1 Article signé Hippolyte Fierens-Gevaert, Journal des débats, 10 juillet 1896, p. 3, cité par Alice Folco, « Images médiatiques du metteur en scène (1830-1900) », dans O. Bara et M.-E. Thérenty (dir.), Presse et scène au XIXe siècle, actes du colloque de Montpellier, juin 2010, parution numérique sur www.medias19.org, 2012. URL : http://www.medias19.org/index.php?id=1569, consulté le 17 juin 2013.
2 Auguste Comte, Cours de philosophie positive (1re et 2e leçons), Paris, Hachette, 1927 [1830-1842], p. 7.
3 Antoine n’est pas le seul à revendiquer un lien entre la mise en scène et l’esprit scientifique à la fin du XIXe siècle : Paul Porel (directeur de l’Odéon jusqu’en 1892, puis du Vaudeville et du Gymnase) parle ainsi de la mise en scène comme d’une « science respectueuse et précise », cité par André Antoine, « Causerie sur la mise en scène » (1903), dans Jean-Pierre Sarrazac, et Philippe Marcerou, Antoine, l’invention de la mise en scène, anthologie des textes d’André Antoine, Arles, Actes Sud-Papiers, 1999, p. 107. Antoine s’attache toutefois, dans sa « Causerie » à contester la validité de la méthode de travail de Porel.
4 Nous avons consulté, pour le présent article, les relevés des mises en scène suivants (par ordre chronologique des spectacles) : L’Amant de sa femme d’Aurélien Scholl, Théâtre-Libre, 1890, BHVP : 8-TMS-00184 (RES) ; Leurs filles de Pierre Wolf, Théâtre-Libre, 1891, 8-TMS-01307 (RES) et 8-TMS-01308 (RES) ; La Dupe de Georges Ancey, Théâtre-Libre, 1891, 4-TMS-00810 (RES), 8-TMS-00639 (RES) et 8-TMS-00640 (RES) ; Les Fenêtres de Jules Perrin et Claude Couturier, Théâtre-Libre, 1892, 8-TMS-01013 (RES) ; La Fille d’Artaban d’Alfred Mortier, Théâtre-Libre, 1896, 8-THS-01004 (RES) ; La Nouvelle idole de François de Curel, Théâtre Antoine, 1899, 8-TMS-01677 (RES) ; Poil de carotte de Jules Renard, Théâtre Antoine, 1900, 8-TMS-01867 (RES) ; Au téléphone d’André de Lorde, Théâtre Antoine, 1901, 4-THS-00186 (RES) ; Le Roi Lear de Shakespeare, Odéon 1904 et Théâtre Antoine 1905, 8-TMS-02134 (RES). Je remercie chaleureusement Stéphane Tralongo pour son aide précieuse dans ces recherches.
5 Parmi les textes que Jean-Pierre Sarrazac a consacrés à Antoine, on citera tout particulièrement : « Introduction », Antoine, l’invention de la mise en scène, op. cit., p. 5-27 ; « Genèse de la mise en scène. Une hypothèse », Genesis (Revue internationale de critique génétique), n° 26, Paris, 2005, p. 35-50 ; « D’un nouveau paradigme du drame et de la mise en scène », dans Jean-Pierre Sarrazac, et Marco Consolini (dir.) Avènement de la mise en scène/Crise du drame. Continuités-discontinuités, Università degli Studi di Torino, edizioni di pagina, 2010, p. 15-31.
6 André Gunthert, « De Daguerre à Antoine », Comédie-Française n° 162, 1987, p. 16-17.
7 Dans un entretien donné au Courrier français (n° 27, 3 juillet 1892), Antoine parle du Théâtre-Libre comme d’un « laboratoire d’essais », expression qu’il reprend l’année suivante dans Le Théâtre-Libre, présentation de Martine de Rougemont, Paris-Genève, Slatkine, 1979, p. 36. Dans Mes souvenirs sur le Théâtre-Libre, il définit le Théâtre-Libre, dès 1887, comme « l’un des laboratoires du mouvement réaliste actuel », et il cite un propos de Maurice Lefèvre qui apparente le Théâtre-Libre à « un laboratoire où se manipulent des préparations chimiques destinées dans des temps plus ou moins longs à faire éclater les vieilles formules. », Mes souvenirs sur le Théâtre-Libre, Tusson, Du Lérot, 2009 [1921], respectivement p. 50 et p. 204.
8 André Antoine, Le Théâtre-Libre, op. cit., p. 37.
9 En 1890 Antoine écrit qu’il a « expérimenté pendant trois ans la bienveillance que réserve Paris aux sincères et aux ardents », « Le Théâtre-Libre », dans Jean-Pierre Sarrazac, et Philippe Marcerou, op. cit., p. 89.
10 Émile Zola, Le Roman expérimental, Paris, GF-Flammarion, 2006, p. 47.
11 Claude Bernard, Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, Paris, Le Livre de Poche, 2008 [1865], p. 129.
12 Il l’emploie, dans Mes souvenirs sur le Théâtre-Libre à propos de la pièce historique de Léon Hennique, La Mort du duc d’Enghien qu’il monte en 1888, op. cit., p. 110. Il n’est pas indifférent que le terme de « reconstitution » provienne des champs scientifiques de la zoologie historique (celle de Cuvier notamment), de la paléontologie et de l’archéologie du XIXe siècle, et qu’elle renvoie donc à un rapport à l’histoire, au passé. Notons d’ailleurs que l’article du Journal des débats cité note 1 faisait un lien entre la mise en scène et l’archéologie, science en partie fondée sur la reconstitution expérimentale.
13 André Antoine, Mes souvenirs sur le Théâtre-Libre, op. cit., p. 171.
14 Ibid., p. 170.
15 André Antoine, « Causerie sur la mise en scène », op. cit., p. 108.
16 Claude Bernard, op. cit., p. 198. À noter que c’est Claude Bernard qui souligne le verbe « déterminer ».
17 André Gunthert, op. cit., p. 17.
18 Jean-Pierre Sarrazac, « Genèse de la mise en scène. Une hypothèse », op. cit., p. 5.
19 André Gunthert, op. cit., p. 17.
20 Emmanuelle André, Le Choc du sujet. De l’hystérie au cinéma, Rennes, PUR, coll. Le Spectaculaire, 2012, p. 37-43.
21 Georges Didi-Huberman, Invention de l’hystérie. Charcot et l’iconographie photographique de la Salpêtrière, Paris, Macula, 1994.
22 Cette rigueur de travail et ces protocoles, Antoine les expose avec netteté dans sa « Causerie sur la mise en scène », op. cit.
23 Pour reprendre le titre de l’anthologie des textes d’Antoine publiée par J.-P. Sarrazac, et P. Marcerou, op. cit. Concernant l’actuel débat autour de cette « invention », voir Roxane Martin, « La “naissance” de la mise en scène et sa théorisation », Les Arts de la scène à l’épreuve de l’histoire, Paris, Champion, 2011, ainsi qu’Avènement de la mise en scène/Crise du drame. Continuités-discontinuités, op. cit.
24 André Gunthert, op. cit., p. 16. Nous soulignons.
25 Voir à ce sujet Luc Boltanski, Énigmes et complots. Une enquête à propos d’enquêtes, Paris, Gallimard, NRF-Essais, 2012, qui propose une interprétation sociologique du « trouble […] qui a pour objet la réalité elle-même » (p. 38) et qui se manifeste depuis la fin du XIXe siècle. Ce trouble, selon Boltanski, sous-tend aussi bien le succès du roman policier que l’invention de la sociologie ou de la construction, dans le champ psychiatrique, de la maladie de la paranoïa.
26 Carlo Ginzburg, Mythes, emblèmes, traces ; morphologie et histoire, Paris, Flammarion, 1989, nouvelle édition augmentée, revue par Martin Rueff, Verdier, 2010 [1986], p. 139-180.
27 Ibid., p. 248.
28 Ibid., p. 257.
29 Jean-Pierre Sarrazac, « Genèse de la mise en scène. Une hypothèse », op. cit., p. 1.
30 Carlo Ginzburg, « Traces. Racines d’un paradigme indiciaire », op. cit., p. 232.
31 Michel Foucault, Les Mots et les Choses, Paris, Gallimard, coll. Tel, 1995 [1966], p. 240-242.
32 Ibid., p. 252.
33 Idem.
34 Michel Foucault, Naissance de la clinique, Paris, PUF, coll. Quadrige, 2012 [1963], p. 206.
35 Dans sa « Causerie sur la mise en scène », Antoine revendique les effets de « demi-nuits, savamment ménagées » (op. cit., p. 117) qu’il a employés dans plusieurs de ses mises en scène, et notamment dans Le Canard sauvage d’Ibsen en 1891. Nous n’avons pas trouvé d’indications d’éclairage dans les relevés de mise en scène consultés à la BHVP, sauf pour Les Fenêtres, créée en 1892, véritable drame de la lumière, comparable en bien des points à certaines pièces de Maeterlinck comme L’Intruse, créée un an auparavant au Théâtre d’Art.
36 Michel Foucault, Naissance de la clinique, op. cit., p. 11.
37 Ibid., p. 104.
38 Cité par M. Foucault, ibid., p. 260.
39 « Quand, pour la première fois, j’ai eu à mettre un ouvrage en scène, j’ai clairement perçu que la besogne se divisait en deux parties distinctes : l’une toute matérielle, c’est-à-dire la constitution du décor servant de milieu à l’action, le dessin et le groupement des personnages ; l’autre, immatérielle, c’est-à-dire l’interprétation et le mouvement du dialogue », A. Antoine, « Causerie sur la mise en scène », op. cit., p. 113.
40 Joseph Danan, Qu’est-ce que la dramaturgie ?, Arles, Actes Sud-Papiers, coll. Apprendre, 2010, p. 14. François Regnault, à propos de Lessing et de sa Dramaturgie de Hambourg, toujours écrit également ceci : « [Lessing] analyse les effets de la composition cas par cas, comme si sa critique était une clinique des pièces. », Théâtre-Équinoxes. Écrits sur le théâtre 1, Arles, Actes Sud, coll. Le temps du théâtre, 2001, p. 76, nous soulignons.
41 Ibid., p. 33.
42 Michel Foucault, Naissance de la clinique, op. cit., p. 171.
43 Pour reprendre un terme employé par J.-P. Sarrazac à propos de la mise en scène chez Antoine, « Genèse de la mise en scène. Une hypothèse », op. cit., p. 9.
44 Voir par exemple les relevés de mise en scène d’Amoureuse de Porto-Riche (Odéon, 1891), BHVP : 4-TMS-00130 (RES), ou de La Marche nuptiale d’H. Bataille (Théâtre du Vaudeville, 1905), BHVP : 4-TMS-01875 (RES).
45 Roberto Alonge, cité par Marco Consolini, « D’Antoine à Durec », Avènement de la mise en scène/Crise du drame, op. cit., p. 229.
46 André Antoine, « Le Théâtre-Libre », op. cit., p. 77.
47 Le relevé annoté par Antoine a pour BHVP : 8-TMS-01308 (RES), et l’autre : 8-TMS-01307 (RES). La pagination étant la même dans les deux relevés, nous nous bornerons par la suite à indiquer le numéro de page entre parenthèses.
48 Plusieurs répliques du texte soulignent cet enjeu dans les premières scènes. Par exemple Georges : « Aujourd’hui, les jeunes filles on ne les tient pas assez serrées ; et c’est un tort… Sur vingt, il y en a au moins quinze qui tournent mal », p. 11.
49 Comme le déclare Mme Maurice : « Vous voulez que votre chère enfant, que votre chère petite, demeure sage, que sa conduite soit irréprochable… parbleu ! vous avez raison et toutes les dames que je connais et qui ont une demoiselle en disent autant… ; mais un jour ou l’autre : crac…, ça c’est dans le sang ; elles y passent », p. 20.
50 Rodolphe Darzens, Le Théâtre Libre illustré, t. II, Paris, Dentu, 1890, p. 175.
51 Cité par Rodolphe Darzens, ibid., p. 176.
52 Jean-Pierre Sarrazac parle de « l’exhaussement du détail en indice » : « “Ces imperceptibles choses qui font le sens…” : l’économie de la mise en scène naturaliste est tout entière contenue dans cette formule. », dans « Genèse de la mise en scène. Une hypothèse », op. cit., p. 6.
53 Cité par Rodolphe Darzens, op. cit., p. 176. Willy a également noté la « drôlerie de cette nerveuse et preste pièce », Soirées perdues, Paris, Tresse et Stock, 1894, p. 94. Soulignons que le mouvement continuel et la rapidité des mises en scène d’Antoine ont frappé le public de l’époque. Simona Montini, Il Théâtre Libre di André Antoine (1887-1894) : Teoria et pratica della messinscena, thèse de doctorat, Université de Pise/Université Paris 3, 2010, p. 110-111.
54 Emmanuelle André, Le Choc du sujet, op. cit., p. 31-37.
55 Rappelons que Claude Bernard a été le pionnier de la vivisection, expérimentation sur les corps vivants, dont il défend la nécessité dans son Introduction..
56 Voir par exemple à la scène 6 de l’acte II, la colère de Valentine quand Louisette lui révèle qu’elle sait qu’elle est une noceuse et qu’elle l’a appris au couvent. Elle la menace ainsi : « Si je ne me retenais pas, je te casserais ma tête contre le mur » (p. 54) à quoi répond une note de mise en scène un peu plus loin : « crispe les deux mains avec rage en tapotant le plancher du bout de son pied » (p. 56).
57 Ainsi l’on peut se demander, rétrospectivement, si Valentine a véritablement voulu protéger Louisette du déshonneur, ou si elle ne craignait pas plutôt de découvrir en elle une rivale.
58 Antoine partage ainsi pleinement la misogynie de son époque, comme en témoigne cette confidence : « Je dois vous dire aussi que j’ai une tendance naturelle à mépriser abominablement les femmes. Elles sont toutes futiles, frivoles, et à la merci du premier venu qui sait trouver le défaut de la cuirasse. », Lettres à Pauline, 1884-1888, Paris, Les Belles Lettres, 1962, p. 183, cité par Simona Montini, op. cit., p. 118.
59 Georges Didi-Huberman, op. cit.
60 Jean-Pierre Sarrazac, « Genèse de la mise en scène. Une hypothèse », op. cit., p. 12.
61 Claude Bernard cité par Zola dans « Lettre à la jeunesse », dans Le Roman expérimental, op. cit., p. 113.
62 André Antoine, Mes souvenirs sur le Théâtre-Libre, op. cit., p. 94 (17 juin 1888), à propos du scandale de sa mise en scène de La Fin de Lucie Pellegrin de Paul Alexis, qui mettait en scène l’homosexualité féminine.
63 Théodore Massiac, « Mise en scène du “Roi Lear” », 1904, p. 568 ; article d’origine non précisée, consulté dans un dossier iconographique consacré au Roi Lear d’Antoine à la BNF, FOL – ICO THE – 96. Rae Beth Gordon a montré que le phénomène de la contagion participait d’une théorie de la réception très vivace à l’époque, fondée sur des travaux scientifiques, De Charcot à Charlot. Mises en scène du corps pathologique, Rennes, PUR, coll. Le Spectaculaire, 2013.
