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Eugène Spuller 1835-1896

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Nathalie Bayon

Introduction

Texte intégral

1Le nom d’Eugène Spuller évoque aujourd’hui peu de souvenirs. Pourtant, de son vivant, il occupait une place et des responsabilités importantes dans l’univers politique et jouissait d’une réelle notoriété. Néanmoins, il n’était pas une figure charismatique. Il jouait davantage un rôle de second que de leader. Cette position de « second » est à l’origine de cette recherche qui, en s’inscrivant dans le débat sur le mode biographique, entend montrer par une étude de cas, les enjeux en œuvre autour de la biographie mais aussi de la construction de la mémoire d’État.

La biographie en débat

  • 1 D. Madelénat, La biographie, Paris, PUF, 1984, p. 79.

2La biographie est un mode d’écriture discuté et contesté depuis le XVIIIe siècle, au moins. Dès cette époque, des critiques se font entendre contre les « écrivassiers » qui guettent la mort des personnages publics et s’empressent d’écrire « leur vie » pour en tirer profit. Mais c’est à partir du milieu du XIXe siècle que se manifeste l’assaut le plus virulent contre cette forme de récit, tantôt hagiographique, tantôt hostile. Les milieux littéraires dénoncent alors cette méthode qui consiste à donner à voir un individu dans une construction linéaire, là où il ne s’agit en réalité que du résultat de choix, de filtrages et de transpositions qui, en racontant la vie, « transforme le réel en conceptuel »1. On lui reproche les multiples erreurs qui, soit en raison de la notoriété du biographe, soit parce que reprises en continu par des auteurs différents, finissent par se muer en réalité. En dépit de ces attaques, la biographie demeure un genre très prisé des lecteurs et témoigne ainsi de la fascination dont jouissent des personnages dès lors qu’ils sont perçus comme hors du commun. Jugée négativement par la philosophie, l’histoire, la sociologie, (etc.), la biographie traverse les siècles tout en étant épisodiquement l’objet de controverses souvent vives.

  • 2 Voir D. Madelénat, op. cit. ; P. Bourdieu, « L’Illusion biographique », ARSS, no 62/63, Paris, 198 (...)
  • 3 Ph. Levillain, « Les protagonistes de la biographie », in R. Rémond (dir.) Pour une histoire polit (...)

3Plus proche de nous, le dernier débat sur le genre biographique2 débute dans la décennie 1970, connaît son apogée vers la fin des années 1980 et paraît s’achever dans le courant des années 1990 : « en moins de vingt ans on est passé de l’échoppe de l’artisan à l’entreprise éditoriale systématique où les historiens n’ont cessé d’accroître leur influence »3.

4La biographie obtient ses lettres de noblesse par la combinaison de l’intérêt de certains universitaires – historiens et sociologues – et des transformations des logiques éditoriales. La profusion des recherches et l’engouement du grand public autorisent la réhabilitation du genre comme la multiplication des styles et des auteurs. De la sorte, scientifiques mais aussi essayistes, journalistes ou hommes politiques produisent un grand nombre de travaux, concernant toutes les périodes historiques. Ce foisonnement spécifie le mode biographique et l’hagiographie disparaît pratiquement du monde scientifique qui a recours à de nouvelles méthodes d’analyse. La biographie « scientifique » par opposition à l’hagiographie devient ici un élément de compréhension d’une période, d’un et/ou des champs, bien plus qu’une recherche intrinsèque sur un individu ayant pour objectif de dire qui il était. Le sujet est alors étudié pour servir à une connaissance qui dépasse largement sa seule personne. Plus que ce qu’il a fait, c’est pourquoi – réseaux, conjoncture, dispositions intellectuelles, etc. – et comment – avec qui, avec quoi, etc., ce qui dépasse totalement la seule volonté, le simple désir – il a pu le faire qui est désormais la question centrale.

5Aujourd’hui comme hier, la biographie montre une certaine image de l’homme qui évolue avec la société elle-même. Elle s’inscrit donc dans des cadres mentaux propres au moment et à l’espace de l’enquête. Ainsi, un biographe de l’époque médiévale laisse vierge de questionnement – en raison du poids religieux – tout ce qui a trait à la sexualité du personnage étudié. Ce questionnement, orienté et induit par la société et le moment précis où se fait la rédaction, borne l’étude et contraint l’auteur à son insu.

6Le mode biographique, s’il révèle un peu d’un personnage, montre également des aspects de la société dans laquelle il est pensé et reste donc en perpétuel renouvellement.

Personnages et mémoire

  • 4 Sur le débat autour de cette notion de mémoire d’État voir les nombreux travaux et colloques comme(...)
  • 5 J. Lacouture, De Gaulle, Paris, Seuil, 3 volumes, 1984, 1985, 1986.
  • 6 P. Antonmattei, Gambetta, héraut de la République, Firmin Didot, Paris, 1999, 608 pages.
  • 7 G. Walter, Lénine, Paris, Albin Michel, 1971, p. 722.
  • 8 Sur les liens « histoire-mémoire », cf. P. Nora, « Entre mémoire et histoire, la problématique des (...)
  • 9 Sur la constitution de l’Histoire comme science, F. Furet, L’Atelier de l’Histoire, Paris, Flammar (...)

7Il apparaît que le renouvellement des méthodes comme l’accroissement des recherches dans ce domaine n’ont que très peu modifié le type de personnages étudiés. Dans la majorité des cas, seuls accèdent au rang de biographiables des hommes dont le nom traduit dans l’imaginaire collectif « une tranche d’histoire », des personnes qui sont censées à un moment donné avoir fait l’Histoire. On ne compte plus les biographies sur ces grands hommes – politiques, militaires, scientifiques, littéraires – instituant des individus comme « lieux de mémoire » qui participent ainsi à la construction d’une mémoire d’État4. Pour ne citer que quelques exemples récents et significatifs, il suffit de se reporter au De Gaulle de Jean Lacouture5, au Henri IV de François Bayrou, au Gambetta d’Antonmattei, préfacé par Jean-Pierre Chevènement6 ou encore au magnifique exemple que constitue le Lénine de Gérard Walter7 qui est conçu, aux dires mêmes de l’auteur « comme un évangile ». Le récit de vie sert alors d’exemple aux vivants et se présente comme la forme la plus à même de servir à la transmission d’une morale pratique. La vie de personnages « ayant fait l’histoire », créait de la cohésion historique alors même qu’elle n’est le plus souvent qu’un instrument au service du présent politique ou moral. Or, comment ne pas s’étonner de la persistance de la biographie à un moment où la discipline « histoire » se met à réfléchir sur sa propre histoire afin de rompre les liens qui, en France, l’unissent à la construction de la mémoire. L’histoire cherche à s’autonomiser du triptyque – Histoire-Mémoire-Nation8 – qui permettait jusqu’ici de justifier le présent en le définissant par rapport au passé, par l’écriture d’une histoire s’attachant principalement aux continuités temporelles et aux évolutions. Néanmoins, en dépit de cette mutation autoréflexive de l’histoire, le mode biographique scientifique, qui rompt avec l’hagiographie, semble, dans les choix des personnages étudiés, demeurer relativement sourd aux sirènes d’une science en lutte pour son émancipation9.

  • 10 A. Corbin, Le monde retrouvé de L.-F. Pinagot, sur les traces d’un inconnu, 1798/1876, Paris, Flam (...)
  • 11 T. Dutour, L’approche biographique des personnages secondaires : le cas de Guy VI de la Trémoïlle, (...)

8Rares sont les travaux portant sur des individus qui ne sont pas passés à la postérité, cette masse d’acteurs qui participent à l’histoire, qui sont dans l’histoire, sans que celle-ci ne retienne leur nom. En effet, Louis-François Pinagot10 ou Guy VI de la Trémoïlle11, se trouvent bien isolés au milieu des bibliothèques encombrées d’illustres personnages.

  • 12 Sur le rôle de la biographie dans la construction de « l’epos » (la fondation héroïque) dans la mé (...)
  • 13 Cf. la biographie de Oussama Ben Laden, Libération 15/9/2001, France Soir 16/9/2001.
  • 14 D. Madelénat, op. cit., p. 187.

9Le genre biographique, malgré de très nets changements de méthode, persiste par le choix d’hommes « illustres » à s’inscrire dans la célébration d’un patrimoine, dans la tradition énoncée par Nietzsche, de conserver et de célébrer la mémoire des précurseurs entendus au sens de pères. L’individu devenant ainsi le support de valeurs, il est un modèle social politiquement valorisé, permettant de « gager le concept sur une vie »12. Il suffit de regarder les livres scolaires consacrés à l’histoire ou les biographies et nécrologies qui abondent dans les journaux13, pour se convaincre que « la biographie apparaît comme la forme la plus adaptée à transmettre une morale pratique »14.

Eugène Spuller : un personnage secondaire

10Pourtant, le genre biographique s’adapte sans difficulté à l’étude de « personnages secondaires » comme Eugène Spuller (1835-1896). Par personnage secondaire nous entendons des individus qui, de leur vivant, occupent des fonctions sociales valorisées et disposent d’une certaine notoriété mais qui demeurent dans l’ombre d’autres personnages et ne cristallisent sur leur être social ni les haines ni les passions. Eugène Spuller est de ceux là.

  • 15 A Paris dans le troisième arrondissement, à Dijon ou encore à Beaune.
  • 16 Il n’existe qu’un livre de Souvenirs, (Anonyme), Ch. Hérissey, Véreux, contenant essentiellement l (...)
  • 17 M. Chabeuf, E. Spuller, l’ami fidèle de Gambetta, Ed. de Saint-Seine-l’Abbaye, 1984, 165 pages.
  • 18 O. Rudelle, J. Ferry, la République des citoyens, Imprimerie nationale, 2 tomes, Paris, 1996, 508 (...)
  • 19 P. Barral, Les fondateurs de la IIIe République, Paris, Armand Colin, Coll. U, 1968, 345 pages.

11Cet individu, dont seules quelques rues portent le nom15, évoque aujourd’hui peu de souvenirs et n’a jamais fait l’objet d’une biographie scientifique16. Le petit ouvrage de Maurice Chabeuf, Eugène Spuller ami de Gambetta17, s’inscrit davantage dans le domaine littéraire et hagiographique que dans le genre biographique entendu au sens d’une étude de cas. Pourtant, Spuller appartient à une période historique qui fait l’objet de très nombreux travaux en raison du moment-clé qu’elle représente dans l’enracinement du régime « démocratique » en France. En effet, le moment du « réveil républicain » qui date de la fin de l’Empire au tournant du XXe siècle, constitue sinon la genèse, du moins les origines stables de la République en France. Il est vrai que cette période est le théâtre d’un renouvellement sensible du personnel politique. Des hommes nouveaux apparaissent et disparaissent des instances représentatives au rythme des scrutins, sans avoir marqué leur passage d’une trace significative. Aussi, dans cette période de construction de l’État parlementaire à un moment où le régime cherche à définir sa légitimité dans et par l’histoire, il est compréhensible que la mémoire se construise autour de personnages élevés au statut de pères fondateurs – Ferry, Gambetta, Clemenceau, etc. Malgré l’effet cumulé de l’instauration définitive du régime et du renouvellement du genre biographique scientifique, la plupart des recherches se font sur des personnages déjà historicisés comme grandes figures. Les biographies d’universitaires sur Jules Ferry, Léon Gambetta, Clemenceau, Jaurès18, etc., sont sans cesse réétudiées, sans parler d’ouvrages aux titres évocateurs tel celui de Pierre Barral, Les Fondateurs de la Troisième République19. Si les méthodes biographiques se renouvellent et se scientifisent incontestablement, le choix des personnages reste pour sa part un vestige des mentalités antérieures.

  • 20 J.-P. Sartre, L’idiot de la famille, Paris, Gallimard, Coll. Tel, t. 1, 1971, p. 7.

12L’étude de personnages de second rang apporte des informations qui sans être totalement novatrices les appréhendent par un prisme différent et donc apportent un éclairage distinct sur la société et la période. Il devient ainsi plus aisé d’analyser, de questionner la trajectoire de vie d’un individu ordinaire comme un « universel singulier » c’est-à-dire comme « totalisé et par là-même, universalisé par son époque, qu’il retotalise en se reproduisant en elle comme singularité »20. Ce type de travail, évitant le trouble produit sur l’enquête par le côté « extraordinaire », « hors du commun » des héros, des génies, paraît livrer des résultats et des informations plus riches – sur la société, le champ, l’époque – car distanciés de « l’originalité » pour s’inscrire dans le banal, le commun.

  • 21 Ch. Freycinet (de), Souvenirs, 1848-1878, Delagrave, Paris 1914, 403 pages ; J. Adam, Mes angoisse (...)

13Au début de la Troisième République, Eugène Spuller est un homme connu et populaire qui participe pleinement à la vie politique du régime en formation comme en attestent les multiples références présentes dans les souvenirs autobiographiques de l’époque, notamment ceux de Jules Favre, Charles de Freycinet, Auguste Scheurer-Kestner, Juliette Adam, Monseigneur Ferrata21, et dans le travail des historiens contemporains, tels Pierre Barral, Jean-Marie Mayeur. Spuller est un personnage familier de tous ceux qui travaillent sur l’avènement de la Troisième République mais il demeure pour eux, l’ami, le fidèle « Achate » de Gambetta. Bien qu’il ait occupé presque sans discontinuer le devant de la scène, son absence du « panthéon républicain » témoigne de fait qu’il ne suffit pas de marquer son temps pour entrer dans l’historiographie commémorative. Aussi correspond-il parfaitement à ce type de personnage de second rang dont le souvenir est obscurci par l’historicisation d’autres agents en action au même moment.

14Provincial, né à Seurre en Côte-d’Or, d’un père d’origine badoise et d’une mère française, il connaît une enfance paisible malgré la mort prématurée de ses parents. Élevé à Sombernon, d’abord par ses grands-parents, puis par la belle-famille de son frère Auguste, il fit des études relativement brillantes pour un enfant de sa condition, terminées par une licence de droit obtenue à l’université de Dijon. Son diplôme en poche, il gagne la capitale et s’inscrit en qualité d’avocat au barreau de Paris. Participant à la bohème dans le quartier des étudiants, il ne tarde pas à se mettre en relation avec le monde du journalisme. Nous reviendrons ultérieurement sur les origines de son attachement aux idées républicaines qui finit de se dessiner dans le courant des années 1860. C’est à cette époque qu’il rencontre Gambetta auquel son nom est – y compris de son vivant – étroitement lié. À ses côtés ou dans son ombre, il lutte contre l’Empire, participant activement par la presse et au Palais de justice à la diffusion des idées républicaines et à la restructuration du parti. La défaite de Sedan et la mise en place du gouvernement de Défense nationale constituent sa première expérience de l’exercice politique, même s’il participe sans aucun titre au Cabinet du ministre Gambetta. Après l’armistice, il consacre plusieurs années à la création et à la gestion du journal La République française sans pour autant exclure une « carrière » politique. Élu en 1876 dans le troisième arrondissement de Paris, il occupe des fonctions et mandats politiques sans discontinuer jusqu’à sa mort en juin 1896. Député de Paris, puis de Côte-d’Or, conseiller général et sénateur de sa région d’origine, il fut également plusieurs fois vice-président de la Chambre, secrétaire d’État à la présidence du conseil des Affaires étrangères dans le Cabinet Gambetta (1881), ministre des Affaires étrangères dans le Cabinet Tirard (1889-1890) et deux fois ministre de l’Instruction publique et des cultes dans les ministères Rouvier (1887) et Casimir-Perier (1893-1894). Il occupe ces fonctions politiques sans jamais rompre avec le journal La République française auquel il accorde une collaboration exclusive jusqu’à sa mort.

15L’évocation d’un parcours aussi dense conduit à s’interroger sur le bien-fondé de considérer Spuller comme « un personnage secondaire ». Nous y voyons trois raisons principales.

16Tout d’abord, cette position de second lui est conférée par ses contemporains. Dès sa rencontre avec Gambetta se forge l’image du dévoué Spuller – du fidèle Achate – si souvent évoquée sous la plume de Juliette Adam. C’est dans le courant de la décennie 1860 que cette étiquette glisse du cercle des intimes à la sphère publique. Sur les bancs des assemblées et dans le milieu de la presse, il est perçu comme exerçant les fonctions de conseiller, réfléchissant aux modalités de l’action plus qu’il ne participe à l’action elle-même. Perception que confirme une vision globale de sa carrière politique. Il œuvre constamment dans l’ombre ou plus exactement aux côtés d’hommes demeurés célèbres. Si Gambetta incarne dans l’historiographie le nom auquel on associe celui de Spuller, d’autres – certes, dans une moindre mesure – tels Ferry et Casimir-Perier, s’ajoutent à la liste des « grands hommes » auprès desquels il prit part à l’action politique.

17Ensuite, entretenant la représentation qu’on avait de lui, Spuller cultive et participe à la construction de cette image de second qu’il s’ingénie à mettre en adéquation avec ses actes. Comme la plupart des personnages publics, il tend à orchestrer la représentation de lui-même, comme en témoigne l’étude de ses discours. Il se présente comme ayant dû sortir de « l’ombre » pour faire face aux responsabilités lui incombant par ses relations privilégiées avec Gambetta afin de « continuer son œuvre ».

  • 22 « Lorsque l’héritage s’est approprié l’héritier comme dit Marx, l’héritier peut s’approprier l’hér (...)

18Enfin, cette désignation volontaire lui permet de revendiquer l’héritage de Gambetta en se présentant comme le gardien légitime de sa pensée22. C’est aussi en ce sens qu’il participe à la construction de la mémoire du « grand républicain ». Dans l’étude biographique de Spuller, il conviendra de revenir longuement sur l’utilisation qu’il fait de cette position de second, en cherchant à voir dans quelle mesure il l’entretient par volonté de l’utiliser ou s’il ne peut, en réalité, y échapper.

  • 23 P. Bourdieu, Questions de sociologie, Paris, Ed. de Minuit, 1984, pp. 113-120. Cf. aussi P. Bourdi (...)

19Journaliste et homme politique à un moment où les deux professions sont intimement liées, Spuller incarne une sorte de figure-type de l’homme politique parisien des débuts de la Troisième République. L’analyse de sa trajectoire de vie permet ainsi d’étudier des univers sociaux très différents, sans atteindre un niveau de dichotomie sociale, mais qui sont alors confrontés à une phase d’autonomisation réciproque qui conduit ces deux milieux à s’opposer, à se fermer. Cette évolution empêche Spuller de se maintenir dans les deux champs et en dépit de sa compréhension des mutations en cours, elle provoque son « exit ». Même s’il est conscient de ce qui est en train de se transformer dans le monde journalistique et politique, il semble se refuser à accepter les nouvelles règles du jeu qui remettent en cause le fondement de sa croyance politique, sa définition de la République et ce qu’il est. Ne pouvant conserver l’état des champs en se conservant, il semble choisir de se retirer – même si le terme de choix, au sens de liberté d’agir ne peut totalement convenir ici. C’est pourquoi l’étude de cet aspect de son parcours impose un questionnement sur les choix individuels et le rôle joué par les contraintes du champ étudiées notamment par Pierre Bourdieu23.

  • 24 A. Corbin, op. cit.

20Pour l’ensemble de ces raisons, Eugène Spuller nous paraît constituer un sujet adéquat pour la réalisation d’une étude biographique portant sur un personnage oublié, n’atteignant pas le niveau d’incognito analysé par Alain Corbin24 qui s’attache à retracer la vie d’un homme du peuple, dont l’étude permet de reconstituer un mode de vie qui ne se borne pas à l’individu, envisagé ici non pour lui-même mais pour ce à quoi il appartient.

21C’est en 1933 que le nom de Spuller disparaît du dictionnaire Larousse, cette suppression traduit, d’une part, son échec à entrer dans la postérité et, d’autre part, montre que l’occultation de personnages de second rang est en mesure de construire sur un mode idéal un panthéon républicain en faisant l’économie des luttes entre républicains pour imposer un sens unique au terme République. Toutefois, il apparaît que Spuller ne comptait pourtant pas avec les hommes qui, à l’instar de Clemenceau ou de Rochefort, luttaient contre la définition dite « opportuniste » de la République. Il s’inscrivait au contraire pleinement dans la mouvance politique des vainqueurs. Se pose alors la question de savoir pourquoi il n’est pas passé à la postérité.

22Une étude portant spécifiquement sur lui semblait ainsi autoriser une réflexion sur sa trajectoire de vie, sur les milieux professionnels auxquels il appartenait, sur ce que signifiait faire de la politique au début de la Troisième République mais également sur les réseaux qui le portent ou au contraire le rejettent. Mais, en tant que personnage considéré aujourd’hui comme secondaire, ce sujet imposait également une réflexion sur la construction de la mémoire, à la fois la sienne propre – comment il y participe – et de la mémoire d’État qui fait l’amnésie des seconds pour mieux valoriser ce qu’elle définit elle-même comme les premiers, et trouve ainsi les héros, les grands personnages dont elle a besoin pour servir à la légitimation de l’État en temps que garants de la continuité de la nation, en dépit des changements radicaux que constituent entre autres les transitions de type démocratique.

Trajectoire sociale et étude de cas

  • 25 Sur le mode de ce que fait Norbert Elias dans Mozart, sociologie d’un génie, Paris, Seuil, 1991, 2 (...)
  • 26 P. Bourdieu, L’Illusion biographique, op. cit., p. 72.
  • 27 Ibid, p. 71.

23Par étude de cas, nous entendons l’analyse conjointe à la fois d’un personnage individuel et des structures sociales de son temps25. Spuller devient dans cette optique un moyen de mettre en lumière des processus historiques et non une finalité. Il s’agit alors d’analyser l’ensemble des positions successives qu’il occupe dans l’espace social ; les placements et les déplacements qu’il opère dans les divers champs auxquels il appartient. L’étude de sa surface sociale, entendue comme « ensemble des positions simultanément occupées à un moment donné du temps par un individu biologique socialement institué »26, permet de comprendre ses interventions, en tant qu’agent, dans les différents champs qu’il occupe. Mais, pour cela, il faut tenir compte de la structure des champs eux-mêmes. Concernant Spuller, il convient de construire les états successifs des champs politique et journalistique – dans leur historicité et leur autonomisation – dans lesquels s’est déroulée sa vie : « essayer de comprendre une vie comme une série unique et à soi suffisante d’événements successifs sans autre lien que l’association à un sujet dont la constance n’est sans doute que celle d’un nom propre, est à peu près aussi absurde que d’essayer de rendre raison d’un trajet dans le métro sans prendre en compte la structure du réseau, c’est-à-dire la matrice des relations objectives entre les différentes stations »27.

24Le parcours d’Eugène Spuller s’inscrit dans deux champs qui vont progressivement s’autonomiser à cette période, celui de la politique et de la presse. La réalisation de sa biographie permet, et impose donc, de naviguer à la fois au cœur de la pratique politique et journalistique sur laquelle elle s’appuie pour exposer ses méthodes et ses espérances ; pour construire l’image qu’elle entend donner d’elle-même, en direction de ceux qui incarnent la légitimité du vote, dont elle se revendique. Pour la période étudiée, il est complexe, voire anachronique, de les séparer. Sous l’Empire et jusque dans les années 1880, la césure entre les deux milieux n’existe pas de façon rigide, ils sont intimement mêlés. Solidaires durant la période de censure du régime autoritaire de Napoléon III, leurs relations se distendent – puis progressivement se séparent – avec l’avènement de la République qui garantit une certaine liberté d’expression et le multipartisme. Les alliances de journalistes politiquement très différents – fréquentes sous le Second Empire – n’étant plus nécessaires à l’existence d’une opposition, tendent à disparaître. Dans un premier temps, la plupart des journaux sont des organes de parti, mais avec l’apprentissage de leur liberté et la structuration du champ politique – entre opposition et parti de gouvernement – ils revendiquent dans un deuxième temps leur autonomie et œuvrent à la conversion de leurs capitaux en champ autonome. Spuller va accompagner, vivre et subir ces transformations auxquelles il aura du mal à s’adapter.

25La biographie pose le problème de l’individu, mais aussi de la société qui rend possible cet individu. Elle n’est pas une méthode permettant d’appréhender avec certitude les opinions et les convictions d’un homme, elle ne peut appréhender le vécu tel qu’il a été ni même les valeurs et les normes intériorisées par le personnage et ce, quelles que soient la quantité et la valeur des sources dont dispose le chercheur. Il convient de prendre garde à ne pas ainsi stratifier l’individu et aboutir à des couches hétérogènes et irréductibles. Spuller est tout à la fois un homme de son époque qui participe de la construction de cette dernière comme elle le construit, il est un agent social dont le privé influe sur le comportement social et inversement. Il est un être multiple dont les facettes sont encore démultipliées par les différentes sources. Là où l’archive officielle crée du factuel – il est né en 1835 à Sombernon – l’archive d’origine privée – comme une lettre signée, « ton ami », par exemple – donne également à voir un fait objectif, l’amitié, mais renvoie à un sentiment vécu sur lequel le chercheur ne peut établir le sens et la portée de ce sentiment car il demeure trop éloigné, trop extérieur, à la pensée propre du personnage, à l’état d’esprit dans lequel il était quand il a écrit « ton ami ».

26Le personnage étudié échappe à son biographe qui ne le saisit que dans des traces qui, par leur seule présence, revêtent une importance à partir de laquelle il faut se garder d’établir des lois. Si, dans le cas de Spuller, nous voyons les liens d’amitié qu’il partageait avec Joseph Reinach, nous ne pouvons en déduire ni que Reinach est son ami au sens de l’amitié d’aujourd’hui, ni même la place qu’il occupe dans son cercle d’intimes. En effet, combien de lettres à caractère privé se sont-elles perdues, et parmi cette correspondance disparue n’y avait-il pas des documents permettant d’établir soit une sorte de standardisation de l’écriture amicale de Spuller, soit la présence d’un individu bien plus cher à ses yeux ? Aussi, la biographie achevée, le biographe n’est pas en mesure d’affirmer qui était son personnage. En revanche, il peut décrire ses réseaux, ses positionnements et, à travers eux, apporter des éléments sur certains aspects de la société de l’époque. Malgré toutes les précautions prises, le biographe, en donnant à voir la vie d’un individu, n’échappe pas à la création d’artefacts. C’est pourquoi une biographie ne paraît avoir de véritable intérêt qu’en ce qu’elle réinscrit un homme dans un moment et une géographie socio-spatiale déterminée, apportant davantage sur la connaissance de ces derniers que sur le personnage lui-même. De plus le biographe doit s’interdire de regarder son sujet comme occupant une position de centralité, ce que la recherche et l’accumulation de sources rendent parfois difficile. On ne peut prétendre étudier un individu comme étant une fin en soi tant la trajectoire de vie de celui-ci n’existe que par l’interdépendance avec d’autres.

Biographie et prosopographie

27Le regard décentré que nous nous proposons de porter sur la vie d’Eugène Spuller permet de ne pas considérer cet individu comme un élément central, mais de l’appréhender en tant qu’acteur donné, agissant à des moments clairement identifiés, dans des conjonctures précises, en investissant ce qu’il est, dans l’interaction avec d’autres. Il ne s’agit pas de se désintéresser des dispositions propres à Spuller, son origine sociale, sa socialisation, son rapport à la politique dans les premières années de sa vie, ses réseaux, son cursus scolaire et les nombreux autres facteurs qui permettent d’expliquer telle orientation plutôt qu’une autre. Néanmoins, nous n’appréhenderons ces informations que dans le sens où elles se révèlent utiles à la compréhension de l’engagement et de l’entrée en politique de Spuller car c’est comme opportuniste gambettiste que nous l’étudions et non pour lui-même. C’est donc une identité multiple qu’il convient de recomposer, en restituant les configurations – au sens de Norbert Elias – dans lesquelles se construit sa trajectoire sociale qui reste intimement liée – même si elle ne sera pas toujours solidaire – à celle des gambettistes. La réalisation d’une biographie de ce type est donc inséparable d’un travail de prosopographie, qui nous paraît le plus à même de cerner les jeux et les enjeux attachés à une histoire de vie, entendue comme la sédimentation d’expériences et d’influences diverses.

28Comprendre le parcours de vie de Spuller implique donc dans un premier temps de connaître les hommes qui l’entourent, constituant ce que l’historiographie retient sous le terme générique de « groupe gambettiste », dont il faut délimiter les contours en identifiant les membres afin de restituer leurs interactions stratégiques et leurs positions. Il convient d’analyser leur mode de regroupement, comment ils se rencontrent, dans quels lieux, mais aussi leur origine sociale et le capital économique et culturel qui y est attaché. En même temps, il faut identifier les éléments qui autorisent leur accession – comme la défaite de Sedan, par exemple – et leur maintien au pouvoir. Ce cheminement permet de comprendre les différentes positions occupées par Spuller, son rôle et ses conversions dans un travail collectif de valorisation de ressources sociales différenciées modelant le pouvoir en même temps qu’elles les modèlent. Ce n’est que par cette démarche que l’on peut expliquer comment ce provincial dépourvu de capital économique et social se trouve un moment donné en mesure d’être élu député et même de participer aux plus hautes instances de gestion de l’État.

  • 28 M. Edelman, Pièces et règles du jeu politique, Paris, Seuil, 1991, 249 pages.

29Dans un deuxième temps, nous étudierons comment Spuller en dépit de ses handicaps sociaux parvient à convertir sa position subalterne, au regard des autres élus, en position dominante. Ici, entrent en jeu la déstabilisation et le flou politique engendré par la défaite face à la Prusse. Et même si Spuller participe sans titre officiel au gouvernement de Défense nationale au côté de Gambetta, cette période marque le début de son entrée sur la scène nationale et s’avère (être) un terreau fertile pour l’avenir. À ce moment, comme dans la phase précédente et jusqu’à la mort de Gambetta, l’itinéraire de Spuller se confond avec celui du tribun, mais également, et c’est capital, avec le groupe. Aucun n’est en mesure d’exister seul. Cela apporte à la connaissance de Spuller mais interpelle également sur la professionnalisation du métier politique concomitant de cette étape de républicanisation de la France. Or, le travail de Spuller à l’Assemblée, et particulièrement dans les commissions parlementaires, lui permet de compenser son illégitimité et de transformer cette expérience en capital politique dans les nouvelles règles du jeu politique28. Néanmoins, ce processus de conversion n’est dans son cas possible que parce qu’il se couple avec le parcours de Gambetta. Spuller et les gambettistes, en construisant Gambetta comme personnage charismatique au sens wébérien, se servent de cette image pour se garantir. Mais l’amitié et la proximité qui lient Spuller à Gambetta l’autorisent à aller plus loin dans cette mise en forme du charisme de Gambetta car, le tribun disparu, il est en mesure de se présenter comme l’héritier, le dauphin, le continuateur légitime de sa pensée.

30Enfin, troisièmement, cette reconstitution de cette histoire en train de se faire permet également de saisir les orientations qu’il prend à la fin de sa vie, témoignant de l’inadéquation entre ses représentations et les nouvelles règles du jeu, issues de l’autonomisation des espaces dans lesquels il évolue. La multipositionnalité qui fondait son identité devient intenable avec l’apparition de logiques sociales spécifiques contraignantes qu’il perçoit sans parvenir à se les approprier. Cette hystérésis explique ses nombreuses tentatives de reconversion, si vivement décriées par ses adversaires comme par ses amis. Attaqué et politiquement « lâché », y compris par ses compagnons de lutte sous l’Empire, il semble s’entêter dans ses positions et, tout en percevant les mutations en cours, refuse et/ou est dans l’impossibilité de s’y adapter. Cette phase de la trajectoire de Spuller met en lumière la division des républicains et le peu de cohésion des divers groupes républicains eux-mêmes. Elle interroge également sur les raisons de l’autonomisation de deux champs – politique et journalistique – jusqu’ici plutôt solidaires, mais elle renvoie aussi à la construction de la mémoire. En effet, rencontrant de plus en plus de difficultés à se maintenir dans « ses » espaces, Spuller se sert de ses ressources pour tenter de s’opposer à, ou du moins de minimiser, son exit. Écrivain, historien, habitué à composer des nécrologies journalistiques, il se transforme en biographe de son temps. Par la composition de ces recueils biographiques, il continue à diffuser et à imposer dans le débat politique sa définition du régime républicain, à un moment où la lutte sur ce thème le présente comme un personnage aux idées dépassées et où l’affaiblissement de ses positions au magistère public ne lui permet plus un accès aisé à la parole. Par le livre, il touche toutes les populations, y compris rurales, et dispose également d’un objet construit simultanément pour le présent et en direction de l’avenir.

31Nous voulons montrer ici que Spuller n’est pas alternativement l’ami de Gambetta ou le député annonciateur de l’Esprit nouveau dans le domaine religieux. Certes, il est l’un et l’autre à la fois. Toutefois, cela n’est intéressant que si on démêle les liens et les configurations sociales qui lui ont permis de l’être. En un mot, si on le réinsère dans sa société, dans ses réseaux.

32En dépit de son aspect de prime abord limité, le genre biographique apporte des éléments de compréhension qui témoignent de l’importance de la biographie et de la prosopographie dans la mise en forme d’une histoire plus globale car elle impose sans cesse de passer de la micro-histoire à la macro-histoire, permettant l’émergence de personnages et de processus que l’histoire générale réduit à des données abstraites.

Notes

1 D. Madelénat, La biographie, Paris, PUF, 1984, p. 79.

2 Voir D. Madelénat, op. cit. ; P. Bourdieu, « L’Illusion biographique », ARSS, no 62/63, Paris, 1986, pp. 69-72 ; Colloque de la Sorbonne 3-4 mai 1985, Problèmes et méthodes de la biographie, Paris, 1985 ; M. Finger, Biographie et herméneutique. Les aspects épistémologiques et méthodologiques de la méthode biographique, Université de Montréal, FEP, 1983 ; Politix no 29, La biographie.

3 Ph. Levillain, « Les protagonistes de la biographie », in R. Rémond (dir.) Pour une histoire politique, Seuil, Paris, p. 123.

4 Sur le débat autour de cette notion de mémoire d’État voir les nombreux travaux et colloques comme Le devoir de mémoire, concomitants de la parution des Lieux de mémoires, sous la direction de P. Nora, Paris, Gallimard, 1984.

5 J. Lacouture, De Gaulle, Paris, Seuil, 3 volumes, 1984, 1985, 1986.

6 P. Antonmattei, Gambetta, héraut de la République, Firmin Didot, Paris, 1999, 608 pages.

7 G. Walter, Lénine, Paris, Albin Michel, 1971, p. 722.

8 Sur les liens « histoire-mémoire », cf. P. Nora, « Entre mémoire et histoire, la problématique des lieux », op. cit., pp. XIX à XLII.

9 Sur la constitution de l’Histoire comme science, F. Furet, L’Atelier de l’Histoire, Paris, Flammarion, 1982, pp. 102-127.

10 A. Corbin, Le monde retrouvé de L.-F. Pinagot, sur les traces d’un inconnu, 1798/1876, Paris, Flammarion, 1998, 336 pages.

11 T. Dutour, L’approche biographique des personnages secondaires : le cas de Guy VI de la Trémoïlle, 1343-1397, Actes du colloque, Problèmes et méthodes de la biographie, op. cit., pp. 23-32.

12 Sur le rôle de la biographie dans la construction de « l’epos » (la fondation héroïque) dans la mémoire d’État, se reporter à D. Madelénat, op. cit., pp. 187 et suiv.

13 Cf. la biographie de Oussama Ben Laden, Libération 15/9/2001, France Soir 16/9/2001.

14 D. Madelénat, op. cit., p. 187.

15 A Paris dans le troisième arrondissement, à Dijon ou encore à Beaune.

16 Il n’existe qu’un livre de Souvenirs, (Anonyme), Ch. Hérissey, Véreux, contenant essentiellement les discours prononcés lors de ses funérailles et à l’occasion de l’inauguration de son monument du Père-Lachaise. La nature même de ce document montre qu’il s’agit d’une œuvre entièrement vouée à la célébration de l’homme et de son action. Sa première phrase en résume l’esprit : « E. Spuller est une des plus hautes personnifications de la démocratie, et l’un des fondateurs de la Troisième République ».

17 M. Chabeuf, E. Spuller, l’ami fidèle de Gambetta, Ed. de Saint-Seine-l’Abbaye, 1984, 165 pages.

18 O. Rudelle, J. Ferry, la République des citoyens, Imprimerie nationale, 2 tomes, Paris, 1996, 508 et 518 pages ; Ph. Guillaume, J. Ferry, Albin Michel, Paris, [1980], 1992, 173 pages ; G. Wormser, Gambetta dans les tempêtes, Sirey, Paris, 1964, 292 pages.

19 P. Barral, Les fondateurs de la IIIe République, Paris, Armand Colin, Coll. U, 1968, 345 pages.

20 J.-P. Sartre, L’idiot de la famille, Paris, Gallimard, Coll. Tel, t. 1, 1971, p. 7.

21 Ch. Freycinet (de), Souvenirs, 1848-1878, Delagrave, Paris 1914, 403 pages ; J. Adam, Mes angoisses et nos luttes, 1871-1873, Paris, Lemerre, 1907, 406 pages ; Mes sentiments et nos idées avant 1870, Paris, Alphonse Lemerre, 1905, 480 pages ; Nos amitiés politiques avant l’abandon de la revanche, Lemerre, Paris, 1908, 475 pages ; A. Scheurer-Kestner, Souvenirs de jeunesse, Paris, Charpentier, 1905, 340 pages ; Cardinal D. Ferrata, Souvenirs, t. 2, Ed. Tipographia Cuggiani, Rome, 1920, 535 pages ; Mémoires, t. 3, 381 pages.

22 « Lorsque l’héritage s’est approprié l’héritier comme dit Marx, l’héritier peut s’approprier l’héritage », P. Bourdieu, « La mort saisit le vif », ARSS no 32-33 avril/juin 1980, pp. 3-14.

23 P. Bourdieu, Questions de sociologie, Paris, Ed. de Minuit, 1984, pp. 113-120. Cf. aussi P. Bourdieu et J.-C. Passeron, La reproduction, Paris, Ed. de Minuit, 1970, pp. 33 et suiv. et pp. 76 et suiv.

24 A. Corbin, op. cit.

25 Sur le mode de ce que fait Norbert Elias dans Mozart, sociologie d’un génie, Paris, Seuil, 1991, 243 pages.

26 P. Bourdieu, L’Illusion biographique, op. cit., p. 72.

27 Ibid, p. 71.

28 M. Edelman, Pièces et règles du jeu politique, Paris, Seuil, 1991, 249 pages.

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