nous attendaient à la gare. Votre frère prît ma caisse sur son épaule et la porta à l’embarcadère de Strasbourg pour le lendemain. Nous bûmes ensemble quelques verres de bière et nous nous en allâmes coucher. Le 4, vendredi, départ pour Verdun à neuf heures du matin. Je suis arrivé à Bar-Le Duc à trois heures et demie du soir. J’ai pris la diligence et je suis arrivé à Verdun vers huit heures, chez M. Newenham. Le 5, samedi, je fis des visites avec M. Newenham pour connaître un peu la ville et quelques-uns des protestants. Le 6, dimanche, je prêchai la première fois à Verdun sur I Cor., II, 2, et après-midi je prêchai sur Matt., V, 1 à 4324.

7Le 7, lundi, je cherchai un logement que je trouvai chez Madame Burthi. Deux petites chambres au second, vue du nord, sur la cour. Le 9, mercredi, je me mis en garni. J’étais malade, il faisait froid et il pleuvait, c’est pourquoi j’aimais à être chez moi. J’écrivis à Grougis et à Mennevret et je fis la rédaction de mon Journal. Les trois jours suivants j’étudiai et je fis des visites en ville. Le 13, dimanche, j’ai fait deux services à Verdun. Le 14, lundi, j’ai étudié et je reçus mon passeport de Bertry. J’ai envoyé à Léopold une petite instruction pour l’Eglise de Bertry et j’ai reçu une lettre de Grougis.

8Le 15, mardi, j’ai été avec M. Newenham à la recherche des protestants dans les communes de Sommedieue et Haudainville325. Dans ce dernier village nous avons trouvé une protestante allemande, veuve, nommée Mme Baudet. Elle reste avec sa fille qui est mariée à un garde forestier nommé Scalabrino. Ces jeunes gens sont catholiques romains. Ils ont trois enfants. Dans le même village, il y a une autre famille protestante. Ce sont des Allemands. Le mari est berger. Ils ont trois demoiselles. Je les ai exhortés à venir au culte à Verdun. Ils me l’ont promis.

9A Sommedieue nous avons trouvé un meunier nommé Lange avec sa femme. Ils n’ont plus d’enfant avec eux. Le mari ne peut guère sortir à cause de son état. La femme a promis de nous venir voir à Verdun.

10Le 16, j’ai visité une famille juive. Le 17 j’ai écrit à Fénelon Fleury. Ensuite je prêchai à onze heures, car c’était le jour de l’Ascension. A deux heures je fis une instruction religieuse pour les jeunes gens dont le nombre était trois. Le 18, vendredi vers neuf heures du matin, je partis en voiture avec M. Newenham pour aller à Raffecourt, écart de Béthincourt, village éloigné de vingt kilomètres de Verdun326. Là nous trouvâmes une famille d’anabaptistes : le père, la mère, un fils et trois demoiselles327. Le fils et la sœur aînée étaient baptisés, mais les deux autres demoiselles ne le sont pas encore. Elles ne le seront que pour faire leur première communion, ce qu’elles espèrent faire bientôt.

11Le père nommé Albert Christophe est très malade de consomption. Nous sommes entrés dans sa chambre. Je lui ai parlé du pardon de ses péchés par le sang de Jésus Christ. Il m’a dit qu’il n’avait jamais fait de mal à personne et qu’il n’avait jamais fait de grands péchés. Je lui montrai par la Parole de Dieu qu’il n’y a point de justes sur la Terre, qu’il ne faisait point exception à la règle, que les justes sont couverts de péchés, que le salaire du péché c’est la mort et que tous les hommes ont besoin de pardon. Je lui annonçai donc le pardon de ses péchés par la foi en Jésus-Christ qui s’est donné en sacrifice pour nous sauver. Je fis la prière près du lit du malade. Toute la famille assistait et une douce émotion était en chacun. Après la prière nous eûmes un entretien avec la mère et les demoiselles. Nous les exhortâmes fortement à lire la Parole de Dieu et à venir à notre culte à Verdun. Ce qu’elles nous promirent.

12Le 19, samedi, nous avons été à Baleicourt328 visiter M. Fouquet. Cet homme et sa dame paraissaient bien disposés. Ils sont romains. Le 20, dimanche, j’ai prêché deux fois à Verdun. Le 21, lundi, j’ai été à Moulainville329 visiter les MM. Le grand. Ces hommes sont des anciens catholiques romains. Bien disposés. Le 22, j’ai écrit à M. Schmidt, pasteur à Nancy,330 pour le prier de m’envoyer une délégation de la part du Consistoire pour me mettre à l’abri des tracasseries que pourrait me susciter le clergé. Le 23, mercredi, j’ai été à Haudainville pour des visites. Le 24, jeudi, j’ai fait une instruction religieuse aux jeunes gens. Le 25, j’ai écrit à Jérémie. Le 26, j’ai été à la synagogue juive. Le 27, dimanche, Pentecôte, instruction religieuse le matin, prédication à onze heures, distribution de la sainte Cène. Après-midi élection au scrutin secret d’un conseil de diacres. Prédication de l’Evangile à trois heures. Les 28, 29 et 30, études et visites aux amis de Verdun. Le 31, j’ai fait mon instruction religieuse aux jeunes gens.

13Maintenant que je suis établi à Verdun et qu’il y a un culte régulièrement le dimanche à onze heures du matin et à trois heures de l’après-midi, il n’en sera plus question dans mon rapport. Je ne parlerai chaque mois que de ce qui déviera à cette règle et des voyages particuliers. Quand je ne serai pas ailleurs je serai censé être à Verdun. Et quand il y aura quelque changement dans l’ordre des cultes, il en sera fait mention. Je suis à Verdun tous les dimanches. Je prêché à onze heures du matin et à trois heures du soir. Le jeudi de chaque semaine, il y a une instruction à deux heures après-midi331.

Juin 1855

14Le 4, lundi, je suis parti le matin pour aller à Raffecourt visiter Albert, malade. De là j’ai été à Cuisy visiter Benjamin Detvillers. Ensuite j’ai été à Avocourt visiter la famille Jacob Detvillers. J’y ai couché. Ce sont tous des anabaptistes fort néligés332. Le lendemain je retournai à Verdun. Le 8 et le 9, visites à Haudainville et à Baleicourt. Le 13, mercredi, j’ai écrit à M. L. Vernes à Batignolles pour lui demander quelle somme le Comité avait alloué pour mon trimestre de pasteur à Verdun. Je lui ai en même temps donné ma vue sur l’état de l’œuvre dans le Verdunois. Le 20, mercredi, j’ai reçu une lettre de la famille. J’y ai répondu.

Juillet 1855

15Le premier de ce mois, après les services ordinaires à Verdun, je suis parti pour Moulainville avec Madame Masson. MM. Legrand frères vinrent au-devant de nous avec le père Masson. Nous avons passé la soirée ensemble. Le 2, lundi à huit heures du matin, un domestique de Madame Albert, de Raffecourt, est arrivé à Moulainville venant me chercher pour aller faire l’enterrement de son maître, M. Albert Christophe, âgé de cinquante et un ans, décédé le 1er juillet. Je partis donc pour Verdun avec le domestique qui y avait laissé sa voiture et son cheval, et m’étant préparé, je suis allé rejoindre le domestique au faubourg, et nous partîmes pour Raffecourt où nous arrivâmes vers quatre heures. Je commençai aussitôt le service funèbre. Le corps fut conduit au cimetière de la commune de Béthincourt. Le 3, mardi, je retournai à Verdun vers six heures du matin.

16Le 23, lundi, j’ai écrit à M. Edmond de Pressensé333 et je lui ai envoyé un mandat de 33 F 15 pour la Société des Traités Religieux et pour la Société des Missions. Le 25, mercredi, j’ai reçu une lettre de M. de Pressensé m’accusant réception de celle que je lui avait envoyée le 23. Le même jour je reçus aussi par l’intermédiaire de M. Newenham une lettre du Comité de la Société Centrale fixant mon trimestre à mille huit cents francs par an. Deux jours après j’ai envoyé au Comité une note de mes frais de déplacement pour œuvre pastorale s’élevant à 60 F 60. Je leur ai aussi dit que mon trimestre m’avait été payé par M. Newenham. Le 27, vendredi, M. Newenham partit pour les Eaux de Niederbronn334.

17[...]

Septembre 1855

18Le premier M. Memminger partit pour Mayence335. Le 3, lundi, je partis avec la diligence pour Bar-Le Duc. Je crus y visiter M. de Boinville, pasteur, mais il n’y était pas336. Le soir je partis pour Paris où je suis arrivé le lendemain vers quatre heures du matin le 4. J’ai été frapper à la porte de votre frère à La Villette. Le même jour j’ai visité M. de Boinville qui était à Paris. Mon oncle Louis Poulain y était aussi avec ma tante. Nous avons visité l’Exposition ensemble337. Le 5, mercredi, je partis pour Bertry par le chemin de fer jusqu’à Saint-Quentin. J’ai rencontré M. Guiral en ville. A quatre heures je suis partis pour Honnechy par la diligence du Cateau avec Angélus Davoine de Quiévy que j’avais trouvé à Saint Quentin. En arrivant à Honnechy j’y trouvai Théophile et Eraste. Les locomotives commençaient à sabler sur le chemin de fer du Cateau. Je retournai à Bertry sur la voiture Louvet Bardoux.

Extrait de la carte d’Etat-Major de Verdun, région traversée par Jean-Baptiste Pruvot.

19Le 6, jeudi, je visitai les amis de Bertry. Le 9, dimanche, j’ai prêché deux fois à Bertry. La semaine suivante fut employée à régler mes affaires. Le 16, dimanche, je prêchai deux fois à Bertry. Le 19, mercredi, c’est le jour du mariage de Théophile.

20Le 22, samedi, François Poulain nous conduisit à Saint-Quentin avec sa voiture, Louise Herbet et deux de ses enfants, votre mère, Eraste et moi. Nous prîmes le train d’onze heures et nous arrivâmes à Paris vers cinq heures du soir. Là nous fûmes forcés de quitter Louise sans parler à cause des bagages. Nous fîmes conduire nos quatre colis à La Villette par un homme qui avait une petite charrette à bras. Le 23, dimanche, j’ai été au culte à Batignolles avec votre frère. Le 24, lundi, nous avons visité le Jardin des Plantes et autres. Le 25, mardi, nous avons été voir votre frère à son atelier à Montmartre. Nous sommes allés avec lui jusqu’au boulevard du même nom. Il nous a quittés pour aller à son ouvrage et moi je suis allé chez M. Thierry, cité Bergère, pour toucher mon trimestre, après avoir recommandé à votre mère et à Eraste de ne point quitter la place où je les laissai ou d’aller en face. Quand je sortis je ne les ai pas vus. Je me mis à les chercher, allant et revenant sur le boulevard sans les trouver. Je les crus perdus dans Paris, ne sachant pas s’ils avaient un sou. Je retournai bien vite à La Villette. Ils n’y étaient pas. J’étais accablé de fatigue et j’avais faim. Je mangeai bien vite un morceau de pain et je repartis à leur recherche et, heureusement, je les trouvai presque à l’endroit où je les avais quittés. Ils avaient été de l’autre côte, mais pas longtemps. Eraste avait été voir dans la rue Bergère après moi plusieurs fois, mais je n’y étais plus. J’étais fatigué, mais toute ma peine, c’était de savoir qu’ils avaient si longtemps attendu après moi. Nous partîmes aussitôt pour aller voir le cousin Héliodore. Nous allâmes ensemble en ville acheter un châle à votre mère et un chapeau, puis nous retournâmes à La Villette.

21Le 26, mercredi, nous partîmes pour Verdun. Votre frère nous conduisit nos bagages avec une petite charrette à bras au chemin de fer. Nous sommes arrivés à Verdun vers neuf heures du soir. Les dames Burthi et Borel nous reçurent à la diligence. Le reste du mois fut employé à nous arranger et à acheter ce qui nous était nécessaire et à faire des visites, si bien que nous fûmes établis à Verdun sans savoir pour combien de temps.

22[...]

Décembre 1855

23[...]

24Encore une année de finie, Seigneur enseigne-nous à tellement compter nos jours que nous puissions en avoir un cœur rempli de sagesse et daigne bénir tous nos chers enfants dans leur corps en leur conservant la santé et le travail nécessaire pour subvenir à tous les besoins de leur existence temporelle. Que leurs cœurs soient aussi tournés vers Toi pour la Vie Eternelle, qu’ils regardent à Ton saint Fils Jésus par la foi et qu’ils [?] l’espérance d’un monde meilleur. Amen.

Année 1856

Janvier 1856

25Le premier de ce mois, mardi, nous avons fait quelques visites de Nouvel An et nous avons passé une soirée chrétienne entre amis, mais nous pensions toujours à nos enfants et à nos petits-enfants. Nous aurions voulu les rassembler auprès de nous. Le 2, mercredi, j’ai été à Moulainville et je suis retourné à Verdun. Pendant ce mois j’ai beaucoup étudié la Parole de Dieu et autre.

26[...]

Avril 1856

27Le 8 de ce mois, mardi, à cinq heures du soir, je fis l’enterrement de Frédéric Auguste Hœrrling, âgé de trente et un ans et six mois, caporal au Premier de Ligne et mort à l’hôpital de Verdun le jour précédent. Le 28, lundi, je suis parti le matin pour aller à la petite ville d’Etain338 pour y chercher des protestants. Je n’en ai trouvé qu’un qui est musicien de bal avec ses fils. C’est un Prussien. Je suis allé ensuite à un village nommé Buzy où on m’avait dit qu’il y avait aussi des protestants, mais ils étaient morts. Je suis retourné à Etain, de là à Verdun.

Mai 1856

28Le 11 de ce mois était un dimanche de Pentecôte. Nous avons reçu à la communion un jeune homme allemand âgé de seize ans, nomme Kraër Pierre qui, depuis le mois de mars, faisait tous les quinze jours, sept lieues pour venir de Rouvrais339 à l’instruction du dimanche, et sept lieues pour retourner, ce qui faisait quatorze lieues. Ensuite nous avons fait la sainte Cène. Le 20, mardi, j’ai béni le mariage de Louis Joseph Castel, musicien au Sixième Chasseur, avec Elisabeth Reis, Allemande.

29[...]

Septembre 1856

30Le 2 de ce mois était un mardi, j’ai envoyé mon rapport à Paris. Le 9, mardi, je suis parti le matin avec votre mère et Eraste pour aller dans le Nord. Nous sommes arrivés à Sedan vers cinq heures du soir. Nous sommes descendus à l’Hôtel du Commerce où j’ai rencontré un marchand de toile protestant de Parfondeval nommé Fromment. Cet homme m’a conduit chez M. Rochedieu, pasteur suffragant. Nous avons visité le temple ensemble et nous avons rendu visite à M. Bost, pasteur, et comme votre mère n’était pas avec nous, M. Bost a voulu que j’allasse la chercher pour faire sa connaissance et pour prendre une tasse de thé ensemble le soir. Ce que je fis. Le 10, mercredi, à quatre heures et demie du matin, nous partîmes par la diligence pour Avesnes340 où nous sommes arrivés vers quatre heures du soir. Là il nous fallut attendre jusqu’à sept heures la correspondance du chemin de fer. Alors nous partîmes pour Landrecies où, étant arrivés, nous prîmes le train de dix heures pour le Cateau où nous sommes arrivés à dix heures un quart. De Cateau nous partîmes pour Bertry de pied où nous sommes arrivés à minuit. Nous avions laissé notre malle au Pigeon Blanc, chez Madame Caron.

31Le 11, jeudi, nous reçûmes la visite de tous nos enfants de Bertry et nous, nous fîmes des visites à nos parents. Le 14, dimanche, je prêchai à Bertry le matin et le soir. Le 15, lundi, j’ai été à Grougis avec Eraste. Nous avons pris le chemin de fer à Busigny jusqu’à Bohain. A quatre heures j’ai prêché à Grougis. Je fis des visites et nous couchâmes chez Levasseur. Le 16, mardi, après avoir fait quelques visites avec M. Levasseur, nous retournâmes à Bertry où, étant arrivé, je fis des visites. Le 17, mercredi, j’ai été à Saint-Quentin pour voir si je pourrais pas (sic) avoir une place pour votre frère qui n’était pas heureux à Paris. Je visitai en même temps M. Guiral, pasteur. Retour à Bertry.

32Le 21, dimanche, M. le pasteur Chenot341 prêcha le matin à Bertry et je prêchai l’après-midi. M. Chenot était au Cateau et son beau-frère, M. Bretegnier, était pasteur à Inchy-Beaumont342. Le 24, mercredi, j’ai été au Cateau avec votre mère, votre sœur et Eraste. Nous y avons visité une famille allemande dont le père se nommait Buche, et qui avait autrefois habité Haudainville près Verdun, et que j’avais envoyé au Cateau pour être occupé au Mérinos343. Nous sommes retournés du Cateau avec la voiture de votre oncle Léopold dans laquelle se trouvaient mon oncle Louis Poulain et ma tante Marianne, Rousseaux et sa femme, et Sophie Poulain. Les derniers jours du mois ont été employés à régler des affaires. Théophile restait alors chez votre oncle Léopold. Il n’était pas bien portant. Ce fut quand nous étions à Bertry que naquit son fils Osée. Le fils de Jérémie, Elisée, était né dans le mois de janvier. Jérémie était en train de bâtir sa maison.

Octobre 1856

33Le premier, mercredi, nous fîmes nos visites d’adieu. Le 2, jeudi, nous partîmes pour Paris où nous arrivâmes vers cinq heures du soir. Votre frère nous attendait avec ses enfants à la station, ou plutôt à l’embarcadère. Il conduisit nos effets chez lui. Le 3, vendredi au matin, je partis de Belleville avec votre mère et Eraste. Nous traversâmes Paris en suivant les boulevards intérieurs, l’avenue des Champs Elysées, et nous arrivâmes à Courbevoie visiter la famille Davain. Comme nous avions fait le chemin de pied votre mère avait les siens remplis d’ampoules. Nous allâmes à Suresnes avec Madame Davain, mais en voiture, pour visiter Anne Joseph Herbet, ou Madame Baille. Nous retournâmes le soir à Belleville par les omnibus.

34Le 4, samedi au matin, Samuel me conduisit chez M. Monnier. Le 5, dimanche matin, nous avons été à la chapelle de la rue Saint-Maur où nous avons entendu M. Lenoir. L’après-midi nous avons été promené du côté des Buttes-Chaumont et du côté de Charonne. Cela avec Charles Moity et sa prétendue. Nous nous sommes aussi rencontrés avec la famille Gérard. Le soir nous avons été à la chapelle de Belleville où nous avons entendu M. Monnier. La famille Gérard était avec nous. Nous sommes retournés chez ces amis. Le 6, lundi, j’ai visité M. Thierry pour mon trimestre. Le 8, mercredi, je prêchai le soir à la chapelle de la rue Saint-Maur. Plusieurs de nos amis du Nord s’y trouvaient. Le 9, jeudi, nous partîmes à cinq heures du soir pour Verdun par le chemin de fer jusqu’à Chalons et correspondance par la voiture de Chalons à Metz. Le 10, vendredi, nous arrivâmes à Verdun à sept heures du matin.

35[...]

Décembre 1856

36Le 8 de ce mois, lundi, j’écrivis à M. de Pressensé pour lui demander un colporteur pour le département de la Meuse et je lui offris pour cela les services de M. Legrand François. Le 10, mercredi, j’ai envoyé mon rapport à M. L. Vernes. Le 25, jour de Noël, nous avons fait la sainte Cène à Verdun. Le 26 au matin je suis parti par la voiture de Bar-Le Duc pour aller à l’installation de M. de Boinville, laquelle eut lieu par le ministère de M. Schmidt, président du Consisitoire de Nancy, à sept heures du soir. Le lendemain je retournai à Verdun.

37L’année est finie. Que de démarches, que de vicissitudes dans ce monde, que de détours, que de mécomptes. Si du moins pendant notre court pélerinage nous étions assez sages pour prendre, comme Marie, la bonne part344. O Dieu, qui nous a aimés, donne-nous Ta grâce et les dons de Ton Esprit pour nous conduire en toute vérité et pour chercher les choses qui sont en haut, où Christ est assis à Ta droite. Et L’attendre avec une vive espérance.

Année 1857

Janvier 1857

38Le 3 de ce mois, samedi, vers quatre heures du soir, M. Sibour, archevêque de Paris, fut assassiné dans son église par un prêtre catholique nommé Verger qui avait été interdit pour avoir prêché contre le nouveau dogme de l’immaculée conception de Marie345.

39Le 28 de ce mois, j’ai été à Raffecourt, écart de Béthincourt, pour visiter la famille Albert, et je retournai le lendemain.

40Le 30, vendredi, exécution à Paris du curé Verger, assassin. Chose étrange, le 26 de ce mois, un prêtre italien a tenté d’assassiner son archevêque à Matera, royaume de Naples, pendant la bénédiction. Un chanoine qui voulut le défendre, fut tué d’un coup de pistolet. Décidément les prêtres en veulent à leurs chefs. Si ce sont là les fruits du nouveau dogme de l’immaculée conception, évidemment ils sont bien tristes. Le clergé supérieur n’y gagnera pas grande chose (sic).

Février 1857

41Le 2 de ce mois j’ai été à Moulainville visiter L. Legrand. Je suis retourné à Verdun le lendemain soir. Le 9, lundi, j’ai été passer la soirée chez M. Lange à Lacroix. Le lendemain en partant j’ai été conduit dans une ferme de Lacroix où j’ai annoncé l’Evangile à toute la famille. Le père et la mère sont âgés de soixante-quatorze à soixante-seize ans. Le fils paraît bien disposé. De là je suis allé à Villers-sur-Meuse pour rendre une visite à M. Bernard, où j’ai parlé de l’Evangile et fait la prière, mais Madame Bernard est mondaine. Elle ne me laisse rien espérer.

Mars 1857

42Le 9 de ce mois, lundi, je fis le recensement des protestants qui se rattachent à l’Eglise de Verdun et du nombre des communiants. A Verdun il y a quarante-cinq protestants, dont dix-huit communiants. Au dehors il y a cinquante-six protestants dont vingt-cinq communiants. Total : cent un protestants et quarante-trois communiants. L’Eglise de Verdun a payé dans le courant de l’année, tant pour les diverses sociétés que pour les loyers de son temple, que pour l’entretien du culte, la somme de 1502 francs 65 centimes. J’ai envoyé le rapport de tout cela à M. L. Vernes à Paris. J’ai aussi envoyé une note de 35 francs pour frais de déplacement. Le 22, dimanche, j’ai été à Lacroix. J’y ai fait le service.

Avril 1857

43Le 5 de ce mois, les membres de l’Eglise de Verdun se sont réunis à la fin du culte de l’après-midi pour examiner la demoiselle Marie Françoise Colard, âgée de soixante-douze ans, demeurant à Verdun, parce que cette demoiselle désirait faire partie de l’Eglise et participer à la sainte Cène. Ayant trouvé que cette demoiselle avait la foi en Jésus-Christ qu’elle regardait pour son seul et unique Sauveur, après qu’elle eut déclaré qu’elle renonçait à la communion romaine pour raison, les membres de l’Eglise la reçurent dans leur communion. Le 12, jour de Pâques, nous avons fait la sainte Cène.

Mai 1857

44Le 17 de ce mois, dimanche, Jérémie m’écrivit que Théophile était bien malade, mais qu’il ne connaissait pas le danger de sa maladie. Le lendemain, 18, j’écrivis à Théophile pour lui dire de nous venir voir à Verdun. J’écrivis aussi à Jérémie et à Léopold pour qu’ils le poussent à venir nous voir. Le 21, jeudi, jour de l’Ascension, nous avons été à Moulainville toute notre famille. Nous y avons fait le culte le matin.

Juin 1857

45Le premier de ce mois, Théophile est arrivé à Verdun vers sept heures de matin, venant de chez son frère à Paris. Le 10, mercredi, j’ai été à Raffecourt avec Théophile. De là nous avons été à Gercourt avec Madame Albert chez sa fille. Nous sommes retournés par Consevoye346. Le 16, mardi, à neuf heures du soir, Théophile est parti pour retourner à Bertry par Paris. Il était assez bien disposé.

46[...]

Septembre 1857

47Le premier de ce mois je partis le matin pour aller à Lacroix-sur-Meuse et le soir je pus expliquer la Parole de Dieu. M. Legrand, colporteur, y était aussi347. Le 2, mercredi, je partis pour Saint-Mihiel avec M. Legrand. De là nous sommes allés à Marsoupe, écart de Saint-Mihiel, pour visiter une famille anabaptiste dont le chef s’appelle Sommere. De là nous sommes allés à Brasseitte visiter une autre famille d’anabaptistes dont le chef s’appelle Léhé. De là nous avons été à Sampigny où j’ai eu une réunion le soir à laquelle ont assisté une vingtaine de personnes, en grande partie anabaptistes348. Nous y avons couché.

48Le 3, jeudi, nous nous mîmes en route pour aller à Commercy. En passant à Vadonville349, M. Legrand me fit entrer au bureau de tabac, chez Madame Allot, veuve de plus de quatre-vingt ans, ancienne protestante, restant avec la fille de son fils. Aussitôt entrés on nous fit asseoir et bientôt on nous amena un prêtre qui était le petit-fils de la veuve Allot, professeur à la Maîtrise350 à Verdun. Ce prêtre me parut d’abord très ému et d’une physionomie méchante. La grand-mère me dit : « Voyez, voilà mon petit-fils qui est prêtre. Moi, je suis protestante et voilà un pasteur qui vient me voir. J’irai sans doute au Paradis ». Etc.

49Il fut alors question des sœurs qui avaient montré beaucoup de courage et de dévouement en Crimée351. Le prêtre dit que ces sœurs n’avaient pas en vue un avantage temporel, mais un avantage spirituel. Je lui demandai quel avantage elles pouvaient espérer. Il me répondit : « De gagner le Ciel ». Je lui dis que le bien ne se gagne pas, qu’il se donne. Et pour lui montrer que nos œuvres ne sont points méritoires, je lui citai des passages des Saintes Ecritures. Mais il les rejeta [... ?] que les Saintes Ecritures ont été tronquées par les copistes et qu’il n’y a plus rien de vrai dans tout cela, que c’est une absurdité de dire que nos œuvres ne sont point méritoires, que Dieu serait moins juste que l’Empereur qui récompense par des croix, des pensions, tous les bienfaiteurs de l’humanité. Je lui répondis que si quelqu’un dans ce monde fait du bien, va au secours d’un affligé et le délivre, il n’y est point obligé par les lois du royaume. C’est une haute œuvre de sa part, il peut y avoir du mérite en ce qu’il a fait une chose qu’il n’était point obligé de faire, mais que, devant Dieu, il n’y a aucun mérite parce que nous sommes obligés de faire tout le bien qui se rencontre. Enfin, il m’a dit que la bible n’était rien. « Et, dit-il où était la Bible avant 1517 ? » Je lui dis : « Elle était dans les bibliothèques et dans les mains des fidèles ». Il me parla de l’interprétation de la Bible et me dit qu’il pourrait me donner cent vingt-six interprétations différentes données par les protestants sur un seul passage. Je lui dis que cela était possible, mais que nous ne serons pas jugés sur les interprétations des hommes, mais sur notre foi dans les déclarations de Dieu, que si on donne des interprétations différentes que cela est une preuve de l’ignorance des hommes. Je lui dis avant de le quitter, car il était en colère : « M[onsieur], tout ce que vous venez de me dire me prouve encore une fois de plus que la religion que vous soutenez n’est pas celle des apôtres de Jésus-Christ vu que vous rejetez leur parole ». Nous partîmes.

50De là nous partîmes pour Commercy où nous avons visité les protestants qui s’y trouvaient alors, environ une douzaine. Nous les avons invités à une réunion chez une veuve Delacourte qui est protestante, mais dont les filles sont bigotes, mais il y eut qu’une femme qui s’y trouva, encore était-elle de la campagne. On a dit que si c’eût été dans une autre maison, que nous aurions eu plus de monde, parce qu’on ne voulait pas aller chez les bigotes Delacourte. Non chance à Commercy.

51Le lendemain 4, vendredi, je retournai à Verdun par la voiture. Le 7, lundi, j’ai envoyé mon rapport trimestriel à M. Vernes, avec une note de 45 francs pour frais de déplacement.

52Le 22, mardi, j’ai reçu une lettre de Jérémie par laquelle il m’apprenait que Théophile était sérieusement malade depuis huit jours. J’ai répondu à cette lettre pour prier Jérémie de nous tenir toujours au courant de cette maladie. Nous avons beaucoup prié pour la délivrance de Théophile qui était alors à notre maison avec sa sœur à la Bellevue.

53Le 28, lundi, j’ai envoyé 400 francs à votre frère pour le compte de votre sœur et j’ai écrit à Jérémie au sujet de Théophile. Le 30, mercredi, j’ai envoyé 40 francs à Théophile.

54Le même jour on a fait l’ouverture d’un nouveau temple à Inchy-Beaumont. M. Rognon, pasteur à Paris, y prêcha352. La nuit suivante il y eut du feu à Bertry, la grange de Jean-Baptiste Louvet, dit Léon, brûla.

55Cette année nous ne sommes point retournés chez nous, à Bertry, pour éviter les frais de voyage, car cela nous coûtait 200 francs pour aller et venir.

56[...]

Décembre 1857

57Ce dernier mois de l’année n’est pas plus riche en faits que le précédent. J’ai fait mon travail ordinaire.

58L’année est finie, le temps s’enfuit, l’Eternité s’approche. Bienheureux ceux qui ont cru la Vérité qui est en Jésus-Christ. A chaque année qui s’échappe, ils sont plus rapprochés du bonheur qui leur est promis et qu’ils attendent. O mon Dieu, tu as vu toute ma vie. Tu sais combien j’ai péché contre Toi en toute manière. Pardonne-moi mes péchés selon Ta miséricorde et au nom de Ton Saint Fils Jésus, mon Sauveur, mon Médiateur et mon Avocat auprès de Toi, ô mon bon Père ! C’est sur Lui seul que je fonde mon espérance éternelle353.

L’An de grâce 1858

Janvier 1858

59Seigneur Dieu que Ta bénédiction repose sur moi, sur mon ministère, sur mes enfants, sur ma famille, sur mon Eglise, pendant le cours de cette année. Au nom de Jésus. Amen.

60Le premier jour de cette année j’ai reçu une lettre de votre frère dans laquelle il y en avait une de Samuel. Le même jour j’en ai reçu une de Jérémie.

61Chaque année, au jour de l’An, nous faisons des visites pour nous distraire, car la pensée qu’en ce jour nous devons réunir nos enfants nous indispose, mais nous avons beau sortir, nous sommes heureux quand il est soir, car le jour est passé.

62Le deux j’ai écrit à votre frère aîné et aux autres ensuite.

63Le 7, jeudi, j’ai écrit à Brochet, de Clary. Envoyé 15 francs.

64[...]

65Le 13, jeudi, Ascension, je suis parti le matin pour Sampigny où j’ai prêché après-midi à une vingtaine de personnes anabaptistes. Après cela je suis parti avec les enfants de M. Léhé pour aller chez eux au moulin de Brasseitte où j’ai couché. Entretien le soir. Le 14, vendredi, M. Léhé me conduisit avec sa voiture jusque près de Lacroix. Ensuite je suis retourné à Verdun de pied, chargé de deux grosses Bibles et de mon caban, de sorte que je souffris beaucoup. Heureusement que neuf kilomètres avant d’arriver à Verdun, un bonhomme me prit dans son cabriolet et me mena à Verdun.

66Sur la fin de ce mois, Aimée Moity retourna à Bertry.

Juin 1858

67Le 7 de ce mois, lundi, Madame Memminger mourut à Sedan, ville où elle était née. Elle était partir de Verdun le 12 mai pour aller passer quelque temps près de son frère et de ses amis. Elle ne retourna plus à Verdun.

68Le 23, mercredi, j’ai envoyé à M. de Boinville un extrait de mon acte de naissance. Je lui ai aussi dit quel jour et quelle année j’avais été consacré au saint ministère, et en quel lieu. Et cela parce que le préfet l’avait demandé au Consistoire. Le 24, jeudi, j’ai été à Moulainville visiter M. Legrand. Le 28, j’ai été à Lacroix où j’ai prêché. C’était la fête. Le 29, mardi, je suis retourné à Verdun après-midi.

Juillet 1858

69Le 13, mardi, le maréchal Canrobert a visité Verdun.

Août 1858

70Le premier de ce mois, dimanche, mort de M. Briot de Montrémy, député de la Meuse. Le 10, mardi, j’ai été à Raffecourt, à Malancourt354 et à Avocourt pour y visiter les protestants. Le 19 et 20, j’ai été à Moulainville avec Eraste. Retour à Verdun. Le 21, samedi, je suis parti le matin pour Lacroix. Après-midi j’ai été à Dompcevrin355 avec Joseph Lange pour visiter Créabil et Miller, anabaptistes, et les inviter à se trouver à Lacroix le lendemain dimanche. Mais voilà, il était la fête à Dompcevrin et ils attendaient des amis. Nous retournâmes à Lacroix. Voyant cela, le dimanche 22, nous partîmes, MM. Lange père et fils et moi, pour aller à Brasseitte où, le matin, je me suis occupé des jeunes gens et, après-midi, j’ai fait une exhortation. Vers le soir nous retournâmes à Lacroix où j’ai couché. Le 23, à huit heures du matin, je partis pour retourner. Arrivé à Haudainville, j’y trouvai votre mère et Eraste. Nous retournâmes.

71[...]

Novembre 1858

72Le 10, jeudi, j’ai écrit à M. Vernes pour offrir mes remerciements à la Commission permanente de la Société Centrale de ce que, d’après les sollicitations de M. Newenham, elle avait bien voulu ajouter deux cents francs par année à mon traitement. Nous avons profité de cet avantage pour agrandir notre logement qui était jusqu’alors fort exigu.

73Le 22 de ce mois, M. Bost, pasteur à Sedan, est arrivé à Verdun vers six heures du soir. Je l’ai reçu à la voiture et je l’ai conduit chez M. Newenham où il était attendu. Le 23 et 24, il a prêché chaque soir après avoir fait des visites. Le 25 au matin, il a voulu donner la Cène. Je ne sais, après tout, s’il a fait du bien. Il est reparti le lendemain pour Sedan.

Décembre 1858

74Ce fut sur la fin du mois dernier que M. Newenham fit l’acquisition du local qui servait de lieu de culte pour les protestants de Verdun pour en faire don au Conseil presbytéral.

75Le 6 de ce mois, j’ai envoyé mon rapport à M. Vernes.

76Le 25 de ce mois, à six heures du soir, je suis parti pour Lacroix. Le 26, dimanche, j’ai prêché à Lacroix. Nous avons fait la Cène. Le 27, lundi, je retournai à Verdun à six heures du soir.

77L’année est finie. C’est un pas de fait vers l’Eternité.

An de Grâce 1859

Janvier 1859

78Le premier de ce mois était un samedi. Nous fîmes des visites. Le 2, dimanche, un jeune homme de Reumont, Nord, nommé Clara, est venu me voir. Il arrivait à Verdun pour être soldat.

79Le 4, mardi, j’ai été à Moulainville où j’ai passé la soirée avec les amis à méditer la Parole de Dieu. Retour le lendemain.

80Le 24, lundi, M. Chèvre, membre du Conseil presbytéral de Bar-Le-Duc, est arrivé à Verdun venant de Metz. Il était en collecte pour l’érection d’un temple dans sa ville. Le 29, j’ai reçu une lettre d’un appelé M. Denys qui résidait à Sedan, par laquelle il demandait si je voulais assister à sa consécration au ministère évangélique, mais il ne savait pas où cette consécration aurait lieu, si ce serait à Sedan ou à Paris.

Février 1859

81Le premier de ce mois, mardi, j’ai répondu à la lettre de M. Denys. Je lui ai dit que je serais parfaitement libre d’assister à sa consécration si j’étais prévenu à temps du jour qu’elle aurait lieu.

82Le 26, samedi, j’ai été à Lacroix où j’ai passé la soirée avec les amis. Le lendemain j’ai été au moulin de Brasseitte avec M. Lange et plusieurs de ses enfants. Nous eûmes bien de la peine d’y avoir un petit culte après-midi. Retour à Lacroix. Le 28 je suis retourné à Verdun.

83[...]

Mai 1859

84Le 29 de ce mois, dimanche, fut un jour remarquable pour toutes les Eglises protestantes de France, car on célébra le troisième jubilé séculaire de la Réformation française. Le discours que j’ai prêché ce jour-là se trouve en manuscrit dans un ouvrage de la bibliothèque ayant pour titre : Troisième Jubilé séculaire de la Réformation française. Je désire que mes enfants conservent ce sermon356. Le même jour je souffris cruellement d’une névralgie après le dîner. Messieurs Lange de Lacroix, père et fils, étaient chez nous. Les douleurs se calmèrent après quatre heures du soir.

Juin 1859

85Le 9 de ce mois j’ai baptisé votre frère Eraste. Il avait alors seize ans et cinq mois. Je le baptisai dans un ruisseau affluent de la Meuse, sur le terroir de Thierville357, près du Champs de Mars de la ville de Verdun et en présence de Louis Poulain, mon neveu. Je crois que Dieu a aussi baptisé mon fils du baptême du Saint-Esprit et de Sa grâce. Le 12, dimanche de Pentecôte, Louis Poulain et mon fils ont été reçus à la communion dans l’Eglise évangélique de Verdun. Après leur réception, ils ont l’un et l’autre participé à la sainte Cène avec les autres membres de l’Eglise. Le 13, lundi, j’ai écrit à M. Vernes pour lui envoyer mon journal trimestriel. Je lui ai aussi envoyé une note de mes frais de déplacement s’élevant à 32 francs.

86Le 26, dimanche, j’ai été à Lacroix. Je suis retourné le même jour.

Juillet 1859

87Le 8 de ce mois, Jérémie m’a écrit pour me dire que son frère avait une place de contremaître au Palais du Cateau358.

88Le 13, mercredi, j’ai reçu une lettre de M. Boissonnas, de Paris, par laquelle il m’annonçait qu’un jeune homme nommé Achille Caron, élève de l’Académie de Strasbourg359 se proposait de venir passer ses vacances dans le département de la Meuse pour évangéliser. J’ai répondu de suite à cette lettre avec approbation. J’ai reçu le 14 une autre lettre de M. Thierry, de Paris, à laquelle j’ai répondu le même jour. J’en ai aussi reçu une de votre frère Jean-Baptiste. Je lui ai aussi répondu.

89Le 28, jeudi, vers deux heures du soir, M. de Boinville est arrivé chez nous avec M. Achille Caron. Nous avons fait des visites ensemble. Le lendemain matin, j’ai loué une voiture et nous partîmes à trois pour Saint-Mihiel. En passant à Lacroix, nous avons visité les amis. Quand nous avons été à Saint-Mihiel, nous avons visité une famille allemande. Ensuite nous nous sommes occupés de chercher un logement à M. Caron. Après quoi M. de Boinville retourna à Bar et moi je retournai à Lacroix où j’ai couché. Le lendemain je retournai à Verdun.

Août 1859

90Le 15 de ce mois, à deux heures du soir, il y eut réunion à l’occasion de la fête de l’empereur. Ensuite nous avons fait une distribution de prix aux élèves de notre école du dimanche. Les enfants de Lacroix et de Moulainville s’y trouvaient accompagnés de leurs parents. A cette occasion, M. Caron adressa une exhortation aux parents et ensuite aux enfants. Il parla avec beaucoup de simplicité.

91Le 19, vendredi, votre oncle Léopold est arrivé à Verdun avec votre tante Judith. Le 20, on fit la distribution des prix du collège de Verdun. Le 25, mardi, nous avons été à Moulainville. Le 24, nous avons dîné tous ensemble chez M. Newenham. Le 25, jeudi, à neuf heures du soir, votre oncle et votre tante retournèrent en emmenant avec eux Louis et Eraste. Le 29, lundi, j’ai été à Dompcevrin avec votre mère. J’y ai prêché. J’y ai aussi rencontré M. Caron chez les anabaptistes. Le 30, mardi, j’ai écrit à Meyrueis et à Grassart pour leur offrir en dépôt du manuel que j’avais fait imprimer. Je leur ai envoyé chacun deux exemplaires pour les faire annoncer dans l'Espérance et dans les Archives360.

92Le 31, jeudi, j’ai envoyé à Meyrueis cent huit Catéchumènes Manuel, pour dépôt. Il les a acceptés au prix de 24 francs le cent. Le 12, lundi, j’ai envoyé mon Journal à M. Vernes. Le 13, mardi, à quatre heures du matin, je suis parti avec votre mère par la voiture de Bar pour aller à Bertry où nous sommes arrivés le soir.

93[...]

Décembre 1859

94Le 12, lundi, j’ai été à Moulainville et de là j’ai été à Grimaucourt361 avec M. Legrand Nicolas pour visiter un homme qui a la Bible. Cet homme est un catholique romain nommé Blanchard. Je lui fis lire plusieurs passages de la Parole de Dieu concernant l’état de péché dans lequel sont tous les hommes et je lui montrai aussi le salut par la foi en Jésus-Christ. Après avoir fait la prière, nous retournâmes à Moulainville. Le 13, mardi, je retournai à Verdun pour écrire à M. Vernes.

95Le 25, dimanche, jour de Noël, nous eûmes un service et nous fîmes la sainte Cène. Quatorze personnes seulement y participèrent.

96Le 31, samedi au matin, j’ai fait une lettre à ma mère pour sa nouvelle année. J’ai aussi écrit à M. Cabanis pour lui demander deux cent d’Almanachs pour M. Fouquet de Baleicourt.

97Encore une année de finie. Pas de grands progrès religieux dans le champ que je cultive. Ni en France. Réveil admirable en Amérique, en Ecosse et en Irlande. Les Français ont eu la guerre avec l’Autriche au sujet de l’Italie. La victoire est restée aux Français et aux Piémontais. La paix fut faite entre Napoléon III, empereur des Français, et l’empereur d’Autriche, à Villafranca. Les Italiens ne sont pas satisfaits parce qu’ils ne sont point libres. Le pape et le clergé romain troublent l’Europe. Les Italiens ne veulent plus du pouvoir temporel du pape. Les Français et les Anglais envoient une flotte en Chine.

98C’est avec ces dispositions que nous finissons l’année.

99Seigneur que Ton règne vienne. Bénis les travaux de Tes faibles serviteurs par tout le Monde et fais tourner les événements à l’accomplissement de Tes promesses pour la gloire et pour le salut des pauvres pécheurs.

100Répands, répands, Seigneur, sur Ton Eglise, l’Esprit de vie, de sainteté et de prière. Amen.

An 1860

Janvier 1860

101Le premier de ce mois était un dimanche. J’ai prêché sur Jacques IV, 14 : Qu’est-ce que votre vie ? Ce n’est qu’une vapeur qui paraît pour un temps et qui s'évanouit ensuite. Le lendemain 2, je fis des visites d’usage avec votre mère et nous eûmes le plaisir de recevoir des lettres de Nouvel An de tous nos enfants, auxquelles je répondis le lendemain mardi 3.

102Le samedi 7, je suis parti pour Lacroix à huit heures du matin. A mon arrivée j’y ai rencontré M. Legrand, colporteur, avec ses deux fils, qui vendaient des Almanach des bons conseils. Le 8, dimanche, j’ai prêché à Lacroix sur Rom. VI, 23362 Nous avons fait la Cène à neuf personnes. M. Henry la fit pour la première fois. Il y avait trois catholiques romains à la réunion. L’une des trois, la mère de M. Henry, aurait voulu participer à la sainte Cène. Elle me demanda après pourquoi je ne lui avais pas donné. Je lui ai répondu qu’elle devait préalablement être examinée sur sa foi et qu’elle devait déclarer qu’elle renonce à la communion de l’Eglise romaine. Le soir, M. Legrand fit le service parce que j’étais enroué. Le 9, lundi, je retournai à Verdun où j’arrivai pour midi. Pendant tout le mois je prêchai chaque dimanche à Verdun et je continuai mes rapports avec la Société Centrale. Le 25 j’ai reçu la première lettre de M. Frossard qui était agent principal de la Société depuis peu de temps.

Février 1860

103Les trois premiers dimanches de ce mois, j’ai prêché à Verdun. Le 21, mardi Gras, j’ai été à Vassecourt363, moulin à eau qui se trouve à deux kilomètres de la route de Verdun à Saint-Mihiel, en face de Troyon, à droite de la Meuse. Il s’y est trouvé des amis de sorte que nous avons eu une bonne réunion d’édification. Je retournai à Verdun. Le 22, jour des cendres, je fis l’enterrement d’un petit garçon de cinq ans et demi Louis Dupuis, fils d’un père du même nom, soldat tailleur d’habits demeurant à la Citadelle de Verdun avec sa femme Anaïse Viala364. Le 24, j’ai envoyé cent trente exemplaires de mon petit Manuel des Catéchumènes à M. Frédéric Monod, à Paris, pour lui les envoyer en Amérique, Canada, au père Chiniqui, curé devenu protestant, qui demandait des livres pour ses disciples365.

Mars 1860

104Le dix, j’ai écrit à votre sœur pour lui donner le plan de la route que son mari devait suivre pour venir à Verdun amener Unice pour Pâques. Mlle Malfuson fut malade pendant l’hiver. M. Memminger fut malade sur la fin du mois, ainsi que M. Newenham.

Avril 1860

105Le 6 de ce mois à midi et demie Henri est arrivé à Verdun avec sa fille Eunice. Nous avons été le recevoir à la diligence en sortant du culte du Vendredi Saint. Le même jour au soir un homme est venu me prier d’aller faire le lendemain l’enterrement de sa petite fille. Le dimanche 7 je partis avec cet homme à six heures du matin pour aller à Brabant-en-Argonne366 faire l’enterrement de Jacobine Scherich décédée dans la susdite commune à l’âge de vingt mois. En arrivant dans cette commune j’ai visité le maire avec lequel j’ai eu divers entretiens. Je fis le service funèbre à l’heure du midi. Presque tous les habitants du village étaient au cimetière. Comme la famille de l’enfant morte était anabaptiste, cette enfant n’était point baptisée. Les catholiques romains, surtout les femmes, la croyaient perdue. Je dus donc leur montrer que le baptême ne sauve pas et qu’il ne rend pas chrétien, qu’il n’efface pas le péché originel comme le prétendent les prêtres, que si le péché originel était effacé chez les enfants baptisés, ils ne pécheraient quand ils seraient plus grands puisque le germe du péché serait détruit en eux, qu’ils seraient même délivrés de la mort corporelle vu que la mort est le salaire du péché, etc., etc.

106Je leur fis voir combien il est absurde de dire et de croire que des enfants qui meurent sans avoir reçu le baptême sont privés de la gloire de Dieu. Est-ce de leur faute, ces pauvres petites créatures, si elles meurent avant que l’on ait eu le temps de les baptiser. Tout ce qui se rattache à cette doctrine est faux. Le baptême n’efface pas le péché originel parce que les enfants ne sont pas coupables d’un péché qu’ils n’ont point commis. Ils naissent avec le germe du péché, mais s’ils meurent avant que le péché ait eu le temps de se développer, ils ne sont pas coupables. Le baptême ne sauve pas parce que tous les catholiques romains qui ont été tous baptisés font encore mille choses pour être sauvés. Ils se confessent, ils communient, ils disent des prières à la Vierge Marie et à tous les saints du Paradis pour être sauvés, et encore après tout cela, ils ne vont encore que dans les flammes du purgatoire pour personne ne sait combien de mille années. Le baptême ne les sauve donc pas. Le baptême ne les fait pas chrétiens, car tous ceux qui remplissent les prisons ont été baptisés et cela ne les a pas empêchés à (sic) violer les lois humaines qui ne veillent que sur les crimes publics. A plus forte raison s’ils ont violé la Loi de Dieu qui veille sur les crimes publics.367 Rien n’efface le péché que le seul sang de Jésus. Ce n’est pas du salut des petits enfants qui meurent sans baptême que nous devons nous occuper, mais c’est de notre propre salut et celui de nos enfants qui sont en âge de comprendre qu’ils font le mal et qu’ils pêchent contre Dieu. La Sainte Ecriture ne nous dit rien du salut des enfants qui meurent en bas âge parce que nous n’avons pas à nous en occuper. Le Seigneur Jésus qui a parlé une seule fois des petits enfants en a parlé d’une manière qui leur est avantageuse. Il a dit : « Laissez venir à moi les petits enfants, ne les en empêchez point, car le Royaume des Cieux est pour ceux qui leur ressemblent »368. Et remarquez que les enfants que l’on présentait à Jésus n’étaient point baptisés. Etc., etc.

107Je les exhortai à se tourner vers Jésus pour être pardonnés et sauvés. Je retournai à Verdun pour le soir.

108Le lendemain, dimanche, c’était le jour de Pâques. M. Memminger nous a invités tous pour aller dîner chez lui. Nous y avons été avec plaisir.

109Le 11, mercredi, nous avons été à Moulainville à cinq, Henri, Louis, Eraste Eunice et moi. Retour le même jour. Le 13, vendredi, Henri est parti pour Epernay à quatre heures du matin et le lendemain il est parti pour Bertry.

110Le 14, à une heure après-midi, je suis parti à pied pour aller à Lacroix. M. Joseph Lange est venu me devancer à Dieue avec sa voiture. Nous arrivâmes à Lacroix vers six heures. Le 15, dimanche, j’ai prêché à Lacroix à une assemblée de vingt-deux personnes dont trois catholiques. L’après-midi j’ai fait l’Ecole du Dimanche pour les jeunes gens. Le soir trois catholiques romains sont venus me voir. J’ai eu avec eux un entretien sérieux. Spécialement avec un appelé Valfare. Le 16, lundi, je retournai à Verdun où je suis arrivé à midi.

Mai 1860

111Le 7 de ce mois, lundi, j’ai écrit à M. Boissonnas pour lui parler de mon intention de faire entrer Louis et Eraste à l’Ecole préparatoire de Batignolles369. Le même jour j’ai envoyé un bon de vingt francs à Henri pour aller toucher semblable somme chez Léopold pour les donner à Jean-Baptiste Brochet de Clary de la part de M. Newenham.

112Le 17, jour de l’Ascension, j’ai été à Wassecourt. Le 28, lundi, Nicolas Lovuet, soldat au 32 de Ligne de passage à Verdun, est venu nous voir. Son régiment s’en allait au camp de Chalons. Le même jour Louis Poulain et Eraste ont écrit eux-mêmes pour demander à entrer à l’Ecole Préparatoire.

113[...]

Juillet 1860

114Le 2 de ce mois, M. le Pasteur Léon Bretegnier quitta le poste d’Inchy-Beaumont pour prendre celui de Beutal370 dans le département du Doubs. Le 5, jeudi, je suis parti avec nos deux étudiants, Louis et Eraste, pour aller à Bar-Le-Duc où ils devaient être examinés par M. le Pasteur Schmidt pour savoir s’ils étaient assez forts pour entrer à l’Ecole Préparatoire de Batignolles, Paris. Nous sommes arrivés à Bar vers sept heures du matin. Les pauvres jeunes gens n’ont pas eu le temps de manger parce que l’examen commença de suite et il dura jusqu’à six heures du soir, sauf une heure qui leur fut accordée à midi pour dîner. Le 6, vendredi, à deux heures du matin, nous sommes partis de Bar pour Verdun. A huit heures nos jeunes gens rentraient au collège comme d’ordinaire.

115Le 24, à deux heures, je suis parti pour Vassecourt où j’ai couché. Le lendemain, à dix heures du matin, je suis parti pour Lacroix. De là j’ai été à Rouvrais. A cinq heures du soir je suis retourné à Lacroix. Le 26, je suis rentré à Verdun à six heures du soir, bien fatigué et les pieds abîmés.

Août 1860

116Le 3 de ce mois, j’ai écrit à M. Boissonnas pour lui demander le résultat de la délibération du Comité touchant Eraste et Louis.

117M. Clément, maire de Verdun, est mort la nuit.

118Dans ce temps on parle beaucoup de la Syrie où les Mahometans égorgent les Chrétiens. Ce sont principalement les Druses qui font le plus de mal.

119Le 8, le 66ème Régiment de Ligne dans lequel se trouvaient plusieurs soldats des environs de Bertry, savoir Langlet de Caullery, Bardiau de Beaumont, ce régiment est parti pour le camp de Chalons.

120Le 13 j’ai visité M. Graham, médecin major de la Marine Royale Anglaise. Il était alors âgé de quatre-vingt-cinq ans. Il venait de perdre sa femme, une catholique romaine, à l’âge de quatre-vingt-sept ans. Cet homme était entré de bonne heure dans les écoles scientifiques et ensuite dans la marine anglaise. Il [fu] fait prisonnier par les Français sous le règne de Napoléon I^er et conduit à Verdun où il se distingua dans son art de docteur. Il s’y maria. Dans la visite que je lui fis accompagner de M. Newenham, il nous témoigna le désir de faire la sainte Cène, car il ne l’avait jamais faite et jamais il n’avait assisté à aucun culte évangélique à Verdun, mais, devenu infirme, ne pouvant plus sortir, il avait beaucoup pensé à son âme. Nous fîmes donc la Cène avec lui dans sa chambre. Ainsi c’est à l’âge de quatre-vingt-cinq ans qu’il fit sa première communion. C’est vraiment être appelé à la dernière heure. J’ai visité bien des fois cet homme, mais il était si sourd qu’on se fatigue énormément pour lui parler et il ne peut entendre la prière.

121Le 15, à l’occasion de la fête de l’empereur, nous avons fait une distribution de prix aux élèves de l’école du dimanche. Les dames de Verdun leur offrirent un petit goûter. Le 18, on fit la distribution des prix aux élèves du collège de Verdun. Louis en a eu quatre et Eraste cinq. Le 22, mercredi, à quatre heures du matin, Louis partit pour Bertry. Le 26, j’ai été à Wassecourt avec Eraste et Eunice. Retour. Le même jour qui était un dimanche, mon oncle Louis Poulain est tombé à la porte du temple comme foudroyé par une attaque d’apoplexie. J’en ai reçu la nouvelle de Jean-Baptiste le mardi 28 au matin, de Jérémie le même jour au soir.

Septembre 1860

122Le 10 de ce mois j’ai reçu une lettre de Jérémie par laquelle il me disait que mon oncle Louis avait eu une seconde attaque, qu’il avait la parole empêchée et le bras droit paralysé.

123Le 11, j’ai été à Fresnes-en-Woëvre avec Eraste pour visiter la famille Cahart dont la mère et les enfants et la sœur de la mère sont protestants. Retour.

124Le 30, dimanche, j’ai prêché à Verdun et le même jour, à neuf heures du soir, je suis parti avec Eraste pour le conduire à Batignolles où il devait étudier

Octobre 1860

125Le premier de ce mois, lundi, nous sommes arrivés à Bar-Le Duc à deux heures et demie du matin. Vers quatre heures nous avons pris le chemin de fer pour Paris où nous sommes arrivés à onze heures. Mon cousin Héliodore nous attendait à la gare et nous conduisit chez lui. Louis était aussi à Paris pour entrer à l’Ecole Préparatoire. Après le déjeuner nous avons fait des commissions jusqu’au soir, M. Delward beau-père de mon cousin, me conduisit partout. Le soir mon oncle Philippe Poulain est arrivé chez le cousin Héliodore avec Philippe Douay. Je fus content de les voir. Après le dîner, j’ai assisté à la réunion mensuelle à l’Oratoire. Madame Arbousset venait de mourir. Le 2, mardi au matin, j’ai visité M. Cabanis. Je fus aussi pour visiter M. Frossard, mais je trouvai la porte fermée. Je fis encore des commissions avec M. Delward. Je visitai M. Frossard avec mon cousin et nous avons fait des commissions. Le trois au matin je conduisis Eraste et Louis à Batignolles. Je causai longtemps avec M. Boissonnas au sujet de Louis et d’Eraste. Louis n’était pas encore admis. M. Boissonnas me dit qu’il lui faisait de la peine de séparer ces jeunes gens. Le Comité devait se réunir le soir pour décider. Eraste fut examiné par M. Boissonnas et ensuite Louis. Nous avons encore fait des commissions. Le soir nous avons été au chant à l’Ecole de Médecine. Les leçons de chant étaient données par M. Chevi. Le 4, jeudi, M. Frossard vint chez mon cousin pour nous dire que Louis était admis à l’Ecole Préparatoire. Louis et Eraste se promenèrent ensemble ce jour-là et firent acquisition des livres et autres choses qui leur étaient utiles pour leurs études. Je ne les vis pas.

126Le 5, vendredi au matin, je suis allé à Batignolles pour voir Eraste et lui dire au revoir, parce que je m’attendais de le voir le jeudi et que je ne l’avais pas vu. J’ai visité aussi une dame Fourrier de Verdun qui habitait Paris. Puis je pensai au départ. A midi mon cousin m’accompagna jusqu’à la gare du Nord où je pris le chemin de fer pour Bertry où j’arrivai à sept heures du soir. Là je trouvai mon oncle Louis à l’extrémité. Votre oncle Léopold l’appela pour lui dire que j’étais là. Il ouvrit les yeux et fit entendre un son de voix, mais c’est tout ce qu’il put faire. Je fis la prière pour lui et pour tous les amis. J’aurais bien voulu passer la nuit près de mon cher oncle, mais j’étais accablé par mes fatigues de Paris et par le voyage. Je couchai chez votre oncle Léopold. Le 6, samedi, quand je me suis levé, on m’apprit que mon oncle était mort à minuit. Ce jour-là je fus occupé jusqu’à midi à faire des lettres pour l’enterrement. Je fis quelques visites.

127Le 7, dimanche, j’ai été prêché au Cateau. Jérémie m’accompagna et Théophile vint nous rejoindre, de sorte que je me trouvais là avec mes trois fils les plus âgés. Après le service ils voulurent se faire tirer en portrait photografie(sic), chacun avec moi. Jérémie alla chercher la robe au temple pour me faire tirer seul en robe. Mais le temps se passait vite et l’enterrement devait se faire à trois heures et à une heure j’étais encore au Cateau. Je ne voulais pas dîner. Je me contentai de prendre un peu de bouillon que Louise me força de prendre et je partis seul parce que je ne pouvais pas compter sur mes jambes comme mes fils. J’arrivai cependant à Bertry à temps. A trois heures commença le service funèbre. Ce fut M. Voreaux, pasteur à Quiévy, qui le présida. Il fit le service à la maison et au temple et je parlai au cimetière à une foule de monde.

128Le 8, lundi, je fis des visites chez nos enfants. Le 9, mardi, je partis pour Verdun par le chemin de fer. J’arrivai à Bar-Le Duc à huit heures du soir. Je me couchai bientôt et le 10, à deux heures du matin, je pris la diligence et j’arrivai à Verdun à six heures et demie, où j’étais attendu par votre mère.

129Le jour de mon arrivée à Verdun, Joseph Davain, époux de Louise Herbet, qui demeurait à Paris, fut assassiné à Patan (sic),371 laissant sa femme et cinq enfants. Aussitôt mon arrivée à Verdun, je me suis occupé d’emballer les effets et les livres que Louis avait laissés à Verdun, et des livres pour Eraste, et je leur ai envoyé. Le mardi 16, nous reçûmes une lettre d’Eraste par laquelle il nous parlait de l’assassinat de Davain.

Novembre 1860

130Le 7 de ce mois j’ai reçu une lettre de M. le pasteur Schmidt de Nancy par laquelle il me demandait de par le préfet de la Meuse, mes nom et prénoms, la date de ma naissance et celle de ma consécration au ministère évangélique, et quelles églises j’avais desservies. Je me suis empressé de lui répondre. Le 11, samedi, j’ai été à Wassecourt avec votre mère et Eunice. Nous sommes retournés à Verdun le même jour. Le 13, lundi, j’ai été à Fresnes-en-Woëvre par le courrier de Verdun. J’ai eu plusieurs entretiens avec la famille Cahart. Je suis retourné le lendemain à Verdun.

Décembre 1860

131Le 12 de ce mois nous avons eu la visite d’un jeune homme nommé Achille Caron qui étudiait au séminaire protestant de Strasbourg. Ce jeune homme est né à Malincourt près Walincourt et ses parents étaient d’Hargicourt. Le 13 au soir Je lui ai offert de présider le culte. Il nous a bien édifiés par un bon petit discours. A neuf heures du soir il partit pour Strasbourg.

132Le 29 je suis parti de Verdun à six heures du matin pour aller à Lacroix où je suis arrivé vers dix heures par la diligence. Le soir nous avons rendu une visite à la famille Henry de Lacroix. J’étais accompagné de M. Joseph Lange. Le dimanche 30, j’ai prêché deux fois aux amis de Lacroix seulement, parce que le temps qui avait été beau pendant plusieurs jours était tellement mauvais que l’on pouvait à peine sortir de chez soi. C’était un fort dégel accompagné de pluie et de neige après plusieurs jours de très forte gelée. Le 31, lundi, il faisait encore du bien mauvais temps. Comme je voulais retourner, je partis au village de Lacroix, m’attendant de trouver place dans la voiture de Saint-Mihiel à Verdun, mais elle était au grand complet et il pleuvait. M. Henry chez qui j’attendais la voiture, fut assez bon pour aller au moulin pour dire à la famille Lange que je n’étais pas parti. Alors M. Joseph Lange, jeune homme très complaisant, eut la bonté de mettre son cheval à sa petite voiture, me prit à Lacroix, me conduisit jusqu’à Dieue. Là nous étions l’un et l’autre à douze kilomètres de chez nous. Il était midi et nous avions faim. Nous mangeâmes un morceau, puis nous nous tournâmes le dos, lui pour Lacroix et moi pour Verdun, mais moi je marchais difficilement. Je reculais beaucoup et glissais parce que mes bottes n’avaient pas de clous. Mais à environ trois kilomètres de Dieue je fus repris par un homme qui conduisait une voiture de chiffons à Verdun. Voyant mon embarras, cet homme me fit monter sur sa voiture. Je ne m’y refusai pas, car il allait plus vite que moi. Nous arrivâmes à Verdun à quatre heures du soir. J’avais froid.

133A mon arrivée à Verdun je trouvai tout en désordre et en chagrin à la maison. Le dégel, la pluie et la neige fondue avaient fait grossir les eaux de la Meuse tellement que le dimanche soir le lavoir de Madame Burthi était tout couvert de glaçons énormes que la Meuse charriait, que tout se brisait sur leur passage. Il n’y avait à la maison que Mme Burthi, votre mère et Eunice de sorte qu’elles étaient tout effrayées, s’attendant que l’eau allait envahir les caves. Madame Burthi croyait que son lavoir était parti, mais, à mon retour, je vis bien qu’il était encore à sa place. Seulement il était dérangé. On avait enlevé de la cave les petites tonnettes de vin. Cependant l’eau ne s’est pas élevée assez fort pour produire de mauvais effets, mais la Meuse a carrié (sic) des glaçons pendant quinze jours. Ces glaçons rompirent les digues de la Meuse dans la Hollande et [elle] occasionna de grands désastres. Plusieurs perdirent la vie. Grâce à Dieu de ce que l’affliction ne fut pas plus grande encore. C’est ainsi que finit l’année Mil huit cent soixante.

134O notre Dieu, que de péchés nous avons commis contre toi qui es si bon envers nous. Que nous T’avons peu aimé, peu aimé Ton œuvre, peu aimé le Ciel que Tu nous as acquis par tant de souffrance ! Seigneur notre vie a passé, nos jours se sont écoulés sans que nous ne soyons devenus meilleurs. Donne-nous d’y penser avec réflexion et repentance. Ranimenous, Seigneur, et envoie-nous un redoublement de grâces et de bénédictions. Que l’étude redoublée de Ta Parole nous fasse croître en connaissance par le Saint-Esprit, afin que le renouvellement de nos cœurs à Ton image se fasse chaque jour et que nous grandissions dans la vie spirituelle et divine. Que dans le courant de l’année qui va commencer nous tendions continuellement vers la perfection, que nous entrions dans Tes vues miséricordieuses et paternelles pour ce qui concerne le salut de nos semblables et qu’en travaillant à notre sanctification personnelle nous travaillions aussi au bien-être de nos frères et au salut de notre prochain. 0 Dieu tout puissant et éternel ! nous ne pouvons rien sans Toi. Sois avec Ton serviteur, avec son épouse, avec ses enfants et ses petits-enfants. Bénis, Seigneur, notre famille et tous nos parents. Par Jésus-Christ, Ton fils, notre adorable Sauveur. Amen.

An 1861

Janvier

135Les cinq premiers jours de ce mois ont été employés comme d’habitude à des visites de Nouvel An, à en recevoir, à recevoir des lettres et à en envoyer. Mais la première semaine fut une semaine de prière. Le 6, dimanche, tous les chrétiens du Monde étaient invités à se réunir pour s’exhorter mutuellement, pour demander à Dieu le don de son Saint-Esprit sur eux tous. Nous avons répondu à cette demande.

136Le 7, lundi, nous avons demandé qu’une bénédiction particulière reposât sur tous les services de la semaine pour augmenter l’amour fraternel entre tous ceux qui aiment sincèrement le Seigneur Jésus-Christ. Le 8, mardi, nous avons demandé que les enfants de Dieu se sentent pressés de parvenir à un plus haut degré de sainteté. Le 9, mercredi, nous avons demandé qu’il s’opère de nombreuses conversions par tout le Monde, mais particulièrement dans les familles des croyants. Le 10, jeudi, nous avons demandé que la Parole de Dieu ait partout un libre cours et qu’une bénédiction particulière repose sur la littérature chrétienne. Le 11, vendredi, nous avons demandé que le Saint-Esprit reposât sur tous ceux qui sont revêtus du saint ministère, sur les anciens de l’Eglise, sur les séminaires chrétiens, sur tous les missionnaires au milieu des peuples tant juifs que païens et sur tout leur champ de travail. Le 12, samedi, nous avons demandé que toute fausse religion soit bientôt renversée et que la demande Ton règne vienne soit bientôt pleinement exaucée. Le 13, dimanche, enfin, nous avons demandé que par reconnaissance tous les fidèles rendissent grâce de ce qui avait déjà été fait pour le bien des âmes et que l’on insistât avec force sur la solennelle obligation qui pèse sur chaque chrétien de donner de ses biens et de se dépenser lui-même pour faire connaître le nom du Seigneur Jésus-Christ. Toutes ces prières se faisaient par toute la Terre où il y avait des chrétiens évangéliques.

137[...]

138Le 23 de ce mois, samedi, je suis parti le matin pour aller à Lacroix. J’ai passé par Wassecourt pour aller visiter la famille Albert. Je suis arrivé à Lacroix à quatre heures du soir. Le 24, dimanche, j’ai prêché deux fois à Lacroix où se trouvaient réunies plusieurs personnes de Saint-Mihiel, de Rouvrois, de Monthairons et de Wassecourt.

Mars 1861

139Le 31 de ce mois, jour de Pâques, à dix heures du matin, votre sœur est arrivée chez nous à Verdun, venant de Bertry par Paris où elle avait vu Eraste. Le même jour nous avons fait la Cène à Verdun. Il y avait vingt et un communiants.

Avril 1861

140Le premier de ce mois j’ai été à Wassecourt avec votre mère, votre sœur et Eunice. Plusieurs amis de Lacroix et de Monthairons s’y sont trouvés, aussi nous y avons fait la sainte Cène à dix. Le même jour en retournant de Wassecourt, je suis entré dans une auberge à Génicourt, sur la route de Verdun à Saint-Mihiel372 où j’y ai vu une grosse Bible d’Osterwald à réflexions. Le 10, mercredi à quatre heures du matin, votre sœur et Eunice sont parties pour retourner à Bertry. Pour cette fois je me trouvais seul avec votre mère.

Mai 1861

141Le 8 de ce mois, à huit heures du matin, je suis parti pour Lacroix. A neuf heures je rendais une visite à Madame Bodet à Haudainville. A onze heures je suis arrivé à Génicourt où j’avais vu la Bible le^1er Avril. Je me suis entretenu avec M. Berteau, c’est le nom de l’aubergiste, des vérités de la Parole de Dieu et des erreurs de l’Église romaine, surtout de l’adoration des images et surtout encore de la statue que l’on va adorer à Benoite-Vaux373. Je lui ai montré que les moyens de salut de l’Église romaine n’aboutissent pas au Ciel. Leur baptême fait chrétien, mais ne sauve pas, leur première communion ne sauve pas, la confession et le pardon du prêtre ne sauvent pas, l’extrême onction ne sauve pas puisque tout cela, d’après le système de l’Église romaine, ne fait que conduire au Purgatoire, mais jamais au Paradis. Je lui ai expliqué la signification du mot religion. Cet homme m’a très bien écouté. Je partis ensuite et je suis arrivé à Lacroix à deux heures.

142Le 9, jour de l’Ascension, je suis parti pour Saint-Mihiel avec plusieurs membres de la famille Lange. Plusieurs personnes de Rouvrois s’y trouvaient aussi. Nous fîmes le service chez M. Keller, protestant allemand qui demeure à Saint-Mihiel avec sa femme et deux enfants. Deux hommes employés à la Banque et un M[onsieur] de Bordeaux qui étaient protestants se rendirent au culte. Je prêchai le matin et l’après-midi, je fis une instruction pour les jeunes gens. A quatre heures nous retournâmes à Lacroix et, sur la fin de la journée, je me suis entretenu des erreurs de l’Eglise romaine avec un jeune catholique du village qui cherchait à s’instruire. Le 10, lundi, je retournai à Verdun où je suis arrivé à onze heures du matin. J’y trouvai une lettre d’Eraste et une de Louis par lesquelles ils me parlaient l’un et l’autre des émotions et des expériences salutaires qu’ils avaient éprouvées des prédications d’un avocat anglais nommé M. Radcliff qui prêchait à Paris. Le même jour une des filles Nicolas Laminette de Mont-devant-Sassey374 est venue nous voir à Verdun.

Juin 1861

143Le 2 de ce mois, mort de votre cousin Jean-Baptiste Delfoly. Le 26 au soir, j’ai reçu une lettre de Jérémie par laquelle il me disait que son fils avait été très malade, qu’il avait horriblement souffert des douleurs dans le cou par la contraction des muscles. Je reconnu par ces indices que c’était le tétanos. Le 30, j’écrivis à Jérémie pour ce sujet.

144[...]

Octobre 1861

145Le premier jour de ce mois repos et préparations pour le retour. A dix heures du soir Eraste et Louis partirent pour Paris où ils arrivèrent vers cinq heures du matin le deux. Le 2, mercredi, à neuf heures et demie du matin, je partis pour Paris avec votre mère. Nous y arrivâmes à trois heures trente. Nous avons passé la nuit chez mon cousin Héliodore. Le 3, jeudi, Eraste vint nous rejoindre après-midi et nous cherchâmes un photographe où nous fîmes, votre mère et moi, faire chacun une douzaine de nos portraits en cartes. A neuf heures du soir, Eraste qui nous avait accompagnés depuis midi, nous accompagna encore à la gare. Là nous l’embrassâmes et nous partîmes pour Verdun où nous arrivâmes le 4 à dix heures du matin. Le 31, jeudi, j’ai été à Baleicourt visité la famille Fouquet. A mon retour à Verdun vers le soir j’y ai trouvé M. le pasteur Cuvier de Metz venant de Paris.

146[...]

Décembre 1861

147Tous les dimanches de ce mois je les ai passés à Verdun, ainsi que le jour de Noël, excepté le 28 que je suis allé à Lacroix et que j’y ai prêché le lendemain, dimanche 29. Le lendemain je suis retourné à Verdun.

148Encore une année de finie. Combien il y en a eu qui, pendant cette année, sont passés de ce Monde à l’Eternité sans avoir été convertis au Seigneur. Qu’ils sont heureux ceux qui ont connu la Vérité. Ils peuvent dire que cette année a été pour eux l’an de bienveillance. Seigneur pardonne-nous nos péchés et veille sur nous par Ton Saint-Esprit.

An 1862

149[...]

Mai 1862

150Le 22 de ce mois, jeudi, naissance de Marthe Pruvot, fille de votre frère Théophile et d’Agnès Duez, son épouse. Le 25, dimanche, j’ai assisté à l’inauguration du temple de Bar-Le Duc à laquelle ont assisté les pasteurs Othon Cuvier de Metz, G. Monod de Paris, Recordon de Troyes, Prunier de Joinville et Larcher de Nauroy.

Juin 1862

151Le 8 de ce mois, jour de la Pentecôte, j’ai reçu à la sainte Cène les demoiselles Marie Guignard et Thérèse Guignard sa sœur, Elisa Lange de Lacroix et Marie Lange sa sœur, ainsi que Nicolas Legrand de Moulainville. Ces jeunes gens étaient âgés de quatorze à seize ans. Ce fut un beau jour pour tous, car ces jeunes gens étaient pieux. Le 13, vendredi, JeanBaptiste Brochet de Clary est arrivé à Verdun. Il en est reparti le 20 au matin. Le 27, vendredi, à dix heures du matin, je suis parti pour aller à Forges faire l’enterrement de Jacobine Detvillers décédée à l’âge de quatorze ans375.

Août 1862

152Le 3 de ce mois, dimanche, Madame Albert de Raffecourt est arrivé chez nous venant me chercher pour aller faire l’enterrement de Benjamin Detvillers, frère de la jeune fille que j’avais enterrée le 27 juin, cet homme était décédé à l’âge de quarente-deux ans376. Comme Madame Albert avait une voiture, je partis avec elle et votre mère m’accompagna. Nous allâmes coucher à Raffecourt et le lendemain nous allâmes à Forges où j’étais attendu. Je fis le service funèbre à midi. Malgré la chaleur du jour et la fatigue de la moisson, il s’y trouva une foule de monde, entre autres le maire de la commune, l’adjoint et plusieurs conseillers. Je leur prêchai le Salut et la Vie éternelle par la seule foi en Jésus-Christ. Ces deux enterrements faits en si peu de temps dans le même village ont fait connaître les principes religieux des protestants. Désormais les prêtres ne pourront plus leur mentir à ce sujet. Après l’enterrement j’ai dîné avec plusieurs catholiques avec lesquels je me suis aussi entretenu de la Vérité. Que Dieu bénisse cette semence.

153Le 13, mercredi, Eraste a été reçu bachelier à la Faculté des Lettres de Paris. Le 14, jeudi, il est parti pour Bertry visiter ses frères.

154Le 22, vendredi, à quatre heures du matin, je suis parti avec votre mère pour Bertry. Nous y sommes arrivés le même jour à six heures du soir. En descendant du chemin de fer nous avons vu Jérémie qui venait au-devant de nous. Et derrière nous étaient votre sœur, Eraste et le cousin Philippe Poulain qui revenaient du Cateau. Ils accoururent à nous. Le 24, dimanche, M. Degremont, pasteur à Inchy, fit le service du matin à Bertry. Je prêchai à trois heures et je parlai encore un peu au culte du soir. Le 25, lundi au matin, nous avons visité ma mère et mon frère. Ensuite nos avons été à la fête de saint Louis chez votre oncle Léopold. Le 26, mardi, j’ai été au Cateau avec votre mère, c’est-à-dire que je partis seul de pied et que votre mère vint me rejoindre par l’omnibus. Nous avons passé la journée chez votre frère. Nous sommes retournés à Bertry vers le soir. A notre arrivée à Bertry nous avons appris que M. Duchemin, pasteur à paris, prêchait au temple. Je suis allé pour l’entendre, mais je n’entrai pas. Le 27, mercredi, j’ai visité M. Duchemin et je fis une promenade avec lui. Il partit à cinq heures du soir. Il fit trois jours de pluie tout de suite. Le 31, dimanche, j’ai prêché à Bertry.

155[...]

Octobre 1862

156J’ai passé ce mois avec Eraste à Verdun. Nous avons étudié et fait des visites.

Novembre 1862

157Le 2 de ce mois, dimanche, à neuf heures du soir, nous sommes partis par la diligence, moi et Eraste, pour aller à Bar-Le Duc où nous sommes arrivés à trois heures du matin le 3, lundi. Le même jour, à quatre heures, nous partîmes pour Strasbourg par le train. Nous sommes arrivés à Strasbourg pour midi. Nous descendîmes au Séminaire protestant. Après avoir déchargé les malles d’Eraste, nous parlâmes au directeur pour connaître le règlement de la maison. Je lui ai payé deux mois de pension.

158Ensuite nous sommes allés chez le secrétaire pour faire enregistrer Eraste comme élève de l’établissement ou de la Faculté. De là nous avons été chez M. Mœder, président du Consistoire réformé, pour lui parler d’une bourse ou demi-bourse pour Eraste et pour lui demander quels étaient les moyens à employer pour l’obtenir. Nous fîmes de suite quelques visites et quelques commissions et je cherchai une auberge pour moi. Nous mangeâmes ensemble et, après avoir soupé, Eraste alla coucher dans sa chambre au séminaire. Le lendemain à huit heures Eraste vint me chercher et nous fîmes des commissions et des courses. Nous cherchâmes après un soldat de Verdun, fils de la concierge du temple, nommé Borel, mais, comme nous ne trouvâmes pas ce jeune homme à sa chambre, nous priâmes ses camarades de lui dire de nous chercher à onze heures au séminaire protestant.

159Etant partis nous visitâmes la cathédrale et l’église saint Thomas, puis nous allâmes dîner, Eraste au séminaire et moi à mon auberge. A midi nous nous rendîmes à la Cathédrale pour voir sonner l’horloge et entendre chanter le coq mécanique. Un quart d’heure après Borel nous trouva sur la place de la cathédrale. Il s’en allait à la gare parce que ses camarades lui avaient mal expliqué l’affaire. Nous visitâmes ensemble une famille qui avait habité Verdun et Eraste leur donna une petite somme de la part de M. Newenham. Ensuite nous allâmes voir le Rhin et le charmant pont du chemin de fer sur le Rhin. Nous traversâmes ce fleuve sur un pont de bateaux et nous arrivâmes au premier village de l’Allemagne nommé Kehl. Nous y achetâmes quelques cigares. J’y achetai une pipe et du tabac pour [ce] que j’avais été en Allemagne. Nous retournâmes à Strasbourg avec Borel. Il nous fit faire la connaissance d’une nouvelle famille qui avait aussi habité Verdun. M. Roux, chef de cette famille, était un adjudant de place en retraite. Ensuite nous quittâmes Borel qui retourna à la citadelle et nous allâmes souper chez M. Maréchal, inspecteur de la douane et frère de Madame Edouard Newenham. Après le souper M. Maréchal eut la bonté de nous accompagner. Nous fîmes encore quelques commissions et ce cher M. Maréchal, comme je devais partir le lendemain, me montra tellement bien le chemin pour aller à la gare que je m’y reconnus très bien le lendemain. Etant arrivé près de mon auberge nous nous séparâmes avec douleur. J’embrassai Eraste et il s’en alla coucher au séminaire et moi dans mon lit de l’autre nuit.

160Le 5, mercredi, à cinq heures du matin, je partis pour la gare et pris mon billet. A six heures le train se mettait en marche. Vers dix heures nous arrivâmes à Nancy. Je visitai M. le pasteur Schmidt, président du consistoire, pour le prier de travailler pour faire obtenir une demi-bourse à Eraste. Ensuite je rendis une visite aux trois enfants de M. Besin de Viesly qui étaient à Nancy, Angélique, Elisée et Sarah.

161Je parcourus un peu la ville de Nancy et passai la nuit avec la famille Besin. Le 6, jeudi à six heures du matin, je partis de Nancy pour aller à Metz où j’arrivai vers dix heures du matin. Je visitai M. le pasteur Cuvier et la famille ont377 pharmacien. Je fis encore quelques commissions et à deux heures je partis pour Verdun où je suis arrivé à huit heures et demie du soir.

162le 17, lundi, j’ai été à Wassecourt avec votre mère et Madame Burthi. Retour le même jour. Le 22, samedi à six heures et demie du soir, je suis parti par la diligence pour aller à Bar-Le Duc où je suis arrivé à onze heures du soir. Il gelait très fort. Le 23, dimanche, j’ai prêché deux fois à Bar. Le 24, lundi, je suis retourné à Verdun. Arrivé à six heures. Le 25, mardi, j’ai résilié l’assurance du temple de Verdun avec M. Quintaux, agent de la Compagnie du Soleil, pour en décharger M. Newenham.

163Le 26, mercredi, mort à Gaubert, Loiret378 [de] Monsieur le pasteur Dussart. Monsieur le pasteur Adolphe Duchemin de Paris a présidé le lendemain le service d’inhumation. M. Dussart avait été pasteur à Bertry depuis septembre 1835 jusqu’au mois d’avril 1839, époque où il quitta la place de Bertry pour aller habiter Nomain, Nord. Voir pour l’arrivée de Dussart à Bertry à la page 42. Son départ, page 54. Je prie mes enfants d’avoir toujours des égards pour la famille Dussart, parce que cet homme m’a fait du bien. C’est lui qui m’a donné les premières leçons de français.

Décembre 1862

164Le 3 ou 4 de ce mois, le cher M. Maréchal de Strasbourg qui nous avait si bien reçus, mourut presque subitement d’un anévrisme.

165Le 16, lundi, je partis avec le courrier à six heures du matin pour aller à Varennes379 faire l’enterrement d’un petit garçon de sept mois. C’était la première fois qu’un tel événement arrivait dans cette ville. J’y ai prêché le salut par la fois en Jésus-Christ. C’est là que Louis XVI fut arrêté quand il se sauvait de France en juin 1791. Le soir de ce jour, le père de l’enfant, M. Léhé, me conduisit à Cheppy380 chez M. Jacob Detvillers, meunier anabaptiste. Pendant la soirée, je me suis entretenu avec les habitants de la maison et une voisine que la bourgeoise a été chercher et qui était la mère d’un curé. Je me suis, dis-je, entretenu de la Parole de Dieu. La mère du curé fut bien surprise d’entendre parler de si bonnes choses par un protestant. Il y avait dans cette maison une fille unique et ce fut probablement elle qui fit le (sic) moindre attention à mes discours, car un peu de temps après elle se faisait catholique pour se marier. Que Dieu ait pitié de son âme. Retour à Verdun.

166Le temps passe avec rapidité. Nous voilà à la fin de 1862. Les grâce de Dieu ont été grandes pour moi. Je le remercie de ce qu’il a pourvu du pain et du travail à tous les membres de notre famille. Louise et Agnès ont été heureusement délivrées. Eraste a été reçu bachelier et il est entré à la Faculté. Je désire que le Seigneur fasse croître tous nos enfants et nos petits-enfants dans la foi et dans la grâce, afin que je puisse me rencontrer avec eux dans l’Eternelle Vie.

An 1863

167La première semaine de janvier a encore, grâce à Dieu, été employée à la prière. Tous les jours à sept heures du soir, nous nous réunissions à l’oratoire et nous nous occupions du sujet convenu pour la journée. On a remarqué que ces prières avaient été bénies de Dieu et qu’en général la Vérité avait fait des progrès.

Février 1863

168Le 14 de ce mois, samedi, M. Joseph Lange de Lacroix est arrivé chez nous vers midi, allant à raffecourt chez sa tante. Il me dit en même temps qu’il y avait une petite fille protestante de morte à Lacroix et que l’on m’attendait pour aller faire la sépulture le lendemain. Le 15, dimanche à dix heures du matin, je partis donc pour Lacroix par la diligence. J’arrivai à midi et demie. L’enterrement eut lieu vers quatre heures du soir. Il se trouva au cimetière plus de sept cents personnes. Je montrai au cimetière quelle est la croyance des protestants. Je fus très bien compris. Ce qui fit plaisir c’est qu’une jeune fille de Lacroix lut le cantique : Je suis bien jeune encore et que nous l’avons ensuite chanté sur la fosse. Le maire de la commune fut très bienveillant à notre égard. Il nous accompagna durant tout le service. Ainsi le 15 février se fit l’enterrement de Annette Elving décédée le 13 à l’âge de neuf ans. Cette petite était bien disposée. Le lundi 16 je suis retourné à Verdun pour trois heures.

169[...]

Août 1863

170Le premier de ce mois votre frère aîné m’écrivit une lettre du Cateau que j’ai reçue le lendemain dimanche au soir, par laquelle il me dit qu’il était changé de logement et qu’ils sont rue des Récollets, n°1. C’est lui qui m’apprend aussi que l’enterrement de Joseph Rousseaux a eu lieu le 31 juillet. Un clerc de Troisvilles fut tué ce jour-là.

171Le 4, mardi, votre cousin Louis Poulain s’est présenté devant la Faculté des Lettres de Paris pour être examiné pour le grade de bachelier ès Lettres, mais il a échoué. Le 12, Eraste est arrivé chez nous à Verdun à six heures du soir, venant de Strasbourg en vacances. J’ai été le recevoir au bureau des diligences. Le 13, jeudi, à neuf heures du soir, M. Cury, pasteur, qui avait connu autrefois en Afrique les époux Guignard et qui les avait admis à la sainte Cène, est arrivé à Verdun. Le 14, vendredi au soir, Eraste et moi nous avons visité M. Cury. Le 16, dimanche au matin, M. Cury a prêché sur Prov. XXIII, 26381.

172[...]

173Depuis le jour de notre départ de Bertry, 10 septembre 1862, ma cousine avait été malade de la pierre et de la jaunisse et elle avait beaucoup souffert du gravier qu’elle avait dans les intestins et dont elle rendait parfois des morceaux de la grosseur d’une noix. Mais aussitôt le bon temps, elle était allée prendre les eaux de Vichy de sorte qu’elle était guérie à ce que l’on croyait et qu’elle était assez bien rétablie avant d’aller à Bertry. Une lettre que nous avons reçue de Louis le 23 au soir nous donne des détails sur la maladie et la mort de ma chère cousine.

174« Le mardi 18, nous dit-il, elle se portait encore bien. Elle avait passé la soirée avec mon oncle Jérémie et ma tante Ismérie à causer sur divers sujets. Elle était même très joyeuse. Cette fin de journée s’était passée chez elle, en famille. Mon oncle Jérémie et ma tante Ismérie venaient de rentrer chez eux et avaient à peine eu le temps de se coucher qu’ils entendirent frapper à leur fenêtre, parce qu’on venait leur dire que ma tante Esther était très mal. Comme papa et maman étaient à Paris, mon oncle Jérémie envoya aussitôt chercher M. Bayard, médecin à Troisvilles. M. Bayard arriva à une heure du matin et il reconnut bientôt que ma tante Esther avait descente382.

175Le lendemain 19, mercredi, M. Bayard m’apercevant dans notre cour, m’appela et me dit tout bas que ma tante était dans une bien mauvaise position et que c’était bien fâcheux que ni papa ni maman ni mon oncle Héliodore ne fussent pas là. « Car, ajouta-t-il, la maladie est très grave et je désire avoir une consultation avec d’autres médecins, demain à cinq heures du matin ». On fit jouer le télégraphe pour rappeler mon oncle, papa et maman, et des hommes furent envoyés la nuit à Ligny et à Cambrai pour chercher des médecins. Le lendemain 20, ils se trouvèrent les trois médecins à la fois à notre maison et ils jugèrent que l’opération était nécessaire, mais ils voulurent attendre que mon oncle fût arrivé du Havre. On attendit donc.

176Il arriva en effet, mais sans savoir que sa femme était malade, car il était parti avant que les trois dépêches qu’on lui avait envoyées ne fussent arrivées. Vous décrire ce qu’éprouva ce cher oncle serait impossible. Représentez-vous un homme comptant de trouver à la maison sa famille bien joyeuse et bien contente de son retour, mais qui ne trouve personne, et qu’ensuite il arrive dans une maison où il trouve son épouse souffrant de cruelles douleurs et près de mourir. Et tout cela sans le moindre avertissement. Les médecins qui l’attendaient vont lui faire la triste proposition et lui demander s’ils doivent faire l’opération. Mon oncle leur répondit : « Faites, messieurs, pour ma femme ce que vous feriez en pareil cas pour votre propre femme. » Alors ils lui dirent qu’en pareille circonstance ils feraient l’opération. « Eh bien, dit mon oncle, je vous la confie et je la remets entre les mains de Dieu ».

177Les médecins montèrent donc dans la chambre de notre chère malade. Ils préparèrent deux tables sur lesquelles ils posèrent un matelas et, ayant placé ma tante sur ce triste lit, ils commencèrent à travailler. Pendant les trois quarts d’heure que dura l’opération, ma tante ne remua point du tout, seulement elle disait parfois aux médecins : « Oh ! laissez-moi respirer quelque moment. Oh ! comme je souffre. » Voilà tout ce qu’elle a dit et fait.

178L’opération avait été soi-disant bien faite ou, du moins, elle avait bien été faite, mais la maladie faisait cependant des progrès effrayants. Pendant cette journée du 20, ma tante a beaucoup souffert et, dans la nuit du 20 au 21, elle a vomi plus de cent fois. Dans l’après-midi du vendredi 21 elle a commencé à faire ses adieux, recommandant sa famille à maman qui était revenue de Paris. A mesure que la journée avançait ses souffrances devenaient toujours plus intenses. Elle n’arrêta pas de vomir et ce qu’elle vomissait était vert d’abord comme du jus d’épinard, ensuite couleur de chocolat. On lui donna toutes espèces de remèdes, mais aucun ne put passer. Elle les a tous vomis. Dans la soirée elle nous parla du Ciel et du bonheur qu’elle avait eu d’épouser mon oncle qui l’avait amenée à la connaissance de la Vérité, à Jésus son Sauveur et son Dieu. Vers dix heures du soir elle nous dit qu’elle allait nous quitter. « Je vois Jésus, disait-elle, il est là au-dessus de mon lit. Oh ! je vais avec lui dans les Cieux. Quel bonheur ! »

179Je lui lus quelques chapitres de la Parole de Dieu et je fis la prière (C’est toujours Louis qui parle). Pendant ce temps elle fut calme, mais on voyait que la vie se retirait d’elle peu à peu. La moitié de son corps était mort. Elle me tendit une main froide comme le marbre et me dit : « Adieu, cher ami ».

180Alors mes oncles et mes tantes s’approchèrent et lui firent leurs adieux et elle disait : « Je m’en vais ! Au revoir dans le ciel ! » Puis elle se tut un petit moment. Je suis allé réveiller mon oncle Jérémie pour lui dire de venir s’il voulait encore une fois voir ma tante. Il vint de suite et il eut à peine le temps de l’embrasser et de recevoir son dernier adieu, car elle avait à peine fini de lui parler que le sang commença à jaillir très abondamment de sa bouche. Elle se débattit pendant le temps de trois ou quatre minutes dans les douleurs de l’agonie, puis son âme s’envola vers son Sauveur et son Dieu au milieu des pleurs et des gémissements de sa chère famille et de tous ses bien-aimés parents et amis. L’enterrement fut le dimanche 23 août ».

Septembre 1863

181Le 13 j’ai été à Bar-Le Duc où j’ai prêché deux fois. Eraste m’a remplacé à Verdun pour y faire le service comme il l’avait déjà fait le 30 août pendant que j’étais à Lacroix.

182Le dimanche 27 l’Église de Verdun était dans la tristesse à cause du prochain départ de la famille Guignard. Nous avons fait la sainte Cène avec eux pour leur dire adieu. Le 28, lundi à six heures du matin, M. Memminger, Eraste et moi nous nous sommes trouvés sur la place pour aller donner nos derniers embrassements fraternels à cette chère famille qui partit pour Metz par la diligence pour se rendre de là à Mont-de-Marsan, Landes.

183[...]

Décembre 1863

184Le 26, à dix heures du matin, je suis parti pour Lacroix et le lendemain, 27, dimanche, j’y ai prêché deux fois. Nous avons aussi fait la sainte Cène. Le 28 je retournai à Verdun. L’année est finie.

L’an de grâce 1864

Janvier 1864

185La première semaine de cette année, du dimanche 3 au dimanche 10, a été consacrée à la prière. Tous les jours de cette semaine nous avons eu un service à sept heures et demie du soir. Que le Seigneur ait eu nos prières pour agréables ainsi que celles des autres Eglises.

186Le 12, mardi, j’ai écrit à Mlle Marie Guignard à Mont-de-Marsan.

187Le 30, samedi à dix heures du matin, je suis parti pour aller à Lacroix où je suis arrivé vers une heure après-midi. Le 31, dimanche, je suis parti avec les amis Lange et autres pour aller à Saint-Mihiel pour y célébrer le culte une seconde fois. Nous sommes arrivés à Saint-Mihiel à midi, car la Société de saint Vincent de Paul se réunissait dans la salle de la mairie où nous devions nous réunir nous-mêmes. Le culte ne put avoir lieu qu’après-midi. A une après-midi je trouvai deux cents personnes réunies dans cette salle qui était bien chauffée. Je fis le service et je prêchai sur Matth. XXVIII, 18 à 20 joints avec Marc XVI, 15 et 16. Je montrai comment le Seigneur avait ordonné aux apôtres de fonder le christianisme en prêchant l’Evangile, c’est-à-dire la Bonne Nouvelle que Dieu, dans Son amour, avait donné Son Fils pour mourir pour le salut des pécheurs, que ce Fils de Dieu était ressuscité, que tous ceux qui croiraient ces Vérités seraient sauvés, que les apôtres devaient les baptiser, que ceux-là seuls qui croiraient ces vérités étaient les enfants de Dieu, les vrais membres de l’Eglises de Jésus-Christ, que par leur baptême ils déclaraient ce qui s’était passé en eux par le renouvellement du Saint-Esprit et qu’ils étaient ainsi admis et reconnus comme membres de l’Eglise extérieure ou visible de Jésus-Christ. Je montrai que les apôtres ne faisaient pas des chrétiens par le baptême, mais par la prédication de l’Evangile et que le baptême était administré à ceux qui avaient cru à leur parole.

188« Rien n’est changé dans le Royaume de Dieu. Jésus-Christ est et sera toujours le seul Sauveur, l’Evangile est toujours le seul et même Evangile que les ministres de Dieu doivent prêcher et que les hommes doivent croire pour être sauvés, et les croyants seuls ont droit au baptême. On ne peut pas plus faire un chrétien aujourd’hui par le baptême qu’on ne le pouvait du temps des apôtres. Prêcher une autre doctrine que les apôtres, c’est prêcher une erreur. Suivre un autre enseignement que celui des apôtres, c’est suivre une erreur. Le chemin de l’erreur n’aboutit pas au Ciel ».

189Après le service je suis retourné à Lacroix avec les amis. Il faisait très froid. Le soir nous avons eu une réunion de chant, puis nous avons terminé la journée par des actions de grâce et par la prière.

190[...]

Avril 1864

191Le 14 avril Louis Poulain a été reçu bachelier par la Faculté des Lettres de Strasbourg.

Mai 1864

192Le 8 j’ai été à Lacroix où j’ai prêché deux fois. Le 15, jour de la Pentecôte, l’Eglise de Verdun a reçu au nombre de ses membres les catéchumènes Schmidt Henri, âgé de dix-sept ans, et sa sœur Christ[iane], âgée de quatorze ans ; Constant Legrand, âgé de seize ans et sa sœur Marie, âgée de quatorze ans.

193[...]

Août 1864

194Le 11, Eraste est arrivé à Verdun à six heures du soir, venant de Strasbourg. Il entrait en vacances. Le 14 j’ai été prêché à Verdun et le lendemain 15 j’ai fait le service de la fête de l’empereur. Le 21, dimanche, Eraste a prêché à Verdun. Le mardi 23 nous sommes partis à trois, votre mère, Eraste et moi, pour aller à Bertry où nous sommes arrivés vers sept heures du soir. Nous avons eu beaucoup de pluie. Heureusement que nous étions en chemin de fer. A notre arrivée à Bertry nous avons trouvé à la station plusieurs de nos enfants et de nos petits-enfants, entre autres Jérémie et Théophile. En m’embrassant Jérémie m’a dit que votre sœur était gravement malade. Nous sommes entrés chez Jérémie où nous avons pris un peu de nourriture. De là nous sommes entrés chez Léopold pour dire bonsoir et nous sommes allés voir votre sœur que nous avons en effet trouvée malade depuis trois semaines de fièvre typhoïde. Je fis la prière auprès d’elle, puis nous partîmes, votre mère et moi et Théophile qui nous conduisait, pour aller à la Belle Vue. Comme il était neuf heures du soir nous avions une lanterne et nous dûmes passer par derrière, par la ruelle Nono, car les rues avaient été labourées pour faire une route pavée et la boue était affreuse. Le 24, mercredi, nous nous sommes reposés. Le 25 nous avons été dîné chez Léopold à la fête de saint Louis, fête des tisseurs en laine. Je rencontrai là trois pasteurs, mon cousin Théophile Poulain de Saint-Quentin, M. Lequeux de Quiévy et M. Dégremont d’Inchy. Le 28, dimanche, j’ai prêché à Bertry après-midi.

195Le temps fut assez beau pendant quelques jours.

196Le lundi 29 nous avons assisté à une soirée chez mon cousin Héliodore Poulain qui était revenu de Paris avec ses enfants. Nos jeunes gens avaient préparé une petite tragédie, Athalie, qu’ils ont jouée. J’y ai vu M. Bouvier, pasteur au Cateau, et M. Derboque-Couillard, instituteur à Fresnoy, et sa dame. Le mardi 30 nous avons été au Cateau pour voir votre frère et sa famille. Nous y avons trouvé Louise malade. Nous sommes retournés à Bertry le même jour.

Septembre 1864

197Le 18, dimanche, je prêchai à Bertry. C’était la fête. Le lundi 19 nous avons reçu la feuille de route d’Eraste, ce à quoi nous ne nous attendions pas le moins du monde. Il devait aller rejoindre à Bar-Le Duc, le 1er octobre, le dépôt d’instruction du cinquième régiment de ligne. Eraste était dans la réserve. Il ne devait faire que trois mois d’exercices cette année-là. Les autorités de Verdun, surtout le sous-préfet, avaient eu la maladresse de le laisser nommer soldat au conseil de révision, tandis que moi-même j’avais réclamé qu’Eraste était étudiant en théologie. Le lendemain M. Memminger de Verdun qui avait eu la bonté de nous envoyer cette pièce, nous écrivit de nouveau pour nous dire que l’affaire était grave et qu’il fallait y soigner au plus vite. Aussitôt Eraste écrivit au préfet de la Meuse pour réclamer contre ce qui avait été fait. Il écrivit aussi au doyen de la Faculté de Strasbourg pour le prier de vouloir bien écrire aussi au préfet et lui constater qu’Eraste était étudiant en Théologie. Comme le temps pressait et que ces messieurs ne nous donnaient point de réponse, je conseillai à Eraste d’écrire au sous-intendant militaire de Bar-Le Duc qui lui avait envoyé sa feuille de route pour lui dire notre étonnement de ce qui se passait à cet égard. Le sous-intendant nous répondit avec beaucoup de bonté et de promptitude en disant : « Les décisions du conseil de révision sont irrévocables. Adressez au plus vite une réclamation à Son Excellence le Ministre de la Guerre et il vous accordera la dispense ». Mais nous n’avions pas la pièce nécessaire et indispensable, un certificat du doyen de la Faculté. Nous avions celui que j’avais présenté au sous-préfet, mais il était à Verdun. Nous attendîmes celui qu’Eraste avait demandé au doyen, mais le doyen l’avait envoyé au préfet. Nous n’en savions rien et cela ne pouvait être d’aucune utilité.

198Le 23, vendredi, j’ai été au Cateau avec votre mère pour aller dire au revoir à votre frère et à sa famille. En passant dans la ville j’y ai rencontré M. Bouvier, le pasteur, avec M. Couillard et sa famille. M. Bouvier m’invita fortement à aller prêcher au Cateau le dimanche suivant en me disant qu’on avait été très content d’entendre le fils et qu’on le serait aussi d’entendre le père, car Eraste y avait été prêché le dimanche 4. C’était une chose difficile pour moi, cependant je cédai aux instances de M. Bouvier et je lui promis d’aller prêcher pour lui le dimanche suivant. Nous couchâmes au Cateau. Le pauvre petit Paul était malade et il a pleuré presque pendant [toute] la nuit. Le lendemain nous retournâmes à Bertry pour midi. Le 25, dimanche, je partis vers huit heures du matin pour aller au Cateau où je prêchai à onze heures. Après le service votre frère me conduisit à la station où je pris le train pour retourner à Bertry. Je prêchai à Bertry à trois heures.

199Le 26, lundi, nous fîmes des visites pour dire au revoir à nos amis et, à dix heures du soir, je partis avec votre mère par le train pour retourner à Verdun en passant par Reims, Mézières, Sedan et Montmédy. Nous arrivâmes à Verdun le 27 à six heures du soir, et Eraste partit le même jour à neuf heures et demie du matin pour Paris afin d’agir à ses affaires. La raison qui nous a fait passer par Montmédy, c’est que nous voulions être arrivés à Verdun tôt pour y prendre le certificat du doyen pour l’envoyer le même jour à Eraste à Paris. Ce que je fis. Ce certificat n’arriva à Paris que le 28 au soir et c’est le 29 qu’Eraste présenta sa pétition au ministre. Le temps était court, mais Dieu le dirigea et il réussit très bien.

200Le 4, nous reçûmes une dépêche télégraphique par laquelle il nous disait que ses affaires allaient très bien, qu’il allait revenir dans quelques jours. Il est en effet rentré à Verdun le 7.

201[...]

Novembre 1864

202Eraste partit l’un des premiers jours de ce mois pour retourner à ses études à Strasbourg. Pendant ce mois je suis resté à Verdun.

Décembre 1864

203Le 17 de ce mois, samedi, je suis parti à deux heures de l’après-midi pour aller à Lacroix où j’ai eu le soir une réunion d’amis. Le lendemain 18, dimanche à neuf heures, je suis [parti] avec M. Lange père et trois de ses demoiselles pour aller à Saint-Mihiel où j’ai prêché à midi à une soixantaine de personnes et, vers le soir, je suis retourné à Lacroix avec les amis qui m’avaient accompagné. Dans la soirée nous avons encore eu une réunion d’amis. Nous avons chanté des cantiques, puis nous avons terminé la journée par la prière. Le 19, lundi, je visitai quelques familles catholiques et, vers dix heures, je partis pour Verdun où je suis arrivé à midi et demie. Je demeurai à Verdun le restant du mois et de l’année, où je prêchai le 23 et le 25, mardi, jour de Noël. Je prêchai encore le 30 et l’année de prédication fut finie pour moi383.

204Voici donc encore une année d’ajoutée à mes années. C’est dans cette année que mes soixante et une années ont été accomplies, et votre mère a accompli sa soixante-septième. Au 14 octobre nous avons eu quarante ans de mariage.

205Que de misère nous avons eues pendant ce temps, mais aussi que de grâces le Seigneur nous a accordées ! Il nous a donné la foi pour croire en Lui. Il nous a fait passer du royaume des ténèbres au royaume de Son Fils bien-aimé. Il m’a donné Son Saint-Esprit pour m’instruire et m’éclairer. De pauvre ouvrier tisseur que j’étais, Il m’a fait prédicateur de Sa Parole. Oh, combien je dois à mon Dieu ! J’ai la conscience d’avoir prêché Sa Parole avec fidélité, mais, dans ma vie privée, que de fautes, que d’imprudences j’ai faites ! Que de péchés j’ai commis ! Je me demande souvent si je n’ai point été un obstacle au salut de plusieurs âmes par ma légèreté et par mes péchés. Je pense que cela ne peut pas être, car le Seigneur qui est juste ne peut permettre qu’une personne soit perdue par la faute d’une autre. Mais cependant je ne suis pas pour cela justifié, mes fautes sont toujours des fautes. Et pour en obtenir le pardon j’ai toujours besoin de ce sang qui me purifie de tous péchés et de cet avocat, ce médiateur qui est à la droite de Dieu. C’est sur lui que je compte.

An 1865

206[...]

Février 1865

207Le 5, dimanche, j’ai prêché à Lacroix. J’étais parti de Verdun le samedi à deux heures du soir. Je suis rentré le lundi à midi par la diligence.

208Le 26, dimanche, M. Joseph Lange est arrivé chez nous. Il a passé la journée avec nous. Il était un peu rétabli de sa maladie, car il avait une maladie nerveuse depuis le mois de novembre. Le 27, lundi, je suis parti avec Lange pour aller à Raffecourt, moulin, écart de Béthincourt, où nous sommes arrivés vers midi. Nous avons eu beaucoup de pluie. Joseph Lange allait se faire afficher pour se marier avec sa cousine. C’étaient l’un et l’autre des enfants d’anabaptistes, mais ils étaient l’un et l’autre membre de l’Eglise de Verdun. Ils avaient été baptisés le même jour. Le lendemain matin, le frère de la fiancée, M. Albert, nous reconduisit en voiture jusqu’à Verdun. De là Lange est retourné à Lacroix par la diligence.

209[...]

Avril 1865

210Le 5 de ce mois, mercredi à midi, je suis parti pour aller à Foameix, village à une lieue d’Etain384. Je suis arrivé à ce village un peu avant le soir. J’y ai eu une réunion d’une vingtaine de personnes auxquelles j’ai annoncé le salut par la foi en Jésus-Christ. Jamais l’Evangile n’avait été prêché dans cette commune. Je fus écouté avec beaucoup d’attention et de respect. Après mon petit discours, j’offris la parole à quiconque aurait quelque chose à me dire ou à me demander. Comme l’instituteur de la commune était là, plusieurs personnes de l’assemblée le poussèrent à parler. Alors il s’ouvrit entre nous deux une petite conférence qui fit du bien, car cela me donna occasion de m’expliquer sur bien des points que je n’avais fait qu’aborder dans mon petit discours. Je logeai chez les époux Roulière qui sont les seuls protestants de ce village parce qu’ils ont habité Paris pendant quelque temps et qu’ils ont entendu prêcher l’Evangile au Faubourg Saint-Antoine. L’évangéliste, M. Mareschal, leur a fait du bien. Madame Rouillère surtout est pieuse. Le 6, jeudi à six heures du matin, je partis avec Madame Rouillère qui me conduisit à Etain. A sept heures et quart je partis pour Verdun par la voiture d’un messager. Je suis arrivé vers neuf heures et demie du matin.

211Le 8, samedi à six heures du soir, Eraste est arrivé chez nous venant de Strasbourg pour passer ses vacances de Pâques près de nous. Le 9, dimanche des Rameaux, nous avons fait la sainte Cène parce que Mademoiselle Henriette Delaunay qui était venue à Verdun au sujet de la mort de sa mère, voulait prendre la sainte Cène avant de retourner à son bureau de poste à Cousances-aux-Forges. Le même jour Jérémie est arrivé à Verdun à six heures du soir par la voiture de Montmédy. Il était parti de Bertry la veille à dix heures et demie du soir et il était passé par Reims et Sedan. Jérémie a passé la semaine avec nous à Verdun. Le jour de Pâques l’assemblée fut nombreuse à Verdun. Nous avons encore fait la Sainte Cène parce que des étrangers étaient venus pour cela. Le même jour Jérémie est parti à neuf heures et demie du soir pour retourner par la voiture de Bar-Le Duc. Il s’est arrêté à Chalons-sur-Marne et il est arrivé à Bertry vers six heures et demie du soir.

212Le 19, mercredi au soir, nous avons reçu une lettre de Jérémie. Le même jour, mort du petit Paul Jean-Baptiste, fils de votre frère, au Cateau. Le 20, jeudi à neuf heures du matin, nous avons reçu la nouvelle. Il est allé rejoindre son frère et ses deux petits oncles qui sont déjà dans les demeures éternelles du Père Céleste.

Mai 1865

213Le 7 de ce mois, dimanche à cinq heures du matin, il est tombé à Bertry et dans les environs un terrible orage de pluie et de grêle. Cet orage est venu de l’est. Il avait causé de terribles ravages dans les environs d’Hargicourt et Le Catelet, en suivant par Saint-Quentin, Fresnoy, Bohain, Busigny, Bertry, Le Cateau, Mennevret, La Vallée Mulâtre, etc385. Les vitres furent cassées et les récoltes détruites en beaucoup d’endroits, des troupeaux de moutons blessés, d’autres noyés. L’eau était tombée comme par torrents et montait dans les maisons après avoir empli les caves. La rivière du Cateau386 s’est élevée ce jour-là trois mètres au-dessus de son plus haut niveau ordinaire et l’eau entraînait des meubles, des tables, des matelas, des brouettes, etc. Les journaux en ont beaucoup parlé. On peut en voir quelques extraits dans Les Archives du Christianisme que j’ai conservées, de 1865.

214Le même jour, à midi, je fus visité par deux hommes de Clermont qui venaient m’avertir de la mort de M. Schalow. J’avais reçu une lettre. Le 8, lundi, à six heures du matin, je suis parti pour Clermont par la diligence de Chalons pour aller faire le service funèbre de Christian Gottefreid Schalow, décédé le 6 du même mois à trois heures du soir, à l’âge de soixante-dix-huit ans [et] demi, époux de Virginie Brichard. Cet homme était né à Stettin en Prusse. Il était fils de Jean Gottefreid Schalow et d’Elisabeth Mulzen387.

215Lorsque je suis arrivé à Clermont il était neuf heures du matin. J’y ai trouvé M. le pasteur Eck André, pasteur de l’une des Eglises libres de Paris, duquel j’avais depuis longtemps entendu parler. Cet homme était à Bar-Le Duc depuis quelques semaines pour y remplacer dans son ministère M. le pasteur de Boinville parce que ce dernier était allé en Ecosse collecter quelque argent pour payer une dette qui pesait encore sur le temple de Bar-Le Duc. Je fus très heureux de faire la connaissance personnelle de ce M. Eck que j’ai trouvé plein de foi et d’énergie pour la prédication du pur Evangile, et un homme de prière.

216Nous nous sommes entendus pour le service que nous avons fait ensemble en parlant et priant tour [à tour] tant à la maison qu’au cimetière et nous avons eu le plaisir d’être écoutés par une foule nombreuse de catholiques romains sérieux et attentifs, auxquels nous avons annoncé le salut par la foi en Jésus-Christ, le Fils de Dieu, notre bien-aimé Sauveur. Nous les avons fortement exhortés à la repentance et à la foi, les suppliant de se donner à Jésus pendant qu’il était encore temps. Nous y avons reçu l’accueil le plus affectueux de tous ceux à qui nous avons eu l’occasion de nous adresser plus particulièrement, mais surtout des membres de la famille qui étaient tous catholiques comme la mère. Après le service qui avait commencé à l’heure de midi et par une grande chaleur, nous avons pris part au modeste repas funèbre qui nous fut offert, avec tous les membres de la famille et d’autres amis. Tout pendant le temps de ce repas, M. Eck et moi nous n’avons cessé d’entretenir tous les convives des vérités de l’Evangile. Vers six heures du soir M. Eck est retourné à Bar-Le Duc par le courrier qui l’avait amené et, à huit heures, je suis retourné à Verdun par la voiture de Chalons. Je suis arrivé à Verdun vers dix heures. Je puis dire que je n’ai jamais fait un enterrement pour y recevoir un témoignage d’affection comme celui que nous avons reçu. Je ne me suis séparé qu’en m’arrachant aux embrassements des membres de la famille. Que le Seigneur veuille bénir sa Parole pour toutes ces âmes immortelles qui l’ont entendue.

217Le 13, à trois heures de l’après-midi, je suis parti par la diligence pour aller à Lacroix où j’ai prêché le lendemain et donné la sainte Cène. Je retournai le 15.

Juin 1865

218Le 24 de ce mois Joseph Lange est arrivé chez nous à Verdun vers onze heures du matin, venant de Raffecourt. Après avoir dîné, moi et votre mère nous partîmes avec lui sur sa voiture pour aller à Lacroix. Il était deux heures du soir. Vers quatre heures nous sommes arrivés à un village que l’on nommé Dieue et qui se trouve sur la route de Verdun à Saint-Mihiel. Là nous nous sommes arrêtés un instant devant une auberge pour donner un peu d’avoine au cheval et pour y prendre un verre de bière, car il faisait très chaud. Votre mère ne voulut point descendre de la charrette bien que je l’aie priée, car c’était une chose difficile pour elle que de monter et de descendre de tout véhicule. Joseph Lange s’était occupé d’attacher son cheval à l’auge qui était devant la porte de l’auberge et, pendant qu’il était allé sur le derrière de la voiture pour y prendre un petit sac à l’avoine, et votre mère qui était sur le devant de la voiture s’était retournée pour prendre du pain et des cerises qui étaient dans un panier, et moi j’étais entré à l’auberge pour demander une bouteille de bière. Mais je ne fus pas sitôt entré que j’entendis un double cri, mais coupé. Craignant quelque accident, je suis sorti aussitôt pour voir, mais que vis-je donc ? Hélas ! je vis votre pauvre mère tombée par terre, ayant le corps près des jambes du cheval et la tête presque sous la roue de la voiture. Je courus vers elle, mais à mon arrivée elle était déjà levée et Joseph était aussi près d’elle, et déjà aussi elle s’occupait de ranger ses cheveux qui étaient en désordre par l’effet de la chute. Son peigne était cassé et elle disait : « Mon peigne est cassé. C’est Eraste qui me l’avait rapporté de Paris ». Je lui demandai si elle n’avait rien. Elle me dit : « Non, j’ai seulement une égratignure à la main. Je ne sais pas d’où cela vient ». Mais moi, comprenant qu’elle ne pouvait pas être tombée de cette voiture sans qu’une telle chute n’ait quelques mauvaises suites, je dis à votre mère :

219« Tu mettras cela plus tard ». Je la fis entrer à l’auberge et lui fis prendre un verre de bière qu’elle ne vida qu’à demi. Elle se raffermit un peu ; mais elle devint pâle. Voici comment l’accident est arrivé. Le cheval était attaché à l’auge et était attelé à la voiture et, presque au-dessus du cheval, il y avait une de ces grandes enseignes de tôle suspendue. Un coup de vent fit mouvoir et crier cette enseigne, le cheval s’en effraya et fit un bond en avant, mais comme il était attaché, il en fit instantanément un autre en arrière, et comme votre mère était droite sur la voiture prenant son pain et ses cerises, le second bond du cheval la fit tomber en arrière sur le dos du cheval et les reins sur la barre de devant de la charrette, et elle déroula jusqu’à terre en faisant la culbute une seconde fois.

220Au bout d’un quart d’heure nous remontâmes tous en voiture jusqu’à Lacroix. Etant arrivés à Lacroix, comme nous racontâmes ce qui nous était arrivé, M. Lange père prit une pierre qu’il avait, mit de l’eau dans une assiette et frotta la pierre dans le fond de l’assiette et l’eau devint rouge comme du sang, et il fit boire cette eau à votre mère et bientôt après elle sentit un mouvement par tout son corps. Mais cela n’empêcha pas que le lendemain, 25, elle était toute broyée et remplie de douleurs et elle avait les reins et les épaules contusionnés. Et voyant que votre mère pouvait à peine se bouger, je partis à huit heures du matin pour aller à Saint-Mihiel où j’étais attendu avec votre mère. Je fis le service à une heure et à trois heures [et] demie je retournai à Lacroix avec la famille Lange qui s’était rendue à plusieurs à Saint-Mihiel pour le culte. J’étais très en peine au sujet de votre mère. Je la trouvai souffrante à Lacroix, cependant pas couchée. Nous couchâmes à Lacroix et le lendemain, 26, Madame Keller de Saint-Mihiel et sa fille aînée vinrent à Lacroix pour voir votre mère, en regrettant de ne l’avoir pas vue selon leur attente le jour précédent. Et vers une heure de l’après-midi, nous retournâmes par la même voiture qui nous avait amenés. Nous sommes arrivés à Verdun vers cinq heures. Votre mère s’est ressentie de sa chute pendant plus de six semaines. Madame Burthi s’était aussi coupé la main.

221Le jeudi 16 juin, j’ai été visité M. Fouquet à Balaycourt, écart de Verdun.

222[...]

Septembre 1865

223[...]

224Le 10, dimanche, j’ai prêché à Bertry après-midi. M. Dégremont avait présidé l’école le matin. Il me pria d’annoncer qu’il viendrait le dimanche suivant pour faire une collecte pour les esclaves de l’Amérique qui étaient émancipés. Je dînai près de lui. Il ne me fit aucune proposition pour le dimanche suivant. Après dîner il partit pour Caudry à la fête, c’est pourquoi j’ai pu prêcher l’après-midi dans l’ancienne maison François Lanciaux que Léopold avait achetée parce que le temple était en grande réparation.

225Le 12, mardi, j’ai été à Estourmel avec votre mère et Agnès et la petite Marthe. J’y ai prêché l’après-midi et le soir nous sommes retournés par le train de dix heures. Toute la semaine j’ai été occupé avec des ouvriers. Le 14, jeudi, mort d’Elisée Besin à Nancy, Meurthe. Le 16, j’ai écrit à Eraste et à M. Newenham. Le 17, dimanche, petite fête de Bertry. Louis Poulain m’offrit, en arrivant au lieu du culte, de faire le service de l’école du dimanche. Sur mon refus il présida lui-même l’école d’une manière qui me fut très agréable. J’en fus édifié et heureux. L’après-midi M. Dégremont était arrivé quand je fus entré au culte. Il vint me demander si je ne voulais pas dire quelque chose. Je lui répondis qu’il aurait dû m’en avertir le dimanche précédent, mais qu’alors il était trop tard. Parce que je savais bien que Dégremont faisait tout cela par manière d’acquit. Louis Poulain, en annonçant de nouveau le matin que Dégremont allait venir pour faire la collecte, avait annoncé aussi qu’il ferait en même temps un discours. L’invitation de Dégremont n’était donc qu’une forme. Dégremont fit donc son discours et baptisa un enfant. Théophile tendit la bourse à la porte de sortie et ce fut ainsi que se fit la collecte.

226Le 22, vendredi, c’était la fête et la foire au Cateau. Je suis parti avec votre mère à six heures [et] demie du matin pour y aller. Nous y avons couché et le lendemain nous sommes retournés après-midi. Votre frère nous a conduit jusqu’à l’arbre de mi-chemin. Nous sommes arrivés à Bertry vers cinq heures du soir. Le lendemain, 24, dimanche, comme il était la fête à Inchy et chacun de protestant se proposait d’y aller, moi je suis allé prêcher à Caullery. Théophile m’y a accompagné. Le lendemain et jours suivants, on voulait me faire accroire que si l’on avait été à Inchy, c’était parce que je n’étais pas là, comme, si je n’avais pas été présent le jour de la petite fête, on aurait dit que M. Dégremont avait compté sur moi pour prêcher. C’est là la simplicité et la droiture de certains protestants de Bertry. Ces ruses ne passent pas ainsi. Le^1er octobre, dimanche, j’ai cependant prêché à Bertry et j’ai fait l’école du dimanche. M. Dégremont était parti depuis quelques jours pour Nîmes, son pays. Avant de partir il avait appris par une dépêche télégraphique que sa mère était très malade. Elle est en effet décédée le 3 octobre à l’âge de cinquante et un ans. Le 4, mercredi à neuf heures [et] demie du matin, nous partîmes par le train pour retourner à Verdun. Nous arrivâmes à Bar-Le Duc à huit heures du soir. Nous y avons couché, et le lendemain, à trois heures [et] demie du matin, nous nous sommes levés pour partir à quatre heures pour Verdun, mais il était cinq heure [et] demie quand le train de Paris arriva, de sorte que nous sommes seulement arrivés à Verdun à onze heures. Le 7, samedi, mort de Madame Schmidt Chrétien. Cette femme était catholique et son mari et ses enfants protestants, mais protestants sans vie.

227[...]

Décembre 1865

228Pendant le mois de décembre je ne sortis point de Verdun. Le jour de Noël nous fîmes la sainte Cène. Plusieurs étrangers s’y trouvaient.

229C’est en l’année 1865 qu’eut lieu l’émancipation des esclaves nègres de l’Amérique après une guerre civile dans le pays pendant presque quatre ans. Après que la liberté des esclaves eut été proclamée, le président des Etats-Unis de l’Amérique fut assassiné. Martyr de la liberté des nègres, Lincoln.

230En l’année 1865 on a démoli en partie le temple de Bertry pour le ragrandir.

231Bien des pasteurs fidèles sont aussi passés de ce Monde dans la bienheureuse Eternité. Leurs noms figurent dans les journaux religieux.

232Encore une année de passée. Puisse toute ma famille qui a grandi, avoir fait quelques pas dans la sainteté, dans la voie étroite qui mène à la Vie.

233Mon Dieu, fais qu’à mesure que j’approche de la fin de ma vie, je me prépare toujours mieux pour le Ciel, ma patrie, en T’aimant toujours davantage. Amen.

L’an 1866

Février

234Le 13, mardi, mort de Magdelaine Albert.

235Le 21 de ce mois, je suis parti pour Bar-Le Duc à quatre heures du matin et j’y suis arrivé par la diligence vers neuf heures. A deux heures je suis allé chez M. de Boinville, pasteur, où d’autres pasteurs se trouvaient réunis, ainsi [que] quelques laïcs chrétiens influents, savoir M. Paumieur, pasteur à Reims, M. Boissard, pasteur à Monneaux, M. Berthe, pasteur à Troyes, M. Labourgade, pasteur à Chalons, M. Remond, pasteur à Sarrebourg, M. Prunier, pasteur à Joinville, M. Valbaume de Reims et M. Raci[ne]-Brand de Fontainebleau. Le but de cette réunion était de former dans l’est de la France une section de la branche française de l’Alliance Evangélique en en adoptant la base et les principes à l’unanimité. Après avoir fondé la susdite section, tous les membres de la réunion se sont transportés au temple où tous les protestants de la localité se trouvaient déjà réunis, et là, après avoir invoqué la bénédiction de Dieu, M. Racine-Brand a exposé les principes de l’Alliance Evangélique, comment cette Alliance a été établie et quel bien elle a fait jusqu’à ce jour et celui qu’elle se propose encore de faire. Ensuite tous les pasteurs ont parlé l’un après l’autre. Les premiers ont surtout parlé des avantages de l’Alliance Evangélique, mais à mesure qu’ils se succédaient, à mesure aussi qu’ils parlaient moins de l’Alliance Evangélique et plus de la foi en Jésus-Christ, de sorte que sur la fin, c’était une exhortation évangélique. Et de temps à autre on chantait quelques versets de cantique. L’assemblée s’est retirée avec ordre et satisfaite. Le lendemain 22, les pasteurs s’entretinrent de différentes choses utiles. Plusieurs d’entre eux partirent, mais le soir il y eut encore réunion au temple et M. Berthe prêcha. Le 23, les autres pasteurs partirent et moi je partis aussi à deux heures de l’après-midi. Je suis arrivé à Verdun à sept heures.

Mars 1866

236Le 10 de ce mois, dimanche à six heures du matin, je partis pour aller à Rouvrais, village à trente kilomètres de Verdun sur la route de Saint-Mihiel, pour y aller faire l’enterrement de Joséphine Ambosse, décédée le 8 à sept heures du matin. L’enterrement eut lieu à l’heure du midi. Je fis le discours devant la porte, parce que la maison était trop petite pour contenir le monde. Ensuite j’en fis un autre sur la fosse à plus de quatre cents personnes. Comme je partais pour retourner, je vis devant moi sur un carrefour un groupe de personnes rassemblées et j’entendis la voix d’un homme qui disait : « C’est comme nous ». Je m’approchai avec politesse de ce groupe et je leur dis : « Mes amis, je crois avoir entendu quelqu’un de vous qui disait : C’est comme nous. Et l’un des hommes me dit : « C’est moi qui ai dit cela ». Et je lui dis : « Non, Monsieur, ce n’est pas comme chez vous, car chez vous tout ce qui se dit dans les enterrements se dit en latin et vous n’y comprenez rien, au lieu que chez nous, cela se fait en français, de sorte que vous pouvez comprendre. Oui, on vous parle de Dieu quelque fois, de l’immortalité de l’âme, de Jésus-Christ, de sa mort et de sa résurrection, du jugement, du paradis et de l’enfer. C’est là ce qu’on appelle les dogmes fondamentaux du christianisme et nous avons cela de commun avec vous. Mais ces dogmes ont servi au papisme comme de canevas pour y broder toutes ses erreurs ». Enfin je leur ai montré que ce qui nous séparait du papisme, c’était tout ce que les hommes avaient introduit dans la religion.

237Le 18, dimanche, j’ai été prêché à Saint-Mihiel.

238Le 27, mardi, Eraste est arrivé chez nous à Verdun, à six heures du soir.

Avril 1866

239Le 1^er, jour de Pâques, j’ai fait le service du matin. Eraste a prêché l’après-midi sur Apocal. III, 15388 Eraste est resté à Verdun jusqu’au 9 à quatre heures du matin. Alors il est parti pour retourner à Strasbourg en passant par Bar-Le Duc où il a vu M. de Boinville, pasteur.

240Le 11, mercredi, je suis parti pour aller à Foameix où j’ai fait une prédication à une cinquantaine de catholiques romains avec lesquels j’ai causé après la prédication. Le 12, jeudi, je suis retourné à Verdun.

241Le 20, vendredi, j’ai reçu une lettre de Frossard, agent de la Société Centrale, m’annonçant que mon emploi m’était retiré. Je l’ai envoyé de suite à Eraste à Strasbourg. Environ huit jours après, je reçus une autre lettre de Frossard par laquelle il m’annonçait que mon emploi était conservé jusqu’à la fin de septembre parce qu’Eraste avait écrit à quelqu’un du Comité à ce sujet389.

242[...]

Août 1866

243Le 1^er de ce mois, mercredi, j’étais à Strasbourg. Eraste passa son dernier examen et il fut reçu avec témoignage de satisfaction. L’après-midi nous avons été promené au cimetière pour y voir les tombeaux de la famille Hanck, puis nous sommes retournés à la maison. Le jeudi 2, on a fait la réinauguration du temple de Bertry. Le matin, visite en ville. Ce jour-là nous avons été à Kehl, petite ville du Grand-duché de Bade, en Allemagne. Nous étions accompagnés de M. et Madame Roux. Le temps était pluvieux. Retour vers le soir.

244Après avoir soupé, nous avons été prendre le thé chez des amis où nous avons passé la soirée à chanter des cantiques. Grande pluie le soir. Le 3, vendredi, nous avons fait des petites promenades en ville et quelques acquisitions, et l’après-midi, nous avons été promener à l’Orangerie avec M. Roux. Eraste nous a quittés pour aller à la réunion d’une société. J’ai été dire adieu à Madame Roux et à la famille et ensuite j’ai fait mes préparations pour mon retour le lendemain.

245Le 4, samedi à six heures du matin, je partis pour Verdun où je suis arrivé à six heures du soir.

246Le 12, dimanche, j’ai été à Lacroix où j’ai fait le service. Le lendemain je suis retourné à Verdun.

Septembre 1866

247Le 14 de ce mois à midi, Madame Albert de Raffecourt est arrivé chez nous avec sa charrette. Elle venait me chercher pour aller faire l’enterrement de Catherine Amélie Scherth, veuve de Benjamin Detvillers, décédée à Forges le même jour à cinq heures du matin. J’ai demandé à votre mère si elle voulait venir avec nous et s’y étant décidée, vers deux heures du soir nous partîmes. Mais vers trois heures [et] demie, nous fûmes pris d’une forte pluie battante et, comme nous n’avions que deux parapluies pour nous abriter, nous n’avons pas tardé à être tout trempés. Il continua de pleuvoir jusqu’à notre arrivée à Raffecourt où nous sommes arrivés vers cinq heures [et] demie, où nous avons passé la nuit. Le lendemain 15 à dix heures du matin, nous sommes partis pour Forges. Je fis l’enterrement à midi. J’y ai eu une centaine d’auditeurs. Ensuite nous nous mîmes en route pour Verdun par la voiture qui nous était venue chercher. C’est M. Joseph Lange qui la conduisit. Nous sommes arrivés à Verdun vers quatre heures du soir. Lange retourna.

248[...]

Octobre 1866

249Le 7 de ce mois, à neuf heures [et] demie du soir, je suis parti par la diligence de Bar-Le Duc pour aller à Bertry où je suis arrivé le 8, lundi, à six heures du soir. Le 9, mardi, j’ai été au Cateau visité la famille de votre frère aîné. (Henri Taisne m’a rejoint sur le chemin). J’ai trouvé toute la famille en bonne santé, excepté la mère. La pauvre Louise était bien maigre et bien faible. Je suis retourné le soir avec Henri. Le 11, jeudi, j’ai encore été à Clary. J’ai terminé par la maison Aimable Lemaire. Dubois Poulain m’a payé ce qui me revenait. J’ai visité le père Brochet et le soir j’ai prêché à Bertry sur Matth. V, 12, 14, 15390 Le 12, vendredi, je suis parti par le train de neuf heures [et] demie du matin pour retourner à Verdun, mais j’ai dû coucher à Bar-Le Duc et, le lendemain 13, vendredi, à une heure [et] demie du matin, je suis parti pour Verdun par la diligence et je suis arrivé chez nous à six heures du matin. Le 14, dimanche, j’ai prêché à Verdun et fait des visites chez les amis.

250[...]

Novembre 1866

251Le 8 de ce mois, jeudi, je suis parti à six heures du matin par la voiture de Metz pour aller à Foameix où je passai la journée. Dans l’après-midi trois femmes sont venues à la maison M. Rouyère afin de pouvoir s’entretenir avec moi des vérités de l’Evangile. A six heures du soir, la maison s’est remplie de monde qui venaient pour entendre la Parole de Dieu. Je les en ai entretenus jusqu’à huit heures du soir. Nous avons aussi chanté des cantiques. Cela leur semblait si beau qu’ils ne pouvaient se mettre à s’en retourner coucher. Cependant leur curé leur avait fortement défendu de venir m’entendre. Le dimanche précédent encore il leur avait dit : « Vous ne devez pas aller dans la maison de ces gens-là de peur que la poussière qui s’y trouve ne s’attache à vos souliers. Ce sont des hérétiques ». Et mille autres choses semblables. Quand notre bien chère sœur, Madame Rouyère, me racontait ces choses, elle ajoutait : « Je crois bien que nous n’aurons personne ». Elle fut encore plus découragée en allant au lavoir, car là elle rencontra une jeune fille à laquelle elle dit : « Notre pasteur est venu. Viendrez-vous l’entendre ce soir ? » Mais la jeune fille répondit : « Je m’en garderai bien, car M. le curé nous chasserait de l’église » : Mais je lui disais : « Ne craignez point, chère dame, ce ne sont point les cris du curé qui les empêcheront de venir, au contraire, cela les anime. J’ai souvent vu que les cris des curés contribuaient au progrès de l’Evangile ». Cette chère dame fut convaincue que ce que je lui disais était vrai quand elle vit que sa maison se remplissait de monde. Même la petite fille à laquelle elle avait parlé au lavoir y était avec son père, sa mère et sa sœur. Alors elle dit : « Que le Seigneur soit loué ».

Décembre 1866

252Dès le 18 du mois précédent, Eraste s’était fait afficher pour se marier le 4 de ce mois courant. Mais voici, c’est que, pour se marier, il lui fallait l’autorisation du Ministre de la Guerre. Et on le fit si bien attendre que le 15 il n’avait encore rien reçu. Cependant ses affaires marchaient, car, dans le commencement du mois, il fut choisi pour pasteur par le Conseil presbytéral de Bar-Le Duc et reconnu pour tel par le Consistoire de Nancy.

253Le 10, lundi, Eraste a soutenu sa thèse. Le 13, jeudi, il a été consacré pasteur. Le même jour M. le pasteur de Boinville quitta Bar-Le Duc avec sa famille pour aller habiter Cherbourg dont il avait été nommé le pasteur. Le 15, samedi, je suis parti à sept heures du soir Pour Bar-Le Duc où je suis arrivé à onze heures. Le 16, dimanche, j’ai prêché deux fois à Bar-Le Duc à la place d’Eraste. Le 17, lundi, je suis retourné chez nous, à Verdun, où je suis arrivé à sept heures du soir. Le 23, dimanche, pendant que je prêchais à Verdun, Eraste prêchait pour la première fois comme pasteur à Bar-Le Duc. Le 25, mardi, Jour de Noël, pendant que je prêchais le matin à Verdun et que je distribuais la sainte Cène, Eraste prêchait à Bar-Le Duc et y distribuait la sainte Cène. Quelle belle Coïncidence ! Quelle bénédiction ! Que Dieu en soit [à] jamais loué et qu’il bénisse mon fils dans son saint ministère, qu’il travaille efficacement au salut des âmes. Puisque je diminue, que mon fils croisse dans la force divine pour le salut d’un grand nombre d’âmes. C’est le souhait de mon cœur.

254Le 31, lundi à midi, Joseph Lange est arrivé chez nous venant me chercher pour aller faire l’enterrement de son fils décédé le même jour à quatre heures du matin. Je suis parti avec lui pour Raffecourt. Ainsi j’ai fini mon année à Raffecourt.

255Que Dieu donc daigne bénir mes faibles travaux de l’année qui vient de finir et les faire prospérer pour le salut d’un grand nombre d’âmes, et qu’il me donne la force de continuer à travailler au salut des pécheurs sous Sa bénédiction.

L’an de grâce du Seigneur 1867

Janvier 1867

256[...]

257Le 8, mardi, à onze heures du matin, a eu lieu le mariage de votre frère Eraste avec Mademoiselle Mathilde Hanck, à la mairie de Strasbourg, et de là on a été au temple pour la bénédiction du mariage. Ensuite on est allé dîner à l’hôtel où le repas de noces s’est prolongé jusqu’à six heures du soir. Puis les amis de la noce s’en sont allés à la demeure des jeunes époux où ils ont passé la soirée en amusements simples et innocents, jusque vers minuit. Alors chacun s’est retiré chez soi. Le 9 après-midi, nous avons été à Kehl pour faire voir le Rhin à votre mère, à votre sœur et à Jérémie.

258Nous étions accompagnés par les jeunes époux et le frère de l’épouse. Le jeudi 10 au matin, nous avons fait des visites chez des amis, puis le soir nous avons été dîner au Wacken chez M. Herrenschmidt. Le 11, vendredi, nous avons été voir encore la cathédrale, son horloge et son coq, puis le musée. Le soir, à neuf heures [et] demie, Jérémie partit pour Paris par le train et votre sœur partit pour Bertry. Le 12, samedi à cinq heures du matin, moi et votre mère nous quittâmes la maison pour aller à la gare où nous avons pris place dans le train pour aller à Lacroix-sur-Meuse où nous sommes arrivés à trois heures du soir. Le 13, dimanche, j’ai prêché deux fois à Lacroix et passé la soirée avec les amis Lange. Le 14, lundi à trois heures du soir, nous sommes retournés à Verdun par le courrier et nous sommes rentrés chez nous vers sept heures. Notre retour de Strasbourg a été froid et pénible surtout pendant le long trajet du samedi, car il gelait très fort et le vent était grand. Mais les amis de Lacroix nous ont fait du bien. Le lundi il faisait encore bien froid, mais nous n’avons été que trois heures en route. J’étais à peine remis de notre voyage que, le jeudi 17 à quatre heures du soir, je reçus une dépêche télégraphique par laquelle on me demandait pour aller faire un enterrement à Sampigny, village à quarante-cinq kilomètres de Verdun. La neige tombait fortement. Cependant le 18, je partis le matin avec la voiture et nous sommes arrivés à midi trente à Saint-Mihiel. De là je partis de pied avec un militaire et je suis arrivé à Sampigny vers trois heures après avoir marché dans la neige jusqu’aux genoux. Je fis le service d’enterrement le même jour et le lendemain 19, vers onze heures du matin, on me conduisit à Saint-Mihiel en voiture et là je pris le courrier jusqu’à Verdun où je suis arrivé à six heures du soir. Le 20, dimanche, j’ai prêché à Verdun.

Février 1867

259Le 23 de ce mois je suis partis à une heure [et] demie du soir par la voiture pour aller à Lacroix où je suis arrivé vers cinq heures. Le 24, dimanche, j’ai prêché deux fois à Lacroix. L’après-midi j’avais trente-quatre auditeurs. Le 25 au matin je retournai à Verdun.

Mars 1867

260Le 2 de ce mois, samedi à quatre heures du matin, je suis parti de Verdun par la diligence pour aller à Bar-Le Duc où je suis arrivé chez mon fils Eraste vers neuf heures du matin. A trois heures de l’après-midi du même jour, M. le pasteur Schmidt de Nancy est arrivé. Le 3, dimanche, au service de dix heures du matin, au temple de l’Eglise réformée de Bar-Le Duc et par le ministère de M. le pasteur Schmidt président du Consistoire de Nancy, a eu lieu l’installation officielle de M. Eraste Louis Pruvot comme pasteur de l’Eglise réformée de Bar-Le Duc, lequel avait été nommé par un décret de l’empereur en date du 9 février 1867. Ce dimanche 3 mars, je prêchai l’après-midi à Bar-Le Duc à une assez belle assemblée. Le 4, lundi, je partis de Bar vers huit heures du matin par le train du chemin de fer pour aller à Ligny, petite ville de la Meuse,391 pour y faire l’enterrement d’un enfant de quinze mois nommé Arels Joseph. Je suis retourné à Bar où je suis arrivé vers deux heures trente minutes. Ensuite je fis des visites en ville avec Eraste. Le 5, mardi l’après-midi, je fis encore des visites. Le 6, mercredi à deux heures, je partis pour Verdun où je suis arrivé vers sept heures du soir.

261[...]

Mai 1867

262Le 7 de ce mois je suis parti vers onze heures du matin par le courrier d’Etain pour aller à Foameix où je suis arrivé vers midi chez les époux Rouyère. Le soir à huit heures, j’ai eu une réunion d’environ trente personnes auxquelles j’ai annoncé la Parole de Dieu. Le sujet de l’entretien fut le serpent élevé au désert, donné pour exemple de Jésus-Christ. Tous les hommes ont été mordus par Satan, mauvais serpent. Jésus-Christ a été élevé sur la croix pour racheter les pécheurs. C’est le remède efficace contre les conséquences du péché.

263Après le service les assistants m’ont adressé la question de savoir comment nous faisons la sainte Cène. Il s’en est suivi une controverse très amicale sur ce sujet. J’ai eu occasion de démolir le dogme de la transsubstantiation contre l’instituteur et chantre de la commune qui se trouva sans réplique. J’ai encore eu l’occasion de démolir le système qui fait les enfants chrétiens par le baptême. Nous avons aussi abordé la question de la confession auriculaire qui n’a point été vidée parce qu’il était onze heures du soir. Retour le lendemain.

264Le 10 pendant la nuit, ma mère est morte. J’en ai reçu la nouvelle à onze heures du matin par une dépêche télégraphique de la part de votre oncle Léopold Poulain. Le 12, dimanche à huit heures [et] demie du matin, votre belle-sœur, Louise Basquin, est morte de la phtisie pulmonaire après avoir été malade durant plusieurs années. J’en ai reçu la nouvelle le 13 par une dépêche télégraphique que Jérémie m’a envoyée le 12, mais qui est restée la nuit en route de sorte que nous n’avons pu partir que le 14.

265Partis le 14 à quatre heures du matin, nous ne sommes arrivés à la gare du Cateau que le 15 à une heure [et] demie du matin, parce que les trains ne correspondaient point. Arrivés à Reims à trois heures du soir, nous ne pûmes partir qu’à six heures dix minutes pour Laon seulement, parce que le train n’allait pas plus loin. A dix heures quarante, nous partîmes pour Tergnier où nous avons pris des secondes dans le train-poste vers minuit. De Laon à Tergnier nous avons eu extrêmement froid. Une fois je sentis mon cœur défaillir, mais dans les secondes je me remis. Arrivés à la gare du Cateau nous attendîmes le jour pour aller en ville tant assis que couchés dans la salle des bagages. Comme le froid aux pieds m’avait de nouveau saisi, votre bonne mère qui souffrait aussi pour la même cause, me conseilla d’ôter mes souliers et de mettre mes pieds sur la banc où nous étions assis et elle les couvrit de sa robe en les faisant toucher à son côté, ce qui me réchauffa un peu. Nous étions restés à la gare parce que nous savions que votre frère venait d’être beaucoup dérangé pendant plusieurs nuits et qu’il avait besoin de repos. A quatre heures je chargeai la malle sur mon épaule et nous partîmes pour Le Cateau, mais arrivés aux premières maisons j’étais fatigué. Alors votre bonne mère m’offrit de la porter avec moi par les anses, ce que fîmes, mais au bout de quelques centaines de pas la pauvre mère n’en pouvait plus de ses bras de sorte que je repris la malle sur mon épaule et la portai jusqu’à chez votre frère, rue du Collège 31, où nous trouvâmes la famille endormie. En arrivant votre bonne mère se mit à travailler, surtout à coudre, et elle cousit jusqu’au samedi à midi et même encore après.

266[...]

Septembre 1867

267Le 4 de ce mois, mercredi à quatre heures du matin, nous sommes partis votre mère et moi par la diligence pour aller rendre une visite à votre frère à Bar-Le Duc où nous sommes arrivés vers neuf heures du matin. Le 8, dimanche, j’ai fait les services à Bar pendant qu’Eraste était allé à Gondrecourt392. Il était parti du samedi après-midi et il est rentré le lundi à dix heures [du] matin. Le 10, mardi dans l’après-midi, j’ai reçu une dépêche télégraphique m’annonçant la mort de M. Lange et m’invitant à me rendre à Lacroix pour faire l’enterrement le lendemain. Je partis donc le même jour par un train de neuf heures du soir. J’allai jusqu’à Lérouville393 et là je pris la correspondance pour Saint-Mihiel où nous arrivâmes vers minuit. Comme à cette heure il n’y avait plus d’auberge ouverte et qu’il faisait clair de lune, je pris le parti de partir de pied pour Lacroix, mais il faisait des éclairs au loin. Après avoir marché environ deux kilomètres, je fus rejoint par une charrette conduite par un cheval qui allait grand train. Je demandai au conducteur du cheval s’il voulait me faire monter à son côté. Il me l’accorda avec plaisir. Je fis ainsi environ quatre kilomètres, mais comme il prenait un chemin de traverse je dus descendre. J’avais encore un kilomètre à faire pour arriver au village de Rouvrois. Je le fis avec peine tant j’étais ébloui par les éclairs, et le temps grossissait extrêmement, de sorte qu’il commençait à pleuvoir quand j’arrivai à Rouvrois. A la première maison du village, il y avait de la clarté, car une femme s’était levée pour appuyer la porte de la grange qui n’était plus guère solide, et je lui demandai un abri sous son toit, ce qu’elle m’accorda, et au bout d’une demi-heure la pluie cessa et je me mis en route pour Lacroix. Mais voici que je n’étais pas sorti du village qu’il plut de nouveau et je dus m’abriter dans une porte de maison pour un moment. Mais enfin je repris bientôt le chemin de Lacroix quand je vis que la pluie avait l’air de cesser, car je me trouvais déjà passablement mouillé. Pendant tout le chemin j’étais dans une grande inquiétude, ne sachant pas qui était mort, car on m’avait dit : M. Lange, et je ne savais pas si c’était le père ou le fils. Mais en arrivant à la maison je vis par une fenêtre que c’était le fils, un pauvre malheureux idiot malade, car je le vis dans son lit couvert d’un drap. De plus le moulin tournait. Et c’est par la porte du moulin que j’entrai dans la maison. Je vis donc alors le père Lange et je l’embrassai, joyeux de le trouver en vie. J’entrai dans la chambre où étaient tous les amis qui veillaient le mort. Je me reposai un peu et j’allai me coucher, mais je ne pus dormir, car jusqu’à cinq heures du matin ce ne fut que des éclairs accompagnés de terribles coups de tonnerre et d’orages. Vers midi on partit pour l’enterrement. Je fis seulement un discours sur la fosse, car là seulement il y avait des auditeurs, trois à quatre cents environ. Vers trois heures de l’après-midi je me mis en route pour retourner à Bar-Le Duc où j’arrivai à neuf heures du soir par où j’étais venu.

268Le dimanche 15, Eraste prêcha le matin à Bar et il distribua la sainte Cène. Je prêchai l’après-midi sur Romains XII, 1 et 2394 Le 18, mercredi, nous retournâmes à Verdun où nous sommes arrivés par la diligence vers sept heures du soir. Votre mère était partie de Verdun malade, mais grâce à Dieu elle est rentrée guérie.

269[...]

Octobre 1867

270Le premier de ce mois, mardi vers neuf heures du matin, Joseph Lange nous reconduisit jusqu’à mi-chemin de Verdun, Schmid et moi.

271Le 9 de ce mois, mercredi, Joseph lange arriva chez nous avec sa femme à onze heures du matin. Ils avaient une petite charrette. Après-midi nous partîmes votre mère et moi avec Lange et sa femme pour aller à Lacroix, mais comme d’autres personnes allaient aussi à Lacroix pour la noce qui devait avoir lieu le lendemain, on fit monter une dame sur la charrette et les hommes, Schmid père, Herbert O’Doreill, Joseph Lange et moi nous avons marché jusqu’à Haudainville où une autre carrette (sic) de Lacroix nous attendait. Partis nous sommes arrivés à Lacroix vers six heures trente du soir. Le lendemain 10, jeudi à onze heures du matin, le mariage entre Louis Chrétien Schmid, né à Paris et demeurant à Verdun, âgé de vingt-sept ans, et Elise Lange, née à Vacon, Meuse395 âgée de vingt ans, fut contracté devant la loi et prononcé par M. le maire de la commune de Lacroix-sur-Meuse. Après le mariage civil j’ai procédé à la bénédiction religieuse de ce mariage. Le service a commencé par un cantique de louange à Dieu, puis je fis la prière. Ensuite, après avoir demandé aux époux s’ils demandaient la bénédiction de leur union, je leur montrai qu’en se mariant ils avaient contracté de grandes obligations l’un vers l’autre. Puis, après leur avoir montré par des passages de la Sainte Ecriture quels sont les devoirs des époux, nous chantâmes un cantique de prière adapté à la circonstance, après lequel je fis la prière de bénédiction et je leur donnai la bénédiction de l’Eternel. Et pour terminer, nous chantâmes encore un cantique. Tout se fit avec ordre en la présence du maire et de son greffier et autant de personnes que la maison commune pouvait en tenir. Toutes étaient catholiques romains. Le 11, vendredi vers onze heures du matin, les deux voitures qui nous avaient conduits à Lacroix nous reconduisirent, l’une jusqu’à Haudaincourt et l’autre jusqu’à Verdun où nous sommes arrivés vers quatre heures du soir. Joseph Lange retourna à Raffecourt avec sa femme. Le 16, le mercredi, le nouveau couple fit son arrivée à Verdun pour y demeurer. Que Dieu les y bénisse et les y rende heureux.

272[...]

Novembre 1867

273Le 6, mercredi, je suis parti à une heure du soir pour aller à Fœameix où je suis arrivé à trois heures [et] demie. Le soir j’ai prêché à environ trente personnes. Le 7, jeudi à six heures du matin, je suis retourné.

274Le 24 j’ai été à Lacroix avec Madame Schmid. Retour le 25, lundi, pour à midi. Depuis ce jour je fus extrêmement enrhumé jusqu’à la fin de l’année. Ce rhume était la coqueluche. Ce fut avec peine que je prêchai les trois derniers dimanches et à Noël. Lorsque l’année fut finie, je n’étais pas mieux.

275Encore une année qui s’échappe, qui finit. Il ne faut pas la regretter car elle fut une année de péché et de misères morales. Que Dieu ait pitié de moi, pauvre pécheur. Quelle difficulté pour moi de régler ma vie selon la Parole de Dieu. Heureusement que mon salut ne dépend pas de ma sainteté, car je serais perdu à tout jamais. Ma foi est en Christ, mon Sauveur, et c’est lui qui garde ma couronne. Cette couronne n’est pas due à mes vertus ni à ma sainteté, mais elle est due à l’œuvre du Christ sur la croix. Je ne l’ai pas plus méritée que le brigand converti sur la croix. Mon Dieu, Tu m’as aimé. Donne-moi Ton amour afin que je T’aime et fasse Ta volonté. Amen.

276L’année qui vient de finir a été remarquable en ce que l’empereur des Français a été avec une armée défendre le pape qui était assailli par des insurgés italiens à la tête desquels était un nommé Garibaldi. La France a montré par-là qu’elle était la bête de couleur écarlate sur laquelle la prostituée de Babylone est assise. Le temps du pouvoir du pape est passé depuis 1793. La France s’est toujours montrée portée pour la cause du pape, même quand il s’est agi de répandre le sang des saints. Mais la France, comme les autres parties de l’empire romain, sera châtiée, quand le temps sera venu, par le Seigneur. Que ceux qui sont sages sortent de Babylone.

L’an de grâce mil huit cent soixante-huit

Janvier 1868

277Le 1^er de ce mois vers neuf heures du matin, je reçus une dépêche télégraphique par laquelle j’étais invité à me rendre à Bussot, moulin ferme, écart de la commune de Han396, pour y faire l’enterrement de M. Christophe Léhé, décédé le même jour à sept heures du matin. Je partis donc à deux heures du soir par la diligence de Saint-Mihiel à Verdun qui retournait, et j’arrivai à Saint-Mihiel vers six heures du soir. Là je pris la correspondance du chemin de fer par laquelle je fis environ six kilomètres de chemin. Alors je descendis pour marcher de pied pendant six à sept minutes et j’arrivai à la ferme vers sept heures, où je couchai. Le lendemain 2, à onze heures, je fis l’enterrement. Comme il gelait à la force de douze à treize degrés, je fis le service de la maison un peu plus long. Comme j’avais vu que les parents du défunt faisaient grand bruit à pleurer, après avoir fait la prière je parlai sur la Première aux Thessaloniciens, IV, 13397 Sur quoi je montrai ce que c’est que l’espérance chrétienne et d’où vient l’espérance, par quel moyen on peut l’obtenir. Je leur montrai enfin que ceux qui s’affligent outre mesure montrent par-là qu’ils n’ont point connu l’Evangile, qu’ils n’ont point de foi et par conséquent point d’espérance. De là on alla faire l’enterrement à Brasseitte, à six cents mètres de la ferme. Là je prononçai seulement quelques paroles, car le vent de l’est soufflait avec force. On retourna à la maison et, à une heure, on me reconduisit à Saint-Mihiel sur une voiture découverte. Je ne souffris que peu de temps, car nous fûmes bientôt arrivés. A deux heures je retournai à Verdun par la diligence. Je suis arrivé chez nous vers six heures du soir.

278[...]

Mars 1868

279Le 7 de ce mois, samedi à trois heures cinquante et une minutes du soir, est née une petite fille à votre frère Eraste, à laquelle il a donné le nom de Valérie Henriette Mathilde.

280[...]

Avril 1868

281Le 17 de ce mois, vendredi, je suis parti avec votre mère pour aller à Bar-Le Duc où nous sommes arrivés à neuf heures du matin. Le 18, samedi, je suis parti avec Eraste qui allait faire un enterrement à Gondrecourt. Nous ne sommes rentrés à Bar que vers neuf heures du soir. Le 19, dimanche, Eraste a prêche le matin à Bar et moi j’y ai prêché l’après-midi et j’y ai baptisé selon le rite protestant et pour la satisfaction de sa mère, la petite Valérie Pruvot, fille de votre frère Eraste. Que le Seigneur la baptise un jour de Son Esprit. Les 20, 21, 22 nous les avons passés à Bar près de nos enfants. Le 23, jeudi à deux heures du soir, nous sommes partis pour Verdun où nous sommes arrivés vers sept heures.

Mai 1868

282[...]

283Le 30, samedi, j’ai baptisé par immersion dans le ruisseau de Jardin Fontaine les nommés Henri Lange âgé de seize ans et André Lehé âgé de quatorze ans398. C’étaient des enfants d’anabaptistes. Plusieurs personnes qui ont assisté à ces baptêmes en ont été édifiées. Le 31, dimanche, jour de Pentecôte, les deux jeunes hommes baptisés la veille ont été reçus membres de l’Eglise de Verdun, et une jeune fille nommée Joséphine Adam demeurant à Sommedieue. Le même jour je suis parti avec votre mère pour aller à la fête à Raffecourt, par la charrette de Joseph Lange. Nous y avons passé plusieurs jours.

284[...]

Septembre 1868

285[...]

286Le 20, dimanche, M. Dégremont a prêché à Bertry le soir. J’avais prêché le matin. Le 21, lundi, nous sommes partis pour Le Cateau votre mère et moi. Nous y avons couché deux nuits. Jérémie était rentré le dimanche 20 à deux heures du matin. Nous avons dîné chez lui, et votre frère aîné. Jérémie s’est aussi trouvé au Cateau le 22 et, comme il était retourné chez lui et qu’il devait partir pour Fourmies399 le lendemain à midi, nous sommes retournés à Bertry par le train de neuf heures trente afin de dîner encore avec lui avant son départ. Ce qui fut fait. Le jeudi 24 j’ai prêché la dernière fois à Bertry. Le 25, vendredi à dix heures, nous sommes partis par le train pour aller à Bar-Le Duc où nous sommes arrivés à huit heures du soir et où nous sommes restés chez Eraste pendant huit jours. Le 27, dimanche, j’ai prêché le soir à Bar-Le Duc.

287[...]

Décembre 1868

288Le 8, mardi à midi, je suis parti pour Foameix où je suis arrivé vers le soir. Depuis sept heures jusqu’à neuf heures trente, j’ai été occupé à expliquer un grand nombre de passages à des catholiques qui se trouvaient dans la maison des époux Rouyère. La soirée a été vraiment édifiante pour tous. Retour le lendemain.

289Le 26, samedi à trois heures du soir, je suis parti pour Lacroix où j’ai passé le dimanche et je suis retourné le lundi 28 au matin.

290Mon Dieu, voici encore une année de passée très rapidement, mais Toi Tu es toujours le même et Tes années ne finissent jamais. Et si le temps fuit et nous entraîne, c’est vers l’Eternité, car notre âme est immortelle et si nos corps tombent en poussière, c’est pour renaître incorruptibles. C’est là l’espérance que nous donne Ton Evangile. Quel bonheur que Tu nous aies appelés à Ta connaissance en nous donnant, par la résurrection de Ton Fils Jésus-Christ, l’espérance de la résurrection à une vie meilleure ! O Dieu, que cette pensée est consolante pour nous ! Que pouvons-nous Te rendre pour un si grand bienfait de Ta part ? Nous ne pouvons que prendre la coupe de louange et bénir Ton saint Nom. Que notre vie soit consacrée à Ta Gloire. Sanctifie-nous par Ta Vérité. Ta Parole est la Vérité. Pardonne-nous nos péchés passés et fais-nous vivre d’une vie nouvelle par Ton Saint-Esprit. Nous Te prions, Seigneur, pour nous et notre famille, enfants et petits-enfants. Au nom de Jésus-Christ. Amen.

An de grâce mil huit cent soixante neuf

Janvier 1869

291Le lundi 11 de ce mois, votre frère Eraste est arrivé de Bar-Le Duc à Verdun à sept heures du soir et il est retourné le vendredi 15 à la même heure. Il a passé avec nous quatre heureuses journées.

292Le 27 de ce mois, Samuel a tiré au sort. Il prit 170.

293[...]

Mai 1869

294Le 2 de ce mois, dimanche à quatre heures du matin, je suis parti pour Bar-Le Duc où je suis arrivé vers huit heures trois quart. J’y ai d’abord présidé l’école du dimanche, j’y [ai] fait le service du matin et celui de l’après-midi parce qu’Eraste était [parti] le mardi 27 avril pour aller à Strasbourg avec sa famille. Le 3, lundi, service de mariage et retour à Verdun.

295Le 9, dimanche à sept heures du matin, je suis parti pour Lacroix où je suis arrivé à dix heures avec un petit jeune homme de Charny près Verdun nommé André Léhé, qui a passé la plus grande partie du dimanche avec nous. Vers le soir il est parti pour aller visiter des parents. J’ai présidé deux cultes. Le même jour il est né un garçon à votre frère Eraste vers sept heures et demie du matin. Le 10, lundi à cinq heures du matin, je suis parti de Lacroix pour retourner à Verdun où je suis arrivé à neuf heures. C’est après mon retour que j’ai reçu une lettre de Strasbourg de votre frère Eraste, où il était avec sa famille, m’annonçant la délivrance de sa femme et la naissance de son fils auquel il avait donné le nom de Ernest Charles Eraste.

Juin 1869

296Au commencement de ce mois le 5^e régiment de chasseurs est arrivé à Verdun Dans ce régiment se trouvaient M. et Madame Martin, époux pieux, qui nous ont beaucoup réjouis et augmenté notre petit troupeau. Le 8, mardi, M. et Madame Planques qui étaient à Verdun depuis cinq ans, où ils ont connu la vérité du salut par la foi en Jésus-Christ, sont partis à sept heures du soir pour se rendre à Rennes en Bretagne où son poste lui était désigné comme garde d’artillerie. Ces amis nous ont quittés avec regret.

297Le 21, lundi, nous avons reçu d’Eraste une dépêche télégraphique par laquelle il apprenait que son fils venait de mourir à neuf heures du matin, et il m’invitait à partir de suite pour Bar. Je suis parti par la première voiture à sept heures du soir et je suis arrivé à Bar à onze heures. L’enterrement de l’enfant a eu lieu le mercredi 23 à dix heures du soir, je suis parti pour retourner à Verdun où je suis arrivé à sept heures.

298[...]

Décembre 1869

299Le 3 de ce mois, vendredi, je suis parti à six heures du matin pour aller à Foameix faire l’enterrement de Madame Rouyère, décédée le jour précédent à cinq heures du matin. L’enterrement se fit à midi. Il y avait beaucoup de monde en proportion de la grandeur du village, car cette femme était aimée à cause de sa bonté et de sa charité. Bien que pauvre elle-même, elle assistait les malheureux. Mon sujet au service de la maison fut la similitude du champ et de l’ivraie et, au cimetière, ce fut la similitude du filet jeté dans la mer400. J’ai préféré ces paroles de mon Sauveur parce qu’il les a trouvées lui-même propres à être dites en public et expliquées aux apôtres. Je suis retourné à Verdun le même jour où je suis arrivé à cinq heures du soir par la neige, car j’avais une voiture de louage. Madame Rouyère est morte dans la foi en Jésus-Christ, le Fils de Dieu.

300Le 23, jeudi, j’ai baptisé une petite fille nommée Henriette, appartenant à Monsieur Olagnier et à sa femme, cantinière au 63^e de Ligne.

301Le dimanche 26 décembre, j’ai été à Lacroix où j’ai fait de[ux] services. J’y ai eu passablement de monde de Bannoncourt et de Dompcevrin. Le soir j’ai baptisé un enfant à Christian Edelving.

302Le 29 du même mois, mercredi, on a consacré Louis Poulain au ministère évangélique à Bertry. Je n’ai pu y aller parce que le temps me manquait.

303C’est le 8 de ce mois que le pape Pie IX a ouvert son concile général, mais déjà à la fin de l’année, on savait que Pie IX aurait de la peine à faire reconnaître son infaillibilité. L’évêque d’Orléans, Dupanloup, était un grand opposant. Dans le dernier trimestre de l’année, un carme déchaussé dont le couvent était à Paris, a jeté le froc aux orties en envoyant sa démission à son général à Rome. Il prêchait à l’église Notre-Dame de Paris depuis cinq ans. Il avait des idées très larges et très libérales. Il alla visiter l’Amérique et revint à Paris au bout de cinq à six semaines, mais on n’entendit plus rien dire de lui, mais il avait pour principe de ne pas quitter son Eglise. Que faire avec ce principe ?

304En 1869 ont commencé de grands mouvements religieux et politiques. Quelle en sera la fin ? L’incrédulité fait des progrès effrayants.

305O Dieu, bénis Ta Parole, fais qu’Elle prospère pour le salut des âmes et donne courage à Tes serviteurs afin qu’ils amènent beaucoup d’âmes à Ta connaissance. Pour l’amour de Jésus. Amen.

L’an de grâce du Seigneur Jésus. 1870

Février 1870

306Le 7 de ce mois, lundi à dix heures du soir, Julie Caron de Bertry est arrivée chez nous à Verdun, venant d’Haguenau, Bas-Rhin, où elle avait passé deux ans dans la maison centrale pour crime d’infanticide. Elle avait l’air repentante et elle paraissait croire en Jésus-Christ et d’aimer l’Evangile. Je l’ai exhortée à se conduire selon la Parole de Dieu. Elle est partie pour retourner à Bertry le 11 à cinq heures du soir. Elle a dû coucher à Aubréville, Meuse, pour y prendre le chemin de fer de Reims le lendemain et de là aller à Bertry où elle a dû arriver vers sept heures du soir.

307Le 27, dimanche, j’ai fait deux services à Lacroix. Il n’y avait que peu de monde, mais nous avons été bien édifiés. Le 28, lundi, retour à Verdun. Arrivé à neuf heures du matin.

308[...]

Avril 1870

309Le 24 de ce mois, dimanche, à sept heures du matin, je suis parti par la diligence pour aller à Lacroix-sur-Meuse où je suis arrivé vers dix heures. Vers onze heures nous avons commencé le culte qui fut suivi de la sainte Cène. L’après-midi la réunion fut plus nombreuse, car les amis et les frères des communes de Bannoncourt, de Dompcevrin et de Lahaymeix401 se sont trouvés avec les amis de Lacroix. Nous avons eu entre nous une explication du chapitre xv de la Première Epitre aux Corinthiens402 de laquelle chacun a été content et édifié. Le lendemain au matin, je suis retourné à Verdun.

Mai 1870

310Le jeudi 19 de ce mois, je rendis une visite à Madame Borel. Je la trouvai bien malade. Elle me pria de demander pour elle qu’elle entrât à l’établissement des diaconesses de Paris, ce que je fis. Le lendemain, vendredi 20, elle m’envoya chercher dans la matinée, mais je ne pus y aller parce que j’étais moi-même indisposé. On ne m’avait pas dit pourquoi, mais Madame Borel avait eu une faiblesse. Le même jour à quatre heures du soir, me trouvant un peu mieux, je me rendis chez Madame Borel. Je la trouvai assise sur une chaise près de son lit. Je la trouvai très mal. Je lui demandai pour faire la prière. Elle me répondit : « Je ne sais pas si je pourrai », car elle se sentait mal. Aussitôt elle prit son mari par le cou, parce qu’il était assis près d’elle. Elle voulut aller au lit. Son mari se leva pour aller chercher un homme pour la remettre au lit. Alors je me mis derrière la chaise de Madame Borel pour la tenir en attendant le retour de son mari, mais elle commença à faire les soupirs. Elle en fit encore trois après le retour de son mari. Elle était morte J’aidai à la mettre sur le lit. Le samedi 21, nous procédâmes à son enterrement.

Juin 1870

311Le dimanche 5 de ce mois, jour de la Pentecôte, M. Joseph Lange de Raffecourt vint à Verdun où il se rencontra chez sa sœur, Madame Schmid, avec son père, une de ses sœurs et une sœur de sa mère. Nous nous trouvâmes ensemble au culte et l’après-midi, à quatre heures, nous partîmes, votre mère et moi, Madame Schmid et la tante, pour aller à Raffecourt chez Madame Albert où il était la fête. Nous y restâmes jusqu’au mardi matin. A huit heures, M. Joseph Lange fit apprêter la voiture et nous reconduisit à Verdun avec sa sœur, Madame Schmid. Nous arrivâmes vers onze heures. Nous étions alors le 7 juin. C’était le jour de notre délogement. M. Joseph Lange eut la bonté de charger nos caisses, nos malles sur sa voiture et de les transporter avec notre bois à notre nouveau domicile. Cela dut se faire avec une grande précipitation, car à quatre heures du soir je dus faire l’enterrement d’un enfant de treize mois nommé Clémence Juliette Keesser dont le père est Belge et la mère est de Parfondeval (Aisne), fille de M. Haart, instituteur décédé dont la femme est remariée à M. Fromment. Le 8, mercredi, nous rangeâmes nos effets dans notre nouvelle demeure et je payai quarante-cinq francs à M. Nauvais, notaire à Verdun, pour trois mois de location que je devais aux héritiers de Madame Burthi, notre propriétaire décédée. Je lui remis aussi une note détaillée des meubles que j’avais laissés dans la maison, et la clef des appartements. Nous avons été quinze ans et un mois dans la maison.

312Le 16, jeudi, mariage de Louis Poulain, pasteur au Chambon (Haute-Loire) avec Melle Thérèse Guignard, à Mont-de-Marsan (Landes).

313Le 26, dimanche, j’ai été à Lacroix où j’ai fait un service après-midi. Retour à Verdun le lendemain.

Juillet 1870

314Le 14 de ce mois, l’empereur des Français déclara la guerre au roi de Prusse. Et tout le monde fut dans l’anxiété. Depuis lors la guerre a continué.

Août 1870

315Le 18 de ce mois, jeudi à cinq heures du matin, M. Martin, capitaine adjudant-major, homme très pieux qui était parti pour la guerre et que l’on croyait perdu, est arrivé chez nous à Verdun à cinq heures du matin, venant de Forbach et [de] Metz. Ce cher frère avait été rendu à sa femme et à ses enfants par les prières de tous les fidèles d’Orthez. Sa femme avait tant travaillé auprès du ministre de la Guerre que M. Martin avait été mis en disponibilité. J’ai passé une heureuse journée avec lui en rendant grâce à Dieu pour la délivrance de ce cher frère. Je l’ai conduit à la gare où je l’ai quitté à huit heures trente du soir. Il retournait à Orthez. Grande agitation en ville.

316Le dimanche 21 nous avons eu notre culte à l’ordinaire. La ville a été assez calme. On n’a pas eu d’alerte. Le 22, lundi, on a vu quelques Prussiens sur les Côtes403. Le 23, mardi, M. Monnier Frédéric est arrivé chez moi. Il conduisait une ambulance protestante ayant quatre voitures. Je n’ai eu le temps que de dire quelques mots qu’il m’a demandés, savoir s’il y avait des blessés à Verdun, et comme il n’y en avait pas, il est reparti avec l’ambulance du côté de Chalons. Mais je n’en savais rien. A une heure trente du soir je suis parti pour aller visiter une famille protestante à Baleicourt, écart de Verdun de près de six kilomètres. J’ai trouvé cette famille très abattue. J’ai cherché à relever leur courage. Comme j’étais dans la maison, trois chasseurs du 5e sont passés en courant au galop. Je suis resté dans la maison avec les amis. Nous avons lu la Parole de Dieu dans les Psaumes. Nous avons prié ensemble et vers cinq heures je suis retourné à Verdun. En chemin j’ai été rejoint par un peloton de chasseurs dont une vingtaine à cheval et d’autres dans un chariot, qui retournaient à Verdun au grand galop. Mais dans l’après-midi on avait vu des soldats prussiens allant et venant sur la Côte de Belleville404. Ils ont pris trois jeunes garçons qu’ils ont rencontrés sur les champs et les ont tenus jusqu’au lendemain matin, et les ont renvoyés à Verdun en leur disant : « Vous direz aux habitants de Verdun que demain nous irons les trouver à dix heures ». Le 24, mercredi, jour de la Saint Barthélémy, à dix heures du matin, ils ont commencé à mitrailler la ville. Leurs pièces étaient placées du côté de la porte Saint Victor. La canonnade n’a duré que jusqu’à midi. Les bombes écrasaient les murs, les toits, les fenêtres. Les Prussiens se sont retirés parce que les munitions leur manquaient. La ville a bien riposté. On ne sait ce que les Prussiens ont eu de morts ou de blessés, mais la ville a eu onze morts tant de la garde nationale que de la Mobile et de la Ligne, très peu de blessés. On fait sauter les maisons du faubourg.

317Le jeudi 25 on enterra les morts et le génie fit encore sauter des maisons. Un bûcheron a tué un Prussien qui demandait à manger et à boire et qui avait rendu les armes. C’était un jeune homme de vingt-trois ans. Ce mauvais sujet de bûcheron lui a donné un coup de hache sur le cou et on a rentré le pauvre Prussien en ville en chantant la Marseillaise et en allant boire à chaque marchand de vin qu’ils rencontraient. La tête du pauvre garçon pendait à côté du brancard et il dit : « Français, moi meurs ». Il mourut en effet dans la rue Neuve. Le bûcheron fut arrêté et emprisonné. Mais quelle barbarie dans les hommes.

318Le vendredi 26 les Prussiens ont passé par milliers du côté de Bras et Charny au nord de Verdun405 et du côté du sud. On dit que l’on s’est battu du côté de Clermont-en-Argonne, Meuse. La garnison de Verdun fait des prisonniers que l’on ramène en ville. Le samedi 27, on est assez calme. Seulement le génie fait toujours sauter des maisons dans le faubourg. On ramène des Prussiens prisonniers.

319Le dimanche 28, grande émotion à dix heures trente. Ce n’étaient que des voitures de vivres, de sel et de tabac, puis de la farine, qui s’étaient trompées de route. On les a saisies. C’était aux Prussiens. Nous avons eu nos cultes à l’ordinaire mais bien peu de monde, car il n’y avait pas d’étrangers et ceux de la ville étaient bouleversés. Le 29, lundi, les francs-tireurs ont tué deux soldats de l’armée prussienne et les ont ramenés en ville avec une voiture. C’étaient deux officiers dont un capitaine qui était porteur d’une bonne somme tant en monnaie qu’en billets de banque. Ces hommes ont été tués dans un jardin.

320Le 30, mardi, pour la première fois j’ai vu des soldats ennemis. C’étaient des Saxons qui, fatigués du service prussien, se rendaient prisonniers. Il était cinq heures du soir quand je les ai vus sur des voitures passant dans la rue Mazelle. Il y en avait une dizaine. Ils étaient conduits par des mobiles et des gardes nationaux. Le 31, mercredi à huit heures du matin, les prêtres romains ont fait l’enterrement des deux officiers sans savoir à quelle religion ils appartenaient. On a dit qu’ils étaient protestants, mais peu importe, ils avaient de l’argent. C’étaient des hérétiques, mais leur argent était bon.

Septembre 1870

321Du premier au 7 de ce mois, rien de particulier. Verdun est toujours sans correspondance. Les Prussiens l’entourent. On en prend prisonniers qui se rendent volontairement. Le 6, mardi, il est arrivé cent soixante soldats français environ qui avaient été pris prisonniers par les Prussiens et s’étaient enfuis. Ils étaient habillés de toutes manières pour se déguiser et échapper aux Prussiens qui étaient dans les campagnes. Ils ont raconté que l’armée de Mac Mahon avait été défaite par les Prussiens. Mais on ne sait rien. On s’attend de jour [en] jour au siège de la ville. On ne travaille plus. Les campagnes sont ravagées. C’est fort triste. Nous avons notre confiance dans la protection du Seigneur, mais nous désirons beaucoup des nouvelles de tous nos enfants qui, sans doute, sont en peine à notre sujet. La délivrance viendra un jour. Depuis le 6 on a toujours été fort agités, mais il n’est cependant rien arrivé d’extraordinaire jusqu’au 26. Ce jour-là les Prussiens ont tiré sur la ville, plus spécialement sur la citadelle où il y a eu trois hommes de tués et une trentaine de blessés. Chaque dimanche nous avons eu nos cultes.

Octobre 1870

322Le 11 de ce mois était un mardi. Comme j’étais en visite chez M. Memminger, à huit heures du soir la bonne étant sortie dans le jardin rentra et vint nous dire : « Venez écouter comme on entend tirer ». Je sortis donc dans le jardin avec Monsieur et l’on entendait en effet une mousqueterie assez fortement nourrie au sud de la ville. C’étaient les Prussiens qui tiraient sur les factionnaires mobiles des remparts de la ville. J’ouvris la porte de la maison, je vis nos troupes en mouvement. Je rentrai en la maison et je dis à votre mère qui était là : « Il nous faut nous en retourner ». Nous partîmes donc à notre demeure. Les canonniers étant arrivés à leurs pièces tirèrent quelques coups et la mousqueterie cessa vers neuf heures.

323Le lendemain 12, mercredi, la journée s’était assez bien passée. Le soir il faisait froid. Vers huit heures je lus trois chapitres : Saül, David et Goliath406, puis nous allâmes nous coucher en implorant la bénédiction de Dieu sur nous et sur les nôtres, mais cinq minutes après on entendit encore la mousqueterie. Je me levai. Votre mère se leva aussi. Cette fois c’était presque autour de la ville que se trouvaient les ennemis, mais nos artilleurs ayant encore tiré une quinzaine de coups, la mousqueterie cessa. Il était neuf heures et demie. Nous allâmes nous coucher. Mais tout cela n’était que ruse, stratagème de guerre, car que pouvaient ces ennemis en tirant avec des fusils contre les remparts d’une ville ? Ils faisaient cela parce qu’on leur amenait un convoi de munitions chaque jour et qu’ils voulaient occuper la garnison pendant que le convoi passerait à côté de la ville. Mais le lendemain 13 à six heures du matin, le bombardement de la ville recommença des plus belles. Ce n’était plus que bruit de canon et éclat de projectiles. Un magasin au fourrage brûle, une maison. La cathédrale est trouée à sa toiture. Le beffroi est ébréché, etc. La ville est pleine de fumée. Le feu est à un faubourg.

324Il est trois heures et quart quand j’écris ces lignes, mais le canon gronde encore. Dieu nous a jusqu’ici conservés. Que Son Nom Saint soit béni. J’arrête. Le canon continue toute la journée du 13. La nuit n’a pas été plus heureuse. Les coups n’étaient plus si drus. La halle au blé brûle vers dix heures du soir. Nous sommes levés. Je fais quelques tours avec un ami, car nous voyions les bombes par leurs mèches allumées et nous pouvions les éviter.

325Le 14, vendredi, anniversaire de notre mariage, au matin, on a cessé de tirer pendant une heure. Nous avons profité de ce court moment pour emporter ce que nous avions dans la cave du temple, mais le feu ne cessa qu’une petite heure. Alors il recommença plus terrible. Les boulets et les bombes venaient du couchant, de la côte de Bamont et de celle de Saint-Barthélémy407 parce que de ces deux points l’ennemi tirait sur la citadelle, et, au nord-est, il tirait sur la ville. Vers midi, étant dans la cave, j’entendis qu’une bombe avait éclaté près de la maison que nous habitions. Je fus tenté d’aller voir, bien que les projectiles sifflaient en tous sens. Lorsque j’eus fait cinquante pas, j’arrivai à la rue du Pont Neuf d’où je pus voir la maison. Une dame me dit : « M. Pruvot le feu est chez vous. Voyez la fumée ». Je courus. Je montai et j’entrai, mais la bombe avait éclaté dans la petite cour qui est devant les fenêtres. Nous n’avions plus que deux carreaux entiers, mais il n’avait rien dans notre chambre. La cour était bouleversée, la pompe brisée, la pierre qui était à côté des petits bâtiments servant à la lithographie de notre propriétaire, était fracassée. On tirait toujours. Je retournai à la cave pour moins d’un quart d’heure, mais les bombes ne faisaient qu’éclater près de chez nous. J’allai voir. Un boulet avait enlevé un coin de notre mur sous le toit et un autre était entré dans la chambre de notre propriétaire, au premier. Tous les trois projectiles étaient renfermés dans l’espace de trois mètres. Malgré tout je suis entré et il n’avait rien chez nous. Je suis retourné porter les nouvelles à votre mère dans la cave et à nos voisins qui y étaient avec nous. Leur maison n’avait aucune brèche. Vers cinq heures du soir il y eut un calme et, comme l’ennemi avait tiré si longtemps, nous pensions qu’il était fatigué ou qu’il était satisfait. Nous sortîmes en ville pour aller voir les dégâts. C’était chose navrante. Certaines maisons étaient percées, croisées brisées, bouleversées. Dix ou onze bâtiments brûlaient à la fois. La caserne Saint-Paul, le Palais de Justice sont écrasés. Plus de vitres. Leurs toitures sont trouées. Dans la rue Saint Pierre, on est à la chaîne pour éteindre le feu.

326Déjà en faisant notre course, nous avions entendu de nouveaux coups de canon que nous prenions pour venir de la citadelle, car l’écho trompe. On dit que l’ennemi est en fuite, que Canrobert arrive avec quinze mille hommes. Je visite une famille. Une bombe est éclatée sur le toit de leur maison. Nous voyons la moitié du projectile, mais nous partons. Nous voici dans la rue Moselle, en face de la maison avec une grille. Une nouvelle détonation se fait entendre. La bombe siffle et vient tomber à dix pas de nous, elle éclate, nous prenons la fuite. Nous passons en face de la rue de Saint-Esprit. Mon ami me crie d’y descendre, mais j’étais trop avancé, car bien qu’une fois presque plus âgé que lui, je cours plus vite. Nous prenons la rue du Pont et nous arrivons à la rue Neuve. On nous demande pourquoi nous courons si fort. Nous n’avons que le temps de dire : « L’ennemi recommence. Sauvez-vous », car il y avait beaucoup de monde dans les rues et on croyait que les coups de canon que l’on venait d’entendre venaient des nôtres. On est bientôt désabusé. On fuit. Nous arrivons à l’oratoire, mais avant de rentrer notre voisine voit M. Memminger, vieillard de quatre-vingt-deux ans, à quarante pas de nous. Une bombe tombe à dix pas de lui, elle éclate, il échappe. Il tourne dans la rue Saint Louis. Une autre tombe encore pas loin de lui, mais il rentre chez lui sain et sauf.

327Nous passons la seconde nuit dans la cave. Jusqu’à minuit l’ennemi continue de lancer les bombes sur la ville. La synagogue brûle. On vient nous appeler. Il est onze heures. Ce sont des amis voisins de la synagogue qui craignent l’incendie et qui nous apportent des sacs de farine pour les abriter dans le temple. Je cours voir tout seul. Les amis reviennent avec trois sacs de farine pendant que je suis absent, mais je me suis arrêté en route. Le feu a continué toute la nuit du 14 au 15 à midi. Ce jour-là il a cessé. Le 16, dimanche au matin, voyant que nous étions tranquilles, je réunis au temple le plus grand nombre possible de nos amis. Nous fîmes à Dieu la confession de nos péchés. Nous le remerciâmes de ce qu’il nous avait conservé. J’exhortai les amis à persévérer dans la prière et à attendre la délivrance.

328Le siège a commencé le 13 à six heures du matin et a duré jusqu’au 22 à midi, ce qui fait cinquante-quatre heures de bombardement que la ville de Verdun a souffert. Quelle anxiété pour nous408. Le mardi 18 à six heures quarante du soir, j’écris ces lignes, et bien que nous ayons été assez tranquilles jusqu’à cette heure, nous sommes toujours en perplexité, car l’ennemi se prépare de nouveau, dit-on, pour recommencer son œuvre de destruction. Nous tremblons, mais notre attente est en Dieu qui juge justement et qui sait délivrer.

329Le dimanche 16, d’une heure après-midi à deux heures, j’ai été rendre une visite à Madame Chevalier que je n’avais pu visiter le matin et [que] je n’avais pas vue au culte. Son mari me conduisit à la citadelle pour me faire voir le dégât. Rien de plus triste au monde. Tous les anciens bâtiments sont brûlés et fumaient encore. Les autres sont abîmés. Plus de vitres aux croisées. Les lits et les autres meubles sont réduits à néant. La terre est labourée des bombes. La cour qui est macadamisée en est toute percée. Les bombes ont éclaté dans la cathédrale. Les croisées sont comme un tamis. Quelques pierres montantes des galeries des tours ont été brisées. L’évêché est tout percé. Grâce soit rendu à Dieu, de tout cet affreux carnage, nous n’avons perdu que trente hommes. Lefèvre, notre cousin, et Norbert Taine sont encore en vie, aussi bien que nous.

330Mais Dieu sait quelle sera la fin de toutes ces choses. La France par son orgueil et sa vaine gloire est tombée entre les mains de ses ennemis. Dieu seul peut nous sauver. Nous désirons revoir nos enfants avant de mourir. C’est ce que nous demandons à Dieu. La ville n’a pas l’intention de se rendre. Vaincre ou mourir, telle est sa devise. Pour nous, que la volonté de Dieu soit faite. Mais le monde ne se convertit pas. Si nous périssons à la guerre, nous mourrons l’un et l’autre dans la foi au Seigneur Jésus qui s’est donné pour nous et nous souhaitons la paix à nos enfants.

331Toute la semaine s’est passée dans l’agitation, mais la ville n’a plus été bombardée. Dans la nuit du 19 au 20, cent trente hommes de bonne volonté, y compris des zouaves, des artilleurs et des soldats du génie, ont été enclouer dix-sept bouches à feu prussiennes. On craignait une vengeance, mais il n’en a rien été.

332Le dimanche 23 nous avons eu notre culte ordinaire. Tous les amis étaient encouragés dans le Seigneur. Le 24, lundi, j’ai été visiter M. Adam, mobile, malade à l’hôpital. Je lui ai lu un chapitre et j’ai fait la prière devant tous les soldats qui étaient là présents et ont très bien écouté. Je lui ai laissé un Nouveau Testament. En passant je suis entré chez une dame qui fréquente nos assemblées et on m’a dit que dans trois jours nous aurions la paix parce qu’un congrès était réuni à Londres dans ce but, que les Prussiens étaient battus en France et découragés. Le 27, visite à l’hôpital. La nuit du 27 au 28 trois cents hommes de la garnison sont sortis et ont passé la nuit dehors. Les uns ont été enclouer les pièces d’artillerie de Bamont409 et les autres celles de Belleville. En tout vingt-deux pièces ou enclouées ou brisées, ainsi que les batteries. Les Prussiens ont couru aux armes.

333De Thierville,410 ils ont tiré sur les Français de dedans les maisons qu’ils avaient percées pour faire des meurtrières. Ils étaient mêmes dans l’église et tiraient du clocher. Mais à Belleville, les Français furent plus heureux. Ils ont eu cent cinquante hommes hors de combat dont environ cent blessés. Ils ont ramené cinquante prisonniers. Les Prussiens ont perdu beaucoup plus de monde. Le 29 au matin, on a enterré les morts, dont trois Prussiens de l’ambulance et d’autres Français.

Novembre 1870

334Au commencement de ce mois les Prussiens entourent Verdun de cent cinquante canons du plus gros calibre. Le bruit court incertain que Metz est rendue. Le général français demande un armistice de huit jours pour s’assurer du fait, ce que le général prussien ne peut accorder sans la permission du roi Guillaume. Je ne sais ce qu’il a répondu, mais on a publié dans la ville qu’il ne fallait pas tirer sur les Prussiens.

335Le 7, lundi, la ville est calme. On parle de capitulation. Le 8, la capitulation est décidée. Le 9, mercredi, la garnison est avertie de se tenir prête pour aller en captivité. La citadelle est pillée par les Français. Le 10, jeudi, les Prussiens font leur entrée dans la ville de Verdun, mais avec calme, et les troupes françaises panent pour la Prusse. Le 13, dimanche, nous avons eu notre culte à l’ordinaire, mais peu de monde. Il s’y trouve deux officiers prussiens. Je parle avec l’un d’eux. Dans la journée du 12, j’ai reçu la visite de plusieurs de nos amis de Lacroix, de Raffecourt et de Baleicourt.

336Le 19, samedi à dix heures du matin, j’ai fait une prédication en français aux Prussiens, parce qu’ils me l’ont demandé. Depuis le mois d’août ils n’avaient pas eu de culte, n’ayant pas d’aumonier de langue allemande. Le dimanche 20, j’ai fait le service ordinaire. Le lundi 21 nous sommes partis pour Bar-Le Duc, moi et votre mère, à quatre heures du soir, et nous y sommes arrivés à dix heures. Le dimanche 27, j’ai prêché à Bar l’après-midi.

Décembre 1870

337Le 1^er de ce mois, jeudi, nous partîmes de Bar à sept heures du matin pour retourner à Verdun où nous sommes arrivés à midi. Quand je suis arrivé à Verdun, j’appris que, pendant le dimanche que nous avions passé à Bar, les protestants prussiens d’un nouveau régiment qui était arrivé à Verdun avec un pasteur, s’étaient assemblés dans notre temple. Le pasteur m’avait cherché. J’ai été le voir.

338Le 4, dimanche, ils se sont encore réunis à dix heures du matin et nous nous sommes réunis à onze heures. Le 11, dimanche, il en a encore été de même. Le 18, dimanche, les Prussiens ne se sont pas réunis, mais nous, nous avons fait notre culte à l’ordinaire. Ce jour-là j’ai reçu une lettre de M. Lorriaux, venant de Bertry. Il me donnait des nouvelles de notre famille. Je n’en avais pas eu depuis la fin du mois d’août. Le 19, lundi, ayant appris que le pasteur prussien devait partir, je lui rendis une visite le matin, mais je ne le trouvai pas chez lui. Je rentrai chez nous et je répondis à la lettre de M. Lorriaux et j’adressai ma lettre à Londres où il devait se trouver étant en collecte pour la Société Centrale Protestante de Paris. Mais je ne sais pas si ma réponse lui parviendra, car sa lettre était du 26 novembre. Le 20, mardi, retour du pasteur prussien en Westphalie. Le 25, dimanche, jour de Noël, nous avons fait la sainte Cène. Nous étions onze communiants. Il n’y avait que quatre étrangers au culte parce qu’il faisait très froid. Tout le mois de décembre a été très froid cette année. Il y a eu de la neige au commencement pendant une douzaine de jours, puis la neige est fondue et, le 21, il a commencé à geler au plus fort. Tout cela était du bien mauvais temps pour le pauvre soldat en guerre à Paris, en Normandie et la Loire.

339Le 28, mercredi, je suis parti pour Lacroix pour aller rendre une visite à Madame Chrétien Schmid qui depuis trois semaines était retournée malade chez ses parents. Je suis arrivé le soir. J’ai trouvé la malade levée, mais dans une grande faiblesse. Le lendemain 29, je me suis entretenu avec elle touchant ses dispositions spirituelles. Je lui ai expliqué le plus clairement possible la grande œuvre de notre salut opérée par le Sauveur Jésus-Christ, ainsi que l’espérance de la résurrection et la gloire des croyants au retour personnel du Rédempteur. C’étaient là des choses qu’elle avait entendues depuis longtemps, mais elle a été bien heureuse de les entendre encore à ce moment. A une heure après-midi, comme toute la famille était réunie, nous avons célébré la sainte Cène avec la malade, et après elle m’a dit : « Je suis bien heureuse. J’attends en paix la volonté de Dieu » A cinq heures j’étais de retour à Verdun. Le temps était très rude. Il gelait à toute force et il faisait un grand vent. J’étais malade avant mon départ pour Lacroix, mais le Seigneur m’a soutenu.

340L’année mil huit cent soixante-dix a fini malheureusement par la guerre. Depuis le commencement du mois d’août, les soldats de toutes les puissances allemandes ont envahi l’est de la France, bloqué Paris et se sont avancés jusqu’au-delà d’Orléans et de Rouen, et même dans le Nord. Les armées françaises ayant été défaites devant Wissembourg, Metz et Sedan où l’empereur Napoléon III fut fait prisonnier, Strasbourg fut très maltraité par un bombardement de trente jours. Toul, Verdun et Montmédy furent aussi bombardés et Metz fut vendue par le général Bazaine.

341C’est Napoléon III qui a déclaré la guerre, aussi la France fut-elle rudement châtiée, mais elle avait oublié Dieu, elle ne connaissait plus que Napoléon et la Vierge Marie. Les troupes allemandes étaient déjà au-delà de Paris quand les Français commencèrent à recruter une nouvelle armée pour défendre la patrie. Mais les esprits ne sont point unis ni éclairés. A la fin de l’année on ne peut encore s’apercevoir comment tourneront les affaires. On se bat, le sang coule, mais le peuple ne se repent point. La corruption est toujours en progrès. Ah ! si seulement tous les chrétiens priaient, il y aurait de l’espérance.

342Que Dieu donc leur donne à tous l’humilité et l’esprit de prière, afin qu’ils demandent à Dieu de faire cesser la guerre et l’effusion de sang humain ! Mon Dieu, donne-nous la paix. Toi seul Tu peux faire changer les sentiments des gouverneurs. Pardonne les péchés de Tes enfants et ceux de notre patrie pour l’amour de Ton cher Fils.

343Amen.

L’an de grâce 1871

Janvier 1871

344Le 4 de ce mois, mercredi à sept heures du matin, je suis parti pour Lacroix pour y aller faire l’enterrement de Madame Chrétien Schmid, née Elise Lange, ce qui eut lieu le même jour à deux heures du soir. Le lendemain, jeudi, je retournai à Verdun par la diligence.

345Le mardi 24 à deux heures de l’après-midi, j’ai fait l’enterrement de Chrisostome Masson, époux de Marie Joséphine Robert, décédé le jour précédent à trente minutes du matin en l’hospice Sainte Catherine de Verdun.

Février 1871

346Le 19 de ce mois, dimanche, après avoir fait le service, M. Joseph Lange étant venu avec sa voiture, nous ramena chez lui, votre mère et moi, à Raffecourt. Nous quittâmes Verdun vers deux heures trente et nous arrivâmes à Raffecourt vers six heures du soir, où nous passâmes trois jours. Nos soirées pendant ce temps étaient employées à la méditation de la Parole de Dieu et au chant de cantiques et à la prière, parce que le jour on travaillait. Le 23, jeudi au matin, M. Lange nous reconduisit à Verdun où nous sommes arrivés vers dix heures. En rentrant j’ai retrouvé à la maison une lettre de M. Lorriaux, pasteur. Cette lettre était datée du 7 janvier. Elle était datée de Bertry. Elle nous apprenait que l’on s’était battu à Busigny et à Maretz, et que les Prussiens avaient été repoussés au-delà de Bohain. En même temps elle nous disait aussi que le 1, le 2 et le 3 du même mois, il y avait aussi eu un engagement entre Douai et Arras, dans lequel l’ennemi avait été battu. Etc. etc. Jérémie avait mis une page dans la lettre de Lorriaux.

Mars 1871

347Le 3 de ce mois la paix a été signée, grâce à Dieu, entre la France et l’Allemagne. Puisse-t-elle être durable.

348Le 4, samedi, j’ai été réclamé à la poste prussienne de Verdun une lettre de M. Hoffmann, Président de la Société de Gustave Adolphe, contenant cent vingt thalers en billets de banque allemands. Le 6, lundi, j’ai écrit à M. Hoffmann pour lui accuser réception de sa lettre et le remercier. Le 10, vendredi, j’ai écrit à tous nos enfants de Bertry et à Jean-Baptiste au Cateau. Le 11, samedi à six heures du matin je suis parti pour Lacroix le soir. Le 12, dimanche, nous avons eu le culte à Lacroix. Le 13, lundi, retour à Verdun vers le soir.

349[...]

Octobre 1871

350Le premier de ce mois, dimanche, j’ai fait deux services à Lacroix. Le mauvais temps a empêché les étrangers de s’y trouver. Le 2, lundi à six heures du matin, je suis retourné à Verdun. Le 10, mardi, j’ai renvoyé cinq caisses à M. Martin à Orthez. Le 11, mercredi, j’ai rendu visite aux amis de Balincourt411. Le 12, jeudi, j’ai visité les amis de Charny. Le 15, dimanche, il n’y avait que peu de monde au culte de Verdun, pas d’étrangers, cependant il faisait beau temps. Le 17, mardi à quatre heures du matin, nous sommes partis votre mère et moi pour aller à Bar-Le Duc où nous sommes arrivés à neuf heures du matin chez votre frère Eraste, et nous sommes retournés à Verdun le 24, mardi à deux heures du soir. Arrivés à Verdun à sept heures. Le même jour, mort de Jean-Baptiste Brochet de Clary.

Novembre 1871

351Le 3 de ce mois, vendredi à dix heures et demie du soir, est né à votre frère Eraste un fils auquel il a donné le nom de Eraste Louis Alfred. Nous en avons reçu la nouvelle le 7 au matin.

Décembre 1871

352Dans ce mois le froid a été très grand et la terre était couverte de neige, de sorte que l’on exposait gravement sa santé si on se mettait en voyage, de sorte que nos réunions religieuses ne furent pas beaucoup fréquentées par nos amis du dehors. Moi-même je ne suis pas sorti de la ville parce que les étrangers redoutaient aussi le froid.

353Encore une année de passée. Et que de milliers d’âmes sont aussi passées de ce monde à l’Eternité. Ha ! si du moins elles avaient connu celui qui sauve gratuitement les pécheurs ! Si elles avaient toutes cru en Jésus-Christ, le Fils de Dieu, elles seraient aujourd’hui dans le sein du Père Céleste. Mais il faut ici répéter avec tristesse cette parole du Sauveur : « Il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus ».

354Les six derniers mois de l’année 1870 ont été des mois de tristesse, des mois de guerre. Le sang humain a coulé. Les premiers [mois] de 1871 n’ont pas été moins tristes. Cependant ils nous ont donné la paix. Le sang a cessé de couler. Que [Dieu] soit béni pour cette paix qu’il nous a rendue.

355Encore que les coups aient été terribles et le châtiment sévère, les hommes ne se sont point repentis de leurs mauvaises œuvres et n’ont point cessé d’adorer le démon de l’incrédulité, le démon des idoles et des superstitions. Les chrétiens se sont réunis en conférence religieuse à Nîmes (Gard) pour aviser aux moyens de relever le moral du peuple français et on y a décidé que l’on travaillerait à répandre l’Evangile et à relever les protestants de France. Que Dieu veuille bénir et encourager les efforts de Ses serviteurs et nous donner en 1872 une année évangélique abondante en bons fruits pour le salut des âmes et pour Sa gloire. Amen.

L’an de grâce 1872

356[...]

Février 1872

357Le 5 de ce mois à sept heures du matin, je suis parti pour aller à Saint-Mihiel présider à l’enterrement d’Eléonore Henrich, née à Wissembourg, décédée le 2 du même mois à sept heures [et] demie du soir à l’âge de cinquante-quatre ans, épouse de Georges Lang, chef de musique en retraite. Cette femme était protestante et son mari catholique romain ou plutôt sans religion, comme tant d’autres. Le service funèbre a commencé à la maison mortuaire. Le corps mort avait été déposé devant la porte de la maison sur une très vaste galerie en terrasse où se trouvaient réunies environ deux cents personnes très distinguées, tant hommes que femmes. Après avoir imploré la bénédiction de Dieu, je lus le cinquième chapitre de la Seconde aux Corinthiens et m’appuyant sur le premier verset de ce chapitre412, je montrai que les premiers chrétiens n’étaient pas aussi ignorants que les chrétiens de nos jours puisqu’ils savaient qu’après leur mort ils avaient une nouvelle habitation dans le Ciel, tandis qu’une partie de ceux qu’on appelle chrétiens de nos jours ne savent rien, et cela parce qu’ils ont été faits chrétiens dans leur enfance par un prétendu baptême, mais non par la foi en Jésus-Christ. Sur la fosse je fis un second discours sur Jean V, 25 à 29413. J’avais devant moi un auditoire de cinq cents catholiques au moins, auxquels j’ai montré qu’il y a une résurrection des morts par le pouvoir de Dieu et de Jésus-Christ, lequel doit lui-même exercer le Jugement. J’ai montré que tous les hommes sont des pécheurs, condamnés par la Loi de Dieu, et que le seul moyen d’échapper à la condamnation, c’était de croire en Jésus-Christ, lequel est mort pour nos péchés et est ressuscité pour notre justification. Il nous sauve gratuitement, sans nos mérites. L’un et l’autre de ces discours ont été écoutés avec la plus sérieuse attention et dans le plus grand silence. J’ai terminé le service par la prière pour les auditeurs, pour les habitants de la ville, pour les autorités municipales et en priant pour la patrie qui était dans un grand trouble. Plusieurs sont venus me témoigner de leur satisfaction, en souhaitant d’entendre de semblables instructions plus souvent. A quatre heures du soir je retournai à Verdun par la diligence.

358Le 11 février j’ai été à Raffecourt avec votre mère. Retour le 15.

Mars 1872

359Le dimanche 17 j’ai été à Lacroix. J’y ai eu vingt-deux auditeurs très attentifs et bonnes conversations religieuses.

360Le 22, vendredi, je suis parti à sept heures du matin par la voiture de Verdun pour aller à Saint-Mihiel. Arrivé à onze heures. De là, par une voiture d’ami, je suis allé à Bussot, moulin, pour faire l’enterrement d’une petite fille de trois semaines dans le cimetière de Brasseitte. Depuis Saint-Mihiel il est tombé de la neige, ainsi que pendant tout le temps de l’enterrement et, au retour, jusque à Saint-Mihiel. Retour par la voiture à Verdun. Arrivé à huit heures du soir.

361Le 25, lundi à quatre heures du soir, mort à Bertry de mon cousin François Moity. Il est mort dans la foi en Jésus-Christ, fils de Dieu. Le 27, mercredi, a eu lieu son enterrement. Le soir de ce jour est venu chez nous Asie Lange de Lacroix, allant à Raffecourt voir la femme de son frère très malade. Elle est repartie le 28 au matin.

362[...]

Août 1872

363Le 11 de ce mois, dimanche, j’ai été prêché à Saint-Mihiel. Après le service je suis retourné à Lacroix avec M. Lange. Le lendemain, lundi 12 au matin, je suis retourné à Verdun.

Septembre 1872

364Le 8 de ce mois, dimanche, j’ai prêché à Saint-Mihiel. Le 18, mercredi, j’ai été visiter à Dugny414 une femme catholique qui a la Bible. Je lui ai annoncé le salut par la foi. Cette femme se nomme Madame veuve Constantin.

Octobre 1872

365Le 8 de ce mois, mardi, nous avons quitté la maison Macfarlane pour aller loger en face dans la même rue. On nous avait donné congé, il fallait nous exécuter. Le 9, mercredi, nous avons tout arrangé dans la maison.

366Le 13, dimanche, j’ai été à Saint-Mihiel. J’ai eu une bonne réunion, mais point de catholiques. Retour à Verdun.

367C’est dans le mois d’octobre que votre mère a commencé à avoir mal au genou.

Novembre 1872

368Le 10 de ce mois, dimanche, j’ai été à Saint-Mihiel. Le 11, lundi à dix heures du soir, Samuel est arrivé à Verdun, malade. J’ai été le recevoir à la gare. J’ai craint que le voyage ne lui soit néfaste, mais il n’a pas été trop mal.

369Le 24, dimanche à trois heures de l’après-midi, je partis par le train avec un jeune homme de Moulin-Brûlé, écart de Nixéville415, pour aller visiter sa famille, ou plutôt ses parents avec lesquels je me suis entretenu jusqu’à neuf heures quinze du soir. Le père, la mère et le fils sont très bien disposés pour l’Evangile. En partant je fus invité à y retourner, ce que je promis si Dieu m’en accordait la grâce. Le fils me reconduisit jusqu’à la gare de Baleicourt. Je suis rentré chez nous à dix heures vingt. Que Dieu bénisse mes démarches.

Décembre 1872

370Le 17 de ce mois, mardi à six heures trente du soir, Samuel nous a quittés pour aller voir son oncle Eraste à Bar-Le Duc. Le lendemain 18, j’ai écrit à son père. Le 19, j’ai écrit à M. Hoffmann, président de la Société de Gustave Adolphe à Leipzig pour demander un secours pour la Société Centrale Protestante de Paris.

371Encore une année qui a passé promptement. Le temps est trop long pour le péché qui trouve toujours place dans la vie, mais c’est trop court pour la sagesse et la sainteté dans lesquelles les progrès se remarquent à peine. Cependant le moment vient où il faudra rendre compte à Dieu de l’usage du temps. Oh ! alors bienheureux seront ceux qui auront trouvé en Jésus leur Sauveur et leur Justice. O Jésus ! couvre-moi de ton manteau, car je suis pécheur ! Revêts-moi de justice, car il n’y en a point en moi.

372Peut-être que je ne terminerai pas ma soixante-dixième année, mais je Te remercie de ce que Tu m’as donné de prêcher fidèlement Ton Evangile. Fais que [je] continue cette œuvre avec fidélité jusqu’à la fin de ma vie et que toute la gloire T’en sera rendue, car c’est Toi qui pourvois la semence au semeur et le pain à celui qui le mange, et celui qui plante et celui qui arrose ne sont rien. C’est Toi qui donne l’accroissement. Merci, mon Dieu, pour m’avoir conservé les forces et la santé du corps jusqu’à ce jour, d’avoir pourvu à tous mes besoins. Continue-moi Tes bontés et répands les aussi sur ma compagne, rends-lui la faculté de marcher encore. Bénis. Seigneur, tous nos enfants et petits-enfants. Fais-leur à tous connaître Ton amour et Ton Fils. Amen.

Année 1873

Janvier 1873

373Le 9 de ce mois, jeudi, mort de Napoléon III, empereur. Le 12, dimanche, j’ai été faire le service à Saint-Mihiel. J’y ai prêché sur Luc XII, 32416 Il y avait comparativement peu de monde.

Février 1873

374Le 25 de ce mois, mardi (gras), à six heures du matin, est né un fils à votre oncle Eraste, auquel il a donné le nom de Alfred, Paul, Edouard. Le même jour à midi, est arrivée chez nous Madame Adam de Bar-Le Duc, allant chez son fils à Ornes417. Elle nous avait prévenu de l’événement chez Eraste.

Avril 1873

375Le 2 de ce mois, mercredi, j’ai écrit à M. Wenger, pasteur à Metz, pour lui demander s’il voulait faire une collecte dans son Eglise au profit de la Société Centrale ou s’il voulait me permettre de faire moi-même cette collecte. Je lui ai envoyé une circulaire et une carte. Le 3, jeudi, j’ai écrit pour le même motif à M. le pasteur Schmidt de Nancy. Je lui ai aussi envoyé une circulaire et une carte des stations de la Société Centrale, ainsi qu’à M. le pasteur Cuvier.

376Le 20, dimanche, j’ai été faire le culte à Saint-Mihiel.

377Le lundi 28, M. Comte, pasteur à Neufchâteau, est arrivé chez nous à Verdun, vers midi. Je l’ai accompagné à faire quelques visites et me suis entretenu avec lui jusqu’à dix heures du soir. Le 29, mardi, je me suis occupé de préparer les affaires pour l’enterrement d’un enfant qui devait être amené d’Ornes. Cet enfant était à M. Louis Adam de Bar-Le Duc, habitant à Ornes comme contremaître de fabrication comme il n’y avait pas de cimetière pour les protestants dans ce village, les parents ont pris le parti de faire inhumer leur enfant à Verdun. M. Comte est reparti le même jour à quatre heures du soir.

Mai 1873

378Le 10 de ce mois, samedi, bénédiction religieuse du mariage entre Théophile Schizler et Honorine Charpentier. Le 11, dimanche, j’ai été faire le culte à Saint-Mihiel.

Juin 1873

379Le 8 de ce mois, dimanche, j’ai été faire le culte à Saint-Mihiel. Retour à Verdun le même jour. Toujours peu d’anabaptistes au culte. Cependant il y en avait plus que l’autre fois. Le 9, lundi vers midi, un homme est arrivé chez moi pour me demander si je voulais bénir son mariage. Pour lui, il était catholique romain, mais sa femme était protestante. Je lui ai demandé qui il était et ce qu’il faisait à Verdun. Il me répondit qu’il tenait une maison dans la rue des Minimes, c’est-à-dire une maison de prostitution. Sur cela je lui dis : « Monsieur, pour vous faire un tel commerce, vous n’avez pas besoin de faire bénir votre mariage. Vous êtes marié civilement, cela suffit. Je ne veux pas de scandale ».

380[...]

Septembre 1873

381Le premier de ce mois, lundi, j’ai été à Régnéville pour y faire l’enterrement de Sarah Kleesser, âgée de quatre semaines.

382Le mercredi 3, je suis parti pour Bertry à cinq heures du matin par le train du Nord. Je suis arrivé à Saint-Quentin vers cinq heures et demie du soir, chez mon fils Jérémie. Le vendredi 5, je suis parti pour Bertry où je suis arrivé vers deux heures de l’après-midi. Le 6, samedi, je suis allé au Cateau voir la famille de Jean-Baptiste. Je suis retourné à Bertry avec Samuel. Le 7, dimanche, j’ai fait le service au temple le matin et Monsieur Lorriaux l’a fait après-midi. Le mardi 9, je suis allé à Landrecies pour consulter un pharmacien pour le genou de votre mère. Il m’a donné un remède. Je suis retourné à Bertry par Le Cateau. Le 10, mercredi, M. Lorriaux partit pour l’Amérique. Le 11, jeudi, je fis le service au temple le soir. Le vendredi 12, je pris un fort bain chez L...418 Le samedi 13, je fis des visites. Le dimanche 14, je fis les deux services à Bertry. Le 15, lundi, je dis au revoir aux amis. Le 16, mardi, je retournai à Saint-Quentin avec Jérémie. Le mercredi 17, je partis à six heures du matin pour Verdun où j’arrivai à cinq du soir.

Octobre 1873

383Le 12 de ce mois, dimanche, je suis allé faire le service à Saint-Mihiel. J’y ai eu un assez bon nombre d’auditeurs. Retour.

Novembre 1873

384Le 2 de ce mois, dimanche, j’ai été à Saint-Mihiel pour le culte. J’y ai parlé de la Réformation, mais j’avais peu d’auditeurs.

Décembre 1873

385Le 14 de ce mois, dimanche, j’ai été faire le service à Saint-Mihiel. J’avais une vingtaine d’auditeurs. On était sous l’impression de la perte du vaisseau La Ville-du-Havre où M. Lorriaux aurait dû périr sans la grâce de Dieu, mais il fut sauvé. Deux cent vingt-six ont péri.

386Rosalie Moity, épouse de Jules Royaux, est morte le 27 décembre à huit heures du soir, à l’âge de soixante et un. Elle est morte pleine de foi et d’espérance en Jésus-Christ, notre divin Rédempteur. Elle a édifié ceux qui l’entouraient par la clarté et la fermeté de sa foi et de son espérance. Elle est morte de la mort du juste.

387Mes soixante-dix ans sont accomplis depuis le 16 août 1873. Me voilà avancé en âge. Il me reste peu de temps à passer sur la Terre. Encore un peu de temps et celui qui doit venir, viendra et ne tardera point. O mon Dieu ! enseigne-moi à tellement compter mes jours que je puisse en avoir un cœur rempli de sagesse. Achève, ô mon Dieu, l’œuvre que Tu as commencée en moi ! Sanctifie et purifie mon cœur par Ton Saint-Esprit et remplis-moi toujours plus de Ton amour. Que puis-je faire sans Toi, ô mon Dieu ? Par moi-même je ne suis qu’impuissance, ignorance et souillure, mais je suis tout ce que Tu veux par Christ qui me fortifie. Crée en moi un cœur qui T’aime et qui Te glorifie. Que mes jours soient consacrés à Ta gloire. Que je ne cache point dans la terre le talent que Tu m’as confié, mais que je l’emploie pour l’édification des autres. Amen.

L’an mil huit cent soixante-quatorze

Janvier 1874

388Le 8 de ce mois, jeudi, j’ai été à Fresnes visité la famille Cahart. Je suis rentré le même jour. Le 11, dimanche, j’ai été faire le service à Saint-Mihiel. J’y ai eu une assez bonne assemblée. J’y ai prêché sur II Cor., IV, 3 et 4419

Février 1874

389Le 8 de ce mois, dimanche, je suis parti pour Saint-Mihiel à six heures trois quarts du matin. J’y suis arrivé à dix heures trente et je suis allé, selon mon habitude, chez M. Weiss. Après le dîner, nous sommes allés au culte qui commence à une heure juste. J’ai là vu le fils du cousin Frédéric Petit de Bertry. Nous ne nous connaissions pas de visage, car il était tout jeune enfant quand nous avons quitté Bertry et ici il était soldat dans un régiment de cuirassiers et il avait appris que, de Verdun, j’allais à Saint-Mihiel une fois par mois. Mais nous avons fait connaissance personnellement. Après le culte je ne pus pas être avec lui un quart d’heure, car la voiture de Verdun partait. Je n’ai été que jusqu’à Lacroix, car j’ai passé la soirée et la nuit chez M. Joseph Henry-Jacob. Le 9, lundi, je retournai à Verdun par le courrier à six heures trente, matin.

390Le 20, vendredi à sept heures trente du matin, mort de Samuel Pruvot, mon petit-fils et fils aîné de votre frère Jean-Baptiste. Il était âgé de vingt-cinq ans et six mois. Le jour de la mort de Samuel, votre sœur est arrivé à Verdun à dix heures du soir, venant de Paris.

Mars 1874

391Le 8 de ce mois, dimanche, j’ai été faire le service à Saint-Mihiel. J’y ai trouvé mes auditeurs ordinaires, vingt ou vingt-cinq personnes. Le culte se maintient.

Avril 1874

392Le 12 de ce mois, dimanche, j’ai été faire le service à Saint-Mihiel. Jamais je n’avais eu tant d’auditeurs. C’est dommage que je sois si pressé de partir. Le lundi 13, j’étais un peu indisposé, mais je pensais que c’était l’effet de mon voyage. Le mardi 14 je n’allais pas mieux. Je sortis pour faire une promenade et j’entrai dans une maison où il y avait une enfant malade. En retournant je me trouvais très fatigué. Je suis allé coucher de bonne heure, mais dès que je fus couché, je me mis à trembler de froid et j’avais mal aux jambes et dans tous les membres, cela pendant une heure. Ensuite il me prit une fièvre chaude qui me dura toute la nuit. Le mercredi 15 je suis allé chez un pharmacien pour me procurer de la médecine. Le pharmacien me prit par le bras, me regarda et me dit : « Soignez-vous et ne sortez pas, prenez quelque médecine, car vous allez avoir la jaunisse ». J’achetai un demi-flacon d’élixir antiglaireux, me promettant bien de prendre médecine le lendemain. Mais voilà que dans l’après-midi de ce jour, on m’apporta une lettre de faire-part de la mort de la petite-fille que j’avais vu le mardi. Je me décidai donc à ne pas prendre de médecine le jeudi 16 parce que je voulais me présenter à la maison de l’enfant morte. Le jeudi 16 à neuf heures du matin, j’étais à Jardin-Fontaine420. On était parti pour Thierville pour l’enterrement. Je retournai à Verdun et j’étais toujours galopé par la fièvre. Cependant je fis quelques visites dans l’après-midi. Le soir j’allai me coucher avec la bonne intention de prendre médecine le lendemain et je m’endormis dans cette disposition, mais je me sentis bientôt réveillé par ce mal intérieur qui m’avait déjà tant de fois assailli. J’entendis sonner la pendule et je comptai onze heures. Et je me dis : « Il n’est encore que onze heures. C’est trop tôt pour me lever. Si je pouvais rester encore ici quelque temps ! » J’essayai donc de rester au lit. Je me retournais d’un côté et d’autre, je m’asseyais, mais il me fut impossible de rester au lit. Je me levai donc. Votre mère ne savait pas que j’avais mal. Etant descendu à la cuisine, mon mal ne fit qu’augmenter, de sorte qu’à onze heures trente je pris une médecine dans l’espérance que cela pourrait faire changer mon mal, car il m’était arrivé une fois qu’un quart d’heures après avoir pris une médecine, mon mal avait cessé. Mais il n’en fut plus de même cette fois. Mon mal d’estomac n’a fait qu’augmenter. Je ne savais plus que faire. J’attendais avec impatience que les deux heures après avoir pris la médecine soient passées, croyant qu’elle irait, mais il n’en fut rien. Pour me distraire et pour me chauffer, j’avais allumé un petit feu près duquel je m’asseyais quelque fois, mais je ne pouvais rester en place tant je souffrais. Il arriva donc que, comme j’étais assis près du feu, il me sembla que j’allais vomir, mais il n’en fut rien. Il faut croire que je tombai en défaillance, car je ne me rappelle de rien de ce qui s’est passé à mon égard. Quand Dieu m’a fait la grâce de me rendre la vie, le sentiment, je me sentis la figure et la main droite dans le feu. Je croyais que l’on me jetait des tisons. Je dis en moi-même : « Je suis dans le feu. Je suis donc en enfer ». Je me relevai sur mes genoux. Je vis que ma main droite était brûlée et je dis : « Ma main est brûlée, mais ce n’est rien, mon intérieur est passé ». En effet je ne sentais plus aucun mal, pas même celui de ma brûlure. Je me levai donc pour mettre ma main dans l’eau, car la douleur commençait à se faire sentir, ainsi que celle de mon visage, mais ma douleur d’estomac se fait ressentir des plus belles et je me mis à trembler une fièvre froide. Que pouvais-je faire tout seul ? Votre mère était infirme, dans son lit, elle n’aurait pu m’apporter qu’un médiocre secours. Je pris donc le parti d’aller réveiller Madame Dubois, notre voisine qui était aussi notre femme de ménage. Après cinq minutes d’attente elle arriva et je lui dis : « J’ai tombé au feu et je suis brûlé à la main droite et à la figure ». Cette femme compatissante prit du beurre et m’en graissa toutes mes brûlures, car que pouvait-on faire à cette heure de la nuit ? Il n’était pas deux heures du matin. Mes brûlures étaient bien enveloppées, mais mon mal intérieur n’était point calmé, au contraire je souffrais de plus en plus. Madame Dubois me fit donc la proposition de faire chauffer des serviettes et de les appliquer sur mon estomac. Je l’acceptai. Elle prit donc une serviette, ou torchon, qui lui est tombée sous la main. Je lui donnai mon mouchoir de poche qu’elle fit chauffer tour à tour. Quand l’une des pièces était chaude, elle me la donnait. Je la posais sur l’endroit malade moi-même. Je faisais cela avec ma main brûlée, et cela pendant cinq quarts d’heure, parce que la douleur de ma main n’était rien en comparaison de ce que je souffrais intérieurement. Et au bout de cinq quarts d’heure mon mal intérieur cessa. J’en bénis Dieu. Nous attendîmes le jour. A cinq heures trente je montai à la chambre de la mère. Elle me demanda si ma médecine allait. Je lui dis : « Non, ma pauvre femme, ma médecine ne va pas et moi j’ai la main droite et le côté droit de la figure brûlés, car je me suis affaibli et je suis tombé dans le feu ». Elle se leva en pleurant. Nous rendîmes grâce à Dieu de ce qu’il m’avait ramené à la vie, de ce qu’il m’avait conservé la vue et de ce que je n’avais pas été entièrement brûlé, car une minute de plus et mes vêtements prenaient feu. Ma chemise était déjà roussie par devant.

393Voilà, mes enfants, ce qui est arrivé à votre père à Verdun, le 17 avril 1874, à une heure trente du matin.

394Pendant tout le temps de ma brûlure, j’ai toujours eu une forte fièvre et quelques clous ou furoncles de sorte que je n’ai pas pu vaquer à mon ministère pendant presque un mois. Je ne comptais pas d’être si longtemps. Je ne me sentis pas capable d’aller à Saint-Mihiel le deuxième dimanche de mai. Ce ne fut que le jour de l’Ascension que je pus, avec peine, faire le culte à Verdun, car j’avais toujours la fièvre. Je puis dire que Madame Dubois m’a soigné et pansé avec une grande intelligence. Un bon médecin n’aurait pas mieux fait. Il ne m’est resté de toutes mes brûlures aucune cicatrice. Souvenez-vous toujours de Madame Dubois.

395Pendant le temps que l’on pansait mes brûlures, le mal intérieur m’a repris trois fois à une dizaine de jours de distance. Mais le mal n’était pas si grave. Je pris quelques médecines. Il faut que je me traite avec beaucoup de soin et que la miséricorde du Seigneur me protège. Grâce à Dieu, le jour de l’Ascension qui était cette année le 14 mai, j’ai pu faire le service à Verdun, bien que j’avais encore la fièvre, et le jour de la Pentecôte, je pus distribuer la sainte Cène. Par la bonté de Dieu ma santé s’est rétablie tout doucement.

Juin 1874

396Le 13 de ce mois, samedi à six heures du matin, je suis parti par la diligence pour aller à Saint-Mihiel où nous sommes à dix heures. Là se trouvait M. Christophe Léhé de Bouconville421 avec un cheval et une voiture. Vers midi je suis parti avec lui pour aller à son village où nous sommes arrivés vers trois heures du soir. Vers six heures nous sommes partis, toute la famille Léhé et moi, pour chercher un endroit convenable dans le ruisseau où j’ai baptisé par immersion le second fils Léhé, nommé Joseph, âgé de quinze ans. Il va sans dire que ce jeune homme ne fut baptisé qu’après avoir été interrogé sur sa foi et après qu’il eut déclaré qu’il croyait que Jésus-Christ, le Fils de Dieu, est son seul et unique Sauveur. Après le baptême nous retournâmes à la maison où nous rendîmes grâce à Dieu pour ce qui venait d’être fait. C’était le second fils Léhé qui était baptisé selon l’Evangile. Le lendemain 14, dimanche, je retournai à Saint-Mihiel avec la même voiture, accompagné de M. Léhé et de ses deux fils aînés, André et Joseph, parce que ce jour-là, il y avait réunion évangélique à Saint-Mihiel. Il n’y en avait pas eu depuis deux mois. Le service commença à une heure. Je prêchai sur I Cor., III, 9 à 11422 A deux heures trente le service était fini. Je m’empressai d’aller à la place pour y prendre la voiture pour retourner à Verdun, mais à ce même jour votre frère Eraste avait prêché le matin à Commercy et il devait me rencontrer à Saint-Mihiel et, comme la voiture de Verdun ne part pas avant l’arrivée de celle de la correspondance de Lérouville, Eraste arriva en effet par cette dernière et nous retournâmes ensemble à Verdun où nous arrivâmes à sept heures.

Juillet 1874

397Le 12 de ce mois, dimanche, j’ai été faire le culte à Saint-Mihiel. Par la même occasion j’ai imploré la bénédiction du Seigneur sur le mariage d’Antoine Eidelving avec Marie Eve Bischoff.

Août 1874

398Le 9 de ce mois, dimanche, j’ai été à Saint-Mihiel.