Naville et d’Holbach ou Comment être contemporain du xviiie siècle ?
p. 182-199
Texte intégral

1Du baron d’Holbach, ami de Diderot, d’Alembert, Condillac, Turgot, Buffon et Rousseau, né en 1723, mort à la veille de la réunion des États généraux de 1789, que savait-on jusqu’en 1943 ? Fort peu de chose.
« J’ai naturellement l’âme tranquille et le cœur froid […]. Si j’ai de la peine à voir souffrir les gens de bien, la pitié n’y entre pour rien, car je n’en ai point à voir souffrir les méchants. Mon seul principe actif est le goût naturel de l’ordre ; […] Si j’ai quelque passion dominante, c’est celle de l’observation. […] la société m’est agréable pour la contempler, non pour en faire partie. Si je pouvais changer la nature de mon être et devenir un œil vivant je ferais volontiers cet échange ».
2Ce portrait, somme toute assez peu flatteur, est celui de Wolmar dans La Nouvelle Héloïse, personnage directement inspiré à Jean-Jacques Rousseau par le baron d’Holbach1.
« D’Holbach et ses amis avaient admis Rousseau dans leur commerce le plus intime, écrit Marmontel, or on peut voir dans son Émile comment il les avait notés. Certes, quand l’étiquette d’Athéisme qu’il avait attachée à leur société n’aurait été qu’une révélation, elle aurait été odieuse : mais à l’égard du plus grand nombre, c’était une délation calomnieuse, et il le savait bien… »2.
3Il faudra quasiment deux siècles pour donner à d’Holbach un autre visage : d’Holbach « écrivit plus de quarante volumes, tous clandestins, tous anonymes. Seuls ses articles de l’Encyclopédie, ses traductions de chimistes et minéralogistes allemands, furent avoués. L’édition du Système de la Nature, en 1770, fut le plus grand scandale intellectuel du siècle : ni le trône, ni l’autel n’en sortaient indemnes. L’athéisme moderne, le matérialisme scientifique, y trouvaient leur première exposition systématique »3 écrit Pierre Naville dans D’Holbach et la philosophie scientifique au xviiie siècle, la biographie qu’il consacre au baron d’Holbach, en 1943, aux éditions Gallimard.
4Cette première biographie, et encore aujourd’hui la seule digne de ce nom en langue française4, a visiblement échappé à l’attention de Michel Onfray :
« Le travail du baron d’Holbach n’existe pas dans l’Université : pas d’édition savante ou scientifique chez un éditeur philosophique ayant pignon sur rue ; pas de travaux de thèses ou de recherches actuelles d’un professeur prescripteur dans l’institution ; pas d’ouvrages en collection de poche, évidemment, encore moins en Pléiade – quand Rousseau, Voltaire, Kant ou Montesquieu disposent de leurs éditions ; pas de cours ou de séminaires consacrés au démontage et à la diffusion de sa pensée ; pas une seule biographie… Affligeant »5.
5Pour être accablant et reprendre l’antienne du conformisme académique, voire de la bêtise universitaire, ce tableau n’en est pas moins faux.
6Des éditeurs « ayant pignon sur rue » se sont intéressés aux œuvres du baron d’Holbach : Josyane Boulad-Ayoub n’a-t-elle pas assuré la réédition, dans la collection « Corpus de la philosophie française » aux éditions Fayard, du Système de la nature (1990), du Système social (1994) et de La Politique naturelle (1998)6 ? Alain Sandrier n’a-t-il pas publié, en 2004, aux éditions Honoré Champion, un livre, issu d’une thèse de doctorat, Le Style philosophique du baron d’Holbach. Conditions et contraintes du prosélytisme athée en France dans la seconde moitié du xviiie siècle, où l’athéisme du baron d’Holbach est abordé de façon neuve, présenté non d’un point de vue essentialiste, mais en tant que « stratégie de conversion à l’irréligion » ? Le prosélytisme athée du baron d’Holbach n’est ainsi pas tant remarquable par l’originalité des idées qu’il défend que par son mode d’énonciation et d’expression. Et si cette écriture, illisible et laborieuse, devenue un lieu commun dès qu’il est question de d’Holbach – « pose athée et prose indigeste » –, affirmait d’abord l’intelligence aiguë d’une position paradoxale, tout à la fois hyper-officielle et hyper-subversive, qui n’entend céder sur aucun front sa liberté d’expression, et se trouve ainsi contrainte de multiplier les styles pour rendre inassignable, inidentifiable, sa source d’énonciation7 ?
7Pari gagné dans la mesure où pas un contemporain, et surtout aucune police, ne sont parvenus à identifier le baron d’Holbach aux ouvrages les plus scandaleux du siècle, en particulier Le Système de la Nature (1770). L’anonymat est un art que le baron d’Holbach sût porter à la perfection8, un art qui l’amena à rompre avec « les pratiques traditionnelles de transmission des idées hétérodoxes », qu’il s’agisse du « double langage » en vigueur chez les philosophes (un discours public conformiste, un discours clandestin subversif), ou du jeu des pseudonymes en vogue dans la République des Lettres. Les ouvrages de la fin de la vie du baron d’Holbach sont anonymes, pierres apportées à la diffusion d’une vérité qui se veut universelle certes, mais aussi contribution à la reconnaissance d’un statut particulier du philosophe, distinct de celui de l’homme de lettres :
« Holbach ne conçoit pas son action en tant qu’homme de Lettres comme un moyen de se singulariser. Rien ne le pousse vers la recherche de la réputation littéraire, vers la constitution d’une œuvre qu’on puisse rattacher à son seul nom ».
8D’Holbach ne condamne pas la recherche de la gloire, explique Alain Sandrier ; mais, pour lui comme pour Voltaire, « l’anonymat est consubstantiel à l’action du philosophe »9 dont l’éthique doit reposer sur « l’intéressement au désintéressement »10. « “Si j’ai raison, qu’importe qui je suis ?” C’est un vers de Corneille dont l’application est très heureuse et qui devrait être sur le frontispice de tous les livres [philosophiques] »11. D’où la renonciation à toute propriété littéraire, l’œuvre anonyme étant soumise « aux avatars de la circulation sans droit ni loi »12, le baron éprouvant même des difficultés à se procurer ses propres ouvrages…
9Si à ces analyses récentes, on adjoint les travaux étrangers, dont on trouvera une bibliographie très complète dans l’ouvrage de Maria Luisa Lussu, Bayle, Holbach e il dibattito sull’ateao virtuoso (1997), on sera alors conduit à souligner non pas la méconnaissance générale – et entretenue – autour du baron d’Holbach, mais un paradoxe :
« Il y a une ironie de l’histoire littéraire à voir une figure comme celle du baron d’Holbach, dont les œuvres ont suscité en leur temps tant d’émoi et de frayeur, plonger dans un oubli dont les tentatives réitérées de réévaluation ne parviennent pas à le sortir. L’auteur du Système de la nature – cette “Bible” du matérialisme athée des Lumières, dont on ne se figure pas aujourd’hui le succès de scandale qu’elle a connu – peine à se maintenir auprès des grands penseurs qu’il a côtoyés, qu’ils s’appellent Diderot ou Hume, alors que ceux-ci ont reconnu l’étendue et la pénétration de sa réflexion »13.
10Cette drôle de position de d’Holbach ne tient pas qu’à une « raison littéraire »14 ; elle a une histoire, une histoire très contemporaine puisque, selon moi, la postérité bancale du baron est le résultat de la réception réservée à l’ouvrage de Pierre Naville par un critique appelé à devenir une figure centrale du monde littéraire français de l’après-guerre : Maurice Blanchot. Le baron d’Holbach pourrait ainsi être considéré comme la première victime de la restauration du champ littéraire inaugurée dès 1943, disqualifiant le matérialisme des Lumières, interdisant tout lien avec l’un des courants essentiels des Lumières, afin de laisser place à un existentialisme humaniste triomphant.
Un texte qui échappe à la censure
11C’est grâce à Pierre Naville que le silence qui, en France, entourait le baron d’Holbach en gros depuis la Restauration15 fut en partie rompu et au moment le plus inattendu, en 1943, pendant la guerre, alors que la France subissait à la fois l’occupation nazie et le régime de Vichy.
12Pierre Naville, intellectuel trotskyste très engagé dans les années trente, est alors rien moins que « résistant ». Conseiller d’orientation professionnelle, puis Directeur du Centre d’orientation professionnelle pour le Lotet-Garonne entre 1943 et 1945, Naville accepte, en sus de ses fonctions officielles, de prendre en charge « l’enquête sur l’enfance déficiente de la Fondation Carrel pour tout le Sud-Ouest ». À aucun moment, il ne semble avoir envisagé quelque mode d’action clandestine que ce soit16. Son énergie est tout entière mobilisée par son travail intellectuel – la rédaction du premier ouvrage scientifique d’envergure consacré au baron d’Holbach – ; par les efforts à fournir pour rassembler une documentation lacunaire et éparse, et « oser », lui qui n’est pas un spécialiste du xviiie siècle, rédiger la biographie d’un personnage historique-clef. Volens nolens, en publiant son d’Holbach, Pierre Naville arme une véritable bombe légale.
13Le livre, qui paraît début juillet 1943, ne peut être plus diamétralement opposé aux valeurs promues par le régime de Vichy. L’heure, on le sait, est à la réconciliation de l’Église et de l’État, à la remise « en honneur des grandes vérités de la morale chrétienne qui ont formé la base solide de notre civilisation »17, à la dénonciation par le Maréchal Pétain de ces « systèmes qui nous ont fait tant de mal »18. Tout cela n’est pas franchement favorable à d’Holbach, – « le point no 1 de l’éthique holbachienne, c’est que la religion est stérile et nuisible à la construction d’une société civile juste et tolérante »19.
14Depuis le printemps 1942, la censure, exercée par le biais de la Commission du contrôle du papier de l’édition, exigeait d’un éditeur le dépôt préalable des manuscrits qui, après lecture, se voyaient, ou pas, attribuer un numéro officiel nécessaire à l’obtention du papier d’impression20. Ce nouveau régime de censure faillit être fatal au projet de Pierre Naville. Le 3 février 1943, Raymond Queneau, son interlocuteur chez Gallimard, l’informe : « D’Holbach n’a pas passé avec la dernière liste ; on le redemande ce mois-ci. Tant qu’on n’aura pas l’autorisation, Gaston Gallimard ne sera pas très enthousiaste pour vous accorder une avance […] »21. Que la censure rechigne, voilà qui est plutôt à son honneur, car le projet de Naville est proprement révolutionnaire.
15« Comment sauver d’Holbach, si ce n’est en soulignant la rigueur et la cohérence d’un positionnement philosophique que l’on s’est plu à caricaturer ? » Pierre Naville « s’essaie à cette réplique qui donne à d’Holbach sa pleine stature philosophique. Il se détache de ses devanciers, pionniers des études sur le baron, trop fascinés par l’originalité du personnage […] ». Il met le baron « au carrefour des grandes innovations intellectuelles de la seconde moitié du xviiie siècle […] sur la voie du progrès et des sciences à venir »22, notamment le matérialisme historique : d’Holbach n’est-il pas l’un des auteurs du siècle des Lumières que Karl Marx connaît le mieux, et qu’il cite à huit reprises dans un texte essentiel, « Bataille critique contre le matérialisme français », publié dans La Sainte Famille ou Critique de la critique critique. Contre Bruno Bauer et consorts (1845)23 ?

Fonds Naville, bibliothèque du CEDIAS-Musée social
16Nul mieux que Pierre Naville ne mesure les contraintes avec lesquelles il doit jouer pour que son livre soit publié. Il déploie des ruses de Sioux pour faire passer ses idées, auto-limitant certains développements, codant certaines références :
« […] les circonstances m’interdirent de traiter le sujet comme je l’aurais voulu. La censure ne tolérait pas d’incursions dans le domaine du marxisme. Je ne pouvais joindre à l’exposé la controverse toujours nécessaire entre la philosophie hégélienne et la philosophie des Lumières. Il fallut me contenter de quelques allusions et même de quelques supercheries, en restituant à Lénine et à Plekhanov leurs vrais noms moins connus, Ilitch et Beltov, par exemple, ou en glissant dans le texte quelques phrases d’Engels que personne ne reconnut ; et en écourtant les pages consacrées à Sade. C’est ce qui explique la brièveté du chapitre intitulé Influences. »
17expliquera-t-il dans la « Préface à la nouvelle édition » de son d’Holbach en 196724. Naville semble avoir toutefois complètement oublié ce que sa correspondance de l’époque atteste : ce chapitre Influences, rajouté par lui au dernier moment, alors que son ouvrage est à la composition, a été accepté par Raymond Queneau quinze jours après l’obtention du visa de censure25. Autrement dit, ce chapitre n’a jamais passé la censure, et c’est probablement à ce tour de passe-passe que le D’Holbach doit d’avoir été publié en 1943, le chapitre Influences, même amputé, bouleversant l’économie du livre, transformant une œuvre d’érudition – dont Naville épingle les insuffisances26 –, en une œuvre révolutionnaire : D’Holbach ou le trait d’union entre un XVIIIe siècle, honni par Vichy, et un XXe siècle, défiguré par la Révolution Nationale ?
Essai d’arithmétique historique : 18e + 20e = 21e
18Il existe dans les archives de Pierre Naville un texte fondamental, demeuré inédit, qui éclaire d’un jour particulier l’une des ambitions de D’Holbach et la philosophie scientifique au xviiie siècle27.
19Ce texte est un « projet de préface », rédigé entre 1943 et 1945, où l’on peut, entre autres phrases marquantes, lire ceci : « Je voudrais parler du xviiie siècle comme d’un appel au xxe, au xxie siècle, serais-je tenté d’écrire, à voir le XXe déjà massacré dans la moitié de sa durée […] ». Et, un peu plus loin : « il en faut assez connaître des œuvres et les travaux du xviiie siècle, pour éclairer celles du XXe, et assez connaître celles du XXe pour les relier à leurs matrices anciennes […]. Ainsi notre travail risque-t-il de contribuer à l’animation de la conscience révolutionnaire contemporaine ». D’Holbach et Diderot, écrit Pierre Naville, « étaient redoutés parce qu’ils avaient connu le secret de se faire les champions de la connaissance scientifique sans cesser de viser des buts sociaux, d’être à la fois des philosophes et des moralistes pratiques, d’associer la connaissance théorique à l’activité économique. C’est un secret que les mandarins officiels du xixe siècle devaient essayer de ruiner »28.
20Comment opérer la transfusion de l’esprit révolutionnaire du xviiie siècle au xxe siècle ? En redonnant une modernité au xviiie siècle ; en capitalisant, au profit du xviiie siècle, la problématique de la modernité traditionnellement attribuée au xixe siècle, corrigeant, ce faisant, ce que la modernité au sens baudelairien du terme a d’an-historique, pour réaffirmer, avec Stendhal, la « pertinence du passé pour la perception du présent »29.
21Nombre d’écrivains pendant l’Occupation, tout en n’adhérant ni aux valeurs promues par le régime de Vichy, et encore moins à la collaboration avec les nazis, ont néanmoins admis de continuer à publier, donc de se plier aux exigences de la censure. De l’« accommodation » avec l’Occupant, Philippe Burrin a fait l’un des traits majeurs du comportement des Français sous l’Occupation30. Dans la perspective du xviiie siècle, cette attitude politique perd son caractère circonstanciel et scandaleux, pour devenir l’une des réactions possibles face à une situation d’oppression. Daniel Roche l’a montré : parmi la coterie de d’Holbach, et indépendamment des positions subversives des uns et les autres, l’attitude dominante n’a jamais été celle de la rupture frontale avec l’ordre politique, mais l’alliance du « conformisme des apparences avec l’affirmation du refus intellectuel », le règne de la « double conscience »31, qui ne débouche cependant pas sur un double discours, ou une « double doctrine ».
22Caractéristique du discours des anciens philosophes qui, pour ne pas heurter de front la religion établie, s’accommodaient des préjugés populaires dans leurs écrits publics, alors qu’ils défendaient oralement et secrètement auprès d’un petit nombre d’auditeurs choisis des positions souvent opposées aux premières, la double doctrine est fermement condamnée par d’Holbach32. Et, en 1943, Naville ne trahira pas cette intransigeance. Forcé par les circonstances à ne pas tout écrire de ce qu’il pense de d’Holbach, il n’en produit pas moins un ouvrage absolument neuf, republié tel quel en 1967, et qui, cinquante ans après sa parution initiale, est toujours considéré comme l’origine du renouveau des études holbachiennes.
23Si Pierre Naville ne fait pas le choix de la clandestinité, il n’en aide pas moins ses contemporains à rétablir la filiation historique avec une posture qui fut celle des Encyclopédistes. « Le xviiie siècle est le siècle de la littérature clandestine » écrit-il : « Il y a de quoi allécher. Presque toutes les œuvres capitales à nos yeux de ce siècle sont illégales ou quasi. Alors, on compulse les vieux exemplaires avec respect, avec amour. On songe au copiste discret, aux perquisitions, au rédacteur prudent et enthousiaste ». Tout rapprochement avec la situation connue par les écrivains ayant opté pour la résistance en France occupée n’est pas que pure coïncidence comme en témoigne la publication des Exercices d’un enterré vif de Julien Benda, écrivain Juif interdit de publication, sous le pseudonyme de D’Holbach justement, – plaquette que je ne suis jamais parvenue à voir, mais dont j’ai eu connaissance par le catalogue du libraire Henri Vigne. Hommage à celui qui, de son vivant, joua aussi le jeu dangereux de la clandestinité, et dont la lecture était à hauts risques comme le rappelle une lettre de Diderot, citée par Naville. Nous sommes en 1767 :
« Il avait reçu en payement, ou autrement d’un colporteur appelé Lécuyer, deux exemplaires du Christianisme dévoilé [du baron d’Holbach], et il avait vendu un de ces exemplaires à son maître. Celuici le défère au lieutenant de police. Le colporteur, sa femme et l’apprenti sont arrêtés tous trois et ils viennent d’être piloriés, fouettés et marqués, et l’apprenti condamné à neuf ans de galères, le colporteur à cinq ans, et la femme à l’hôpital pour toute sa vie »33.
24Naville surestime un peu les risques encourus par le baron :
« La chasse est maigre, en effet ; elle ne débouche guère, et au hasard d’une querelle de voisinage, que sur l’arrestation et la condamnation d’un colporteur qui diffusait Le Christianisme dévoilé. On se situe, avec cette arrestation, en bout de la chaîne de la filière clandestine. Cela ne pouvait donc guère inquiéter l’auteur, […] »34.
25De son vivant, d’Holbach ne publia rien ou presque sous son nom, et notamment pas son ouvrage majeur : Système de la nature, ou des Lois du monde physique et du monde moral (1770), attribué à « M. Mirabaud, secrétaire perpétuel et l’un des Quarante de l’Académie française »35. Ce n’est qu’en 1821 que l’ouvrage, qui connut un immense succès (neuf rééditions)36, parut pour la première fois sous le nom du baron. Ce pour peu de temps, il est vrai :
« Depuis 1770, date de la première édition de ce célèbre ouvrage, il en a
été donné maintes réimpressions dont quelques-unes ont été visées par
arrêts du Parlement de Paris.
Dans ce siècle, la destruction du Système de la nature a été ordonnée :
1 ° - Par arrêt de la Cour royale de Paris, du 29 mai 1823, condamnant
Paul Donière, libraire à Paris, à 6 mois de prison et 1000 frs d’ amende,
pour publication d’un ouvrage contenant des outrages à la morale publique et à toutes les religions (Moniteur du 26 mars 1825)
2 ° - Par arrêt de la même Cour, en date du 19 juin 1827 (point d’ insertion
au Moniteur) ; […] »37.
26La France de la Restauration fut ainsi plus sévère à l’égard du baron d’Holbach que l’État Français. N’est-ce pas en 1943, pour la première fois depuis 1770, et l’impression vendue douze sous du réquisitoire de l’avocat général Séguier, – « On dirait, ironise Grimm, que son projet était de faire lire une analyse très étendue et très exacte de ce livre à ceux qui n’étaient pas à portée de l’avoir ou qui ne pouvaient pas atteindre au prix auquel il se vend […] »38, que le Système de la nature, ouvrage dont Naville recopie de larges extraits, qu’il éclaire par ses commentaires, lui consacrant toute la troisième partie d’un livre tiré à 4 000 exemplaires, connaît sa première édition grand public ?
27On sait que le marquis de Sade se vantait d’avoir fait lire le Système de la nature, « cette pièce maîtresse de la philosophie matérialiste du xviiie siècle », au Pape39 ; il appartient à Pierre Naville de l’avoir mis à la portée du maréchal Pétain.
L’athéisme pratique
28« Un diable d’homme, inspiré par Belzébuth, vient de publier un livre intitulé Système de la nature, dans lequel il croit démontrer à chaque page qu’il n’y a point de Dieu. Ce livre effraie tout le monde, et tout le monde veut le lire… » écrit Voltaire à Mme du Deffand, le 30 juillet 177040. Voltaire, déiste convaincu, était extrêmement critique concernant le matérialisme athée de d’Holbach, et entendait bien réfuter cet ouvrage dangereux : « Non seulement ce livre fera un tort irréparable à la littérature, et rendra les philosophes odieux, mais il rendra la philosophie ridicule »41. Voltaire ne pardonnait pas à d’Holbach d’avoir excédé Spinoza. Dans ses « Remarques » sur Le Bon sens ou idées naturelles opposées aux idées surnaturelles que publie d’Holbach deux ans plus tard, en 1772, le patriarche de Ferney note sèchement : « Il est démontré qu’il y a une intelligence dans le monde. Spinoza en convient »42.
29Ce qui oppose Voltaire à d’Holbach n’est pas de nature exclusivement philosophique : l’athéisme généralisé est certes une aberration intellectuelle, mais surtout un danger politique majeur dans la mesure où l’athéisme, d’Holbach ne prétend pas l’établir d’un point de vue philosophique seulement, limitant ainsi son influence à la sphère des discussions éclairées, mais ambitionne de le doter d’une politique. Voltaire se rassure faussement : d’Holbach n’est pas un « athée de cabinet », mais un « athée de cour », un athée prosélyte et agissant43 dont l’athéisme débouche sur un Système social où sont rationnellement liées une nature sans Dieu, et une conception de l’ordre public fondé sur la loi pénale athée. Du point de vue de l’athéisme pratique, Éthocratie ou gouvernement fondé sur la morale que d’Holbach publie en 1776 est un ouvrage aussi fondamental que le Système de la nature.
30« Une fois, […] à l’avènement de Louis XVI et de Turgot, d’Holbach s’est essayé à tracer un programme de réformes immédiates […] qu’il dédia au nouveau roi »44. Éternelle ambiguïté de d’Holbach auquel, ainsi que l’atteste la dédicace de Éthocratie, il n’aurait visiblement pas déplu d’être conseiller du prince, d’un prince vertueux bien entendu… Pierre Naville énumère ensuite les réformes proposées par d’Holbach dans Éthocratie, en dressant le catalogue hétéroclite, sans véritablement parvenir à dégager la thèse essentielle du livre.
31Grimm avait coutume de dire que Le Bons sens était l’athéisme « mis à la portée des femmes de chambre et des perruquiers » ; Éthocratie est l’athéisme mis à la portée des gouvernants. Ainsi que le remarque Virgil W. Topazio, « d’Holbach est le philosophe qui a poussé à ses conséquences extrêmes l’élaboration d’un code éthique destiné à se substituer au code religieux »45, rendant non seulement pensable mais possible un monde sans Dieu, en laïcisant le châtiment, et en substituant au rôle de la conscience, celui de l’opinion publique. Pierre Naville, selon moi, sous-estime l’importance historique de Éthocratie : « Éthocratie ne devait pas faire fortune. La marée portait beaucoup plus loin les hommes et les événements. D’Holbach s’en rendit-il compte, au moment de sa mort, survenue pendant l’élection des États généraux ? »46. Ce qui allait survivre au « programme social » mort-né de Éthocratie, est la conception holbachienne d’une citoyenneté liée à la loi pénale morale, conception avec laquelle renoueront les Jacobins au moment de la Terreur. Et si d’Holbach avait, contrairement à ce que dit Naville, exercé une influence intellectuelle tout aussi essentielle que celle de Rousseau pendant la Révolution ?
32Ce n’est pas l’athéisme pratique de d’Holbach qui intéresse le plus Naville, mais le fait que le matérialisme du baron est annonciateur du matérialisme marxiste : « Près de quarante ans plus tard, l’héritage holbachique dans la pensée de Marx devient l’objet de la thèse de Denis Lecompte »47, ainsi que d’une véritable science du comportement humain, la « psychologie de comportement » ou béhaviorisme. En effet, D’Holbach n’écrit-il pas :
« Dans tous les phénomènes que l’homme nous présente depuis sa naissance jusqu’à sa fin, nous ne voyons qu’une suite de causes et d’effets nécessaires et conformes aux lois communes à tous les êtres de la nature… Tout ce qu’il fait et tout ce qui se passe en lui sont des effets de la force d’inertie, de la gravitation sur soi, en un mot de l’énergie qui lui est commune avec tous les êtres que nous voyons. »48
33L’objet essentiel du Système de la nature étant « l’étude des lois du comportement humain »49, Naville s’autorise à faire de d’Holbach le précurseur de Watson. Que cette lecture « psychologise » à outrance l’ouvre de d’Holbach et renseigne tout autant sur les centres d’intérêt de Pierre Naville que sur l’importance historique qu’il convient d’accorder à l’ouvre philosophique de l’auteur du Système de la nature, est une chose. Reste que le livre de Naville n’en réinstalle pas moins le « maître d’hôtel de la philosophie » du xviiie siècle sur le devant de la scène intellectuelle.
34Maurice Dommanget, qui, au moment où paraît le D’Holbach, a dans ses cartons un ouvrage inédit sur un autre athée révolutionnaire, « l’homme sans dieu », le babouviste Sylvain Maréchal, écrit à Pierre Naville :
« J’ai lu et étudié de près avec un grand intérêt et un vif plaisir ton ouvrage sur d’Holbach, et je regrette qu’une presse captive et dans l’ensemble inféodée à “l’Infâme” ne l’ait point fait connaître […] tu as fait le premier travail sérieux en langue française sur d’Holbach […] je crois qu’après la guerre des ouvrages comme ton d’Holbach et mon Sylvain Maréchal se liquideront. Bon nombre d’intellectuels en ont assez de la littérature confite en dévotion. Il y aura une réaction salutaire… »50
35La prévision allait se révéler totalement erronée.
Pourquoi Maurice Blanchot n’aime pas Paul-Henri Thiry d’Holbach
36Naville, dont le livre s’est correctement vendu, a visiblement imaginé faire plus concernant la diffusion de la pensée matérialiste du xviiie siècle, en lançant une collection chez Gallimard : « Puisque la NRF réclame de nouveaux volumes sur l’histoire du matérialisme, qu’elle se rend compte du succès éventuel de ces ouvrages et que tu veux bien intercéder en faveur de mon M[aréchal] », lui écrit Maurice Dommanget le 3 février 1944 :
« Je ne vois pas pourquoi je garderais plus longtemps mon manuscrit. Après d’Holbach, Maréchal, Lamettrie, etc. ce serait une galerie d’envergure. Elle ne serait point monotone car, par exemple, d’Holbach représente l’athéisme scientifique et Sylvain l’athéisme littéraire et social. De plus, pour Sylvain, il y a la participation à la Révolution, à la conjuration de Babeuf, à la lutte pour démasquer Bonaparte, le futur César, etc. […] »51.
37Or, c’est en vain que Pierre Naville jouera les intercesseurs : en juillet 1945, Gallimard refuse définitivement la publication de la biographie de Sylvain Maréchal.
38En réalité, c’est en 1943, et non pas à la Libération, et malgré l’existence de la censure52, qu’eut lieu le seul vrai débat concernant d’Holbach. Pierre Naville écrira :
« Je ne pouvais espérer, en 1943, que la critique put s’exprimer librement sur d’Holbach et l’athéisme. Plusieurs analyses de ce livre parurent cependant, et j’en retiendrai deux pour m’y attarder quelque peu, car je n’ai rien trouvé depuis qui allât au-delà, malgré les réserves imposées par le temps ».
39La première de ces importantes critiques est celle publiée par François Cuzin, « un esprit aigu et courageux disparu bien jeune » dans la revue que René Tavernier dirige en zone Sud, Confluences, revue de « contrebande » où s’exprime cet art si particulier de « dire des choses interdites avec des mots autorisés » (Aragon).
40François Cuzin salue dans l’ouvrage de Pierre Naville un d’Holbach vivant :
« On a faussement l’habitude de montrer la philosophie de d’Holbach tournée vers le passé, ranimant en quelque sorte les matérialismes antiques […]. Mais justement le matérialisme de d’Holbach est peut-être le premier matérialisme dynamique »53.
41Ce d’Holbach si vivant en 1943, c’est à Maurice Blanchot, alors critique littéraire au Journal des débats, qu’il revient de l’enterrer à nouveau. Et si c’était un 27 novembre 1943 que la guerre dans le champ intellectuel avait pris fin, que s’étaient à nouveau solidifiées des certitudes un moment ébranlées par les événements, et qu’avaient été à nouveau rompus les liens que Pierre Naville s’était efforcé de re-tisser entre le xviiie et le xxe siècle ? Jamais la question de l’athéisme n’aura été aussi violemment posée sur la table qu’en cette « année noire » de 1943… pour être aussitôt renvoyée au néant.
42Saluant un « important ouvrage », la longue recension que Maurice Blanchot consacre au D’Holbach de Naville débouche sur une virulente critique du matérialisme des Lumières :
« À bien des égards le point de vue de M. Naville paraît étroit. Il oublie volontiers que les affirmations antichrétiennes les plus fortes du xxe siècle sont aussi les plus sévèrement antimatérialistes ; que ce n’est pas seulement la métaphysique du xixe siècle qui a “repoussé au néant” le système de d’Holbach et que les conclusions par lesquelles notre temps rejoint parfois les critiques religieuses de l’Encyclopédie suppose un contenu de pensée et des postulats tout différents […] D’Holbach a-t-il été vraiment victime d’une conjuration du silence ? C’est possible ; […]. Mais il faut bien aussi imaginer d’autres motifs. Diderot, à peine moins antichrétien et tout aussi matérialiste, a survécu glorieusement à ses opinions détestables […] »54
43« Opinions détestables » qui, en leur temps, avaient au moins conquis un « contemporain capital », le marquis de Sade, dont Pierre Naville fut le premier à remarquer les emprunts littéraux faits à l’œuvre de d’Holbach :
« Sade connaissait fort bien les ouvrages de d’Holbach. Ses personnages le citent, […]. Tous les thèmes du Système de la nature sont systématiquement repris dans les exposés de principe qui coupent l’action de ses romans. Mieux encore : Sade a textuellement reproduit de nombreuses pages de d’Holbach dans ses livres, ce dont bien peu de critiques se sont avisés. »55
44Emprunts que Maurice Blanchot, lorsqu’il s’intéressera au marquis de Sade, après avoir lu Naville cependant, continuera à nier :
« Il lui a fallu [au marquis] en effet se débarrasser des philosophies athées à la mode pour lesquelles il ne pouvait qu’éprouver de la sympathie […] [et] dépasser l’idéologie naturaliste […] »56.
45En 1943, l’excommunication d’un matérialisme athée au profit d’un antichristianisme spiritualiste ignore la question Sade, pour sacrifier à l’esprit du temps, et brûler l’Encyclopédie sur les autels de la Révolution Nationale :
« Faire de l’homme une chose qu’on peut étudier comme une chose, c’est assurer aussi qu’on peut se servir de lui comme d’une chose et l’exploiter comme une chose. Toutes les contradictions du libéralisme sont déjà dans cette affirmation. Et le point de départ en est l’Encyclopédie. »57
46On céderait au péché d’anachronisme en faisant, en 1943, de Maurice Blanchot ce qu’il n’est pas encore, le critique français le plus influent de la seconde moitié du xxe siècle, mais on méconnaîtrait l’importance de cette année dans la préparation intellectuelle de l’après-guerre si on n’essayait pas de comprendre ce qui se joue alors autour du refus de cette « reprise » (Kierkegaard) du xviiie siècle athée.
47Maurice Blanchot opère sa réinsertion littéraire sous l’égide de Paulhan, l’un des « patrons » de la résistance littéraire. Blanchot, qui vient de publier son deuxième roman Aminabad (Gallimard, 1942), retient l’attention de la génération montante, en particulier celle de Jean-Paul Sartre qui lui consacre, au début de l’année 1943, une longue recension critique. Sartre est sans pitié : il manque à Maurice Blanchot, pâle imitation de Kafka, « de trouver son style ». Ce constat, plutôt aigre que doux, est assorti d’une note, elle, franchement perfide : « Maurice Blanchot a été, je crois, disciple de Charles Maurras »58. Quelques mois plus tard, ce rapport d’opposition va basculer en « une communauté inavouable » qui durera jusqu’en 1947. Cette complicité entre deux écrivains, Blanchot et Sartre, que tout, ou presque, oppose, se noue, de mon point de vue, en 1943, autour du D’Holbach de Pierre Naville.
48Les arguments invoqués par Maurice Blanchot contre l’Encyclopédie sont des lieux communs d’une rhétorique contre-révolutionnaire, étrangère à Sartre. En revanche, pour l’auteur de L’Être et le néant (Gallimard, juin 1943) qui, ainsi que l’écrit Jean-Pierre Salgas, n’a cessé d’osciller entre Le Diable et le Bon Dieu, demeurant « un athée timide, qui jamais n’abandonne […] le point fixe et assuré du cogito – au mieux va-t-il jusqu’à le farcir de néant pour le transformer en pour-soi – pas plus qu’il n’abandonne le fantôme de Dieu et les sécurités qu’il permet »59, le rejet de d’Holbach permet d’imposer une solution, « celle qui fut si largement admise au lendemain de la guerre : l’athéisme existentialiste et idéaliste, fondé sur la déréliction du cogito cartésien, dont on s’en fut puiser les sources chez Nieztsche ou chez Husserl et Heidegger pour les plus exigeants, et chez Hegel pour les moins exaltés »60. En 1944 : « Sartre philosophe se déclare […] comme le seul véritable athée de son temps, le seul qui aurait pris Nietzsche au sérieux » écrit Bernard Sichère61. Finalement, en barricadant l’accès au matérialisme des Lumières, en dévaluant la pensée de d’Holbach, et en disqualifiant le livre de Pierre Naville, Maurice Blanchot a contribué à offrir à Sartre une position singulière dans le monde de l’immédiate après-guerre, celle de l’athée-philosophe, position d’autant plus imprenable qu’elle était incomparable, « l’athéisme généralisé » du baron d’Holbach ayant quitté la scène intellectuelle.
49Elle était un peu folle, cette entreprise dans laquelle se lança Pierre Naville lorsqu’il prit la décision d’écrire la biographie intellectuelle du baron d’Holbach, exercice dont le fond – comme j’ai rapidement essayé de le montrer ici –, mais également la forme est d’une étonnante modernité.
50Nulle « illusion biographique » (Pierre Bourdieu) dans cette reconstitution non seulement de la vie, mais du milieu, et des idées de d’Holbach afin de redécouvrir la tradition du matérialisme scientifique athée, et de dégager un horizon politique. En ces temps de Révolution Nationale, D’Holbach et la philosophie scientifique au xviiie siècle ambitionne de ranimer un autre désir de révolution fondé, lui, sur les principes hérités de la Révolution française. « À bien des égards, le matérialisme de Diderot et de d’Holbach appartient à ces puissants mouvements de pensée dont l’effacement définitif signerait la disparition de la révolution elle-même »62.
Notes de bas de page
1 Jean-Jacques Rousseau, Julie ou la nouvelle Héloïse, [1761], Paris, Garnier, coll. « Classiques Garnier », 1988, p. 473-474.
2 Cité in Pierre Naville, D’Holbach et la philosophie scientifique au xviiie siècle, Paris, Gallimard, [1943], 1967, p. 84. L’édition de 1943 a pour titre : Paul Thiry d’Holbach et la philosophie scientifique au xviiie siècle.
3 Entretien avec Pierre Sipriot, « d’Holbach et Helvetius », Radiodiffusion française, 1948, p. 2. Voir Archives Pierre Naville, Bibliothèque du CEDIAS-Musée social, Paris [abrégées par la suite en APN].
4 On trouve quelques ouvrages consacrés au baron d’Holbach sous la Restauration, parmi lesquels on doit citer Mme de Genlis, Les Dîners du Baron d’Holbach dans lesquels se trouvent rassemblés, sous leurs noms, une partie des gens de la cour et des littérateurs les plus remarquables du xviiie siècle, Paris, Chez C. J. Trouvé, 1822 ; – F. T. Claudon, Le Baron d’Holbach, Paris, C. Allardin, 1835 ; – J. Hibbert, « A Short Account of the Life and Writings of the Baron d’Holbach », in Holbach, Nature and Her Law, London, J. Watson, 1834.
5 Michel Onfray, Traité d’athéologie. Physique de la métaphysique, Paris, Grasset, 2005, p. 56. Les autres grands travaux sur d’Holbach des années cinquante et soixante sont de Virgil W. Topazio, D’Holbach’s Moral Philosophy. Its Background and Development, Genève, Institut Voltaire, 1956 ainsi que d’Alan Charles Kors, D’Holbach’s coterie : an Enlightenment in Paris, Princeton, Princeton University Press, 1976. Voir aussi les grands articles de Henri Lion, « Essai sur les œuvres politiques et morales du baron d’Holbach », Annales révolutionnaires, t. XIV, 1922, p. 89-98, p. 265-280, p. 441-463 et « Essai sur d’Holbach. La Morale universelle de d’Holbach », Annales révolutionnaires, t. I, 1924, p. 42-63, ainsi que Georgette et Bernard Cazes, D’Holbach portatif, Paris, Jean-Jacques Pauvert éditeur, coll. « Libertés », 1967.
6 Il convient également de mentionner le travail de Jean-Pierre Jackson aux éditions Alive qui, entre 2001 et 2003, fit paraître trois volumes des Œuvres complètes du baron d’Holbach. Quatre autres volumes étaient annoncés. L’entreprise, au moment où j’écris ces lignes, en juin 2006, semble être interrompue.
7 Alain Sandrier, Le Style philosophique du baron d’Holbach. Conditions et contraintes du prosélytisme athée en France dans la seconde moitié du xviiie siècle, Paris, Honoré Champion, 2004, p. 19 et p. 27-94. Voir aussi Paulette Charbonnel, « 1770-1771 : bruit et fureur autour “d’un livre abominable”, Le Système de la Nature », in Aspects du discours matérialiste en France autour de 1770. Études sur le xviiie siècle, Textes et documents, Université de Caen, 1981, p. 78 : « Notre approche vise à présenter un dossier en vue de travaux ultérieurs : DEA, thèse de 3e cycle, recherches collectives en séminaire, etc. ».
8 Ibid., p. 43-46.
9 Ibid., p. 74-75.
10 Ibid., p. 79.
11 « Avertissement », in [Holbach], Lettres à Eugénie, cité in ibid., p. 75.
12 Olivier Bosc, « Avant-propos », in Le Matérialisme du xviiie siècle et la littérature clandestine, Paris, J. Vrin, 1982, p. 8.
13 Ibid., p. 13.
14 Ibid., p. 14.
15 On doit toutefois noter la parution, en 1928, du livre de René Hubert, D’Holbach et ses amis, chez un petit éditeur, André Delpeuch. Dans le monde anglo-saxon, on remarque, dans les années trente, deux titres : M. P. Cushing, Baron d’Holbach : a study of XVIIIth century Radicalism in France, Burt Franklin, 1914 et W. H. Wickwar, Baron d’Holbach, a Prelude to the French Revolution, 1935.
16 Pierre Naville, trotskyste, a été, entre autres choses, le fondateur du Parti Ouvrier révolutionnaire (1936). Voir la notice d’Alain Cuenot sur « Pierre Naville », in Jean Maitron (dir.), Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, 1914-1939, t. 37, Paris, Les Éditions ouvrières, 1990, p. 228-231. Voir aussi Jean-Jacques Marie, supra, p. 83-99. Dans un « Entretien » avec Véronique Grappe, qui figure dans les archives P. Naville, on apprend qu’à son retour de captivité en Allemagne, en 1941, Pierre Naville a passé le concours des conseillers d’orientation professionnelle. Il entrera au CNRS en octobre 1944 et abandonnera la psychologie pour la sociologie en 1949 : « [je] me suis refait pour la énième fois une éducation », voir infra, p. 412. Voir aussi : APN, Lettre à son père A. Naville, 21 septembre 1943.
17 Sur les rapports de la hiérarchie catholique et du régime de Vichy, consulter Jacques Duquesne, Les Catholiques français sous l’occupation, Paris, Grasset, coll. « Points-Histoire », 1996, p. 50 et Étienne Fouilloux, Les Chrétiens français entre crise et libération, 1937-1947, Paris, Seuil, 1997, p. 115-133.
18 Emmanuel Berl glissera « mensonges » dans la bouche du maréchal Pétain, mais « ces mensonges qui nous ont fait tant de mal » est un pastiche d’une phrase de Chateaubriand extraite du Génie du christianisme (1802). Citée in Roland Desné, Les Matérialistes français de 1750 à 1800, Paris, Buchet-Chastel, Coll. « Le vrai savoir », 1965, p. 9.
19 Entretien de Pierre Naville avec Pierre Sipriot, « D’Holbach et Helvetius », op. cit.
20 Pascal Fouché, L’Édition Française sous l’Occupation, 1940-1944, Paris, BLFC, Université Paris VII, 1987, t. II, p. 13-37.
21 APN.
22 Alain Sandrier, Le Style philosophique du baron d’Holbach…, op. cit., p. 17.
23 Denis Lecompte, Marx et le baron d’Holbach, Paris, PUF, 1983, p. 187.
24 Pierre Naville, D’Holbach…, op. cit., p. 8.
25 APN, Lettre de R. Queneau à P. Naville, 12 mars 1943 : « Le D’Holbach est à la composition mais il a été possible d’y ajouter le chapitre “Influence” que vous venez de m’envoyer. Il est possible également d’envisager une table des noms cités ».
26 APN, Lettre de P. Naville à son père A. Naville, le 17 décembre 1943 : « Le livre aurait pu être beaucoup amélioré si j’avais eu six mois de plus à ma disposition, et rien d’autre à faire. Mais c’est le fruit de mes heures de loisir, et rien de plus ». Voir aussi : « Le hasard des déplacements me servit. Un réduit à Poitiers, où je découvrai un exemplaire neuf de la première édition du Système de la nature, enseveli dans la bibliothèque départementale ; une chambre à Parthenay où je l’analysai ; une autre encore, à Agen, où je débarrassai de leur poussière maints volumes ; quelques stations à l’indispensable Bibliothèque Nationale de Paris ; des séjours ici et là, au cours desquels grossissait un paquet de feuilles. Des entretiens avec plus érudits que moi me manquèrent. J’y suppléai par un redoublement de contrôle des textes et des idées », in Pierre Naville, D’Holbach…, op. cit., p. 7-8.
27 APN, Dossier D’Holbach. Textes et documents.
28 « Influences », in Pierre Naville, D’Holbach…, op. cit., p. 314.
29 Antoine Compagnon, Les cinq paradoxes de la modernité, Paris, Seuil, 1990, p. 27-37.
30 Philippe Burrin, La France à l’heure allemande, 1940-1944, Paris, Seuil, 1995, p. 9.
31 Daniel Roche, « Salons, Lumières, engagement politique : la coterie d’Holbach dévoilée », in Les Républicains des Lettres. Gens de culture et Lumières au xviiie siècle, Paris, Fayard, 1988, p. 242-253.
32 Alain Sandrier, Le Style philosophique du baron d’Holbach…, op. cit., p. 60.
33 Pierre Naville, « La propagande clandestine et ses dangers », in D’Holbach…, op. cit., p. 106-108.
34 Alain Sandrier, Le Style philosophique du baron d’Holbach…, op. cit., p. 43.
35 « Mirabaud (1675-1760) fait aussi partie de ces « Académiciens » singuliers qui complétaient leurs publications savantes par la rédaction de manuscrits plus critiques. […] l’œuvre clandestine de Mirabaud appartient de toute évidence au mouvement préencyclopédiste et matérialiste », in Pierre Naville, D’Holbach…, op. cit., p. 158-159.
36 Voir Pierre Naville, « Bibliographie », in D’Holbach…, op. cit., p. 430.
37 Fernand Drujon, Catalogue des ouvrages poursuivis, supprimés ou condamnés depuis le 21 oct 1814 jusqu’au 31 juillet 1877, Paris, 1879, p. 369-370.
38 Alain Sandrier, Le Style philosophique du baron d’Holbach…, op. cit., p. 30-31, note 10. Voir aussi, Paulette Charbonnel, « 1770-1771 : bruit et fureur autour “d’un livre abominable”, Le Système de la Nature », in Aspects du discours matérialiste en France autour de 1770…, op. cit., p. 100-103 : les extraits et citations du Système de la nature représentent quinze pages sur les vingt-huit que contient l’exemplaire du réquisitoire de l’avocat général Séguier déposé à la BNF, et reproduit ibid., p. 167-212.
39 « Le livre qui lui sert de Bible scientifique, si l’on peut dire : c’est Le Système de la nature de d’Holbach, imprimé en 1770. Sade l’a répété cent fois : ce système est le sien, et il n’en saurait changer. Ce que le moribond de son premier écrit rétorque au prêtre, ce sont les maximes du Bon sens de d’Holbach. […] » ; « un livre que j’ai fait lire au pape ». Pierre Naville, « Sade et la philosophie » [1962], in Marquis de Sade, Œuvres complètes, Édition Tête de Feuille, 1973.
40 Pierre Naville, D’Holbach…, op. cit., p. 115.
41 Ibid., p. 117.
42 Voltaire, Œuvres. Mélanges, t. XIV, Paris, Lefèvre libraire, 1834, p. 570.
43 Voir la note que Voltaire rédige pour faire connaître la « profession de foi de Spinosa » et critiquer Le Système de la nature, à la suite de l’article « Dieu », in Dictionnaire philosophique, Paris, Garnier, 1967, p. 505-521.
44 Pierre Naville, D’Holbach…, op. cit., p. 399.
45 Virgil W. Topazio, D’Holbach’s moral philosophy…, op. cit., p. 155. Pour une analyse différente, mais guère plus précise, consulter : W. H. Wickwar, Baron d’Holbach…, op. cit., p. 98-103.
46 Pierre Naville, D’Holbach…, op. cit., p. 403.
47 Alain Sandrier, Le Style philosophique du baron d’Holbach…, op. cit., p. 17-18.
48 Pierre Naville, D’Holbach…, op. cit., p. 260.
49 Ibid., p. 242.
50 APN, Lettre du 22 janvier 1944.
51 APN.
52 APN. Le 12 octobre 1943, Maurice Dommanget écrit à Pierre Naville : « Mon cher Naville, j’apprends que tu viens de faire paraître un livre sur d’Holbach par une courte mention – bien trop courte – de R. Guérin. Je regrette, étant donné l’époque, de ne pouvoir faire connaître l’ouvrage dans la Revue historique de la Révolution française et dans l’École Émancipée. […] ». Et le 21 novembre 1943 : « J’ai vu dans L’Œuvre la notule de Guérin. Pour un livre sur d’Holbach c’est scandaleux. Le gaillard aime mieux s’appesantir sur les livres de Christiales ( ?). […] ».
53 Cité in Pierre Naville, « Préface », in D’Holbach…, op. cit., p. 10.
54 Maurice Blanchot, « D’Holbach », Le Journal des Débats, 27 novembre 1943.
55 Pierre Naville, D’Holbach…, op. cit., p. 367. C’est sur la suggestion de Pierre Naville que Jean Deprun établira le premier relevé « précis et détaillé » des emprunts littéraux – et inavoués – de Sade à l’œuvre du baron d’Holbach. Lorsque Sade « emprunte », il déploie des stratégies sophistiquées, allège, condense, abrège, dramatise, radicalise, francise les textes recopiés, qu’ainsi il se réapproprie.
56 Maurice Blanchot, « À la rencontre de Sade », Les Temps modernes, no 25, octobre 1947, p. 610.
57 Maurice Blanchot, « D’Holbach », loc. cit.
58 Jean-Paul Sartre, « Aminadab ou du fantastique considéré comme un langage », Critiques littéraires. Situations I, Paris, Gallimard, [1947], coll. « Folio-Essais », 1993, p. 114.
59 Jean-Pierre Salgas, « J’étais… avant tout le monde », in Witold Gombrowicz, Paris, Seuil, coll. « Les contemporains », 2000, p. 222. Voir aussi François George, Deux études sur Sartre, Bourgois, 1976, p. 328 : « Sartre maintient avec Dieu un rapport négatif ».
60 Pierre Naville, « Préface » citée, p. 11.
61 Bernard Sichère, Le Dieu des écrivains, Paris, Gallimard, 1999, p. 27.
62 Pierre Naville, « Préface » citée, p. 16.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les entrepreneurs du coton
Innovation et développement économique (France du Nord, 1700-1830)
Mohamed Kasdi
2014
Les Houillères entre l’État, le marché et la société
Les territoires de la résilience (xviiie - xxie siècles)
Sylvie Aprile, Matthieu de Oliveira, Béatrice Touchelay et al. (dir.)
2015
Les Écoles dans la guerre
Acteurs et institutions éducatives dans les tourmentes guerrières (xviie-xxe siècles)
Jean-François Condette (dir.)
2014
Europe de papier
Projets européens au xixe siècle
Sylvie Aprile, Cristina Cassina, Philippe Darriulat et al. (dir.)
2015