Roubaix en devenir
p. 187-204
Texte intégral
1Cette contribution est un essai, au sens propre du terme, c’est une réflexion menée au fil de mon expérience, de mon implication et de mes engagements. Je ne prétends pas tenir un discours savant ou un discours académique. C’est un point de vue, ce sont des opinions que j’émets et dont j’estime qu’elles ont la même valeur que d’autres, en ce sens qu’elles éclairent le débat, qu’elles apportent un sens différent à une réalité bien trop souvent maîtrisée par les observateurs officiels, dépositaires par essence du discours scientifique, le(s) discours dominant(s) qui sont d’abord et avant tout des discours politiques, dont on n’analyse pas vraiment le sens profond des positions qu’ils expriment, mais qui ont pignon sur rue.
2Je souhaite commenter une réalité complexe, pleine de péripéties politiques, soulever certains aspects, attirer l’attention pour les soumettre à votre réflexion, pour les mettre au cœur d’un débat dont j’espère qu’il aura des lendemains.
3L’évolution de la recomposition du champ politique local dans les vingt dernières années ne peut se comprendre et se lire sans la genèse et l’articulation avec les formes historiques d’organisation sociale et politique qui l’ont accompagnée, ont constitué ses bases et marqué les dynamiques des forces politiques, du monde associatif et de la société civile roubaisienne.
4Nous posons comme hypothèse que la profonde crise sociale urbaine, économique et idéologique dans laquelle la ville s’est enfoncée depuis trente ans a servi de révélateur, en actualisant les formes historiques anciennes d’existence collective, parallèlement à l’émergence de fortes ruptures sociales et politiques et à l’émergence de nouveaux acteurs sociaux et politiques venus des anciennes colonies.
5Dès la fin du XIXe siècle, Roubaix s’est révélée comme la « ville sainte du socialisme », modèle et exemple pour le mouvement ouvrier français. Dans cette ville populaire et ouvrière, le socialisme s’est puissamment organisé contre le patronat et sur une base territoriale de proximité, d’affinité avec la vie quotidienne de quartier, mobilisant fortement les ouvriers au service de la conquête du pouvoir politique local.
6Mais faisons attention à ne pas participer à la reproduction d’un mythe sans en interroger les racines ! La « ville sainte du socialisme » est-elle si différente des villes de la banlieue rouge, structurées et maillées socialement par des municipalités communistes qui ont su prendre en charge les besoins des catégories populaires par une offre conséquente de services sociaux ? Dans cette saga, nous ne repérons nulle trace des ouvriers et travailleurs originaires des colonies.
7L’industrialisation rapide, le tissu urbain dense et les courées ont organisé le territoire et structuré les sociabilités. Organisation du capital, d’un côté, organisation des ouvriers de l’autre, ainsi que les représentations qui les accompagnent.
8Ces caractéristiques sociologiques ont fortement contribué à structurer l’espace public local, de vie, de solidarité, qu’est le quartier, comme socle et unité de base de la socialisation et de la réorganisation de l’espace politique.
9Dans les années 1970, la crise économique frappe de plein fouet la ville avec son cortège de licenciements et de dépôts de bilan. À la déqualification urbaine s’ajoute la disqualification d’une population essentiellement maghrébine, frappée par le sur-chômage, l’exclusion et la discrimination.
10Façonnée par l’industrie textile, l’importante population ouvrière et la culture ouvrière dense, la ville a été profondément déstructurée par la désindustrialisation. Cela interroge la question urbaine et la question sociale, qui dans cette période moderne concernent la classe ouvrière déclassée, dont la population d’origine immigrée en particulier maghrébine, et mettent l’immigration au cœur des sujets politiques.
11Sur le plan politique, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la ville de Roubaix a été gérée par une coalition entre démocratie chrétienne et SFIO, jusqu’à la rupture introduite en 1977 par la municipalité d’union de la gauche. Cette alliance assure alors la suprématie et la maîtrise du pouvoir municipal aux socialistes, dans le cadre d’une gestion partagée et consensuelle du pouvoir municipal entre démocratie chrétienne et influence laïque (elle s’inscrit dans une longue expérience de coopération de cogestion, d’interpénétration et de perméabilité entre les groupes dirigeants).
12La délocalisation du capital textile et sa diversification achèvent le processus de démonétisation du pouvoir municipal d’une part et, dans le même mouvement, accentuent de façon univoque la position centrale du pouvoir municipal, comme objet, enjeu et référence quasi-unique des rapports politiques.
13En 1977, l’union de la gauche marque une rupture dans un cadre national, sur une base politique (conflit droite-gauche), même si des continuités évidentes portées par certains acteurs sont repérables. Ainsi, l’adjoint au maire (Marc Vandewynckele) qui installe les comités de quartier et la Commission extra-municipale des populations immigrées (CEMPI) (laïque, humaniste et chrétien de gauche) crée, pour une bonne part, le cadre dans lequel la question immigrée sera posée la décennie suivante : le territoire du quartier, la gestion séparée des populations immigrées.
14La préoccupation centrale de la rénovation et de la requalification urbaine devient un enjeu-clé à partir des années 1960. L’approche technocratique avec laquelle elle est conduite, dans cette phase de violente crise sociale, ne sera pas neutre dans l’échec de la municipalité d’union de la gauche en 1983, qui n’a pas su intégrer dans la hiérarchie de ses priorités la vie quotidienne dans les quartiers populaires.
15Elle a aussi payé le prix de sa rupture d’alliance historique entre chrétiens et laïques, qui sont certainement très perméables par les réseaux affinitaires, l’érosion de sa base sociale ouvrière, comme les formes de contestations politiques autour des luttes urbaines dont l’Alma-gare deviendra un modèle, notamment par la volonté de réintroduire les habitants dans le processus de décision politique.
16Ce premier traumatisme politique, l’échec de l’union de la gauche, confirme l’idée d’absolue nécessité d’une re-légitimation du pouvoir municipal par le territoire quartier, ainsi que d’une re-politisation de cet enjeu.
17Un deuxième traumatisme se fait sentir : l’émergence sur la scène politique locale d’une variété locale de l’extrême droite qui, avec 13 % de voix et un discours raciste anti-maghrébin, est le précurseur local de l’émergence nationale du FN aux élections européennes suivantes. Elle installe durablement la menace lepéniste sur les politiques publiques, les positions, les discours, les initiatives et les imaginaires des acteurs et des forces politiques de gauche comme de droite.
18Ainsi, à partir du début des années 1980, ces deux questions (les immigrés et l’extrême droite) taraudent l’oligarchie roubaisienne au pouvoir, comme celle qui y aspire !
19Dans ce contexte, les quartiers et les comités de quartiers sont devenus un enjeu central. Les conditions d’intégration sociale et politique des populations et la constitution d’un cadre de socialisation politique sont une nécessité absolue qui passera par la généralisation et le renforcement des comités de quartiers, outils de mobilisation et d’encadrement social (même si le mouvement est toujours contradictoire entre l’aspiration à la démocratie participative et la constitution, côté municipal, d’un strict espace d’intermédiation, de conflictualité et de régulation, bien loin de l’idée de débat public prônée par certains groupes militants).
20Cette tension entre ces deux images de la démocratie participative, l’une s’auto-saisissant de tous les champs locaux comme municipaux et l’autre comme espace de régulation limité aux questions micro-locales des quartiers, structurera le conflit idéologique des années 1980 sur le rôle des questions de quartier (espace de la citoyenneté et d’une certaine utopie versus espace du réalisme et du micro-local).
21Dans cet espace, symbole de luttes urbaines, se réinvente une autre pratique de l’urbain et du développement, centrée sur le local et la population qui y vit.
22Dans un rapport conflictuel, tant sur les représentations, que sur l’organisation1 des outils à mettre en place avec le pouvoir municipal central, l’Alma-gare jette au cours des années 1970 les bases d’une repolitisation et d’une réouverture du champ politique local, sur la base du quartier, en réintroduisant l’habitant dans la figure du co-décideur et en le mobilisant sur le territoire de sociabilité qu’est le quartier. Il réactualise ainsi l’unité de base, la forme sur laquelle s’est fondée historiquement la conquête du pouvoir municipal par le mouvement ouvrier, non plus face au pouvoir du patronat mais face à l’omnipotence d’un pouvoir municipal tutélaire.
23L’Alma-gare active ainsi la contestation politique du modèle central municipal qui s’est imposé historiquement et réactualise les bases de la mobilisation fondées sur l’ancrage micro-local. Ce faisant, elle bouscule l’un des fondements essentiels de la légitimité du pouvoir central, au prix du « quartier nation » dans lequel le sentiment d’appartenance réel, revendiqué ou magnifié, a constitué une ressource de l’action collective.
24La période 1983 - 1986 se révèle décisive pour les deux décennies 1980 - 2000 car elle concentre les événements fondateurs, qui structurent l’espace public roubaisien, les stratégies des acteurs sociaux et politiques, comme les politiques et pratiques institutionnelles :
- la chute historique de la municipalité de gauche en 1983 ;
- l’épuisement du modèle « almagarien » et la généralisation des comités de quartiers ;
- l’installation fulgurante de l’extrême droite dans le paysage politique local ;
- l’émergence d’acteurs politiques issus de l’immigration à l’occasion de la « marche des beurs » et les initiatives associatives.
25L’appartenance territoriale est une ressource de l’appropriation citoyenne, une sorte de sas conduisant progressivement à d’autres formes d’engagement, d’éducation populaire à la citoyenneté (espaces de reconquête citoyenne) de conscientisation susceptibles de contribuer à former des citoyens impliqués, éloignés des partis ou des formes plus abstraites de l’engagement politique.
26L’institutionnalisation des comités de quartiers lancée en 1977 ouvre un processus politique de recomposition des forces sociales et de la militance, sur des fondements géographiques et sociaux dont il convient de rechercher les causes dans les caractéristiques sociales des peuplements (CSP).
27Les comités de quartier entrent dans un long processus de normalisation (énormes moyens mobilisés par la politique de la ville), qui tend à les positionner dans une fonction de sous-traitance des politiques publiques. Ces relations sont à ré-interroger à la lumière des débats nés lors de la création des conseils de quartiers et qui porteront sur les échelles, la composition, le rôle et l’opportunité de créer un conseil de quartier sur le centre-ville.
28Il convient aussi de ré-interroger la figure du citoyen, de l’habitant et du militant. Voilà ma conviction profonde : c’est par l’appropriation du terrain et du territoire, par la production d’une conscience de la maîtrise sur son environnement et sur son avenir que se construit la citoyenneté.
29La municipalité, dans la mise en œuvre des politiques publiques comme dans les discours électoraux des partis de gauche institutionnelle ou contestataire, fait des quartiers une dimension centrale de ses interventions et de son action politique. Ce paradigme de mobilisation est beaucoup moins actif dans les discours politiques de la droite dure ou de l’extrême droite, comme de l’extrême gauche d’ailleurs.
30Une question est posée : la recherche de la responsabilisation et de l’implication citoyenne a-t-elle progressé ? A-t-elle permis de desserrer la relation de dépendance de la population roubaisienne à l’égard de la mairie ?
31Quels ont été les effets de l’institutionnalisation des comités de quartiers et de la généralisation des périmètres de la politique de la ville, dans le renforcement de la dépendance de ces instances et de leurs acteurs à l’égard de l’institution municipale, voire du risque de technocratisation des comités de quartiers ?
32L’enjeu politique de la bataille des élections municipales de 2001 a été articulé autour de l’inégalité de développement entre le centre-ville et les quartiers et de la démocratie participative.
33La ligne de conduite générale des municipalités successives ne peut se comprendre si l’on ne prend pas en considération l’ensemble de la situation locale : la population française (de souche) est gagnée par un fort sentiment de déclassement social et certainement de dépossession de son espace de vie, de son territoire. Par l’abstention ou le vote extrémiste, la défection de l’électorat ouvrier, à gauche, s’est révélée dès 1983.
34C’est une menace constante que désormais l’extrême droite exercera sur l’ordre public, la paix civile et les esprits des décideurs.
35Les habitants illégitimes, privés de droit de vote et ne disposant pas encore de la capacité de peser, sont, ainsi que leurs enfants, des acteurs illégitimes, tant la priorité absolue est de s’adresser à la population française légitime, de la rassurer, de la mettre en situation de re-maîtriser ses espaces de vie, de conforter ses corps intermédiaires d’intégration (comités des fêtes, Office municipal des sports, etc.), de lui donner les signes tangibles de cette ré-appropriation de l’urbain, du politique, tout en marginalisant dans l’espace public et médiatique toute expression publique différenciée sur la culture, sur le racisme et les discriminations.
36Cette approche fondamentale me semble avoir été partagée tant par les municipalités Diligent I, (aussi travaillée à l’interne par des éléments de droite) et Diligent II, que par les forces sociales et politiques de gauche.
37L’affaiblissement du tissu associatif, le déclin de la participation électorale, la montée du racisme anti-maghrébin et de l’extrême droite, la psychose sécuritaire, les tensions avec les jeunes immigrés sont autant de signes du déclassement des quartiers et de la relégation que subissent les populations, tant française qu’immigrée, ainsi que de la menace qu’elles subissent dans leurs chances et celles de leurs enfants de mobilité sociale.
38Pour ces prisonniers impuissants de la dégradation, se proclamer français est un signe distinctif d’affirmation et de compensation identitaire, qui s’est traduit dans les urnes par un vote xénophobe. Les populations d’origine immigrée ne sont pas, pour les groupements partisans et les partis lors de cette première décennie, perçues comme une population à conquérir. À gauche, elles sont considérées comme acquises. À droite, le sentiment que les immigrés ont pris possession de l’espace et du territoire est exploité de façon systématique dans la sphère politique, autour des thèmes récurrents des marchés, de la disposition du petit commerce (viande) et de la visibilité des jeunes dans leurs occupations jugées provocatrices. En parallèle, on observe la gestion clientéliste d’une population entretenue dans l’illusion de sa différence : les rapatriés et leurs enfants.
39L’appartenance au quartier et l’ancrage dans les quartiers sont valorisés comme une qualité spécifique des élus, qui s’en veulent les représentants. Théoriquement, ils y habitent, ce qui authentifie la proximité élus-habitants.
40Outre que cette qualité est loin d’être dominante dans les équipes municipales (un fort pourcentage d’élus résidant en dehors de Roubaix), les comités de quartiers servent de réservoir convoité pour recruter les nouvelles figures de listes et les relais pour les partis, loin de la population des quartiers, exclue de la participation comme de la représentation.
41La mairie non plus ne représente plus vraiment la population, captée par un personnel politique qui organise une autoreproduction, dans un cercle fermé de la classe moyenne ; certes légale, mais dont la légitimité est de plus en plus fragile et contestable.
42Le mouvement puissant qui pousse les couches populaires et les quartiers vers l’extrême droite, l’abstention et la droite, a déjà fait de la ville une démocratie censitaire.
43Marc Vandewynckele s’est donné pour objectif de réduire le fossé entre les Français et les immigrés, pour permettre la découverte mutuelle. La Commission extra-municipale des populations immigrées, sas et phase de transition, s’est sédimentée et fossilisée dans un schéma de gestion séparée, un décalage de plus en plus flagrant avec les problèmes vécus par les populations et notamment la jeunesse. On continue de poser en termes de nationalité, ce qui se pose en termes de citoyenneté, de droits et de lutte contre les discriminations.
44Interrogeons-nous donc sur l’étrangeté du regard que porte une partie des élites roubaisiennes de droite, comme de gauche institutionnelle ou militante, sur une fraction considérable de ce peuple.
45Le passage de la Marche pour l’égalité et contre le racisme a agi comme un catalyseur des espoirs, de l’émergence de la deuxième génération dans l’espace public et de l’engagement civique.
46De 1983 à 1986, le bouillonnement militant a généré de nombreuses initiatives et projets lancés nationalement ou localement (Convergences 84, Divergences 85, campagnes d’inscription collective sur les listes électorales, collectif « J’y suis, j’y reste », etc.)
47Ces initiatives et débats ont aussi traduit une divergence d’orientation stratégique, qui a traversé les différents groupes militants roubaisiens de cette époque : jeter ses forces et privilégier la construction d’un mouvement national des jeunes et des cités ou, sans négliger cette dimension, investir et privilégier l’engagement local, le travail de « conscientisation sur le terrain », comme on disait à l’époque, en s’inscrivant dans la durée.
48Au bout du compte, quelques conclusions fortes ont été tirées des dynamiques internes et de l’évolution du contexte (montée du FN, marginalisation nationale, pression à la récupération) :
- les associations ne devaient être qu’une étape de la mobilisation ;
- le social ne pouvait être la voie royale de l’insertion sociale et professionnelle des jeunes maghrébins ;
- le quartier et ses instances constituaient une échelle inadaptée et trop étroite pour exprimer la nécessité absolue de changement de la situation sociale ;
- il fallait assumer, si l’on voulait rester fidèle à ses convictions et à ce combat, le passage au politique et payer le prix de l’engagement, en assurant son autonomie.
49C’est autour de ces aspects que se situe, à mes yeux, l’héritage politique de ces mobilisations. Le mouvement beur s’est éteint nationalement, submergé par les machines à récupération que furent « SOS Racisme » et « France Plus », marginalisant puissamment les associations de quartiers ainsi que leurs animateurs. Localement, il a été confronté à la dureté des rapports de forces politiques.
50Ils ne représentent plus un grand intérêt pour des forces politiques qui sont mobilisées nationalement dans le rapport à l’extrême et une lutte frontale gauche-droite. Méfiance et distance se sont structurellement installées entre nombre de ces militants et responsables politiques, particulièrement de gauche, sur la scène roubaisienne, certainement parce que ceux-ci avaient l’espoir d’une reconquête municipale en 1989. L’accident de parcours de 1983 ne pouvait qu’être réparé la fois d’après !
51Bercée par cette illusion, se posant en héritière naturelle, une partie importante de la gauche roubaisienne, elle aussi tétanisée par la montée frontiste, soucieuse de préserver toutes ses chances de vaincre, ne fournira ni l’effort ni le travail politique nécessaires pour assurer une jonction avec cette nouvelle militance, issue des quartiers, souvent maghrébine, la renvoyant aux marges de la représentation politique et aux stratégies d’autonomisation. « J’hérite plutôt que je ne mérite ! Sois républicain et tais-toi ! »
52Cette impossibilité et incapacité à accueillir et à s’ouvrir, pour des raisons tactiques et racistes, aux nouveaux Roubaisiens culminera fin 1988, à quelques mois des élections municipales, dans un naufrage éthique, marqué par un vote au sein de la section du Parti socialiste, rejetant la présence de personnes d’origine maghrébine sur la liste pour les municipales.
53L’appartenance à un groupe social dominé et méprisé ne se vit plus comme une aliénation silencieuse, mais comme une base de contestation contre le monopole, les fonctions électives et les responsabilités des élus sur la vie politique, les associations installées sur les biens publics et les ressources collectives.
54L’absence de maghrébins à la mairie malgré leur poids important dans la ville est devenue une question politique de première importance traduisant le fossé séparant les politiques des habitants.
55Ces militants qui interpellent ne peuvent être que des empêcheurs de gérer en rond, pas assez sages et qui présentent des défauts d’acculturation politique. Trop pressés, trop ambitieux, incapables de jouer dans la cour des grands.
56La figure paternelle du maire fondée sur de réelles convictions, une ouverture d’esprit qui n’a jamais oublié d’être réaliste et vouée à la ville corps et âme, exercera une fascination extraordinaire sur bon nombre d’engagements et de militants, contribuant à masquer cette option fondamentale conservatrice.
57La municipalité Diligent II, face à une liste de rassemblement à gauche, incluant les Verts et plusieurs Roubaisiens d’origine maghrébine, se réinstalle à l’hôtel de ville en 1989. Sur ce thème, elle joue de la symbolique et de l’exemplarité de la réussite avec un cardiologue d’origine algérienne, et du réalisme clientéliste en faisant figurer dans la même liste deux enfants de rapatriés et des proches des Chevaliers de Roubaix.
58L’accès à la représentation politique, n’est en soi pas un processus nouveau. Historiquement, l’intégration au conseil municipal des différents porte-parole est une des formes de contrôle de la protestation. La nouveauté, c’est qu’en 1989 elle concerne pour la première fois dans l’histoire roubaisienne, des personnes issues de l’immigration maghrébine ; ce qui ouvre désormais la sphère de la représentation, de façon inéluctable, à cette catégorie stigmatisée de la population.
59L’émergence de la catégorie « jeunes » dans la décennie 1990, qui comprend quasi uniquement les jeunes d’origine maghrébine, comme base de légitimation à des stratégies d’intégration sociale et politique, doit s’analyser comme une forme d’action se situant à la conjonction des difficultés des comités de quartiers à les socialiser, de la volonté des politiques publiques à les transformer en opérateurs, mais aussi de l’aspiration de leurs leaders à s’insérer, à émerger, se faire une place au soleil.
60Exercice collectif de citoyenneté, souci de reconnaissance et volonté d’insertion professionnelle se conjuguent en formalisant ainsi des réponses collectives face à la non prise en charge par les structures installées (comités de quartiers, centres sociaux, clubs sportifs, comités de fêtes).
61Ses engagements se fondent sur une réelle aspiration à la prise en charge à l’autonomie, à la contestation d’un paternalisme social cantonnant les nouvelles générations dans la consommation de l’offre sociale, sur la conviction de la force du collectif, non pas seulement comme forme naturelle et spontanée d’organisation, mais aussi comme héritage de la première marche.
62Le passage à l’acte en politique des années 1980 se poursuit, malgré les difficultés dans une stratégie de politisation par le bas, dès lors que la conviction était acquise que toute forme d’organisation associative spécifique apparaissait comme velléitaire, antirépublicaine et inefficace, induisant la nécessité de l’action et de la prise de parole publique sur le terrain politique.
63Pourquoi, le développement séparé de la structure des jeunes a-t-il été à ce point favorisé à côté des comités de quartier, voire contre eux ? Quelles sont les logiques profondes à l’œuvre dans ces stratégies de spécialisation, dans la gestion des populations roubaisiennes et de leurs différentes fractions ?
64Au début de la décennie 1990, poussée par un désir d’expression d’existence, une nouvelle génération de militants frappe à la porte des institutions. Elle tente, par ses projets et ses revendications, d’exprimer ce qu’on lui interdit de mettre en mots : le besoin de réalisation individuelle, le besoin d’égalité, le refus de discriminations frustrantes et créatrices d’aliénations. S’exprimer et participer, c’est-à-dire se sentir faire partie d’un tout en y apportant sa présence, ses idées, ses rêves et ses illusions est un vrai besoin sain. C’est le besoin d’être dans le monde, d’être avec le monde, de se sentir appartenir à une communauté, dans le cadre d’un regroupement dont l’objet exprime très souvent le besoin de réalisation individuelle, mais le conjugue aussi avec le besoin d’amélioration collective, le désir de servir et de participer, avec le souci des autres.
65Proches du terrain, issus du terrain, les grands frères, les intermédiaires naturels des cités ; au-delà de l’approche stigmatisante de l’action sociale, les jeunes adultes issus de l’immigration sont autant d’intermédiaires que les institutions municipales et sociales ont favorisé pour faire le lien entre elles et les jeunes à problèmes.
66Malgré une fragilité sociale évidente, ces militants du quotidien, parfois en échec scolaire, mais souvent en difficulté d’insertion professionnelle au regard de leurs compétences, de leurs acquis ou en raison de leur appartenance culturelle, veulent s’investir dans le quartier, dans la vie de la cité, se donner les moyens d’y jouer un rôle.
67De différentes manières, à différents endroits de la ville, un modèle d’engagement s’est incarné autour de la promotion collective par l’action civique et politique. Il mérite d’être analysé en soi, dans ses interactions avec le pouvoir central municipal et notamment la manière avec laquelle la légitimité des acteurs, des porte-parole, a été niée pour les cantonner dans des fonctions de sous-traitants spécialisés dans des politiques ou dans des rôles de représentation sans assise sociale ou politique.
68Pompiers du social, subalternes de la proximité, ils refusent l’enfermement entre Arabes et contestent la position de dominés par la recherche d’une professionnalisation hors de la ville ou d’un engagement plus clairement politique.
69De 1990 à 1994, de nouvelles initiatives associatives vont être lancées (HSC, AJG (90), ASVJ, APM, CREJA, Espoir Jeunes, LIVE, FAJ) autour des problèmes des jeunes, face aux carences réelles ou supposées des structures de quartier et des centres sociaux. Il s’agit souvent de faire avec les jeunes et pour les jeunes, trop souvent absents des équipements collectifs, des comités de quartiers ou des associations sportives.
70Hantée par la volonté d’éviter l’explosion sociale, liée à l’extrême droite et aux répercussions de la violence islamiste en Algérie, la nouvelle municipalité suscite les initiatives, les encourage techniquement et financièrement (Aide Technique aux Groupes de Jeunes). Elle surinvestit ce nouveau tissu associatif, à côté des comités de quartier, qui doit par les perspectives socio-économiques qu’il ouvre aux leaders, participer à une évolution pacifique des quartiers en cogérant la délinquance, la toxicomanie (médiateurs-santé en 94) et l’organisation des jeunes.
71Sous l’impulsion d’un élu chargé de la jeunesse, la Fédération des associations de jeunes (FAJ) est créée en 1991, pour assurer un rôle d’interlocuteur face aux pouvoirs publics. L’alimentation financière du réseau par les moyens de la politique de la ville est subsidiairement asservie dans cette réussite pour asseoir une trajectoire d’ascension politique au sein de la majorité municipale.
72Parallèlement à cette structure d’initiative municipale orientée vers la promotion de projets socioculturels, des militants engagés dans certaines de ces mêmes associations, lancent en 1992 la Coordination roubaisienne des associations de jeunes (CRAJ), structure informelle indépendante financièrement. Son projet consiste à investir le terrain des questions sociales qui se posent sur la ville et à la jeunesse, comme le racisme, les discriminations, la toxicomanie, par une approche politique s’appuyant sur l’organisation de débats.
73Autour de ces associations d’amples manœuvres politiques se mettent en place. Leurs militants avaient été des compagnons de route dans les années 1980. En 1993, « Citoyens roubaisiens » organise un débat à l’occasion des dix ans de la première marche, qui restera dans les annales, tant le fossé d’incompréhension est profond entre ces nouvelles générations et les anciens.
74La CRAJ est sabordée en 1994, un an avant les élections municipales, simultanément à la reprise en mains de la FAJ dont les dirigeants s’alignent et soutiennent activement la municipalité sortante.
75Un autre groupe informel « Roubaisiens actifs et conscients » (RAC) organise des séances de débat, de formation civique et prône l’engagement dans les structures existantes (comités de quartier, conseils d’administration des centres sociaux, instances de concertation) afin de peser sur les politiques des structures comme de la municipalité.
76Ces approches républicaines dans leur esprit sont porteuses de conflictualité et parfois de conflits graves. Quand la volonté d’ouvrir et de partager n’apparaît que comme de belles phrases vite envolées, sous les coups de butoir, de nouveaux acteurs prétendant prendre toute leur place.
77Ces tensions s’illustrent dans des épisodes, dont l’analyse serait utile à la compréhension des difficultés, d’entrave à l’émergence citoyenne de cette génération : dans ses rapports au comité de quartier de l’Hommelet dans les années 1992-1994 ; au Cul-de-Four en 1998- 2000, et aux Trois Ponts dans les années 2000.
78Elles se révèlent à chaque fois que se trouvent mises en jeu la contestation du leadership, la prise de pouvoir et l’autonomie.
79Les rendez-vous ratés autour de l’OMS et de sa gestion, tout comme la quasi-absence de contacts avec le mouvement laïc roubaisien, méritent eux aussi un examen approfondi.
80Cet activisme multiforme, canalisé dans les formes associatives et fondé sur une territorialité ségrégée, a été accusé de s’engager dans une « dérive ethnique » (1993-1994).
81Dans une période préélectorale tendue marquée par la transition entre André Diligent et René Vandierendonck, la forte incertitude qui pèse sur les élections municipales, ce procès politique à l’égard de structures qui aspiraient à la reconnaissance dans un cadre républicain n’était pas dénué d’arrière-pensées.
82Cette accusation était d’autant plus infamante qu’elle devait avoir pour effet de neutraliser, de bloquer des processus de mobilisation politique autonomes, au bénéfice de stratégies de conquête et de maintien au pouvoir qui n’hésitaient pas à mobiliser le clientélisme de façon échevelée.
83Ainsi, tant ce discours que les circonstances dans lesquelles il est lancé, doivent être analysés au regard d’une nouvelle alliance politique qui s’est dessinée dans le paysage roubaisien entre centre droit, gauche et les transfuges du parti socialiste, dont « Roubaix horizons » s’est voulu être le creuset.
84À l’issue d’une campagne âpre, serrée mais victorieuse, les principaux responsables et dirigeants de cette fédération sont tous dans un rapport de dépendance économique avec le FJT, dont le directeur, ex-transfuge du PS, nouveau rallié au maire sortant (René Vandierendonck) avec quelques-uns de ses amis historiquement issus du Parti socialiste unifié qui n’ont eu de cesse de dénoncer le clientélisme du précédent adjoint à la jeunesse.
85Ils lui ont substitué une pratique d’instrumentalisation, à côté de laquelle son amateurisme d’inspiration chrétienne fait pâle figure, tant le leur est fondé sur un cynisme, un systématisme, dont seuls peuvent être capables les convertis ayant perdu leurs illusions de jeunesse, forgées aux fleurs de mai et à l’autogestion.
86La municipalisation de cette structure est achevée. L’importance des moyens financiers dont elle disposera dans les années suivantes sera proportionnelle finalement à sa perte d’influence et d’audience auprès des jeunes. Dans le même ordre d’idées, la question rapatriée, problème important sur la ville, est captée dans une dynamique qui n’a pas grand-chose à envier à la période coloniale.
87Tragique impasse pour cette nouvelle espérance, dont la tentative de dépassement, dans la deuxième moitié du mandat, par un conseil municipal des jeunes, cooptés et plutôt bien sous tous rapports, lancé par des élus soumis aux manipulations de la gauche, n’accouchera que d’un titre de gloire : un immense patchwork !
88Beaucoup de ces jeunes avaient en eux, la forte motivation d’un idéal. Ils n’ont assurément compté ni leurs heures ni leur fatigue, poussés par un puissant moteur de reconnaissance souvent exacerbé, par un puissant désir d’égalité.
89Mais comment rester mobilisé, engagé quand les résultats tardent à venir ? quand à chaque avancée, à chaque poussée, l’horizon semble encore s’éloigner, en butte aux difficultés de son insertion sociale, aux incompréhensions, aux conflits interpersonnels ou politiques, aux manipulations et à la diabolisation ?
90On est le produit de sa propre histoire et de son environnement. Nouveaux prolétaires vivant sur des territoires ségrégés, les jeunes d’origine étrangère se regroupent logiquement sur une base d’affinités, de projets, le plus souvent territorialisés.
91Contrairement aux mouvements et partis politiques, aux associations plus traditionnelles, ils n’ont pas déserté le terrain, ils en sont issus.
92Il nous faut analyser les acteurs et le système de relations qui ont contribué à les maintenir dans un rapport infantilisant, à la lisière et à côté des instances de démocratie participative, aussi imparfaites soient-elles et, enfin, à les diaboliser comme vecteurs de dérive ethnique (1992-1993) et à l’orée de l’an 2000, de communautarisme.
93La tendance à la victimisation abusive, souvent évoquée comme argument presque disqualifiant de la revendication, existe certes, mais elle ne doit pas nous empêcher de poser aussi la question principale qui vaut d’abord : qui est et qui tient le rôle de bourreau ?
94Trop sûr, trop fier et en permanence brandi comme un étendard, le modèle républicain a échoué, dans l’illusion qu’il suffirait par incantation, par proclamation, à assurer l’égalité et à réussir l’intégration. Cette crispation et la situation socio-économique de plus en plus grave pour de nombreux Roubaisiens ne devraient-elles pas nous amener à nous questionner sur l’ampleur des ravages de la désintégration sociale et ses conséquences sur le sort d’une génération quasiment sacrifiée ?
95Que deviennent les valeurs d’égalité, de liberté des citoyens, quand elles apparaissent comme piétinées et ignorées par des institutions comme par la collectivité locale et quand l’État dont il est beaucoup attendu, cède le terrain à des forces, à des groupes qui se posent comme uniques et vrais défenseurs des discriminations.
96L’autisme et l’aveuglement institutionnel à l’égard des discriminations à l’emploi, au logement, aux loisirs, ne prendra solennellement fin qu’à compter de 1997-1998.
97Il est bien connu que ceux qui s’engagent dans les affaires collectives sont très exposés à l’épuisement, aux représailles, aux mesures de rétorsion, d’autant plus forts que le capital social et relationnel dont ils disposent est faible ou limité. La proclamation de l’implication citoyenne peut n’être que velléitaire si elle n’est pas adossée à un rapport de forces, dont la conscience confuse de la nécessité peut se réduire à une incantation sur l’inscription, l’appel au vote ou le repli sur son groupe social d’origine.
98L’usure, le renoncement, le broyage même dans la militance associative comme dans l’engagement politique, de nombreux acteurs issus de l’immigration doivent être analysés.
99De fait, à Roubaix, le travail sociologique de fond reste à faire sur les motivations, l’engagement militant, associatif et politique des enfants d’immigrés algériens. Je pose l’hypothèse que c’est en réalité parce qu’ils sont parmi les plus républicains au sens où ils croient que la politique, l’engagement peuvent changer la vie, améliorer le sort collectif, qu’ils ont autant valorisé la dimension politique.
100Pourquoi, les enfants issus de l’immigration maghrébine sont-ils quasiment les seuls jeunes à s’intéresser à la politique, à la chose publique ?
101De nombreux élus ou responsables associatifs naïvement aspirés par la fascination du politique seront dans la décennie 1990 laminés par la difficulté de leur tâche ou de leur position, démoralisés par les impasses collectives et personnelles dans lesquelles les enferment les situations de manipulations dont ils sont sujets et objets.
102Dans la proximité, comme dans la vie civique, ces militants des quartiers issus des populations d’origine maghrébine, que sont-ils devenus ? Quels ont été leurs itinéraires et leurs parcours social, professionnel ou politique ?
103Frustrés souvent par l’absence de reconnaissance ou de soutien, au-delà du fonctionnel (souvent avoir un petit job dans le social) et symbolique (être considéré comme interlocuteur ou l’un des interlocuteurs de l’adjoint ou du maire) à la mesure de leurs désirs à défaut de l’être à celle de leurs possibilités, certains renoncent, abdiquent et se replient.
104D’autres modélisent l’exemple à leur disposition qu’ils copient par mimétisme : celui de l’individualisme et du cynisme comme pratique politique largement illustrée par les reclassements de plusieurs élus dans les années 1990 et tentent de monnayer leur rare ressource, dans le social comme dans le politique. Ils ne sont pas reconnus pour leur capacité à construire un projet civique ou politique, mais pour leur capacité à nuire afin de continuer à être accepté à la table des commensaux.
105Le fossé reste grand entre l’absence de représentation des jeunes issus de l’immigration maghrébine sur les diverses fonctions électives ou dans des positions majeures de représentation ou de décision et, d’autre part, leur forte présence active dans diverses associations locales (comités de quartier, associations de jeunes sportives, culturelles et cultuelles).
106Ce sentiment est d’autant plus vif que la participation à l’exécutif municipal de deux élus se solde en cours de mandat par un échec retentissant qui accrédite la thèse des « beurs alibis » et radicalise les interprétations et positions.
107Il y a, dans cette double décennie roubaisienne, comme un immense mouvement de balancier. On connaît d’une part, la force de la proximité, l’importance accordée à la mobilisation citoyenne, l’attention à tout ce qui vient de la base comme façon de faire de la politique et comme façon de tenir à distance le(s) politique(s) traduisant une aspiration à l’autonomie sociale par rapport au pouvoir. D’autre part, on est face à une tendance à la technocratie, à l’idée que les problèmes peuvent être réglés par la compétence, qui serait loin d’être l’apanage des politiques, mais des experts et des bureaucrates. De moins en moins de politique, de plus en plus de technocratie, telle me semble être la tendance lourde de la décennie 1990.
La tentation de la sous-traitance religieuse
108Dans un contexte marqué par la montée de l’islamisme en Algérie, par plusieurs attentats et affaires retentissantes en France, la question de l’identité musulmane s’impose de plus en plus avec vigueur et militance dans les quartiers, ainsi que la question de la culture arabe. Ces nouveaux objets sont systématiquement politisés autour d’une nouvelle bataille idéologique : le communautarisme.
109L’identité en souffrance peut vite se réduire à l’identité cultuelle. La tentation est grande, face à la montée de la religiosité, à l’impasse de l’intégration et des mouvements citoyens, de lui faire jouer le rôle de digue contre les phénomènes de violence et de marginalisation.
110Ainsi, faute d’une politique forte de lutte contre le racisme, les discriminations et les injustices, s’installe un système de gestion, de cogestion avec les religieux, non pas pour intégrer l’Islam et les musulmans dans l’égalité de dignité et de droits mais comme une opportunité pour aider à gérer des maux sociaux et politiques.
111Cette voie a exercé un réel attrait après 1995, peut-être une fascination, sur les instances politiques locales à la recherche de remèdes face aux déficits de l’intégration et à l’impasse du mouvement associatif jeunes, car Roubaix, comme la France, a perdu le pari de l’intégration d’une bonne partie des jeunes issus de l’immigration.
112Ici aussi la réponse institutionnelle, qui avance sous une apparence associative, loin de poser les questions fondamentales et de recherches des solutions politiques à la présence de l’Islam et des musulmans, se borne à ouvrir un espace forcément limité et convenu, sous strict contrôle, pour un dialogue interreligieux, pour traiter d’une question pendante dans l’espace public depuis 1980. Vieille recette recyclée à vingt ans d’intervalle : dialogue internationalités, dialogue interreligieux pour traiter d’une question de citoyenneté.
113Par-delà la sincérité et les qualités individuelles des personnes cooptées, de l’intérêt même d’un tel dialogue, il est permis de s’interroger sur son caractère dépassé, en raison du nombre et de la logique de ceux qui n’y sont pas, tant des mouvances marginales, voire islamistes, comme des militants musulmans souhaitant inscrire et poser leurs revendications dans le cadre de dynamiques citoyennes comme citoyens et croyants.
Notes de bas de page
1 Voir le paradigme du triptyque élu-habitant-technicien.
Auteur
Vice-président de Lille-Métropole Communauté urbaine, conseiller municipal de Roubaix.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les entrepreneurs du coton
Innovation et développement économique (France du Nord, 1700-1830)
Mohamed Kasdi
2014
Les Houillères entre l’État, le marché et la société
Les territoires de la résilience (xviiie - xxie siècles)
Sylvie Aprile, Matthieu de Oliveira, Béatrice Touchelay et al. (dir.)
2015
Les Écoles dans la guerre
Acteurs et institutions éducatives dans les tourmentes guerrières (xviie-xxe siècles)
Jean-François Condette (dir.)
2014
Europe de papier
Projets européens au xixe siècle
Sylvie Aprile, Cristina Cassina, Philippe Darriulat et al. (dir.)
2015