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La pierre et la terre

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Sylvain Vigneron

Troisième partie. Le marché des biens fonciers de Louis XIV à la Révolution

Conclusion de la 3e partie

Texte intégral

1Sur un marché dont l’activité, au rythme de rotation faible, dépendait pour partie de la part des propriétés privilégiées, les nobles étaient fréquemment en retrait, notamment lors des dernières décennies de l’Ancien Régime. Pour autant, si certains que furent leurs soldes négatifs, ils ne signifiaient pas une large déperdition de leurs patrimoines puisqu’ils abandonnaient des parcelles marginales. Du coup, leurs interventions demeuraient de peu de conséquences sur la structure de leurs propriétés.

2En fait, le marché était dominé par l’activité contractée par les citadins et surtout par les ruraux. Or, ces derniers tiraient particulièrement avantage des échanges fonciers pour arrondir leurs propriétés. En ce sens, le « tragique XVIIe siècle », qui avait emporté, dans le tourbillon de la crise des campagnes, les biens ruraux dans le giron des patrimoines citadins, ne durait pas au delà du règne de Louis XIV. C’est dire si le siècle des Lumières avait offert aux ruraux l’occasion d’utiliser le marché comme instrument de leurs ambitions foncières. Pour autant, cette réussite n’en restait pas moins restreinte à une minorité de la population tant le dynamisme du monde rural incombait en priorité aux laboureurs et aux fermiers.

3À vrai dire, cette offensive tenait également au retrait des citadins, essentiellement des bourgeois, peu satisfaits par l’évolution de la rente foncière qui suivait avec langueur le coût de la vie. Après les années euphoriques des investissements nombreux dans la terre lors des décennies antérieures à la crise de 1693-4, les citadins ont en effet boudé les biensfonds dont la rentabilité diminuait sensiblement. Certes, lors des trois dernières décennies de l’Ancien Régime marquées par l’élévation assez sensible des loyers nominaux, on mesurait un retour de la ville dans les campagnes, mais ses investissements fonciers demeuraient souvent inférieurs à ceux de l’aristocratie paysanne dopée par l’accroissement des prix céréaliers. De ce point de vue, les négociants étaient les plus sensibles aux aléas conjoncturels, leurs investissements étant pour une bonne part guidés par la rentabilité des biens-fonds et l’évolution des prix céréaliers. Moins volatiles, les patrimoines des officiers étaient davantage tournés vers la terre qui permettait de souscrire à une stratégie d’anoblissement.

4L’investissement des citadins dans la terre reflétait ainsi assez fidèlement l’état socio-économique des villes. En ce sens, l’attitude peu ambitieuse de Cambrai rendait compte des choix conservateurs de ses élites, inquiètes de la décadence de la cité archiépiscopale qui perdait le contrôle de l’activité manufacturière des villages mulquiniers de sa campagne en prise directe avec les chefs-villes de Valenciennes et de Saint-Quentin. En revanche, la capitale flamande irriguait la châtellenie de sa fortune conquise dans les offices et le négoce, même si cet investissement ne prenait pas l’allure d’un raz-de-marée, les ruraux demeurant très actifs sur le marché des petites parcelles dont la publicité n’était effectuée que dans le cadre restreint des villages proches des biens-fonds en mouvement

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