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Pierre Naville, chroniqueur politique : lignes de force et discontinuités
p. 115-125
Texte intégral
1Pierre Naville, qui fut successivement ou simultanément dirigeant de formations politiques, candidat à divers scrutins, orateur de centaines de réunions publiques, écrivain politique dans de nombreuses publications de périodicité, diffusion et contenu variables, fut aussi un chroniqueur politique. Sous cette dénomination, nous retenons ceux de ses articles qui répondent aux critères de régularité éditoriale et de continuité thématique qui caractérisent traditionnellement une chronique, « partie d’un journal consacrée à un sujet particulier » selon la définition du Petit Robert1. La sélection à laquelle nous avons procédé ne prétend nullement à l’exhaustivité, tant sont nombreux les articles pouvant être intégrés à cette rubrique. L’examen de la bibliographie des écrits de Pierre Naville, la consultation de ses archives et des recueils publiés fait toutefois apparaître trois corpus d’articles, de date, volume et centre d’intérêt différents.
2Le premier rassemble les 162 articles publiés de 1927 à 1939 dans La Vérité, La Lutte ouvrière ou La Lutte de classes et réédités en 19762. Il correspond à la période la plus intense d’engagement politique de l’auteur, alors l’un des responsables du mouvement trotskyste en France. Le deuxième comprend les articles sur le conflit indochinois (1946-1954) et la guerre de Corée (1950-1953), dont les principaux, 65 articles écrits de 1948 à 1956 pour la Bataille socialiste et L’Observateur puis France Observateur, sont repris dans Guerres d’Asie en 19673. On peut distinguer enfin un troisième ensemble, aux contours plus flous, rassemblant une trentaine d’articles écrits de 1957 à 1965 dans Tribune du peuple, Tribune socialiste et France Observateur, et portant sur l’imbrication des problèmes militaires et des crises politiques, tant en Algérie qu’en France et sur la scène de la « grande politique » internationale4.
3D’autres thèmes ou ensembles pourraient facilement être dégagés : les problèmes de l’enseignement dans leur dimension politique, la « déstalinisation » et l’évolution de l’URSS jusqu’à Gorbatchev5, les questions sociales et syndicales après 1945. Mais des raisons tant pratiques que de fonds justifient notre choix. Si les premières (accessibilité inégale des articles, manque de temps pour explorer la totalité du fonds) ne sont pas négligeables, des motifs scientifiquement plus « légitimes » peuvent être avancés.
4Deux de ces corpus ont fait l’objet d’une publication quasi complète en recueils a posteriori. La correspondance de Naville témoigne d’une remarquable constance à vouloir rééditer certains de ses propres articles, pour des raisons dont il rend lui-même clairement compte.
5Dès 1965, dans une lettre à Jean Risacher, il informe de son intention de publier « deux volumes » de matériaux sur l’histoire de l’Opposition de gauche et du mouvement trotskyste en France, l’un comprenant ses principaux articles, l’autre des textes collectifs, et de l’« offre ferme » de Clemens Heller de les éditer chez Mouton6. Les volumes, terminés en 19677, sont annoncés en 1972 aux Études et Documentation Internationale (EDI)8. Seul le premier volume est finalement publié en 1976, Naville ne renonçant pas à la publication du second, rédigeant ainsi en 1979 un « avertissement » informant que ces documents collectifs ont été « la plupart du temps rédigés par une seule personne »9. De la même façon, c’est en 1963 que Naville informe Jean Risacher de son intention de préparer deux recueils d’articles, l’un sur « La classe ouvrière et le régime gaulliste », l’autre sur les guerres de Corée et du Vietnam10. Il faut bien sûr s’interroger sur le sens de cette persévérance, notable à propos d’autres textes et vérifiable aussi par le soin mis à classer ses propres écrits, quasiment tous « prêts à publier »11. Une première explication vient à l’esprit, confirmée par l’auteur lui-même : ses articles, même anciens, auraient, en sus de leur valeur « historique », une valeur proprement politique et heuristique. Naville explique ainsi, dans l’« Avertissement » à L’Entre-deux-guerres, que ses articles, évidemment sources pour des « historiens scrupuleux », proposent aussi des éléments d’interprétation de la société française et ont donc une « portée actuelle »12. Il en est de même des articles sur les guerres d’Asie, édités il est vrai en 1967, au cœur de la « seconde guerre du Vietnam », mais c’est dès 1963, alors que ce conflit est encore dans les limbes, que l’auteur leur attribue « une certaine valeur »13.
6Quant au troisième ensemble, composé d’articles postérieurs à 1957, il ne présente pas le même caractère de continuité et n’a pas fait l’objet d’un projet de recueil homogène. Les textes reproduits en 1964 dans La classe ouvrière et le régime gaulliste abordent en réalité bien d’autres thèmes que le titre ne le laisse supposer et regroupent des écrits au statut hétérogène, de la revue scientifique à la « littérature grise », destinés à des publics différents14.
7Nous avons cependant découpé nous-même un corpus sur la base des critères indiqués, les articles choisis nous semblant représentatifs du « dernier Naville », celui qui tente, avec un bonheur inégal, d’encastrer les questions militaires dans le politique, quitte à montrer que, par moments, la guerre impose ses rythmes et sa loi au politique.
8L’examen successif de chacun des corpus permettra de s’interroger sur les éventuelles continuités comme sur les discontinuités qui les relient et les séparent.
France Observateur, no 391, 7 novembre 1957.

Archives personnelles de Gilles Morin
Pierre Naville, chroniqueur trotskyste
9Les articles publiés de 1927 à 1939 dans La Vérité, La Lutte de classes et La Lutte ouvrière, alors que Naville est tout entier absorbé par le militantisme, sont évidemment des articles d’intervention politique qui « mettent en musique » les thèses de Léon Trotsky et du courant international qu’il anime. Le plus souvent non signés, ils pourraient aussi bien émaner d’un autre dirigeant du mouvement. Il serait donc incongru de chercher dans ces textes les signes annonciateurs de l’œuvre scientifique à venir, pas plus que les traces d’un quelconque « navillisme ». Pour autant, on note à plusieurs reprises la présence dans cet ensemble d’analyses sociologiques, qui tentent de fonder la perspective politique sur une juste compréhension du substrat social de la France. Dès 1928, Naville attire l’attention sur l’importance des « couches intermédiaires », notant que la France est « par excellence le champ où s’exercent ces catégories sociales »15. En 1934 encore, analysant le courant entraînant « les masses qui soutiennent le parti radical » vers les manifestations antifascistes des 8-12 février 1934, il note que la multiplication de ces jonctions locales entre radicaux et organisations socialistes et communistes porte en germe la désagrégation du « parti par excellence des couches intermédiaires », le parti radical16. Il en conclut qu’il faut s’appuyer sur ce mouvement pour rallier « non seulement les prolétaires, mais aussi les classes moyennes et spécialement les radicaux » en mobilisant en particulier, anticipant sur le discours du futur Front populaire, l’héritage historique de la Révolution française :
« Et puisque les radicaux se réfèrent souvent au souvenir des Jacobins, qu’ils se rappellent la Convention. Nous ne répugnons pas à l’évocation de cette assemblée révolutionnaire qui dut son énergie révolutionnaire avant tout au soulèvement des prolétaires et artisans armés, et unis fraternellement dans leurs sections locales, au cri de La liberté ou la mort ! »17.
10Cette analyse, qui s’accorde alors – tout en l’étoffant – avec le point de vue développé par Trotsky18, reste mort-née. Le désaccord entre Naville et Trotsky, qui surgit à l’été 1934 sur « l’entrisme » dans la SFIO, et leur rupture temporaire, coupe court à cette élaboration19. En octobre 1936, les radicaux ne sont plus que « le chien de garde le plus fidèle de l’impérialisme français »20. Reste que Naville, dans son dernier texte public avant l’éclatement du second conflit mondial, revient encore sur la question, constatant que « l’ébranlement du régime ne produit jamais de lui-même le triomphe du progrès » et qu’en France, le pouvoir parvient à « tempérer » les contradictions sociales et à associer de larges couches, faisant du parti radical « le centre du système »21. Sa conclusion, pessimiste, sonne comme un constat d’échec : « Ce ne sont pas là des raisons de désespérer. Mais il faut savoir mesurer l’adversaire, et organiser la lutte en conséquence ». Cet article est le dernier de Naville comme militant trotskyste. La guerre et la captivité sonneront pour lui l’heure de la réflexion et du réarmement. Pour autant, comme on le sait, le Naville de 1976 ne renie pas ses écrits d’antan. Par-delà leur valeur de sources, ils offrent selon lui un « élément d’interprétation de la crise du capitalisme » dans les années 1930, où l’« économie composite » de la France amortit crises et poussées révolutionnaires. Une vision bien classique au moment de l’édition du recueil, particulièrement après la publication des études d’Alfred Sauvy22. Plus surprenant, l’auteur estime que « l’opposition de gauche », « à peu près seule », a tenté une stratégie « qui tienne compte de toutes ces données »23, ce qui n’apparaît guère à la lecture de sa presse et des propres écrits de Naville à l’époque… En fait, Pierre Naville (1976) pratique une lecture sélective de Naville (1926-1939) en établissant une continuité quelque peu forcée entre ses positions d’avant et d’après-guerre, qui valorise ceux des articles qui le permettent.
Pierre Naville, chroniqueur militaire
11Le corpus d’articles écrits de 1949 à 1956 sur les conflits indochinois et coréen et publié pour l’essentiel en 1967 est le fait d’un nouveau Naville. Chercheur au CNRS depuis 1944, engagé dans la préparation de sa thèse, il marque également un vif intérêt pour Clausewitz et les problèmes de la guerre, traduit dans un texte de 1952 pour Les Temps modernes, signé « Paul Rossel »24. Pierre Naville reste militant, au Parti socialiste unitaire, puis à la Nouvelle Gauche, mais, entre 1950 et 1953, ses chroniques sur les « guerres d’Asie » sont ses seuls articles politiques. Il n’est pas question de restituer ici l’ensemble des situations et problèmes couverts par ce corpus de 65 articles, qui suit la courbe des événements, de l’invasion nord-coréenne de juin 1950 à Diên Biên Phû, ni de pointer les inévitables erreurs de « pronostics » quant à l’issue militaire des événements25. Deux fils courent au travers de ces textes.
12On y trouve d’abord une vision « continentale » des conflits, « De la Corée à l’Inde », qui l’amène à surestimer l’ampleur de la dynamique révolutionnaire, et sans doute à sous-évaluer la pertinence du cadre national. Un mois après le début du conflit en Corée, il tente de saisir d’un seul tenant « la stratégie de libération asienne dans une lutte allumée depuis la Corée jusqu’aux portes de l’Arabie », analysant dans un cadre commun les « fronts » de Formose, du Vietnam, de Birmanie ou d’Inde26. Cette perspective « objectiviste » le conduit à évacuer la question de la nature des régimes en cause : l’armée nord-coréenne est qualifiée d’armée « du peuple coréen » et les projets chinois au Tibet de « libération » de ce pays. Elle fait d’ailleurs l’objet d’une critique de Jean Chesneaux pour qui une unité entre différents théâtres d’opération seulement fondée sur l’unité de l’adversaire oublie la médiation du fait national27.
13On y trouve aussi l’établissement d’un lien constant entre opérations militaires et contenu social des forces en présence, entre guerre et politique. Ce lien est d’abord institué de façon sommaire. L’auteur affirme ainsi que :
« si l’on se place sur le terrain politique et social, et non seulement militaire, une seule conclusion s’impose : c’est que le Vietnam libre et démocratique vaincra parce qu’il incarne le progrès social face à l’impérialisme décadent. Contre cela, ni Saint-Cyr ni Polytechnique ne prévaudront »28.
14Dans la même veine, quelques mois plus tard, on peut lire que :
« la victoire en guerre est la suprématie finale d’une signification sur une autre : c’est pourquoi la guerre est et reste l’arme d’une politique. Si cette politique est celle de la Libération, elle finira par triompher en dépit de définitions formelles et occasionnelles de l’agresseur »29.
15L’évolution des opérations comme le travail entamé sur l’œuvre de Clausewitz amènent des conclusions plus nuancées, mettant au jour un rapport guerre-politique qui n’est plus univoque. Si la guerre est bien l’instrument de la politique, « par son usage prolongé et généralisé, elle tend à son tour à devenir le but de la politique, écueil majeur pour toute révolution sociale dont elle peut saper les bases : construire et reconstruire ne sont pas synonymes, hélas ! »30. Un conflit peut également se conclure par un compromis, tel l’armistice de Panmunjon en Corée qui solde l’abandon par les deux camps « pour une période assez longue » de leur but de guerre : l’unification du pays à leur profit31. On retrouve ces réflexions sous une forme plus générale dans l’article de 1952 sur Clausewitz, repris en « Introduction » de l’édition en 1955 de De la guerre, dans la traduction de Denise Naville32. On ne peut confondre la « guerre absolue » marquée par la « montée aux extrêmes » et la « guerre réelle », où se combine l’action réciproque des protagonistes :
« Car l’armée n’est pas l’instrument de la politique au sens où le marteau est un instrument dans la main… La politique occupe ou quitte le devant de la scène comme la guerre elle-même, et c’est la combinaison de leur enchaînement qui en fait le succès. La guerre n’est pas en fait subordonnée à la politique (comme le militaire au civil). Elle en est la forme la plus haute, l’achèvement momentané dans certaines conditions, comme l’insurrection est le moment décisif de la révolution sans être pour cela toute la révolution. »33
Pierre Naville, chroniqueur « politico-militaire »
16De 1957 à 1965, Pierre Naville renoue avec un militantisme actif, à l’Union de la gauche socialiste (UGS), puis au Parti socialiste unifié (PSU), dont il est l’un des dirigeants34. Ses articles dans Tribune du peuple et Tribune socialiste, hebdomadaires de l’UGS, puis du PSU, comme dans France Observateur, abordent les sujets les plus divers. C’est toutefois le lien entre crises politiques et problèmes militaires qui occupe principalement son intérêt. On en trouve les illustrations dans trois directions : l’étude des crises internationales, la guerre d’Algérie et la politique intérieure gaullienne35.
17Sur le premier point, Naville tente de démontrer systématiquement que l’issue pacifique des crises internationales exige l’intervention des forces sociales sur la scène intérieure des pays concernés. Dans la deuxième crise de Berlin (1958-1959), l’éclatement d’une guerre ouverte ou le compromis type Genève ou Panmunjon ne sont à ses yeux que de fausses solutions qui s’opposent toutes deux à une paix durable36. Celle-ci passe par des élections libres dans toute l’Allemagne, la réunion d’une assemblée constituante pour laquelle il appelle à une initiative du SPD et des syndicats de RFA37. Sur l’Algérie, d’emblée convaincu que le problème est « d’abord social et qu’en faire un problème militaire, c’est renoncer à le résoudre »38, il écrit en 1959 que les succès initiaux du plan Challe approfondissent l’impasse, car l’algérianisation du conflit, en impliquant des supplétifs autochtones au côté de l’armée française, l’aggrave au lieu de l’atténuer39. Sur le dernier thème, d’abord persuadé que le retour de De Gaulle fait peser la menace d’une dictature40, puis, en 1961, que la France vit « dans un état de guerre civile larvée, comme sous l’occupation allemande »41, il met la question militaire au cœur de son analyse du régime. L’armée est son « terrain nourricier » et le régime ne vise pas à moins, en créant une armée de métier, qu’à « militariser » le pays42 : la réquisition des mineurs en grève en mars 1963 fait peser le danger de « l’établissement d’un régime militaire propice à toutes les répressions et toutes les aventures »43.
18Ces analyses, alors partagées par une bonne part de la gauche française, ne se concrétisant pas, Pierre Naville se préoccupe davantage, les années suivantes, d’une politique militaire alternative, avançant une perspective de « réforme de l’armée », qui ne se confond pas avec l’organisation d’une future « armée socialiste »44. Ces préoccupations apparaissent d’ailleurs dès 1959-1961, dans des textes regroupés en brochure pour le Centre d’études socialistes : la répugnance des gauches à aborder les problèmes militaires est d’autant plus fâcheuse que « jusqu’à présent, les révolutions modernes, les révolutions socialistes ont à peu près toujours eu lieu en liaison avec une guerre et souvent même comme effet de cette guerre »45. Il faut donc mettre à l’étude un programme militaire, quelle que soit l’appellation qu’on lui donne46.
19Les derniers articles politiques, dans les années 1970 et 1980, poursuivent ce questionnement. Considéré comme un expert en problèmes militaires, invité à plusieurs reprises comme conférencier par les armées47, il continue à s’interroger sur le « type d’organisation armée pour une société qui ferait de gros progrès de socialisation », regrettant que les « révolutionnaires, une fois de plus, se réfugient dans un pacifisme absolu, un non catégorique au nucléaire »48. Le couple guerre-révolution reste sans doute jusqu’au bout le pivot de sa pensée politique, alors même qu’il s’interroge sur la possibilité de la seconde, dans un pays qui compte pourtant « 90 % de salariés »… Sauf « en cas de guerre, peut-être » où « l’on peut imaginer un mouvement qui prendrait des allures révolutionnaires, ne serait-ce que parce qu’il demanderait la paix »49.
20Les corpus de textes étudiés laissent apparaître une forte discontinuité entre la masse d’articles rédigés avant 1940 pour les publications trotskystes, en fait une chronique politique « généraliste » au sens commun du terme, et les articles plus spécialisés et topiques de l’après-guerre. Un raisonnement hâtif pourrait ainsi opposer l’éditorialiste militant à « l’intellectuel spécifique » qui se dégage peu à peu au fil des années cinquante. Cette vision, pas complètement erronée, masque un fil rouge qui court de 1929 à 1980, de La Vérité à Tribune socialiste. Pierre Naville, comme l’a noté Gilles Martinet, est peut-être « demeuré au plus profond de lui-même un communiste », et Trotsky « un guide jamais remplacé »50. Naville n’a d’ailleurs jamais admis s’être « trompé », au sens commun du terme, répondant en 1978 à Véronique Grappe que « se tromper, ce n’est pas la même chose que de constater que des événements ne se sont pas produits de la façon dont on l’espérait… Tu es battu dans un combat, cela ne veut pas dire que tu avais tort de l’entreprendre »51. On ne peut écarter pour autant les nombreux écrits dans lesquels il argumente sur les raisons profondes de sa rupture avec le mouvement trotskyste, « désaccordé avec le nouveau monde issu de la défaite militaire de l’Allemagne et du Japon »52. Reste le fil conducteur du couple guerre-révolution, toujours plus explicite dans son œuvre politique. C’est en ce sens que Pierre Naville est peut-être, « idéal-typiquement », un intellectuel trotskyste53.
Notes de bas de page
1 Logiquement, selon cette définition, le « chroniqueur » est le rédacteur chargé d’une chronique du journal.
2 Pierre Naville, L’Entre-Deux-Guerres, La lutte de classes en France, 1926-1939, Paris, Études et Documentation Internationale, coll. « Matériaux pour l’histoire du mouvement communiste en France », 1975, 324 p.
3 Pierre Naville, Questions du socialisme, II. La guerre et la révolution, 1. Guerres d’Asie, Vietnam, Corée, Paris, Études et Documentation internationale, 1967, 324 p. Nous n’avons pas consulté les six articles écrits sur le sujet pour la Revue Internationale en 1947 et édités en recueil en 1949.
4 Certains d’entre eux sont repris dans Questions du socialisme. I. La classe ouvrière et le régime gaulliste, Paris, EDI, 1964, 500 p. Ce volume réunit 41 articles écrits sur différents sujets (la guerre d’Algérie, la formation du PSU, les problèmes internationaux…) de 1952 à 1963. Après 1965, la production proprement politique de Naville se raréfie, sauf pendant quelques années sur le Vietnam.
5 Objet de son dernier livre, publié à compte d’auteur, Gorbatchev et la réforme en URSS, Paris, La Pensée universelle, 1992, 255 p.
6 Archives Pierre Naville, Bibliothèque du CEDIAS-Musée social, Paris, [abrégées par la suite en APN], Dossier XV, Lettre à J. Risacher, 26 mars 1965.
7 APN, Dossier 3, Lettre à P. Broué, 15 avril 1967.
8 P. Naville annonce à J. Risacher (APN, Dossier XV, Lettre du 13 juillet 1972) que « le livre d’articles d’avant-guerre » est prêt en octobre et se dit prêt à « aider financièrement l’édition », sous réserve de compensations sur la vente.
9 APN, Dossier « Matériaux pour l’histoire du mouvement communiste en France, II », « Avertissement », 14 mai 1979.
10 APN, Dossier XLI, Lettre à J. Risacher, 23 mars 1963.
11 Les recueils d’articles sont ainsi regroupés dans la série « Questions du socialisme » chez EDI. Dans sa dernière bibliographie (Mémoires imparfaites. Le temps des guerres, Paris, La Découverte, 1987, p. 4), Naville inclut également dans cette « série » d’autres écrits qui n’y figuraient pas initialement, comme Trotsky vivant (Paris, Éditions Julliard, coll. « Dossiers des Lettres nouvelles », 1962) ou Mahan et la maîtrise des mers (Paris, Berger-Levrault, coll. « Stratégies », 1981).
12 « Avertissement », L’Entre-Deux-Guerres…, op. cit, p. 8-9.
13 APN, Dossier XLI, Lettre à J. Risacher, 23 mars 1963.
14 Le recueil rassemble des textes parus dans L’Année sociologique ou L’Annuaire de l’URSS, mais aussi Arguments, Esprit, Tribune du peuple, Présence africaine, etc. Dans sa « Préface », Naville dit avoir pris « le risque de réimprimer » ses articles, « à la demande de nombreux militants » et parce qu’ils lui paraissent comporter « des enseignements toujours utiles à l’action socialiste », La classe ouvrière…, op. cit., p. 7.
15 « Situation de la petite-bourgeoisie en France », La Lutte de classes, août-septembre 1928 ; – L’Entre-deux guerres…, op. cit., p. 70-87.
16 « Les classes moyennes à la croisée des chemins », La Vérité, 15 juin 1934. Ibid. p. 423-425. Pour une analyse d’ensemble de ces manifestations, nous nous permettons de renvoyer à notre article « Quel antifascisme ? Ordres du jour et mots d’ordre des manifestations républicaines de février 1934 », Cahiers Léon Blum, 34, automne 2003, p. 99-111.
17 Ibid. Le regretté Jacques Kergoat avait attiré l’attention sur ce texte, sans indiquer son auteur, dans La France du Front populaire, Paris, La Découverte, 1986, p. 53-54.
18 Cf. Léon Trotsky, « Pour un programme d’action », Œuvres, t. 4, Paris, EDI, 1979.
19 Rappelons que « l’entrisme » définit alors l’adhésion à la SFIO, publique et en bloc, des militants trotskystes, pour y constituer le « Groupe bolchevik léniniste » (GBL). En désaccord avec cette perspective, Naville est exclu en septembre 1934, avant d’adhérer à son tour à la SFIO et de retrouver le GBL à l’été 1935. Voir également à ce sujet le texte de Jean-Jacques Marie, supra, p. 83-99.
20 « Les radicaux unanimes », La Lutte ouvrière, 30 octobre 1936, L’Entre-deux guerres…, op. cit., p. 516-517.
21 « La Dictature », Quatrième Internationale, avril 1939, ibid., p. 598-600. Le texte porte sur ce que l’on nomme alors « la dictature Daladier ».
22 Alfred Sauvy, Histoire économique de la France entre les deux guerres, Paris, Calmann-Lévy, 2 vol., 1966-1968.
23 « Introduction », L’Entre-deux guerres…, op. cit., p. 21.
24 Naville affirme (APN. Dossier V, Lettre à J. Chesneaux, 21 juin 1967) que ce pseudonyme aurait été suggéré par Roger Stéphane. Il l’utilise pour signer de 1950 à 1956 tous ses articles militaires dans l’Observateur et France Observateur.
25 Ainsi, à l’été 1950, Naville envisage à plusieurs reprises l’éventualité d’une défaite des forces américaines en Corée, Guerres d’Asie…, op. cit., p. 66-94.
26 « De la Corée à l’Inde », 27 juillet 1950, ibid., p. 61-65.
27 APN, Dossier XXIII, La Quinzaine littéraire, 15 juin 1967.
28 « Bilan de cinq années de guerre », 1er février 1950, Guerres d’Asie…, op. cit., p. 56.
29 « Stratégie asienne et stratégie occidentale », 20 juillet 1950, ibid., p. 58.
30 « Tonkin et Corée : projets de guerre perpétuelle », 5 juin 1951, ibid., p. 137. Le texte avance la perspective d’une guerre d’usure prolongée en Asie où le soldat occidental « doit s’attendre, comme le soldat romain, à monter indéfiniment la garde aux confins de l’imperium ». De même, Chine, Corée du Nord et URSS sont contraintes d’ouvrir aux peuples asiatiques la même perspective : « guerroyer jusqu’à ce que les gens de l’ONU aient abandonné l’Asie, perspective qui peut mettre en péril l’objet profond de la lutte, la transformation sociale du continent ».
31 « L’interdépendance des fronts et l’armistice en Corée », 7 avril 1953, ibid., p. 229-233. Une victoire éventuelle impliquait pour chacun des deux camps l’extension du conflit, d’un côté par un engagement plus important de l’URSS, délicate dans la phase de transition que connaît le pays après le récent décès de Staline, de l’autre par une extension des opérations américaines en Asie, en particulier en soutien à la France en Indochine.
32 « Carl von Clausewitz et la théorie de la guerre », in Carl von Clausewitz, De la guerre, Paris, Éditions de Minuit, coll. « Arguments », réédition 1980, p. 19-37.
33 Ibid., p. 31.
34 Corédacteur de la « Charte d’unité » UGS-PSA, membre du Comité politique national (CPN) du PSU de 1960 à 1969, Naville est responsable de la « commission d’étude » des problèmes militaires, Marc Heurgon, Histoire du PSU, I. La fondation et la guerre d’Algérie, Paris, La Découverte, 1994, p. 96, 104.
35 Voir Gilles Morin, infra, p. 155-168.
36 APN, Dossier XXI, « La crise de Berlin et l’unité allemande », « La crise de Berlin est l’affaire des peuples d’Europe », Tribune du peuple, 22 décembre 1958 et 28 mars 1959.
37 On peut trouver un raisonnement semblable dans « Contre l’armement atomique, unissons les forces populaires », « Force atomique multilatérale et force nationale », Tribune socialiste, 23 novembre 1963 et 21 novembre 1964, ibid.
38 « L’Algérie et l’état de siège », Le Socialiste de gauche, 1er avril 1955, ibid.
39 « La guerre continue », Tribune du peuple, 25 avril 1959.
40 « L’instrument d’une dictature », Tribune du peuple, 24 mai 1958, ibid.
41 « D’Alger à Moscou », Nouvelle Revue marxiste, novembre 1961, reproduit dans La classe ouvrière…, op. cit., p. 332-337. Naville estime que « ce qui est en cause, c’est l’extension ou la régression des luttes civiles qui prennent un tour armé et militaire, et non leur seule possibilité ».
42 APN, Dossier XXI, « L’armée de métier… », « Le régime a besoin d’une armée de métier », Tribune socialiste, 2 et 16 février 1963.
43 APN, Dossier XXI, « Réquisition et militarisation », Tribune socialiste, 9 mars 1963.
44 Il écrit que « c’est seulement avec la victoire du peuple… que se poseront les questions nouvelles des capacités de défense », « L’armée, institution fondamentale du régime gaulliste », Tribune socialiste, 5 juin 1965.
45 « L’armée française et la lutte sociale », conférence du 25 janvier 1961 au Centre d’études socialistes, publiée avec deux autres articles dans Les Cahiers du centre d’études socialistes, 12, décembre 1961 sous le titre « L’Armée et l’État en France ». Les éditions Syllepse ont réédité en 1992, dans la collection « Point de mire », ces textes sous le même titre.
46 Le programme militaire peut aussi bien être dénommé « antimilitaire » ou « antimilitariste », « la question est la même », ibid.
47 Ainsi en 1968 par le général Becam qui lui demande deux conférences à l’École supérieure de guerre aérienne pour exposer « une théorie de la guerre dans son essence », puis par l’amiral Guillou pour l’École militaire, APN, Dossier V, Lettres des 6 septembre et 10 octobre 1968.
48 APN, Dossier XXIV, « Une autre défense est-elle possible ? », Tribune socialiste, 3 novembre 1977 ; Interview au Temps de lire, 21 septembre 1980.
49 Interview au Temps de lire, ibid.
50 APN, Dossier XXIII, Gilles Martinet, « Mon ami Pierre Naville ».
51 APN, Dossier D2, « Autres temps, autres mœurs », entretien avec Véronique Grappe (1978). Voir infra, p. 374-429.
52 Pierre Naville, Mémoires imparfaites…, op. cit., p. 78.
53 Voir notre contribution « Le mouvement trotskyste et la culture de guerre », in Jean Vigreux et Serge Wolikow (dir.), Cultures communistes au xxe siècle. Entre guerre et modernité, Paris, La Dispute, 2003, p. 95-102.
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Les vies de Pierre Naville
Ce livre est cité par
- Lallement, Michel. (2010) Sous les sciences sociales, le genre. DOI: 10.3917/dec.chaba.2010.01.0330
- (2010) Terres promises. DOI: 10.4000/books.psorbonne.43613
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Les vies de Pierre Naville
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