Chapitre III. La Vita Lupi, œuvre littéraire, spirituelle et historique
p. 151-176
Texte intégral
1L’hagiographie est un genre littéraire stéréotypé et l’auteur qui le pratique doit se conformer à certaines règles. Il doit notamment indiquer, en tête de son œuvre, qu’il n’écrit que par devoir et à la demande de ses supérieurs. Il emploie en général des formules d’humilité pour signaler son incapacité à remplir son devoir et demande l’indulgence de ses lecteurs. Il est curieux de ne pas trouver ces formules au début de la Vita Lupi. Ayant peu connu Loup ou ne l’ayant même jamais rencontré, il est peu probable que cet hagiographe ait eu des motifs personnels. Il répondait probablement à la demande des fidèles qui avaient placé leur évêque en haute sainteté de son vivant, même si, comme nous le verrons, il ne chercha pas à favoriser son culte.
2Il se conforme, en revanche, aux règles de l’hagiographie lorsqu’il annonce, dans un exorde très court, les raisons qui le poussent à écrire. Il s’agit avant tout de rendre édifiant le saint évêque de Troyes car on trouve dans ses actions une matière abondante à sa louange1. Il se conforme également aux règles de l’hagiographie dans une péroraison, également courte, où il mentionne le successeur de Loup, insiste sur sa sainteté et se recommande à ses prières.
3Il applique encore les règles de l’hagiographie lorsqu’il commence par signaler la patrie de son héros. De même, Loup étant avant tout un évêque-moine, il doit le présenter comme le témoin du Christ en insistant sur sa vie de pasteur et sur ses vertus, notamment dans la pratique de l’ascétisme et de la charité. Il doit ensuite insister sur son rôle de chef et de défenseur de la communauté chrétienne qu’il a en charge. En d’autres termes, il doit montrer qu’il est le protecteur de son peuple et qu’il est un homme d’action, particulièrement contre les hérétiques et auprès du pouvoir politique. Enfin, il se doit de mentionner les miracles accomplis par le héros, afin de le placer au-dessus du commun des mortels et surtout au rang des apôtres, voire à celui du Christ lui-même. Il est impératif que la Vie du saint serve d’exemple aux lecteurs. Or la Vie de saint Loup est conforme à ces règles de l’hagiographie.
4Cette Vie n’apporte donc pas de nouveautés dans la tradition hagiographique. Son auteur se contente d’imiter ses prédécesseurs et contemporains. Il a fait le choix de la simplicité pour permettre une large diffusion à son œuvre et, comme la plupart des hagiographes, il emploie un style littéraire adapté à des fins uniquement religieuses. L’essentiel n’était pas de plaire aux lettrés minoritaires mais d’atteindre le peuple chrétien en profondeur et de lui faire connaître l’exemple de la vie de saint Loup. Ainsi, il ne consacre que quelques lignes à chaque fait, ne donne aucune date et n’entre pas dans les détails. Il a juxtaposé les faits sans leur donner de liens, mais il reste conforme à la chronologie. Et même s’il s’agit d’une chronologie relative, puisqu’il n’y a aucune date et peu de faits historiques vérifiables, il n’y a cependant pas de contresens dans le classement des événements. L’auteur s’est contenté d’exposer chronologiquement les faits relatifs à la vie de son héros, avec peut-être néanmoins le souci d’une progression vers un idéal de sainteté. Par contre, il n’a pas fait d’emprunts directs à la source classique des textes de l’Ecriture Sainte.
5Bruno Krusch a dégagé douze chapitres dans son édition. Voici le plan obtenu après avoir donné un titre à chacun de ces chapitres :
Ses origines, sa formation intellectuelle et son mariage.
Son passage à Lérins.
Son élection à l’épiscopat.
L’expédition en Bretagne insulaire.
La rencontre avec Attila.
Le refuge de Latisco et deux miracles.
Sa façon de vivre.
Loup, homme charitable et thaumaturge.
La guérison de la soeur de Rusticus.
Le roi Gebavultus.
Ses disciples.
Sa mort et son successeur.
6L’auteur de la Vita Lupi n’a peut-être jamais rencontré saint Loup et n’a probablement pas été le témoin de la plupart des faits qu’il rapporte. D’où tient-il alors ses renseignements ? Il est possible qu’il ait connu des témoins de la vie de son héros, ce qui garantit une certaine vérité. Qui plus est, il a probablement lu des ouvrages anciens et contemporains du saint évêque, même si ceux-ci ne le concernaient pas directement. C’est pourquoi la valeur historique de la Vita Lupi ne peut être déterminée à partir des informations concernant les origines, les conditions de vie et les miracles de saint Loup qui sont des éléments invérifiables. Il reste cependant les événements de l’histoire, rares il est vrai, vérifiables par une critique comparative avec d’autres sources. Mais signalons d’ores et déjà qu’entre la date supposée de la naissance de Loup en 395 et son départ en Bretagne en 429, la Vita Lupi ne nous renseigne absolument pas sur ce qui s’est passé en Gaule. L’hagiographe ne s’est intéressé qu’aux événements pour lesquels son héros eut à intervenir directement.
I. Les origines et la jeunesse de Loup
7Loup serait né vers 395. Fils de Epirichius, il était originaire de la ville de Toul (ex urbe Leucorum). Grâce à son oncle paternel Lysticius, qui l’élevait depuis la mort de son père, il intégra une école où il s’initia à l’étude de la rhétorique. Epirichius et Lysticius appartenaient donc à l’aristocratie locale de Toul2. Loup reçut une éducation intellectuelle conforme à la formation que recevaient les enfants de l’aristocratie gallo-romaine. Sa brillante éloquence le fit rapidement connaître dans toute la région3. L’enseignement des écoles romaines, notamment le latin, permettait l’accession à de hautes fonctions administratives. Il semble pourtant que Loup n’eut pas de carrière militaire ou administrative, contrairement à d’autres évêques comme Germain d’Auxerre par exemple.
8Vers 419, il épousa Pimeniola, la soeur de saint Hilaire qui devint évêque d’Arles en 430. Elle était donc également issue d’une famille aristocratique et par son intermédiaire, Loup fut très certainement en relation avec Hilaire et avec son cousin saint Honorat. Après sept ans de mariage, soit vers 426, les époux décidèrent de se séparer pour mener la vie monastique. Il est possible qu’Honorat ne fut pas étranger à ce choix. En tout cas, Loup le rejoignit au monastère de Lérins, sur l’île de Lerina en Méditerranée4.
II. Le monastère de Lérins
9Entré au monastère de Lérins vers 426, Loup n’y resta qu’un an. La Vita Lupi ne consacre que quelques lignes à cette période de la vie du saint évêque. Elle indique seulement qu’il se soumit à la direction d’Honorat, fondateur du monastère vers 400, et qu’il se conforma aux règles des veilles et des jeûnes5. Ces faits sont conformes au caractère de l’enseignement de Lérins qui était avant tout une école d’ascèse. Le texte de la règle de Lérins, s’il a existé, ne nous est pas parvenu mais diverses Vies de saints, telles que celles d’Hilaire, Honorat et Césaire, nous apprennent que la prière, le silence, l’isolement et l’abstinence étaient privilégiés. La formation intellectuelle n’était pas nécessaire puisque les moines, comme saint Loup, l’avaient reçue auparavant à l’école antique.
10Sidoine Apollinaire mentionne le passage de Loup dans le monastère de Lérins. Il estime dans l’epistula VI, 1, adressée à Loup, que « les pénibles veilles de la milice de Lérins » ont permis à l’évêque de Troyes d’être vénéré « comme le plus fameux des primipiles » par « l’armée spirituelle des saints des deux ordres »6. Il y a là une évidente comparaison faite par Sidoine entre le primipile, centurion le plus élevé en grade de l’armée romaine, et l’évêque Loup, chef spirituel de l’armée des saints. De plus, il cite deux fois Loup en référence lorsqu’il s’agit de souligner la valeur de l’enseignement de Lérins. D’abord dans le carmen XVI, daté des années 460-464 et dédié à Faustus, ancien moine de Lérins et alors évêque de Riez ! le poète loue son ami parce qu’il retourne régulièrement au monastère afin d’enseigner à ses disciples « quelles éminences cette île pourtant si plate a envoyées au ciel, quelles saintes vies furent celles du vieux Caprasius et du jeune Loup »7. Ensuite dans l’ epistula VIII, 14, 2, adressée à l’évêque Principius de Soissons et datée de 478-479, Sidoine fait l’éloge de cet évêque en se référant aux dires de l’évêque Antiolus, « personnalité fort éminente dans l’illustre monastère de Lérins, un compagnon de cellule des Loup et des Maxime » (Luporum concellita Maximorumque). Nous ignorons le siège d’Antiolus.
11Eucher de Lyon mentionne également Loup en tant que moine de Lérins dans une longue lettre intitulée De laude heremi qu’il adressa à saint Hilaire. Elle est très probablement datée de 427-428, donc avant l’accession d’Eucher à l’épiscopat de Lyon (vers 435). Suite à l’élection de saint Honorat au siège épiscopal d’Arles à la fin de l’année 427, Hilaire suivit le nouvel évêque puis revint à Lérins. Eucher l’honore donc pour son retour à la solitude et loue la nécessité du désert. Après avoir présenté les attraits de ce monastère et en avoir fait sa gloire, en citant Honorat et son successeur Maxime, Eucher mentionne Loup par un habile jeu de mots, le comparant à l’animal du même nom : « Lérins a possédé Loup de nom vénérable qui nous a rappelé ce loup de la tribu de Benjamin »8. Il fait référence à la tribu israélite du sud de la Palestine dont l’ancêtre éponyme, Benjamin, est le dernier des douze fils de Jacob. Il compare, en fait, Loup à Benjamin en se référant à la Genèse où il est écrit : « Benjamin est un loup, le matin il dévore une proie, jusqu’au soir il partage le butin »9.
12Enfin, c’est par la même lettre d’Eucher que nous apprenons que saint Loup avait un frère, nommé Vincent, qui fut également un brillant moine de Lérins, « une perle qui se fait remarquer par son éclat intérieur » (haec habuit germanum ejus Vincentium interno gemmam splendore perspicuam)10.
III. L’élection de Loup à l’épiscopat
13Vers la fin de l’année 426, Loup, alors qu’il distribuait ses biens aux pauvres à Mâcon (ad oppidum Matiscone), fut enlevé (raptus) pour exercer la fonction d’évêque de Troyes. Il répondait à l’appel : « Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor aux cieux ; puis viens, suis-moi »11. L’hagiographe ne dit pas qui désigna Loup, mais nous pouvons penser que, conformément à la tradition, il s’agissait des nobles et des clercs de Troyes avec l’assentiment du peuple troyen, et probablement même des populations des vici du diocèse, qui n’étaient probablement pas encore organisés en paroisses mais qui regroupaient forcément déjà des fidèles. De même, conformément à la tradition, l’élection dut être présidée et la consécration accomplie lors de la messe dominicale par le métropolitain de Sens en présence des évêques suffragants, sans que nous puissions préciser lesquels. Ces hypothèses n’expliquent pas les conditions concrètes dans lesquelles Loup fut élevé à l’épiscopat. L’hagiographe semble avoir ignoré les raisons de cette accession soudaine.
14Le droit canonique imposait la continence aux évêques mariés, en d’autres termes le mariage n’était pas rompu, il se transformait seulement en une union spirituelle. Le mariage de Loup avec Pimeniola n’était donc pas contraire à l’élection épiscopale.
15La Vita Lupi relate que d’emblée il assuma parfaitement son rôle autant en faveur de son peuple que de son clergé. « Sa prédication ouvrait sans relâche aux siens la voie du salut ; il instruisait un peuple ignorant par la lecture des livres sacrés et, mené par la grâce, il gouvernait son clergé avec les rênes d’une sainteté attentive »12. Son ordination lui conféra une place éminente au sein de la cité de Troyes et ayant les pouvoirs sacrés que le Christ a donnés aux apôtres, il fut désormais le père spirituel et le défenseur de la communauté chrétienne.
IV. Le rôle de loup dans les affaires religieuses : l’expédition en Bretagne insulaire
16À Rome dès la fin du IVe siècle, un certain Pélage, originaire de l’île de Bretagne, professait l’inutilité de la Grâce et niait l’importance de l’élection et de la prédestination, ne s’attachant qu’aux mérites et au libre-arbitre de la personne humaine. En d’autres termes, Pélage estimait que Dieu ne donne que la loi morale et que l’homme pratique ensuite la vertu par ses seules forces, ce qui était contraire à la doctrine catholique. Réfugié à Carthage, à la suite de l’invasion d’Alaric et à la prise de Rome en 410, il s’opposa rapidement à l’évêque d’Hippone, saint Augustin. Quand Pélage quitta l’Afrique, son plus fervent disciple Caelestius, propagea la nouvelle doctrine et fut condamné dès 411 par le concile de Carthage. Pélage, quant à lui, poursuivit sa propagande et il fallut attendre les conciles de Carthage et de Milève en 416, puis le concile de Rome en 418 et enfin celui d’Ephèse en 431 pour qu’il soit condamné. Le pélagianisme fut introduit en Bretagne insulaire par Agricola, fils de l’évêque pélagien Severianus. Il s’y développa si rapidement que les évêques bretons demandèrent aux évêques gaulois l’envoi de missionnaires afin de rétablir l’orthodoxie. Saint Germain, évêque d’Auxerre de 418 à 448, fut choisi pour effectuer cette mission. Saint Loup, son cadet d’une quinzaine d’années, lui fut adjoint.
17Germain était alors âgé d’une cinquantaine d’années. La ville d’Auxerre avait été en relation avec l’île de Bretagne, notamment sous le pontificat de saint Amâtre, prédécesseur de Germain. De plus, de nombreux étudiants bretons et irlandais y séjournaient. Signalons également que Germain était duc de la Marche armoricaine et de la Marche de Belgique et qu’il avait donc pour mission de surveiller le littus saxonicum, proche de la Bretagne insulaire. Enfin, Germain était connu à Rome où il avait appris le droit.
1. Le choix de Germain
18La principale source relatant cette expédition est la Vita Germani composée par Constance de Lyon une trentaine d’années après la mort de l’évêque, soit vers 475-48013. Il s’est donc écoulé une cinquantaine d’années entre l’expédition en Bretagne et le récit qu’en donne Constance. Il insiste surtout sur les événements miraculeux et ne donne aucune date. Mais la confrontation de ce récit avec d’autres sources permet d’affirmer qu’il a fait preuve d’une certaine précision et que l’enchaînement des faits est correct14. Il consacre à cet épisode de longs paragraphes. Mais une question peut d’ores et déjà être posée : qui fut véritablement à l’origine du choix de Germain et de Loup ?
19Constance écrit qu’un important concile fut réuni au cours duquel l’épiscopat gaulois décida d’envoyer en Bretagne « les prêtres Germain et Loup, ces brillantes lumières de la religion, ces hommes apostoliques qui vivaient sur la terre, mais que leurs mérites rendaient dignes du ciel »15. Prosper d’Aquitaine relate également l’envoi d’un missionnaire en Bretagne dans sa Chronique publiée en 433, donc seulement quatre ans après le départ de Germain et de Loup. Mais voici ce qu’écrit Prosper à l’année 429 : « À l’instigation du diacre Palladius, le pape Célestin envoie Germain, évêque d’Auxerre, comme légat apostolique... »16. Ainsi, Prosper ne parle pas d’un concile et affirme que Germain fut envoyé par le pape et non par l’épiscopat gaulois.
20Il est difficile de déterminer qui furent les décideurs de cette mission : le pape en fut-il à l’origine sans désigner le chef de la mission ? ou recommanda-t-il lui-même Germain aux évêques gaulois ? ou enfin se contenta-t-il de sanctionner le choix de l’épiscopat ? Il est certain que le pape eut à intervenir en pareil cas d’une façon ou d’une autre, il ne pouvait s’agir d’une initiative locale. Nous pouvons penser que Prosper était relativement bien informé, d’abord parce que sa Chronique est contemporaine des faits, mais ensuite et surtout parce qu’il s’est véritablement investi dans la lutte contre le pélagianisme. Prosper était, en effet, le plus fervent soutien de saint Augustin : il le prévint de l’opposition naissante à son égard dans le sud-est de la Gaule, répondit lui-même en vers et en prose aux détracteurs et surtout se rendit à Rome en 431 afin d’obtenir l’appui du pape Célestin. Il est donc possible qu’il ait ainsi obtenu des informations concernant la mission en Bretagne.
21Il reste la question concernant Palladius : qui est ce personnage ? Était-il diacre de l’Eglise de Rome ou de l’Eglise d’Auxerre ? Nous savons seulement qu’il fut le premier évêque envoyé en Irlande par Célestin en 43117. Il semble donc qu’il faisait parti de l’entourage pontifical. Mais il est possible également qu’il ait fait la connaissance de Germain, à Auxerre ou à Rome, et qu’il ait servi d’intermédiaire entre les évêques gaulois et le pape Célestin.
22En conséquence, voici ce qui est fort probable : un concile se réunit en Gaule afin de décider et d’organiser la mission de Germain. Le seul argument que nous possédions contre l’existence de ce concile est qu’aucun texte lui étant relatif n’a été conservé. Voici ce qui est certain : Germain partit en Bretagne insulaire en tant que légat du pape qui avait sanctionné ce choix.
2. Le choix de Loup
23Étant donné que la Chronique de Prosper est une source de première importance puisque contemporaine des faits, il est important de noter et d’expliquer l’omission de Loup par cet auteur. Prosper écrivait une chronique, il n’est donc pas étonnant qu’il se soit contenté de mentionner le chef de la mission. Il ne cite pas Loup comme il ne cite pas les clercs d’Auxerre et de Troyes, autres compagnons de Germain. N’oublions pas également que Loup, à cette époque, n’était âgé que d’une trentaine d’années, qu’il n’était évêque que depuis deux ans et qu’il n’avait pas encore la renommée qu’il eut plus tard. Constance, par contre, écrivait la Vie de saint Germain. Il cite donc tous les détails de la mission. Qui plus est, lui connaissait la renommée de Loup puisqu’il a écrit cette Vie cinquante ans après cet événement.
24Le choix de Loup s’explique probablement par le fait que l’évêque troyen et l’évêque auxerrois étaient en relation puisqu’ils dirigeaient tous deux des diocèses suffragants de celui de Sens, même si leurs biographes respectifs ne parlent pas de leurs relations en dehors de l’expédition en Bretagne. Notons que saint Germain était de surcroît l’ami de saint Hilaire d’Arles, beau-frère de saint Loup.
25Une raison supplémentaire peut expliquer ce choix : l’hérésie pélagienne sévissait également dans le sud de la Gaule par un courant plus modéré que l’on appela le semi-pélagianisme et contre lequel, nous l’avons vu, Prosper lutta fermement. Cette opposition prit naissance parmi les évêques et les moines de Provence en tête desquels figurait Cassien, abbé du monastère Saint-Victor de Marseille. Il formula dès 428 son opinion sur la question : il acceptait la nécessité de la Grâce mais non dès le commencement, faisant valoir le libre-arbitre de la personne humaine. Le monastère de Lérins fut également touché par cette hérésie et il était peut-être de bon augure d’envoyer un ancien moine de Lérins en Bretagne afin de lutter contre le pélagianisme18. L’évêque troyen n’appartenait donc pas au parti des anti-augustiniens alors même qu’il avait été formé à Lérins.
3. La consécration de sainte Geneviève
26Germain, Loup et leurs compagnons partirent donc d’Auxerre à l’hiver 429. La navigation était interdite en Méditerranée du 11 novembre au 10 mars19. « La météorologie atlantique imposait la fermeture des ports en hiver »20. La décision de traverser la Manche à cette période de l’année révèle donc l’urgence de la mission des deux évêques.
27Ils firent une première halte au village de Nanterre. C’est là qu’ils rencontrèrent Geneviève, la future patronne de Paris. Cet épisode n’est relaté ni dans la Vita Germani ni dans la Vita Lupi, mais il se rencontre dans la Vita Genovefae21. Celle-ci, connue par cinq versions classées en trois familles principales A, B, et C, a fait l’objet d’une polémique à la fin du siècle dernier et au début du XXe siècle. Bruno Krusch, en effet, a contesté son authenticité et a estimé qu elle ne fut pas composée avant le VIIIe siècle. À l’inverse, monseigneur Duchesne et Godefroid Kurth22 ont soutenu qu elle fut écrite dix-huit ans après la mort de la sainte, comme l’indique l’une des recensions, soit en 520. Le dernier article de Bruno Krusch n’ayant jamais été contesté, la thèse de ce dernier prévalut sur toutes les autres. Mais la question ne fut pas véritablement tranchée.
28C’est seulement dans les années 1980 qu’une étude de Martin Heinzelmann et de Joseph-Claude Poulin a permis de réhabiliter la recension A de la Vie de sainte Geneviève de Paris23. Elle est donc désormais considérée comme une œuvre du début du VIe siècle. Son auteur semble n’avoir jamais rencontré Geneviève mais il a connu au moins des témoins des événements. La sainte ayant vécu jusqu’à plus de quatre-vingts ans, sa Vie fut composée un siècle après sa jeunesse. Il est donc naturel que les souvenirs soient parfois confus. La majorité des événements relatés dans cette Vie ne peuvent, de surcroît, être confirmés par d’autres sources contemporaines.
29Il reste à savoir pourquoi l’hagiographe de saint Germain n’a pas parlé de cet épisode ? À l’époque de la rédaction de la Vita Germani, Geneviève était devenue une grande figure de Paris. C’est pourquoi il est étonnant que Constance ait passé sous silence le fait que Germain ait été à l’origine de sa vocation religieuse. Joseph-Claude Poulin a expliqué cette omission24 : Constance n’avait pas à raconter cet épisode puisque la sainte était encore vivante lorsqu’il rédigea la Vie de saint Germain. Or l’on sait que les textes de l’Ecriture préconisaient de ne pas glorifier une personne de son vivant, afin qu’elle ne s’enorgueillisse pas et afin également que celui qui loue ne soit pas condamné pour sa flatterie25. Son silence à ce sujet n’a donc rien d’étonnant.
30Ainsi, à l’annonce de l’arrivée des évêques d’Auxerre et de Troyes, les habitants de Nanterre se précipitèrent à leur rencontre afin de recevoir leur bénédiction26. Alors que Germain prêchait l’Evangile à cette foule, son regard se porta subitement sur une petite fille. Il avait décelé la vocation religieuse de l’enfant. Après lui en avoir fait part, il la consacra au Christ. Puis Germain, Loup et leurs compagnons célébrèrent none et vêpres tout au long desquelles Germain posa sa main droite sur la tête de Geneviève. Il demanda à Dieu d’en faire la continuatrice de son œuvre après sa mort. Le lendemain, Germain lui remit une pièce de monnaie en bronze sur laquelle une croix était gravée et qu’il avait trouvée par terre. Geneviève devait porter au cou ce gage d’affection et de soutien. Loup assista donc à cet événement exceptionnel dans l’histoire du christianisme. Notons qu’il ne joua qu’un rôle secondaire puisqu’il n’était que le subordonné de Germain, légat du pape.
4. La mission et le rôle de Loup
31Germain, Loup et leurs compagnons embarquèrent ensuite pour la Bretagne. La traversée de la Manche ne se fit pas sans peine puisque, d’après Constance, les voyageurs subirent une violente tempête. Germain, épuisé par la lutte, finit par s’endormir. Alors que la tempête redoublait de violence, « saint Loup et tous les passagers, pris de panique, éveillent Germain afin de l’opposer à la fureur des éléments. Encouragé par la grandeur du péril, il invoque le Christ, invective l’océan et oppose aux ouragans déchaînés le motif religieux de son voyage. Puis, il prend de l’huile et, au nom de la Sainte Trinité, en fait une légère aspersion sur la mer et les flots commencent à s’apaiser. Sur son invitation, son collègue et tous les passagers s’unissent à lui dans un même cri, dans une même prière. La présence divine se fait sentir, les ennemis sont mis en fuite, la sérénité renaît immédiatement. Les vents jusque-là contraires, deviennent favorables et la tranquillité des eaux seconde la marche du navire »27.
32Il apparaît, de nouveau, qu’aucune responsabilité importante ne fut attribuée à Loup puisqu’il resta impuissant face à la tempête et qu’il fut réduit à demander le secours de Germain. Il n’avait, en vérité, qu’un rôle d’assistant. Force est de constater, néanmoins, que son nom est clairement mentionné parce qu’il était évêque, alors que les autres voyageurs étaient des clercs.
33Dès leur arrivée sur l’île, Germain et ses compagnons furent accueillis par la foule. Puis, assisté de Loup et des clercs venus avec eux, il organisa des missions dans le but de proclamer la doctrine catholique définie par le concile. Le succès vint rapidement et « ces hommes apostoliques remplirent bientôt la Bretagne de leur renommée, de leurs prédications et de leurs miracles »28. Nombreux furent ceux qui se convertirent, à tel point qu’Agricola et ses disciples décidèrent d’organiser une réunion publique en présence de Germain et de Loup. Les évêques sortirent vainqueurs de ce débat et les Pélagiens furent réduits au silence29.
34Loup ne se contenta pas cette fois d’assister à cette réunion dans l’ombre de Germain. Constance écrit que « leur tour venu, les vénérables prélats répandirent les torrents de leur éloquence ; ils firent retentir avec éclat la doctrine des apôtres et les enseignements de l’Évangile. Mêlant la parole divine à leurs propres discours, ils appuyaient la force de leurs affirmations sur les textes sacrés »30. Ainsi, l’évêque de Troyes avait bien sa place dans cette mission, il tenait sa légitimité du pape au même titre que Germain ; et bien que jusque-là, il n’avait eu qu’un rôle d’assistant, au moment critique de la mission, il intervint véritablement à l’exemple des apôtres.
35Son rôle resta toutefois limité. Les deux évêques devaient, en effet, confirmer la valeur de l’enseignement qu’ils venaient de prêcher. En d’autres termes, il était nécessaire qu un miracle se produise : lors de cette réunion, une enfant aveugle fut amenée auprès de Germain et de Loup. Ils proposèrent alors que l’enfant soit présentée aux Pélagiens. Ces derniers s’avouèrent aussitôt incapables d’agir et prièrent les évêques de guérir la fillette. Germain et Loup firent alors une prière, puis Germain appliqua le reliquaire qu’il portait à son cou sur les yeux de l’enfant qui recouvra aussitôt la vue31. L’erreur des Pélagiens était dès lors entièrement prouvée. Loup ne fit donc que s’associer à la prière de Germain qui, lui, produisit le miracle. Il n’est pas rare de rencontrer, dans la tradition hagiographique, de tels épisodes : parfois les hérétiques fuient le débat public, parfois ils y perdent la face et cet échec permet de convaincre les spectateurs.
36Les deux évêques se rendirent ensuite au tombeau de saint Alban, premier martyr de l’île de Bretagne vers 300 sous Dioclétien32. D’après Bède, Germain fit ouvrir le sépulcre afin d’y déposer quelques ossements des douze apôtres et de martyrs contenus dans son reliquaire33. Il prit un peu de la terre où Alban fut mis à mort pour la ramener à Auxerre où, plus tard, il fit construire une église qu’il lui dédia.
5. La guerre contre les Saxons
37Germain et Loup jouèrent également un rôle fondamental dans la guerre qui opposait les Bretons aux Saxons. Ces derniers déclarèrent la guerre aux Bretons après s’être alliés aux Pictes. Ce fait, sans être certain, est tout à fait probable. Les Bretons, s’estimant trop peu nombreux, firent alors appel aux deux évêques gaulois qui leur offrirent aussitôt leur aide. Germain et Loup effectuèrent de nombreux baptêmes, firent des prédications, exhortèrent les soldats à la prière pour obtenir la victoire et célébrèrent la messe de Pâques dans une chapelle construite sommairement au milieu du camp par les soldats. Lorsque leurs adversaires apprirent cette tactique de combat, ils s’empressèrent de les attaquer persuadés d’obtenir facilement la victoire. Germain, en ancien chef de guerre, partit alors reconnaître la route empruntée par les ennemis afin d’organiser la défense des Bretons. Il plaça l’armée dans une vallée située entre deux montagnes, où l’écho était remarquable, et mit en place des embuscades ainsi que des éclaireurs. Puis il ordonna que le cri de guerre serait « Alléluia » et que les soldats devraient le répéter dès son signal. Quand les éclaireurs signalèrent l’arrivée des ennemis, Germain et Loup crièrent trois fois « Alléluia », aussitôt repris par l’armée bretonne et par l’écho. Leurs adversaires furent pris d’une telle panique qu’ils s’enfuirent au plus vite34. Les deux évêques furent glorifiés pour cette victoire obtenue par la seule intervention de la foi.
38Les Pélagiens et les Saxons étant vaincus, la mission des évêques gaulois était une entière réussite. Germain et Loup regagnèrent alors la Gaule. Il est certain qu’ils ne restèrent pas plus de deux ou trois ans sur l’île puisque saint Patrice fut élevé à l’épiscopat par Germain à Auxerre en 432, avant de succéder au diacre Palladius en Irlande.
6. Conclusion
39La Vita Lupi ne consacre qu’un court chapitre à l’épisode de l’expédition en Bretagne. Le rôle de Loup est évidemment davantage mis en valeur que dans la Vita Germani. L’hagiographe ne va pas jusqu’à le rendre plus important que celui de Germain mais il place les deux hommes au même rang. Nous apprenons qu’ils partirent en plein hiver deux ans après l’élection de Loup à l’épiscopat, que la tempête fut vaincue par la prière et qu’ils furent accueillis par la foule dès leur arrivée sur l’île. Ils accomplirent de nombreux miracles, notamment la guérison de malades et de possédés. Ils rétablirent enfin l’orthodoxie.
40Le véritable chef de la mission est en fait Germain. C’est lui et lui seul qui produit les miracles mais il est toujours assisté de Loup, particulièrement dans la prière qui les précède. Les deux évêques ont, en revanche, le même rôle lorsqu’il s’agit de prêcher la doctrine catholique et de convertir le peuple breton.
41D’après Constance, Germain fit un second voyage en Bretagne insulaire à la suite de l’appel des évêques bretons menacés de nouveau par le pélagianisme. Il est possible que cette seconde expédition ait eu lieu en 446-447, sachant que c’est en Bretagne que l’hérésie pélagienne perdura le plus longtemps. Cette nouvelle mission était cependant moins importante que la première parce que l’hérésie ne subsistait alors que sous des formes sporadiques. Constance d’ailleurs la relate brièvement et signale que Germain l’emporta sans difficultés. Cette fois, Loup n’accompagna pas Germain mais ce dernier choisit pour compagnon un certain évêque du nom de Sévère35. Constance ne précise pas le siège épiscopal de ce compagnon. Bède identifie cet évêque à Sévère de Trèves, disciple de saint Loup. Il combina les informations issues de la Vita Germani et de la Vita Lupi. Wilhem Levison fait remarquer qu’il existe un autre Sévère, évêque de Vence, contemporain de ce voyage puisqu’il a participé aux conciles de Riez et de Vaison en 439 et 44236. Mais il est plus probable qu’il s’agisse de l’évêque de Trèves : Loup ayant participé à la première expédition en Bretagne, il est légitime de penser qu’il recommanda un de ses disciples à Germain. Le catalogue épiscopal de Trèves signale un évêque de ce nom à la douzième place mais sans indication de date37.
V. Le rôle de Loup dans les affaires civiles : Attila
42La Vita Lupi raconte que Loup jouissait d’une faveur exceptionnelle auprès des grands de ce monde et que tous les rois des nations païennes lui vouèrent un sentiment de respect38.
1. Premier passage probable d’Attila par Troyes
43En 451, Attila et les Huns quittèrent la plaine hongroise en direction de la Gaule. Il semble que les Alamans, installés au nord de l’Alsace actuelle, leur opposèrent une telle résistance qu’ils furent contraints de remonter la rive droite du Rhin. Ils le franchirent probablement dans la région de Coblence et de Mayence et, suivant la voie romaine de Trèves, ils envahirent la Belgique première.
44Nous possédons peu de renseignements concernant l’avancée des Huns en Gaule septentrionale. Certaines villes auraient été détruites, d’autres auraient été épargnées grâce à l’intervention glorieuse de leur évêque. Mais les récits qui relatent ces faits sont malheureusement très postérieurs aux événements. Nous savons néanmoins, par Grégoire de Tours, que la ville de Metz fut pillée et incendiée la veille de Pâques, le 7 avril 45139.
45Les Huns empruntèrent ensuite probablement la voie romaine à l’ouest qui menait à Reims. L’objectif d’Attila était de se rendre dans le royaume wisigoth. Quel route suivit-il ? Il passa par Orléans, en souhaitant sûrement y traverser la Loire. Le réseau routier de l’époque indique qu’une voie joignait Reims à Rouen par Soissons et Paris, et qu’une autre voie menait de Paris à Orléans. Mais le réseau routier signale également une route reliant Reims à Troyes d’où il était possible de gagner Orléans par Sens. La distance de Reims à Orléans était à peu près égale par Paris ou par Troyes. Il est probable qu’Attila soit passé par Troyes puisque la Vita Genovefae relate que Geneviève prédit que la ville de Paris serait épargnée et que ses prédictions furent justes40. De plus, la Vie de saint Alpin nous apprend que l’évêque de Châlons-en-Champagne obtint d’Attila que sa ville soit épargnée41. Le fait que cette ville soit alors solidement défendue par une enceinte dissuada vraisemblablement Attila d’attaquer Châlons-en-Champagne.
46Bien que cette Vie soit une source tardive et qu elle dérive probablement de la Vita Lupi, elle corrobore le fait qu’Attila se rendit à Troyes après son passage à Reims. Mais la Vie de saint Loup ne mentionne pas ce premier passage d’Attila à Troyes. Nous pourrions alors penser que le célèbre épisode de la rencontre entre l’évêque de Troyes et le chef des Huns eut lieu lors de l’expédition d’Attila vers Orléans. Ceci expliquerait l’omission de la délivrance d’Orléans et de la bataille aux Champs Catalauniques dans la Vita Lupi. Mais si après cette rencontre, Loup accompagna Attila jusqu’au Rhin, celui-ci n’était donc pas en marche sur Orléans.
47Comment expliquer alors que ce premier passage des Huns à Troyes ne soit pas mentionné dans la Vie de saint Loup ? Elle relate que la ville n’était pas protégée par une enceinte. Nous savons qu’en fait, elle en possédait une avec certitude dès le Bas-Empire et qu’il faut comprendre qu’elle était inefficace lors du passage des Barbares. Ces derniers pouvaient donc en profiter pour la piller. Nous pouvons envisager que les Troyens négocièrent avec l’ennemi comme ce fut le cas pour les Orléanais qui, d’après la Vita Aniani, s’y étaient résignés au moment de l’arrivée des Romains et des Wisigoths. L’hagiographe de Loup aurait alors passé sous silence ce fait afin de ne pas ternir l’image de son saint et n’aurait mentionné que le deuxième passage d’Attila au cours duquel Loup intervint avec éclat. Mais, selon Emilienne Demougeot, il est également possible que les Huns épargnèrent Troyes pour atteindre plus rapidement l’Aquitaine42. Il est vrai qu’Attila avait probablement d’autres préoccupations que piller systématiquement toutes les villes de moyenne importance qu’il traversait. Il est donc effectivement envisageable qu’Attila n’ait pas rencontré Loup lors de son premier passage à Troyes.
2. Loup, défenseur de la cité épiscopale
48Alors qu’il était sur le point de prendre la ville d’Orléans, l’arrivée de l’armée d’Aetius, soutenue par les Wisigoths, contraint Attila à prendre la fuite. Il prit alors la décision de retourner vers l’est par la route de Sens et de Troyes. Rejoint par l’armée d’Aetius et de Théodoric, il dut livrer bataille au Campus Mauriacus. Ce combat a été relaté par plusieurs auteurs dont notamment Jordanes dans ses Getica43. Il parle d’une lutte très confuse, très longue et très disputée au cours de laquelle le roi Théodoric trouva la mort. La victoire fut remportée par les Romains et les Wisigoths bien que les deux armées adverses aient accusé un affaiblissement relativement équivalent. Ce fait permit à Attila et ses troupes de parvenir jusqu’à Troyes.
49La Vita Lupi relate que la ville était située dans une large plaine, exposée aux champs ouverts, démunie d’armée et qu’elle ne pouvait guère compter sur ses remparts. Loup évita le ravage et l’incendie de sa ville par sa seule prière. Attila, « embrassant la foi de cet esprit sublime », le pria de le suivre jusqu’au Rhin pour « sa propre sauvegarde et pour le salut de l’armée ». Il lui promit qu’il ne le retiendrait pas prisonnier. Arrivé au Rhin, Attila pria Loup de rester, puis le fit raccompagner à Troyes après s’être recommandé à ses prières. Leur interprète était Hunigasius44. Une information au sujet de cet homme est peut-être donnée par l’historien grec Priscos de Panion, ambassadeur de l’empereur d’Orient envoyé en 449 auprès d’Attila afin de négocier la paix. Priscos, qui a laissé un témoignage écrit de cette ambassade, signale que le principal ministre d’Attila était un certain Onegesius. « Auprès de l’habitation d’Attila, son principal conseiller Onégèse avait une maison assez semblable, également entourée d’une palissade. Tout auprès se trouvait un bain qu’Onégèse avait fait bâtir par un prisonnier romain et qui, à la différence des autres constructions, était, chose merveilleuse et rare, tout en pierre. [...] Attila, sortant, le visage grave, les regards se promenant partout, s’installa devant son palais, Onégèse à son côté ». (Fragment 8)45. Il est probable qu’Hunigasius et Onegesius correspondent au même homme.
3. La bataille aux Champs Catalauniques
50La célèbre bataille qui opposa Attila et Aetius se déroula aux Campi Catalaunici, autrement dénommés Campi Mauriacii. Les auteurs anciens, contemporains ou non de cet événement, ne précisent pas le lieu de cette bataille et les deux sources les plus crédibles ne le mentionnent même pas. Il s’agit de la Chronique de Prosper46 et du Chronicon gallicum ad CCCCLII à l’année 45147.
51La première mention des « Champs Catalauniques » figure dans la Chronique de l’Espagnol Hydace, contemporain de la bataille. Mais d’une part, il place cet événement à l’année 468 et d’autre part, il situe le champ de bataille non loin de Metz48. Le terme de « Mauriac », quant à lui, apparaît pour la première fois dans une loi burgonde de 488-49049. Mais aucune de ces deux sources ne donnent d’indication quant à l’emplacement précis de ces Campi Catalaunici ou Campi Mauriacii.
52Au début du VIe siècle, l’Italien Cassiodore se contente de signaler, dans sa chronique à l’année 451, qu’Aetius et ses auxiliaires Goths emportèrent la victoire sur Attila aux Champs Catalauniques50. Jordanes innove légèrement puisque, dans les Getica qu’il rédigea vers 550, il utilise à la fois le nom de Campi Catalaunici et le nom de Campi Mauricii51. Mais il n’en dit pas davantage que ses prédécesseurs. A la fin du VIe siècle, Grégoire de Tours n’emploie que le terme de Campus Mauriacus dans son Historia Francorum 52.. Également au VIe siècle, la seconde chronique gauloise utilise le nom de Mauriac et situe ce lieu dans la cité de Troyes53. Au VIIe siècle, Isidore de Séville54 utilise le nom de Champs Catalauniques alors que le pseudo-Frédégaire55 préfère celui de Mauriac, mais sans indication plus précise de leur part. Également au VIIe siècle, le continuateur de la Chronique de Prosper situe la bataille à Mauriac en précisant « au cinquième mille à partir de Troyes »56. Enfin, les hagiographes des Vies de saints de la région placent le combat à Mauriac. Il apparaît donc qu’aucune de ces nombreuses sources ne signale précisément l’emplacement de cette fameuse bataille.
53Cette question fut pourtant l’objet de nombreuses études et de diverses hypothèses. Sans entrer dans les détails d’une polémique qui n’a pas lieu d’être exposée ici, signalons quand même que certains historiens ont proposé La Cheppe à 12 kilomètres au nord de Châlons-en-Champagne57, d’autres ont parlé de la Campania Arciacensis (Arcis-sur-Aube) à une trentaine de kilomètres au nord de Troyes58, d’autres encore de Méry-sur-Seine à 30 kilomètres au nord-ouest de Troyes59. Les environs de Nogent-sur-Seine à 50 kilomètres au nord-ouest de Troyes ont également été envisagés60. Mais l’hypothèse la plus convaincante reste celle proposée par Henri d’Arbois de Jubainville qui concerne Moirey, lieu-dit proche de la commune de DierreySaint-Julien à 20 kilomètres à l’ouest de Troyes61. Moirey a été retenu avec quelques réserves par Louis Halphen, Joseph Roserot de Melin et Élie Griffe, puis avec plus de certitudes par Michel Rouche62. Ferdinand Lot, Christian Pfister et François-L. Ganshof se contentent de signaler que cette hypothèse est due à Arbois de Jubainville63. Il faut admettre qu aucune de ces localisations n’emporta la conviction. Franz Altheim, prudent, a estimé que les Champs Catalauniques « sont à chercher entre Troyes et Châlons, à gauche de la Marne », et Emilienne Demougeot a précisé sans détour que l’emplacement de ce combat n’est pas déterminable64. La question reste ouverte et récemment encore, Brigitte Beaujard et Jean-Charles Picard affirmaient « qu’en 451, les Huns se dirigent de Metz vers Orléans avant de refluer vers les terres tricasses où ils sont vaincus »65.
4. Conclusion
54Émilienne Demougeot a noté que le nom de Campi Catalaunici est employé par les auteurs étrangers tels qu’Hydace puis Cassiodore et Isidore de Séville, ignorant la géographie du nord de la Gaule (Hydace place Metz à proximité du lieu de la bataille) ; alors que la loi burgonde, Grégoire de Tours, le scribe de la seconde chronique gauloise, le pseudo-Frédégaire, le continuateur de la Chronique de Prosper et les hagiographes régionaux utilisent le terme de Mauriacus, probablement plus populaire et plus précis. La seule exception concerne Jordanes qui souhaitait probablement informer parfaitement ses lecteurs ou bien concilier ses sources.
55Ainsi, la plaine, théâtre de la bataille entre Attila et Aetius, s’appelait probablement Mauriacus. Il est possible qu elle s’étendait sur le territoire des Catalauni. Mais il est davantage probable que les auteurs étrangers, ne sachant pas situer véritablement cette plaine, aient choisi de mentionner le castrum de Châlons-en-Champagne non loin et bien connu au Bas-Empire. La prudence nous conduit donc à supposer simplement que cette bataille eut lieu dans une vaste plaine entre Troyes et Châlons-en-Champagne, appelée Mauriacus. En l’absence de vestiges archéologiques et de données toponymiques réelles, il est impossible d’en dire davantage.
56Il est important avant tout de noter que Loup sut négocier avec le barbare comme d’autres grands représentants de l’épiscopat gaulois dont il était un des membres, et qu’il se présenta une fois encore comme le premier et l’unique défenseur de la cité.
VI. Loup, chef et protecteur de la communauté chrétienne : le refuge de Latisco
57Après son voyage auprès d’Attila, Loup « plus avisé qu’un homme de métier », partit aussitôt reconnaître le refuge de Latisco afin d’y transférer les habitants de Troyes (montis perfugium Latiscone [...] distans quadraginta quinque milibus ab urbe). Il y séjourna deux ans sans être véritablement suivi par la population troyenne66.
58Chacun s’accorde aujourd’hui à penser qu’il s’agit du Mont Lassois (Côte-d’Or), effectivement situé à une soixantaine de kilomètres au sud de Troyes, au pied duquel fut découverte la célèbre sépulture sous tumulus contenant le cratère de Vix. Plusieurs auteurs ont douté du crédit de l’hagiographe sur ce point. Or nous n’avons, au contraire, aucune raison d’en douter : l’ordre religieux de la Gaule fut perturbé par les invasions germaniques de la seconde moitié du Ve siècle. L’organisation des diocèses fut ébranlée, principalement dans les régions du nord, par l’abandon des sièges épiscopaux. « La tradition écrite montre comment dans toutes les régions les évêques s’efforcèrent de conjurer la menace par l’installation en castra de résidences écartées »67. En outre, « les vacances de sièges, faute de candidats, comme à Auxerre, duraient souvent plus d’un an »68. D’ailleurs, un manuscrit de Corbie daté du VIe siècle, que nous détaillerons plus loin, conserve une lettre qui relate un épisode sensiblement analogue : un clergé signale à son évêque qu’il a trouvé refuge dans un autre diocèse suite à un exil forcé69. Cette lettre était probablement adressée à l’évêque Polychronius de Verdun, disciple de saint Loup. La différence entre ces deux épisodes réside dans l’attitude des évêques : Polychronius, lui-même exilé, n’a visiblement pas accompagné son troupeau, alors que saint Loup est allé lui-même trouver un refuge et y séjourna.
59Cependant, fâché d’être peu suivi, il retourna à Mâcon où il possédait un domaine. Ceci ne nous explique pas pourquoi il choisit de se rendre dans le diocèse de Langres. Il faut croire qu’il n’existait pas d’oppida suffisamment bien défendus dans le diocèse de Troyes. Aucun, en tout cas, n’avait la valeur défensive de celui du Mont Lassois. Quoi qu’il en soit, il serait bon de faire désormais figurer la ville de Troyes sur les cartes de la crise de l’Eglise en Gaule au milieu du Ve siècle, en tant qu’évêché déplacé temporairement dans un refuge ; celles publiées à ce jour la placent parmi les évêchés occupés sans interruption.
VII. La vie quotidienne de Loup
60La contemplation, la prière, la vie solitaire et la mortification sont les principaux moyens utilisés pour atteindre l’idéal de la spiritualité. La Vita Lupi consacre un chapitre à la façon de vivre de Loup. Il mena une vie ascétique à l’image de celle qu’il connut à Lérins, où d’ailleurs il s’était préparé à l’épiscopat. On apprend qu’à sa mort, depuis 25 ans, il s’obligeait à coucher sur une planche et était habillé comme un moine portant continuellement un cilice couvert d’une simple tunique. Il consacrait une nuit entière sur deux à la prière. Or la prière nocturne tenait une place importante dans la règle de Lérins. Il infligea à son corps deux années de jeûne et son visage était sans cesse couvert de larmes. Puis il jeûna tous les samedis ne mangeant que du pain d’orge70.
61Cet aspect de la vie de l’évêque n’a rien d’étonnant : Eucher de Lyon, Fauste de Riez, Hilaire et Honorat d’Arles, et Martin de Tours avant eux, ont vécu comme des moines. Tous d’ailleurs, comme Loup, vécurent un temps dans un monastère. Ces moines devenus évêques devaient mener une vie nouvelle alliant à la fois les devoirs de leur charge et l’idéal monastique.
VIII. Les miracles de Loup
62La pratique de l’ascèse ne suffit pas à atteindre l’idéal de la spiritualité, il est nécessaire également de faire preuve de charité. À l’origine la faculté de faire des miracles n’est pas donnée à une personne pour elle-même mais pour le service d’autrui71. En cela, elle doit être utilisée à des fins charitables. Cela dit, les hagiographes des premiers siècles furent contraints d’en user à outrance afin de frapper plus directement l’esprit du lecteur. Force est de reconnaître, en effet, que le surnaturel ne pouvait être compris par les premiers chrétiens que s’il se confondait avec le merveilleux. Il est ainsi toujours difficile de faire la part du réel et de la fiction.
63De nombreux malades furent guéris par les prières de saint Loup : sur la route menant à Mâcon, il rencontra une femme paralytique et, à sa demande, la guérit par une prière. Puis, alors qu’il séjournait dans son domaine, on lui amena une jeune fille frappée de mutisme par un démon. Il fit d’abord sur elle le signe de croix. Puis au cours de la nuit, après avoir chanté des psaumes et invoqué le nom de la Trinité, il commanda que la parole soit rendue à la jeune fille72. Mourant, « l’illustre Claude, fils du remarquable Germanianus » fut ramené à la vie par la prière du saint évêque73.
64Un chapitre est consacré à la guérison d’« une illustre mère de famille, soeur du saint et vénérable prêtre Rusticus »74. Depuis dix ans, cette femme était paralysée des mains et des pieds et n’avait plus le désir de s’alimenter. Elle réclama la visite de Loup. Ce dernier se prosterna à ses côtés et adressa par trois fois une prière à Dieu en pleurant. Les douleurs et la paralysie de la malade disparurent et elle demanda aussitôt de la nourriture.
65Les études prosopographiques ne permettent pas d’en dire davantage sur ces personnages ; nous savons seulement qu’ils portaient les titres de clarissimus, exspectabilis et presbyter et qu’ils étaient probablement troyens. Saint Loup effectua également le miracle classique de la guérison de possédés en compagnie de saint Germain d’Auxerre en Bretagne75.
66Les miracles du saint évêque de Troyes sont donc des œuvres de charité, il apaise la misère humaine à la demande des malades et sans chercher à frapper les esprits. Son pouvoir de thaumaturge s’effectue toujours par une prière d’intercession, avec par exemple l’épisode classique de la prière mêlée aux larmes du saint. Il est important de noter les similitudes entre ces récits des miracles accomplis par saint Loup et la tradition scripturaire. Le choix de l’hagiographe n’a pas été fait au hasard. Ce que saint Loup accomplit figure dans les Evangiles : la guérison de la paralysie76, l’expulsion des démons77 avec plus précisément la guérison d’un démoniaque muet78, et enfin la résurrection d’un moribond79. Ces similitudes renforcent le merveilleux indispensable pour légitimer, aux yeux du peuple chrétien, l’autorité divine dont saint Loup était investi.
IX. Le rôle de Loup dans les affaires civiles : Gebavult
67Il est dit dans la Vita Lupi que Loup utilisa sa fortune au secours des pauvres et au rachat des captifs80. Le secours aux prisonniers était devenu au IVe siècle une véritable nécessité en raison des raids barbares de plus en plus fréquents au nord de la Gaule. Les hommes d’Église en faisaient souvent une priorité, à l’image de la tradition de l’Ancien Testament qui considérait cet acte comme une œuvre de miséricorde. Loup apprit que les habitants du pagus Brigonensis (le Briennois) étaient prisonniers du roi des Alamans Gebavult. Afin d’obtenir leur libération, il lui fit parvenir une lettre par l’intermédiaire d’un prêtre. Gebavult se soumit aussitôt au désir de l’évêque en libérant les otages sans contrepartie81.
68Sachant que l’auteur de la Vita Lupi s’est inspiré de la Vita Severini pour rédiger cet épisode, nous aurions de bonnes raisons de le mettre en doute. Mais puisqu’il est possible que le roi Alaman Gebavult ait fait des incursions à la fois dans le Norique et chez les Tricasses, il est alors concevable que Loup eut effectivement à intervenir comme le fit Séverin. L’hagiographe de saint Loup, manquant de renseignements à ce sujet, aurait ainsi complété son récit à l’aide de la Vita Severini. Considérons donc seulement qu’il est fort probable que le saint évêque de Troyes eut à intervenir dans le pagus Brigonensis afin de libérer des captifs du joug du roi alaman Gebavult. En revanche, nous ne pouvons évidemment accorder aucun crédit au détail de cette intervention.
X. Les disciples de Loup
69Bruno Krusch estimait en 1899 que les informations concernant les disciples de Loup sont invérifiables82. Cette affirmation est sans valeur. Les disciples mentionnés dans la Vita Lupi sont, en effet, tous devenus évêques et leur nom se rencontrent dans les listes épiscopales concernées à des dates concordantes.
1. Polychronlus
70La Vita Lupi relate que Loup eut Polychronius pour disciple, homme capable d’obtenir la fuite des démons avant même de s’adresser à eux et tout en gardant ses mains derrière son dos83. Son épiscopat se situe donc vers le milieu ou dans la seconde moitié du Ve siècle. Il s’agit de l’évêque mentionné après Arator, soit à la cinquième place, dans la liste épiscopale de Verdun84.
71Saint Loup, à la suite de l’invasion hunnique, a tenté d’installer les Troyens dans un refuge. Il est intéressant de détailler ici le récit du manuscrit de Corbie, mentionné plus haut, puisqu’il permet d’établir un parallèle entre l’action de Loup à Troyes et celle de son disciple à Verdun85. Ce manuscrit, daté du VIe siècle, conserve une lettre adressée par trois prêtres, un archidiacre et d’autres clercs à l’évêque Polychronius, de l’autorité duquel ils relèvent. Leurs auteurs déclarent avoir été obligés de quitter leur région à cause des circonstances qui ont également poussé l’évêque à s’exiler. Ils signalent qu’ils ont trouvé un refuge, grâce à l’intervention de leur évêque, auprès de l’évêque Castor. La lettre ne précise ni les circonstances ni la date ni le lieu de l’exil, ni même l’origine de ce clergé. Les noms des deux évêques sont donc le seul indice exploitable et les deux hommes sont forcément contemporains. La date peut se situer dans une fourchette de deux siècles : à partir de 406, parce qu’un tel exode ne peut se justifier avant l’invasion des Vandales, et jusqu’au VIe siècle, date du manuscrit. Nancy Gauthier a remarqué que si cet événement avait eu lieu au VIe siècle, il est probable que Grégoire de Tours n’aurait pas omis de le signaler86. Il est donc plus vraisemblable qu’il faille le placer au Ve. Nous avons le choix entre Polychronius de Verdun et Polychronius de Chartres87. Germain Morin, suivi d’Elie Griffe et de Nancy Gauthier, a estimé qu il s’agissait de l’évêque de Verdun88. Cette identification est fort probable sachant que les invasions barbares de l’est de la Gaule étaient régulières à cette époque et que la liste épiscopale de Chartres est obscure et difficile à exploiter. Rappelons que la ville de Verdun était située sur la route de Metz à Reims qu’emprunta Attila. Concernant l’évêque Castor, nous avons le choix entre Castor d’Apt et Castor de Chartres89. Monseigneur Duchesne a identifié cet évêque au premier. Mais Germain Morin, Élie Griffe et Nancy Gauthier estiment qu’il peut s’agir de Castor de Chartres, figurant sur la liste épiscopale à une place qui en fait le contemporain de Polychronius de Verdun. Il est effectivement peu probable que la population de Verdun soit allée jusqu’à Apt pour trouver un refuge. Un autre élément est en faveur de Castor de Chartres : la liste épiscopale de ce diocèse indique successivement Castor, Africanus, Possessor, Polychronius et Arbogast. Possessor et Polychronius figurent également côte à côte sur la liste épiscopale de Verdun. Or il arrivait parfois que des personnages étrangers au diocèse, mais qui avaient eu des relations avec lui, soient inscrits aux diptyques de certaines églises. Quant à Arbogastus, aux dires de monseigneur Duchesne lui-même, suivi par André Loyen, il est peut-être identifiable au comte de Trèves, franc converti au christianisme et correspondant de Sidoine Apollinaire 90. Emilienne Demougeot, convaincue, affirme qu’Arbogast se serait réfugié en 479-480 dans le royaume de Syagrius, après avoir fuit les Francs rhénans, et serait devenu évêque de Chartres91. Il apparaît donc que les diocèses de Chartres et de Verdun eurent des relations au Ve siècle.
72Les auteurs de la lettre évoquent, enfin, l’accueil amical avec lequel Castor les reçut et espèrent avoir la visite de l’évêque « à son peuple » à l’occasion de la fête de Pâques. Ces faits ne sont pas sans rappeler le projet de saint Loup, mentionné dans sa Vie, d’établir un refuge pour les Troyens.
2. Severus
73La Vita Lupi mentionne également Severus, évêque de Trèves, comme disciple de saint Loup92. Il s’agit de l’évêque, mentionné à la douzième place dans le catalogue épiscopal, qui accompagna Germain en Bretagne insulaire. D’après la même Vie, Sévère aurait prêché aux peuples de Germanie première, alors qu’il dépendait de la Belgique première.
74L’hagiographe de saint Loup n’a pas commis d’erreur géographique. La référence au manuscrit de Corbie permet de déduire que la région de Verdun subissait à cette époque les invasions barbares, même si la lettre ne dit pas clairement de quels envahisseurs il s’agissait. Elle indique, en outre, que l’évêque fut contraint à l’exil. Il est donc fort possible que ce fut également le cas dans les évêchés de la Germanie première. Les évêques disponibles de Belgique première s’y rendirent alors afin d’évangéliser les peuples. Aucun évêque n’est d’ailleurs attesté au Ve siècle à Mayence, Strasbourg, Spire et Worms93.
3. Alpin
75La Vita Lupi cite enfin Alpin, évêque de Châlons-en-Champagne, comme disciple de saint Loup, « resplendissant de la prérogative d’une longue sainteté, qui souvent chassa les démons »94. Il est mentionné à la huitième place dans le catalogue épiscopal95. « Les seuls renseignements certains que nous possédions sur ce personnage se trouvent dans la Vie du même saint Loup de Troyes [...] d’autorité incontestable »96.
XI. La mort et l’inhumation de Loup, sa fête dans les martyrologes et son successeur
76Selon la Vita Lupi, Loup mourut après cinquante-deux ans d’épiscopat, soit vers 479, et Camélien lui succéda97. Grégoire de Tours lui consacre un chapitre entier de l’Ln gloria confessorum. Il est alors connu de tous que Loup fut enterré à Troyes dans une basilique qui lui était dédiée où plusieurs miracles se produisirent98. Nous aurons bientôt l’occasion de détailler ce point et de citer les autres preuves confirmant l’existence d’une ecclesia ou basilica sancti Lupi. L’hagiographe de saint Loup ne dit pas un mot à ce sujet. Son but n’était visiblement pas d’encourager le culte des reliques de saint Loup, alors même que les miracles posthumes augmentaient considérablement la sainteté du personnage. Il se préoccupa avant tout de célébrer sa mémoire. La Vita Lupi n’appartient donc pas à la littérature de pèlerinage, genre pourtant très prisé à l’époque.
77Le martyrologe hiéronymien témoigne du culte qui lui fut officiellement rendu à la fin du VIe siècle en annonçant saint Loup sous la forme : Trecas civitati depositio sancti Lupi confessons. Il place sa fête au 29 juillet99. Dans la première moitié du VIIIe siècle, Bède consacre une des cent quatorze notices de son martyrologe à saint Loup100. Il utilisa la Vita Lupi pour la composer. Les martyrologes historiques postérieurs à celui de Bède, à savoir ceux de Florus, Adon, Usuard et le martyrologe romain, mentionnent tous saint Loup au 29 juillet en reprenant plus ou moins la notice de Bède101.
78Bruno Krusch se trompait lorsqu’il soutenait en a1899 que les informations concernant le successeur de Loup sont invérifiables. Ses successeurs à l’époque mérovingienne sont, en effet, connus par les souscriptions conciliaires ou par les sources historiques et hagiographiques. Aucun n’a été aussi célèbre que lui.
Notes de bas de page
1 Vita Lupi, 1, op. cit., p. 295 : Beatissimi et apostolici viri antestitis Lupi vitam ex aliquantulum enarrare opere praecium est, quoniam in operibus laudum suarum multiplex materia dicendi consurgit.
2 Heinzelmann, op. cit., p. 597 et 642.
3 Vita Lupi, 1, op. cit., p. 295 : quem deinceps adprimae eruditum per regiones florentes eloquii fama vulgabat.
4 Actuellement île de Saint-Honorat qui forme avec l’île de Sainte-Marguerite, ancienne île de Lero, les îles de Lérins situées en face de Cannes.
5 Vita Lupi, 3, op. cit., p. 296.
6 Sidoine Apollinaire, Epistulae, VI, 1, 3, op. cit., t. III, p. 9 : cum post desudatas militiae Lirinensis excubias [...] utriusque sanctorum ordinis quendam te conclamatissimum primipilarem spiritalia castra venerentur [...].
7 Ibid., Carmina, XVI, vers 109-111, op. cit., t. I, p. 124 : quantos illa insulaplana miserit in caelum montes, quae sancta Caprasi vita senisjuvenisque Lupi [...].
8 Eucher de Lyon, De laude heremi, 42, Corpus scriptorum ecclesiasticorum latinorum, t. XXXI, p. 192-193 :...haec habuit reverendi nominis Lupum qui nobis ilium ex tribu Benjamin lupum rettulit...
9 Genèse, 49, 27.
10 Heinzelmann, op. cit., p. 715. Élie Griffe identifie ce Vincent à l'auteur du commonitorium « contre les innovations impies des hérétiques » rédigé en 434 par un moine de Lérins. Cf. Griffe (Élie), La Gaule chrétienne à l’époque romaine, Paris, Letouzey et Ané, t. III : La cité chrétienne, 1965, p. 375-380 et Migne (Jacques-Paul), Patrologielatine, t. L, col. 637-686.
11 Matthieu, 19, 21.
12 Vita Lupi, 3, op. cit., p. 296 : Cujus talia perfectionis fuere primordia, ut civibus suis viam salutis non nisi semper praedicationibus aperiret et inperitos populi sensus divina instrueret lectione. Clerum quoque suum, gratia praeeunte, habenis justiciae strenuae gubernabat.
13 Vita Germani episcopi Autissiodorensis auctore Constantio, M.G.H., S.R.M., t. VII, p. 225-283.
14 Borius (René), Constance de Lyon, Vie de saint Germain d'Auxerre, Paris, éd. du Cerf, 1965, p. 66.
15 Vita Germani, 12, op. cit., p. 259 : Ob quam causam synodus numerosa collecta est, omniumque judicio duo praeclara relegionis lumina universorum precibus ambiuntur, Germanus ac Lupus apostolici sacerdotes, terram corporibus, caelum meritis possidentes.
16 Prosper d'Aquitaine, Epitoma Chronicon, 1301, M.G.H., Auct. antiq., t. IX, Chronica Minora, vol. I, p. 472 : Agricola Pelagianus, Severiani episcopi Pelagiani filius, ecclesias Brittaniae dogmatis sui insinuatione corrumpit. Sed ad insinuationem Palladii diaconi papa Caelestinus Germanum Autisidoremsem episcopum vice sua mittit et deturbatis hereticis Britannos ad catholicam fidem dirigit.
17 Ibid., 1307, p. 473 : Ad Scottos in Christum credentes ordinatus a papa Caelestino Palladiusprimus episcopus mittitur.
18 Pour plus de détails sur ce courant, voir Griffe, op. cit., t. III, p. 353-386.
19 Végèce, Epitoma rei militaris, livre IV, 39 : Ex die tertio idus novembres usque in diem sextum idus martias maria clauduntur, éd. anglaise de Leo F. Stelten, New-York, Bern, P. Lang, 1990.
20 Rouche (Michel), L'Aquitaine des Wisigoths aux Arabes, 418-781, Paris, Écoles des Hautes Études en Sciences Sociales, 1979, p. 257.
21 Vita Genovefae virginisParisiensis, 2-6, M.G.H.. S.R.M., t. III, p. 215-217.
22 Duchesne (Louis), « La Vie de sainte Geneviève », Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, t. LIV, 1893, p. 209-224 et Kurth (Godefroid), « Étude critique sur la Vie de sainte Geneviève », Études franques, 1919, t. II, p. 1-96.
23 Heinzelmann, Poulin, op. rit., VI-199 p.
24 Ibid., p. 141.
25 Par exemple, Sirach, 11, 28 : « Ne dis personne heureux avant sa mort, car c’est lors de sa fin que l’homme se fait connaître ».
26 Vita Genovefae, 2-6, op. cit., p. 215-217.
27 Vita Germani, 13, op. cit., p. 260 : Et casu dux ipse velpontifex, fractus corpore, lassitudine et sopore resolutus est. Tum vero, quasi repugnatore cessante, tempestas excitata convaluit, et jam navigium superfusis fluctibus mergebatur. Tum beatus Lupus omnesque turbati excitant seniorem, elementis furentibus obponendum. Qui periculi inmanitate constantior Christum invocat, increpat oceanum et procellis saeventibus causam relegionis obponit, statimque, adsumpto oleo, in nomine Trinitatis levi aspergine fluctus saevientes obpressit. Collegam commonet, hortatur universos, oratio uno ore et clamore profenditur Adest divinitas, fugantur inimici, tranquillitas serena subsequitur, venti e contrario ad itineris ministeria vertuntur, navigium famulatrix unda prosequitur, decursisque inmensis spatiis, brevi optati litoris quiete potiuntur.
28 Ibid, 14, p. 261.
29 Ibid.
30 Ibid. : Deinde antestites venerandi torrentes eloquii sui cum apostolicis et evangelicis tonitribus profunderunt ; miscebatur sermo propius cum divino, et adsertiones vioientissimas lectionum testimonia sequebantur.
31 Ibid., 15, p. 262.
32 Ibid., 16, p. 262.
33 Colgrave, Mynors, op. cit., 18, p. 58.
34 Vite Germani, 17-18, op. rit., p. 263-265.
35 Ibid., 25, p. 269 : Adjuncto itaque Severo, episcopo totius sanctitatis, mare Christo auctore conscenditur ; ad itineris tranquillitatem elementa consenti un t ; navigium venti, fluctus, aera prosequuntur.
36 Levison (Wilhem), « Bischof Germanus von Auxerre und die Quellen zu seiner Geschichte », Neues Archiv, 29, 1904, p. 128-129.
37 Duchesne (Louis), Fastes épiscopaux de l’ancienne Gaule, t. III : Les provinces du nord et de l’est, Paris, A. Fontemoing, 1915, p. 36.
38 Vita Lupi, 10, op. cit., p. 300 : Illud autem singularis gratiae beneficium, quod ei inter proceres saeculi erat divinitate concessum, sollicitudo memoriae tradedit retenendum. Quippe cum ab omnibus gentium regibus eidem reverentiae servaretur affectus...
39 Grégoire de Tours, Historia Francorum, lib. II, 6, M.G.H., S.R.M., t. I, parsI, p. 47.
40 Vita Genovefae, 12-13, op. cit., p. 219-220.
41 BHL. 309. Acta Sanctorum, 3, sept., t. III, p. 86.
42 Demougeot (Émilienne), « Attila en champagne », Bulletin du groupe archéologique du Nogentais, 1963, no 2, p. 26.
43 Jordanes, Getica, 194-228, M.G.H.. Auct. Antiq., t. V, parsprior, p. 108-116.
44 Vita Lupi, 5, op. cit., p. 298 : At ille feralis Attila et inmitis fidem ejus altiori sensu suscipiens, pro incolumitatis suae statu vel exercitus sui salute secum indicit iturum, Reni etiam fluenta visurum, ibique et dimittendum pariter pollicetur. Cui de loco confestim ut revertatur offertur, reditus non negatur, iter ostenditur ; nec minus pro se orando supplicavit enixe interprete hunigasio.
45 Catalogue de l’exposition Attila, les influences danubiennes dans l'ouest de L’Europe au Ve siècle, textes réunis et présentés par Jean-Yves Marin, Caen, Musée de Normandie, 23 juin-1er octobre 1990, p. 22.
46 Prosper d’Aquitaine, Epitoma Chronicon, 1364, M.G.H.. Auct. Antiq., t. IX, Chronica Minora, vol. I, p. 481-482
47 Chronica Gallica ad CCCCLII, 139, M.G.H., Auct. Antiq., t. IX, Chronica Minora, vol. I, p. 662 : Attila Gallias ingressus quasi jure debitam poscit uxorem : ubi gravi clade inflicta et accepta ad propria concedit.
48 Hydace, 150, M.G.H.. Auct. Antiq., t. XI, Chronica Minora, vol. II, p. 26 : in campis Catalaunicis haud longe de civitate, quam effregerant, Mettis, Aetio duce...
49 Leges Burgundionum, XVII, 1, M.G.H., Leges, t. III, p. 540 : adpugnam Mauriacensem.
50 Cassiodore, Chronica, 1253, M.G.H., Auct. Antiq., t. XI, Chronica Minora, vol. II, p. 157 : Romani Aetio duce Gothis auxiliaribus contra Attilam in campo Catalaunico pugnaverunt, qui virtute Gothorum superatus abscessit.
51 Jordanes, Getica, XXXVI, 192, M.G.H., Auct. Antiq., t. V, pan prior, p. 108 :... in campos Catalaunicos, qui et Mauriaci nominantur... et XLI, 218, p. 113 : in campis Catalaunicis.
52 Grégoire de Tours, Historia Francorum, lib. II, 7, M.G.H., S.R.M., t. I, pan I, p. 49 : Qui Mauriacum campum adiens, se praecingit ad bellum.
53 Chronica Gallica adDXI, 615, M.G.H., Auct. Antiq., t. IX, Chronica Minora, vol. I, p. 663 : Aetius patricius cum Theoderico rege Gothorum contra Attilam regem Hugnorum Tricassis pugnat loco Mauriacos...
54 Isidore de Séville, Historia Gothorum, 25, M.G.H., Auct. Antiq., t. XI, Chronica Minora, vol. II, p. 277 :... proelio in campis Catalaunicis...
55 Chronique de Frédégaire, lib. II, 53a, M.G.H., S.R.M., t. II, p. 73-74 : Chuni repedantes Trecassis, in Mauriacensim consedentis campaniam [...] et Chunis Mauriaco confligit certamine [...].
56 Additamenta in textu à la chronique de Prosper d’Aquitaine, Consularia Italica, M.G.H., Auct. Antiq., t. IX, Chronica Minora, vol. I, p. 302 :... pugnatumque in quinto miliario de Trecas loco nuncupato Maurica in eo Campania.
57 Barthélémy (Édouard de), Histoire de la ville de Châlons-sur-Marne et de ses institutions, Châlons, E. Laurent, 1854, p. 134 : cet auteur reconnaît qu’il y eut un premier combat dans les champs de Mauriac, qu'il situe à Méry-sur-Seine, mais il estime que le gros de l’armée hunnique s'est établi dans un camp retranché entre La Cheppe et Cuperly où se déroula la véritable bataille. Longnon (Auguste), Géographie des Gaules au VIème siècle, Paris, 1878, p. 334-340.
58 Camut-Chardon, « Notice sur la bataille d’Attila en 451 ». M.S.A.A., 1854, t. V, p. 368-379.
59 Peigné-Delacourt, Recherches sur le lieu de bataille dAttila en 451, Paris, Imprimerie Jules Claye, 1860, 58 p. ; Laperouse (G.), Mémoire sur la situation du camp dAttila, Troyes, 1856 et Étude sur le lieu de la bataille dAttila dans les plaines de Champagne, Troyes, 1861 ; Garinet (Jules), « Étude sur l'invasion des Gaules par Attila en 451 », Mémoires de la Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du département de la Marne, 1866, p. 211-244.
60 Le Clert (Louis), « Étude sur l’emplacement du Campus Mauriacus », M.S.A.A., 1885, t. XXII p. 209-225.
61 Arbois de Jubainville (Henri d’), « Encore un mot sur la bataille de Mauriacusen 451 » MS.A A 1870, t. VII, p. 109-116.
62 Halphen (Louis), Les barbares des grandes invasions aux conquêtes turques du XIe siècle, Paris, Presses Universitaires de France, 1940, p. 33 ; Roserot de Melin (Joseph), Le diocèse de Troyes des origines à nos jours (IIP siècle-1955), Troyes, imprimerie de la Renaissance, 1957, p. 29 ; Griffe, op. cit., t. II, p. 61 ; Rouche (Michel), L'Aquitaine des Wisigoths aux Arabes, 418-781, Paris, École des Hautes Études en Sciences Sociales, 1979, p. 28 et Clovis, Paris, Fayard, 1996, p. 126 et 184.
63 Lot (Ferdinand), Pfister (Christian), Ganshof (François-L.), Histoire du Moyen Âge, t. I : Les destinées de l'Empire en occident de 395à 888, 1ère partie : De 395à 768, Paris. Presses Universitaires de France, 1940, p. 67, note 50.
64 Altheim (Franz), Attila et les Huns, Paris, Payot, 1952. p. 176, note 5 ; Demougeot (Émilienne), « Attila en champagne », Bulletin du groupe archéologique du Nogentais, 1963, no 2, p. 32-33.
65 Beaujard (Brigitte), Picard (Jean-Charles), Topographie chrétienne des cités de la Gaule des origines au milieu du VIIIe siècle, éditée par N. Gauthier et J.-Ch. Picard, t. VIII : Province ecclésiastique de Sens, De Boccard, Paris, 1992, p. 15.
66 Vita Lupi, 6, op. cit., p. 298-299.
67 Catalogue de l’exposition À l'Aube de la France, La Gaule de Constantin à Childéric, Paris, Musée du Luxembourg, 26 février-3 mai 1981, p. 103, no 124 et p. 96., fig. 55.
68 Rouche (Michel), Clovis, Paris, Fayard, 1996. p. 153 et carte 3, p. 152.
69 Bibl. nat. de France, ms lat. 12097, fol. 143 ; Morin (Germain), « Castor et Polychronius. Un épisode peu connu de l’histoire ecclésiastique des Gaules », Revue bénédictine, 1939, t. LI, p. 31-36.
70 Vita Lupi, 7, op. cit., p. 299.
71 Saint Paul, Première Epître aux Corinthiens, 12, 13, 14.
72 Vita Lupi, 6, op. cit., p. 299.
73 Ibid., 8, p. 300.
74 Ibid., 9, p. 300.
75 Ibid., 4, p. 297.
76 Matthieu, 9, 2-8 ; Marc, 2, 3-12 ; Luc, 5, 18-26.
77 Matthieu, 8, 16-17 et 8, 28-34 ; Marc, 1, 32-34 et 5, 1-20 ; Luc, 4, 40-41 et 8, 26-39.
78 Matthieu, 9, 32-34 et 12, 22-24 ; Luc, 11, 14-15.
79 Matthieu, 9, 18-26 ; Marc, 5, 21-43 ; Luc, 8, 40-56.
80 Vita Lupi, 8, op. cit., p. 299.
81 Ibid., 10, p. 300-301.
82 Krusch, art. cit., p. 568.
83 Vita Lupi, 11, op. cit., p. 301 : Quae fuerint vero ex scolis ejusdem [=Lupi] discipoiorum virtutes, exempla docuerunt : nam cuncti insignibus miraculis praeminebant. Unde in sanctum Polychronium episcopum ecclesiae Viredunensis curationum gratia praelucebat, ita ut, relegatis postergum manibus, demonibus imperaret. et prius sensum perciperent quant in coniisionem suorum corporum cernui laberentur.
84 Duchesne, op. cit., t. III, p. 69-70.
85 Bibl. nat. de France, ms lat. 12097, fol. 143. Morin (Germain), art. cit., p. 31-36.
86 Gauthier (Nancy), Les origines chrétiennes en première Belgique jusqu'à la renaissance carolingienne, Thèse de Lettres, Paris IV, 1975, t. I, p. 170-174.
87 Duchesne, op. cit., t. II, p. 423.
88 Morin (Germain), art. cit., p. 31-36 ; Griffe, op. cit., t. II, p. 102.
89 Duchesne, op. cit., t. I, p. 273 et t. II, p. 423.
90 Duchesne, op. cit., t. II, p. 421 ; Loyen (André), Sidoine Apollinaire, texte et traduction, Paris, Les Belles lettres, 1970, t. II, p. 253.
91 Demougeot (Émilienne), La formation de l’Europe et les invasions barbares, 2 vol., Paris, 1979, p. 677-678.
92 Vita Lupi, 11, op. cit., p. 302.
93 Duchesne, op. rit., t. III, p. 153-174.
94 Vita Lupi, 11, op. rit., p. 302 : Sanctum quoque Albinum Catalaunicae pontificem civitatis, resplendentem praerogativa diutinae sanctitatis loris plurimis, non silendum est, quam sepe demonum purgator extiterit.
95 Duchesne, op. rit., t. III, p. 96.
96 Dictionnaire d'Histoire et de Géographie ecclésiastiques, Paris, Letouzey et Ané, 1914, t. 2, col. 764.
97 Vita Lupi, 12, op. rit., p. 302.
98 Grégoire de Tours, In gloria confessorum, 66, M.G.H.. S.R.M., t. I, pars II, p. 787.
99 Martyrologe Hiéronymien, Acta Sanctorum, nov., t. II, pars prior, p. 97.
100 Quentin (Henri), Les martyrologes historiques du moyen âge, 1908, p. 81-82.
101 Ibid., p. 434-435 pour Florus et 482 pour Adon ; Dubois (Jacques), « Le martyrologe d’Usuard », Subsidia Hagiographica, no 40, Bruxelles, Société des Bollandistes, 1965, p. 275 ; Martyrologium Romanum ad formam editionis typicae scholiis historicis instructum, Propylaeum ad Acta Sanctorum decembris, Bruxelles, 1940, p. 311.
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