La coupure aux lèvres

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Rouge Hugo

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Jean-Marc Hovasse, Studi Francesi, mis en ligne le 2 février 2016. URL : https://journals.openedition.org/studifrancesi/1398 ; DOI : https://doi.org/10.4000/studifrancesi.1398

La coupure aux lèvres

p. 97-139

Extrait

Je suis de mon cœur le vampire,
– Un de ces grands abandonnes
Au rire éternel condamnes,
Et qui ne peuvent plus sourire !
Charles BAUDELAIRE

1« Hugo, l’heureux joueur à la renommée, qui faisait martingale depuis vingt ans, vient de perdre la dernière partie. Il s’appelait Victor, et ce nom lui allait bien ! Désormais, on l’appellera Victus. » Voilà ce qu’écrit, dans Le Nain jaune, Barbey d’Aurevilly, au matin du 23 mai 1869, après la sortie de L’Homme qui rit. Sans doute, contre toute attente, L’Homme qui rit n’aura pas rencontré beaucoup de lecteurs. Et cela tient peut-être au fait que Hugo aura voulu faire un roman pensif. Car pensif et lisant vont de pair. Tel est-ce ainsi, du moins, que Hugo rêve son lecteur. Quitte à le forcer à penser à chaque ligne. Ce qui, bien sûr, ne va pas sans mal : « Qui lit pense, qui pense raisonne. Ne pas raisonner c’est le devoir ; c’est aussi le bonheur. Ces vérités sont incontestables. La société est assise dessus » (HQR, XIV, 137). Ironie, sarca

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1 Guy Rosa, « Critique et autocritique dans L’Homme qui rit », L’Homme qui rit ou La parole-monstre de Victor Hugo, Société des Études Romantiques, Paris, Sedes, 1985, p. 5.

2 Richard Grant, The Perilous Quest : Image, Myth, and Prophecy in the narratives of Victor Hugo, Durham, Duke University Press, 1968, p. 202.

3 Jean Gaudon, « Les vicissitudes du savoir », L’Homme qui rit ou La parole-monstre de Victor Hugo, op. cit., p. 27.

4 Richard Grant, op. cit., p. 202.

5 Michel Grimaud, « Compétence narrative et nom propre », L’Homme qui rit ou La parole-monstre de Victor Hugo, op. cit., p. 142.

6 On rejoint ici ce que développe Hugo dans la Préface de Cromwell où le grotesque est déjà ce « moyen de contraste » qui est « la plus riche source que la nature puisse ouvrir à l’art ».

7 Gustave Flaubert, Correspondance I, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1973, p. 278.

8 Voir, dans cette perspective, l’article de Guy Rosa, « Critique et autocritique dans L’Homme qui rit », op. cit., p. 10.

9 Edmond de Goncourt, Les Frères Zemganno, Paris, Nelson éditeur, 1879, p. 12.

10 Ibid.

11 Henri Bergson, Le Rire, op. cit., p. 10-13.

12 Henri Meschonnic, Pour la poétique IV. Écrire Hugo, Paris, Gallimard, 1977, p. 170.

13 Mikhaïl Bakhtine, L’Œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance, Paris, Gallimard, 1970, p. 47.

14 Jacques Derrida, Glas, Paris, Galilée, 1974, p. 29.

15 Voir le commentaire qu’en fait Jean Maurel dans son Introduction à Notre-Dame de Paris, Paris, Le Livre de Poche, 1972.

16 L’anecdote est évoquée également par Voltaire, Baudelaire et Lautréamont mais chaque fois avec une interprétation différente. Voir à ce sujet, Joe Friedmann, Victor Hugo, un temps pour rire, Paris, Librairie Nizet, 2002, p. 123-124.

17 Georges Bataille, « Écrits posthumes, 1922-1940 », Œuvres complètes, t. II, Paris, Gallimard, p. 403-406.

18 Jacques Derrida, Schibboleth : Pour Paul Celan, Paris, Galilée, 2003, p. 50-56.

19 On trouve ici le principe même de la constitution de L’Homme qui rit qui joue sur les deux tableaux, sur les deux faces, la face médusante, la face riante. Ainsi le roman met en scène deux frères, l’un étant le fils légitime, l’autre le fils bâtard ; deux femmes, Dea, figure éthérée, aveugle, blanche, et la duchesse Josiane, femme de chair, de l’aurore, de la rougeur. De même Ursus, le philosophe, ayant trouvé en Homo, le loup, son tome second, tient de l’homme et de la bête, la duchesse Josiane apparaît elle-même sous deux jours différents, elle est Ève, elle est Satan, louve et chienne, elle a une prunelle bleue et une prunelle noire, elle est masculine et féminine. Cette construction en miroir qui organise les personnages du roman se retrouve elle-même au cœur du livre. Le livre se compose en effet de deux parties, qui forment deux textes, l’un marquant l’entrée de Gwynplaine dans le roman, l’autre sa sortie. Quant au récit lui-même, il fonctionne en miroir, la chute terrible de Gwynplaine dans la deuxième partie du roman faisant écho au naufrage de la Matutina de la première partie sur le principe même qu’« un homme peut être désemparé comme un navire » (HQR, XIV, 132).

20 Jean Maurel y fait référence, et le met en rapport avec le De rerum natura de Lucrèce, qui reprend un terme de la physique épicurienne où le clinamen est un écart, une déviation (littéralement une déclinaison) spontanée des atomes par rapport à leur chute verticale dans le vide, ce qui permet aux atomes de s’entrechoquer. Jean Maurel, « VH par a + b, le défi démocratique de la pensée », L’Arc, n^o 57, 1974, p. 64.

21 Jacques Derrida, « Il faut bien manger ou le calcul du sujet », Entretien avec Jean-Luc Nancy, paru dans Cahiers Confrontation, n^o 20, 1989, p. 299.

22 Jean Maurel, Vocabulaire de Victor Hugo, Paris, Ellipses, 2006, p. 78.

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Ce livre est cité par

Boulard, Stéphanie. (2015) Rouge : Victor Hugo ou la couleur en perspective. Polysèmes. DOI: 10.4000/polysemes.1439

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Référence numérique du chapitre

Boulard, S. (2014). La coupure aux lèvres. In Rouge Hugo (1‑). Presses universitaires du Septentrion. https://doi.org/10.4000/books.septentrion.68003

Boulard, Stéphanie. « La coupure aux lèvres ». In Rouge Hugo. Villeneuve d’Ascq: Presses universitaires du Septentrion, 2014. https://doi.org/10.4000/books.septentrion.68003.

Boulard, Stéphanie. « La coupure aux lèvres ». Rouge Hugo, Presses universitaires du Septentrion, 2014, https://doi.org/10.4000/books.septentrion.68003.

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Boulard, S. (2014). Rouge Hugo (1‑). Presses universitaires du Septentrion. https://doi.org/10.4000/books.septentrion.67953

Boulard, Stéphanie. Rouge Hugo. Villeneuve d’Ascq: Presses universitaires du Septentrion, 2014. https://doi.org/10.4000/books.septentrion.67953.

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