Le blé, le sucre et le charbon
|Élites économiques nordistes et confiscation du pouvoir législatif
La fusion des élites économiques et politiques
Les mécanismes de la transmission du pouvoir : cohésion, filiation, cooptation et intégration
Texte intégral
- 1 On excusera le néologisme bien connu des historiens collecteurs de données familiales
1Il n’est guère aisé d’appréhender, dans son intégralité, l’assise économique des parlementaires du Nord. Si la connaissance du milieu socioprofessionnel des élus apporte un premier éclairage, celle des ascendants et beaux-parents éclaire le tableau avec acuité et pertinence. La participation à l’activité économique, l’entrée dans les conseils d’administration de sociétés importantes, l’appartenance à des groupes d’influence ou de pression permettent de saisir l’ampleur de l’imbrication entre milieux politiques et milieux d’affaires. Enfin, l’analyse successorale donne une vision d’ensemble de la surface sociale1 des élus.
Les spécificités d’une bourgeoisie omniprésente : ascension sociale et catégories socioprofessionnelles
2Conservateurs et républicains appartiennent aux mêmes élites sociales et politiques. L’analyse de la profession ou de l’activité principale des parlementaires avant leur élection, ainsi que celle des parents et beaux-parents, permettent d’appréhender le niveau d’implication dans la vie économique locale ou régionale.
3Ces éléments doivent permettre de brosser une typologie sommaire des groupes sociaux qui singularisent la représentation nordiste. Le groupe des avocats, qui a fait l’objet de nombreux travaux historiques, et qui n’est en aucun cas le trait le plus singulier de la représentation nordiste, a été volontairement délaissé.
Le poids des professions non juridiques
4Quatre petits groupes sociaux corroborent l’existence d’un nombre significatif d’élus éloignés des professions juridiques.
5Dans la région lilloise, le monde des raffineurs de sucre forme une bourgeoisie aisée qui se développe singulièrement sous la Monarchie de Juillet et le Second Empire, et à laquelle la noblesse n’hésite pas à se mêler.
6C’est le cas du républicain Bernard, député en 1881, conseiller général de Cambrai-Ouest ou encore du sénateur Fiévet, important fabricant de sucre à Masny et à Sin-le-Noble.
- 2 Dirigé par Gustave Simon, propre fils de Jules Simon
7Lors des sénatoriales de 1885, Le Petit Nord, journal républicain opportuniste,2 peu sensible aux intérêts agricoles, mène campagne contre Fiévet qui est accusé d’acheter des graines de betteraves qui, bien que de meilleur rendement, ont le grand tort d’être allemandes et de concurrencer la production nationale.
- 3 Le Petit Nord, « Édouard Fiévet, candidat des intérêts allemands » no 2261, 21/1/1885
Le Petit Nord : « Était-ce une raison, M. Édouard Fiévet, pour chercher dans ce changement de graines, des bénéfices à partager avec l’Allemagne au détriment de la production française ? Était-ce une raison à vous qu’on nous présente comme un « sucrier patriotique », était-ce une raison pour opérer une pression sur les cultivateurs qui dépendent de votre industrie et pour leur imposer l’achat des graines allemandes à l’exclusion de celles qu’on prépare dans notre pays, et qui leur sont pour le moins égales en qualité. »3
- 4 Le Petit Nord, Renseignements électoraux no 2264. 24/1/1885
8Le journal avoue également que, pour remporter la victoire, tant Fiévet que Macarez, sont contraints par leurs électeurs de se battre sur la question du protectionnisme industriel et agricole.4 L’analyse est prémonitoire. Dans le Nord, les sénatoriales et les législatives de 1885 sont un échec cuisant pour les républicains qui n’ont pas su ou voulu entendre les inquiétudes du monde agricole.
- 5 Le Petit Nord, no 2928. 21/11/1886
9En octobre 1886, le décès de Delelis provoque des législatives partielles. Le lobby de l’industrie sucrière veut faire élire Dervaux, né à Condé-sur-Escaut et fabricant de sucre, et barrer la route au républicain Trystram. Une fois de plus, le débat économique prime sur les questions politiques.5 Dervaux est présenté comme le candidat des betteraviers et des mines de charbon belges. Il est accusé d’employer des ouvriers belges, d’importer plus de 30 000 t de betteraves belges et d’être un gros actionnaire et administrateur des mines belges d’Anderlues.
10La famille Fiévet illustre à merveille la fusion des intérêts agricoles et sucriers. Édouard et son frère Constant dirigent l’importante exploitation agricole de Masny. La production y est rationalisée. Très vite, la ferme devient une exploitation-modèle citée en exemple pour ses innovations agricoles.
- 6 Ibid.
11Dès 1831, les deux frères s’essaient à la culture de betteraves à sucre. Des progrès incessants permettent la création d’une industrie florissante dont les bénéfices rejaillissent sur le bourg. « L’église, le presbytère, la maison commune, les maisons d’école pour les enfants des deux sexes venaient de lui et de son frère. »6 Ces pratiques paternalistes clientélisent les employés. Une raffinerie de sucre, implantée à Sin-le-Noble complète la chaîne de production.
- 7 L’écho douaisien, « Obsèques de M. Édouard Fiévet », no 618 du 19/4/1893
12En 1844, un projet de loi, en cours de discussion, menace les intérêts des producteurs de sucre locaux. Fiévet prend la tête d’un lobby qui réunit les familles Brabant, Dervaux… et réussit à faire annuler le projet.7 Bientôt les frères Fiévet sont invités à la Chambre, participent aux enquêtes parlementaires, apportent leurs témoignages et prodiguent leurs conseils aux commissions attentives.
- 8 AD59 M121/33
- 9 LESTIENNE, La famille Cordonnier-Reys, Lille, impr. de L. Danel, 1913 Les Tailliandier appartiennen (...)
13Les raffineurs de sucre sont partout. L’oncle du républicain Girard est fabricant de sucre à La Cappelle.8 La nièce du républicain Louis Legrand a pour beau-frère le député conservateur du Pas-de-Calais Maurice Tailliandier, lui-même fils du député Henry Tailliandier, qui représenta à la Chambre les intérêts agricoles et sucriers.9
- 10 Gayant et sa famille. Journal républicain indépendant. « Portraits à la plume de nos conseillers mu (...)
14L’essor prodigieux de l’industrie sucrière favorise de spectaculaires reconversions. Sanctionné en 1848 pour ses opinions républicaines, Giroud délaisse la fonction de directeur de l’École normale de Douai pour créer une modeste entreprise de raffinage de sucre et de distillation d’alcools, près de Douai. Deux ans plus tard, il dirige la Raffinerie centrale avec plus ou moins de bonheur, jusqu’au début de sa carrière politique, vers 1875.10 Devenu président de la Chambre de commerce de Douai, il est choisi comme sous-directeur de la section française, lors des expositions universelles de 1878, 1882 et 1889.
13. Profession des élus, des ascendants et des beaux-pères (1881-89)
PROFESSION DE L’ÉLU |
PROFESSION DU PÈRE |
PROFESSION DU BEAU-PÈRE |
|
BAUCARNE-LEROUX |
Agriculteur et propriétaire |
Cultivateur |
Cultivateur |
BERGEROT |
Vérificateur des douanes puis grand propriétaire |
Directeur des contributions indirectes |
Négociant et fabricant de toiles à matelas |
BERNARD |
Agriculteur et raffineur de sucre |
Garçon épicier puis cultivateur |
Cultivateur |
BOSQUILLON DE FRESCHE-VILLE |
Général – Propriétaire et agriculteur |
Colonel d’infanterie |
Ingénieur en chef du départ. du Nord |
BOTTIEAU |
Magistrat – Conseiller à la Cour |
Notaire royal – propriétaire – conseil. d’arrondissement |
Notaire et propriétaire |
BOULANGER |
Général de division – Ministre |
Avoué puis inspecteur d’assurances |
Consul de France |
BRAME Georges |
Auditeur au Conseil d’État – Propriétaire |
Auditeur au conseil d’État – député – ministre – sénateur |
--- |
CIRIER |
Avocat |
Tisseur de coton et lainier |
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CLAEYS |
Marchand brasseur |
Marchand brasseur |
Employé au Mont-de-piété – propriétaire |
CORNE |
Procureur général à Paris |
Avocat – conseil. de préfecture – député (62) |
Cultivateur |
DEBUCHY |
Filateur et fabricant de tissus |
Filateur et commissaire-priseur à Tourcoing |
--- |
DEJARDIN-VERKINDER |
Avocat – administrateur de société houillère |
Propriétaire – Notaire – administrateur de société houillère |
Négociant |
DELELIS |
Propriétaire –– Agriculteur |
Agriculteur Propriétaire et conseil. d’arrondissement |
Négociant à Dunkerque |
DESMOUTIERS |
Propriétaire et raffineur de sucre |
Cultivateur et proprietaire –maire de Coutiches |
--- |
DUTILLEUL |
Propriétaire de brasserie – écrivain |
Propriétaire de brasserie |
Marchand Brasseur |
FAIDHERBE |
Général de division |
Fabricant de bonneterie – capitaine Garde Nationale |
Commis négociant |
FIEVET |
Agriculteur et raffineur de sucre |
Agriculteur – maire de Masny |
Propriétaire – négociant – maire de Saint-Amand |
FOURNIER |
Avocat – chef de cabinet de ministre – conseiller d’état |
Propriétaire et receveur des douanes |
|
GIARD |
Professeur d’université – Auteur d’ouvrages scientifiques |
Négociant en épicerie à Valenciennes |
Négociant |
GIRARD |
Avocat |
Avocat à Valenciennes |
--- |
GIROUD |
Enseignant/directeur d’école normale puis raffineur de sucre |
Quartier-maître artilleur |
Marchand boulanger |
GUILLEMIN |
Avocat à Avesnes |
Avocat |
Propriétaire |
JONGLEZ |
Filateur de laines |
Manufacturier à Tourcoing – Filateur |
Marchand de laines |
KOECHLIN |
Manufacturier – filateur de laine – maire 8e arr. de Paris |
Manufacturier – Filateur de laine |
Chimiste |
KOLB-BERNARD |
Raffineur de sucre et négociant |
Régisseur de manufacture des tabacs à Lille |
Négociant et maire |
LECOMTE |
Avocat et professeur de droit |
Docteur en médecine à Bavay |
|
LEFEVRE-PONTALIS |
Auditeur au conseil d’État – écrivain |
Notaire à Pantin – maire de Pantin |
Admin. de messageries – Directeur au P.L.M. |
LE GAVRIAN |
Ingénieur Arts & Manufactures – manufacturier et mécanicien |
Constructeur – Ingénieur mécanicien |
Filateur de lin à Lille |
LEGRAND Géry |
Écrivain – journaliste – maire de Lille |
Avocat – Bâtonnier – député – conseiller général |
Banquier à Lille – Conseil. |
LEGRAND Louis |
Avocat – Ministre plénipotentiaire à La Haye |
Artiste peintre |
Cultivateur – Député du Nord |
LEGRAND Louis (de Lecelles) |
Avocat à Douai – Bâtonnier – Administeur société houillère |
Propriétaire et cultivateur à Lecelles |
Notaire à Douai |
LEGRAND Pierre |
Avocat – Ministre |
Avocat – Bâtonnier – député – conseiller général |
Propriétaire |
LEPOUTRE |
Clerc de notaire puis fabricant de tissus – propriétaire |
Officier de santé – Médecin |
Négociant |
LE ROY |
Président du tribunal de première instance à Lille |
Avocat à Douai – Président de Chambre à Douai |
Négociant à Lille et propriétaire |
DESHAYES DE MARCÈRE |
Conseiller à la cour d’appel et administrateur de sociétés |
Officier de la garde royale |
Médecin et chirurgien militaire |
MARTIMPREY |
Capitaine d’état-major puis directeur d’usine |
Général de division – gouverneur des Invalides |
Manufacturier/blanchisseur de toiles – député |
MASSIET DU BIEST |
Juge de paix et propriétaire |
Juge de paix à Hazebrouck |
Propriétaire à Hazebrouck |
MASURE |
Journaliste – rédacteur en chef et directeur de jour |
Négociant à Lille |
--- |
MAURICE Léon |
Magistrat – conseiller à la Cour de Douai |
Juge suppléant au tribunal de Douai/maire de Douai/député |
1-Magistrat – conseiller général/député |
MERLIN |
Avocat |
Petit commerçant – négociant |
Négociant – Conseiller général |
MOREL |
Avocat – Auditeur au Conseil d’État – Propriétaire |
Propriétaire |
Brasseur et négociant |
OUTTERS |
Notaire |
Clerc notaire – Marchand – brasseur – juge sup |
Notaire – Maire – conseil. Arrondissement |
PAJOT, |
Notaire à Paris |
Marchand de cuirs |
Marchand |
PLICHON |
Avocat/propriétaire/ministre/adm. Soc./Pdt conseil général |
Marchand saisonnier – fabricant de savons et sels |
Banquier à Lille et à Cambrai – adm. de sociétés |
RENARD |
Ingénieur et maître de verreries – adminis. de sociétés |
Agent général mines Anzin – maire – cons général |
Propriétaire à Valenciennes |
DES ROTOURS |
Conseiller de préfecture – propriétaire – raffineur de sucre |
Officier cavalerie — maire – cons. général — député |
Sénateur belge |
SCRÉPEL |
Teinturier et filateur à Roubaix |
Journalier puis maître teinturier |
Menuisier |
TESTELIN |
Docteur en médecine – Président du conseil général |
Marchand de couleurs – négociant – cons. général |
Négociant et commerçant |
THELLIER DE PONCHEVI LLE |
Avocat à Valenciennes _ Bâtonnier – adm. de sociétés |
Avocat à Valenciennes |
1-Notaire et propriétaire |
THÉRY |
Avocat |
Négociant |
Négociant et propriétaire |
TRYSTRAM |
Courtier en assurances – Négociant en bois et pétrole |
Douanier |
Maître maçon |
WALLON |
Professeur université – écrivain |
Directeur des messageries à Valenciennes |
1-Négociant en grains |
15Les milieux de la brasserie sont aussi fortement représentés. Les parents du député Outters et des sénateurs Dutilleul et Claeys, la famille Béghin alliée aux Coget-Brame, les Butruille et les Baillencourt appartiennent à ce milieu assez fortement politisé.
- 11 AD59 3Q/84/20
16Le sénateur Claeys écoule sa production chez des débitants qui lui louent cabarets et estaminets. Son père vendait bière et vinaigre dans la campagne flamande. La déclaration successorale égrène la longue liste des débiteurs qui ont une ardoise dans la brasserie.11 Le père et le grandpère d’Outters sont brasseurs à Hondschoote.
- 12 FOUCART Paul, Jules Brame (1808-1878), s.l., s.d., in 4 , mult.
17L’aïeul de Georges Brame, Nicolas Delemer, brasseur à Lille, perpétue la profession dans une famille où l’on est brasseur de père en fils.12
18Dans les familles Butruille et Baillencourt, alliées au député Morel, il est de tradition qu’un descendant reprenne l’activité brassicole familiale.
19On ne saurait trop redire l’importance stratégique de ces établissements conviviaux, hauts lieux de la socialisation politique. Les débitants participent activement à la victoire du candidat qui sait les utiliser comme autant d’agitateurs d’idées ou d’agents recruteurs capables de modifier les courants d’opinions.
20En 1886, Trystram ne s’y trompe pas et base une partie de sa campagne de reconquête sur la défense des intérêts corporatifs des débitants. Le débat est habilement recentré sur une question moins épineuse et plus fédératrice que celle du protectionnisme agricole. Le clivage Nord/Midi esquissé dans ce débat restaure la cohésion des électeurs du Nord.
- 13 Le Petit Nord, no 2928. 21/11/1886
Le Petit Nord : « Déclaration de M. Trystram : Une proposition qui émane, non pas du gouvernement, mais de la commission du budget, presque entièrement composée de députés du Midi, est en ce moment soumise à la Chambre. Ce projet, fait en faveur des débitants de vin du Midi, supprime le droit qui les frappe, mais en revanche quadruple les droits de licence des cabarets du Nord. Je m’engage à le combattre très énergiquement. »13
21L’écrasante victoire de Trystram traduit la versatilité d’un électorat qui, 15 mois plus tôt, avait accordé une franche majorité aux conservateurs. Trystram, plus à gauche de l’échiquier politique, a su instrumentaliser les mouvements d’opinions de l’électorat et capter les voix d’électeurs désabusés.
- 14 LAMBERT-DANSETTE Jean, op. cit.
22L’ascension économique que décrit J. Lambert-Dansette dans son ouvrage sur le patronat textile de Lille-Armentières14 est souvent favorisée par l’appartenance des grands-parents au milieu des négociants. Dans le Nord, l’ascension politique va, assez souvent, de pair avec l’ascension économique.
- 15 Ancêtres des Bergerot et de Delelis
23Au début du XIXe siècle, la taille des usines reste modeste. Les négociants utilisent la main-d’œuvre des Flandres qui travaille à domicile ou qui s’assemble dans de toutes petites unités. Les industriels textiles André Colombier et Charles Huet15 sont des négociants qui écoulent leur production de toile à matelas et de sarraus mais aussi celle d’une « clientèle » d’obligés, disséminée dans les campagnes environnantes.
- 16 ROMMELAERE Guy, op. cit.
24Les contacts et les liens créés fédèrent un réseau d’influences économiques et politiques. En 1821, Colombier-Batteur rachète l’antique château seigneurial que détenaient, depuis des siècles, les ancêtres de l’épouse du député Charles de Bethisy. Conseiller d’arrondissement de Dunkerque en 1832, mais candidat malheureux aux législatives, Colombier-Batteur se désiste en faveur de Lamartine qu’il reçoit désormais régulièrement.16
25À une époque où l’administration préfectorale nomme maires et adjoints, les élites économiques ont accompagné les différents pouvoirs politiques avec une remarquable adaptation. La mémoire est courte lorsqu’il s’agit de rallier le nouveau régime et d’envisager la poursuite de florissantes affaires. Peut-être, peut-on voir, là aussi, un élément d’explication de la modération politique des élus nordistes.
26Les militaires forment le dernier groupe. Le général Faidherbe siège au Sénat, et, lors de la législature 1885-89, trois militaires de haut rang rejoignent la Chambre. La participation des militaires nordistes à la vie parlementaire atteint alors son apogée.
27La carrière militaire demeure l’une des rares filières de promotion, pour peu que courage, pugnacité et intelligence aillent de concert. La conquête coloniale, les guerres du Second Empire et la guerre de 1870 permettent une rapide ascension militaire.
28Louis Faidherbe est âgé de 8 ans, lorsque son père, fabricant lillois en bonneterie, décède. La situation familiale est peu florissante mais de rares qualités intellectuelles lui permettent de décrocher une bourse pour entrer à Polytechnique. Pendant ce temps, le négoce familial fait faillite. Louis demande à être envoyé aux colonies où la solde est plus forte.
- 17 Les hommes d’aujourd’hui., « Le général Faidherbe Louis-Léon-César », numéro 234, s.l.n.d.
29Une longue carrière coloniale débute : Oran, la Guadeloupe, puis le Sénégal. Lors d’une expédition, ses jambes sont ensevelies sous la neige des montagnes de Bougie. Au fil des années, sa marche devient difficile et il doit recourir à un domestique pour pousser son fauteuil à roulettes.17 C’est dans ce contexte qu’il est hissé à la tribune du Sénat, lors du vote sur la loi d’expulsion des membres des anciennes familles régnantes.
30On ne peut s’empêcher de rapprocher la relative modestie de la situation familiale de Faidherbe de celle du général Boulanger.
- 18 AD75 DQ8/1776 DQ7/12275
31Certes, Boulanger descend, par sa mère, de la petite noblesse écossaise. Celle-ci a épousé Ernest Boulanger, un avoué de la région rennaise. Mais, peu après la naissance de l’enfant, l’avoué doit résigner sa charge à la suite de mauvaises affaires et de mauvais placements. Le tribunal de commerce de Rennes saisit les meubles pour éponger les dettes paternelles. Sous le Second Empire, Ernest Boulanger est incarcéré pour menées antibonapartistes. Installé à Nantes puis à Paris comme inspecteur de compagnie d’assurances, il décède en 1884. Séparé de son épouse, il laisse une succession insignifiante, composée de créances douteuses et d’une prime d’assurance-vie. L’épouse et les deux enfants renoncent à la succession.18
32Objet de promotion sociale, la carrière militaire est aussi l’instrument de la transmission des valeurs ancestrales de la noblesse française. Frescheville et Martimprey sont fils d’officiers supérieurs.
33On ne badine pas avec la carrière des armes dans la famille Martimprey. Hors l’armée, point de salut ! Edmond et Ange de Martimprey père et oncle du député sont généraux de division, sous le Second Empire. Les trois fils d’Edmond suivent les traces paternelles. Le premier, Edmond, capitaine d’état-major, est député du Nord. Les deux autres sont officiers d’infanterie et de cavalerie.
34La famille De Martimprey cousine avec de grands dignitaires de l’armée française. Elle est apparentée au général-comte Espivent de la Villesboisnet, aide de camp du maréchal Bugeaud, chargé de réprimer les insurrections marseillaises durant la Commune. Sénateur de 1876 à 1897, ce dernier siège parmi la droite cléricale et légitimiste.
- 19 COURTAUX Théodore, op. cit.
35Quant au général de brigade Frescheville, il participe à la prise de Sébastopol, combat à Magenta et Solférino et durant la Guerre de 1870. Tout comme Martimprey, il est fait prisonnier à Metz. Après la guerre, il est nommé directeur de l’École d’artillerie.19 Le père du général, colonel d’infanterie, avait été tué, en 1830, à la tête d’un avant-poste de l’armée française, au sud-est d’Alger.
36La présence des militaires de haut rang dépasse le cadre strict de la représentation parlementaire. La fille de Wallon épouse, en 1871, le futur général de division Pierre Petit, appelé à diriger le génie militaire de Paris. Le républicain Géry-Legrand est le beau-frère du général de division Paul Chrétien.
37Si l’on pouvait s’attendre à la présence de nombreux juristes dans les rangs nordistes, celle de militaires et de représentants des industries sucrières, lainières, cotonnières et brassicoles tempère sensiblement l’image tant répandue de la « république des avocats ».
L’implication dans les sociétés professionnelles, syndicales, savantes ou de bienfaisance
38Les parlementaires nordistes sont des lettrés. Wallon, Giard, Faidherbe et Lefèvre-Pontalis sont membres des prestigieuses académies parisiennes. Plusieurs élus œuvrent au sein d’associations savantes locales et s’essaient à l’écriture d’articles historiques, géographiques ou scientifiques. Les articles historiques de Bergerot sont pointus mais de valeur reconnue. Les articles géographiques de Koechlin améliorent la connaissance ethnographique. L’œuvre scientifique et biologique de Giard est immense.
39Les parlementaires marquent tous un intérêt manifeste pour le monde agricole, réputé stable dans ses votes, peu enclin à l’abstentionnisme, ancré dans des positions conservatrices ou modérées : 8 parlementaires sont membres à l’échelon départemental ou local de la puissante Société des agriculteurs. Les députés élus en 1885, dont le programme électoral promet la défense des intérêts agricoles, représentent le lobby agricole protectionniste.
40Autre témoignage de cet empressement : Renard préside la société de dessèchement des vallées de l’Hayne et de l’Escaut, Morel le syndicat pour le dessèchement de la Scarpe. L’ancien maire de Dunkerque, Delelis, préside la 4e section des wateringues qui entretient le gigantesque réseau de fossés et de canaux de drainage du secteur des Moëres, là même où le « général-fermier » Frescheville dirige une importante exploitation.
41Les intérêts industriels et commerciaux ne sont pas négligés pour autant : les Chambres de commerce de Lille, Tourcoing, Douai, et Dunkerque envoient les conservateurs Kolb-Bernard, et Jonglez et les républicains Giroud et Trystram siéger au Parlement.
42Les conservateurs prennent part, avec autant d’ardeur, à la défense de leurs intérêts industriels et commerciaux dans les syndicats patronaux des houillères, de la sucrerie, de la fabrication du verre ou du textile. Renard siège dans plusieurs syndicats patronaux des houillères et de la verrerie.
43Certains engagements associatifs éclairent les convictions religieuses ou philosophiques.
44Chez les conservateurs et au Centre-droit, les tenants du catholicisme plus ou moins social sont très présents dans les organismes de bienfaisance et ne méprisent pas la direction du conseil de fabrique de leur paroisse. (Pajot, Théry, Plichon) L’action du sénateur inamovible Kolb-Bernard vise à élever le niveau de conscience des masses laborieuses, à éduquer leur sens religieux, à intégrer une dimension spirituelle et catholique dans leur vie quotidienne. Celle de des Rotours, plus paternaliste, se limite davantage à la distribution d’aumônes aux indigents, oboles souvent laissées à la discrétion des épouses, jeunes filles et mères de notables.
45Dans les rangs conservateurs, on constate une forte mobilisation des députés issus du patronat nordiste. Ces députés, impliqués tant dans les sociétés de bienfaisance que dans les organisations professionnelles ou syndicales, dirigent avec efficacité les sociétés de secours mutuels, première forme d’une réelle couverture sociale. Le conservateur Bergerot est à l’origine de la fondation de la première société de secours mutuels de la région dunkerquoise. Il est aussi le fondateur d’un hospice de vieillards dans la commune dont il est le maire.
46L’implication constante des élus conservateurs du patronat roubaisien, tourquennois ou lillois est remarquable. Cette forme de catholicisme social a probablement freiné la montée en puissance des députés « partageux ».
47Enfin, lorsque Legrand de Lecelles met gracieusement, chaque dimanche, ses compétences juridiques au service de ses concitoyens, il dépasse le traditionnel rôle charitable qu’on peut attendre d’un député, se créant ainsi une clientèle d’obligés qui assure sa promotion politique.
48Au Centre-gauche et dans les rangs opportunistes, aux tacticiens politiques, brillants orateurs parisiens détenant les postes-clés du conseil général, s’opposent les députés de base qui mènent sur le terrain une action charitable plus souterraine. Leurs pratiques de bienfaisance semblent cependant moins courantes que chez les conservateurs.
49De ces engagements au sein d’organismes associatifs, on constate la moindre participation des avocats, magistrats et notaires dans les sociétés locales, chambres et organismes divers.
50Sept mandats parlementaires sont confiés à des bâtonniers de l’ordre des avocats. Ces bâtonniers, choisis par leurs pairs, occupent une position stratégique dans les villes judiciaires. Leur distinction entérine une notoriété grandissante, tremplin pour l’action politique.
- 20 PRZYBYLA Francis, op. cit.
51La faible implication des juristes républicains dans les associations locales au tout début de la IIIe République avait déjà été mise en évidence.20 La période 1881-89 connaît le même travers et s’accompagne d’un faible engagement municipal.
52Un fossé semble grandir entre ces parlementaires, majoritairement juristes, et leur circonscription. À n’avoir fréquenté ni les problèmes municipaux, ni le conseil général, ni les organisations sociales, professionnelles ou culturelles, à n’avoir pas côtoyé les forces vives de la Nation, il existe un risque sérieux de se couper des réalités locales !….
Maîtrise et transmission des leviers politiques : héritages familiaux et stratégies matrimoniales
53Si l’élu bénéficie de l’aide primordiale de sa proche parentèle, il obtient généralement l’appui sans réserve des parents de son épouse. L’analyse tente d’éclairer le poids des héritages familiaux et de suggérer si le legs est plus économique que politique. L’analyse de la « surface sociale » des beaux-parents et des stratégies matrimoniales tente de cerner le rôle réel ou supposé que joue la belle-famille dans l’ascension politique.
La confiscation du pouvoir législatif par les élites socioéconomiques du département
- 21 ESTEBE Jean, Les ministres de la République, (1871-1914), Paris, F.N.S.P., 1982
54Le tableau 14 reprend la méthodologie de Jean Estèbe dans son ouvrage sur les ministres du début de la IIIe République.21 Ce classement a le mérite de codifier les catégories sociales et de permettre une comparaison aisée avec les ministres en poste de 1871 à 1914. L’analyse porte sur l’ensemble des élus et pères d’élus et sur plus de 90 % des beaux-pères.
55En définitive, les élus appartiennent tous à un groupe socioéconomique, de faible assise, qui représente à peine 7 % de la population.
56Aucun élu n’appartient aux secteurs I et II. Beaucoup appartiennent à la bourgeoisie diplômée mais aussi à la catégorie fortement représentée des propriétaires de moyens de production et d’échanges. L’image habituelle d’une représentation parlementaire éloignée des forces vives du tissu économique, composée d’avocats bavards et oiseux, est à nuancer singulièrement. Beaucoup ont une connaissance pointue des réalités agricoles, industrielles et commerciales ainsi qu’une idée précise des problèmes économiques régionaux.
57Une catégorie, infime dans la population – celle des cadres de l’État – jouit d’un poids disproportionné au sein de la représentation. Magistrats et généraux, républicains ou conservateurs, y occupent une place prépondérante. Le prestige inégalé de ces fonctions joue encore un rôle moteur dans la constitution des listes de candidats.
58Dans les rangs parentaux, les secteurs I et II représentent un sixième de l’effectif. Les secteurs III, IV et V, moins bien représentés, démontrent la réalité de l’ascension sociale des élus.
59Tout se passe comme si la petite bourgeoisie propriétaire, au travers de ses descendants, réussissait à intégrer ou à se hisser à la hauteur de cette bourgeoisie diplômée tellement enviée, en faisant jouer à la future épouse un rôle important, certes non exclusif, dans le processus d’ascension sociale. D’autres facteurs comme la réussite scolaire de l’élu ou la réussite professionnelle et financière du père ne sont cependant pas à négliger.
6047 élus sur 52 (90 % de l’effectif) ont contracté mariage. Trois d’entre eux, Maurice, Thellier de Poncheville et Wallon se remarient à la suite d’un veuvage assez précoce. Aucun célibataire n’appartient à la noblesse qui attache beaucoup d’importance aux alliances familiales. Dans les autres milieux, le célibat est diffus dans toutes les tranches d’âge, catégories socioprofessionnelles et appartenances politiques. Depuis 1871, parmi les élus du Nord, le célibat, est sensiblement plus élevé que dans les rangs ministériels. (5 %)
14. Classement socioprofessionnel des Élus, des Pères et Beaux-pères (1881-89)

A : Nombre des parlementaires/B : Répartition en % (Total supérieur à 100 %, inférieur à 110 %)/C : Nombre de pères d’élus/D : Répartition en % des pères (Total compris entre 100 % et 110 %)/E : Nombre de beaux-pères d’élus 42 connus (80 % des parlementaires)/F : Répartition en % des beaux-pères (Total compris entre 100 % et 110 %)/G : % de la population active masculine française (cf. ESTEBE)
- 22 de BROGLIE Gabriel, Le XIXe siècle. L’éclat et le déclin de la France, Paris, Perrin, 1995
61Personne ne remet véritablement en cause l’existence de stratégies matrimoniales parmi les familles notables du XIXe siècle. Gabriel de Broglie, dans son essai historique sur Le XIXe siècle,22 en fait même un élément essentiel du mariage bourgeois.
62Si l’enquête sur les parlementaires de la IIIe République a permis de saisir l’ampleur de ces stratégies, certains ont voulu émettre quelques réserves. En effet, on trouve des épouses à la dot bien inférieure à celle de leur époux. Mais la stratégie ne se mesure pas qu’à l’aune de la richesse sonnante et trébuchante. Notoriété, professions stratégiques, héritage prometteur, mandats politiques familiaux jouent un rôle majeur. Et si, en plus, la promise est jolie, le futur époux ne peut que s’en féliciter.
63L’âge au mariage est connu pour 42 élus sur 47. Cet âge moyen est de 30,3 ans pour l’époux, de 22,6 ans pour l’épouse. L’élu issu des milieux bourgeois se marie tardivement, tout comme en Aquitaine. Le mariage de Pajot est le plus précoce, (21,5 ans) celui de Plichon clôt la liste (47 ans). Il n’y a pas de différence notoire entre élus de droite ou républicains. Tout au plus, peut-on signaler la plus grande jeunesse des mariés nobles. (âge moyen : 26,7 ans)
- 23 BERGERON Louis et CHAUSSINAND-NOGARET Guy (dir.), Grands notables du Premier Empire, notices de bio (...)
64Le baron Des Rotours a 25 ans lorsqu’il épouse Ghislaine Van den Hecke de Lembeke. Fille de sénateur belge, Ghislaine est issue d’une famille de la noblesse de robe aux importantes fonctions échevinales. Avocat au conseil de Flandre, maire de Gand, l’arrière-grand-père a acquis 162 ha de biens nationaux. Un grand-oncle en achète 643 ha. La famille figure parmi les 60 plus grands propriétaires de l’ancien département de l’Escaut.23
65Les mariages tardifs, souvent les plus fortunés, traduisent la volonté de convoler lorsque les études sont terminées et qu’une position sociale stable a été acquise.
66Deux mariages tardifs, ceux de Plichon et Giard, ont lieu après l’élection à la Chambre des députés. Lorsqu’Ignace Plichon épouse Adeline Boittelle, il a 47 ans, Adeline en a 21. La carrière du député est très prometteuse et cette alliance ouvre les portes de milieux parisiens influents, proches des familles Boittelle et Haussmann.
15. Âge au mariage des parlementaires du Nord élus de 1881 à 1889
Âge au mariage |
Nombre de Députés |
Droite |
Républicains |
20 à 24 ans |
9 |
5 |
4 |
25 à 29 ans |
16 |
10 |
6 |
30 à 34 ans |
11 |
6 |
5 |
35 à 39 ans |
5 |
3 |
2 |
40 à 44 ans |
1 |
0 |
1 |
45 à 49 ans |
3 |
2 |
1 |
- 24 Pajot et Théry (différence d’1 an), Trystram (3 ans), P. Legrand (8 ans)
67Le futur député se marie vers 30 ans et convole avec une fiancée bien plus jeune, pratique très courante dans la bourgeoisie du XIXe siècle. La différence d’âge entre les conjoints avoisine 7,5 ans. Ils ne sont que quatre à être nés après leur épouse.24
68La situation de Faidherbe est plus marginale : il épouse en 1858 sa nièce orpheline alors qu’il est déjà père d’au moins un enfant noir, né illégitimement d’une mère sénégalaise. Sa femme élève alors l’enfant noir avec ceux issus de leur légitime mariage.
69Une dernière catégorie, la plus importante, celle des juristes, connaît les faveurs des familles à la recherche du gendre idéal. Un diplôme juridique compense, pour partie, l’absence de grosse fortune. Par la cooptation d’individus "prometteurs" ou d’héritiers de familles aisées, les élites font du mariage un puissant moteur d’intégration. Au gré des volontés parentales et familiales, on jauge, on soupèse, on choisit, on réunit ou on élimine. Le mariage est souvent un élément essentiel de l’ascension sociale et politique.
- 25 FOUCART Jacques, op. cit.
- 26 ZELDIN Théodore, Histoire des passions françaises 1848-1945, Paris, Le Seuil, 1978, 5 tomes
Cf. Tome (...)
70L’édifiante lettre manuscrite laissée par Jules Brame, rapportée dans l’ouvrage de J. Foucart, relate l’échec de la demande en mariage de son fils Georges, futur député.25 Ce document ne laisse aucun doute sur les tractations que mènent parents, grands-parents, oncles et tantes pour conclure une alliance conforme à leurs désirs. T. Zeldin affirme même que « c’est, pour la bourgeoisie, la plus grande opération financière de leur vie ».26
71La fortune du beau-père, son activité politique et sa notoriété sont autant d’atouts et de trésors à amasser et à faire fructifier. Parmi les beaux-parents, le secteur I est, une fois de plus, dominé par les producteurs agricoles. Le secteur II est insignifiant. Notaires, avocats et percepteurs se partagent un secteur III assez peu étoffé. Le secteur IV est dominé presque exclusivement par les hommes politiques. Un beau-père sur 5 fait de la politique en tant que maire ou à un échelon supérieur. L’énorme secteur V pèse plus que les quatre autres secteurs réunis.
72Dans ce dernier secteur, plus de la moitié des élus du Nord s’allient avec des familles de propriétaires fonciers, négociants, fabricants, marchand de laines ou industriels. Plusieurs alliances se nouent dans le secteur bancaire et l’administration de grandes sociétés financières ou industrielles. (Martimprey, Plichon, Thellier de Poncheville, Kolb-Bernard…)
- 27 PIERRARD Pierre, Lille et les Lillois, Bloud et Gay, 1967
La famille Colombier est issue de la Somme
73La famille Colombier-Batteur, déjà citée, possède deux importantes entreprises de tissage à Lille et à Quesnoy-sur-Deûle dans la banlieue lilloise. Charles Colombier suit l’armée de Hollande, sous le Directoire, vendant à l’armée et aux soldats tout ce qu’on peut emmagasiner dans une voiture tractée par de solides chevaux. Il allie ensuite la fabrication de toiles et de vêtements avec la diffusion des articles produits. En 1809, il récupère en héritage, le négoce de son beau-père. Une tradition, dont les descendants se font encore l’écho, veut que l’ancêtre ait fait fortune, après la bataille de Waterloo, en rachetant et revendant aux armées françaises un million de sarraus avec 1 F de bénéfice par sarrau. Pierre Pierrard voit en lui « le plus représentatif des gros marchands lillois, héritiers des fastueux tailleurs du XVIIIe siècle ».27
- 28 BARBIER Frédéric, Le patronat du Nord sous le Second Empire : une approche prosopographique, Genève (...)
74La réussite de Colombier lui permet de racheter, en Flandre, le château d’Esquelbecq ainsi que plusieurs fermes amassées dans les environs.28. Retiré des affaires dès 1817, nommé maire d’Esquelbecq, il marie ses 4 enfants avec des partis prometteurs, appartenant tous au monde du négoce.
75L’une des filles épouse le négociant en toiles Charles Huet, originaire de l’Orne. De leur union, naît Caroline, épouse d’Alphonse Bergerot, futur député du Nord.
76Une autre fille épouse Paul François Boudin, d’une famille de négociants dunkerquois. Leur fille, Élise épouse Jules Delelis, futur maire et député de Dunkerque.
77Une troisième fille épouse Jacques Sénart, négociant à Reims, apparenté à Émile Sénart, conseiller général de la Sarthe
- 29 BARBIER Frédéric, Ibid.
78Quant au fils François Louis Colombier, il épouse Adèle Lelièvre, proche parente de Charles Kolb-Bernard. Leur fille épouse Célestin Cordonnier, conseiller municipal d’Haubourdin. Leur petit-fils épouse Noémie Scalbert. Les familles Cordonnier et Scalbert représentent la grande bourgeoisie bancaire du Nord. Une autre fille de François Colombier-Lelièvre épouse Victor Charvet qui dirige la société textile Dubois et Charvet-Colombier, implantée à Armentières et Halluin, spécialisée dans le blanchiment des toiles et le tissage du lin.29
79La famille de Jules Delelis mérite attention. Les ancêtres étaient des agriculteurs aisés aux importants biens fonciers. Le père, Jean-Baptiste, est conseiller d’arrondissement de Béthune. L’oncle Goudemez est maire de Fresnoy-en-Gohelle. La cousine épouse Henri Tailliandier qui récupère le mandat majoral. La famille Tailliandier, déjà citée, a étendu son influence politique et jouit d’une estime considérable dans la région. Le fils et les deux petits-fils sont élus députés du Pas-de-Calais. Cette famille, aux nombreux mandats locaux, siège au Palais-Bourbon pendant un demi-siècle.
- 30 DELAVENNE André, recueil généalogique de la bourgeoisie ancienne, Paris, Ed. S.G.A.F., 1954-55, 2 v (...)
80Quant au ministre Marcère, il épouse, en 1858, à Arras, Marie Simonnot dont le père, docteur en médecine, fut chirurgien-major au 2e régiment du génie. La famille Simonnot, originaire de Troyes descend de Zacharie Simonnot, procureur fiscal sous l’Ancien Régime, mais qui pratiquait également la médecine, à ses heures perdues.30 La famille Simonnot compte plusieurs médecins mais les activités de prédilection tournent autour de l’agriculture, du négoce et de l’industrie textile. Une branche familiale fonde à Troyes, puis à Taverny, une usine de fabrication de batistes et de mouchoirs. Un cousin de Marie Simonnot est manufacturier à Troyes sous le Second Empire.
- 31 Généalogie Renouard. Travaux de R. Driant, descendant du Gal Boulanger
81Pour le capitaine Boulanger, l’année 1865 lui est particulièrement faste. Nommé capitaine instructeur à Saint-Cyr, il épouse Lucie Renouard,31 d’une famille très influente aux nombreuses alliances dans les milieux politiques. Arrière-petite-fille d’un député de la noblesse aux États généraux, et nièce du sénateur inamovible de Centre-gauche Charles Renouard, Lucie est la fille d’un consul de France.
82La tante de Lucie, Adèle Renouard-Cunin-Gridaine est la fille du manufacturier Laurent Cunin-Gridaine, député orléaniste des Ardennes et ministre du commerce et de l’agriculture sous Louis-Philippe. Après le décès d’Adèle, Jules Renouard épouse Amélie Talabot, sœur de Léon Joseph Talabot, ingénieur civil, maître des forges, député de Centregauche de la Haute-Vienne, ami de Thiers et fondateur des Hautsfourneaux et forges de Denain-Anzin et de ceux du Saut-du-Tarn.
83Ajoutons que Léon Talabot a un frère qui est le premier directeur général de la compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée, après qu’il en ait dirigé personnellement une partie de la construction. Ce dernier mène également une carrière politique qui le conduit au conseil général du Gard, puis au Corps législatif de 1863 à 1870.
- 32 AD59 M121/3
84La famille Renouard est aussi proche des Simonnot, donc des de Marcère. Elle est également apparentée aux Boitelle, donc aux Plichon. Le beau-père de Plichon, Alexis Boitelle participe très efficacement à l’établissement et au financement de plusieurs lignes de chemins de fer dans le Nord et le Pas-de-Calais.32
85Le sénateur Fiévet qui contracte alliance dans l’influente famille Butruille y côtoie notaires, industriels textiles et maîtres brasseurs. Cette famille Butruille semble posséder un sens inné pour détecter les individus prometteurs. Cécile épouse le notaire et député de Droite Le Roy. Marie Omérine épouse le député conservateur Morel.
86En 1885, trois députés et un sénateur figurent dans la proche parentèle des Butruille. Dans ce « clan », le poids grandissant des alliances conclues dans le milieu notarial est fort significatif. Le grand-père et le beau-frère de Morel sont notaires à Douai. Le père, le beau-père et le frère du député Bottieau, ce dernier parent de Morel, sont notaires à Maubeuge.
- 33 POURCHER Yves, Les maîtres de granit. Les notables de Lozère du XVIIIe siècle à nos jours, Paris, O (...)
87L’endogamie pratiquée dans la famille Baillencourt est un processus constaté régulièrement par l’historien qui se penche sur les élites bourgeoises.33 Des enchaînements d’alliances font renouveler par les descendants, une alliance conclue entre deux familles, deux ou plusieurs générations auparavant, entre individus qui, depuis, appartiennent à une même parentèle.
- 34 Famille Kolb-Bernard
88Les Bosquillon de Frescheville retrouvent, des générations plus tard, les Bosquillon de Jenlis. Les Thellier de Poncheville épousent à nouveau les descendants des Mabille de Poncheville. La branche aînée des Lepoutre épouse la branche cadette. Le député Morel épouse sa lointaine cousine Julie Volomnie Morel. Les familles Jonglez, Dazin, Bernard34 et Scrépel multiplient les enchaînements d’alliances entre membres du clan industriel.
89Parfois, les pratiques endogamiques bravent le tabou du mariage entre cousins germains. Les deux grands-mères de Léon Maurice sont sœurs. Le député du Pas-de-Calais Tailliandier épouse sa cousine germaine. Le général Faidherbe épouse à Lille sa jeune nièce réputée pauvre. Les Lefebvre de Valenciennes épousent les Piérard. Et les Piérard s’empressent de reconvoler avec les Lefebvre.
- 35 AD59 État civil. Lille. Lille St-Etienne. Lille St-Maurice. Théry épouse à Lille, en 1832, Caroline (...)
90La famille du sénateur Théry a déjà été évoquée pour sa piété religieuse. Mais remontons deux générations auparavant, lorsque le grand-père, négociant lillois, est encore jeune. Cinq de ses neuf frères et sœurs entrent en religion. Deux décèdent dans leur prime jeunesse. Le huitième bourlingue et décède célibataire à Saint-Domingue. Le dernier n’est autre que ce grand-père de Théry, seul à se marier, peut-être seul autorisé à se marier, même si la religiosité familiale ne fait aucun doute. Le grand-père n’a que deux filles. Il marie l’une d’elles à l’un de ses neveux, cousin germain de la demoiselle. À travers cette famille, c’est tout un réseau d’enchaînements d’alliances sur quatre générations qui associe les familles Théry, Falligan, Cuvelier, Bonnier et Leclercq. Dès lors, on ne s’étonne guère d’apprendre que le sénateur Théry épouse une demoiselle Leclercq, dont la grand-mère porte également le nom de Falligan !35 Vérification faite, la parenté est certaine. On s’en serait douté à moins !
91Quant aux familles Lefebvre et Piérard, c’est à l’ombre de Valenciennes que s’effectuent les enchaînements d’alliances qui concernent les deux épouses de Charles Thellier de Poncheville, nées Lefebvre.
92À l’inverse, rares sont les familles qui, comme celle des Brame, n’autorisent pas le mariage entre cousins. Le veto d’une partie de la famille provoque la rupture des tourtereaux. Le parti pressenti pour suppléer à cet interdit, renâcle et finit par se dérober. Le mariage ourdi par l’un des oncles se révèle un fiasco. Georges Brame reste célibataire.
93Ces mariages entre enfants de notables, sont révélateurs des stratégies de transmission du patrimoine et du statut social. Si l’endogamie tend à éviter le morcellement du patrimoine, elle participe également de la volonté de maintenir ou d’accroître le statut social de la proche parentèle. Si l’on n’aime guère partager le patrimoine familial, on n’est guère plus enclin à se laisser déposséder des mandats politiques détenus par le clan.
94En définitive, à l’issue de cette analyse une tendance forte se dégage. Le monde agricole qui pèse d’un poids numérique important dans la Nation, plafonne à 10 %, tant chez les pères que chez les beaux-pères de parlementaires. Alors que les parents des députés appartiennent souvent à la bourgeoisie diplômée et aux cadres de l’État, les beaux-parents ont davantage un statut de propriétaires fonciers, de négociants ou d’industriels. Tout se passe comme si, de manière imagée, les diplômes épousaient la fortune. Cette forte attractivité des diplômes sur les milieux fortunés constitue le processus quasi exclusif d’intégration.
95Dans leur grande majorité, les enfants de parlementaires recueillent pieusement l’héritage paternel et adoptent la même coloration politique.
- 36 Ibid.
96Raoul Des Rotours, député du Nord, fils de Robert Eugène, épouse Marthe d’Haubersaert, d’une famille de parlementaires monarchistes qui évolue rapidement du légitimisme à l’orléanisme. Le mimétisme politique semble être une caractéristique majeure du clan. Marthe d’Haubersaert est cousine, petite-nièce et arrière-petite-fille de parlementaires et pairs de France.36 L’arrière-grand-père d’Haubersaert marie son fils aîné, futur pair de France, à la fille du célèbre député aux États Généraux, à la Convention, et au Conseil des Anciens, Philippe Antoine Merlin de Douai, l’un des cinq directeurs. Un fils de ce dernier, le général Merlin, député de Cambrai, devient pair de France sous la Monarchie de Juillet.
97Guillaume des Rotours, député puis sénateur du Nord, petit-fils de Robert-Eugène, épouse, en 1912, Marie Élisabeth de Francqueville, d’une longue lignée de maires de Bourlon (Pas-de-Calais) et arrière-petite-fille du député ultra-royaliste de la Restauration, Adrien de Francqueville de Bourlon. La mère de Marie-Elisabeth appartient à la célèbre famille de Mun.
98Les enfants des ministres Marcère et Christophle contractent alliance en 1886. Georges Christophle, beau-fils de Marcère entame une longue carrière dans la haute administration. Sous-préfet de Fougères, il devient secrétaire général du département de l’Eure puis conseiller référendaire à la Cour des comptes. Sa carrière politique ne dépasse pas le stade de conseiller général de l’Orne.
99Deux des filles du couple Christophle-De Marcère épousent de futurs élus. Marguerite s’unit à Robert Cousin, conseiller général de l’Orne. Alice épouse Marcel Fleury, maire d’Auguaise, conseiller général et député de droite de l’Orne de 1933 à 1936. Marcel Fleury est fils du sénateur modéré de l’Orne, Paul Fleury, qui siège de 1895 à 1931. Il est aussi petit-fils du député de l’Orne Charles Frédéric Fleury, inscrit à la Gauche républicaine et qui siège de 1881 à 1885.
- 37 Pierre Florent Louvet, député de la Somme (1791-1819) Omer Constant Joseph Dussaussoy, député orléa (...)
100Autre cas, Jean Plichon, député monarchiste rallié à la République, puis sénateur du Nord, fils d’Ignace, multiplie les appartenances aux conseils d’administration. Marié à Jeanne Leduc, il a pour belle-sœur Marthe épouse de Paul Dussaussoy, député de droite du Pas-de-Calais, fils, petit-fils et arrière-petit-fils de député.37 Deux des enfants de Jean Plichon contractent alliances au sein de la famille des Thiriez, industriels bien connus du textile nordiste.
101Un deuxième fils d’Ignace, Pierre Plichon est administrateur de la Compagnie des Mines de Béthune. Le fils de ce dernier siège au Palais-Bourbon, de 1936 à la fin de la Troisième République, dans les rangs de la droite républicaine indépendante.
102Toujours dans les rangs conservateurs, Henriette Déjardin-Verkinder épouse, en 1896, Pierre Lefèvre-Pontalis, fils d’Amédée. La mariée est fille du député du Nord. Le marié est le neveu du député.
103Dans les rangs républicains, la petite-nièce d’Hyacinthe Corne épouse l’architecte Paul Wallon, fils du parlementaire nordiste.
104Les Massiet du Biest sont apparentés au président du Conseil René Goblet. La fille du sénateur républicain Massiet du Biest épouse, en 1889, Paul Béhaghel, petit-neveu du député Hubert Louis Béhaghel, élu sous la Monarchie de Juillet ainsi qu’à l’Assemblée Constituante de 1848.
105À l’inverse, le patronat textile de Roubaix-Tourcoing se préoccupe moins de la transmission des mandats politiques. Tout se passe comme si l’activité économique primait. Les velléités de carrière parlementaire se concrétisent, la maturité aidant, lorsque la réussite professionnelle est assurée ou lorsque l’entreprise est transmise et dirigée par un héritier. L’accaparement de la fonction politique se conjugue davantage avec l’interchangeabilité des lignées, pourvu qu’elles appartiennent aux mêmes élites économiques et géographiques.
106Par les échanges entre parents et enfants devenus adultes, par la transmission et l’explication des progrès techniques, les fils de parlementaires ont pu contribuer à améliorer la structuration de la pensée. Lorsque la connaissance des problèmes économiques du moment est améliorée, la pensée politique s’affine et, au Parlement, l’élu se fait le porte-parole des problèmes de son entourage.
107Les filles des députés conservateurs Lepoutre et Leurent épousent deux frères Lorthiois. La famille Lorthiois qui appartient au grand patronat textile de la métropole lilloise est alliée aux autres grandes familles textiles de l’agglomération : les Motte, Tiberghien, Toulemonde, Descamps, Wattel,
108Aucun des fils ou gendres de Charles Jonglez ne semble vouloir recueillir l’héritage politique du député. L’activité économique prime. Paul Jonglez-Eloy hérite du tissage. Théodore Desurmont-Jonglez dirige ses brasseries de Linselles et de Tourcoing. François Masurel-Jonglez fonde, en 1877, une retorderie de laines appelée à devenir l’une des plus importantes entreprises textiles du pays. La politique sociale menée dans cette entreprise de plus d’un millier d’ouvriers apporte une réponse concrète aux discours sur l’amélioration du sort des ouvriers : allocations aux jeunes ménages et aux femmes en couches, encouragements à l’épargne, associations de secours mutuels et caisse de retraite.
- 38 BIGO-D’HALLUIN Auguste, Généalogie de la famille Masurel, Lille, L. Danel, 1899
109En 1889, le comité lainier, fondé à l’occasion de la discussion des nouveaux tarifs douaniers, choisit Paul Jonglez comme président.38 De 1892 à 1893, il devient un éphémère conseiller général et décède prématurément en 1894.
110Citons encore, Marthe Le Gavrian, fille du député, qui épouse en 1887 Félix Bollaert, ingénieur civil des Mines, futur président des Mines de Lens.
- 39 DEVOS Raymond, "J.B. Trystram 1821-1906" in Revue des Amis du Vieux Dunkerque, No 1-2, 1982
111Mais l’ascension sociale la plus singulière, reste celle, déjà évoquée, de Trystram, autodidacte, fils de douanier et qui épouse la fille d’un maître maçon. Vieillissant, il lègue l’empire créé de ses mains à ses deux fils.39
112L’aîné des fils, Jean, au prénom identique, devient à son tour président de la Chambre de Commerce de Dunkerque, administrateur de la compagnie du Chemin de fer du Nord, administrateur de la banque de France et sénateur républicain de 1905 à 1924. Sa fille Marie épouse Marcel Guillain, fils de député dunkerquois.
113Antoine Florent Guillain, est successivement ingénieur du port de Dunkerque, directeur des travaux des ports de Boulogne et Calais, directeur des routes, de la navigation et des mines au ministère des Travaux Publics, conseiller général du Nord, député de Centre-droit du Nord, ministre des Colonies par deux fois et vice-président de la Chambre des députés de 1902 à 1906.
- 40 GARRIGUES Jean, La République des hommes d’affaires (1870-1900), Paris, Aubier, 1997
114Guillain occupe par ailleurs la présidence du Comité des Forges, et des aciéries de la Marine et d’Homécourt. Administrateur de nombreuses sociétés industrielles il siège aux Mines d’Anzin, à la Société électrique Thomson, à la compagnie du Canal de Suez, à la Compagnie P. L. M et il est censeur à la banque de France. Jean Garrigues en fait un porte-parole d’envergure des lobbies métallurgiques et coloniaux.40
115Ces exemples permettent tous de juger sur pièces de l’étroite imbrication entre milieux politiques et milieux d’affaires. Cette implication du monde politique dans la maîtrise des leviers économiques est confortée par la présence de ces mêmes parlementaires dans un nombre conséquent de conseils d’administration, et non des moindres !
Le poids des mandats politiques du clan familial
116Les élus et leur proche parentèle ont exercé une action incessante dans le substrat local. Le mandat politique se mérite et se cultive. À ce prix, il peut prospérer, essaimer et se transmettre.
117En Flandre intérieure, le républicain Outters profite de la notoriété familiale, assise sur un réseau dense d’élus locaux. Le grand-père paternel est maire d’Hondschoote, le grand-père maternel adjoint au maire de Zermezeele. Le frère est conseiller général, maire d’Hondschoote. L’oncle est maire d’Herzeele, tandis que le cousin, adjoint du maire de Bergues, est conseiller d’arrondissement. Le beau-père d’Outters, Charles Heem est maire de Steenvoorde et conseiller d’arrondissement. Outters hérite tout naturellement du mandat majoral.
- 41 Nelly Pauline Adèle Macarez, mère de Girard
- 42 René Charles Auguste Macarez, Cons. général et maire de La Cappelle
118Le député puis sénateur républicain Girard bénéficie également d’un réseau familial qui s’appuie sur des mandats locaux. Par sa mère, Girard descend de la famille républicaine Macarez-Trécat.41 L’oncle, conseiller général, est maire de La Cappelle.42 Un membre de la famille est opposé au conservateur Fiévet lors des sénatoriales de 1885.
119Le faire-part de décès de Mme Girard-mère est fort évocateur de ce maillage serré d’élus locaux. Les maires d’Escarmain, Haussy, Haulchin et La Cappelle portent, tous quatre, le patronyme de Macarez et descendent des mêmes ancêtres. Le faire-part permet d’ajouter à la liste le maire de Moncheaux.
120Par le juge de paix Henry Devaux, conseiller d’arrondissement, l’emprise politique du clan s’accroît encore. Il faut aussi évoquer les familles des députés conservateurs Brabant et Renard qui se raccrochent à la proche parentèle de Girard.
- 43 VERLY Hippolyte, Essai d’une biographie lilloise contemporaine (1800-1869), Lille, Leleu, 1869
121Une autre situation est tout aussi évocatrice. Le républicain Armand Joseph Testelin (1781-1831), père du député puis sénateur, soutient la Révolution française puis l’Empire. Dès 1815, il combat la Restauration. En 1830, il participe activement au mouvement qui chasse Charles X du trône. Ses brillantes actions lui valent d’être élu conseiller municipal et conseiller général de Lille.43
- 44 JODéb. 30/8/1871
Testelin, régulièrement rappelé à l’ordre à la Ch. des Députés et au Sénat, prononç (...)
122La légende veut que son fils, Achille, l’enfant terrible du Nord,44 ait également participé à la révolution de 1830. Les légendes ont parfois la vie dure ! Achille Testelin joue par contre un rôle important, en 1848, dans l’opposition républicaine lilloise qui participe à la campagne des banquets. En 1851, il est arrêté puis obligé de s’exiler à Bruxelles jusqu’à son amnistie en 1859. Les sénateurs Merlin et Dutilleul, respectivement maires de Douai et de Lille ont contracté alliance avec des nièces du sénateur.
123L’activité politique familiale est presque toujours essentielle à l’ascension politique de l’élu républicain.
124L’élu républicain opportuniste n’est jamais – ou peu s’en faut – le fils de ses œuvres. C’est seulement dans les rangs du Centre-gauche ou de la Gauche radicale qu’une promotion politique rapide s’avère plus facile
125Dans les rangs de la Droite, si l’élu ne dispose pas d’une implantation politique familiale, sa propre notoriété économique peut y suppléer assez facilement. L’emprise sur la circonscription électorale est plus complexe à définir. L’électeur demeure sensible au caractère séculaire de la transmission des mandats, mais aussi à des critères plus matériels tels que l’obtention d’un travail salarié, d’un contrat de louage, d’une terre à exploiter, ou d’un appui auprès d’un notable départemental ou national.
126La famille Fiévet dispose de nombreux mandats locaux. Le père Fiévet est maire de Masny, le grand-père Butruille occupe le siège majoral de Roost-Warendin. La famille Fiévet est grande pourvoyeuse d’emplois agricoles et industriels et le raffinage du sucre occupe une maind’œuvre abondante. En 1893, le siège de conseiller général du canton de Douai-sud est détenu par la famille depuis plus de 30 ans.
- 45 Le Petit Nord, « Portraits à la plume. Nos conseillers généraux. XXVI. M. Fiévet conseiller général (...)
127Les convictions bonapartistes de la famille sont réelles. Elles n’empêchent toutefois pas, en 1869, un soutien à Félix Lambrecht, candidat d’opposition, mais ami personnel. Peu après le mariage de leur nièce avec Charles Grimbert, chef du parti légitimiste clérical douaisien, les Fiévet se rapprochent insensiblement des monarchistes. L’affadissement des convictions politiques profite aux intérêts familiaux bien compris.45
128D’autres conservateurs s’appuient sur les mandats familiaux pour bâtir leur succès. Bergerot assoit laborieusement sa réussite sur les mandats locaux du grand-père de son épouse. Si son ascension politique est difficile, c’est en partie parce que la notoriété du vieil homme décédé s’est dissipée. Quant à la notoriété économique de la belle-famille, elle est plutôt confidentielle dans cette circonscription flamande, alors que les usines textiles familiales sont implantées, à plus de 60 km de là, dans la région lilloise.
129Les parlementaires nordistes sont assez peu cumulards. Moins de la moitié détient un mandat local. Le plus prisé, celui de conseiller général, est détenu par près d’un élu sur deux. Les postes-clés, la présidence, les vice-présidences, et l’appartenance à la commission départementale suscitent leur convoitise.
19. Mandats locaux détenus par les parlementaires du Nord
1881-89 |
Députés |
Sénateurs |
Ensemble |
Conseiller général |
16 |
9 |
23 |
% |
42.1 |
50.0 |
44.2 |
Conseiller d’arrondissement |
5 |
2 |
6 |
% |
13.1 |
11.1 |
11.5 |
Maire |
13 |
7 |
19 |
% |
34.2 |
38.9 |
36.5 |
Adjoint au maire |
4 |
2 |
5 |
% |
10.5 |
11.1 |
9.6 |
Total |
38 |
18 |
52 |
130Sous la présidence de Plichon, Legrand de Lecelles détient une vice-présidence du conseil général de 1878 à 1880, époque favorable aux conservateurs. En 1881, les deux vice-présidences sont détenues par les députés Louis Legrand et Trystram. Par la suite, l’une d’elles échoît systématiquement à un parlementaire républicain, souvent le même, qu’il s’agisse des députés L. Legrand et Trystram ou du sénateur Massiet du Biest.
- 46 GIRARD L., PROST A., GOSSEZ R., Les conseillers généraux en 1870, Paris, 1967, P.U.F.
131Si le Conseil général envoie une part non négligeable de ses membres au Parlement, il n’est cependant, dans le Nord, ni le vivier ni la pépinière escomptés.46 Deux correctifs toutefois ! D’une part, les conseils généraux accueillent assez souvent les pères, beaux-pères ou frères de députés. D’autre part, le mandat départemental des « députés-conseillers généraux » est particulièrement long. En pareil cas, les deux mandats, le départemental et le national, se cumulent aisément, les sessions départementales ayant lieu durant les vacances parlementaires.
132En 1879, le sénateur républicain Testelin ravit la présidence de l’assemblée départementale au député conservateur Plichon, présidence qu’il occupe sans discontinuer, de 1879 à 1891. Plichon et Testelin, par ce mandat, règnent sans partage sur la composition des listes législatives et sénatoriales.
20. Mandats locaux et départementaux des parlementaires du Nord
Conseiller général |
Maire |
Conseiller d’arrondissement |
Adjoint au maire |
Bergerot |
Baucarne-Leroux |
Bergerot |
Debuchy |
Bernard |
Bergerot |
Corne |
Giard |
Brame |
Claeys |
Delelis |
P. Legrand |
Cirier |
Déjardin-Verkinder |
Géry Legrand |
Scrépel |
Claeys |
Delelis |
Morel |
Testelin |
Desmoutiers |
Desmoutiers |
Renard |
|
Dutilleul |
Dutilleul |
||
Faidherbe |
Fiévet |
||
Fiévet |
Giroud |
||
Giroud |
Koechlin |
||
Guillemin |
Géry Legrand |
||
Jonglez |
De Marcère |
||
Koechlin |
Massiet du Biest |
||
Géry Legrand |
Maurice |
||
Louis Legrand |
Merlin |
||
Louis Legrand (Lecelles) |
Morel |
||
P. Legrand |
Outters |
||
Massiet du Biest |
Renard |
||
Merlin |
Des Rotours |
||
Morel |
Testelin |
||
Outters |
Thellier de Poncheville |
||
Plichon |
|||
Des Rotours |
|||
Testelin |
|||
Trystram |
133La fonction majorale n’est détenue que par un tiers des élus, encore s’agit-il souvent de villes peu importantes. Les sénateurs-maires Dutilleul, Géry Legrand, Merlin et Massiet du Biest sont seuls à détenir une mairie d’importance. En pareil cas, les grands électeurs ont salué l’expérience municipale des candidats.
134Le cas du député conservateur dunkerquois Delelis est plus atypique : le mandat majoral est détenu, bien des années auparavant, à la fin du Second Empire. Seul, le scrutin de liste semble avoir permis ce retour au Parlement.
135Les parlementaires s’impliquent peu dans les conseils d’arrondissement. Seul, Géry Legrand préside aux destinées de celui de Lille. Alphonse Bergerot est longtemps conseiller d’arrondissement. Ce faible intérêt traduit l’amorce du déclin d’une institution peu prisée des conservateurs et préfigure sa disparition.
- 47 GIRARD L., PROST A. et GOSSEZ R., Les conseillers généraux en 1870, Paris, P.U.F., 1967
136Le trait le plus étonnant et le plus paradoxal demeure la désaffection des parlementaires juristes, tant conservateurs que républicains, pour les instances communales et départementales. À l’exception d’un éventuel mandat de conseiller municipal, les républicains Fournier, Girard, Lecomte, Marcère, les conservateurs Le Roy, Lefèvre-Pontalis, Lepoutre, Pajot, Thellier de Poncheville, Théry ne détiennent aucun mandat local avant leur entrée au Parlement, situation déjà soulignée par Louis Girard dans son ouvrage sur les conseillers généraux en 1870.47
137Ce manque de solidité de l’assise locale est l’une des faiblesses majeures de la liste conservatrice élue en 1885 : un député sur deux ne détient aucun autre mandat. Aucun ne parvient au Sénat, dans les années qui suivent.
138En définitive, durant la décennie "quatre-vingts", le cumul des mandats demeure plutôt minoritaire. Les députés et les sénateurs, issus de la bourgeoisie aisée, laissent œuvrer sur le terrain de proches parents, préférant la vie et les dossiers parisiens. Ménageant leur énergie, ils se consacrent, dans bien des cas, à leur seul mandat législatif. Le vieillissement du personnel parlementaire contribue sûrement à cet état de fait.
Facteur de cohésion politique, l’appartenance à un même milieu socio-économique
139Le propos illustre l’activité économique inlassable déployée par les élites politiques ainsi que le travail souterrain mené pour conquérir des participations dans les conseils d’administration de grands groupes industriels ou commerciaux, régionaux ou nationaux. En privilégiant les activités charbonnières, métallurgiques et commerciales qui constituent autant de fleurons et de vitrines de l’économie nordiste, elles témoignent de l’ampleur de l’imbrication entre milieux d’affaires et milieux politiques.
L’implication des élus nordistes dans les milieux d’affaires
140Fait majeur, les sociétés houillères nordistes comptent nombre de parlementaires ou de membres de leur proche parentèle, dans leurs conseils d’administration.
141L’appartenance à ces quelques familles ouvre la porte à des mariages aristocratiques ou à des alliances extra-départementales prestigieuses.
142Parmi les exemples représentatifs, citons le bonapartiste Jules Brabant, président du conseil d’administration des mines de l’Escarpelle, représentant du Nord à l’Assemblée de 1871, et beau-père du député Martimprey, parisien d’origine.
- 48 AN. AQ/65 (1)/155 Cie de l’Escarpelle
143Le clan familial Brabant-Girard-Parsy-Martimprey, aux sensibilités politiques parfois éloignées, détient d’importants intérêts dans la Compagnie minière de l’Escarpelle.48 Lorsqu’en 1847, est créée la Compagnie charbonnière de la Scarpe, on compte, parmi les six membres fondateurs, Aimable Deleau, banquier à Cambrai, beau-père d’un frère de Jules Brabant ainsi que Charles Martin Taverne, beau-frère de Brabant et beau-père du député de Centre-gauche Édouard Parsy.
- 49 AN. BB/6 (II)/184 Dossier ind. Louis Joseph Girard (1776-1855)
Zèle intense récompensé : Girard est (...)
144Toujours parmi les six membres fondateurs, et toujours parent, siège le grand-père de Girard, juge d’instruction au tribunal de Valenciennes. Ce magistrat s’était illustré par un zèle intense, lors de l’instruction d’un procès contre une coalition d’ouvriers des mines d’Anzin.49 Le dossier individuel du magistrat insiste sur sa fortune considérable et met en relief la collusion entre pouvoir économique et pouvoir judiciaire.
- 50 Beau-frère ou cousin par alliance
145En 1865, parmi les administrateurs des Mines de l’Escarpelle, on retrouve le bonapartiste Brabant, Aimable Deleau ainsi qu’un membre de la famille Plichon. Dans les années suivantes, Brabant préside le conseil d’administration et l’avocat républicain Cirier entre au conseil de surveillance. Dans la famille Brabant, l’appartenance aux instances dirigeantes d’entreprises minières dépasse le cadre national. Brabant est proche parent d’Alfred Legrand, représentant des charbonnages du Grand-Hornu, en Belgique.50
- 51 AN. AQ/65 (1)/46 Cie des Mines de Béthune
146Dans la compagnie des Mines de Béthune, plusieurs administrateurs sont également des parlementaires.51 En 1850, à la création, les banquiers Boittelle et leur proche famille occupent trois des six postes d’administrateurs. On y remarque également Joseph Telliez, père du député bonapartiste du Nord Telliez-Béthune et oncle par alliance du député Déjardin-Verkinder.
147Plichon préside le conseil d’administration des mines de Béthune, grâce à son mariage avec la fille d’Alexis Boittelle. Ce dernier, qui fut l’un des premiers à croire en un prolongement des filons de houille sur le territoire du Pas-de-Calais, est l’un des principaux fondateurs de l’industrie houillère de ce département.
- 52 EMERIT Marcel, op. cit.
148La jeunesse de Plichon a baigné dans la mouvance saint-simonienne qui entend améliorer le sort de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre par la mobilisation de capitaux inactifs en l’orientant vers le développement industriel. Proche du promoteur de la doctrine, Plichon assiste en témoin, et probablement en acteur, à ces investissements pour développer le chemin de fer, les moyens de navigation et la mise en valeur du Maghreb, toutes activités lucratives et génératrices d’importants profits. M. Emerit dans son article sur Plichon et le saint-simonisme livre une lettre édifiante dans laquelle le Père Enfantin explique au député comment gagner 3 à 400 000 fr., en six mois, dans des opérations conduites avec les banquiers Rothschild et Laffitte.52
- 53 Exposition universelle de 1900. Compagnie des Mines de Béthune (concession de Grenay), s.l.n.d.
149En 1900, la présidence des mines de Béthune est occupée par Marcère. Jean Plichon est secrétaire du conseil d’administration.53 Par la suite, la présidence revient à Jean Plichon qui étend la mainmise familiale sur les compagnies des mines de Blanzy et de Kali Sainte-Thérèse.
150Casimir Joseph Boittelle, père des administrateurs et banquiers cités, préside la Compagnie des Mines de Vicoigne et Noeux jusqu’à son décès, en 1879. Le député Parsy occupe un fauteuil d’administrateur. Par la suite, Léon Renard prend en main les destinées de Vicoigne et Noeux.
151Le député Déjardin-Verkinder, déjà cité, préside le conseil des directeurs de la Compagnie des mines d’Aniche. Le beau-père de sa fille, Jules Amédée Lefèvre-Pontalis, préside le conseil d’administration des Mines de la Loire et administre de nombreuses sociétés. Jules Amédée, député d’Eure-et-Loir à l’Assemblée nationale de 1871, est le frère du député du Nord.
- 54 APP Ba/1279
152On peut compléter ce réseau d’appartenances en scrutant la composition des portefeuilles boursiers de certains élus : Legrand de Lecelles est vice-président des Mines de Douchy. Félix Bollaert, époux de Marthe Le Gavrian, préside les Mines de Lens. Thellier de Poncheville est administrateur des Mines de Courrières tout comme Amédée Giard, l’oncle du député. Un fils du sénateur Kolb-Bernard est directeur général des Mines de Courrières. La préfecture de Police signale le sénateur Théry comme président du conseil de surveillance de la compagnie des Mines de Campagnac.54
153Henry Kolb, frère du sénateur est ingénieur. Il participe de 1850 à 1866 à l’amélioration et à la création de voies navigables pour permettre l’envoi de la production houillère du Nord-Pas-de-Calais vers les grandes zones de consommation de la région parisienne et du centre de la France.
- 55 BARJOT Dominique (sous la dir.) Les patrons du Second Empire. Tome 1 : Anjou, Normandie, Maine, Ins (...)
- 56 Général-comte Joseph de Lagrange, député du Gers et pair de France. Son beau-père le marquis de Tal (...)
154Certains élus sont proches des milieux d’affaires extra-départementaux. Le grand-oncle de Martimprey, le bonapartiste Frédéric de Lagrange55 est un homme politique influent sous le Second Empire. Fils de député56, lui-même député du Gers de 1848 à 1871, il est un industriel « touche-à-tout ». Grand propriétaire foncier dans l’Eure et dans le Gers, à la tête de haras réputés, il est aussi un industriel qui reprend et exploite, dans l’Eure, une usine de laminage de zinc et de cuivre et dirige, en Gironde, à Pauillac, une verrerie renommée mais peu productive.
- 57 Très vague et très lointaine parenté entre les de Lagrange, député du Gers, et la dynastie des Louy (...)
155La famille de Martimprey contracte, par ce mariage, de fort utiles appuis politiques et économiques, dans l’aristocratie. Les de Lagrange57 sont alliés à la dynastie parlementaire bretonne des Ferron de La Ferronnays, aux Bessières d’Istries, aux Riquet de Caraman-Chimay, aux Nompère de Champagny de Cadore, aux Camus du Martroy, aux Chaillou des Barres qui ont exercé, au XIXe siècle, avant la chute du Second Empire, d’importantes fonctions ministérielles, législatives, et préfectorales.
156Par les Ferron de la Ferronnays, on atteint les familles parlementaires conservatrices de Mun et d’Andlau.
157Par les Camus du Martroy, on atteint les Daru, les Magne, ministres sous le Second-Empire, ou encore les Werlé qui dirigent les champagnes Veuve Clicquot-Ponsardin. Les Werlé sont apparentés à la duchesse d’Uzès qui a financé les campagnes politiques boulangistes, véritable tonneau des Danaïdes.
158La fin de siècle va donc dans le sens d’une mainmise encore plus grande sur l’industrie houillère et d’une concentration entre les mains de quelques familles qui ne négligent pas les mandats politiques.
- 58 GILLET Marcel, Le bassin houiller1815-1914, thèse d’état, Paris, 1971
159En 1897, Léon Renard prend la direction de la Chambre syndicale des Houillères du Nord-Pas-de-Calais qui joue un rôle économique et corporatif très important. À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, le même Léon Renard occupe la vice-présidence du Comité Central des Houillères de France avant que ce poste n’échoie à Jean Plichon.58 Le député modéré Théodore Barrois, beau-fils de Frédéric Kuhlmann, apparenté aux Barrois-Coget y occupe, pendant un moment, l’une des vice-présidences, pendant que le fils de l’ancien député Alfred Dupont occupe le deuxième poste. Parmi les membres de la commission administrative du Comité Central, siègent Ernest Déjardin-Verkinder, des mines d’Aniche et le dunkerquois Florent Guillain, régisseur des mines d’Anzin.
160La présence dans ces familles de membres de la haute fonction publique, bien informés des problèmes sensibles du moment, traduit la collusion de toutes les élites bourgeoises. Si les hauts fonctionnaires renseignent et aiguillent, les milieux d’affaires font pression pour accélérer la carrière des cadres de l’État.
- 59 Grand-père de Marguerite Yourcenar
- 60 MET DEN ANCXT, Recueil nobiliaire belge, 1914, 2 tomes
- 61 DE COUSSEMAKER, Généalogie de Coussemaker, 1858
Les multiples unions contractées par ces familles re (...)
161La belle-sœur de Plichon, Marie Caroline Antoinette Cleenewerck de Crayencour, a pour frère un vice-président du conseil de préfecture du Nord.59. Le neveu de cette dernière épouse Berthe Louys de La Grange qui est apparentée, par une branche belge de la famille, à la dynastie parlementaire et houillère implantée au château de la Motte-au-Bois. La famille Cleenewerck et les familles alliées ont une longue tradition de magistrats, d’officiers et d’élus aux divers échelons de représentation.60 Cette alliance illustre, une fois de plus, la prégnance des cadres de l’Ancien Régime, lorsque la châtellenie de Bailleul était conduite par les familles Lenglé de Schoebecque, Cortyl, De Coussemaker, Behaghel, Bieswal, Joets de Metershof, Van Kempen et Van Pradelles de Palmaert…61
162Le parlementaire se positionne donc à l’intersection de plusieurs réseaux sur lesquels il peut mieux influer. Ce processus ne peut se comprendre que dans une évolution dynamique des milieux d’affaires, tandis que les interactions en chaîne provoquent un effet démultiplicateur.
163La participation des élus nordistes à la direction des industries métallurgiques est tout aussi réelle. Léon Renard préside aux destinées de la Société métallurgique de Senelle-Maubeuge et administre les Forges et Hauts-Fourneaux de Maubeuge.
164Kolb-Bernard préside, de 1885 à 1888, le conseil d’administration de la Société des Hauts Fourneaux et Forges de Denain-Anzin. Déjardin-Verkinder et Gustave Kolb-Bernard y occupent un fauteuil d’administrateur. Félix Bollaert est administrateur des Forges et Aciéries du Nord et de l’Est. L’oncle de Georges Brame siège aux Forges de Châtillon, Commentry et Neuves-Maisons.
165L’implication dans les grandes compagnies ferroviaires et maritimes semble plus modérée. On note toutefois la présence de Déjardin-Verkinder parmi les administrateurs de la Compagnie P. L. M. et de la Compagnie Générale Transatlantique. Jules Amédée Lefèvre-Pontalis, descendant des Soufflot, siège également à la Compagnie P. L. M., et finit par en présider le conseil d’administration. Félix Bollaert est administrateur des Chemins de fer du Nord. Omer Vallon, beau-frère de Félix Bollaert et de Marthe Le Gavrian, est administrateur et membre du comité de direction de la compagnie des chemins de fer du Nord. Les Boittelle ont des participations dans diverses compagnies ferroviaires extrarégionales.
- 62 LESTIENNE P., La famille CORDONNIER-REYS,
- 63 BARJOT Dominique (sous la dir.) Les patrons du Second Empire. Tome 1 : Anjou, Normandie, Maine, Ins (...)
166Aristide Guibert, beau fils de Wallon, est ingénieur à la compagnie des chemins de fer de l’Ouest. Lefèvre-Pontalis cousine avec un administrateur de la compagnie des chemins de fer de l’Est. Claire Émilie Kolb-Bernard, fille du sénateur, épouse le négociant Émile Masquelier qui se fixe au Havre, et y ouvre une succursale de la compagnie d’assurances Le Guardian. Masquelier descend d’une famille de marchands confiseurs lillois devenus raffineurs de sucre et maîtres brasseurs.62 Royaliste et catholique convaincu comme son beau-père, il siège dans de nombreux conseils d’administration dont ceux de la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest, des Magasins généraux du Havre, de la société de raffinage de sucre A. Acher et Cie, du Crédit Havrais et des succursales locales de la Banque de France et de la Caisse d’Epargne, il est également actionnaire des Forges Havraises.63
- 64 APP Ba/1133
167Les conseils d’administration des grandes banques d’affaires semblent moins fréquentés : Déjardin-Verkinder, vice-président de la Société Générale, administre aussi la Banque Française et Italienne pour l’Amérique du Sud. Outters siège au conseil d’administration de la Rente Foncière qui évolue dans l’orbite du Crédit Foncier. Kolb-Bernard est réputé administrer le Crédit de France.64
- 65 AD59 M121/3
168Le beau-frère de Louis Legrand dirige la succursale de la banque de France à Arras. Le beau-père de Plichon, fils d’un riche négociant de Cambrai, accepte la direction du Crédit agricole du Nord.65 Les banquiers valenciennois et douaisiens étendent leurs ramifications et se rapprochent des milieux lillois.
- 66 BARJOT Dominique (sous la dir.) Ibid.
François Alphonse Theroulde est associé à l’oncle de sa femme (...)
169D’autres ramifications bancaires sont plus souterraines. Louis Antoine Bosquillon de Frescheville, ingénieur des eaux et forêts et frère du député, épouse Marie Amélie Théroulde dont le père s’est lancé dans l’armement morutier granvillais.66 François Alphonse Théroulde, conseiller général de Granville, a conservé d’étroites relations avec les banquiers parisiens Eichtal, Fould et Péreyre. Théroulde participe activement à la création de la Compagnie Générale Maritime, ancêtre de la Compagnie Générale Transatlantique. Evincé de cette entreprise, il se replie sur ses minoteries et se diversifie dans la production de soude, de potasse, d’iode et de brome.
170Les groupes de pression industriels sont proches des grands intérêts bancaires. Plusieurs élus intègrent ces réseaux aux ramifications protéiformes qui dépassent parfois le cadre strict de la légalité.
171Marcère siège à La Foncière, la compagnie d’assurances du député et affairiste Soubeyran. Le gendre de Marcère est le fils d’Albert Christophle, député de l’Orne et gouverneur du Crédit Foncier, autre exemple de cet affairisme souvent dénoncé, aux pratiques commerciales et bancaires voisines de la malhonnêteté.
- 67 Baron Émile de Soubeyran (+ 1897), petit-fils du duc de Rovigo, gendre du comte de Beaupoil de Sain (...)
172Les milieux affairistes qui gravitent autour de Marcère sont, plusieurs fois, attaqués par les journaux satiriques ou d’opinion. La collusion entre le ministre de l’intérieur Marcère et l’affairiste Émile de Soubeyran67 semble certaine.
- 68 GARRIGUES Jean, La République des hommes d’affaires (1870-1900), Paris, Aubier, 1997
- 69 APP Ba/1272
- 70 L’Univers. 16/6/1878
173Le député Soubeyran, sous-gouverneur du Crédit Foncier, puise généreusement dans les caisses pour mener divers placements spéculatifs. Opération faite, il rembourse la banque et empoche les bénéfices. Une spéculation risquée sur les emprunts de la dette égyptienne met Soubeyran en grande difficulté. Il faut tout le poids de Léon Say pour étouffer l’affaire.68 Un rapport de police affirme que Soubeyran verse à Marcère 60 000 fr. par an comme jeton de présence au conseil d’administration de la compagnie d’assurances La Foncière.69 Le journal légitimiste L’Univers dévoile que Soubeyran aurait promis l’appui de son groupe de presse à Gambetta et à Marcère en échange de son maintien à la tête du Crédit Foncier.70 Il semble que Soubeyran, peu avare de ses deniers, ait arrosé régulièrement quelques journaux influents, toutes tendances politiques confondues. C’est ainsi que le journal de Gambetta, La République Française, aurait reçu des subsides du financier. La tourmente passée, Léon Say évince Soubeyran du Crédit Foncier, malgré les réticences de Mac-Mahon, de Dufaure, de Marcère et de Gambetta.
- 71 Albert Silas Médéric Charles Christophle ° 1830 Domfront, fils d’Alexandre François, maire de Domfr (...)
174La nomination de Christophle à la tête du Crédit Foncier n’augure pas de la moralisation des pratiques bancaires. Jean Garrigues dénonce dans son ouvrage la pratique généralisée de l’agiotage, des pots-de-vin, de la spéculation et des délits d’initié, durant le long passage de Christophle au Crédit Foncier de 1878 à 1895. Rares sont ceux qui connaissent le lien provincial qui réunit Marcère et Christophle, tous deux nés à Domfront71, tous deux appartenant au Cabinet Dufaure et dont les enfants, Renée et Georges, contractent alliance à Messei (Orne), le 27 avril 1886.
- 72 APP Ba/1272
et MOLLIER Jean Yves, Le scandale de Panama, Paris, Fayard, 1991
175Bien plus tard, en 1894, alors que Soubeyran est incarcéré après l’écroulement de sa banque, la Sûreté générale note que Bardoux et Marcère ne sont pas autrement rassurés.72 La menace proférée par Soubeyran de divulguer le contenu de dossiers dont il dispose sur de nombreux hommes politiques inquiète ces parlementaires élus au temps de la magnificence du Centre Gauche. Il est utile de rappeler que Christophle, Marcère et Léon Say ont présidé, tous les trois, aux destinées de ce parti.
- 73 APP Ba/1131
176Autre cas. En 1886, aux dires de la Préfecture de Police, « certains gros bonnets du parti opportuniste » se partagent 9 millions de francs dans la revente frauduleuse à la maison Seillière de la Société générale des Fournitures Militaires. Koechlin, administrateur et actionnaire, fait partie des heureux bénéficiaires.73
- 74 AD59 2U 1/463
177Une autre affaire, dont les tenants et les aboutissants sont anciens, défraie la chronique judiciaire vers 1900. Les faits reprochés au républicain Outters concernent les années « quatre-vingts ». Le 7 juillet 1901, le notaire Outters, ancien député du Nord, prend la fuite, laissant un passif de plus de 2 millions de fr. Le procès par contumace est révélateur de pratiques orchestrées dans les salons parisiens.74
178Outters, dans une lettre, affirme avoir été reçu fréquemment par Ferry qui l’aurait présenté à Christophle. Le gouverneur du Crédit Foncier fait alors entrer le jeune député dans divers conseils d’administration.
179Outters entre dans la Société Immobilière d’Algérie dont le passif finit par avoisiner 400 000 F Il achète 2 000 actions de la Rente Foncière, achat spéculatif à court terme pour générer des liquidités. En échange, le censeur de la société promet un rachat rapide des actions ainsi que divers "cadeaux". De fait, ces actions ne furent jamais rachetées. Manipulé, Outters investit également dans une société nouvelle d’exploitation de mine de plomb argentifère dans le Pays de Galles et prend une participation dans la Société pour l’Edition Nationale des Œuvres de Victor Hugo, société dont le passif finit par atteindre la somme colossale de 400 000 F. Alors qu’Outters vient de souscrire pour un montant de 25 000 F, un faux est fabriqué à hauteur de 400 000 F.
180Afin d’éponger ses dettes, Outters commet divers abus de confiance, faux en écriture et escroqueries, à l’encontre de ses clients. Mis en faillite, aux abois, il prend la fuite. Cette dramatique affaire, peu ébruitée par la presse locale, cause le suicide de plusieurs petits épargnants. En fuite, dans une lettre d’octobre 1901, Outters tente d’atténuer sa responsabilité dans « le krach de Steenvoorde ».
- 75 L’Indicateur de l’arrondissement d’Hazebrouck, n° 6260, 6261 et 6263. 28/7, 1 et 8/8/1901
Outters : « Depuis mon entrée dans la vie politique, il y a 20 ans, sur les instances de l’autorité préfectorale d’alors, j’ai été constamment la dupe de mon aveugle confiance en des gens que je croyais honnêtes… Ce fut un malheur pour moi d’avoir accepté le funeste cadeau politique dont on m’avait chargé… M. Jules Ferry insistait beaucoup de son côté pour me faire conserver mon mandat et me faire abandonner mon étude… Sans la fatale erreur que j’ai commise il y a 20 ans, je n’aurais pas connu tous ces vampires qui successivement m’ont dépouillé de tout avec une adresse consommée. »75
- 76 La famille situe le décès à Florence
181L’instruction du procès se limite à l’audition des plaignants. La justice n’entend pas médiatiser des pratiques peu scrupuleuses et faire de ce coupable en fuite la victime des élites bourgeoises parisiennes. Le 9 février 1903, Outters, est condamné par contumace aux travaux forcés à perpétuité pour abus de confiance, faux et banqueroute frauduleuse. Outters, en fuite en Italie, n’a jamais été retrouvé.76
- 77 APP Ba/1150
182La décennie n’est pas avare de scandales. En octobre 1888, le journal La Presse fait état de propos de Pierre Legrand sur les tripotages wilsoniens. Le ministre aurait dit : « Mais cela n’est rien à côté des tripotages de Rouvier et consorts. Si on vient à découvrir le pot aux roses, quel scandale en France ! » Legrand est aussitôt sommé par ses collègues du cabinet Floquet de démentir. Le ministre nordiste obtempère et utilise les colonnes du Figaro.77
183Les élus nordistes appartiennent, de près ou de loin, au même groupe social, clairement identifié, en possession des leviers économiques et politiques. Au sein des lignées, il n’est pas rare de trouver des étiquettes politiques différentes. Cette adaptation permet de maintenir les élites dans le jeu politique. Après tout, les cousins Girard et Renard défendent les mêmes intérêts économiques, même si l’un est républicain et l’autre conservateur !
La composition du patrimoine au décès de l’élu
- 78 GUILLAUME Sylvie (sous la dir.) Députés et sénateurs de l’Aquitaine sous la IIIe République (1870-1 (...)
- 79 MAYEUR Jean-Marie, (sous la dir.), Les parlementaires de la Seine sous la Troisième République. I. (...)
184La publication parcellaire de résultats de l’enquête sur les parlementaires de la IIIe République permet d’établir d’éclairantes comparaisons Le blé, le sucre et le charbon 123 avec deux régions aux importants bataillons d’élus. J. Herpin a rendu compte des résultats bordelais,78 A.-M. Sohn de ceux de la Seine.79
- 80 L’inflation demeure faible jusqu’en 1910
Indice des prix de la Statistique Générale de la France, ba (...)
185Beaucoup d’élus étant décédés avant 1910, les fortunes se comparent aisément en raison de la faible inflation durant la période.80 Toutefois, il n’est guère aussi aisé d’apprécier l’importance de la fraude dans les déclarations successorales. Certes, on peut admettre qu’elle soit faible au XIXe siècle, en raison du montant modéré des droits fiscaux. Mais dans une société âpre au gain, qui a le sens inné des économies, et où les bénéfices les plus négligeables sont déjà appréciables, il est difficile d’envisager des excès de libéralités au profit de l’État !
186La méfiance atavique des populations envers le fisc, la peur des krachs, et la volonté de transmettre une partie du patrimoine à l’abri des regards étrangers ont toujours favorisé la détention d’or et d’espèces, cachés avec ingéniosité. Or, aucune déclaration ne fait état de thésaurisation d’or ou de détention de nombreux bijoux de valeur.
187Le montant des actifs en espèces est fort modeste dans certaines familles d’élus. Pourtant, la très lente transformation de la masse monétaire française fait encore état, en 1885, d’une domination écrasante des monnaies métalliques et fiduciaires à hauteur de 81 %. La monnaie scripturale peine à atteindre 19 %. Toutes ces présomptions plaident en faveur d’une réelle et conséquente minoration de ce type d’avoir.
188Le niveau de fortune des parlementaires du Nord est connu dans 29 cas sur 52 (soit 55 %). L’échantillon, plutôt équilibré, se compose de 16 républicains et de 13 conservateurs ou encore de 27 députés et de 13 sénateurs (dont 11 anciens députés).
- 81 De manière sommaire, il existe un bureau d’enregistrement par canton. En réalité, un bureau d’enreg (...)
189La réalisation d’un tableau de ventilation est un exercice périlleux. Avant 1900, les héritiers sont tenus d’établir une déclaration dans le ressort de chaque canton.81 Ainsi, la succession de Des Rotours est réputée dépendre de 18 bureaux, certains dans le Nord ou le Pas-de-Calais, d’autres en Normandie. Le préposé à l’enregistrement a peiné à démêler l’écheveau. Un bureau a été oublié et retrouvé par hasard. Un autre, après vérification, ne contient aucune trace de succession du parlementaire.
190D’autres difficultés surgissent : les archives de Bailleul, Hazebrouck et Douai ont disparu dans les destructions de la Première Guerre mondiale. On ne peut que déplorer de tels avatars car l’utilisation systématique des déclarations de successions corrige nombre d’erreurs d’appréciation sur le niveau de fortune des élus.
- 82 AD75 DQ7/10 544
191Le cas significatif de Bergerot mérite d’être relaté. Avant son mariage, Bergerot occupe un poste de vérificateur des douanes. Une hypothèse germe insidieusement dans l’esprit du chercheur. La fortune a souri à notre élu, lorsqu’il a épousé la fille du négociant Charles Huet, et petite-fille du richissime Colombier-Batteur. Les archives de l’enregistrement du canton de Wormhout sont inaccessibles, car non déposées aux Archives du Nord. On pourrait donc conclure et parler de réussite fulgurante due à un superbe mariage. Les Archives de la Seine, apportent un éclairage neuf sur la situation sociale des parents Bergerot.82 La succession paternelle se compose, pour partie, d’un riche immeuble bourgeois parisien, évalué 311 200 F et qui rapporte de confortables loyers. Lors de son mariage, Bergerot a reçu une dot considérable de 100 000 F. La déclaration de succession paternelle a permis de changer radicalement d’opinion.
- 83 AD59 2U 1/463
- 84 AD59 3Q 338/58 3Q 318/109. Fortune du beau-père de Bergerot supérieure à 1 500 000 F.
AD75 DQ7/10 54 (...)
192Se pose aussi la question de l’impact de la méconnaissance du niveau de fortune de certains. Tout au plus, peut-on penser que les données manquantes augmenteraient encore le niveau moyen de fortune des élus. La fortune d’Outters dépasse 600 000 F83 Celles de Brame et de Bergerot doivent dépasser allégrement le million de francs.84 Celles de Plichon et Legrand de Lecelles, calculées à partir de données parcellaires, mériteraient une forte revalorisation. Que penser de celle demeurée inconnue de Marcère ?
193Les élus du Nord disposent bien souvent d’un important patrimoine tant mobilier, qu’immobilier, tant foncier que bâti. Le patrimoine moyen des députés avoisine 918 000 F, celui des sénateurs 768 000 F. À ce niveau, ce n’est plus le stade de l’aisance, c’est celui de la fortune.
21. Comparaison du niveau de fortune des parlementaires : Nord/Aquitaine/Seine

- 85 GUILLAUME Sylvie (sous la dir.), Députés et sénateurs de l’Aquitaine sous la IIIe République (1870- (...)
- 86 MAYEUR Jean-Marie (sous la dir.), op. cit.
A : Ensemble des successions françaises
B : Successions des députés du Nord
C : Successions des sénateurs du Nord
E : Successions des parlementaires du Nord
F : Successions des élus aquitains (1870-1940) (cf. Jacqueline HERPIN)85
G : Successions des élus de la Seine (1876-1918) (cf. Anne-Marie SOHN)86
- 87 Les sénateurs inamovibles Théry, Pajot, Wallon et Kolb-Bernard à la fortune comprise entre 500 000 (...)
194Le patrimoine moyen des sénateurs est plus homogène, aucun patrimoine de moins de 100 000 F, mais un seul supérieur à 2 000 000 F. Les inamovibles disposent d’une fortune supérieure à celle de leurs collègues.87
- 88 GUILLAUME Sylvie (sous la dir.) op. cit
Aquitaine (1870-1940)
Médiane Lot-et-Garonne : 49 000 F. Médi (...)
195La comparaison entre l’Aquitaine, le Nord et la Seine est riche d’enseignements. Il n’existe aucune commune mesure entre les fortunes des nordistes et celles de leurs collègues de la Seine, de la Dordogne, des Basses-Pyrénées, des Landes, de la Gironde ou du Lot-et-Garonne.88
- 89 Annuaire rétrospectif de l’I.N.S.E.E. : De 1870 à 1914, les prix de détail, très stables, augmenten (...)
196Tous les élus ont un patrimoine supérieur à 25 000 F. À titre de comparaison, vers 1880, la moyenne de l’intégralité des successions nordistes est de l’ordre de 5 000 F. Le patrimoine moyen des députés du Nord-est de l’ordre du million de francs, soit 200 fois cette valeur moyenne. À l’exception hypothétique de Baucarne-Leroux et de Bernard, aucun actif successoral n’est inférieur à 125 000 F89 Dans son ouvrage sur les ministres de la République, J. Estèbe chiffre le patrimoine moyen des ministres en poste vers 1870 autour du demi-million de francs tandis que, dès 1877, cette fortune décroît rapidement pour demeurer sous les 150 000 F. Les ministres de la République sont bien moins riches que les parlementaires du Nord.
- 90 ESTEBE Jean, Les ministres de la République, (1871-1914), Paris, F.N.S.P., 1982
197La fortune moyenne des conservateurs est le double de celle des républicains. Si la comparaison minimise l’importance du patrimoine républicain, le niveau de fortune n’en demeure pas moins considérable.90 Dans des propos rapportés, Mme Floquet, née Kestner, épouse du célèbre président du conseil et tante par alliance de Jules Ferry, s’appuyant sur son expérience du monde politique, taxe les parlementaires opportunistes de « noblesse républicaine ». Il ne nous appartient pas de faire l’exégèse des propos de Mme Floquet mais l’expression, assez heureuse, qualifie de manière saisissante la cohorte des élus républicains du Nord.
198Deux députés, Le Gavrian et des Rotours, sont à la tête d’une fortune de près de 4 millions de fr. Celle de Le Gavrian est issue d’une rapide réussite industrielle. Celle de des Rotours se compose d’actifs fonciers transmis depuis plusieurs générations et patiemment complétés.
22. Eléments statistiques sur les niveaux de fortune des parlementaires du Nord
Conservateurs |
Républicains |
Ensemble |
|
Minimum |
36 047 F |
30 680 F |
30 680 F |
Quartile 1 |
502 334 F |
156 289 F |
172 447 F |
Médiane/Quartile 2 |
695 937 F |
309 466 F |
661 664 F |
Moyenne |
1 180 621 F |
577 416 F |
910 219 F |
Quartile 3 |
1 571 315 F |
808 877 F |
1 012 835 F |
Maximum |
3 860 662 F |
2 106 605 F |
3 860 662 F |
199Tandis que le patrimoine du général de Frescheville, essentiellement foncier, avoisine 725 000 F, la fortune commerciale des républicains Trystram et Dutilleul en représente plus que le double. Quant aux républicains Wallon et Girard, leur patrimoine dépasse allégrement celui du général, tandis que Scrépel s’en approche sensiblement.
200La valeur moyenne du mobilier est assez modeste et représente 12 000 F, soit 1,4 % du patrimoine. Dans le Nord, l’aisance bourgeoise est rarement synonyme d’ostentation.
- 91 SOHN Anne-Marie in MAYEUR Jean-Marie (sous la dir.), op. cit.
Comparaison des liquidités détenues à (...) - 92 AD59 3Q/606/54 3Q/605/62 3Q/605/63 3Q/605/64
- 93 AD59 3Q/340/3 3Q/320/26
- 94 AD59 3Q/338/76 3Q/318/166
- 95 AD59 3Q/338/74 3Q/318/159
201Les élus nordistes détiennent en espèces ou sur comptes courants d’importantes sommes mobilisables de suite, les différenciant singulièrement des élus parisiens.91 Les industriels Kolb-Bernard, Le Gavrian, Scrépel ou Lepoutre, le brasseur Dutilleul et le notaire Pajot détiennent des sommes records. Lepoutre dispose de 609 000 F de liquidités et Jonglez 290 250 F.92 Kolb-Bernard a déposé 180 000 F chez les banquiers Bernard frères93. Dutilleul peut mobiliser immédiatement 110 000 F, ce qui ne représente que 7,5 % de son patrimoine.94 Pajot dispose d’un important magot de 70 950 fr. en espèces ainsi que de 46 248 F sur un compte à la banque Scalbert-Dupont.95
202Ce qui différencie donc les élus nordistes des parisiens, c’est l’abondance des liquidités détenues sur comptes-courants. Alors que la moyenne de ces liquidités atteint péniblement 22 000 F à Paris, elle est cinq fois plus élevée dans le Nord. Il est vrai que les avoirs des députés industriels accroissent fortement la moyenne et cachent des réalités plus nuancées : un élu sur 2 détient moins de 6 500 F de liquidités. (valeur médiane)
203Les créances sur particuliers et les créances commerciales sont traitées conjointement. Il est parfois difficile de différencier un prêt personnel, accordé à son enfant pour l’achat d’un immeuble, d’une créance commerciale due à une participation dans l’entreprise dirigée par son enfant. Dutilleul détient de nombreuses créances accordées à des obligés. Le notaire Pajot détient une créance sur son fils, lui-même notaire.
204Actions, obligations et rentes représentent 43 % du patrimoine, se situent autour de 400 000 fr. et dépassent les actifs immobiliers de près de 150 000 F.
- 96 AD75 DQ7/11448
- 97 AD75 DQ8/1799 DQ7/12250 DQ7/12251
205Les investissements en rentes françaises et étrangères sont modestes. Les rentes étrangères sont principalement européennes. Rien d’étonnant à ce que des Rotours investisse en rentes belges, son épouse est originaire de Gand. Le père de Martimprey s’est également laissé conquérir par l’attrait des rentes belges.96 Ces rentes perpétuelles figurent toujours dans la succession du fils.97
206Quelques élus adoptent les rentes russes mais les sommes investies sont modestes. Le Gavrian en détient tout de même pour 152 000 F. Les républicains Girard et P. Legrand, proches des milieux d’affaires, en détiennent également. Le taux permet souvent un rendement supérieur à 3 %. Dans l’ensemble, la part des obligations françaises n’avoisine que la moitié des actifs détenus en actions françaises. 83 % des actifs obligataires sont ferroviaires et charbonniers. Les obligations étrangères sont également prisées mais se concentrent prudemment sur des valeurs européennes.
- 98 AD75 DQ8/2011 DQ7/12745 DQ7/12748
207Presque tous les élus détiennent des actions françaises. Ces actions représentent 18 % du patrimoine moyen et sont investis aux deux tiers en actifs ferroviaires et charbonniers. Certains élus ont une gestion encore plus dynamique et investissent surtout en actions. La fortune mobilière de Cirier représente 90 % de l’actif successoral.98
208Les actions étrangères sont un appoint assez négligeable et concernent une infime minorité d’élus.
- 99 AD75 DQ8/1507, DQ7/11582
209Citons le cas de Wallon dont 95 % du patrimoine est investi en actifs mobiliers, répartis de manière très équilibrée : un tiers de rentes, un tiers d’obligations, un tiers d’actions, le tout exclusivement français, et agrémenté d’un soupçon d’obligations étrangères.99
210Les fortunes foncières lez sont rares et concernent davantage les élus nobles. Des Rotours occupe une immense propriété de plus de 100 ha, à Mérignies. Le château est entouré de dépendances, de pièces d’eau, d’étangs, de pâtures, de bois et de 77 ha de terres à labour réparties sur 104 parcelles qui dépendent toutes de la commune de Mérignies. C’est depuis le château, où il est facile d’approcher la famille du baron, que s’organise un clientélisme rationalisé décrit dans l’une des publications du Figaro.
- 100 Sénateurs et députés. Silhouettes à la plume, Paris, « Le Figaro », 1876
« Au moral, l’homme le plus serviable qu’on puisse imaginer ; très soigneux des intérêts de ses électeurs auprès de tous les ministres. Grande fortune qu’il dépense largement dans son château près de Lille où tout est méthodiquement organisé. L’un a le département des outils. L’autre des layettes, Madame des Rotours celui des secours en argent. Un pauvre diable a-t-il perdu sa pioche qu’il court au château où on lui en donne une nouvelle. Il connaît tous ses électeurs par leur nom. Faut-il s’étonner après cela, qu’il n’ait pas eu de concurrent ? »100
- 101 AD59 3Q/394/70
211De la succession parentale, des Rotours a obtenu la nue-propriété du château d’Avelin tandis que son fils Raoul, futur député, en a reçu l’usufruit. Le domaine d’Avelin, composé du château, de dépendances, de bois et de futaies s’étend sur 51 ha. 22 parcelles de terrains sur Avelin et Bersée complètent le domaine et rapportent le coquet revenu annuel de 2 263 F.101
- 102 BM Lille. Fonds Quarré-Reybourdon. QR2/Def-Du..
212Le domaine agricole produit la plus grosse partie des immenses revenus familiaux. Les terres qui couvrent une superficie de 665 ha s’éparpillent sur tout le département du Nord, de Dunkerque à la forêt de Marchiennes. Chaque année, 90 000 F de baux et fermages sont encaissés. Cette fortune foncière représente 75 % du patrimoine de l’élu. Agronome averti, Des Rotours se livre aux « études agricoles et industrielles ».102 et s’intéresse au raffinage du sucre.
- 103 AD59 3Q/394/70 Actifs se répartissant en 54 244 F d’obligations des chemins de fer du Midi et en 30 (...)
- 104 BRETON Yves, BRODER Albert, LUTFALLA Michel, La longue stagnation en France.
L’autre grande dépressi (...)
213Les actifs mobiliers, uniquement des obligations, constituent une seconde source de revenus. Ils se composent de 140 000 F de rentes françaises, de 296 000 F de rentes exclusivement belges, de 361 000 F d’obligations des chemins de fer du Nord et du Midi. Les investissements en actions sont écartés. Ne s’ajoute au patrimoine qu’une dérisoire somme de 9 100 F, investie en actions des chemins de fer du Nord. (0,2 % du patrimoine)103 Tous ces actifs rapportent un revenu annuel proche de 25 000 F104 A la prise de risque, le baron Des Rotours privilégie le rendement et la sécurité. Bon an, mal an, il peut escompter 120 000 F de revenus, ce qui lui permet de tenir son rang et de mener à Paris une vie mondaine brillante.
- 105 FOUCART Jacques, op. cit.
214Louis Brame (1781-1865), le grand-père de Georges, est maître paveur et marchand de grès à Lille. Riche propriétaire foncier, il laisse, à son décès, une immense fortune de plus de 9 millions comprenant 25 fermes et 21 maisons. Une évaluation partielle de la fortune de Jules Brame, le ministre et père de Georges, dépasse 2 300 000 F.105
215Tandis que le patrimoine foncier de Brame et de Des Rotours est le fruit de plusieurs générations d’acquisitions foncières, celui de Bosquillon de Frescheville est récent. Le général s’est constitué un immense domaine dans les terres anciennement inondables et marécageuses de l’extrême-nord du département, dans les Moëres françaises.
- 106 AD59 3Q/171/15 ; 3Q/163/52 ; 3Q/163/54 3Q/282/74 ; 3Q/79/74
216Les terres ont été asséchées grâce à la force motrice des moulins à vent. Vers 1850, la surface, devenue très fertile, est recouverte d’arbres, de moissons, de prairies et de bestiaux. Le démantèlement du vaste ensemble foncier permet alors au général de Frescheville d’en racheter une bonne partie. Le général se fait agronome. Simultanément il se fait construire à Cassel un château avec chalet et parc de 2,5 ha évalué 28 000 F dans la succession.106
217Près de la moitié des élus dispose d’un patrimoine foncier, si petit soit-il. Les élus nordistes demeurent proches de cette terre nourricière magnifiée dans les discours des membres du groupe agricole de la Chambre. Cet attachement traduit aussi, au tréfonds des consciences parlementaires, le contentement et l’orgueil du propriétaire terrien ou du bourgeois citadin. Ayant conservé des attaches rurales, il détient une partie des biens fonciers exploités dans les campagnes environnantes par des obligés susceptibles de constituer ce vivier de recruteurs et d’agents électoraux. C’est cette ambivalence de sentiments idéalistes et utilitaristes qui autorise les discours enflammés sur la défense du monde agricole. On ne défend bien que ce que l’on connaît ou ce que l’on possède !
218Les fortunes industrielles utilisent d’autres stratégies de valorisation du patrimoine.
- 107 AD59 3Q/241/111
219L’immense fortune de Trystram dépasse 2 millions de fr. Elle est investie pour moitié dans l’entreprise d’importation de bois et de scierie exploitée avec son fils Jean (50 %), pour l’autre moitié en rentes (17 %), obligations (3 %) et actions françaises (20 %). Les avoirs immobiliers sont peu importants et se limitent à l’immeuble d’habitation.107
- 108 AD59 3Q/318/222
- 109 AD59 3Q/434/60 3Q/431/147
220Dans la famille Le Gavrian, on est ingénieur de père en fils. Le père et le grand-père de Paul s’associent, à Lille, en 1836, et fondent une société de construction de machines à vapeur pour l’industrie textile. Mais la renommée familiale se fonde davantage sur la production de machines pour l’extraction du jus de betterave. Divers brevets d’invention améliorent continuellement la chaîne de fabrication du sucre. A la mort du père, le fils reprend la société, fait de bonnes affaires, rachète les parts de ses frères, puis revend l’ensemble, en deux étapes, une première partie, en 1881, à l’ingénieur Victor Brasseur et le reste, en 1896, au négociant roubaisien Jean Crépelle. La succession révèle que la revente de l’usine a rapporté 418 181 F108 Les biens immeubles à usage d’habitation et la fabrique avec matériel industriel, situés à Roubaix, sont évalués à près de 1 120 000 F.109
- 110 AD59 3Q/318/222
221La gestion de la fortune de Le Gavrian est plutôt offensive. Les investissements en actions des chemins de fer sont conséquents. 544 250 F sont investis équitablement en actions des 3 compagnies de chemins de fer du Nord, de Paris à Orléans, et du P. L. M.110 Des obligations des chemins de fer ont été achetées pour un montant de 273 500 F et privilégient la Compagnie du Nord.
- 111 AD59 3Q/548/279
222La confiance des élus envers les compagnies ferroviaires n’est cependant pas illimitée. Si des Rotours évite d’investir dans ce type d’actions, Girard détient 5 parts dans la Société civile pour le recouvrement de rentes dues par la compagnie des chemins de fer du Nord.111
223Alors que le désintérêt est général pour les obligations minières françaises, les avoirs en actions du même type sont fort conséquents pour 6 élus. Qu’il s’agisse de Le Gavrian, de Plichon, de Thellier de Poncheville ou de Cirier, ces avoirs traduisent des présences dans les conseils d’administration des mines du Nord-Pas-de-Calais.
- 112 AD75 DQ8/1849 DQ7/12203 AD59 3Q/275/30
- 113 AD59 3Q/241/92
- 114 AD59 3Q/606/54 ; 3Q/605/62 ; 3Q/605/63 ; 3Q 605 64
Mines d’Ostricourt, Marles, Béthune, Anzin, Courr (...)
224Le Gavrian investit 275 000 F en actions des Mines de Lens qu’il complète avec 46 200 F de titres de la Compagnie asturienne des mines. Cirier dispose de 195 000 F d’actions des mines de l’Escarpelle. Le patrimoine de Plichon se compose de plus de 300 000 F d’actions des Mines de Béthune. L’investissement est conséquent puisqu’il représente 48 % de son patrimoine connu.112 Delelis détient plus de 425 000 F des mines de Courrières, de Bruay et de Vicoigne.113 Jonglez qui n’occupe aucune fonction importante dans les conseils d’administration répartit 316 000 F d’avoirs miniers entre 6 compagnies régionales.114
- 115 AD59 Ibid.
225Une succession considérable est ouverte au décès de l’industriel textile Jonglez, peu avant la Première guerre mondiale. La lecture de la composition du portefeuille boursier permet la révision de la géographie européenne et mondiale. L’attrait des pays sud-américains est certain. Les actions et emprunts russes sont omniprésents. Des actions de la S. A. des tramways d’Odessa ou des tramways électriques d’Espagne ou de la Brazil Railways, d’un montant limité, donnent une touche d’exotisme à ce portefeuille très achalandé. Les actifs mobiliers approchent 2 millions de fr. investis en obligations françaises (6 %), en obligations russes, égyptiennes et d’Amérique du Sud (19 %). Les actions françaises représentent 38 % de la succession et se répartissent principalement en actions minières, métallurgiques et bancaires115 Les avoirs en actions étrangères, (7.5 %) essentiellement bancaires, dépassent le montant des obligations françaises. Il s’agit ici d’une gestion très dynamique qui nécessite de solides connaissances et un suivi régulier de l’information boursière.
226Certaines fortunes non retrouvées peuvent être évaluées avec plus ou moins de bonheur.
- 116 AN. BB/6 (II)/184 Dossier ind. Louis Joseph Girard (1776-1855)
- 117 AN. F/1bI/230/16 et F/1cV/NORD/6
- 118 APP Ba/1036
- 119 APP Ba/1150
- 120 APP Ba/1180
227Le revenu annuel du grand-père du sénateur Girard est évalué, en 1849, à plus de 3 000 F. de rentes annuelles, ce qui représente un patrimoine de plus de 600 000 F116 Les services préfectoraux évaluent la fortune du père de Renard à un montant identique.117 La préfecture de police de Paris classe le républicain Desmoutiers118 et le « pseudobonapartiste » Legrand de Lecelles119 parmi les plus riches propriétaires fonciers du département. Selon la même source, le sénateur Merlin jouit d’une grande fortune.120
- 121 AD59 2U 1/463
228Le procès retentissant du député Outters permet de recueillir quelques informations. Ce député reçoit de ses parents un héritage de 80 000 F, la fortune de sa femme s’élève à plus de 500 000 F et l’étude notariale rapporte un revenu annuel de 15 000 F.121
- 122 APP Ba/1078
- 123 Journal d’Agriculture pratique, « La ferme de Masny, prime d’honneur du département du Nord en 1863 (...)
229Dans le dossier Fiévet de la Préfecture de Police de Paris, le rédacteur du rapport classe le sénateur parmi « les plus riches et considérables industriels du Nord. »122 L’exploitation de Masny qui appartient au clan Fiévet se compose d’une ferme géante et d’une sucrerie. Cette ferme-modèle, de plus de 230 ha, primée en 1863, est abondamment décrite dans Le Journal d’Agriculture pratique. Le drainage est appliqué à grande échelle sur plus de 80 ha. Le cheptel est abondant et permet une diversification poussée des productions. Les écuries renferment une quarantaine de chevaux. La bergerie accueille 600 moutons tandis que la grange héberge 130 bêtes à corne nourries avec les drèches de la distillerie de seigle et d’orge. Les récoltes sont ensilées sur place dans des tours de 2 500 hl.123
230Ce dernier cas illustre toute la difficulté de cerner le statut d’exploitant agricole. Ici, l’agriculteur relève plus du capitaine d’industrie que du fermier local.
231Les élus nordistes disposent d’importantes fortunes personnelles qui peuvent être complétées, par des jetons de présence ou des revenus annexes touchés dans les conseils d’administration des grandes entreprises régionales ou nationales. Comme on l’a vu, plusieurs élus disposent d’un ou de plusieurs sièges dans les entreprises houillères, métallurgiques, bancaires et ferroviaires. Le secteur textile, où les entreprises sont souvent familiales, n’appartient pas à ce pan de l’économie français.
Conclusion : les limites du modèle de « la République des avocats »
- 124 POUCHAIN Pierre, Les maîtres du Nord du XIXè siècle à nos jours, Paris, Perrin, 1998
232Un cliché veut que les élites économiques nordistes se soient en partie désintéressées du champ politique,124 comme si industrie et politique ne pouvaient donner lieu qu’à un mariage contre nature. Les nombreux tableaux généalogiques ont recensé, de manière non exhaustive, les mandats électifs des ascendants et collatéraux. La liste est impressionnante, bien trop importante pour qu’il soit possible de parler de désintérêt des élites économiques pour l’activité politique.
233Même s’il est vrai qu’on ne retrouve qu’occasionnellement des membres des grandes familles industrielles du Nord dans les cohortes de parlementaires, un maire, un conseiller général, un député ou un sénateur figure toujours dans la proche parentèle.
- 125 Homonymie : il s’agit de la famille de l’épouse du sénateur inamovible Kolb-Bernard
234Le cas suivant n’est pas unique. Même si la parenté ne saute pas aux yeux de prime abord, la famille des industriels Bigo-Danel est proche du député Thellier de Poncheville. Les Bigo-Danel représentent les intérêts miniers et ferroviaires du département. La sœur du député a épousé le petit-neveu de Léonard Danel, maître imprimeur connu et réputé, mais aussi administrateur de la compagnie des chemins de fer du Nord et président du conseil d’administration des mines de Lens. Les mêmes Bigo-Danel entretiennent des relations privilégiées avec la famille Bernard,125 au cœur de multiples réseaux politiques et économiques.
235Ces remarques ne constituent pas une exclusive des conservateurs. Le frère du républicain Masure est ingénieur civil et propriétaire d’une fabrique de papier à Thiers (Puy-de-Dôme).
- 126 AD75 DQ8/1829 DQ7/12274
236La collusion entre milieux politiques et économiques semble permettre au député républicain et ministre du Commerce Pierre Legrand de quadrupler le niveau de fortune paternelle.126
237Les sensibilités politiques, à l’intérieur des clans, relèvent du pragmatisme et de l’opportunisme, au sens le plus littéral des termes. Les Brame et les Barrois ont des convictions politiques opposées. Pourtant, une union consacre l’alliance des deux familles. Bien que d’opinions divergentes, les Bosquillon de Frescheville, les Claeys et les Masure font partie d’un même clan, d’une même nébuleuse. Les cousins ennemis Girard et Renard s’opposent sur le plan politique mais défendent tous les deux les mêmes intérêts commerciaux et industriels. Le monarchiste catholique Thellier de Poncheville s’oppose, dans une lutte fratricide, à la dynastie Sirot, pourtant parente.
238Une autre tradition bien établie veut que les Chambres des Députés de la IIIe République aient été peuplées de juristes. Il serait naïf de croire que les juristes nordistes se soient contentés d’œuvrer dans leur sphère de compétence. Avocats et magistrats occupent bien souvent des fonctions économiques d’importance. Le plaideur fait bon ménage avec l’administrateur ou l’entrepreneur. Parfois même, l’avocat est aussi homme d’affaires avisé ou entrepreneur audacieux. Il n’y a qu’un pas entre le monde du verbe, du geste et des effets de manche et celui des affaires, de l’usine ou de l’entreprise. C’est cette appartenance à une même élite politico-économique qui permet de dépasser les clivages idéologiques et de confisquer la quasi-intégralité des mandats législatifs.
239Y a-t-il un renouvellement des élites politiques durant les deux premières décennies de la Troisième République ? Assurément non ! Tout se passe même comme si les élites prérévolutionnaires et celles issues de la Révolution continuaient à se partager le pouvoir en cooptant parfois un gendre ou l’époux d’une nièce pour pallier décès et absence d’héritiers masculins.
240De plus, il faut même relativiser le phénomène d’ascension ! Certes, la fortune épouse les diplômes, mais les diplômes qui recherchent la fortune sont déjà issus de milieux plutôt aisés. C’est cet intérêt mutuel bien compris qui est le creuset de bien des réussites politiques. L’ascension de certaines familles, bien que réelle, ne part jamais de rien ! Cet état de fait perdure, après 1889, tout en s’estompant – même si une cohabitation avec de nouvelles couches de la société voit le jour.
241Malgré les modifications apportées aux conditions d’éligibilité ou de vote, tandis que la démocratie est réputée avancer à marche forcée, les élus du Nord n’ont appartenu pour leur plus grand nombre qu’à quelques familles : celles conduites, grâce à leur noblesse ou à leur enrichissement plus ou moins rapide, vers cet accaparement de l’espace et des fonctions politiques qui parfait encore davantage leur hégémonie et donc leur notabilité.
242Du reste, à l’exception des divergences bien réelles sur la forme républicaine, monarchique, ou autoritaire du régime politique, existe-t-il, dans le Nord, à l’échelon du parlementaire de base, un important clivage idéologique entre conservateurs et républicains opportunistes ? À maints égards, on peut en douter…
243La cohésion familiale de ces groupes de parlementaires est à toute épreuve. La transmission du patrimoine tant économique que politique s’effectue par la filiation directe ou collatérale. De génération en génération, l’un des membres reçoit en dépôt l’héritage parental ou ancestral. La cooptation permet aussi d’associer d’autres familles d’élus, permettant ainsi d’étendre l’aire géographique de reconnaissance de la notabilité familiale. Enfin, de subtiles pratiques d’intégration permettent d’englober les élites diplômées, de formation essentiellement juridique.
244Indépendamment de leurs convictions et de leurs sensibilités, les élites politiques nordistes se sont confondues avec les élites économiques, défendant les mêmes valeurs et les mêmes intérêts, parce qu’issues des mêmes milieux. Le pouvoir politique confisqué est mis au service des intérêts économiques.
Notes
1 On excusera le néologisme bien connu des historiens collecteurs de données familiales
2 Dirigé par Gustave Simon, propre fils de Jules Simon
3 Le Petit Nord, « Édouard Fiévet, candidat des intérêts allemands » no 2261, 21/1/1885
4 Le Petit Nord, Renseignements électoraux no 2264. 24/1/1885
5 Le Petit Nord, no 2928. 21/11/1886
6 Ibid.
7 L’écho douaisien, « Obsèques de M. Édouard Fiévet », no 618 du 19/4/1893
8 AD59 M121/33
9 LESTIENNE, La famille Cordonnier-Reys, Lille, impr. de L. Danel, 1913 Les Tailliandier appartiennent à une famille d’avocats aux intérêts agricoles considérables. Henry, député conservateur du Pas-de-Calais (1885-1910) opte pour le Ralliement puis s’inscrit à l’Action Libérale Populaire. Albert, député d’Arras (1914 – 17), siège à droite, parmi les Républicains Indépendants. Maurice, député d’Arras (1928-36), siège dans les rangs de l’Union Républicaine Démocratique (Droite)
10 Gayant et sa famille. Journal républicain indépendant. « Portraits à la plume de nos conseillers municipaux. M. Casimir Giroud », no 55. 5/6/1882. (bi-hebdomadaire de la région de Douai)
11 AD59 3Q/84/20
12 FOUCART Paul, Jules Brame (1808-1878), s.l., s.d., in 4 , mult.
13 Le Petit Nord, no 2928. 21/11/1886
14 LAMBERT-DANSETTE Jean, op. cit.
15 Ancêtres des Bergerot et de Delelis
16 ROMMELAERE Guy, op. cit.
17 Les hommes d’aujourd’hui., « Le général Faidherbe Louis-Léon-César », numéro 234, s.l.n.d.
18 AD75 DQ8/1776 DQ7/12275
19 COURTAUX Théodore, op. cit.
20 PRZYBYLA Francis, op. cit.
21 ESTEBE Jean, Les ministres de la République, (1871-1914), Paris, F.N.S.P., 1982
22 de BROGLIE Gabriel, Le XIXe siècle. L’éclat et le déclin de la France, Paris, Perrin, 1995
23 BERGERON Louis et CHAUSSINAND-NOGARET Guy (dir.), Grands notables du Premier Empire, notices de biographie sociale, Paris, Éd. du CNRS, 28 volumes parus, 1978-… Tome 28, Escaut, 2001
24 Pajot et Théry (différence d’1 an), Trystram (3 ans), P. Legrand (8 ans)
25 FOUCART Jacques, op. cit.
26 ZELDIN Théodore, Histoire des passions françaises 1848-1945, Paris, Le Seuil, 1978, 5 tomes
Cf. Tome 1
27 PIERRARD Pierre, Lille et les Lillois, Bloud et Gay, 1967
La famille Colombier est issue de la Somme
28 BARBIER Frédéric, Le patronat du Nord sous le Second Empire : une approche prosopographique, Genève, Librairie Droz, 1989
29 BARBIER Frédéric, Ibid.
30 DELAVENNE André, recueil généalogique de la bourgeoisie ancienne, Paris, Ed. S.G.A.F., 1954-55, 2 vol.
31 Généalogie Renouard. Travaux de R. Driant, descendant du Gal Boulanger
32 AD59 M121/3
33 POURCHER Yves, Les maîtres de granit. Les notables de Lozère du XVIIIe siècle à nos jours, Paris, Olivier Orban, 1987, Paris, Plon, 1995.
34 Famille Kolb-Bernard
35 AD59 État civil. Lille. Lille St-Etienne. Lille St-Maurice. Théry épouse à Lille, en 1832, Caroline Leclercq
36 Ibid.
37 Pierre Florent Louvet, député de la Somme (1791-1819) Omer Constant Joseph Dussaussoy, député orléaniste du Pas-de-Calais (1833-34). Paul Antoine Dussaussoy, Cons. d’arrondissement de Calais, député bonapartiste du Pas-de-Calais (1871-78 et 1885-87). Paul Constant Jean Charles Dussaussoy, Cons. général de Marquise, député de droite rallié à la république du Pas-de-Calais (1893-1902 et 1906-09)
38 BIGO-D’HALLUIN Auguste, Généalogie de la famille Masurel, Lille, L. Danel, 1899
39 DEVOS Raymond, "J.B. Trystram 1821-1906" in Revue des Amis du Vieux Dunkerque, No 1-2, 1982
40 GARRIGUES Jean, La République des hommes d’affaires (1870-1900), Paris, Aubier, 1997
41 Nelly Pauline Adèle Macarez, mère de Girard
42 René Charles Auguste Macarez, Cons. général et maire de La Cappelle
43 VERLY Hippolyte, Essai d’une biographie lilloise contemporaine (1800-1869), Lille, Leleu, 1869
44 JODéb. 30/8/1871
Testelin, régulièrement rappelé à l’ordre à la Ch. des Députés et au Sénat, prononça à l’adresse de la droite légitimiste et orléaniste : « Sans le Quatre-septembre, vous lécheriez encore les bottes de l’empereur ! »
45 Le Petit Nord, « Portraits à la plume. Nos conseillers généraux. XXVI. M. Fiévet conseiller général de Douai-sud »
46 GIRARD L., PROST A., GOSSEZ R., Les conseillers généraux en 1870, Paris, 1967, P.U.F.
47 GIRARD L., PROST A. et GOSSEZ R., Les conseillers généraux en 1870, Paris, P.U.F., 1967
48 AN. AQ/65 (1)/155 Cie de l’Escarpelle
49 AN. BB/6 (II)/184 Dossier ind. Louis Joseph Girard (1776-1855)
Zèle intense récompensé : Girard est promu chevalier de la Légion d’honneur
50 Beau-frère ou cousin par alliance
51 AN. AQ/65 (1)/46 Cie des Mines de Béthune
52 EMERIT Marcel, op. cit.
53 Exposition universelle de 1900. Compagnie des Mines de Béthune (concession de Grenay), s.l.n.d.
54 APP Ba/1279
55 BARJOT Dominique (sous la dir.) Les patrons du Second Empire. Tome 1 : Anjou, Normandie, Maine, Institut d’Histoire moderne et contemporaine, Paris, Picard
56 Général-comte Joseph de Lagrange, député du Gers et pair de France. Son beau-père le marquis de Talhouet, comte d’Empire, préside le conseil général de la Sarthe
57 Très vague et très lointaine parenté entre les de Lagrange, député du Gers, et la dynastie des Louys de La Grange, députés du Nord
58 GILLET Marcel, Le bassin houiller1815-1914, thèse d’état, Paris, 1971
59 Grand-père de Marguerite Yourcenar
60 MET DEN ANCXT, Recueil nobiliaire belge, 1914, 2 tomes
61 DE COUSSEMAKER, Généalogie de Coussemaker, 1858
Les multiples unions contractées par ces familles relèvent souvent du renchaînement d’alliances. Grégoire Van Kempen est député au conseil des Anciens, puis au Corps Législatif. Les Van Pradelles de Palmaert comptent plusieurs Conseillers pensionnaires de la châtellenie de Bailleul, puis conseillers généraux du département du Nord. Nicolas Van Pradelles de Palmaert, qui appartient à cette famille et vécut sous les Valois, est l’ancêtre de l’auteur de cet ouvrage
62 LESTIENNE P., La famille CORDONNIER-REYS,
63 BARJOT Dominique (sous la dir.) Les patrons du Second Empire. Tome 1 : Anjou, Normandie, Maine, Institut d’Histoire moderne et contemporaine, Paris, Picard
64 APP Ba/1133
65 AD59 M121/3
66 BARJOT Dominique (sous la dir.) Ibid.
François Alphonse Theroulde est associé à l’oncle de sa femme J. E. Lecampion, maire de Granville
67 Baron Émile de Soubeyran (+ 1897), petit-fils du duc de Rovigo, gendre du comte de Beaupoil de Saint-Aulaire, parlementaire, député de la Vienne en 1863, constamment réélu. Bonapartiste sous le Second Empire, il adopte, sous la IIIe République, une étiquette plus ambiguë qui lui permet de ratisser large dans les milieux conservateurs et d’être constamment réélu jusqu’en 1893. Battu en 1893
68 GARRIGUES Jean, La République des hommes d’affaires (1870-1900), Paris, Aubier, 1997
69 APP Ba/1272
70 L’Univers. 16/6/1878
71 Albert Silas Médéric Charles Christophle ° 1830 Domfront, fils d’Alexandre François, maire de Domfront (1826-30 et 1851-55)
Émile Des Hayes de Marcère ° 1828 Domfront, fils posthume de Louis Émile, maire de Banvou (1826-27)
72 APP Ba/1272
et MOLLIER Jean Yves, Le scandale de Panama, Paris, Fayard, 1991
73 APP Ba/1131
74 AD59 2U 1/463
75 L’Indicateur de l’arrondissement d’Hazebrouck, n° 6260, 6261 et 6263. 28/7, 1 et 8/8/1901
76 La famille situe le décès à Florence
77 APP Ba/1150
78 GUILLAUME Sylvie (sous la dir.) Députés et sénateurs de l’Aquitaine sous la IIIe République (1870-1940). Portrait de groupe, Talence, Edts de la maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, 1995
79 MAYEUR Jean-Marie, (sous la dir.), Les parlementaires de la Seine sous la Troisième République. I. Études, « La fortune des parlementaires de la Seine », Paris, Universités Paris I et Paris IV, Publications de la Sorbonne, 2001
80 L’inflation demeure faible jusqu’en 1910
Indice des prix de la Statistique Générale de la France, baptisé indice SGF-Fontaine, base 100 en 1900 : 1870 : 110, 1875 : 109 ; 1880 : 119 ; 1885 : 110 ; 1890 : 108 ; 1895 : 102 ; 1900 : 100 ; 1905 : 95 ; 1910 : 103.
1910-1914 : + 15 %. 1914-1919 : + 153 %
81 De manière sommaire, il existe un bureau d’enregistrement par canton. En réalité, un bureau d’enregistrement peut en couvrir plusieurs
82 AD75 DQ7/10 544
83 AD59 2U 1/463
84 AD59 3Q 338/58 3Q 318/109. Fortune du beau-père de Bergerot supérieure à 1 500 000 F.
AD75 DQ7/10 544. Fortune du père de Bergerot supérieure à 1 000 000 F.
AN. F/1bI/230/16 et F/1cV/NORD/6. Fortune des cons. Généraux
En 1870, les revenus annuels des cons. généraux apparentés aux élus du Nord sont souvent supérieurs à 15 000 F soit une fortune de l’ordre du demi-million de fr
85 GUILLAUME Sylvie (sous la dir.), Députés et sénateurs de l’Aquitaine sous la IIIe République (1870-1940). Portrait de groupe, « Comportements matrimoniaux et fortunes des parlementaires sous la Troisième République », Talence, Edts de la maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, 1995
86 MAYEUR Jean-Marie (sous la dir.), op. cit.
87 Les sénateurs inamovibles Théry, Pajot, Wallon et Kolb-Bernard à la fortune comprise entre 500 000 F et 1 500 000 F. Celle de Testelin est médiocre, celle de Marcère n’a pu être retrouvée, celle de Corne est perdue.
88 GUILLAUME Sylvie (sous la dir.) op. cit
Aquitaine (1870-1940)
Médiane Lot-et-Garonne : 49 000 F. Médiane Gironde : 88 000 F.
Médiane Dordogne : 105 000 F. Médiane Basses-Pyrénées : 136 000 F.
Médiane Landes : 234 000 F.
À titre de comparaison, Médiane Nord : 660 000 F
89 Annuaire rétrospectif de l’I.N.S.E.E. : De 1870 à 1914, les prix de détail, très stables, augmentent de 13.6 % en 44 ans. Il est possible, mais avec une extrême prudence, en se contentant d’ordres de grandeur, de transformer les francs 1870-1890 en appliquant un coeff. de 18 pour obtenir un résultat en francs de l’an 2000, un coefficient de 2.75 pour obtenir un résultat en €. 125 000 F de 1880 correspondraient à un actif successoral dépassant 2 000 000 F (an 2000), soit 300 000 €
90 ESTEBE Jean, Les ministres de la République, (1871-1914), Paris, F.N.S.P., 1982
91 SOHN Anne-Marie in MAYEUR Jean-Marie (sous la dir.), op. cit.
Comparaison des liquidités détenues à leur décès par les élus nordistes et parisiens :
Département du Nord : médiane 6 412 F/moyenne 103 558 F.
Département de la Seine : médiane 3 423 F/moyenne 21 874 fr.
92 AD59 3Q/606/54 3Q/605/62 3Q/605/63 3Q/605/64
93 AD59 3Q/340/3 3Q/320/26
94 AD59 3Q/338/76 3Q/318/166
95 AD59 3Q/338/74 3Q/318/159
96 AD75 DQ7/11448
97 AD75 DQ8/1799 DQ7/12250 DQ7/12251
98 AD75 DQ8/2011 DQ7/12745 DQ7/12748
99 AD75 DQ8/1507, DQ7/11582
100 Sénateurs et députés. Silhouettes à la plume, Paris, « Le Figaro », 1876
101 AD59 3Q/394/70
102 BM Lille. Fonds Quarré-Reybourdon. QR2/Def-Du..
103 AD59 3Q/394/70 Actifs se répartissant en 54 244 F d’obligations des chemins de fer du Midi et en 307 677 F d’obligations des chemins de fer du Nord
104 BRETON Yves, BRODER Albert, LUTFALLA Michel, La longue stagnation en France.
L’autre grande dépression (1873-1897), Paris, 1997, Economica
Utile tableau sur l’évolution du rendement des actions et obligations
105 FOUCART Jacques, op. cit.
106 AD59 3Q/171/15 ; 3Q/163/52 ; 3Q/163/54 3Q/282/74 ; 3Q/79/74
107 AD59 3Q/241/111
108 AD59 3Q/318/222
109 AD59 3Q/434/60 3Q/431/147
110 AD59 3Q/318/222
111 AD59 3Q/548/279
112 AD75 DQ8/1849 DQ7/12203 AD59 3Q/275/30
113 AD59 3Q/241/92
114 AD59 3Q/606/54 ; 3Q/605/62 ; 3Q/605/63 ; 3Q 605 64
Mines d’Ostricourt, Marles, Béthune, Anzin, Courrières et Dourges
115 AD59 Ibid.
116 AN. BB/6 (II)/184 Dossier ind. Louis Joseph Girard (1776-1855)
117 AN. F/1bI/230/16 et F/1cV/NORD/6
118 APP Ba/1036
119 APP Ba/1150
120 APP Ba/1180
121 AD59 2U 1/463
122 APP Ba/1078
123 Journal d’Agriculture pratique, « La ferme de Masny, prime d’honneur du département du Nord en 1863 », Année 1864, T. 1 et 2, Année 1865, T. 1 et 2, Année 1866, T. 1
124 POUCHAIN Pierre, Les maîtres du Nord du XIXè siècle à nos jours, Paris, Perrin, 1998
125 Homonymie : il s’agit de la famille de l’épouse du sénateur inamovible Kolb-Bernard
126 AD75 DQ8/1829 DQ7/12274
Table des illustrations
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Titre | 14. Classement socioprofessionnel des Élus, des Pères et Beaux-pères (1881-89) |
Légende | A : Nombre des parlementaires/B : Répartition en % (Total supérieur à 100 %, inférieur à 110 %)/C : Nombre de pères d’élus/D : Répartition en % des pères (Total compris entre 100 % et 110 %)/E : Nombre de beaux-pères d’élus 42 connus (80 % des parlementaires)/F : Répartition en % des beaux-pères (Total compris entre 100 % et 110 %)/G : % de la population active masculine française (cf. ESTEBE) |
URL | http://books.openedition.org/septentrion/docannexe/image/57000/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 228k |
![]() | |
Titre | 16. Différence d’âge au mariage des deux époux |
URL | http://books.openedition.org/septentrion/docannexe/image/57000/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 180k |
![]() | |
Titre | 17. Alliances politiques contractées par la famille des Hayes de Marcère |
URL | http://books.openedition.org/septentrion/docannexe/image/57000/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 176k |
![]() | |
Titre | 18. Les stratégies matrimoniales des familles de parlementaires proches de Testelin |
URL | http://books.openedition.org/septentrion/docannexe/image/57000/img-4.jpg |
Fichier | image/jpeg, 164k |
![]() | |
Titre | 21. Comparaison du niveau de fortune des parlementaires : Nord/Aquitaine/Seine |
Légende | A : Ensemble des successions françaises B : Successions des députés du Nord C : Successions des sénateurs du Nord E : Successions des parlementaires du Nord F : Successions des élus aquitains (1870-1940) (cf. Jacqueline HERPIN)85 G : Successions des élus de la Seine (1876-1918) (cf. Anne-Marie SOHN)86 |
URL | http://books.openedition.org/septentrion/docannexe/image/57000/img-5.jpg |
Fichier | image/jpeg, 180k |
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Titre | 23. Décomposition du patrimoine des parlementaires du Nord au jour de leur décès |
URL | http://books.openedition.org/septentrion/docannexe/image/57000/img-6.jpg |
Fichier | image/jpeg, 678k |
© Presses universitaires du Septentrion, 2007