L’élévation
p. 51-92
Texte intégral
Les murs
1Les murs montés en grès, présents dans toutes les caves sur les quatre faces, ou deux seulement dans le cas de voûte retombant jusqu’au sol, ne sont pas à l’inverse des murs de briques, rigoureusement identiques ; ils présentent des particularités qui sont de plusieurs ordres.
Le matériau
2Tout d’abord, si le matériau utilisé est exclusivement le grès, les élévations ne sont pas toujours d’une qualité égale. On constate notamment la mise en œuvre de pierres de modules différents.
3On observe trois types de techniques. La première, que l’on peut qualifier de grossière, met en œuvre des blocs de formes et de dimensions variées. Cette qualité de construction est particulièrement visible dans la cave 3c, où les parois sont composées de blocs irréguliers, mais formant des assises grossières entre chaque retombée de la voûte ; ces assises ne se prolongent pas de part et d’autre de chaque pilastre. Ceux-ci, saillant des parois latérales, sont maçonnés avec des pierres plus grandes, posées parfois verticalement, pour former les angles des pilastres. Pour les voûtes, ce sont des pierres à peine dégrossies qui sont utilisées verticalement et noyées dans un mortier abondant. Les grès adoptent donc des formes et des dimensions variées en fonction de leur utilisation dans la construction : parois, pilastres ou voûte. Le sommet d’un arc de décharge ménagé à la base d’une des parois da la cave 3c est de construction identique à celle d’un autre arc de décharge, relevé dans le mur d’une maison fouillée à Douai en 1997 et calé par des fragments de tegulae : daté du XIIe siècle ou du début du siècle suivant1.
cave 3c, mur est

4Dans plusieurs autres caves, les moellons utilisés pour les constructions composent des élévations que l’on peut qualifier de moyennes. C’est notamment le cas pour les caves 5abc, 8j et 8b, où les blocs, de dimensions variables mais présentant néanmoins une certaine homogénéité, composent des assises grossières mais régulières, aux joints épais. Il n’y a pas de différences notables dans le calibre des pierres utilisées pour les parois et les retombées. Les assises sont continues d’un bout à l’autre de la cave et les parties saillantes sur lesquelles se posent les arêtes des voûtes présentent la même organisation que les parois. Les voûtes sont composées de moellons dont la face visible est de plus petite dimension que les pierres des parois ; ils sont néanmoins globalement standardisés et contribuent à l’homogénéité de l’architecture.
cave 5c, mur est

5La technique la plus répandue, illustrée par de nombreux monuments comme le beffroi, l’église notre-Dame ou des élévations de maisons particulières, est l’utilisation de blocs réguliers dans l’élévation. Ce sont des pierres presque cubiques disposées en assises régulières, avec insertion de carreaux et boutisses. Les ouvertures ménagées entre les caves par la défense passive en 1940 permettent d’effectuer quelques observations sur les parois ; les grès utilisés en parement ont une épaisseur inférieure aux dimensions de la face visible de la pierre. C’est ce qui était préconisé dans les règlements échevinaux, notamment le « ban des quariaux » qui prévoit que les pierres auront « VIII pols de parement » (24 cm), « VIII pols de lit » et « VI pols d’espes » (18 cm d’épaisseur)2. L’épaisseur de la paroi entre deux caves a été mesurée à une occasion ; elle est voisine d’un mètre. Entre les deux parements de moellons, le mur est constitué d’un blocage de mortier et de vrac de pierre. Dans ces parois, des grès plus longs sont ponctuellement utilisés, comme linteaux au-dessus des niches ou des passages.
Cave 10b, angle nord-est

6Dans certaines caves, les moellons des voûtes sont parfaitement standardisés et taillés avec un grand soin. Le second niveau de la cave 10a est un bon exemple de cette mise en œuvre, où les voûtes assez basses en anse de panier révèlent une cohésion et une stabilité exemplaires, ainsi qu’un aspect des plus soignés grâce aux moellons particulièrement bien taillés.
7Les grès employés dans les élévations sont assemblés avec du « savelon emploié a faire mortier »3, qui n’est autre que du mortier de chaux, en quantité plus ou moins importante en fonction de la qualité de taille des pierres. Les volumes utilisés sont plus grands dans le cas de grès « grossiers » et beaucoup moindres pour les constructions en blocs réguliers, se limitant parfois à la portion congrue, à tel point que certains murs semblent être montés à sec.
Les arcs
8Dans de nombreuses caves, des arcs sont visibles dans l’épaisseur des murs. Ils sont parfois noyés dans les parois et seule la face latérale des claveaux est visible. Dans d’autres caves, ils supportent la partie supérieure du mur et, sous l’arc, la paroi est maçonnée en retrait. Le nombre, la qualité et la disposition de ces arcs sont variables d’une cave à l’autre.
9Dans la cave 3c, deux arcs de faible portée sont visibles à la base du mur sud. Ils sont composés de grès de forme, longueur et largeur inégales, grossièrement rectangulaires, et calés par des éclats de grès noyés dans une forte épaisseur de liant. Ils sont identiques à la maçonnerie de l’élévation. De même dans le mur nord de la cave 12a, où un arc de même type mais d’une portée plus grande, soutient le haut du mur ; l’espace inférieur était vide et a été comblé postérieurement avec des grès cubiques. Ce mur est un élément antérieur réutilisé lors de l’édification de la cave actuelle, car les grès sont par endroits calés avec des fragments de tegulae.
10Dans d’autres caves, des arcs aux claveaux beaucoup plus réguliers se déploient dans les murs (2b, 3b, 7d). Si ceux-ci ont des portées variables, les dimensions des claveaux sont dans tous les cas de 30 cm de long sur 10 à 12 cm de large. Les tailles sont très nettes et de bonne qualité, ainsi que la mise en œuvre, et les arcs forment des portions de cercle presque parfaites. Le mur qui ferme l’espace compris sous l’arc se situe soit à l’aplomb de la maçonnerie supérieure ou au contraire en retrait par rapport à celle-ci.
11La répartition des arcs dans les parois est variable et répond à des exigences qu’il est parfois difficile de préciser aujourd’hui. Dans les caves 2a, 3a et 8g, les seuls arcs visibles sont dans le mur de façade. Encore ne sont-ils pas identiques entre eux puisque dans la cave 3a, le départ d’arc ne s’aperçoit qu’au fond d’une niche et le mur de grès de la cave forme un écran qui masque la totalité de la courbe. Dans les deux autres caves, seules des élévations plus récentes en briques cachent les arcs visibles à l’origine.
12Plus nombreuses sont les caves possédant des systèmes complexes d’arcatures, tant en façade que dans les murs latéraux. Ainsi, en partie cachées par le départ de la voûte de briques postérieure, des arcades accolées se développent dans les caves 2b, 3b, 5a, 7d, 8j et 10a, de profondeur variable, dans les murs mitoyens. Deux d’entre elles, les 5a et 10a, possèdent aussi des arcs en façade et la cave 3b n’en dévoile deux accolés que dans le mur arrière.
13Reste un dernier type, cas unique d’arcs brisés, présent dans la cave 10b au second niveau ; associés à une voûte arêtes, ils rythment les grands et petits côtés de cette cave.
14La présence des arcs au sein des maçonneries répond à plusieurs contraintes, au premier rang desquelles se trouve la stabilité de la construction. En effet, la nature du sol, relativement meuble, ou la présence ponctuelle de fosses dépotoir de grande taille antérieures à la construction, ont pu obliger les constructeurs dès une époque assez ancienne à bander des arcs au sein de la maçonnerie afin de la rigidifier et de reporter les pressions exercées par les volumes de la maçonnerie supérieure sur des parties du mur plus solides. Cela se retrouve dans les fortifications de la ville notamment les escarpes construites de 1340 à 1460 environ, mais aussi en fondation des courtines de villes voisines, Lille et Orchies par exemple, et de nombre de fortifications de villes et bâtiments tant en France qu’en Belgique. L’avantage structurel de ces arcs est certain. Lors de la construction, les fondations se limitent aux fosses destinées aux piédroits des arcades qui sont maçonnées sur le cintre formé par la terre restante ou des cintres en bois. Cette technique permet d’économiser le décaissement des fondations et limite le volume de matériaux nécessaires à la construction. Dans les caves, les mêmes causes produisent les mêmes effets.
15Le principe de construction était le même et la terre pouvait là aussi servir de cintre aux arcades. L’économie de matériaux réalisée est certaine, particulièrement dans les caves, comme la 7d, où plusieurs arcades se côtoient, mais est-ce la raison principale de leur mise en œuvre si fréquente ? Le chiffrage de cette économie est assez rapide. Pour un mur d’une épaisseur de 1 m et d’une longueur de 10 m, il faut 10 m3 de matériaux. La présence de trois arcs de 3 m de portée chacun et profonds de 40 cm permet d’économiser un peu plus de 2 m3 grâce au retrait des parois sous les arcs, soit 1/5ème du total nécessaire. L’économie paraît donc claire. Cependant, les observations effectuées sur les parois mitoyennes, grâce aux passages ménagés par la défense passive, montrent que derrière le parement de moellons, le cœur du mur est constitué d’un blocage mêlant du tout-venant et des déchets de taille noyés dans du mortier. La présence des arcs ne permet pas d’économiser le parement, qui reste nécessaire pour la paroi maçonnée sous les arcs, mais uniquement le blocage au sein du mur. De plus, les arcs nécessitent la taille précise des claveaux qui les composent et le recours à un charpentier pour fabriquer les cintres. Ces constatations relativisent l’aspect économique de l’utilisation des arcs bandés dans les maçonneries. C’est d’autant plus vrai lorsque la paroi sous l’arc ne se situe pas en retrait mais à l’aplomb de la face visible des claveaux, ce qui ne diminue pas le volume de matériau nécessaire.
16L’utilisation des arcs répond alors à des nécessités techniques et structurelles, plus qu’à un souci d’économie. Cette technique permet, en milieu urbain, de limiter la première étape des fondations au creusement des fosses dans lesquelles sont maçonnés les piédroits des arcades. Après la construction des arcs et des parois qu’ils supportent, l’ensemble de la structure est rigidifiée et il est possible de décaisser la surface nécessaire à la construction de la cave. Cette technique est particulièrement adaptée aux sous-sols instables où se trouvent d’anciennes fosses-dépotoir ou, comme c’est le cas dans la cave 3b, des puits dont le cuvelage longe la paroi. Dans cette cave, un arc a été ménagé dans la paroi arrière à l’aplomb du puits et permet de reporter les pressions exercées par la paroi sur des fondations solides.
17Plusieurs remarques sont encore à faire. Ces arcs n’existent que dans des parois verticales de caves qui possédaient un plancher à l’origine et situées en premier niveau. Or, dans la cave 10a, il existe une seconde cave dont les parois se trouvent juste à l’aplomb de celles du niveau supérieur où sont visibles des arcs brisés ; dans ce cas, les arcs ne peuvent avoir été maçonnés pour répondre à une instabilité du sol puisqu’ils sont portés par l’architecture en pierre du second niveau. De plus, il est étonnant de constater l’absence de ces arcs dans la cave 10b voisine, construite dans le même sol et possédant aussi un second niveau. Ce système architectural de renfort des parois ne semble pas être non plus lié systématiquement à la nature du sol dans lequel les caves ont été construites, en témoigne une autre cave, située rue Gambetta, où une seule des parois latérales développe une série d’arcs contigus, alors que l’on devrait en trouver dans chacun des murs s’ils répondaient à une instabilité du sol dans lequel la cave est maçonnée.
18Il est possible que la présence des arcs tant telle ou telle paroi de la cave soit liée à l’existence de maisons voisines lors de la construction. En effet, le creusement des fondations comporte le risque de déstabiliser les bâtiments mitoyens. L’aménagement des arcs dans les parois permet de rigidifier le mur de la cave mitoyen avec le bâtiment préexistant, en utilisant une technique de fondations en fosses ; celle-ci permet de ne pas avoir recours à une tranchée complète et laisse la possibilité de ménager des fondations très solides pour les points d’appui des arcs. Une cave, fouillée en 1999 le long de la Place d’Armes de la ville, présente des dispositions analogues où les arcs ne rythment pas l’intégralité des côtés : le mur arrière en est dépourvu, ce qui semble logique puisque les constructions potentielles devaient se trouver plus de chaque côté qu’à l’arrière4. Dans le cas des caves 8j et 8k, la présence d’un arc dans la paroi mitoyenne de la cave 8j pourrait alors être un indice de chronologie relative attestant l’antériorité de cette cave.
19Comment expliquer alors les arcs dans les murs de façade, présents dans sept des caves recensées ? Deux réponses sont possibles. Il semble évident que cette technique assure la stabilité de l’édifice et constitue un gage de longévité de la cave, fondation de la maison. Alors des arcs sont maçonnés, sûrement plus nombreux qu’on ne le pense car souvent masqués par les parois en grès ; en témoigne la cave 3a où un arc est visible au fond d’une niche, caché ailleurs par le mur de façade de la cave. La seconde réponse est sans doute donnée par l’ensemble des caves 5abc, où des arcs très puissants appuyés sur des pilastres importants, rythment l’ensemble de la façade mais n’existent sur aucune des autres parois. Il ne s’agit plus ici d’arcs clavés noyés dans les murs, mais d’arcades très résistantes destinées à soutenir un poids important. Les textes nous apprennent que cette grande maison était construite en pierre ; le système d’arcs est alors l’image en sous-sol de l’élévation disparue et permet d’augmenter la résistance du soubassement. Les arcs présents dans les façades des autres caves peuvent éventuellement être les témoins de la nature de l’élévation de la façade du bâtiment.
20Les arcs mis en œuvre dans les constructions des caves douaisiennes répondent avant tout à un souci de stabilité des constructions, lié aux types d’élévations et à la présence éventuelle d’édifices mitoyens. L’économie de matériaux engendrée par l’utilisation de cette technique n’est pas probante, et l’implantation de ces arcs n’est pas non plus systématiquement dictée par la nature du sous-sol. Par contre, le creusement des fondations en fosses suivi de l’édification des arcs permet de rigidifier la construction rapidement et d’apporter une réponse efficace aux problèmes de stabilité des édifices déjà en place à proximité de la cave à construire.
Les voûtes
Les berceaux
21La voûte en berceau est le mode de couvrement la plus simple, et quinze caves attestent encore de la fréquence de son utilisation, dix en premier niveau et cinq en second.
22Dans ces constructions, il existe deux variantes : le profil de la voûte et la hauteur par rapport au sol à partir de laquelle elle prend naissance. Dans le second niveau de la cave 6b, ou pour les deux boves sous rue de la cave 2a, les coupes des berceaux montrent des profils qui s’éloignent du demi-cercle parfait. C’est peut-être dû à la technique de construction, particulièrement si la terre a été utilisée comme cintre ; le poids de la voûte au cours de la construction peut avoir tassé la terre, qui n’était pas non plus forcément correctement profilée avant la construction de la voûte. L’irrégularité constatée des formes actuelle peut aussi être la conséquence de mouvements des terres au cours des siècles, qui ont exercé des pressions variables à différents endroits des reins des voûtes. C’est vraisemblable pour les caves sous la rue qui ont eu à supporter le poids et l’augmentation de passage des véhicules modernes. Cependant, la paroi du fond de ces caves dans lesquelles s’ouvrent les niches est un témoin du profil de la voûte au moment de la construction. Ces parois ne présentent ni lézardes ni affaissements, ni désordres d’aucune sorte qui pourraient indiquer des mouvements ou variations de pression depuis leur création ; le profil aléatoire des voûtes est, dans ce cas-là, présent depuis l’origine.
cave 2a, sous la rue

23Néanmoins, des affaissements ponctuels des reins des voûtes sont visibles, qui témoignent de désordres ultérieurs. C’est notamment le cas dans le second niveau de la cave 6b où des piliers massifs en grès ont été maçonnés pour soutenir le berceau. Ces architectures ne sont donc pas d’une solidité à toute épreuve. Le texte déjà cité de 1317 en est sans doute une illustration puisqu’on y répare une bove, dans laquelle sont maçonnés en 1452 trois piliers de grès, avant la démolition complète de la cave quelques années après. On peut donc supposer qu’un certain nombre d’entre elles a disparu au cours des siècles à cause de la faiblesse de certaines parties de la voûte.
24Mais d’autres caves adoptent des profils en plein-cintre parfait, où les voûtes ne sont nulle part déstabilisées. C’est le cas dans les deux parties de la cave 7a située en second niveau, et dans le réseau de caves 8b où les différents volumes sont pourtant de largeurs et hauteurs variées. Certaines de ces caves présentent des berceaux dont le profil n’est pas un demi-cercle complet : ils sont posés sur des parois verticales en grès, voisines de 0,8 m à 1 m de haut. C’est particulièrement visible dans la cave 10a où le second niveau, dans un état de conservation remarquable, est maçonné en moellons d’une grande qualité d’exécution qui est à rapprocher de celle de la bove du concierge de la halle, 8d, sous la mairie actuelle. Cette cave se singularise par la hauteur de sa voûte mais aussi par son profil qui est très légèrement brisé. Outre son état de conservation, c’est aussi une des caves les plus documentées : sa construction en 1464 est détaillée dans les comptes de la ville.
25Toutes ces caves sont construites sur des plans rectangulaires qui s’étirent perpendiculairement à la rue. Les surfaces développées sont de l’ordre de 40 m2, pour des largeurs comprises entre 3,7 m et 6 m, largeur exceptionnelle atteinte dans la cave 8g où les bâtisseurs auraient tout aussi bien pu opter pour une architecture utilisant des colonnes au centre, ménageant alors des travées voisines de 3 m. Les longueurs sont variables et s’échelonnent entre 4,5 m et 9 m.
26Les caves voûtées en berceau composent le groupe le plus important des structures relevées à Douai. Relativement faciles à construire, elles présentent pour certaines des traces de leur fragilité qui est peut-être liée aux techniques de mise en œuvre de la voûte. Plusieurs d’entre elles, construites sous la chaussée ou les bâtiments, ont dû disparaître par suite de désordres structurels. Comme en témoinge la réfection régulière d’une bove entre 1317 et le milieu du XVe siècle, jusqu’à sa destruction. Les caves voûtées en berceau ne sont pas ciblées chronologiquement puisqu’elles sont construites durant tout le Moyen Âge : attestée avant 1317, date à laquelle on en répare une, la voûte en berceau est encore utilisée en 1464 sous la halle, et se perpétue jusqu’au XIXe siècle en remplaçant le grès par la brique, jusqu’à la construction en petits voûtains reposant sur des fers en I. Stylistiquement, les caves en berceau présentent des qualités de mises en œuvre variées, de la plus fruste à la plus sophistiquée. Elles composent un ensemble homogène dans son principe architectural, mais qui présente un certain nombre de variantes dans le détail, qui font de chacune d’elles un cas particulier.
Les pénétrations et les arêtes
27Plusieurs autres caves adoptent une architecture qui est une évolution de la simple voûte en berceau. Ces caves sont dotées de voûtes à pénétrations ou en arêtes, dont le but est d’augmenter le volume disponible en dégageant des parois verticales entre chacune des retombées. Cette technique permet aussi d’augmenter la résistance de la cave en canalisant les pressions des voûtes, par l’intermédiaire des arêtes, sur des piliers ou pilastres solidement fondés.
28Dans une voûte d’arêtes, les angles de la voûte se prolongent de part et d’autre de la cave, d’une retombée jusqu’à une autre, et se croisent au sommet de la voûte, comme dans la cave 3c. Les pénétrations constituent autant d’aménagements indépendants en forme de niches de dimensions importantes, où les angles de la voûte naissent au niveau des retombées dans les murs latéraux mais se noient progressivement dans la voûte sans atteindre son sommet. C’est le cas de la cave 8j.
Types de voûte d’arêtes classique et arêtes issues de pénétrations dans une voûte en berceau

29Dans ces caves, la variété est à nouveau de mise. Certaines d’entre elles ne possèdent qu’une seule arête qui permet ponctuellement de dégager une paroi verticale. L’une d’elles, aujourd’hui inaccessible, est connue par un dessin de Wagon exécuté en 1934, où l’arête est ménagée dans une vaste voûte en berceau située en second niveau. Rue des Minimes, la partie sous la chaussée de la cave 9c comporte aussi une unique arête qui s’appuie sur un mur à arcades supporté par deux colonnes. L’accroche de la voûte se situe au-dessus de consoles saillantes qui attestent l’existence d’un plancher comme couverture de la cave à l’origine ; la voûte est donc là un ajout postérieur.
30La cave 8j est le meilleur exemple de la voûte à pénétrations exécutée sur deux niveaux. Les travées sont rythmées par des pilastres saillants, tous conservés dans la cave inférieure alors que la première est amputée de sa moitié avant. Les arêtes de la voûte ne se prolongent pas d’un pilier à l’autre de part et d’autre de la cave et l’aspect de l’architecture est celle d’une voûte en berceau dans laquelle s’ouvrent à intervalle régulier, des niches très importantes. Cette technique a permis, dans une cave où le sommet de la voûte ne culmine qu’à un peu plus de 2 m, d’augmenter considérablement le volume utilisable grâce aux espaces compris entre les retombées et d’accroître de près de la moitié la capacité de stockage. Dans cette cave, les arêtes de la voûte sont d’une exécution remarquable. Elles sont composées de grandes pierres carrées superposées, de 50 cm de côté, dont l’angle visible, taillé avec la courbure voulue, constitue l’arête. Cette cave particulière témoigne de la grande maîtrise des maçons qui l’ont bâtie et illustre les moyens financiers du propriétaire ; la construction en centre ville de deux niveaux de caves nécessitait des fondations particulières et des étayages conséquents, et la taille spécifique des pierres qui composent les arêtes de la voûte ont dû contribuer à augmenter le coût global de la construction.
31Le dessin de Wagon nous révèle une autre technique d’assemblage où les pierres sont taillées en coin de façon caractéristique, technique largement employée dans les caves de Lille et qui s’observe aussi à Douai dans la plupart des caves voûtées d’arêtes.
32Il y a six caves qui présentent des voûtes d’arêtes, pour moitié en premier niveau et pour moitié en second. Trois d’entre elles adoptent un plan carré et les trois autres développent des surfaces rectangulaires. Seule la cave 5abc est amputée d’une partie de son volume d’origine, et se trouve réduite à la moitié de sa surface.
33La restitution de celle-ci donne l’image d’un long rectangle parallèle à la rue avec un appendice vers l’arrière où les voûtes sont soutenues par six colonnes aux chapiteaux tronconiques. La qualité de la mise en œuvre est modeste et les grès qui forment les arêtes n’ont pas reçu de taille particulière. Seuls les claveaux des arcs bandés entre les larges piliers de façade sont régulièrement dressés. La présence d’un enduit récent gène la lecture précise de l’ensemble et si les dimensions de la cave ainsi que le nombre de colonnes en font une structure exceptionnelle, l’assemblage des moellons ainsi que la qualité de la taille restent cependant assez frustes. La destruction d’une partie de l’ensemble d’origine, la division en plusieurs volumes par des murs de brique, ainsi que les affaissements parfois importants des sommets de voûtes qui ont nécessité la pose de supports maçonnés, laissent une bien piètre image de cette construction d’une amplitude unique à Douai.
Restitution du plan de la cave 5abc dans le parcellaire actuel

34L’aspect rustique est encore plus marqué dans la cave 3c, dont les arêtes retombent au centre de la cave sur un pilier carré massif, agrémenté d’un unique tailloir. Les moellons des parois et pilastres qui rythment les parois latérales sont, par endroits, à peine dégrossis et composent des assises pour le moins irrégulières. Quant à la voûte, les emplacements où l’enduit a disparu laissent apparaître des pierres si peu taillées qu’il est difficile de les qualifier de moellons. La cave 8h se caractérise par des arêtes très irrégulières qui ne s’étirent pas en ligne droite jusqu’au pilier central, carré et massif. Il a d’ailleurs fallu maçonner un arc clavé pour soutenir l’une de ces arêtes et des massifs de moellons destinés à contenir les faiblesses de la voûte. Cette cave représente l’exemple le plus grossier de voûte d’arêtes, puisqu’il s’agit ici de deux berceaux parallèles qui communiquent entre eux, architecture qui engendre des arêtes uniquement à chaque jonction de voûte. Il n’y a pas de pilastre au centre des parois, alors que l’utilisation des angles et de pilastres au centre des murs aurait pu, à l’image de la cave 3c, augmenter la stabilité de l’édifice.
Plans des caves 8h (sous la rue) et 3c avec les profils des arêtes

35C’est dans la cave 10b que l’on observe la meilleure qualité d’exécution, où les moellons utilisés pour les parois sont régulièrement taillés et assisés. Les arcs légèrement brisés bandés entre les pilastres le long des murs renforcent, par la régularité de leur mise en œuvre, l’image d’une maîtrise totale de la technique de la voûte d’arêtes.
36Les avantages de ce type de voûtement ne sont pas liés à une augmentation de la surface de la cave. La cave 10b développe des dimensions identiques à la 8g, pourtant couverte d’un berceau, et la surface de la petite cave 10c, inférieure à 20 m2, est largement dépassée par nombre de caves voûtées en berceau. La principale caractéristique des caves voûtées d’arêtes est la hauteur à laquelle sont portés les sommets des voûtes, supérieure à ce qui a été observé pour les berceaux et les pénétrations. La restitution de la hauteur d’origine des caves 5abc et 10b est voisine de quatre mètres, et les autres ont des voûtes portées à plus de trois mètres, exception faite de la petite 10c. Les départs de voûte sont portés à près de deux mètres ce qui permet de dégager le maximum de volume utilisable sans être gêné par les reins des voûtes. Ceci n’aurait pas été possible avec un berceau qui répartit les pressions tout le long du mur de façon uniforme et aurait eu tendance à « pousser » les parois vers l’extérieur, à moins que des fondations très importantes n’aient été réalisées. Ici, les pressions sont canalisées par les arêtes et reportées sur des points précis qu’il est facile de fonder solidement. La structure de la cave voûtée d’arêtes se divise en modules globalement carrés où les reports de pression se font dans chacun des angles ; chaque module a une stabilité pratiquement autonome et la cave se compose d’une addition de ces modules de base. Ce sont donc des espaces qui allient solidité et volume maximum et constituent des fondations de grande qualité pour les constructions de surface. Il va de soi que ces caves, à surface égale, devaient constituer une dépense supérieure à la mise en place de simples berceaux : les excavations sont plus profondes et l’exécution des arêtes doit être confiée à un maçon qualifié, sans oublier les colonnes centrales qui, quand elles sont circulaires et pourvues d’un chapiteau, nécessitent la taille de la pierre et augmentent encore le coût global de la cave.
Les voûtes d’ogives
37Cette technique a été employée dans quatre caves. Deux conservent leur volume initial, les autres sont amputées d’une moitié, détruite ou inaccessible. Leurs plans sont, après restitution, carrés dans deux cas et rectangulaires dans deux autres, développant des surfaces allant de 35 à 120 m2. Les deux plus grandes, de superficies presque égales, développent pour l’une (8h) un plan rectangulaire perpendiculaire à la voirie, composé de deux nefs divisées en trois travées ; pour la seconde (9a), il faut restituer un plan carré de trois nefs divisées en autant de travées. Les positions de ces caves par rapport aux bâtiments sont aussi diverses ; deux se trouvent sous le bâti de surface, en second niveau. Les deux autres, en premier niveau, se situent aujourd’hui sous la chaussée. Il convient d’ajouter à cet ensemble la « Halle aux draps » (8c) qui se situe sous la mairie. Son plan est rectangulaire, formé de deux surfaces carrées associées, structure particulièrement intéressante car bien datée et qui utilise la brique dans l’élévation des murs et le couvrement ; le grès est réservé aux supports et branches d’ogive.
38Techniquement, la pose de branches d’ogives est une amélioration de la voûte d’arêtes et permet d’augmenter la résistance et la stabilité de la cave tout en canalisant de façon optimale les pressions. La cave 9a en témoigne car, malgré la destruction de la moitié qui se trouvait sous la maison à l’angle de la rue des Minimes et de la rue de la Mairie, la partie qui subsiste n’a pas bougé. De plus, l’extrados de la voûte se trouve à moins d’un mètre sous la chaussée et malgré le trafic automobile depuis le XXe siècle, les vibrations et les pressions importantes, aucune fissure n’est à déplorer. Cependant, depuis l’été 2002, les travaux de réfection de la rue des Minimes ont obligé à combler cette cave qui, si elle n’est pas détruite, est désormais totalement inaccessible.
39La cave 7c, située en totalité sous la rue et composée de deux modules carrés de 3,5 m de côté juxtaposés, est la plus petite de ces caves. Sa hauteur n’a pas pu être estimée à cause de l ‘ épaisseur de la couche de gravats. Les ogives y sont à peine brisées et s’appuient à l’intersection entre les deux parties de la cave, sur deux culs-de-lampe polygonaux ; les claveaux qui composent les branches sont de longueurs variées, comprises entre 15 et 25 cm, mais de profil identique avec les angles abattus, ménageant à l’intrados une surface plate de 8 cm. Dans toutes ces caves, les ogives adoptent un profil uniforme où seuls les angles sont chanfreinés, sans autre décor ou mouluration. La hauteur des claveaux est toujours voisine de 25 à 30 cm, pour des largeurs comprises entre 20 et 25 cm. Les longueurs sont plus variées et reflètent celles observées dans la cave 7c. La halle aux draps, dont la construction est détaillée dans les comptes de la ville au point qu’il est possible de donner le nom du carrier qui a fourni telle ou telle pièce, fait exception : les claveaux y sont pour la plupart assez longs, voisins de 40 cm.
40Les dimensions du module carré de base observées dans la cave 7c, de 3,5 m de côté, se retrouvent dans toutes les structures à l’exception de la halle aux draps. Dans la cave 9a, la restitution donne un plan carré composé de trois nefs de trois travées chacune, de dimensions à peu de choses près identiques au module observé. Même cas de figure dans la cave 8f où, malgré les irrégularités des branches d’ogives, il est possible de restituer un plan carré correspondant à l’assemblage de quatre de ces modules. Quoiqu’un peu moins régulières, les trois travées des deux nefs de la cave 8h ont des proportions tout à fait voisines de celles des autres caves.
41Cette unité se retrouve aussi dans la forme des arcs, à peine brisés, ainsi que dans les supports qui sont tous polygonaux, aussi bien les chapiteaux des colonnes que les culs-de-lampe qui supportent les branches d’ogives dans les angles ou le long des parois.
42La qualité de construction de ces caves est remarquable et leur architecture, non dénuée d’une certaine beauté, renvoie l’image d’une grande maîtrise technique des maçons. Les lignes formées par les retombées des ogives groupées sur les colonnes sont impressionnantes et contribuent à donner rythme et vigueur à l’ensemble, sans impression de lourdeur. Il est particulièrement dommage de ne plus avoir accès à la cave 9a qui, aujourd’hui sous la rue, devait à l’origine se trouver sous un bâtiment qui formait l’angle des rues des Minimes et de la Mairie, nommée Pont Amont au Moyen Âge. Cet endroit avait un nom caractéristique et intriguant : le Pont Croisiet. La cave mesurait à l’origine près de 100 m2, surface également du bâtiment, ce qui est impressionnant au cœur de la ville. Le grand carré qu ‘elle dessinait était rythmé par quatre colonnes disposées en carré au centre et devait constituer un des plus beaux témoignages de l’architecture gothique urbaine. Autant d’éléments qui ne peuvent que nous faire regretter sa disparition
Plan schématique restitué de la cave 9a

43La construction de telles caves était, selon toute vraisemblance, onéreuse. Ce ne sont pas les excavations qui devaient provoquer un surcoût, puisque toutes les caves nécessitent leur creusement, quelle que soit leur architecture. La mise en œuvre des voûtes n’était pas non plus facteur d’augmentation du prix : c’est une technique que maîtrisaient les bâtisseurs et qui se retrouve dans les quelques édifices publics Douaisiens qui ont survécu, églises, tours ou portes des fortifications. La voûte d’ogive est même particulièrement intéressante à employer en cave puisque la mise en place des arcs permet de rigidifier rapidement la structure, et constitue une ossature ferme qu’il ne reste plus qu’à remplir pour finir les voûtes, à l’inverse des voûtes d’arêtes qui ne sont rigides qu’une fois maçonnées. La plus grande dépense réside dans le nombre de claveaux des arcs qui sont fournis par les carriers et qui nécessitent une taille particulière et soigneuse ; dans la cave 8h, ils sont au nombre de 325.
44Ces caves témoignent donc de l’aisance financière de leurs propriétaires. Mais peut-être pas uniquement. On ne peut en effet supposer que la petite cave 7c, située sous le trottoir, n’ait été un quelconque instrument de prestige destiné à refléter une puissance financière. L’emploi de la voûte d’ogive est sans doute aussi lié à une évolution dans les habitudes et les techniques de construction, et sa mise en œuvre permet de cumuler les avantages :
une grande stabilité et rigidité, nécessaire pour des constructions urbaines qui doivent s’adapter aux évolutions des bâtiments mitoyens ;
le dégagement d’un volume maximal avec des clefs de voûte qui culminent à 4 m ;
sans oublier une esthétique certaine, où le reflet de la richesse du propriétaire, qui utilise dans sa construction un vocabulaire architectural qui reste souvent l’apanage des pouvoirs civils ou religieux, joue un rôle indéniable.
Les voûtes mixtes
45Deux caves sont regroupées ici, car elles possèdent sur la moitié de leur surface une voûte en berceau et sur l’autre moitié, un plancher, remplacé par de la brique aujourd’hui, mais qu’il est possible de restituer grâce aux corbeaux encore existants. Les plans sont rectangulaires, perpendiculaires à la rue, de largeur comprise entre 4,1 m et 5,5 m, pour des longueurs allant de 10,5 m à 19,5 m.
46La cave 8l a une structure très simple. La moitié arrière est couverte par un berceau en grès qui retombe jusqu’au sol, alors que la partie avant est voûtée en briques. Le profil du berceau arrière est visible à la jonction entre les deux parties et ne révèle aucune trace d’arrachement ou de destruction : il ne s’étendait pas plus vers l’avant. Aucun corbeau ou élément de paroi n’existe dans la partie avant, mais il est fort probable que la voûte en brique a été maçonnée contre la paroi en grès d’origine qui devait être couverte par un plancher.
47Dans la cave 3d cette disposition est inversée. La partie planchéiée se trouve à l’arrière et un corbeau apparent témoigne du niveau et de la présence du plancher originel. Le berceau qui couvre la moitié avant communique avec la rue par une trappe prolongée d’un pan incliné. Cette partie est assez profonde et le sommet de la voûte culmine à près de trois mètres. A la base du mur de façade s’ouvre une arcade et un espace creux de grande dimension est ménagé, devant lequel s’ouvrait une large fosse creusée dans le sol dont les pavés conservent la trace. Elle se situait à l’aplomb de la trappe ouvrant vers la rue, mais aucun sondage n’a été effectué dans l’épaisseur de son comblement, qui aurait permis d’en reconnaître la profondeur.
48Ces structures si particulières devaient répondre à des contraintes ou critères spécifiques qui nous échappent totalement aujourd’hui, sans rapport avec une quelconque économie de matériaux, et liées soit à des nécessités de conservation de denrées, soit à un type précis de bâtiment de surface, ou encore à une activité spécifique qui ne peut plus être précisée.
Les planchers
49La technique la plus simple de construction d’une cave est celle d’un trou aux parois verticales maçonnées, couvert d’un plancher. Il n’y a aucune difficulté particulière de construction et le bois est présent dans toute la région ; ainsi se présente la cave d’un bâtiment annexe au donjon comtal de Douai, fouillée en 19775, et représentant la plus ancienne structure excavée maçonnée de la ville.
50Dans la paroisse Saint-Pierre, 17 caves ont dû être planchéiées à l’origine ; dans tous les cas, les berceaux de brique ont remplacé les planchers, car ceux-ci sont par nature trop périssables pour traverser les siècles sans dommages. Toutefois, la cave 2b est encore couverte en bois sur un quart de sa surface, dans un angle de la façade, perpétuant ainsi la couverture d’origine. L’encombrement extrême n’a pas permis de vérifier si le plancher reposait sur des corbeaux ou tout autre support.
51Ce sont les corbeaux encore visibles qui sont bien souvent les seuls témoins de l’existence du plancher primitif. Ils ont tous des dimensions et proportions voisines, de 20 à 30 cm de large pour des hauteurs comprises entre 15 et 20 cm, et débordent de 10 à 15 cm de la paroi en grès dans laquelle ils sont maçonnés. Il existe un cas particulier dans la cave 9c, où le système de corbeaux est plus complexe. Situés dans une arcature de refend et non dans une paroi, les 4 corbeaux sont groupés par deux et superposés, à l’aplomb d’une colonne qui supporte les arcs ; les deux pierres inférieures débordent de 20 cm de la paroi, saillie qui est doublée pour le rang supérieur. Ce système particulier reflète les dimensions des pièces de bois utilisées pour soutenir le plancher, où de grosses poutres larges de 40 cm constituaient l’ossature principale sur laquelle se fixaient des lambourdes plus petites. Les parois parallèles à l’arcature de refend n’existent plus mais quelques traces permettent de les restituer à plus de 4,5 m de distance de celle-ci. L’utilisation des grosses poutres attestées par les corbeaux permet de limiter la portée des solives, qui se réduit à moins de 3 m.
Proposition de restitution du plancher de la cave 9c

52Dans les autres caves, où ce sont des petits corbeaux souvent isolés qui subsistent, ils devaient supporter les têtes de poutres aux dimensions réduites et n’étaient écartés les uns des autres que de quelques dizaines de centimètres, comme dans la paroi conservée de la cave 7e. Ces corbeaux pouvaient aussi recevoir des jambes de force destinées à supporter des poutres plus importantes fixées plus haut et augmenter ainsi leur portée. Il est aussi possible que les planchers aient été ancrés dans les parois par l’intermédiaire de trous de boulin, ou reposaient sur des saillies et décrochements des murs. Les premiers n’ont été observés dans aucun cas, mais les réaménagements successifs, particulièrement la pose de nombreux berceaux en brique en lieu et place des planchers d’origine, ont pu masquer définitivement ces types de fixation. Des décrochements de parois sont attestés, notamment dans la cave 12b où ils sont visibles à 1 m au-dessus du sol actuel. Ils mesurent 15 cm de profondeur et, maçonnés à une si faible hauteur, pouvaient servir à soutenir les aisseliers des poutres principales du plancher.
53Cinq des 18 caves qui étaient couvertes par un plancher développent un plan carré ou très proche ; pour les autres, les rectangles qu’elles dessinent ont des longueurs qui peuvent dépasser les 15 m. L’architecture des planchers n’est pas la même partout. Pour des caves de faible largeur, il suffit de faire reposer les extrémités des solives sur chacun des murs latéraux : c’était vraisemblablement le cas dans la cave 7e où les 5 corbeaux conservés, distants de 40 cm, soutenaient des solives d’une portée de moins de 4 m, ce qui est aussi la largeur de la cave 4a. Il est curieux dans ce cas de constater que souvent, et notamment dans les caves 4a et 10a, des corbeaux sont conservés dans les petits côtés des caves alors que les solives devaient couvrir les caves d’un mur à l’autre sans support intermédiaire, surtout le long des murs. Il est possible que ces corbeaux marquent l’emplacement de l’escalier ou de la trappe d’accès d’origine, puisque, dans les deux cas, il n’y a plus de trace d’escalier. Cette constatation permet de proposer une hypothèse de couvrement de la cave 4a.
54Pour les caves plus larges, qui représentent la majorité d’entre elles, il faut nécessairement la présence d’un ou plusieurs refends en fonction de la taille de l’espace à couvrir. Certains existent encore sous la forme d’arcades qui reposent sur deux colonnes dans la cave 9c, ou un pilier dans la 8b. Cette dernière, où sont conservés plusieurs corbeaux, peut être reconstituée : les portées des solives sont limitées à 3 m entre le refend et la paroi, et il faut restituer un second refend qui permet de diviser la cave en trois nefs de 3 m de large. Le corbeau visible dans la paroi latérale, à côté de l’arcade de refend conservée, peut à nouveau témoigner de l’emplacement de l’accès d’origine. Il peut aussi indiquer l’existence d’un second système de couvrement où les poutres principales sont perpendiculaires au refend, les solives reposant alors sur ces poutres, comme le présente le schéma dans la nef de droite.
Proposition de restitution du plancher de la cave 4a

Propositions de restitution du plancher de la cave 8b

55Dans quelques autres cas, le plancher reposait sur un ou plusieurs murs de refend, percés de passages, parfois conservés. Ainsi dans la cave 2a, où la paroi maçonnée en moellons de grès qui divise en deux parties le volume sous la maison, est largement visible. Elle est d’une épaisseur voisine de 50 cm et ne semble percée que d’une unique porte à son extrémité arrière. Les deux volumes rectangulaires qu’elle sépare sont larges de 4 m et peuvent avoir été couverts de poutres larges sur lesquelles reposaient les solives, à l’image de la cave 9c.
Proposition de restitution du plancher de la cave 2a

56Les grandes caves restantes devaient bénéficier de systèmes de refend, mais très peu en ont conservé la trace. Pour certaines d’entre elles, il est possible que les planchers aient reposé sur des poteaux intermédiaires en bois, qui n’ont bien évidemment pas subsisté. Ce pourrait être le cas par exemple dans la cave 3b où le seul corbeau visible dans le mur de façade devait soutenir une tête de poutre, dont la portée ne pouvait pas être de 7,5 m, longueur de la cave. Il faut nécessairement imaginer un appui intermédiaire qui pouvait être entièrement construit en bois.
57Plusieurs caves conservent dans leurs façades, et parfois leurs parois latérales ou arrière, des traces d’ancrages. Ce sont surtout des pilastres saillant des murs, maçonnés à une distance comprise entre 2,5 et 4 m de la paroi latérale. Ils sont les seuls vestiges de systèmes de refend, arcatures en pierres ou constructions en bois, qui divisaient la cave et soutenaient le plancher. Les traces repérées dans la cave 12b permettent de proposer un système de couvrement constitué d’un mur ou d’une arcature de refend, ménagé entre le milieu de la façade et celui de la paroi arrière. Les traces observées dans les parois latérales supposent la présence d’arcs qui venaient s’appuyer sur l’épine dorsale de la cave que constituait le refend principal, ce qui divise la cave en petits modules qu’il est aisé de couvrir d’un plancher. C’est une restitution identique que les archéologues ont pu proposer pour le couvrement d’une grande cave fouillée le long de la rue de paris en 1993 (p. 41).
Hypothèse de couvrement de la cave 3b

58Aujourd’hui complètement disparus et remplacés par des voûtes en brique, les planchers étaient fréquemment utilisés au Moyen Âge pour couvrir les caves. Les systèmes mis en œuvre permettaient de diviser les surfaces en modules où les portées des pièces de bois étaient limitées. Le volume dégagé sous le plancher était alors maximal, mais plus fragile et vulnérable au feu que les voûtes en pierre.
Les aménagements
59Avant de se lancer dans l’exercice périlleux de la datation de toutes les caves recensées, il convient de s’attarder encore sur les aménagements dont elles bénéficient. Cette dernière étape permettra d’achever dans le détail l’étude technique des caves, tout en fournissant des remarques qui seront utiles pour les propositions de datation et les restitutions d’utilisation.
Les supports
60Les supports de voûte ou d’arcades retiennent en premier lieu l’attention car ils constituent les seuls éléments sculptés visibles dans les architectures. Dans 3 caves, ces supports ne sont que des piliers de plan carré. Il s’agit de la cave 3c, du premier niveau de la cave 8b et la partie sous rue de la 8h. Dans les trois cas, les caves développent des plans carrés, en retrait du parcellaire pour les deux premières ou situé sous la rue pour la troisième. Ces piliers massifs sont composés d’assises régulières de moellons grossièrement taillés et ont des dimensions variables. Dans la cave 8b, le pilier ne mesure que 40 cm de côté et supporte une imposte non moulurée un peu plus grande, de 60 cm de côté. Celle-ci reçoit les arcs qui soutenaient les solives du plancher à l’origine. Dans la cave 3c, le pilier maçonné en assises d’épaisseurs variables mesure 60 cm de côté et repose sur un massif de moellons de grandes dimensions formant socle et fondation. Il est couronné par un tailloir large, biseauté dans sa partie inférieure : il supporte l’ensemble des voûtes d’arêtes qui couvrent la cave. La fonction du pilier de la cave 8h est identique, encore que les arêtes de la voûte sont réduites à leur plus simple expression et ne constituent que des pénétrations grossières.
61Le pilier, qui mesure 80 cm sur 100 cm est large et massif, noyé dans la masse des remblais qui emplissent en grande partie la cave, et ne possède pas de tailloir ; les arêtes de la voûte sont reçues par le pilier sans élément intermédiaire. Dans ces deux dernières caves, des pilastres saillant des parois sont visibles, au centre de chacune des faces dans la cave 3c et dans une seule face pour la 8h. Ils ne possèdent pas de tailloirs et sont maçonnés en grès de tailles très variables. Il en existe aussi dans la cave 5abc, fortement saillants, apparemment dépourvus de tailloirs et noyés dans le comblement qui occupe la moitié de la hauteur de cette cave.
Piliers mis en œuvre dans les caves de Douai

62Sept caves possèdent des colonnes centrales qui supportent les voûtes. Elles se distinguent des piliers par leurs fûts cylindriques et la présence systématique d’un chapiteau, élément de transition entre le plan carré formé par la retombée des voûtes et celui circulaire du fût.
63Ces colonnes ont chacune leurs particularités mais il est possible de les rassembler en trois groupes.
64Le premier est composé des colonnes de la seule cave 5abc. Noyées dans le comblement qui a considérablement rehaussé le niveau du sol de la cave, les fûts ne sont pas visibles et seuls émergent les chapiteaux. Encore sont-ils recouverts d’une épaisse couche de béton, présent à la base de chacune des parois de la cave et formant sans doute un joint d’étanchéité.
65Des sondages au burin ont été pratiqués qui ont permis de reconnaître la forme circulaire et tronconique des chapiteaux, identiques à celui qui couronne la colonne utilisée pour soutenir un sommet de voûte défaillant. Celle-ci, récupérée lors de la destruction d’une partie de la cave, est donc le témoin encore visible de l’ensemble des supports. Le chapiteau est circulaire et tronconique, lisse, totalement dépourvu de décor et le fût est composé de tambours d’épaisseurs régulières ; la base n’est pas visible, noyée dans le béton, si tant est qu’elle ait été récupérée et réutilisée. Ces colonnes sont épaisses, massives et frustes. Il est étonnant de constater la forme tronconique des chapiteaux qui ne remplissent pas le rôle que nous leur avons défini précédemment : le carré formé par la retombée des voûtes est ici reçu directement sur un élément cylindrique.
Colonne récupérée pour soutenir la voûte

66Le second groupe rassemble les colonnes à tailloirs carrés et à chapiteaux du type « à crochets » ou à feuilles d’eau. Il est composé des caves 6c, 9c et 10b, où les colonnes sont à chaque fois au nombre de deux. Dans la cave 9c, elles soutiennent des arcs qui supportaient les solives du plancher, alors qu’elles reçoivent des voûtes d’arêtes dans les deux autres caves, qui sont de plus situées en second niveau.
67Dans chacun des cas, les tailloirs sont carrés et se réduisent par un biseau ou une doucine dans leur moitié inférieure pour s’adapter aux dimensions des chapiteaux ; ceux-ci sont différents dans leurs traitements mais développent des dimensions et des proportions très voisines. Ainsi, dans la cave 6c, il n’y a pas de crochets saillants et seules des lignes ornent les faces du chapiteau, souvenir des tiges de feuilles stylisées qui s’étirent de la jonction avec le fût jusqu’à chacun des angles. Les chapiteaux de la cave 9c sont dépourvus de ces lignes, mais les crochets y sont très saillants, sphériques, à peine incisés d’une ligne très légère qui casse la rondeur du crochet. La jonction avec le fût monolithe est assuré par un astragale et l’ensemble repose sur une base à deux tores, posée sur une plinthe carrée. Les colonnes de la cave 10b, révélées par un sondage, ont des dimensions très voisines des précédentes. Si la base est inexistante, le fût reposant directement sur la plinthe carrée, le chapiteau est quant à lui plus travaillé. Les tiges des feuilles stylisées sont nettement marquées et viennent s’enrouler en crochets saillants, de forme globalement circulaires, parfaitement conservés. Il se dégage de ces chapiteaux et colonnes une grande simplicité mais aussi une impression de robustesse extrême, qui témoigne du soin apporté à ces constructions : depuis leur mise en place, et malgré les changements incessants de la ville, elles n’ont pas bougé et ont supporté sans heurts les différents aménagements des bâtiments de surface.
Colonnes à tailloirs carrés et chapiteaux à crochets ou feuilles d’eau

68Le dernier groupe est le plus homogène. Il rassemble les colonnes à chapiteaux polygonaux, qui sont des octogones, excepté dans la « halle aux draps » (8c) où l’un des deux chapiteaux possède dix côtés. Ils sont présents aussi dans les caves 8h et 9a qui sont situées non loin de la mairie actuelle. Ces types de support sont systématiquement associés à des voûtes d’ogives et le nombre de côtés du chapiteau répond au nombre des branches d’ogives qu’il reçoit. Dans le détail, les variantes sont encore nombreuses et les proportions des chapiteaux ainsi que des colonnes sont très variables. Dans la cave 8h, les colonnes sont courtes et les chapiteaux très fins, ce qui contraste avec la masse de la voûte et donne une impression de fragilité et de tassement des supports. En réalité, cette cave située en second niveau n’a pas pu, pour des raisons sans doute liées à la présence de la nappe phréatique, être enterrée plus profondément ; cette contrainte se répercute sur la hauteur et le gabarit des colonnes. À l’inverse, dans la halle aux draps, les colonnes sont très hautes et les chapiteaux, plutôt grossiers, sont massifs ; l’ensemble paraît soutenir avec aisance le poids des voûtes où seules les branches d’ogives sont en grès et la voûte en briques. Les bases de ces colonnes sont remarquables ; il s’agit de tailloirs carrés réutilisés à l’envers, identiques à ceux présents dans les caves du second groupe. Peut-être s’agit-il de ceux de la cave de l’ancien « truberde », nom de l’auberge qui existait là avant la reconstruction de la halle et dont les textes nous apprennent le délabrement des voûtes au début du XVe siècle. Ces tailloirs attestent de l’habitude de la récupération dans les constructions.
Colonnes à chapiteaux polygonaux

69Dans la cave 9a, le comblement n’a permis d’observer que les chapiteaux et la tentative de sondage a révélé la présence de l’eau à 40 cm de profondeur, présence étonnante à cet endroit puisque nous sommes en haut de la rue de la Mairie. C’est aussi la seule cave où les deux chapiteaux, sur les quatre présents à l’origine, sont différents. Pour l’un, l’octogone est régulier alors que le second se rapproche plutôt d’un carré aux angles abattus ; s’agit-il là aussi d’une récupération ? Il aurait fallu observer de près et dans le détail ces deux chapiteaux, mais cela est désormais impossible depuis le remblaiement total de la cave : encore un élément qui nous fait regretter son inaccessibilité. Dans ce groupe, il convient d’ajouter les culs de lampe polygonaux qui reçoivent les branches d’ogives le long des murs latéraux, à la place des pilastres observés dans les caves du premier groupe. Ils sont notamment visibles dans les caves 7c et 9a.
Les niches
70Dans treize des caves recensées, il existe des niches ménagées dans une ou plusieurs parois. Leur nombre est variable et s’échelonne d’une à sept, maximum qui s’observe dans le second niveau de la cave 10b. Quatre autres caves de second niveau possèdent ce type d’aménagement, les huit autres se situant en premier niveau.
71Sur les 40 niches observées, 38 sont de simples trous maçonnés de forme rectangulaire, en général dans le sens vertical ; les hauteurs sont comprises entre 40 cm et 60 cm avec une exception de 102 cm. Les largeurs varient de 40 cm à 60 cm pour des profondeurs de 30 cm à 55 cm. Toutes ces niches s’ouvrent à peu près à un mètre au-dessus du sol d’origine. Elles sont couvertes par plusieurs linteaux de grès courts, à l’exception des niches du premier niveau de la cave 10b qui sont encore, pour les trois qui sont conservées, couvertes en bâtière. Deux se trouvent côte à côte dans la paroi du fond de la parcelle, avec les traces d’une troisième détruite par le conduit maçonné qui se prolonge jusqu’à la cave inférieure. La quatrième, ouverte dans la paroi latérale, est peu visible et il est bien difficile de dire s’il en existe d’autres contiguës. Leur structure est à rapprocher des niches qui s’ouvrent encore sur la face externe de la porte d’Arras, au-dessus du passage.
72Aucun texte ne mentionne ces niches, et leur rôle précis est assez obscur. N’ayant pas de fonction structurelle dans la cohésion du mur, leur présence est liée à d’autres impératifs ; une première hypothèse est de voir dans ces niches des sortes de tablettes destinées à poser la source d’éclairage nécessaire dans ces caves obscures, lampes à huile ou chandelles, ou de servir de lieu de rangement particulier. Cependant, l’absence totale de trace de gond ou d’accroche de tablettes écarte l’hypothèse d’armoires murales, et si ces niches sont destinées à servir de support d’éclairage, comment expliquer alors que plus des deux tiers des caves recensées en soient dépourvues, pourtant tout aussi sombres, notamment les grandes caves 8j et 8h situées au second niveau ?
Niche de la cave 10b

73Enfin, leur nombre même dans les caves ainsi que leur répartition dans les murs, parfois sur un seul, parfois sur les quatre, suggèrent une autre fonction qui reste à déterminer.
74Une autre hypothèse consisterait à reconnaître dans ces ouvertures des niches de mitoyenneté, équivalentes à celles existant encore dans certains murs de briques plus récents, fonction qui n’est confirmée par aucun document mais qu’attestent les vieux maçons. Elles témoigneraient de l’appartenance du mur au propriétaire de la parcelle vers laquelle elles s’ouvrent.
Niche dans un mur de maison en cours de destruction

Répartition des niches en fond de parcelle, rue de la Mairie

75Dans ce cas, l’absence de niches dans un certain nombre d’entre elles témoignerait soit de l’inutilité d’un tel marquage lors de la construction, soit d’une construction antérieure à la mise en place juridique de ces marques, soit de la présence de niches dans le mur de la cave voisine contre lequel s’édifie la nouvelle, ne nécessitant pas la construction redondante de ces marques de propriété6.
76Malheureusement, ceci n’a pu être vérifié nulle part, car très peu de caves conservées sont mitoyennes et, si c’est le cas, pour les caves 8g et 8i par exemple, le voûtement en berceaux parallèles qui retombent jusqu’au sol ne permet pas la construction de telles niches.
77Dans la cave 12b, les niches ne se trouvent que dans le mur mitoyen sud et le mur arrière ; or le mur nord, par sa structure, est antérieur à la construction de la cave qui est venue s’appuyer contre lui : aucune niche n’y est percée car ce mur ne fait pas partie de la nouvelle construction, à l’inverse du mur en vis-à-vis qui est percé de quatre niches. Il en est de même dans l’ensemble de second niveau de la cave 8b, où le petit appendice ouest possède des niches dans chacune de ses faces, ce qui attesterait que cette partie de la construction, pourtant hors de l’alignement constitué par les autres berceaux formant la cave principale, appartient bien à cet ensemble.
78Un texte de 1311, déjà cité, peut aider à affiner l’hypothèse. il y est précisé les droits du nouveau propriétaire d’une maison sur le mur mitoyen : il ne peut toucher qu’aux éléments saillants, tels que gonds ou corbeaux, mais pas au mur lui-même. L’aménagement des niches en cave, plus pratiques à mettre en place qu’aux étages, car moins susceptibles d’êtres cachées par le mobilier ou les décors internes, peut alors confirmer la propriété d’un mur mitoyen des niveaux supérieurs. Ainsi dans la cave 12b où l’élévation partielle sur deux niveaux du mur mitoyen a été mise au jour, construite sur arcs en grès : dans la cave, les quatre niches indiquent alors que cette paroi importante car solide, servant de limite parcellaire et d’accroche de l’ensemble des planchers et de la toiture, appartient bien au propriétaire de la parcelle. Il est difficile de systématiser cette remarque, associant des élévations en pierre au-dessus de tous les murs percés de niches, car il ne reste que trop peu d’élévations en place. Il est aussi délicat de déterminer à partir de quand cette marque de propriété éventuelle devient nécessaire ; logiquement, elle est utile dans le cas de mitoyenneté donc à partir du moment où le parcellaire se densifie en centre ville. Peut-on alors prétendre que les caves sans niches sont les plus anciennes ? Certes non, et les réflexions formulées ne peuvent pour l’instant pas dépasser le stade d’hypothèses. Notons toutefois qu’en 1679, à l’occasion de la reconstruction d’une maison place du marché aux poissons, il est précisé que « les révérends pères chartreux… n’ont aulcun droit à la muraille de la maison dud (it) de Raisse saulf et excepté les corbeaux dont ils peuvent se servir »7. S’agit-il d’un mur de pierre ou de brique ? À part le document écrit, toujours susceptible d’être perdu, l’utilisation des niches reste un moyen clair et définitif d’affirmer la propriété de la paroi concernée. Il serait alors intéressant de vérifier s’il existe de tels aménagements dans des parois de caves plus récentes, construites aux XVIIe et XVIIIe siècles, ce qui n’a cependant pas été possible systématiquement dans le cadre imparti à l’étude. Notons cependant que des niches n’ont été observées que dans des caves maçonnées en pierre.
79Le cas des caves sous rues est assez intéressant, car elles sont parfois pourvues de niches comme la cave 7c dans laquelle tous les murs en sont percés, de même que la 2a où les murs fermant les berceaux sous rue en possèdent chacun un. Il n’est pas ici possible de restituer des élévations en pierre, et la marque de propriété serait fonction de la présence de caves aujourd’hui détruites ou condamnées, ou de l’éventualité d’une construction voisine n’existant pas encore, assurant l’appartenance des murs concernés au propriétaire.
Les puits
80Neuf caves, dont cinq sur deux niveaux, possèdent encore un puits. Ils sont souvent comblés et la profondeur n’a été mesurée que dans un seul cas, la cave 6b, où le puits s’ouvre dans le second niveau : le fond en eau est à 1,50 m sous le sol. Dans les autres caves, les puits sont la plupart du temps remplis de gravats, murés ou même noyés, ce qui est le comble pour un puits. C’est le cas dans la cave 6g, située sous la rue, où l’eau a envahi la cave sur plus de 50 cm de hauteur, débordant du puits. Le cuvelage peut parfois être observé sur quelques assises, comme dans la cave 8h, où il s’évase progressivement vers le bas pour dépasser 1,2 m de diamètre au niveau du comblement. En général, les puits mesurent entre 0,8 et 1 m de diamètre, exception faite de celui de la cave 8j qui est le seul à ne pas être circulaire. Il dessine en effet un rectangle allongé dans le sens de la cave et se termine par un demi-cercle ; la longueur, voisine de 1,4 m, est le double de la largeur.
81Il n’y a pas de constante dans la position du puits par rapport à la cave, son accessibilité ou les différents niveaux qu’il dessert. Il peut en effet s’ouvrir au centre de la cave, comme dans les caves 12b, 9a ou 8h ; les cuvelages sont alors en grès sous le sol et ont été prolongés et réaménagés en brique. Ils sont visiblement destinés à être utilisés uniquement par le niveau de la cave, sans communication avec les niveaux supérieurs. On peut alors se demander s’ils sont contemporains de la construction de la cave, ou s’il a été nécessaire, pour une activité spécifique indéterminée, de creuser ultérieurement un puits dans la cave, ce qui pourrait expliquer le positionnement central observé.
82Dans les caves 3b et 6b, le puits se trouve creusé le long d’une paroi latérale et la fondation du mur se confond avec le cuvelage. Il existe alors une large ouverture vers la cave, mais le cuvelage se prolonge aussi vers le niveau supérieur permettant une double accessibilité : dans la cave 3b, il devait déboucher dans la maison, alors que le positionnement du niveau supérieur de la cave 6b ainsi que celui de la maison indiquent plutôt que le puits devait s’ouvrir dans une annexe aujourd’hui murée de la première cave. Il est possible d’imaginer que le cuvelage se prolongeait jusqu’au niveau du rez-de-chaussée, s’ouvrant le long de la façade arrière de la maison : le puits desservait alors trois niveaux.
83Les quatre derniers puits identifiés, construits dans les caves 6c, 8j, 8b et 9g, sont maçonnés hors d’œuvre et communiquaient avec le niveau concerné par une petite porte dont les gonds sont parfois conservés (8b et 9g), parfois prolongée par un court passage (6c). Cette position particulière paraît idéale pour desservir plusieurs niveaux à la fois ; c’est encore le cas de l’ensemble 8j où les deux caves possèdent leur accès au puits, et où l’on peut se demander si les linteaux de grès qui ferment le cuvelage au niveau du sol actuel n’ont pas été ajoutés tardivement. Dans la cave 6c, l’ouverture ménagée au niveau supérieur est condamnée et se situe dans la cave de la maison voisine : il est possible que le puits ait été construit afin de desservir plusieurs maisons, permettant alors de diviser les coûts de fabrication. Le puits aménagé à l’arrière de la cave 8b s’ouvrait à l’extérieur du bâtiment et pouvait être utilisé par la maison seule, ou plusieurs habitations des parcelles voisines, ce qui soulève l’hypothèse d’un puits semi-public utilisé par une collectivité restreinte. C’est une situation qui est envisageable car les puits publics ne sont pas très nombreux et l’accès à l’eau en milieu urbain est une nécessité vitale ; d’ailleurs, dans les caves voûtées en berceau du second niveau de la 8b, qui contournent et évitent soigneusement les fondations de la première cave, une ouverture, aujourd’hui comblée, a été ménagée dans le cuvelage du puits qui dessert alors tous les niveaux superposés. Le puits de la cave 9g, noyé par la remontée du niveau de l’eau, communiquait lui aussi avec les deux niveaux et desservait le rez-de-chaussée ; ceci peut paraître incongru aujourd’hui puisque la cave est entièrement sous la rue des Minimes, ce qui signifierait qu’il s’agit d’un puits public. Cependant, cette éventualité n’est pas recevable, car il s’ouvrirait alors au centre de la chaussée ; or une fouille effectuée rue de Paris, a montré que le puits public retrouvé à cette occasion était adossé à la façade d’un bâtiment, le long de la rue, et non au centre de celle-ci, ce qui est logique. Le puits de la cave 9g témoigne donc d’un changement important de l’organisation de la voirie dans ce secteur de la ville.
84Il existe sans doute encore d’autres puits, condamnés, murés ou noyés dans l’épaisseur des comblements qui emplissent souvent les caves. L’étude actuelle ne permet pas de vérifier systématiquement si les puits sont contemporains de la construction des caves ou si ce sont, parfois, des ajouts postérieurs. Cette constatation pose la question de l’intérêt d’un puits ménagé exclusivement dans une cave et de l’utilisation de l’eau dans les niveaux souterrains. Il ne peut être question d’utilisation domestique, car les caves ne sont pas des espaces d’habitation comme il sera montré plus loin. Y aurait-il un lien avec une activité économique ou artisanale particulière ? C’est possible, mais ce n’est étayé par aucune constatation. Cela permettrait de proposer une utilisation des caves en fonction de la présence ou non d’un puits. Hypothèse séduisante mais aucun texte ne nous renseigne à ce sujet, si ce n’est un document daté de 14018 qui est une convention de location d’une cave seule, indépendante du bâtiment : dans ce cas, il paraît nécessaire d’avoir un accès direct à l’eau depuis la cave, que l’utilisation qui en soit faite soit artisanale ou commerciale. Mais un document ne fait pas une généralité, qui plus est daté du début du XVe siècle, ce qui paraît « jeune » par rapport à l’âge de la ville et de ses caves les plus anciennes. À nouveau, ce sont beaucoup de questions qui sont soulevées par l’examen détaillé d’un aménagement repéré en cave, ce qui confirme encore une fois tout l’intérêt de l’étude complète de ces structures.
Les accès
85Quel qu’ait pu être l’utilisation des caves, il était nécessaire d’y ménager des accès, sous forme d’escalier ou de trappe de communication. Quatorze caves recensées possèdent encore leur accès d’origine, très souvent un escalier en grès intimement lié à la maçonnerie des parois et dont la trémie, liaisonnée à la voûte de la cave par un fort linteau, confirme l’authenticité de l’emplacement. Dans d’autres cas, il ne reste que le linteau qui suffit à restituer la position de l’escalier. Il existe aussi de nombreuses trappes qui percent les voûtes et ne sont pas des réaménagements tardifs puisqu’elles sont architecturalement liées aux voûtes dans lesquelles elles s’ouvrent.
86Les escaliers les plus nombreux se situent en façade et communiquent directement avec la rue, développant des largeurs qui varient de 1,10 m à 2,10 m. Les marches sont assez stéréotypées et mesurent en moyenne 20 cm de haut pour 25 de profondeur. Ces escaliers se trouvent tantôt dans l’angle gauche ou droit de la façade, tantôt au centre, alors parfois insérés entre deux parois de grès.
87Dans les caves 6b et 10b, l’escalier dessert les deux niveaux de cave avec un palier dans la 10b, alors qu’il est d’une seule volée dans la 6b, où sa largeur se rétrécit de 1,65 m à 1,20 m dans la seconde moitié qui mène au niveau inférieur. Comme dans la plupart des caves, les marches sont posées sur des massifs compacts de maçonnerie, parementés en grès. Les caves 8d et 10a font exception : bien que les deux escaliers ne soient pas rigoureusement identiques dans leur position, ils le sont dans leur structure ; le massif de maçonnerie a disparu pour être remplacé par un segment d’arc clavé qui supporte les marches, ce qui diminue le volume de matériau nécessaire et augment la surface utilisable de la cave. Ces arcs sont maçonnés en moellons soigneusement équarris et appareillés, comme le sont les voûtes, et s’appuient sur le mur de façade pour la 8d ou directement dans la voûte pour la seconde. Cette similitude de construction se retrouve aussi dans la couverture de l’escalier, au-dessus des marches, composée d’une association de plusieurs arcs brisés chanfreinés, décalés en hauteur selon l’inclinaison de l’escalier formant des voûtes à redans. Ces ressemblances pourraient indiquer que les deux caves ont été construites dans la même période, constat d’autant plus intéressant que la cave 8d est parfaitement datée et sa construction décrite dans les comptes de la ville en 1462.
Escalier de la cave 8d

88Outre les escaliers donnant un accès direct vers la rue, témoins d’un souci de communication rapide et aisé vers les axes de circulation et de transport de marchandises, certaines caves ont conservé des escaliers situés en arrière de parcelle alors qu’il n’en existe aucun qui mette en relation directe les caves avec les rez-de-chaussée. Ce constat, qui oriente la réflexion vers une indépendance complète des caves par rapport aux niveaux supérieurs, est cependant à relativiser car il se fonde sur les seuls escaliers conservés ; or il est fort probable, pour les caves qui étaient couvertes par un plancher notamment, que beaucoup d’escaliers, droits ou à vis, devaient être en bois et n’ont pas traversé les siècles. Néanmoins, il n’existe plus d’escalier interne visible. A l’arrière de la cave 6d, l’escalier large d’à peine 75 cm forme un angle droit à 70 cm du mur de la cave dans laquelle il s’ouvre, c’est-à-dire juste après avoir contourné les fondations du mur. Sa taille et sa structure montrent bien qu’il n’est destiné qu’à la circulation des personnes et non des marchandises, à l’inverse du large escalier de façade. C’est donc un escalier de communication interne qui ouvrait juste à l’extérieur de la maison, ou était intégré à une tourelle hors d’œuvre regroupant les escaliers qui desservaient les différents niveaux, à l’image d’une maison médiévale de Rouen dont la cave possède deux accès distincts aux fonctions bien différenciées9.
89Comme les parois arrière de nombreuses caves ont disparu, il est possible que ce type d’escalier, qui fait aujourd’hui exception, reflète une réalité médiévale que les multiples réaménagements ont aujourd’hui effacée. Dans tous les cas, en dehors des caves planchéiées sur la disposition interne desquelles nous ne savons rien, les emplacements des escaliers principaux indiquent une volonté évidente de communication facile et rapide avec la rue. Ils nous renseignent aussi sur les variations éventuelles de hauteur de la chaussée. En effet, les escaliers conservés qui s’étirent jusqu’à l’aplomb de la façade permettent d’affirmer que, dans ce cas, il n’y a pas d’exhaussement du sol extérieur depuis la construction de la cave. C’est notamment le cas pour la cave 8d dont les marches de l’escalier devaient se prolonger dans le trottoir et être couvertes par un burguet incliné, comme il en existe encore de nombreux exemples autour de la grand-place d’Arras notamment. Il est alors possible d’affirmer que le niveau de la rue de la Mairie, rue du Pont amont au Moyen Âge, n’a pas varié depuis le milieu du XVe siècle, date de la construction de cette cave.
90En revanche, d’autres caves semblent indiquer un rehaussement du niveau de la voirie depuis leur construction. Rue Gambetta, non loin de la rue de la Mairie, les caves 7c et 7e se situent, tout ou partie, sous la chaussée ; elles sont enterrées à plus d’1,75 m sous le sol actuel. Il ne s’agit pas de seconds niveaux de caves et il est difficile d’expliquer leur fort enfouissement si ce n’est par l’exhaussement du niveau de la chaussée. Au bout de cette artère, dans la rue des Ferronniers, la cave 6c semble indiquer le même phénomène. Située sous la maison, elle constitue aujourd’hui le second niveau de cave. Cependant, il n’existe aucun indice de construction médiévale dans la cave supérieure qui est contemporaine de la maison datée du XVIIIe siècle. La cave médiévale se trouve à moins de 2 m sous le niveau de la chaussée actuelle, visiblement exhaussée, ce qui a entraîné la modification importante de l’escalier d’accès à la cave, obligeant à démonter une partie de la voûte pour prolonger la trémie d’origine. Un peu plus loin, les deux appendices sous rue de la cave 2a confirment ces constatations : elles sont à près de 2 m sous le niveau actuel de la chaussée.
Restitution de l’escalier de façade de la cave 6c

91S’il y eut variation du niveau du sol, il ne paraît pas avoir été uniforme dans la ville, puisqu’il est fossilisé dans la rue de la Mairie depuis au moins les années 1460. Est-ce à dire que certaines rues, Gambetta et des Ferronniers notamment, ont été remblayées alors que le niveau du sol de la rue de la mairie serait resté stable ? Ou faut-il considérer les caves profondes comme des témoins anciens qui indiqueraient alors un exhaussement des rues antérieur au XVe siècle ? Il est délicat, en se fondant exclusivement sur ces observations, d’apporter une réponse ; ces questions mettent en évidence l’importance de la datation la plus exacte possible des différentes caves, qui pourrait alors permettre de situer chronologiquement le rehaussement, régulier ou ponctuel, du niveau de la voirie.
92Outre les escaliers, il existe aussi des trappes ménagées dans les voûtes, qui permettaient une communication interne par l’intermédiaire d’échelles. Elles existent dans les caves 7a, 8j, 8h, 10a et 10b et mettent systématiquement en relation les deux niveaux superposés de caves. Les dimensions de ces trappes ne sont jamais supérieures à 1 mx1 m. Dans les caves 8j et 10b, elles s’ouvrent à chacune des extrémités de la voûte, alors qu’elles sont réparties dans les volumes avant et arrière qui composent les caves 7a, 8h et 10a.
93Cette disposition permet d’envisager une autre utilisation que celle exclusive d’accès ; en effet, dans toutes ces caves situées en second niveau, il y a un problème évident d’aération, surtout si l’on imagine plusieurs personnes y travaillant. Cela s’est vérifié lors de la découverte de la cave 9f où le taux de gaz carbonique a dépassé le seuil de toxicité en moins de 10 minutes, alors qu’une unique ouverture étroite avait été dégagée. La présence et la disposition de ces trappes permettaient donc de ménager un flux d’air afin de ventiler correctement les caves profondes. Cette fonction semble d’autant plus évidente lorsque les trappes s’ouvrent à côté de l’escalier d’accès, comme dans la cave 10b, où le souci d’accessibilité est alors nul. Dans cette cave, la trappe arrière est aussi particulière : elle se prolonge par un conduit en pente, couvert par des linteaux en grès visibles dans le niveau supérieur, qui s’ouvre sur une vaste trappe rectangulaire en vis-à-vis du soupirail du mur du fond qui ouvre vers la cour. Une forte grille protège encore l’ouverture du conduit. Cette disposition révèle les différents changements d’organisation de la construction au fur et à mesure du temps. Elle répond aussi à un souci particulier de communication directe avec l’arrière de la maison : il peut s’agir d’une prise d’air ou d’un conduit destiné à déverser directement des produits de dimension restreinte ou relativement fluides dans le niveau inférieur. C’est un exemple unique à Douai.
94Finalement, à l’image des niches, il semble que les trappes aient un rôle polyvalent combinant le souci d’aération des salles basses, d’accès secondaire et sporadiquement d’espace de descente de marchandises ou de matériaux spécifiques.
Les aménagements secondaires
95Des ferrures sont ponctuellement observées dans certaines caves. Ce sont parfois des crochets et le plus souvent des anneaux d’un diamètre moyen d’une vingtaine de centimètres, qui sont fixés dans les sommets de voûte. Ils n’existent que dans les caves voûtées en berceau, comme dans le volume principal de la 7a ou certaines parties de la 8b. Aucun texte ne fait référence à ces aménagements, destinés soit à suspendre certains produits, soit à passer une corde ou fixer une poulie afin de soulever des produits ou matériaux lourds.
Coupe du soupirail arrière de la cave 10b

96Le sol des caves bénéficie aussi d’un traitement particulier. L’aménagement le plus simple consiste en un damage du sol sur lequel est épandu un lit de calcaire broyé, comme il est décrit dans les comptes de la ville à l’occasion de la restauration d’une bove : « XX beneaux de crou pris emprés les cauffours pour faire nouvel aire » sont nécessaires, puis pendant « IIII jours demi » il faut « reffaire et battre comme il appartient l’aire de ledicte bove » avant « d’espandre le crou » qui sera « rebatu, pourré, mis à long bien et souffissamment », puis couvert de « menues chendres »10, destinées sans doute à aseptiser le fond de la bove ou absorber l’humidité future. Ce traitement du sol a été retrouvé lors de sondage dans les caves 10a et 11a, mais aussi au second niveau de la cave 8h.
97Le dallage des sols n’a été reconnu qu’une seule fois dans la cave 12a, mais témoigne d’un réaménagement, puisque le sol en calcaire compacté est visible à peu de profondeur sous les dalles. Il semble que seul le « crou » ait été utilisé pour stabiliser et affermir les sols des caves.
98L’étude architecturale des caves recensées dans la paroisse Saint-Pierre à Douai, met donc en évidence l’emploi de techniques de construction diversifiées, de la plus simple à la plus complexe, pour des structures de plans et de tailles variés, sur un ou deux niveaux. Ces diverses mises en œuvre témoignent du savoir-faire et de la maîtrise technique des maçons médiévaux, capables de construire solidement même en terrain peu ferme, à des profondeurs importantes. Cette étude met aussi en évidence l’utilisation d’éléments spécifiques, arcs ou niches, destinés à répondre efficacement à des impératifs ponctuels et particuliers. L’ensemble des constructions souterraines de Douai constitue un véritable catalogue des architectures médiévales qui font cruellement défaut en surface.
99Plusieurs questions se posent maintenant. La première concerne la datation de ces caves. S’il est en effet possible de les classer chronologiquement, l’image d’une évolution des techniques débouchant sur une typologie est alors envisageable. L’utilisation de ces caves doit aussi être explicitée, en cherchant à identifier, lorsque c’est possible, leur propriétaire. Ces deux axes de travail permettront ensuite d’utiliser les caves comme outil de restitution et de compréhension de l’urbanisme médiéval, et d’apporter des données ponctuelles sur l’évolution de la ville.
Notes de bas de page
1 Arkeos, « Douai, 45, rue de l’Université : document final de synthèse », 1997, fig. 7, p. 13.
2 AMD, AA90, fo 67v° et 68r°.
3 AMD, CC220, Fo 89v°.
4 Arkeos, « Douai, Place d’Armes, le colisée : évaluation », 1999, fig. 20 p. 37 et p. 38.
5 Demolon (P) Barbieux (J), Revue du Nord, no spécial Douais et le Douaisis, 1979, p. 301-327.
6 Clabaut (J.-D), Les caves médiévales de Lille, Lille 2001, p. 55 et 56.
7 ADN, DD292, du 22 avril 1679.
8 AMD, ff705, fo 1 v °.
9 « Maisons Normandes », Grand Ouest No 49, oct/nov 1998, p. 75-77.
10 CC226, fo 56.
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