Version classiqueVersion mobile

Michel Debré et l’Île de la Réunion

 | 
Gilles Gauvin

Troisième partie : La démocratie

Michel Debré et les départementalistes

Texte intégral

Les suppléants : Henry Sers et Auguste Legros

  • 1 AHC, 9DE73.

1Afin de concilier les deux clans « nationaux » qui se déchiraient en 1963, ce fut l’avocat Henry Sers qui fut choisi, alors qu’il n’en avait pas l’ambition, comme suppléant de l’ancien Premier ministre. Personnalité effacée sur la scène politique avant cette promotion, Sers représente la Réunion sur les bancs du Palais Bourbon de janvier 1966 à avril 1973, alors que Michel Debré est au Gouvernement. Ce dernier exerce, du fait de sa personnalité et de l’importance qu’il accorde à sa députation, un contrôle direct sur toutes les interventions de son suppléant qui sont lues ou même rédigées par son cabinet. La note que Michel Debré rédige à l’attention de Henry Sers le 28 juin 1966 montre le soin particulier que le ministre accorde à l’action du député sur le terrain1 :

« Pendant les mois d’août et de septembre il serait bon que Me Sers fît quelques visites.

  1. En dehors de Saint-Denis, voir les communes de la circonscription. Il n’est pas utile de convoquer, lors de votre passage, les conseils municipaux en entier, mais il me paraît très utile de ne pas se contenter de voir les maires : en les prévenant de votre visite vous pouvez leur demander de prévenir leurs adjoints afin d’avoir une conversation avec eux. Pour chaque commune, une fiche vous sera préparée par M. Aurousseau.
  2. Il ne faut pas oublier la visite à certains adjoints spéciaux afin que vous soyez vu dans les parties les plus éloignées des communes. Je pense par exemple à Bagatelle (commune de Sainte-Suzanne), à Sainte-Anne (commune de Saint-Benoît) également à divers quartiers éloignés de Saint-André (Champ-Borne), mais il y en a d’autres.
  3. La visite des curés est également une chose utile. Une conversation un peu longue avec chacun des responsables de paroisse peut permettre de connaître un certain nombre de problèmes particuliers, voire des problèmes d’intérêt général. En même temps que les curés, rendre visite à quelques œuvres catholiques. Je pense notamment aux sœurs de Sainte-Suzanne (enseignement ménager), aux sœurs de Saint-Joseph de Cluny, à
  4. Saint-André, également ne pas oublier la Mère-Supérieure de la Ressource (institution des aveugles et des sourds).
  5. Une visite aux médecins serait utile. Notamment les médecins de Saint-André et de Salazie. Je vous signale en particulier les docteurs Beauté et Dubard à Saint-André, le docteur Donnadieu soit à Saint-André soit à Sa lazie. 5) Il faudrait se préoccuper d’aller rendre visite à un certain nombre de planteurs bien choisis. Les frères Moreau vous en signaleront quelques-uns. La visite d’une dizaine d’entre eux devrait être suffisante. Je vous signale un vieux protestataire, mais très national, Robert, à Cambour.
  6. Pour ce qui concerne Saint-Denis, il me paraît très suffisant de faire un tour dans quelques paroisses, et d’abord les plus malheureuses, et d’y voir les curés de Saint-Jacques, Sainte-Clotilde et la paroisse de l’autre côté de la rivière de Saint-Denis dont j’ai oublié le nom. Enfin une visite aux mairies isolées de la Bretagne, la Montagne, Saint-François, le Brûlé, en compagnie des adjoints spéciaux, afin de prendre connaissance de quelques problèmes et que l’on sache que vous y êtes passé.

Voilà un programme bien chargé mais, en le remplissant au mieux, vous allégez d’autant les difficultés de la campagne électorale ».

  • 2 Ibid.

2Si les communistes focalisent leurs attaques contre Michel Debré, Témoignages, relayé par L’Humanité, déclenche en octobre 1972 une campagne de presse mettant en cause Henry Sers. L’objectif est évidemment de mettre à mal le suppléant du candidat à l’approche des législatives de 1973. A Henry Sers qui, le 3 novembre 1972, lui écrit pour se défendre des accusations portées à son encontre, Michel Debré répond de manière très concise, le 7 novembre, pour lui expliquer qu’il ne tient aucun compte de cette affaire : « Mon cher ami, je n’ai jamais attaché la moindre importance aux propos de Vergès et consorts, encore moins aux articles de L’Humanité. Je dois même vous avouer ne les avoir jamais lus (sinon le titre). Bien amicalement2 ».

  • 3 « Compte rendu d’entretien avec M. Auguste Legros. Maire de Saint-Denis ». AHC, 9DE71.
  • 4 AHC, 9DE71.
  • 5 Membre de l’équipe de conseillers de Michel Debré qui suit les affaires réunionnaises.
  • 6 AHC, 9DE71.
  • 7 Ibid. Marc Gérard, 2e adjoint au maire de Saint-Denis de 1973 à 1989 fut un des animateurs de l’As (...)

3En fait, depuis janvier 1972, le maire de Saint-Denis, Auguste Legros, a proposé à Michel Debré de devenir son nouveau suppléant, expliquant que Sers, de plus en plus critiqué, ne pouvait pas servir les intérêts de Michel Debré auprès des personnalités politiques les plus influentes3. Henry Sers ne se montrant pas non plus particulièrement décidé à se maintenir à la fonction, c’est donc Auguste Legros qui devient le suppléant de Michel Debré à partir des législatives de mars 1973. Au moment de sa première élection législative comme suppléant, Auguste Legros ne sait pas encore s’il occupera personnellement les bancs de l’Assemblée. Le 15 mars 1973, Michel Debré, de retour en métropole pour suivre de près l’évolution gouvernementale, lui écrit : « Vous vous posez sans doute la question de savoir si je vais demeurer au Gouvernement. A vrai dire, je n’en sais rien encore. J’ai quelque appréhension quant à la composition du nouveau ministère, quant au rôle que je pourrais y jouer et la décision n’interviendra que dans quelques jours. Je ne vous cacherai pas que je suis très hésitant. Comme je vous l’avais dit, il y a un mois, certaines évolutions peuvent me contraindre à demeurer à mon banc de député. Je vous réécrirai à ce sujet4 ». Michel Debré quittant le Gouvernement, Auguste Legros sert alors de relais auprès des élus locaux. Le 3 avril 1975, le député demande ainsi au maire du chef-lieu des informations sur la situation politique : « J’espérais pouvoir ‘faire un saut’ de quelques jours. Mais je suis obligé de retarder ma venue. Dedeyan5 va venir dans une dizaine de jours. Vous lui direz tout ce que vous avez à me dire sur la situation qui me préoccupe beaucoup. Je sens que les nationaux glissent…6 ». La lettre que le député fait parvenir à Auguste Legros, le 27 juillet 1978, témoigne par ailleurs de l’importance de l’action que doit mener le maire de Saint-Denis en son absence : « J’ai appris par des voies officieuses que Dijoud [le secrétaire d’État à l’outre-mer] allait en visite officielle à la Réunion. Le fait de ne pas me prévenir est certainement volontaire : les voyages de Dijoud sont autant destinés à la propagande UDF qu’à la connaissance des problèmes. Tout cela n’a pas grande importance. Toutefois, dans la mesure où il dispose de crédits, il convient de lui faire la meilleure figure possible… Il est intéressant cependant de lui inculquer quelques bons et solides principes : attention aux ‘socialistes’, attention aux ‘chrétiens progressistes’– et le RPR très uni est la meilleure chance à la Réunion d’une politique nationale. N’hésitez pas à lui montrer que vous êtes un ‘homme fort’ dans la politique réunionnaise. Et Marc Gérard tout autant7 ».

  • 8 AHC, 9DE71.
  • 9 Ibid.

4Auguste Legros a bien sûr un rôle à jouer dans la gestion quotidienne de la circonscription. D’ailleurs le 28 juin 1981, après les législatives, Michel Debré écrit à son suppléant pour lui dire : « Je réorganise mon état-major, désormais plus restreint pour pouvoir mieux suivre toutes les affaires du département et de ‘notre ville’8 ». Plus exemplaire encore de l’attention portée par Michel Debré, en même temps que de la bipolarisation du jeu politique autour de Debré et Vergès, cette affaire concernant le fonctionnement de la cantine de l’école centrale de Saint-Denis. Par lettre envoyée le 15 juillet 1981, trois mères d’élèves de l’école interpellent le député : « Depuis longtemps le directeur de l’école centrale avec Mme Vincent, Mme Josiane, Mme Sylvie, Mme Hélène vole le manger de nos enfants. On a écrit à la mairie plusieurs fois. Il ne fait rien du tout. Jusqu’à quand vous pensez qu’on va accepter ce vol ? Dites-nous un peu s’il vous plaît ! Et surtout le maire fait payer les pauvres, mais jamais les riches. Le directeur de l’école avec toute sa famille prend le manger qu’on fait cuire pour nos enfants. Les femmes de la cantine apportent le manger dans la maison du directeur. Tout le monde voit ça. Tout le monde connaît ça. Mêmes des maîtresses mangent dans la cantine gratuitement, mais les repas c’est plus meilleur pour elles et pour le directeur. C’est un scandale qui devrait cesser Monsieur. Oui ou non ? Il faut prendre vos responsabilités. Nous allons attendre 15 jours. Puis après nous allons voir M. Vergès, personnel, dans la mairie du Port. Il faut qu’il met tout le monde au courant dans son journal. Et puis après, nous allons écrire M. François Mitterrand en France. Vous allez voir qu’est-ce qui va arriver. Et tant pis pour vous, on a marre de toutes ces vols à l’école centrale9 ». Immédiatement, Michel Debré demande à ses collaborateurs de s’enquérir de précisions auprès d’Auguste Legros : « Une lettre m’a été récemment adressée par des parents d’élèves de l’école centrale de Saint-Denis et qui ‘s’indignent’ de ce que les repas du directeur et de sa famille proviennent de la cantine de l’établissement. Puis-je vous demander de voir ce dont il s’agit et s’il y a lieu de procéder à une mise au point ? ».

  • 10 Maire de la ville du Tampon depuis 1983 et élu député en 1986, 1988, 1993, 1997 et 2002 (aujourd’h (...)
  • 11 Médecin radiologue, il est élu député en mars 1993 (groupe RPR).
  • 12 AHC, 9DE71. Finalement André Thien Ah Koon se retrouve à la tête de la liste divers droite France- (...)

5Enfin, Auguste Legros joue le rôle de conseiller politique. Ainsi, le 31 juillet 1985, Michel Debré lui demande son avis pour les élections législatives à la proportionnelle de mars 1986 : « Je vous adresse cette lettre, tout à fait personnelle, pour vous demander de réfléchir et me donner, au plus tard quand j’arriverai à la Réunion au début de septembre, un avis, c’est-à-dire votre avis. En effet, les coups de téléphone que je reçois sont contradictoires mais révèlent un très grand désordre des esprits, me semble-t-il, et tantôt un refus de Virapoullé, tantôt un refus de Thien Ah Koon10. Il y a une première hypothèse : liste unique d’union avec Virapoullé, Thien Ah Koon et Marc Gérard, Pihouée11 figurant alors comme suppléant. Il est une seconde hypothèse avec Virapoullé, mais sans Thien Ah Koon, alors la liste se lit : Virapoullé, Pihouée, Marc Gérard, et parmi les suppléants, je prendrais alors une femme, la directrice d’école qui fut l’adjointe de Barau à Sainte-Marie et qui siège encore au conseil municipal mais dans l’opposition. La troisième hypothèse est une liste RPR à peine élargie. Elle comprend Pihouée, le docteur Kichenin et Marc Gérard ; à moins dans ce cas là de mettre la jeune femme que je vous dis en quatrième position. C’est entre ces trois hypothèses que se situe le choix. En faveur de la première hypothèse, il y a l’argument des quatre élus possibles (…). La troisième hypothèse est la plus facile à régler. Assure-t-elle vraiment deux sièges comme l’affirment nos amis ? J’aimerais aussi avoir votre opinion. L’hypothèse intermédiaire est également tentante, mais elle se heurte plus que tout autre à l’hostilité de Bénard et de Thien Ah Koon qui font alors alliance12 ».

  • 13 Voir supra « Michel Debré ‘député d’honneur’ ou ‘député la fraude’ ? ».

6Quand Auguste Legros devient président du conseil général à partir de 1983, Michel Debré continue à lui impulser ses initiatives et ses projets de la même manière. Le 24 juin 1987, le député écrit une longue lettre dans laquelle il lui suggère de « prendre l’offensive et profiter d’un certain désenchantement de nos adversaires pour marquer des points ». Pour cela, il invite Auguste Legros à réfléchir à la mise en place d’un SIVOM avec Paul Moreau, maire de Bras-Panon, Jean-Paul Virapoullé, maire de Saint-André, et Rieul Lauret, maire de Trois-Bassins. Il lui demande de mettre en œuvre « un certain nombre d’actions spectaculaires » à travers la construction de collèges ou encore le soutien à différentes formes de formation. Et pour faire connaître tout cela : « Une grande conférence de presse de votre part pourrait rassembler à la fois vos décisions et vos propositions tant à l’égard de l’État qu’à l’égard de la région. Si vous voulez attendre ma présence, je vous accompagnerai bien volontiers pour une conférence de presse à laquelle on associerait les vice-présidents du conseil général ». La nature des relations qu’entretient Michel Debré avec Auguste Legros permet de comprendre la surprise avec laquelle le député de la 1ère circonscription apprend en mai 1988 la candidature de son fidèle suppléant contre lui13.

L’organisation des « nationaux » autour du parti gaulliste

  • 14 AHC, 9DE67.
  • 15 Week-end, 1er mai 1970. Inscrit alors à l’UDR, Georges Repiquet est également membre du comité dir (...)

7En 1958, l’Union pour la nouvelle République (UNR) a pour président à la Réunion le docteur Pierre Lagourgue, jeune conseiller général de Saint-Benoît âgé de 38 ans, et pour secrétaire Camille Bourhis qui faisait partie des anciens cadres du RPF de 1947. Mais les parlementaires insulaires se montrent très réticents à rejoindre le parti gaulliste, comme le montre la réponse de Marcel Cerneau, le 2 mai 1967, à la sollicitation du ministre d’adhérer au groupe parlementaire de la majorité : « J’aurais été très heureux d’être agréable à G. Pompidou et à vous-même et de vous être utile dans ce passage difficile. Toutefois et toutes réflexions faites, je ne crois pas pouvoir sans me déconsidérer ici comme à la Réunion revenir sur une décision qui remonte à un mois à peine. Ce changement d’attitude, dans les circonstances présentes, sera monté en épingle par l’opposition et ne pourra que me causer un certain préjudice. Il reste cependant bien entendu que ma non-inscription à un groupe de la majorité ne modifie en rien ma position vis-à-vis du Gouvernement, que j’envisage toujours de suivre dans les grandes options qu’il voudra bien présenter à la sanction du Parlement, ce qui de ce fait même exclut tout vote d’une motion de censure14 ». Le seul parlementaire rallié au parti gaulliste est le sénateur Repiquet, mais il a toujours refusé de prendre en main la fédération locale en expliquant qu’il résidait principalement en métropole15.

  • 16 En 1974, il figure définitivement chez les non-inscrits à l’Assemblée nationale puis termine son i (...)
  • 17 JIR, 19 décembre 1968.
  • 18 Il est imprimé par Henri Ganowski et son rédacteur en chef est Gilbert Gonot.

8En 1968, l’Union des démocrates pour la République (UDR) remplace l’UNR. Camille Bourhis en reste le secrétaire départemental, mais Pierre Lagourgue, devenu président du conseil général le 11 octobre 1967, prend ses distances. Seul le député Jean Fontaine prend l’étiquette UDR pour sa première élection en juin 1968, mais il reste ambigu puisqu’il fait imprimer sur ses affiches Union des Démocrates pour la Réunion, et non pour la République. A l’Assemblée nationale, il se rallie à un groupe de réflexion autour d’Edgard Faure16. Les 14 et décembre 1968, Michel Herson, conseiller politique de Michel Debré et secrétaire général adjoint de l’UDR sur le plan national, officialise la création de la section réunionnaise de l’Union des Jeunes pour le Progrès (UJP) à Saint-Denis. La structure, alors présente dans 80 départements, est destinée à créer un vivier de jeunes voués à devenir les cadres de l’UDR. Herson qui annonce alors également la création de nouvelles permanences du parti, la parution d’un mensuel et la création d’une « Action féminine » prévoit des assises départementales du parti pour 1969. Mais tout cela n’est suivi d’aucune véritable dynamique. La structure de l’UDR reste en fait à l’état de nébuleuse face au PCR. C’est même plutôt la confusion qui semble régner dans le camp gaulliste. Suite aux événements de mai 1968 et aux législatives de juin, on assiste en effet le 27 juillet à la naissance d’un nouveau courant : le Rassemblement gaulliste réunionnais (RGR). En présence du sénateur Georges Repiquet et d’Auguste Legros, alors premier adjoint au maire de Saint-Denis, Gilbert Gonot et Jean Maillot, tous deux employés de la Sécurité sociale, lancent ce nouveau parti qu’ils présentent comme un mouvement de jeunes au service du gaullisme. Si le 19 décembre 1968 Michel Herson se félicite de la décision de Gilbert Gonot de fondre son mouvement au sein de l’UJP17, le RGR réapparaît sur le devant de la scène politique en publiant, le 15 octobre 1969, le premier numéro de son mensuel, Action Réunionnaise18, orné de la croix de Lorraine. La Gazette du 10 octobre qui soutient la parution du nouveau mensuel contre « l’Union des Démolisseurs de la République » montre la tension qui peut exister entre une partie des « nationaux » et l’entourage de Michel Debré : « Le titre de notre nouveau confrère mensuel s’orne d’ailleurs d’une superbe croix de Lorraine, ce qui n’est pas du goût de ceux qui se l’étaient appropriée, telle une marque de fabrique. Un certain Herson (…) avait même écrit à M. Gonot afin de lui ‘interdire’ d’utiliser cet emblème prestigieux ! ».

  • 19 AHC, 9DE76.
  • 20 Ibid.

9Michel Debré porte un regard très critique sur les élus « nationaux » dont il ne cesse de déplorer les querelles internes. Dans une autre lettre du 20 avril 1970, le ministre explique ainsi au préfet Paul Cousseran : « Le camp national manque de colonne vertébrale. Cela vient, pour une part, de ses contradictions internes puisqu’il comprend aussi bien des familles d’une relative grande bourgeoisie que des hommes d’origine modeste : fonctionnaires, instituteurs. Cela vient aussi, pour beaucoup, du fait que pour eux l’essentiel est la définition juridique du lien qui unit la Réunion à la France, sans prendre conscience que ce lien juridique est une trame et que si l’on ne tisse pas des fils solides, la traîne apparaît comme relativement faible, eu égard à l’évolution démographique et sociale de l’île. Il est déjà bien beau que le sentiment des Réunionnais ait gardé cette force. Il ne faut point en abuser. Enfin et surtout, les nationaux se désintéressent des affaires publiques dès qu’il n’y a point un problème aigu, et si vous ajoutez le fait que certains parmi les plus brillants, comme il est naturel et utile, viennent en métropole pour suivre des études et une carrière qui leur donnent plus de chances, le résultat est ce que nous voyons19 ». Il se demande d’ailleurs si un des moyens de renouveler la classe politique n’est pas la création de nouvelles communes : « Faut-il donner suite au projet de nouvelles communes, au moins partiellement ? Je le crois. L’avantage important est de susciter de nouveaux élus. Les jeunes sont en grand nombre et il importe que les nationaux, dans les conseils municipaux, fassent une large place à la nouvelle génération. La création d’une demi-douzaine de communes supplémentaires sera une excellente et féconde occasion20 ».

  • 21 Ibid.
  • 22 Ibid.
  • 23 Ibid.

10L’arrivée du préfet Cousseran en octobre 1969 marque incontestablement un tournant. Ce dernier, épaulé par le sous-préfet Bernard Grasset, tente en effet de rompre avec les habitudes des notables locaux et de les responsabiliser. Dans une lettre qu’il écrit le 22 mai 1970 au maire de Sainte-Rose, Dominique Sauger, le préfet déclare ainsi : « C’est aux élus qu’il appartient à titre principal d’agir, c’est-à-dire de promouvoir un nécessaire rapprochement entre les tendances et les personnalités nationales et de rechercher l’adhésion des électeurs et une participation toujours plus active des Réunionnais de toutes conditions aux affaires publiques21 ». Mais le 11 juillet 1970, le préfet fait savoir à Michel Debré à propos des municipales qui s’annoncent en mars 1971 que « seuls les communistes travaillent sur le terrain22 ». Le 18 février 1971, Paul Cousseran qui explique que certains notables, mécontents de sa neutralité, le menacent d’intervenir pour le faire muter, émet un jugement sévère : « Si l’on va au fond des choses, on voit que les grands notables admettent votre intervention dans la mesure où ils en sont les seuls bénéficiaires et où ils sont les intermédiaires obligés entre vous et ce pays. Ils ne représentent certes pas l’opinion publique réunionnaise mais ils ont l’argent, la puissance, et les Réunionnais sont bien trop passifs et pusillanimes pour soutenir les pouvoirs en cas de conflit ouvert. (…) D’où une comédie jouée autour de l’UDR dont on se réclame pour la forme mais dont on évite à tout prix de faire une force réelle23 ».

  • 24 Une lettre de Jean-Roger Châtelain du 8 avril 1971 prend acte de la décision de Michel Debré de re (...)
  • 25 AHC, 9DE4.
  • 26 Ibid.

11Parallèlement aux efforts préfectoraux pour lutter contre la fraude, les communistes enregistrent leurs premiers succès depuis 1956. Élections de Elie Hoarau et de Paul Vergès lors des cantonales de mars 1970, puis surtout, lors des municipales de mars 1971, l’élection de Roland Robert à La Possession, de Paul Vergès au Port et de Christian Dambreville à Saint-Louis ainsi que du socialiste autonomiste Wilfrid Bertile à Saint-Philippe. Michel Debré décide donc de revoir l’organisation de l’UDR24, où les tensions sont de plus en plus affirmées entre le secrétaire fédéral et les membres de l’UJP. Le 23 décembre 1971, Jean-Marie Dedeyan, envoyé en mission par Michel Debré, rédige un rapport qui souligne toutes les difficultés25 : « La crise était à mon arrivée parvenue à un point de non retour. D’un côté, les responsables de sections et plusieurs membres du Bureau fédéral soutenus par Jean-Paul Virapoullé, Maurice Chane Kune, Châtelain et Baron multipliaient les réunions pour réclamer un changement de structure qui permette à l’UDR de redémarrer afin de se montrer plus dynamique et plus ouvertement soucieuse de développement et de progrès. De l’autre, le secrétaire fédéral, sentant que le silence de Paris à son égard et l’absence d’invitation aux assises de Strasbourg traduisaient un désaveu, tentait, avec l’appui du député Fontaine, de montrer que l’inaction de l’UDR dans le département avait pour origine l’absence de directives des instances nationales préoccupées selon lui par les seules échéances électorales. Pour Camille Bourhis, dans ces conditions, une solution restait possible : la mise en sommeil de l’UDR et la création d’un mouvement national mais moins lié à Paris et surtout à la permanence du ministre à laquelle le député Fontaine et le secrétaire fédéral reprochent de trop s’occuper de la politique locale ! ». Après avoir annoncé localement la tenue d’une assemblée générale de l’UDR pour le début 1972, J. M. Dedeyan suggère au ministre une restructuration complète du parti avec à sa tête Marc Gérard et une ouverture la plus large possible du comité fédéral : « Une femme, trois ou quatre jeunes, un représentant de la communauté chinoise, un représentant de la communauté indienne, deux ou trois ouvriers et plusieurs ‘spécialistes’ des problèmes sociaux et économiques ». A cela il ajoute la nécessité de renouveler le bureau fédéral et de le rajeunir, avec une organisation bien plus efficace « de façon à assurer une animation constante et une amélioration rapide de l’image de marque du mouvement dans le département ». L’UJP lui semble plus homogène, mais il fait remarquer que « le seul reproche qu’on puisse faire actuellement à ce mouvement est de n’avoir su parvenir à pénétrer les classes sociales défavorisées. L’UJP à la Réunion réunit en effet essentiellement de jeunes fonctionnaires, commerçants, employés ou étudiants. Elle n’a jamais su se tourner vers les ouvriers et les petits planteurs, ce qui serait pourtant primordial ». Mais avant même les assises de l’UDR, du 11 au 18 février, la session du conseil général du 4 au 14 janvier donne lieu à un règlement de comptes politique concernant la permanence de Michel Debré dans l’île. Cette dernière a été confiée à Capuccio, CRS détaché pour cette mission, et à Jean-Roger Châtelain, ancien directeur des renseignements généraux à la retraite. Ce dernier est payé, à la demande du préfet, sur le budget de la DDASS en tant qu’agent de santé. Le groupe communiste – averti par un membre de l’UDR – fait éclater l’affaire et le président Pierre Lagourgue prend alors la décision de soumettre au vote la question du licenciement de Châtelain. Le résultat est sans appel : 17 pour (dont les 5 communistes), 7 abstentions et 5 contre. Michel Debré prend le vote comme une attaque personnelle. Le 30 janvier 1972, il écrit à Pierre Lagourgue pour lui faire part de sa déception et de son incompréhension : « D’un côté, un homme qui est un agitateur obéissant à Moscou et dont l’action, téléguidée, s’étend à cet égard bien au-delà de la Réunion. De l’autre côté, moi-même, qui, depuis des années que je m’occupe de notre île, n’a, je crois, rien demandé pour lui-même – ce qui s’appelle rien. S’il apparaissait qu’un certain contrat était irrégulier ou injustifié, pourquoi ne pas m’en parler, pourquoi ne pas arranger les choses, pourquoi ce vote, dont on pourra dire ce qu’on voudra, mais qui a été interprété par la presse et par l’opinion (des lettres de petites gens que je ne connais pas me le prouvent) comme un geste de défiance à mon égard. Je me perds en conjectures. Peut-être a-t-on voulu atteindre le préfet. Mais le préfet, sauf au regard de quelques personnes, n’est pas touché. Au regard de l’opinion, c’est moi, et moi seul26 … » Cette affaire ne fait que traduire la mauvaise humeur des ténors locaux de la 2e circonscription (qui est la plus soumise d’ailleurs à la pression des communistes), le député Jean Fontaine et Paul Bénard le maire de Saint-Paul. Ces derniers sont en effet en conflit ouvert avec la permanence de Michel Debré, qu’ils accusent d’ingérence politique, et avec le préfet. Michel Debré n’ignore rien de ces conflits et tente d’apaiser en particulier Jean Fontaine qui a publiquement annoncé le départ du préfet et la création d’un nouveau parti.

  • 27 De passage à Paris, il est convoqué dans le bureau du ministre Michel Debré où ce dernier lui fait (...)

12Le mercredi 16 février 1972, dans le grand salon de l’Hôtel de ville de Saint-Denis, l’UDR locale est réunie sous la présidence de Michel Herson. Camille Bourhis, dont le mandat de secrétaire durait depuis dix ans, est remplacé par Marc Gérard27, ingénieur de la météorologie, adjoint au maire de Saint-Denis et un des principaux animateurs de l’Association Réunion Département Français. Marc Gérard s’attache à donner une dynamique à l’UDR : « Lorsque je suis arrivé, il n’y avait pas un seul maire inscrit au parti, c’est moi qui suis allé les voir individuellement en leur demandant de s’inscrire ou sinon de ne pas se réclamer du gaullisme. En quelques jours, j’ai ainsi fait adhérer 7 ou 8 maires. Il n’y avait de même aucun fichier d’adhérents, on ne pouvait pas trouver 200 personnes inscrites. Deux ans après, il y avait 3 000 adhérents payant cotisation ». Mais aucun parlementaire local ne figure au bureau du parti et aucun nouveau président n’est nommé en remplacement de Pierre Lagourgue. Si la porte lui reste ainsi ouverte, ce dernier marque ses distances en créant parallèlement à l’UDR, dès le 18 février 1972, un comité de coordination nationale entre les élus locaux. La presse locale ne manque pas de signaler aussi l’absence au congrès du Mouvement pour le socialisme par la participation (MSP) – association des gaullistes de gauche présidée au niveau national par Pierre Billotte et représentée dans l’île depuis le congrès national des 13-14 novembre 1971. En septembre 1973, Michel Debré vient assister aux assises de l’UDR. Il doit alors faire face une nouvelle fois dans la presse locale à la pression du MSP qui, sept mois auparavant, a tenu ses propres assises départementales avec près de 2 000 militants. A ces derniers qui se déclarent en tant que principale tendance gaulliste, prêts à collaborer avec l’UDR, Michel Debré rappelle dans le JIR du 27 février la seule et unique bipartition politique de la Réunion : « Je n’ai jamais nié, aussi bien à la Réunion qu’en métropole qu’il y avait les candidats communistes et leurs alliés, et puis les autres qui sont des nationaux. Sur ce point, il n’y a jamais eu aucun doute et les contestations entre nationaux sont des contestations secondaires par rapport à la contestation fondamentale qui touche au destin du pays ».

  • 28 AHC, 9DE69.
  • 29 AHC, 9DE72.
  • 30 Ibid.
  • 31 Lettre au président du RPR du 22 décembre 1980. AHC, 9DE69.

13L’élection présidentielle de 1974 marque à la Réunion l’affirmation du courant giscardien autour de Pierre Lagourgue. L’UDR, contestée par ce nouveau parti, se restructure. Le 21 septembre 1974, le JIR annonce ainsi la nomination de Christian Arnauld comme nouveau secrétaire fédéral de l’UDR. Fils du docteur Arnauld, conseiller municipal à Saint-Pierre, il est le petit-fils de l’ancien chef de file du RPF local Jules Olivier, qui fut sénateur et maire de Saint-Denis. Marc Gérard devient alors président du comité fédéral. Fait marquant, une douzaine de membres de l’UDR est invitée aux assises nationales du parti les 14 et 15 juin à Nice. Mais Christian Arnauld démissionne rapidement de ses fonctions et le 15 janvier 1976, André Bord, secrétaire général de l’UDR, confie à nouveau le secrétariat fédéral – par intérim – à Marc Gérard qui occupe toujours les fonctions de président28. Ce dernier décide alors, pour relancer l’UDR, de prendre en charge l’organisation du voyage du président Valéry Giscard d’Estaing prévu pour octobre 1976, en affichant clairement l’étiquette du parti dans toutes les manifestations de soutien. Marc Gérard tente à la fois de rajeunir les équipes de conseillers municipaux et de trouver de nouveaux cadres dirigeants. Le 6 mai 1977, Emmanuel Miguet, qui dirige la Compagnie laitière des mascareignes (CILAM), écrit à Michel Debré pour lui faire savoir sa fierté d’être désigné comme nouveau secrétaire fédéral du parti gaulliste devenu RPR, mais le 8 décembre 1978, le député de la 1re circonscription prenait acte de la décision de Miguet de mettre fin à ses fonctions qu’il juge impossible à tenir en même temps que ses activités professionnelles29. Ce n’est ensuite que le 12 octobre 1979 que la décision de désigner Aristide Payet, professeur d’économie, comme nouveau secrétaire est avalisée par Jacques Chirac30. A l’approche de l’élection présidentielle de 1981, c’est sans aucune hésitation que Marc Gérard, qui garde la haute main sur la structure, apporte le soutien de sa fédération à la candidature de Michel Debré. Pour le fidèle lieutenant du député, cette attitude est « logique et fruit de la reconnaissance, de la fidélité et de la fierté31 ».

  • 32 AHC, 9DE69.
  • 33 Le journal que tient Monique Douyère est particulièrement éclairant sur ce point. AHC, 9DE68.
  • 34 AHC, 9DE71.
  • 35 Ibid.

14L’échec de l’élection présidentielle de mai, puis le désastre des législatives de juin étant à peine effacés, Michel Debré écrit le 1er juillet 1981 à Marc Gérard pour lui demander de réagir face au vide politique qu’il perçoit dans l’organisation des départementalistes à la Réunion : « Il me semble (…) que la hiérarchie du RPR hésite à suivre le plan de réorganisation du RPR à la Réunion. Cependant rien n’est encore décidé, ni dans un sens, ni dans un autre. Si ces messieurs ne veulent rien faire, vous et moi nous nous en consolerons. Mais ce sera une nouvelle erreur de leur part. (…) Je me demande – et je vous demande (parlez-en à Auguste [Legros] s’il ne faut pas mettre en place une sorte de comité de coordination des départementalistes – ou des nationaux – dont vous seriez la cheville ouvrière32 ». En 1982, alors même que Michel Debré mène un combat au niveau national contre le projet d’assemblée unique du Gouvernement, les correspondances qu’il échange montrent que le RPR n’a pas de structure politique stable et organisée33. La lettre qu’envoie Michel Debré à Auguste Legros le 2 août 1982 témoigne de cette mobilisation qu’il cherche à réunir autour de la question statutaire : « Je n’ai pas pu vous reparler avant mon départ de la réunion régulière dont il me semble que vous devez prendre l’initiative : vous-mêmes, Fontaine et Bénard, Marc Gérard et Virapoullé, et naturellement Yves Barau et Aristide Payet – à quoi vous pouvez ajouter les parlementaires autres que Fontaine quand ils sont présents. L’objectif de cette réunion régulière est de constituer, d’une manière secrète mais active, un état-major politique face aux états-majors socialistes et communiste. Il n’y a pas d’état-major RPR en dehors de nous et il n’y a pas d’état-major UDF. Ainsi sera donc constitué un état-major départementaliste34 ». Si la mobilisation départementale et nationale fait échouer le projet d’évolution statutaire, le RPR ne réussit toujours pas à trouver une véritable dynamique. Bernard Legros, le 22 février 1983, écrit ainsi, dépité, à Michel Debré : « La force du PCR est d’avoir des élus qui osent dire qu’ils sont PCR. La faiblesse du RPR est de renier le RPR et surtout de se dire RPR si on se fait élire sur cette ‘étiquette’35 ». Lors de l’inauguration du monument au général de Gaulle le 18 juin 1983, il n’y a que trois membres du RPR qui sont présents : Bernard Legros, Georges Rivière et Monique Douyère. En fait, il ne semble plus y avoir de ligne de conduite politique à l’intérieur de la structure gaulliste.

  • 36 Dossier François Mas. AHC, 9DE71.
  • 37 Paul Bénard, maire de Saint-Paul.

15De 1984 à 1989, c’est François Mas qui est alors chargé du secrétariat fédéral, Marc Gérard prenant peu à peu ses distances avec le parti. Dans une note envoyée à Jacques Toubon et à Bernard Pons, à la veille de l’élection présidentielle de 198836, François Mas estime alors l’audience du RPR entre 25 et 30 %, « ce qui révèle un très net recul du mouvement gaulliste par rapport aux années 1960-1976 ». Il explique cela par la fusion du mouvement gaulliste dans les mouvements d’union départementaliste « pour cause de péril communiste ». Il estime ensuite que le RPR « a fait les frais des dissensions entre Michel Debré et les potentats (Bénard37) et prétendants locaux ». Il y a enfin la personnalité du centriste Pierre Lagourgue qui a fait face au RPR. Si Michel Debré représente une « véritable statue du commandeur », François Mas note trois difficultés principales à l’expansion du parti. Tout d’abord « l’absence d’un véritable leader » : « Michel Debré, accaparé par son action capitale à Paris, ne peut en plus assumer l’éprouvante charge du gardiennage des agités et agitateurs locaux ». De plus, aucun élu local « ne semble avoir soit le souci, soit l’envie, soit les moyens d’assurer la succession, difficile il est vrai, de Michel Debré, et la charge de guider la fédération dans les méandres de la politique locale ». Deuxième handicap important pour l’activité du parti, le rapport souligne « l’absence de moyens » car « les municipalités sont à la Réunion les seuls véritables appareils politiques », or il n’y a alors plus que Bras-Panon, commune de 8 000 habitants, qui est liée au RPR. De plus les cotisations sont très faibles du fait de la situation sociale locale. Enfin, le troisième handicap à surmonter est « le désintérêt de Paris » : « Pénalisé par son éloignement et l’image de Michel Debré, la fédération de la Réunion semble totalement ignorée par la rue de Lille. Citons en vrac : les combats homériques que nous avons dû mener pour que l’information (Repères, Lettre de la Nation, Décider) nous soient adressées par avion ; les véritables scandales qu’il faut déclencher pour pouvoir obtenir une audience auprès des responsables, l’oubli systématique de la fédération de la Réunion (comme toutes celles d’outre-mer ?) dans l’organisation des campagnes nationales ». On ne peut qu’être frappé de la similitude de la critique du responsable insulaire avec ce qu’écrivait déjà quarante ans auparavant Jules Olivier, responsable du RPF…

16En 1989, en raison d’un problème familial, François Mas est remplacé par Alain Defaud. Ce dernier démissionnant, Mas reprend du service de la fin de 1992 à la fin de 1993 où Jean-François Bosviel est nommé secrétaire jusqu’en juillet 1995, Marc Gérard abandonnant définitivement la présidence au profit d’André-Maurice Pihouée en 1993. Un premier scandale éclate lorsque la direction nationale s’aperçoit que Bosviel a fait gonfler le nombre des militants de 3000 à 4000. Là encore on pense immédiatement au conflit qui a opposé Jules Olivier à Jacques Foccart concernant le nombre d’adhérents réels. Puis lorsqu’en mai 1999 la direction nationale fait le choix de Margie Sudre comme candidate réunionnaise et RPR sur la liste Sarkozy-Madelin pour les élections européennes, le RPR éclate une nouvelle fois. Le secrétaire départemental Tony Manglou et le président Pihouée se mettent en réserve et le mouvement n’a alors même plus de local dans l’île. Le 18 juin 1999, une partie des membres du RPR autour de Manglou et Pihoué fondent l’Union gaulliste de la Réunion qui se revendique comme un mouvement réunionnais refusant de se plier aux décisions parisiennes. Toute la droite se recompose ensuite en 2000 autour du centriste Jean-Paul Virapoullé qui prend la tête de ceux qui refusent la bidépartementalisation défendue par le gouvernement Jospin, le PCR et le député de droite André Thien-Ah-Koon. Virapoullé semble être alors le seul capable de tenir tête à Paul Vergès devenu sénateur en 1996 puis président de la Région en 1998. Il s’impose comme chef de file d’une droite unie et victorieuse aux municipales de 2001. Malgré cette « vague bleue », la transformation du RPR en Union pour la Majorité Présidentielle (UMP), dont le secrétaire départemental est Jean-Luc Poudroux, alors président du conseil général, ne se fait pas sans difficultés. Après d’âpres discussions, tous les courants de la droite s’entendent pour présenter aux régionales de 2004 une liste rajeunie dont la tête est confiée au maire de Saint-Paul Alain Bénard, fils de Paul Bénard. L’échec est cuisant face à la liste d’Alliance de Paul Vergès. Ce résultat, conséquence du mécontentement social face aux réformes du gouvernement Raffarin, marque-t-il la fin de l’UMP ? La droite locale se retrouve prise en étau entre son appartenance à l’UMP et sa volonté de défendre les spécificités locales. De plus, Alain Bénard n’a pas manqué de faire éclater sa colère après la candidature de Margie Sudre à nouveau imposée par la présidence nationale de l’UMP pour les européennes de juin 2004… Plus de quinze ans après le départ de Michel Debré, il n’y a donc toujours pas de structure gaulliste solidement ancrée et le cadre municipal reste la base du fonctionnement politique. De plus, dès que la question du statut devient l’enjeu primordial, on retrouve la classe politique rangée dans un ordre de bataille construit autour de l’opposition entre un pôle autour de Paul Vergès et de ses alliés de circonstance parmi lesquels on peut trouver des élus de droite, et un autre pôle autour d’élus de droite, longtemps dirigés par Jean-Paul Virapoullé, et de socialistes « départementalistes ».

Albert Ramassamy, l’ARDF et les socialistes

  • 38 OURS, A7 143MM.
  • 39 OURS, A7 78MM.

17L’histoire du parti socialiste est, depuis son origine, marquée par la difficulté de trouver un espace politique entre les communistes et les notables « nationaux ». La création de la première section socialiste date de juin 1936, dans l’élan de la dynamique de Front populaire en France, puis est suivie en mars 1938 par la création d’une fédération. A la fin de la guerre, les sympathisants socialistes, qui ne disposent pas dans leurs rangs de personnalités charismatiques à l’image de Raymond Vergès ou de Léon de Lepervanche, se retrouvent dans le mouvement de rassemblement intitulé Comité Républicain d’Action Démocratique et Sociale (CRADS). Un petit groupe, autour de Marc Serveaux, cherche alors à se démarquer du CRADS qui a servi en fait de tremplin à la création de la fédération communiste, mais les débuts sont difficiles. Dans une lettre du 7 décembre 1953, André Bidet, membre du comité directeur et secrétaire du bureau de l’Union française à la SFIO, enregistre avec humour la demande d’adhésion adressée par Joseph Dijoux, inspecteur de l’Éducation nationale : « Je vous adresse deux feuillets de cotisation 1953 (cartes et timbres) pour les camarades Luc Lebon et Albert Ramassamy. Je vous félicite pour ces deux adhésions. Il y a donc maintenant trois socialistes dans l’île. C’est un progrès, mais il reste encore beaucoup à faire pour arriver au chiffre de cinq adhérents. Ainsi pourriez-vous constituer une section38 ». Alors même que les communistes emportent deux sièges de députés sur trois en 1956, le mouvement socialiste est plus qu’embryonnaire. Raymond Millot, inspecteur de police d’origine métropolitaine, qui fait partie des quelques cadres locaux, insiste alors auprès de la fédération nationale pour que le groupe parlementaire socialiste vote les mesures qui permettront au parti d’avoir un impact concret : « Nos camarades ont l’impression que nous sommes impuissants à obtenir quelques satisfactions. Or il ne faut pas oublier que les ‘cocos’, de leur côté, s’emploient activement. Cela, nous ne le répéterons jamais assez39 ».

  • 40 Ibid.
  • 41 Ibid. Il s’agit de Guy Mollet, secrétaire général du parti ; Maurice Pic, secrétaire État à l’Inté (...)
  • 42 OURS, A7 78MM.

18Toute la difficulté de la SFIO à développer une stratégie politique est résumée par deux élections clés de 1957 : l’élection municipale de Saint-André, le 15 septembre 1957, destinée à remplacer le docteur Vergès décédé au mois de juillet, et l’élection législative du 17 novembre, qui fait suite au décès de Raphaël Babet au mois d’août. Après la disparition du charismatique leader communiste, le conseil municipal de Saint-André est dissous. La fédération SFIO de la Réunion, dans un rapport du 20 septembre 195740 envoyé à dix personnalités métropolitaines41, explique qu’elle a initialement choisi de soutenir l’ex-premier adjoint, Jean Ramassamy « en raison de ses sentiments socialistes qui nous paraissaient ne faire aucun doute (il n’était toutefois pas inscrit à notre parti). Par ailleurs, il était animé du même souci que le nôtre de ‘barrer la route au communisme’. Enfin il jouissait auprès du préfet d’une certaine ‘cote d’amour’. De ce fait, il convenait d’agir prudemment tout en restant dans la ligne politique du parti ». De manière à assurer cette alliance, les socialistes lui demandaient cependant d’accepter « que cinq candidats sur sa liste soient désignés par nous (…), que sa liste prenne pour titre ‘Liste d’Action Socialiste etc.’, que ses réunions de propagande soient faites avec un orateur de notre fédération ». La surprise est grande pour les socialistes, car si Jean Ramassamy a – selon eux – accepté les termes de l’alliance, « il n’en continua pas moins son action occulte. Nous avons alors appris, deux jours avant la date limite du dépôt des listes, qu’il y avait un accord secret, sur notre dos, avec la liste de Morange, le plus redouté des capitalistes réunionnais ». Finalement, Ramassamy et Morange, usinier de Bois Rouge, se partageaient l’ensemble des sièges municipaux. La réaction des socialistes insulaires est véhémente : « Déjà forts de leur victoire, les modérés se payent notre tête et ridiculisent le socialisme, tentant de nous porter ‘le coup bas’. (…) Pour nous, le résultat est clair : nous avons été délibérément exclus des partis nationaux. On nous a préféré dans la recherche d’une majorité pré-déterminée un malabar, dont la colonie à la Réunion prend de plus en plus d’importance, et un capitaliste ex-vichyssois ». A cela, les socialistes ajoutent qu’ils ont catégoriquement refusé la proposition d’un recours administratif en commun avec les communistes, également grands perdants de la parodie d’élection qui s’est déroulée. La réponse de la direction parisienne, le 4 octobre 1957 leur donne raison : « Si fâcheux que soit le ‘tripotage’ signalé, la fédération fait bien de ne pas s’associer aux communistes dans un recours au tribunal administratif. Il faut toujours éviter jusqu’à l’apparence d’une action commune42 ».

  • 43 Ibid. Lettre du 29 novembre 1957 de Raymond Millot à André Bidet et Georges Brutelle.
  • 44 Ibid.
  • 45 Ibid.
  • 46 Article publié dans Liberté du 9 janvier 1962 et La Démocratie du 12 janvier 1962.
  • 47 Albert Ramassamy, entretien du 4 août 1998. L’acte fondateur de l’ARDF a été établi par maître Tha (...)

19A la fin de l’année 1957, les socialistes locaux estiment que leur difficulté à s’affirmer sur la scène politique est « fort regrettable, d’autant que nos camarades sont au Gouvernement43 ». Et pourtant il semble bien que de hauts fonctionnaires en poste dans l’île soutiennent le mouvement socialiste. Ainsi Jean Berthier, fonctionnaire des RG à la Réunion depuis décembre 1950, dont une note interne à la direction nationale de la SFIO indique qu’il est « considéré jusqu’ici, par les différents préfets, comme la cheville ouvrière de ce service44 », fait savoir le 15 octobre 1957 aux responsables socialistes de Paris : « En tant que responsable des RG, je continue à aider le parti au maximum ». Le 29 novembre 1957, c’est le préfet Perreau-Pradier qui écrit, sur un ton très amical, au socialiste Maurice Pic, secrétaire d’État au ministère de l’Intérieur, pour lui dire qu’il a tout fait pour placer quelques socialistes dans les conseils municipaux de Saint-André et de La Possession mais qu’à son avis Raymond Millot se montre trop revendicatif par rapport aux notables « modérés ». Il se dit en particulier inquiet de ne voir aucune véritable structure politique capable de remplacer le parti communiste, qu’il s’attache à écarter des responsabilités : « Je ne vous cache pas que l’avenir de cette île m’inquiète en un certain sens, car, le jour où le parti communiste, dans son effondrement, n’aura plus qu’un certain nombre de leviers de commande, s’il n’est pas remplacé aussitôt par une formation politique adaptée à la situation de l’île, tout sera à recommencer dans quelques années, alors que le parti communiste aura eu le temps de se reconstituer et de reprendre ses positions avec, cette fois, l’expérience de sa défaite présente45 ». Lorsque la fédération communiste de la Réunion se transforme en Parti communiste réunionnais en mai 1959 pour revendiquer l’autonomie, certains socialistes autour d’Albert Ramassamy réagissent. Dès janvier 1962, ce dernier publie son premier article intitulé « Autonomie ou aventure » dans lequel il dénonce le caractère irréaliste de l’autonomie prônée par le PCR46. Cela n’empêche pas Raymond Mondon, favorable au PCR, de succéder à Albert Ramassamy à la tête du Syndicat National des Instituteurs en juillet 1960. Pour pouvoir mobiliser la population, Ramassamy réunit le 10 février 1962, à l’Hôtel de ville de Saint-Denis, un comité de défense de la départementalisation ouvert à des représentants du monde syndical et de la vie civile. Ce comité, qui devient Association Réunion Département Français (ARDF), s’illustre à l’occasion de l’élection partielle de mai 1963 en soutenant, au nom de la défense de la départementalisation, la candidature de Michel Debré47.

  • 48 Albert Ramassamy, entretien du 4 août 1998.
  • 49 AHC, 9DE73.

20Albert Ramassamy, devenu professeur après avoir été instituteur, est affecté en métropole à la rentrée scolaire 1963-1964. Michel Debré entre alors en contact avec lui afin de le faire entrer dans la structure administrative du Comité national d’accueil des Réunionnais en métropole. A la fin de l’année scolaire, sous la pression de la Fédération de l’Éducation Nationale insulaire qui a fort à faire avec la tendance CGT du Syndicat national des Instituteurs, Ramassamy revient dans l’île. A l’approche des élections législatives de 1967, l’idée se répand à la Réunion qu’il va même se porter candidat comme colistier de Michel Debré. L’idée ne manque pas de choquer une partie des notables de la grande bourgeoisie créole qui font alors savoir leur opposition à un tel choix, car Albert Ramassamy est d’origine indienne. Albert Ramassamy apprend en outre que Paul Vergès est allé voir le secrétaire national du SNI pour lui demander de mettre son veto à une telle candidature48. Il décide alors de couper court à toutes les manœuvres en se portant candidat au nom de la Fédération de la gauche démocratique et socialiste, tout en sachant qu’il n’obtiendra qu’un faible pourcentage des voix. Alors qu’il est de passage en métropole après les élections législatives, les instances dirigeantes de la FGDS lui demandent d’ailleurs des comptes car « le parti a pour vocation de ne pas s’investir dans des territoires considérés comme voués à l’indépendance ». Michel Debré reste cependant toujours en contact avec Albert Ramassamy qui multiplie dans la presse locale des articles pour défendre la départementalisation et démontrer le caractère dangereux de l’autonomie. Le ministre de la Défense le sollicite même pour obtenir l’autorisation de publier dans un quotidien parisien un de ses articles intitulé « Notre peuple et l’autodétermination », ce à quoi il répond favorablement le 24 juin 196949.

  • 50 Marc Gérard se souvient « avoir eu une prise de bec », selon sa propre expression, avec J. M. Dede (...)
  • 51 Le conseil d’administration de l’ARDF est alors le suivant : Président d’honneur Fernand Colardeau (...)
  • 52 Payet Frédéric, Le mouvement socialiste à la Réunion des années 1930 à 1981, Université de la Réun (...)

21Après la sortie de clandestinité de Paul Vergès, l’ARDF qui avait cessé ses activités se réunit le 4 septembre 1966 à l’Hôtel de ville de Saint-Denis. Elle décide alors de l’organisation d’un grand congrès qui, le 22 janvier 1967, réunit 250 délégués à la coopérative laitière de la Plaine des Palmistes. Si Albert Ramassamy de manque pas d’intervenir dans la presse, l’ARDF ne donne aucun signe véritable d’activité jusqu’à ce qu’un article de La Démocratie du 24 octobre 1969 demande à son président, le docteur Marcel Lamarque, de « nous rassurer sur l’avenir de ce mouvement ». Albert Ramassamy prend alors la plume et publie dans Le Progrès du 23 novembre suivant une grande tribune libre intitulée « Faut-il ressusciter l’ARDF ? ». Il y explique que l’association est morte, car elle regroupait en son sein deux conceptions différentes de la départementalisation : « l’une statique, qui voulait une association, de style groupement patriotique chargée de défendre le statu quo, et l’autre dynamique qui voulait faire de l’association l’instrument d’une politique de réforme ». Il souligne donc que sa mise en retrait personnelle tient à son opposition aux notables qui cherchent à défendre leurs privilèges sous couvert de la départementalisation : « Je me refuse à faire appel au patriotisme des travailleurs, quand je ne peux rien contre le ‘brigandage’. C’est pour cette raison que j’ai refusé de prendre la parole au jardin de l’État en mai 1968. Cette manifestation fut d’ailleurs précédée d’une réunion tenue à l’Hôtel de ville sous la présidence du Docteur Lagourgue, et au cours de laquelle le désarroi des élus présents amena chacun à s’interroger sur ce qui se passerait à la Réunion en cas de vacances du pouvoir central par suite de troubles. La peur ressentie par nos élus aurait dû les conduire à changer de politique ». Lors les municipales de mars 1971, l’ARDF reste en retrait, mais après l’élection de maires communistes à La Possession, au Port et à Saint-Louis, et dans le contexte de la réforme sur la régionalisation annoncée par Pierre Messmer, elle intervient à nouveau dans le débat public. Sollicité par Albert Ramassamy, le docteur Lamarque annonce alors par un communiqué de presse en juin 1971 que l’ARDF prend l’initiative d’organiser la célébration du vingt-cinquième anniversaire de la départementalisation. Le 3 juillet 1971, une grande manifestation rassemblant entre 15 à 20 000 personnes a lieu au jardin de l’État en présence de Michel Debré. Cette manifestation se fait bien sûr en concertation avec la préfecture et Jean-Marie Dedeyan, collaborateur du ministre50. Le 25 juillet 1971, l’ARDF tient ensuite un congrès au cours duquel elle publie une motion réaffirmant sa volonté « qu’aucune action ne soit portée au statut départemental » ainsi que celle de voir « abolir toutes les mesures discriminatoires » en matière de législation sociale51. L’association se pose également en interlocuteur du ministre Pierre Messmer auprès de qui elle envoie une délégation pour expliquer qu’elle est d’accord pour la régionalisation à condition que les compétences de la région restent purement économiques et administratives. Frédéric Payet, qui a travaillé sur le sujet, souligne que de son côté la fédération réunionnaise du PS, dirigée par Jacques Hoareau et réunie en congrès le 12 septembre 1971, réclame la régionalisation sans aucune condition et demande même des mesures comme la nationalisation de certaines industries52. L’ARDF ne défendant pas ces propositions, une rupture se produit entre les deux mouvements réunis un moment par la défense de la départementalisation.

  • 53 AHC, 9DE73.
  • 54 Albert Ramassamy, entretien du 4 août 1998.
  • 55 Sur cette loi voir : Poucet Bruno (dir.), La Loi Debré. Paradoxes de l’État éducateur ? Actes du c (...)
  • 56 Un haut responsable métropolitain aurait déclaré à Albert Ramassamy après la signature du Programm (...)
  • 57 L’intrépide, 17novembre 1971.
  • 58 JIR, 7 avril 1972. Secrétaire général du MDS Albert Ramassamy. Secrétaires-adjoints : Dr Raymond P (...)
  • 59 JIR, 7 avril 1972.
  • 60 La tendance autonomiste de Wilfrid Bertile qui fonde le PSR en octobre 1972 s’impose de fait comme (...)
  • 61 AHC, 9DE3.

22Michel Debré ne manque pas de remercier, dans un courrier du 13 juillet 1971, Albert Ramassamy pour son discours sur la défense de la départementalisation lors du rassemblement du jardin de l’État53. Tout comme Wilfrid Bertile, Albert Ramassamy est approché par Léo Hamon, secrétaire d’État auprès du Premier ministre et porte-parole du Gouvernement, qui lui demande d’adhérer au gaullisme de gauche54. Mais cela pose au départementaliste un problème moral : comment rejoindre les rangs gaullistes tout en étant à la tête d’un syndicat qui combat avec virulence la loi Debré de 1959 sur l’école privée55 ? Albert Ramassamy fait donc le choix de rester au parti socialiste. Il se retrouve face à une autre contradiction : alors qu’il défend avec acharnement la départementalisation, son parti passe des accords avec les autonomistes sans même consulter la fédération locale. La lettre, publiée par Témoignages le 25 septembre 1971, par laquelle Georges Fillioud et Georges Sarre s’engagent au nom de la gauche métropolitaine à verser l’aide globalisée que demandent les autonomistes56 est en effet un nouveau coup dur pour les socialistes départementalistes. La fédération socialiste fait savoir qu’elle désapprouve la mesure imposée par Paris en même temps qu’une scission intervient avec l’exclusion d’Albert Ramassamy de la section de Saint-Denis, à laquelle il appartient, car on lui reproche son discours du 3 juillet au jardin de l’État57. Albert Ramassamy fonde alors en avril 1972 le Mouvement Démocratique et Social (MDS) qui se veut « un instrument de lutte contre l’autonomie politique, contre le racisme et contre les séquelles du colonialisme58 » et qui a l’ambition de regrouper « ceux qui refusent l’aventure autonomiste et déplorent les excès de la politique actuelle des notables59 ». Il affirme ainsi sa volonté de voir apparaître un véritable courant socialiste départementaliste, mais en réalité il n’y a plus à la Réunion qu’une nébuleuse socialiste incapable de s’affirmer sur la scène politique et électorale. La signature du programme commun le 27 juin 1972 et les manœuvres préparatoires aux législatives de mars 1973 accentuent encore l’inquiétude d’Albert Ramassamy qui, le 13 juillet 1972, envoie une longue lettre à Michel Debré pour lui expliquer que la direction du PS national lui demande expressément de s’allier à Paul Vergès et qu’elle pousse Wilfrid Bertile à prendre en main le mouvement socialiste local60. Ce document traduit en fait toute la problématique dans laquelle se trouve Albert Ramassamy, à la fois profondément convaincu de l’idéal progressiste qu’il défend à travers le socialisme contre de nombreux notables locaux, et de la défense de la départementalisation qui représente pour lui le seul cadre dans lequel peut se construire le progrès social à la Réunion61.

  • 62 Albert Ramassamy, entretien du 4 août 1998. Voir également Ramassamy Dominique, Un ‘engagement’ po (...)
  • 63 AHC, 9DE73.
  • 64 Ibid.
  • 65 Le Quotidien, 13 octobre 1983.

23Le socialiste départementaliste fait le choix de ne pas s’investir lors des législatives de 1973 et se consacre à sa fonction de proviseur du lycée de Saint-Benoît. Lors de la présidentielle de 1974 où les socialistes du PCR soutiennent François Mitterrand, il se heurte une nouvelle fois à la difficile conciliation entre son engagement départementaliste et ses convictions socialistes. Faisant le choix de participer à la campagne, il se retrouve sur une estrade à recevoir l’accolade du sénateur communiste du Val de Marne, Roger Gaudon, en visite pour soutenir le candidat commun62. Les communistes publient alors une photographie de la scène de manière à provoquer la colère du camp adverse, ce qui ne manque pas puisque le JIR titre alors « Au mont des oliviers ». Les départementalistes qui n’apprécient guère la récupération de la victoire de François Mitterrand à la Réunion par le PCR se regroupent alors au sein du Mouvement Socialiste Régionaliste de Jean-Claude Fruteau, mouvement dans lequel on retrouve les hommes du MDS dont Albert Ramassamy. Ce dernier, conduit par la volonté de participer de toutes les manières possibles au développement économique et social de son île, continue de s’engager dans des actions concrètes dès qu’il ressent le malaise social profiter aux autonomistes. Le 10 septembre 1976, il écrit au cabinet de Michel Debré pour signaler qu’il a contacté les centres Leclerc pour les inciter à s’implanter à la Réunion. Il demande donc une intervention du député afin de faciliter le projet : « Je prends la liberté de vous écrire en raison du péril autonomiste. Les fonctionnaires sont fort mécontents du blocage de leurs traitements, alors qu’aucune action n’est entreprise pour enrayer la hausse des prix. Depuis la faillite des Nouvelles Galeries, ceux-ci montent par suite d’une dangereuse concentration de la distribution. J’ai donc pensé qu’il nous fallait faire quelque chose qui puisse laisser espérer une baisse des prix pour un juste retour à la concurrence. C’est donc dans ce dessein que j’ai pris contact avec le mouvement Leclerc63 ». Le 17 septembre, Michel Debré lui répond personnellement pour lui dire qu’il a bien pris en note l’idée, même si sa réalisation risque de se heurter à de grandes difficultés : « Ce n’est pas la première fois qu’une initiative de ce genre est envisagée. Un projet analogue avait échoué il y a trois ans. Les circonstances le rendent peut-être plus favorables ! ». Albert Ramassamy intervient également dans le cadre de l’ARDF. Le 18 mai 1977, il signe avec Marcel Lamarque une lettre au ministre de l’Éducation pour lui signaler « la grande misère de l’enseignement secondaire à la Réunion » et lui demander des moyens en conséquence64. Il reste en même temps un des leaders de la gauche socialiste. Ainsi, lorsque le PSR de Bertile et le FMSR de Fruteau présentent des candidats uniques pour les législatives de 1978, c’est Albert Ramassamy qui est choisi pour la 2e circonscription. Mais s’il marque des points, le PS ne réussit toujours pas à contrer politiquement le PCR. Lors de la campagne présidentielle de 1981, Albert Ramassamy reste d’autant plus sur sa réserve qu’il est depuis 1980 proviseur de l’important lycée Leconte de Lisle, à Saint-Denis, où il doit faire face à des problèmes internes complexes. Il retrouve cependant le devant de la scène politique en 1983 avec son élection comme sénateur, à la grande colère d’ailleurs du PCR qui estime une fois encore avoir fait les frais d’une alliance à sens unique. Lionel Jospin apporte alors son soutien à la fédération socialiste locale, en démontrant chiffres à l’appui que l’accusation du PCR était infondée65.

  • 66 AHC, 9DE14.
  • 67 AHC, 9DE71.

24L’ARDF et Albert Ramassamy ont-ils été des chevaux de Troie de Michel Debré ? Michel Debré n’a pas manqué de solliciter l’ARDF. Dans une note du 2 janvier 1967, il indique par exemple à son collaborateur Jean-Claude Aurousseau : « Vous trouverez ci-joint le cadre de la brochure, telle que je voudrais la voir réalisée et imprimée à la fin du mois de janvier. Il s’agit d’une brochure dont l’Association Réunion Département Français prendrait la responsabilité. Son titre pourrait être : ‘Renaissance et progrès à la Réunion’. Seul l’avant-propos, en portant ma signature, ferait allusion à mon nom. On peut mettre d’ailleurs sous le titre, en petits caractères, avant-propos par M. M. D. Chacun des chapitres devrait être très bref et dépourvu de phraséologie littéraire66 ». Mais le projet, déjà bien préparé, n’aboutira pas. Il faut dire qu’au même moment Albert Ramassmy se présente aux législatives de mars sous l’étiquette FGDS. Le 23 janvier 1975, Michel Debré écrit encore au docteur Lamarque pour lui suggérer une grande manifestation pour l’anniversaire du peuplement de l’île : « La politique, pour une part, est faite de jeux et d’apparence. Les séparatistes le savent bien et, sans se faire d’excessives illusions sur les fêtes qu’ils organisent, ils en tirent le plus grand profit. Sachons les dépasser et nous pouvons aisément les dépasser. Faites donc établir un programme. (…) La fête doit être très grande, très belle ; elle doit attirer des milliers de visiteurs. C’est-à-dire que sa préparation va exiger beaucoup de soins. Est-il possible de le faire pour septembre prochain ? Ce n’est pas impossible. Sinon il faudrait envisager le mois de mars 1976, mais ce délai est peut-être un peu long67 ». Là aussi le projet n’aura pas de suite. Et si en 1978 la brochure intitulée La Réunion. 30 années de départementalisation, pilotée par le cabinet du ministre, et qui établit un bilan général de la situation économique et sociale flatteur pour Michel Debré, commence par une présentation de l’ARDF signée de Marcel Lamarque, l’association elle-même n’a pas été mobilisée et n’est pas engagée par le projet. En fait, il y a eu la rencontre de deux volontés de défense de la départementalisation, l’une impulsée de métropole par Michel Debré et l’autre impulsée par des initiatives locales avant même l’arrivée de Michel Debré. D’ailleurs l’ARDF ne s’est vraiment illustrée qu’à des moments de crise, en 1963 puis en 1971, et n’a pas constitué un relais politique permanent. Lieu de réflexion et d’engagement politique au service de la départementalisation, l’ARDF a regroupé des Réunionnais dont les convictions politiques n’étaient pas forcément celles défendues par Michel Debré. Si Marc Gérard a été sollicité pour devenir secrétaire de l’UDR en 1971, Albert Ramassamy est resté fidèle à ses convictions socialistes malgré les positions défendues par le PS national. En dehors des deux grands rassemblements populaires mis en œuvre par l’ARDF en 1963 et 1971, c’est surtout par ses articles qu’Albert Ramassamy s’oppose, en son nom et en celui de l’ARDF, au dessein communiste. Il reste d’ailleurs, 40 ans après ses premiers articles contre l’autonomie, un des adversaires les plus irréductibles du PCR, qui ne manque aucune occasion de l’attaquer avec la plus grande virulence.

Pierre Lagourgue et les centristes

  • 68 Entretien Michel Lagourgue, 27 octobre 1998.
  • 69 AHC, 9DE67.
  • 70 Ibid.
  • 71 Ibid.

25Fils du directeur de l’usine de La Mare, Pierre Lagourgue fait ses études au lycée Leconte de Lisle durant les années 1930, en même temps que Raymond Barre et Paul Vergès. En 1938, il part en métropole pour poursuivre ses études de médecine. Il y épouse en 1944 Monique Payet, la fille de Roger Payet, président du conseil général de 1949 à 1966. Ses liens familiaux l’attachent d’ailleurs à des membres influents de la vie politique locale puisqu’il est en même temps le cousin germain de l’épouse du sénateur Georges Repiquet et le beau-frère du maire de Saint-Benoît, Jean de Villeneuve. De retour à la Réunion, dont il est le premier radiologue en 1949, il s’engage dans le combat politique local en 1958, à l’âge de 37 ans, en succédant à Jean de Villeneuve comme conseiller général de Saint-Benoît, poste qu’il occupera jusqu’en 1964. En 1963, il considère l’arrivée de Michel Debré comme une chance formidable pour l’île68. En 1964, il quitte le canton de Saint-Benoît pour le quatrième canton de Saint-Denis où il est élu face au candidat communiste Félix Gauvin. A la mort de son beau-père Roger Payet le 6 janvier 1966, c’est le député Marcel Cerneau qui assure la présidence du conseil général. Le 10 février suivant, le préfet Alfred Diefenbacher avertit Michel Debré que le maire de Saint-Denis, Gabriel Macé, brigue – contre ses conseils – le poste de président69. Marcel Cerneau semble en fait agacer de nombreux élus par l’autoritarisme dont il fait preuve au sein du conseil général, où il occupe déjà la présidence de la commission des Finances. En outre, Alfred Diefenbacher estime que le député se montre ostensiblement hostile à l’administration. Mais si Gabriel Macé échoue dans sa tentative de contrer Marcel Cerneau, certainement du fait de sa personnalité également controversée, une nouvelle élection le 11 octobre conduit Pierre Lagourgue, élu premier vice-président en 1966, à prendre la présidence par 17 voix contre 13 au président sortant. Marcel Cerneau ne cache pas son irritation, qu’il exprime dans une lettre du 10 octobre 1967 envoyée à Georges Pompidou. Le député de la 2e circonscription s’y étonne du soutien que lui a apporté Michel Debré en 1966 alors qu’il estime avoir été évincé de la présidence du département sous l’action du sénateur UNR Repiquet qui « est plus qu’un ami personnel de M. Debré70 ». Avant même d’avoir reçu ce courrier de la colère, Michel Debré avait écrit le 12 octobre au député pour lui expliquer qu’il n’était absolument pour rien dans l’élection de Pierre Lagourgue71.

  • 72 AHC, 9DE70.

26Le 9 octobre 1967, le ministre avait déjà écrit à Pierre Lagourgue, selon son habitude, une lettre de félicitations et surtout de recommandations concernant « l’orientation politique, administrative, économique et sociale » que doit mener un président de conseil général. Le ministre souligne d’abord le rôle important d’animateur politique : « Vous le savez comme moi, non seulement les nationaux sont volontiers divisés, voilà qui est à peu près impossible à éviter, mais en outre ils sont volontiers immobiles, alors que les adversaires communistes sont sans cesse sur le chemin de la guerre. Un président du conseil général peut représenter, par sa présence dans les différents points de l’île, par son impartialité au-dessus des tendances diverses des uns et des autres, par le soutien apporté à tous ceux qui constituent un encadrement politique sérieux, une chance considérable. Et je souhaite qu’il vous soit donné peu à peu d’être cette expression permanente de la politique nationale sur place72 ». Michel Debré souligne ensuite que la collaboration entre le nouveau préfet et le président sera « sans peine » excellente et termine par sa vision des rôles conjugués de l’État et de l’assemblée départementale : « Du point de vue économique et social, je n’ai rien à vous dire que vous ne sachiez mieux que moi. En ce domaine, pour une très grande part, l’essentiel revient aux pouvoirs publics nationaux mais l’expérience a montré qu’en certains domaines précis et essentiels, l’action du conseil général, en partant de son président, peut devancer ou accompagner l’action de l’État ».

  • 73 Ibid.

27En fait Michel Debré semblait compter beaucoup sur Pierre Lagourgue, élu jeune, bénéficiant d’une image d’homme politique intègre, pour réussir à fédérer les élus « nationaux ». Le 20 mars 1970, après l’élection des communistes Élie Hoarau et Paul Vergès aux cantonales, le ministre écrit au président du conseil général pour lui demander d’initier le renouvellement de la classe politique : « Je vous demande de prendre – moralement – la tête d’un mouvement pour le rajeunissement des conseils municipaux. Il ne faut pas hésiter à faire entrer dans les conseils de demain des jeunes de trente ans et même des moins de trente ans. Il y a là un tournant à prendre systématiquement si nous ne voulons pas connaître la surprise et la tristesse d’une nouvelle renaissance des communistes par une jeunesse qui serait déçue de l’accueil que lui feraient les nationaux73 ».

  • 74 Ibid.

28Mais les relations entre le président du conseil général et le préfet Paul Cousseran sont tendues, le premier acceptant mal de se plier à certaines décisions impulsées par le second dans les choix de développement économiques ou sociaux. Peu après l’élection municipale partielle de Saint-André en décembre 1969, Pierre Lagourgue organise avec le député Jean Fontaine – dont il a soutenu la candidature aux législatives de juin 1968 – et Yves Barrau un Comité de coordination des intérêts départementaux destiné à prendre en main les investitures des candidats « nationaux » pour les échéances électorales futures. Ce Comité n’hésite d’ailleurs pas à exprimer son mécontentement à Camille Bourhis, secrétaire fédéral de l’UNR, lorsque ce dernier décide de se passer de leur avis pour les cantonales de mars 1970. Bourhis qui démissionne est ensuite convaincu par le préfet de reprendre ses fonctions à la tête de la fédération gaulliste. Un premier incident notable a lieu lors du séjour de Michel Debré en août 1970 durant lequel Pierre Lagourgue démissionne de la présidence du conseil général en signe de mécontentement avant de retirer finalement sa démission. Un autre incident se déroule ensuite lors du séjour du ministre chargé des DOM-TOM, Henry Rey, en novembre 1970. Vexé par l’absence de Pierre Lagourgue, qui n’avait pas été invité officiellement, à l’inauguration de la place Charles de Gaulle à Saint-Denis, le ministre UDR omet ensuite volontairement, selon les propos rapportés par le sénateur Repiquet à Michel Debré, de citer le nom du président du conseil général dans le discours qu’il prononce à l’inauguration de la foire de Saint-Pierre en présence même de Lagourgue. Vexé à son tour par ce qu’il considère alors comme un affront public, Pierre Lagourgue fait savoir à Michel Grollemund, secrétaire général des DOM, qu’il ne présidera pas la séance du conseil général prévue en présence du ministre. Mis à part treize des trente-six conseillers généraux et les conseillers communistes, l’assemblée annonce alors par solidarité qu’elle refuse de siéger en absence de Lagourgue. Après une entrevue entre Cousseran et le président de l’assemblée départementale, ce dernier décide alors de présider la séance le 10 décembre afin de ne pas envenimer l’affaire. Michel Debré continue cependant à vouloir faire de Pierre Lagourgue un des piliers de son combat départementaliste. Le 28 juillet 1971 il l’exhorte à tout mettre en œuvre lors de la visite de Pierre Messmer pour montrer que la Réunion ne demande pas autre chose que le même statut de région prévu pour la métropole. Michel Debré est en effet inquiet de l’accueil prévu par le PCR dont il est informé : « Il faut que, du matin jusqu’au soir, sans oublier éventuellement la nuit et encore une fois, pendant tout le séjour, nos amis soient ardents, combatifs et en fassent dix fois plus. Puis-je vous demander de soutenir par vos conseils l’Association ‘Réunion Département Français’ dont il est sans doute bon qu’elle soit le pivot d’un combat qui doit être gagné sans bavure mais totalement ?74 ». Pierre Lagourgue continue pourtant de se heurter à Paul Cousseran qui estime que le président donne la part trop belle aux communistes lors du débat sur la régionalisation en janvier 1972. Le préfet estime en fait depuis longtemps que Pierre Lagourgue est un tenant de « l’autonomie bourgeoise ».

  • 75 Voir supra « L’organisation des ‘nationaux’ autour du parti gaulliste.
  • 76 La Gazette, 25 février 1972.
  • 77 Accot Iréné, Badre Paul, Barau Yves, Bourhis Camille, Boissier Marcel, Gauthier Jacques, Hoarau Gu (...)
  • 78 AHC, 9DE70.
  • 79 Ibid.

29L’affaire du vote du conseil général touchant à la permanence de Michel Debré en janvier 1972 est un nouveau coup d’épingle dans les relations entre les deux hommes75. On remarque d’ailleurs de manière frappante dans les courriers de Michel Debré à Pierre Lagourgue qu’à partir de la lettre envoyée par le ministre le 30 janvier concernant ce vote, la formule d’appel passe de « Mon cher président et ami » à « Mon cher président ». Par ailleurs, alors que le 16 février 1972 Michel Herson vient relancer l’UDR locale en mettant en place de nouvelles structures pour le parti gaulliste, Pierre Lagourgue marque ses distances en prenant la tête le 18 février d’un « comité de coordination nationale » qui « se fixe pour but de faire connaître un avis commun sur tous les problèmes politiques économiques ou sociaux concernant ou mettant en cause le statut départemental76 ». On y retrouve à la fois des membres de l’UDR et des socialistes départementalistes77. Si cette structure ne perdure pas dans les faits, elle marque sur le moment la volonté de Pierre Lagourgue de situer son combat politique hors du cadre rigide du parti de Michel Debré. Après un nouveau conflit avec le préfet dont il n’accepte pas la trop grande intervention dans les travaux de l’assemblée, Pierre Lagourgue démissionne de la présidence du 1er août au 10 octobre, date à laquelle il est réélu – élection « non souhaitée », explique-t-il à Michel Debré78. Entre-temps le préfet Cousseran a été remplacé par Claude Vieillecazes. Mais Michel Debré, qui se montre de plus en plus agacé et inquiet de la désunion des élus de la majorité, tente en vain de pousser Pierre Lagourgue à se porter candidat à la législative de mars 1973 dans la 2e circonscription, car il sait que la personnalité du président du conseil général peut réaliser le consensus entre tous les caciques locaux79.

  • 80 Sur le sujet voir Combeau Yvan (dir), Les élections présidentielles à la Réunion. 1965-1995, Unive (...)
  • 81 Ont obtenu au 1er tour : LAGOURGUE Pierre 297 voix, REPIQUET Georges 282 voix, VIRAPOULLE Louis 24 (...)
  • 82 Témoignages, 9 octobre 1974.

30L’élection présidentielle de mai 1974 marque la rupture définitive entre les deux hommes. Envoyés en délégation auprès des deux candidats de la majorité par les maires et conseillers généraux, Yves Barrau et Pierre Lagourgue optent pour des choix divergents. Tandis que le premier devient le mandataire de Chaban-Delmas, candidat de l’UDR soutenu par Michel Debré, le second fait le choix de soutenir Valéry Giscard d’Estaing. Pierre Lagourgue qui justifie son choix par des engagements du candidat des Républicains indépendants en faveur de l’application intégrale de la parité globale80 n’a également que modérément apprécié d’avoir été reçu par Chaban-Delmas en présence d’un Michel Debré fort directif. Si Jacques Chaban-Delmas, donc le candidat de Michel Debré, l’emporte sur celui que défend Pierre Lagourgue au premier tour et que l’union sacrée se fait sur Valéry Giscard d’Estaing au second tour, le résultat du duel personnel entre les deux hommes est en fait masqué par la victoire du candidat de la gauche à la Réunion. Pierre Lagourgue tente alors de faire fructifier son choix giscardien en se présentant aux élections sénatoriales de septembre 1974, avec le soutien public du ministre de l’Intérieur giscardien Michel Poniatowski. Au premier tour, Pierre Lagourgue se retrouve en très bonne position avec Georges Repiquet, mais au second le siège laissé vacant par Isautier lui est enlevé le 22 septembre par Louis Virapoullé dans des conditions qui le conduisent, en vain, à faire un recours en annulation81. Pierre Lagourgue qui accepte très mal le règlement de comptes dont il estime avoir fait les frais, montre sa mauvaise humeur en démissionnant de la présidence du conseil général dès le lendemain de l’élection. Son retrait ne dure cependant que jusqu’au 27 septembre, car sa démission n’est pas acceptée. Il annonce alors pour le 6 octobre un rassemblement destiné à créer officiellement un courant centriste à la Réunion. Depuis la présidentielle, la structure mise en place pour soutenir Valéry Giscard d’Estaing avait été maintenue afin de créer une nouvelle dynamique de parti. Mais le 29 novembre 1975, le comité directeur des Républicains Indépendants à la Réunion démissionne et Pierre Lagourgue annonce sa décision de se retirer de la structure face au peu d’intérêt que lui consacre la direction nationale. Les militants se donnent alors pour responsable le docteur Bertho Audifax. Pierre Lagourgue marque également sa différence politique durant ces années à travers l’attitude qu’il adopte à l’égard de l’opposition communiste. En novembre 1974, il fait déjà sensation lorsqu’il déclare à la télévision : « Je crois que l’ouverture à gauche (…) est indispensable pour l’avenir du département. Car on ne peut pas ignorer que la gauche représente à peu près la moitié du département et qu’il faut bien que nous vivions tous sur cette île82 ». En mars 1976, alors qu’il vient d’être réélu à la présidence de l’assemblée départementale, il affiche encore son regret de voir que les conseillers de l’opposition (cinq communistes et un socialiste) ont été écartés de toutes les commissions. Ce qui déclenche aussitôt l’agacement public de Jean Fontaine et de Paul Bénard.

  • 83 Marc Gérard, entretien du 23 juillet 1998. L’entretien entre les deux hommes tourne court car Marc (...)
  • 84 Conseiller maître à la Cour des comptes en 1978 il est ensuite élu député du Loiret de 1978 à 1981 (...)
  • 85 Le Quotidien, 11 décembre 1978.
  • 86 Saint-Leu, Sainte-Rose, Saint-Joseph, Petite-Ile, Saint-Pierre, Entre-Deux, Étang-Salé, Cilaos, Tr (...)

31La visite du président Giscard d’Estaing les 20 et 21 octobre 1976 est l’occasion pour la direction centriste nationale de venir affirmer sa présence dans l’île en même temps qu’elle vient prospecter de nouveaux cadres. Marc Gérard qui a pris en main l’organisation de cette visite dans le but d’affirmer haut et clair la présence gaulliste, est même démarché par le député centriste métropolitain Hubert Bassot83. En octobre 1977, une fédération du Parti républicain est lancée mais elle périclite vite et certains militants qui refusent l’autorité du secrétaire départemental imposé par Paris fondent des clubs « Perspectives et réalités » en espérant pouvoir créer un groupe UDF dans l’île. En mars 1978, Pierre Lagourgue se laisse convaincre par certains de ses amis comme le docteur Guy Hoarau pour se présenter à l’élection législative dans la 3e circonscription, où Marcel Cerneau, candidat à sa succession, est de plus en plus contesté. Pierre Lagourgue, qui emporte le siège sous l’étiquette de candidat de la majorité présidentielle – comme Michel Debré et Jean Fontaine – face au communiste Élie Hoarau et à Cerneau, s’inscrit alors au groupe UDF à l’Assemblée. La visite de Raymond Barre en novembre 1978 est perçue par Michel Debré et les gaullistes locaux comme une opération politique en faveur de l’UDF. Le Premier ministre est d’ailleurs suivi un mois plus tard par Jacques Douffiagues84 qui vient ouvertement affirmer sa volonté de voir une structure centriste s’opposer à l’hégémonie de Michel Debré. Pour ce qui concerne la direction du parti, le représentant national explique : « Il est clairement établi que le chef naturel de l’UDF, c’est le président Lagourgue, mais il sera d’abord et en premier lieu assisté par le sénateur Virapoullé85 ». La décision ne manque pas de surprendre lorsqu’on sait le différend qui a opposé les deux hommes aux élections sénatoriales, mais elle vise en fait surtout à regrouper tous les leaders pouvant s’opposer à Michel Debré. Le 2 janvier 1979, Le Quotidien annonce la création d’un comité provisoire de l’UDF auquel ont adhéré dix maires86, ce qui constitue un véritable rééquilibrage politique, quand on sait le poids des municipalités dans le jeu local, car si on enlève les deux maires communistes et les deux maires socialistes du moment, il ne reste plus que dix autres mairies de droite. L’UDF organise ensuite, dans les premières semaines de février 1979, sa première convention en présence de Roger Chinaud, président du groupe à l’Assemblée nationale.

  • 87 Marc Gérard, entretien du 23 juillet 1998. Dans sa lettre publique à Pierre Lagourgue, parue dans (...)
  • 88 AHC, 9DE70.
  • 89 JIR, 27 mai 1981.
  • 90 Michel Lagourgue, entretien du 27 octobre 1998. Dans le JIR du 27 mai 1981 Pierre Lagourgue déclar (...)
  • 91 JIR, 27 mai 1981.

32Le premier face à face électoral entre Michel Debré et Pierre Lagourgue a lieu lors des élections législatives de 1981. Le soir même de la proclamation des résultats du second tour de l’élection présidentielle, Michel Debré, fort inquiet des conséquences politiques à la Réunion, téléphone à Marc Gérard pour lui demander, comme à chaque échéance électorale, de contacter Fontaine et Lagourgue afin de mettre en marche une dynamique unique en vue des législatives87. Le député de la 3e circonscription se montre alors, semble-t-il, sur la même longueur d’onde que Marc Gérard. Mais il fait savoir publiquement le 21 mai sa décision de se présenter dans la 1re circonscription face à Michel Debré. Le 22 mai, Michel Debré envoie un ultime télégramme pour tenter de faire revenir Pierre Lagourgue sur sa décision : « J’ai réfléchi à notre conversation. J’estime, dans l’intérêt de la cause nationale de la Réunion à laquelle nous sommes l’un et l’autre attachés, qu’il conviendrait de créer un comité de soutien commun aux trois députés sortants, tous trois investis par l’Union pour la nouvelle majorité. Cette action concertée permettrait à la fois d’expliquer les erreurs qui ont pu être commises et de rétablir aux yeux de tous un front uni. Le soulagement d’un grand nombre de Réunionnais et le renouveau de l’union nationale justifient cet effort. Je vous demande instamment de l’accepter. Recevez l’expression de mes sentiments cordiaux88 ». Mais la décision du président du conseil général est irrévocable. C’est un véritable coup de tonnerre qui frappe la scène politique locale. Pierre Lagourgue motive sa décision aux électeurs par le chantage exercé sur lui par l’entourage parisien – chantage dont il a tenu informés Yves Barau et Marc Gérard : « A partir du 13 mai, j’ai été soumis, de la part de l’entourage de M. Debré, à des pressions et il faut bien le dire aussi, à un véritable chantage. En clair, on me disait que si M. Virapoullé se présente dans la 1re circonscription, on m’opposerait un candidat d’importance dans la 3e circonscription, ajoutant ‘on fera tout pour que vous ne soyez pas élu’89 ». Très certainement renforcée par l’autoritarisme des collaborateurs métropolitains de Michel Debré, la décision ne tient pas uniquement à la susceptibilité de Pierre Lagourgue. Ce dernier avait déjà hésité à se présenter dans la 1re circonscription face à Michel Debré lors des législatives de 197890. En fait, les circonstances politiques lui semblent cette fois favorables pour mettre fin à l’hégémonie qu’exerce l’ancien Premier ministre et permettre aux mouvements politiques locaux de s’exprimer autrement : « Pour la première fois peut-être depuis de nombreuses années on offre aux Réunionnais la possibilité de ne plus choisir entre le danger et l’aventure d’une part, et une personnalité venant de métropole, aussi importante soit-elle, mais qui peut-être n’a pas encore compris l’âme et l’esprit des Réunionnais91 ». C’est un échec pour Pierre Lagourgue qui avec 18,2 % des voix arrive après le communiste Bruny Payet (24,9 %), le socialiste Jean-Claude Fruteau (18,8 %) et bien sûr Michel Debré (37,1 %). Au second tour, Michel Debré est réélu avec 59,2 % des voix. Michel Lagourgue explique que son père a difficilement accepté la défaite et estime même que ce choix a marqué une coupure dans sa carrière politique. Pierre Lagourgue a avoué à son fils, après coup, son regret de n’avoir pas répondu à l’appel pressant de ses amis de la 3e circonscription.

  • 92 AHC, 9DE71.

33Lors des législatives de 1986, couplées aux régionales, Pierre Lagourgue présente une liste France Réunion Avenir, dirigée par le maire du Tampon André Thien Ah Koon, face à celle d’union RPR-UDF, conduite par Michel Debré et Jean-Paul Virapoullé. Arrivé en troisième position après le PCR et la liste UDF-RPR, Pierre Lagourgue obtient cependant les votes communistes pour prendre la présidence de la région. Il n’y a plus alors aucune entente politique entre Michel Debré et Pierre Lagourgue. Le 21 mars 1986, le député de la 1re circonscription écrit ainsi à Auguste Legros : « L’affaire du conseil régional était décidée depuis longtemps et au cours de ces derniers jours Lagourgue n’a fait que nous abuser. Le PCR a payé la dette qu’il devait pour la composition de la liste FRA et comme toujours les socialistes ont capitulé92 ». Michel Lagourgue estime que le plus grand adversaire politique de son père n’a plus été alors Michel Debré, mais Jean-Paul Virapoullé. Président du conseil régional de 1986 à 1992, Pierre Lagourgue rejoint la nouvelle majorité régionale constituée autour de Camille Sudre, qui a emporté les élections à la tête de son mouvement Free Dom, et de Paul Vergès. Élu sénateur en 1992, il décède en février 1998 après avoir été sollicité en tant que médiateur dans un nouveau conflit entre les fonctionnaires et le Gouvernement. L’Hôtel de région porte aujourd’hui son nom.

Notes

1 AHC, 9DE73.

2 Ibid.

3 « Compte rendu d’entretien avec M. Auguste Legros. Maire de Saint-Denis ». AHC, 9DE71.

4 AHC, 9DE71.

5 Membre de l’équipe de conseillers de Michel Debré qui suit les affaires réunionnaises.

6 AHC, 9DE71.

7 Ibid. Marc Gérard, 2e adjoint au maire de Saint-Denis de 1973 à 1989 fut un des animateurs de l’Association Réunion Département français. Il dirige la section locale du parti gaulliste de 1972 à 1984.

8 AHC, 9DE71.

9 Ibid.

10 Maire de la ville du Tampon depuis 1983 et élu député en 1986, 1988, 1993, 1997 et 2002 (aujourd’hui apparenté UMP).

11 Médecin radiologue, il est élu député en mars 1993 (groupe RPR).

12 AHC, 9DE71. Finalement André Thien Ah Koon se retrouve à la tête de la liste divers droite France-Réunion-Avenir avec Pierre Lagourgue, tandis que la liste d’union RPR-UDF dirigée par Michel Debré regroupe Jean-Paul Virapoullé (UDF), André-Maurice Pihouée (RPR), Auguste Legros (RPR), Christophe Kichenin (UDR), Rieul Lauret (UDF) et Céline Boyer (DVD). Avec 36,9 % la liste de Michel Debré obtient deux élus, le PCR qui fait 29,4 % a aussi 2 élus et la liste FRA un élu avec 17,1 %.

13 Voir supra « Michel Debré ‘député d’honneur’ ou ‘député la fraude’ ? ».

14 AHC, 9DE67.

15 Week-end, 1er mai 1970. Inscrit alors à l’UDR, Georges Repiquet est également membre du comité directeur de l’UDR au niveau national.

16 En 1974, il figure définitivement chez les non-inscrits à l’Assemblée nationale puis termine son itinéraire politique au Front national.

17 JIR, 19 décembre 1968.

18 Il est imprimé par Henri Ganowski et son rédacteur en chef est Gilbert Gonot.

19 AHC, 9DE76.

20 Ibid.

21 Ibid.

22 Ibid.

23 Ibid.

24 Une lettre de Jean-Roger Châtelain du 8 avril 1971 prend acte de la décision de Michel Debré de remanier le comité fédéral de l’UDR. AHC, 9DE67.

25 AHC, 9DE4.

26 Ibid.

27 De passage à Paris, il est convoqué dans le bureau du ministre Michel Debré où ce dernier lui fait accepter une proposition qu’il avait refusée à ses collaborateurs. Marc Gérard, entretien du 23 juillet 1998.

28 AHC, 9DE69.

29 AHC, 9DE72.

30 Ibid.

31 Lettre au président du RPR du 22 décembre 1980. AHC, 9DE69.

32 AHC, 9DE69.

33 Le journal que tient Monique Douyère est particulièrement éclairant sur ce point. AHC, 9DE68.

34 AHC, 9DE71.

35 Ibid.

36 Dossier François Mas. AHC, 9DE71.

37 Paul Bénard, maire de Saint-Paul.

38 OURS, A7 143MM.

39 OURS, A7 78MM.

40 Ibid.

41 Ibid. Il s’agit de Guy Mollet, secrétaire général du parti ; Maurice Pic, secrétaire État à l’Intérieur, Pierre Commun et Georges Brutelle, secrétaires généraux adjoints du parti ; André Bidet, membre du comité directeur ; Titieux, député des Ardennes, Darou et Ghuislain, députés du Nord ; Montalat, député de la Corrèze, Boulanger, sénateur de Belfort ; Lechantre, rédacteur en chef du journal Nord Matin.

42 OURS, A7 78MM.

43 Ibid. Lettre du 29 novembre 1957 de Raymond Millot à André Bidet et Georges Brutelle.

44 Ibid.

45 Ibid.

46 Article publié dans Liberté du 9 janvier 1962 et La Démocratie du 12 janvier 1962.

47 Albert Ramassamy, entretien du 4 août 1998. L’acte fondateur de l’ARDF a été établi par maître Thazard le 29 mai 1963. Albert Ramassamy rappelle même que c’est Michel Debré qui l’a poussé à transformer le comité en Association.

48 Albert Ramassamy, entretien du 4 août 1998.

49 AHC, 9DE73.

50 Marc Gérard se souvient « avoir eu une prise de bec », selon sa propre expression, avec J. M. Dedeyan : « Il voulait que l’on mette la police partout. Je lui ai très fermement expliqué que c’était un métropolitain qui ne connaissait rien à la situation locale et que je ne voulais pas voir un seul képi ». Marc Gérard, entretien du 23 juillet 1998.

51 Le conseil d’administration de l’ARDF est alors le suivant : Président d’honneur Fernand Colardeau bâtonnier de l’ordre des avocats ; président honoraire Joseph Dijoux inspecteur primaire ; président Docteur Marcel Lamarque ; vice-présidents Albert Ramassamy, Marc Gérard, Marc Baron ; secrétaire général Achille Prémont ; secrétaire général adjoint Jack Gauthier ; trésorier André Evan ; trésorière adjointe Aline Solesse ; membres Roger Genies, Hervé Hibon, Michel Hoarau, Raymond Lebon, Antoine Lucas, Max Michel. Archives privées Albert Ramassamy.

52 Payet Frédéric, Le mouvement socialiste à la Réunion des années 1930 à 1981, Université de la Réunion, mémoire de maîtrise sous la direction du professeur Edmond Maestri, 1999, p. 104.

53 AHC, 9DE73.

54 Albert Ramassamy, entretien du 4 août 1998.

55 Sur cette loi voir : Poucet Bruno (dir.), La Loi Debré. Paradoxes de l’État éducateur ? Actes du colloque d’Amiens des 9-10 décembre 1999, CRDP d’Amiens, 2001.

56 Un haut responsable métropolitain aurait déclaré à Albert Ramassamy après la signature du Programme Commun de 1972 : « Le matin nous avions obtenu certaines choses du PCF, il nous a fallu faire des concessions l’après-midi ». Entretien du 4 août 1998.

57 L’intrépide, 17novembre 1971.

58 JIR, 7 avril 1972. Secrétaire général du MDS Albert Ramassamy. Secrétaires-adjoints : Dr Raymond Poirier, André Evan, Max Vidot. Trésoriers : Daniel Cadet, René Lakermance. Membres : Célestin Antou, M. Moullan, Ph. Ponin-Ballom (directeur d’Hebdo-Bourbon, ouvertement anticommuniste), Marcel Boissier, Marc Calichiama, Narcisse Dambreville. Commission administrative : Charles Michel Hoarau, Yves Michel Hoareau, Roland Morel, Me Albert Commins, Dr Luderx Ramassamy, Dr Gérard, Hélène Vergniet, Alix Elma, Marcel Evan.

59 JIR, 7 avril 1972.

60 La tendance autonomiste de Wilfrid Bertile qui fonde le PSR en octobre 1972 s’impose de fait comme l’héritière de la fédération socialiste et l’interlocutrice privilégiée de la direction parisienne.

61 AHC, 9DE3.

62 Albert Ramassamy, entretien du 4 août 1998. Voir également Ramassamy Dominique, Un ‘engagement’ pour l’île de la Réunion, Nantes, Opéra Éditions, 2001, p. 78. Au deuxième tour, le sénateur revient dans l’île et Témoignages du 10 mai rappelle encore, photographie à l’appui : « Albert Ramassamy, dirigeant de la fédération socialiste s’était levé spontanément et avait pris Roger Gaudon dans ses bras pour lui donner également l’accolade. Sous les applaudissements de l’assistance ».

63 AHC, 9DE73.

64 Ibid.

65 Le Quotidien, 13 octobre 1983.

66 AHC, 9DE14.

67 AHC, 9DE71.

68 Entretien Michel Lagourgue, 27 octobre 1998.

69 AHC, 9DE67.

70 Ibid.

71 Ibid.

72 AHC, 9DE70.

73 Ibid.

74 Ibid.

75 Voir supra « L’organisation des ‘nationaux’ autour du parti gaulliste.

76 La Gazette, 25 février 1972.

77 Accot Iréné, Badre Paul, Barau Yves, Bourhis Camille, Boissier Marcel, Gauthier Jacques, Hoarau Guy (médecin), Hurcy Pierre, Isautier François (médecin), Lagourgue Pierre (médecin), Lamarque Marcel (médecin), Legros Auguste, Ramassamy Albert, Riviere Marc, Saint-Alme Serge.

78 AHC, 9DE70.

79 Ibid.

80 Sur le sujet voir Combeau Yvan (dir), Les élections présidentielles à la Réunion. 1965-1995, Université de la Réunion, Travaux et documents no 17, mars 2002, pp. 43-66.

81 Ont obtenu au 1er tour : LAGOURGUE Pierre 297 voix, REPIQUET Georges 282 voix, VIRAPOULLE Louis 249 voix, BADRE Paul 143 voix, PAYET Bruny (PCR) 87 voix, HOARAU Gaston (PS) 81 voix. Ont obtenu au 2e tour : REPIQUET Georges 306 voix (élu), VIRAPOULLE Louis 300 voix (élu), LAGOURGUE Pierre 295 voix, BADRE Paul 75 voix, PAYET Bruny (PCR) 68 voix, HOARAU Gaston (PS) 2 voix. La presse locale fait part d’un accord entre J. P. Virapoullé et la gauche.

82 Témoignages, 9 octobre 1974.

83 Marc Gérard, entretien du 23 juillet 1998. L’entretien entre les deux hommes tourne court car Marc Gérard s’estime menacé par un chantage d’ordre professionnel. Il en gardera une forte inimitié à l’égard de Valéry Giscard d’Estaing et confie : « La droite m’a fait plus de mal que la gauche dans ma carrière ».

84 Conseiller maître à la Cour des comptes en 1978 il est ensuite élu député du Loiret de 1978 à 1981, puis de 1986 à 1988. Il fut Ministre délégué chargé des transports de 1986 à 1988. Conseiller général du Loiret de 1979 à 1992, il a été maire d’Orléans de 1980 à 1988.

85 Le Quotidien, 11 décembre 1978.

86 Saint-Leu, Sainte-Rose, Saint-Joseph, Petite-Ile, Saint-Pierre, Entre-Deux, Étang-Salé, Cilaos, Trois-Bassins, Saint-André.

87 Marc Gérard, entretien du 23 juillet 1998. Dans sa lettre publique à Pierre Lagourgue, parue dans le JIR du 22 mai 1981, Marc Gérard explique la même chose.

88 AHC, 9DE70.

89 JIR, 27 mai 1981.

90 Michel Lagourgue, entretien du 27 octobre 1998. Dans le JIR du 27 mai 1981 Pierre Lagourgue déclare d’ailleurs : « Déjà [en 1978] les forces de pression m’avaient éloigné de la circonscription qui est normalement la mienne ».

91 JIR, 27 mai 1981.

92 AHC, 9DE71.

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search