Conclusion
p. 187-189
Texte intégral
1Le recensement des caves médiévales de la paroisse Saint-Pierre a permis de mettre au jour un patrimoine riche et varié, constitué de plus d’une cinquantaine de caves qui reflètent les techniques de construction des bâtiments privés pour une époque qui n’est plus documentée architecturalement. Que ce soit l’évolution des plans, l’utilisation des matériaux, ou la chronologie des éléments stylistiques, les caves permettent d’aborder différents aspects de la construction médiévale civile qui ne pouvait jusque-là être étudiée qu’à l’occasion de chantiers de fouilles, par nature trop rares en centre ville.
2L’apport des nombreux textes médiévaux conservés dans les archives de la ville a permis d’enrichir l’étude, qui restitue l’image d’une ville où les grandes constructions patriciennes en pierre, situées le long des axes prépondérants, ont contribué à organiser le parcellaire qui s’est rapidement densifié au cours des XIIe et XIIIe siècles. Le cas du Castel Bourgeois est à ce titre exemplaire et permet de relancer l’hypothèse de l’existence d’un premier bâtiment, tout ou partie public, sans doute une ancienne maison qui a servi de halle échevinale avant la construction de la première maison de ville à l’emplacement de la mairie actuelle.
3Une campagne de sondages systématiques, menée dans les caves là où cela est possible, permettrait de dégager les supports afin d’affiner la typologie, mais aussi de mettre en évidence et d’étudier le comblement accumulé dans chacune des caves. Les éléments de céramiques qui seraient trouvés permettraient, à l’image de ce qui a pu être fait à Lille, de préciser la chronologie du remblaiement de la cave et d’affiner les analyses chronologiques formulées en fonction des éléments retrouvés sur le sol d’origine, mis en évidence au cours de ces sondages.
4L’étude doit être poursuivie sur l’ensemble de la ville. Une seule paroisse, certes la plus ancienne et la plus grande, a été étudiée. Il reste encore, notamment le long de la rue de la Mairie, des maisons qui n’ont pas été visitées à l’emplacement desquelles les textes médiévaux situent des grandes maisons de pierre ; il faut donc continuer à faire preuve de vigilance, en témoignent les caves retrouvées à l’occasion de travaux de voirie menés au cours de l’été 2002.
5Le travail de recensement doit être prolongé par l’études des autres quartiers, notamment celui de « la noeuville » urbanisé au cours du XIIIe siècle, à l’extrémité de la rue de Bellain, où les éléments conservés pourraient permettre d’affiner les hypothèses de datation et d’organisation du parcellaire formulées à partir des caves de la paroisse Saint-Pierre.
6Sur la rive gauche de la Scarpe, l’enclos Saint-Amé doit retenir toute l’attention. En effet, si la collégiale a disparu, il est fort probable que de nombreux vestiges des constructions de l’enclos soient en partie conservés en sous-sol : leur étude permettrait, à l’image de celle qui a été menée à Lille à partir du cellier conservé de l’enclos canonial de Saint-Pierre, de mieux connaître ce quartier particulier. Très peu de constructions récentes sont venues perturber le site et des bâtiments tels que le cellier, la maison du prévôt ou celui cumulant les fonctions de dortoir et réfectoire des chanoines, ont pu laisser des traces en sous-sol qui permettraient de reconstituer l’organisation de l’enclos.
7Les archives de la ville ont encore beaucoup d’éléments à révéler et le travail d’exploitation systématique déjà entrepris sur les chirographes doit être poursuivi, particulièrement dans les comptes de la ville qui sont une source irremplaçable sur la ville médiévale.
8Il faut aussi étendre ce type de travaux à l’ensemble de la région. L’étude similaire menée à Lille a montré tout l’intérêt que l’on pouvait retirer des structures médiévales conservées en sous-sol ; d’autres villes ont fait les premiers pas dans ce travail, comme Béthune ou Valenciennes, mais il reste à systématiser la recherche et analyser en détail les éléments conservés. Condé-sur-l’Escaut a livré ses premières caves médiévales qui témoignent de techniques de construction encore différentes de celles observées à Douai ou Lille, avec des architectures de formes variées. Il conviendrait d’élargir le périmètre à l’échelle du sud de l’ancien comté de Flandre, en y intégrant la ville d’Arras, où les souterrains ont été largement étudiés, mais aussi Tournai qui possède encore des élévations admirablement conservées, tout autant que Montreuil-sur-mer ou Boulogne pour les villes du littoral.
9Au total, l’addition de ces études doit amener à une lecture globale à l’échelle d’un territoire, mettant en lumière les spécificités ou particularités locales mais aussi les ressemblances dans les techniques de construction et la diffusion de types architecturaux. Les analyses stylistiques peuvent être aussi particulièrement riches, notamment à propos des chapiteaux qui sont l’élément sculpté redondant dans chacune des grandes caves de ces villes.
10Les villes de la région, qui n’ont conservé que de trop rares vestiges de leur riche histoire médiévale, recèlent cependant dans leurs sous-sols un patrimoine riche et particulièrement intéressant. Il témoigne de la vitalité du commerce qui a permis l’enrichissement des villes et de ses habitants. Ceux-ci nous ont laissé des architectures souterraines variées et amples, témoins des techniques de construction, de l’organisation parcellaire des villes et de l’importance du commerce d’une époque qui, au vu de la pénurie des vestiges en surface, semble à tort n’avoir que peu marqué la région.
11Le recensement, l’étude et la mise en valeur de l’ensemble de ces vestiges doivent devenir un axe majeur de la recherche sur le passé médiéval de nos villes.
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