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Confréries urbaines et dévotion en Champagne

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Stefano Simiz

Troisième partie. Les confréries au cœur de la transition religieuse vers 1750 – vers 1830

Chapitre IX. Les confréries et la reconstruction du catholicisme, 1801-1829

Texte intégral

A. – Les nouveaux associés

  • 852 Voir M. Bée, « Histoire contemporaine des charités normandes. Questions de méthode », In ; Les con (...)

1L’un des héritages historiographiques sur lequel repose l’étude des confréries post-révolutionnaires est l’insistance faite sur le caractère de survivance et, parfois, d’archaïsme de ces formes de sociabilité. Car s’il fut en phase avec la société, tant au Moyen Age qu’à l’époque moderne, le tissu associatif religieux manifesterait alors au contraire un décalage toujours croissant aves les aspirations et réalités sociales contemporaines que révélerait également un déclin quantitatif et qualitatif de son recrutement. La confrérie renaissante après 1801 et celle qui se crée dans le premier tiers du XIXe siècle auraient perdu de leur attractivité et de leur séculaire habitude d’adaptation et de changement, pour rester définitivement en marge des forces sociales et politiques qui s’affirment dans la cité852. En d’autres termes, un processus d’acculturation aurait précipité le transfert d’influence d’une sociabilité ancienne vers de nouvelles formes qui, depuis 1750, n’ont cessé de s’affirmer. Il n’est pas question de reprendre l’intégralité de ce débat dans le monde urbain champenois, car il faudrait pour cela étudier aussi par le détail les associations non confessionnelles pour mieux les confronter au domaine associatif religieux. Il s’agit plus modestement, à partir des seules confréries, d’insister sur la continuité d’ensemble de la sociabilité religieuse qui est manifeste, ainsi que sur la nécessité de sa transformation. D’où une double interrogation de départ : quels sont le degré de mobilisation et la capacité de recrutement des confréries ? Proposent-elles à leurs membres une vie sociale intense susceptible d’expliquer la formidable fidélité manifestée à l’égard de ces institutions ?

Réunir « ce qu’il reste de vrais chrétiens »853

  • 853 Instruction pour la confrérie du Saint Rosaire, Troyes, 1819, p. 24.

2A chaque époque passée de l’histoire confraternelle, la pesée des effectifs a revêtu un caractère significatif de succès ou de repli, mesurable tantôt à l’échelle d’un groupe, tantôt à celle de toute une ville. Il en va de même pour les associations inaugurant le XIXe siècle. Comme le signifie cette réflexion du clerc auteur de l’Instruction pour la confrérie du saint Rosaire, l’ambition de l’Eglise est de rassembler à nouveau les « vrais chrétiens » sous quelques grands étendards confraternels : les confréries mariales, notamment le Rosaire et les confréries du Sacré Cœur. A priori, l’appartenance à une confrérie n’est pas chose difficile à contracter. Toutes les confréries établies ou rétablies à Troyes après 1804, à Châlons au cours de ces mêmes années, s’en tiennent aux conditions léguées par l’Ancien Régime, à savoir : être en âge de communier, ne pas « y entrer par légèreté ou par esprit humain » même si on ne pèche pas en étant peu assidu aux exercices. Pas de barrière financière non plus à l’entrée, toute personne versant « ce qu’elle jugera à propos » ou une somme modique. On assiste aussi à la généralisation de la discrimination sexuelle des groupes que les dernières décennies du XVIIIe siècle cherchaient déjà à installer.

  • 854 Règlement de la congrégation de la sainte Vierge de Châlons, op. cit., art. 1er.
  • 855 . Règlement de la Deuxième Division, op. cit., ch. 1er, art. 1er.

3Beaucoup de nouvelles confréries n’en restent cependant pas là et exigent de leurs membres un degré d’engagement plus poussé, manifesté par une consécration à la Sainte Vierge au sein de la confrérie troyenne Notre Dame du Mont Carmel. La consécration n’est pas vraiment une nouveauté, les congrégations mariales d’Ancien Régime la réclamaient de leurs dévots, mais elle n’avait pas jusqu’alors gagné les confréries paroissiales, celles du plus grand nombre. Les associations de mission, et plus généralement celles dressées après 1815 réclament des assurances supplémentaires dans le contexte d’un combat mené contre « les méchans et les impies [qui] forme [nt] une ligue contre notre Religion sainte » rappelle l’auteur du traité du Rosaire. La même plume exhorte à l’engagement dans une confrérie du Rosaire par un jeu d’images guerrières - « or c’est ce que nous présente notre confrérie, qui forme comme un camp retranché » ; « les armes qu’on y apporte, dont on y fait usage et qui ont tousjours assuré la victoire » – et bibliques – « s’il ne falloit que dix justes au milieu de Sodome pour sauver cette ville criminelle [...] quel pouvoir n’auront pas auprès de Dieu tant de bonne âmes qui se trouvent dans la confrérie du Rosaire ». Le confrère doit désormais être un artisan conscient de sa part à prendre dans la reconstruction du catholicisme. D’où l’introduction d’un temps de probation, destiné à lui faire méditer le sens profond de son enrôlement dans les deux congrégations de la sainte Vierge de Reims (Saint Jacques, 1822) et de Châlons (Notre Dame, 1826) : « Il faut avoir postulé pendant un mois, s’être appliqué à bien lire le Règlement, et se disposer, par un redoublement de ferveur, à l’observer fidellement. Les personnes non maîtresses de leur temps, ou qui n’ont pas le consentement de leurs parens ne peuvent être associées »854. Même exigence de disponibilité au sein de la Deuxième Division rémoise : « On doit, en entrant dans cette Association, se proposer de travailler avec zèle à sa propre sanctification et au salut du prochain, autant que les circonstances le permettront »855.

  • 856 Par exemple la congrégation de la Sainte Vierge de Châlons, art. II : « toutes les associées doive (...)
  • 857 Idem, art. 1er.

4Dans tous ces groupes post-missionnaires, à la consécration faite à Marie s’ajoute une déclaration de renouvellement des vœux du baptême que fournissent les livrets. L’une comme l’autre furent des cérémonies fortes de la Mission elle-même, ordonnées pour favoriser une rénovation personnelle. Si elles sont à nouveau exigées à l’entrée dans l’association, le but est de montrer qu’il en va de l’engagement dans ces confréries comme de la démarche intérieure de conversion opérée pendant la Mission. A la sincérité de l’affiliation au groupe, les règlements de la Restauration adjoignent des exigences résolument morales. Non seulement le postulant doit se tenir éloigné de toutes les « occasions de péché »856, mais il lui faut également faire les preuves de sa capacité à « tenir une conduite édifiante »857. En bref, il doit être jugé digne d’intégrer l’association par ceux qui la composent déjà. Ainsi, le confrère de la Restauration est invité à concilier l’authenticité et la sincérité de la vie chrétienne, valeurs exemplaires et morales, avec une attitude militante – car l’Eglise est en situation de reconquête – et un engagement sans faille au service des œuvres projetées.

  • 858 « le nombre des Associés est illimité » précise le Règlement de la Deuxième Division, ch. IV, art. (...)
  • 859 C. Sarazin, op. cit., pp. 19-20. Les femmes furent les premières à se rassembler le dimanche 11 fé (...)
  • 860 A l’exception de 7 laïcs ardennaiss dans une seconde liste de 1826.
  • 861 B.M.R., CR. V. 2145. ATC.
  • 862 B.M.R., CR. IV. 503 (4). M.
  • 863 Discours prononcé au Calvaire de la Mission de Rheims, le Dimanche 16 septembre 1821, par M. Berti (...)
  • 864 B.M.R CR. IV. 503 (5). M.

5On ne peut s’y tromper, la confrérie telle qu’elle se présente après 1801 change. Les récentes missions notamment réorientent sa finalité et semblent lui attribuer d’autres fonctions. Reste à savoir si les fidèles ont massivement répondu à l’appel de la mobilisation et donc s’ils souscrivent à la réorientation en cours858 ? Si on ne peut apprécier l’importance numérique des noyaux de fidèles confrères à l’origine d’une reconstitution, car les sources font défaut à leur sujet, les nouvelles confréries et associations ont heureusement laissé davantage de traces. Pour autant, ces sources ne couvrent pas toutes les institutions ni même toutes les villes. Ainsi, les archives châlonnaises, déjà défaillantes à signaler le nombre exact de confréries dressées par la Mission de 1825, restent muettes sur les niveaux d’enrôlement de chacune d’entre elles. L’information est un peu meilleure à Reims et à Troyes, toutefois elle reste limitée respectivement à deux associations de mission dans la première ville et à l’association du Sacré Cœur dans la seconde. Etant toutes trois dressées à l’époque la plus intense de la Restauration religieuse, le début des années 1820, le nombre de leurs membres, leur qualité sociale et leur sexe, ainsi que la répartition géographique du recrutement témoignent de l’effet du message clérical sur les laïcs. Fondée très rapidement après la Mission, l’association de la Providence a pour première raison d’être d’assurer la transition entre un temps d’exception et un temps ordinaire. Cela passe d’abord par le maintien d’un certain degré de mobilisation parmi les participants réguliers aux exercices, mais il ne peut être question d’y retrouver les foules considérables qui se pressèrent à la cathédrale au moment des communions générales : 5000 femmes et de 1500 à 3000 hommes selon les observateurs859. A l’image de ce que nous savons pour la 1ère Division des hommes, la seule à avoir conservé des listes alphabétiques et nominatives de ses membres, l’association ne semble recruter que dans la ville même de Reims860. Ils sont 213 sur une première liste arrêtée à la date du 8 mai 1821861 et 216 sur une seconde imprimée le 1er novembre suivant862. Grâce à une brève mention que le curé Bertin de Saint Remi fit à l’occasion d’un discours prononcé devant le Calvaire de la Mission en septembre 1821, on dispose d’un ordre de grandeur concernant le nombre des associés de la Seconde Division : à peu près 400863. Des effectifs non négligeables donc, puisque les recrutements se font par milieu et les hommes sont enrôlés en peu de temps. Ces données permettent d’avancer sans risque la certitude d’un succès immédiat. Le bon accueil ne fut d’ailleurs pas que l’effet d’un moment, puisque une troisième liste des Messieurs de 1826 contient 221 noms, soit cinq de plus et, surtout, elle révèle continuité et assiduité dans la mobilisation, car 90,5 % des membres de 1821 sont encore présents864. Un des objectifs des associations, à savoir pérenniser l’œuvre missionnaire est semble-t-il atteint numériquement. Un signe modère toutefois cette impression : la très rapide stagnation des enrôlements et cette quasi absence de renouvellement sont en effet la marque d’une limite des capacités d’extension de cette confrérie. Il reste que pendant une demie décennie, 220 chefs de famille issus des élites catholiques de Reims ont assidûment fréquenté la 1ère Division de la Providence. Ce total n’est pas négligeable et la réalité qu’il révèle encore moins.

  • 865 A.D.A.. V 558, La très forte augmentation du nombre des associés eût lieu en 1832 avec 2166 noms i (...)
  • 866 A.D.A., V 557, l’exception est Marie-Anne Levasseur, demeurant à Paris.
  • 867 A.D.A., V 556 (Hommes) et 557 (Femmes).

6Cependant, c’est à une tout autre taille humaine que nous conduit l’observation des registres de l’Association du Sacré Cœur dressée par les bons soins de Mgr de Boulogne dans la cathédrale Saint Pierre-Saint Paul. Officiellement érigée le 2 décembre 1821, elle compte déjà cent membres le 20 du même mois puis, après un presque arrêt des inscriptions en hiver, la courbe reprend son ascension à la fin mai 1822 et surtout en juin : en ce seul mois elle multiplie par quatre le total des associés atteignant les 500 enrôlements le 23. Dès lors, le mouvement conserve ce rythme soutenu jusqu’à la fin de l’année. Un an après sa fondation, l’association du Sacré Cœur est le lieu choisi par près de 1200 catholiques et le total des noms reportés sur les registres s’élève à plus de 4960 en décembre 1830, pour atteindre le chiffre considérable de 10286 lorsque son directeur ordonne la clôture de l’ultime cahier conservé le 4 septembre 1837865. Naturellement, il serait illusoire d’identifier un tel résultat à des militants actifs du catholicisme local. Il prouve néanmoins que le bassin de recrutement ne s’est pas limité à Troyes et ses proches faubourgs. Dès le printemps 1822, on assiste aux engagements massifs de paroisses de la campagne, trait de recrutement allant en s’amplifiant au cours des années suivantes. On peut même avec précision dans le cas des femmes dater le changement d’échelle et de rythme : les 151 inscrites entre le 2 décembre 1821 et le 1er janvier 1822 sont, à une exception près, des troyennes866. De janvier à juin, les enrôlements en provenance d’autres localités commencent à s’imposer pour devenir nettement majoritaires à partir de cette date. Ainsi, l’envol des effectifs est la conséquence directe des associés venus des autres doyennés du diocèse de Troyes et bientôt de toute la Champagne méridionale, voire au-delà, de la Brie et de la Lorraine867.

Mouvement des entrées dans l’Association du Sacré-Cœur à la cathédrale de Troyes de 1821 à 1837

Mouvement des entrées dans l’Association du Sacré-Cœur à la cathédrale de Troyes de 1821 à 1837

7La conservation des registres séparés pour les « Ecclésiastiques et laïcs » d’un côté et les « Dames et demoiselles » de l’autre permet de montrer une disproportion capitale : à la date de clôture du premier registre des hommes le 13 novembre 1830, ils ne sont que 687 pour un total d’environ 4 960 membres. 86 % des associés sont donc des femmes et des filles ! Elles représentent l’incontournable pilier de la confrérie du Sacré Cœur et, si la documentation le permettait, nous pourrions sans doute découvrir que c’est toute la vie confraternelle entre 1800 et 1830 qui est bien plus féminisée que celle d’Ancien Régime. Enfin, il y a une raison religieuse à un si grand succès de l’association. Dans les exercices demandés au dévot du Sacré Cœur, la réparation des outrages que l’amour du Christ a reçu dans le Saint Sacrement est un devoir essentiel que chaque associé rend pendant un temps d’adoration d’une heure. Afin de garantir la réalisation de cette prière, la confrérie troyenne du Sacré Cœur a besoin de mobiliser le plus largement possible à l’image des anciennes confréries de l’Adoration perpétuelle.

  • 868 G. Boussinescq et G. Laurent, Histoire de Reims... op. cit., pp. 393-396.
  • 869 Gérusez, professeur au Collège royal et ex-génovéfain, est l’auteur de Description... op. cit.
  • 870 Grassière a écrit Précis historique de la Restauration de la Métropole de Rheims, Rheims, 1822.

8Le second intérêt des listes rémoises et des registres troyens est d’autoriser l’analyse de leur composition respective, mais, étant donnée l’importance du décalage entre les deux effectifs, c’est à la Première Division de l’Association de la Providence que l’essentiel des remarques à venir est consacré. Grâce aux archives des Messieurs, le degré de pénétration du recrutement dans les élites urbaines rémoises peut être fixé. Sans véritable surprise, toutes les grandes familles composant la société royaliste de cette ville sont devenues membres de l’association868. On y lit les noms des personnalités représentatives d’une indéfectible fidélité aux Bourbons depuis 1814, tels les hommes de lettres, chroniqueurs et historiens Lacatte-Joltrois, Gérusez869 et Grassière870 ou encore le bibliothécaire Siret. Doublement significative est la présence de Ruinart de Brimont, un fervent défenseur de la cause royaliste qui vient de recueillir les fruits de son dévouement par l’obtention de la mairie de Reims en novembre 1820. A son exemple, bien d’autres membres anciens ou actuels de la municipalité sont présents, comme Tronsson-Leconte, maire sous le Premier Empire (de 1805 à 1810) et désigné directeur laïc de la 1ère Division, Très nombreux aussi sont les dirigeants d’entreprises industrielles de la Manufacture de Reims. Retenons les noms de Grandrémi-Lecoq, nommé directeur de la Deuxième Division des ouvriers parce qu’il réside dans la paroisse ouvrière de Saint Maurice et la figure de proue de l’industrie lainière locale, Pierre-Roland Benoist-Malot, fondateur de l’établissement du Mont-Dieu, l’un des premiers à utiliser la laine de mérinos comme matière première. Le monde des affaires et les autorités politiques de la cité ont donc répondu présent à l’appel lancé par le corps des missionnaires en février 1821. La carte du recrutement établie d’après les adresses des Messieurs renforce l’impression de mobilisation des beaux quartiers de la ville ancienne (carte 20). Elle reproduit la traditionnelle répartition socio-spatiale rémoise et semble répéter un rayonnement qui fut jadis celui de la confrérie de Dieu et de Monsieur saint Pierre, puis du Très saint Nom de Jésus. Une telle permanence se doit d’être soulignée. On a ici la preuve de la constitution d’un noyau de cadres du catholicisme regroupés pour agir sur la société de leur temps, ce qu’ils font certainement par le biais de réseaux familiaux.

  • 871 G. Clause, Le département de la Marne... op. cit., pp. 561-562 et 580.
  • 872 Histoire des principales missions..., op. cit., pp. 56-57.
  • 873 P. Desportes (ss dir), Histoire de Reims, op. cit., p. 289.

9Dans le cadre de l’association, les Messieurs sont appelés à faire coïncider en toute conscience leurs zèles politiques, sociaux et religieux au service d’un projet plus vaste : celui de la Restauration. Il en va autrement pour les milieux ouvriers qu’entend toucher la Seconde Division, car les années révolutionnaires et impériales ont transformé le climat religieux de la ville et, d’après G. Clause, contribué à faire naître des visions assez différentes du christianisme entre les notabilités rémoises et les populations laborieuses de la Fabrique871. L’un des objectifs de la Mission fut donc de faire se rencontrer ces catégories sociales dans une approche commune de l’urgence à rétablir une société catholique plus unie. Forbin-Janson quitta même la cathédrale où il œuvrait en priorité, pour venir parler aux ouvriers catholiques à Saint Maurice, le 5 février, jour de la saint Biaise, « patron de l’industrie rémoise »872. Ce jour-là, ils furent exceptionnellement libérés de leur travail par des employeurs soucieux de favoriser le succès du message des missionnaires. Cette rencontre préfigure celles plus ordinaires dont la Deuxième Division devient le cadre quelques semaines plus tard. Cela étant posé, l’estimation de 400 ouvriers membres de l’association à la fin de 1821 dévoile un taux d’enrôlement assez médiocre, ce chiffre ne représentant qu’un faible pourcentage d’une population ouvrière estimée à environ 8000 personnes dans la ville873. La mobilisation gagna-t-elle au cours des années suivantes ? C’est tout à la fois invérifiable et peu probable. Les raisons en seraient peut-être la forte politisation du discours associatif qui a pu conduire à des refus d’inscription et le détachement à l’égard d’un catholicisme traditionnel auquel s’ajoutent les effets plus avancés de la déchristianisation en monde ouvrier.

  • 874 A.D.A., V 556, Premier registre des Hommes, p. 3
  • 875 Idem, p. 4.
  • 876 Ch. Cerf, In T.A.N.R., vol. XCII, pp. 365 et suivantes.
  • 877 E. Bouchez, Le clergé du pays rémois pendant la Révolution, Reims, 1913, pp. 108-109.
  • 878 Idem, op. cit., pp. 95-96, 103 et 231-232.

10Pour achever l’analyse de la composition sociale, il reste à envisager la place prise par le clergé séculier dans la Première Division et au sein de l’association du Sacré Cœur de Troyes. Une évidence s’impose immédiatement à la lecture des toutes premières listes chez l’une comme chez l’autre : les sociétés sont désormais très fortement cléricalisées. Symbolisant on ne peut mieux cet état de fait, les prélats de Reims et de Troyes y sont toujours inscrits au titre de « Président suprême » pour les archevêques de Coucy (1821-1826) puis de Latil (à partir de 1826) sans ce titre, mais avec certainement la même fonction, les évêques de Boulogne et son successeur Séguin des Hons en 1826874. Même sous l’Ancien Régime on ne trouve pas une telle proximité des évêques champenois vis à vis d’associations majoritairement composées de laïcs. Leur investissement personnel est donc très significatif de l’intention de rassembler sous leur autorité religieuse et morale toutes les composantes dynamiques du catholicisme urbain des années 1820. Dans cette logique, Mgr de Boulogne, inscrit dès le 2 décembre 1821, fait aussitôt entrer les membres de son Chapitre cathédral et ses vicaires généraux, l’un de ces derniers, Gilles-Aimé Petitier, étant désigné « Premier Supérieur » de l’association875. Au cours des mois et des années suivants, le contingent clérical s’enrichit de curés, desservants ou simples prêtres et surtout de très nombreux séminaristes en formation. Par l’importance de sa composante cléricale, le registre de l’association du Sacré Cœur fournit comme une vision instantanée du diocèse en cours de renouvellement. L’impression qui se dégage du registre de la Première Division n’est pas tout à fait la même. On constate d’abord leur petit nombre au printemps 1821 – ils sont alors cinq –, leur participation est en revanche plus affirmée en 1826 avec une vingtaine de prêtres inscrits. Dans un contexte général de stagnation des effectifs, le quadruplement du nombre des clercs est un phénomène important. Entre les deux listes, un événement considérable explique en partie l’affirmation de la présence cléricale dans le groupe : Reims est redevenue le siège d’un archidiocèse et Mgr de Coucy a aussitôt fait coucher son nom sur la liste des associés. Plus significatif encore, les ecclésiastiques émigrés pour leur refus de la leçon constitutionnelle de l’Eglise y sont majoritaires, à commencer par les directeurs ecclésiastiques des deux principales associations, Anot876 et Macquart877. Grâce aux enquêtes de l’abbé Emile Bouchez sur les prêtres rémois de l’époque révolutionnaire, d’autres grandes figures du clergé réfractaire présent dans l’association sont repérables. Voici, parmi les confrères de la première heure, Guillaume Tilmon. Ordonné prêtre en 1781, il fut secrétaire de l’archevêque Talleyrand-Périgord en 1786 puis quitta la ville dès 1791. Peu de temps après son départ, les autorités du District auraient établi qu’il avait été contacté pour favoriser un complot contre-révolutionnaire. On ne sait quand il rentra à Reims. Autre personnage archétypique proposé par les listes de 1821, Rémi-Benoit Massé, sensiblement du même âge que Tilmon – ordonné en 1783 –, il occupait la cure de Bourgogne au Nord de Reims avant 1791. Définitivement de retour en l’an X, il accepte le serment concordataire, assure la desserte de paroisses proches de la ville avant d’être nommé curé-doyen d’Asfeld près de Rethel en 1807. Enfin, André Godinot dit Godinot des Fontaines, né à Reims en 1763, accompagna l’archevêque en exil à Mittau, puis gagna l’Eglise parisienne après 1801 comme chanoine titulaire de Notre Dame. Resté malgré tout attaché à son Eglise d’origine, il est désigné vicaire général honoraire de Reims en 1824 et c’est à ce titre qu’il est enregistré dans l’association en 1826878. Les notices biographiques pourraient être multipliées et diversifiées, elles conduiraient toutes à montrer que c’est un clergé âgé et marqué par les rigueurs des persécutions révolutionnaires et donc très sensibilisé aux enjeux politico-religieux de la Restauration qui peuple la Première Division et contribue à orienter ses missions. Une absence interroge aussi, celle du curé de Saint Remi Antoine Bertin, choisi pour cette cure en l’an XI et ayant fait montre de ses très grandes qualités pastorales depuis lors. La raison de cette absence, volontaire ou non, se trouve certainement dans l’adhésion de Bertin à la Constitution Civile du clergé et son passé de vicaire épiscopal de l’évêque de la Marne Nicolas Diot. Bien que réconcilié avec l’Eglise par sa soumission à Mgr de Barrai, l’abbé Bertin ne présente pas tout à fait le même profil que les ecclésiastiques enrôlés dans l’association de mission. Sa complète réintégration dans un clergé rémois pas tout à fait réunifié n’aura lieu que le 8 novembre 1822, lorsqu’il désavoue formellement ses « erreurs » entre les mains de Mgr de Coucy. Elle ne se traduira pas pour autant par une entrée dans l’association.

  • 879 Pratiques religieuses..., op. cit., p. 521.

11Que conclure de la participation des clercs à la vie de ces deux associations de la Restauration ? D’abord, quelque en soit le niveau, la cléricalisation est remarquable : sur un plan qualitatif dans le cas de l’association de la Providence, elle est en plus significative sur celui quantitatif pour l’association troyenne. Il en découle nécessairement une plus grande emprise cléricale sur les groupes de piété et leur utilité. Ainsi, on peut saisir à quel point la mutation en cours depuis les années 1770 continue à s’opérer un demi-siècle plus tard. Si on ajoute à cela toutes les autres confréries de dévotion urbaines dont on sait qu’elles sont plus systématiquement intégrées à la cellule paroissiale qu’avant la Révolution, ce que souhaitait d’ailleurs le Concile de Trente, la vie confraternelle paraît plus que jamais une chose trop sérieuse pour être laissée aux seuls laïcs879.

Au service de la restauration d’une sociabilité catholique

12L’un des motifs qui poussa des groupes d’hommes et de femmes soudés à la reconstitution des confréries après 1801 est sans aucun doute le désir de renouer avec une sociabilité catholique mise en sommeil. Il est vrai que les structures reconnues permettant de vivre une solidarité religieuse se sont réduites à bien peu de choses pendant la Révolution et les premières années du XIXe siècle. Pour les anciennes confréries, ce sont des rapports longuement tissés dans le temps qui reparaissent « à l’autre bout du tunnel ». Quant aux nouvelles associations, leur émergence dans un tissu religieux aux mailles encore bien lâches ici, ou inexistantes là, est un autre signe du réveil de la sociabilité catholique urbaine. Il faut donc se pencher sur le projet des sociétés de piété et s’interroger sur leur caractère attractif.

  • 880 G. Clause, Le département de la Marne..., op. cit., p. 588.
  • 881 Pol Gosset, « Les médecins et les chirurgiens rémois... », In T.A.N.R.. 143° vol., 1928-1929, p. 2 (...)
  • 882 G. Clause, op. cit., p. 588.
  • 883 Idem, p. 588 et 593.
  • 884 A rapprocher de la réflexion de B. Plongeron, « sociabilité religieuse et acculturation révolution (...)

13Un premier élément de réponse est apporté par la découverte insolite de nombreux francs-maçons sur la liste des membres fondateurs de la Première Division rémoise. Il s’agit de Benoist-Malot, l’ancien adjoint de l’entrepreneur textile Jobert-Lucas, député libéral de Reims en 1821, dont le nom apparaît sur le registre de la loge de la Triple Union dès 1812880. Il n’est pas le seul homme d’industrie ou d’affaires dans cette situation, puisque le négociant en vins Assy-Villain, ancien acteur de la vie municipale locale, appartient à la même loge. On y trouve encore Duquenelle qui, avec le célèbre accoucheur Robin, est un des personnages le plus apprécié du corps médical local, un chirurgien dont la clientèle est grande et qu’on se dispute dans les salons rémois881. Il occupa la fonction d’orateur au sein de la même loge et eut pour successeur à cette charge Decorbie père, ancien homme de loi882. Ainsi, plusieurs membres de la Triple Union, loge affiliée au Grand Orient, appartiennent à une association de mission dont l’identité fermement catholique est indiscutable. Certes, des deux loges rémoises en activité sous l’Empire, la Triple Union ne se caractérise pas par un esprit très philosophique et les idées « avancées » sont à chercher dans l’activité de sa rivale, la Sincérité. A tel point que son historien a pu la qualifier de « chrétienne » et de « royalisante »883. Il n’empêche. Ces itinéraires particuliers prouvent l’existence de passerelles des francs-maçons vers les associations de piété, peut-être même de doubles appartenances que nous ne sommes pas en mesure de démontrer884. Cependant, d’une loge maçonnique à une confrérie catholique le paradoxe ne semble qu’apparent. La succession chronologique a indéniablement son importance, puisque la loge marquée par le débat politique et ses tendances royalistes sous l’Empire aurait été pour certains de ses membres comme le lieu permettant d’exprimer leur profonde opposition. Moins nécessaire dans la France de la Restauration, la sociabilité préservée au sein de la Triple Union aurait pu glisser de nouveau vers les confréries. N’en concluons pas automatiquement que cette loge « chrétienne » et conservatrice fut comme un espace social de remplacement avant le renouveau du tissu associatif plus traditionnel. Néanmoins l’hypothèse existe car il ne peut s’agir que d’une simple coïncidence. Une chose est cependant certaine. Ces hommes issus des élites locales et qui ont pris goût au débat et à l’engagement viennent dans l’association de la Providence animés de l’intention d’y poursuivre les habitudes contractées ailleurs. Comme ces personnes éduquées à la réflexion et à l’action sont encore inscrites sur la liste de 1826, il faut admettre qu’elles y trouvent satisfaction. Il est vrai aussi que la présence d’un clergé vieillissant facilite peut être cette revendication d’être acteurs de la défense de la religion et de l’ordre social et politique.

14La vie sociale des confréries entre 1801 et 1829 n’est en effet pas négligée, à l’exception de la dimension conviviale du banquet qui n’a aucune place dans les règlements alors qu’elle en retrouve dans la sociabilité politique républicaine notamment. Ceci mis à part, elle est pour certaines associations très organisée et tout autant détaillée, justifiant la réputation de petite école de pratiques démocratiques qui leur est souvent attribuée. On peut d’abord en juger par la place faite à la discussion au cours des assemblées des deux Divisions masculines de la Providence à Reims.

  • 885 Règlement de la deuxième Division des hommes, ch. III, pp. 8-11.

15En effet, les assemblées de la Deuxième Division se tiennent tous les premiers dimanches de chaque mois dans une salle à l’entrée de laquelle est disposé un bénitier. Leur déroulement est placé sous la bonne garde d’un crucifix au mur ou d’une image de la Vierge. La réunion est aussi encadrée, en amont par une prière d’ouverture qui est une invocation à l’Esprit Saint – Veni sancte spiritus – et à son terme par une autre prière d’usage plus courte. Munie de ces dispositions religieuses, l’assemblée peut devenir un lieu de débat fraternel. Par la voix de son directeur, « les matières examinées et mûries » dans la petite structure du Conseil sont proposés « à la discussion ». Le débat a donc ses limites. Dans le cas des ouvriers, plusieurs précautions sont énumérées pour garantir la qualité formelle du débat : « pendant la discussion, plusieurs Confreres ne peuvent parler à la fois », le président de séance « ne doit jamais le souffrir » ; « tandis qu’un Associé propose ses idées à l’Assemblée, les autres écoutent attentivement et s’abstiennent de parler à leurs voisins même à voix basse »885. S’agit-il de mesures préventives et quasi éducatives à la culture du débat pour des couches sociales qui n’y sont pas rompues, ou la volonté de signifier que les vertus d’ordre et de respect dans les prises de parole sont avant tout l’apanage des sociétés chrétiennes et qu’il n’est de vrai débat en dehors d’une correction fraternelle et charitable ? Sans doute un peu des deux. En revanche rien de tout cela ne se lit dans l’article sur les assemblées de la Première Division, les notables ayant déjà une grande habitude du débat. Enfin, le temps de l’assemblée peut être l’occasion d’ouvrir les portes du groupe à des « Ecclésiastiques ou d’autres personnes étrangères à l’Association », venus en simples observateurs ou en débatteurs. Aucun registre de délibérations n’ayant été retrouvé, les « matières » précisément débattues dans les deux associations nous échappent. Cependant, l’une comme l’autre étant tournées vers les « œuvres de zèle et de charité », c’est de la mission de recatholicisation de la société urbaine et des moyens qu’elle exige dont il est très certainement question.

  • 886 Idem, ch. IV, art. 4, p. 13.
  • 887 Ibidem, ch. IV, art. 8, p. 14.
  • 888 B.M.R.. mss 1745, pièce 10.

16Le souci d’une vie de société active et bien réglée apparaît encore dans les modalités d’élection des officiers. Elles varient parfois beaucoup d’un groupe à l’autre, comme ce qui sépare l’élection des Dames « officières » du Rosaire faite « au scrutin secret et à la pluralité absolue » et le quorum des deux-tiers plus une voix, toujours pour désigner les responsables, dans l’association de la Providence886. A cette pratique du suffrage assez usuelle dans la vie confraternelle sous l’Ancien Régime, on apporte quelques touches de nouveauté, ou tout au moins des précisions inédites. La première est la fréquence donnée aux élections, car on vote non seulement pour désigner les « dignitaires » du groupe, mais aussi pour certaines propositions que le directeur met aux voix. Enfin le nouvel associé est également reçu par scrutin au cours des assemblées générales. Une autre originalité statutaire tient à la diversité des manières de procéder à une élection : on vote « par billets » ou « par boules blanches et noires »887, un procédé plus simple et conçu pour le grand nombre. Une dernière innovation est apportée par la confrérie du Rosaire (Saint Maurice de Reims) qui décide d’octroyer la « voix délibérative » à tout membre âgé de 16 ans et plus888. Est-ce là l’expression de la volonté d’associer le plus grand nombre possible de confrères aux décisions importantes de la société, afin de leur conférer un surcroît de légitimité ? On doit penser que oui.

17Retenons que les associations reprennent des habitudes électives qui, ajoutées à la notion de débat élargi dans l’élaboration ou l’appréciation de certaines décisions, montrent clairement le relèvement de la vie sociale confraternelle. Un relèvement qui s’inscrit dans la droite ligne de leur héritage moderne, mais le dépasse aussi en s’adaptant aux attentes de leurs membres, parfois marqués par d’autres expériences fortes. Pour toutes ces raisons, loin de disparaître, la sociabilité catholique semble connaître un renouveau dans les villes de la Restauration. Il est d’autant plus remarquable qu’on ne s’y contente pas d’évoquer des affaires strictement pieuses. On y développe aussi un état d’esprit contre la Révolution et les Lumières en préparant le terrain pour rétablir les principes religieux, moraux et politiques mis à mal dans la tourmente.

B. – Entre tradition et renouveau chrétien : piété et instruction

18La pastorale des fidèles de l’époque concordataire à la Restauration comprise, se préoccupe de redonner corps à la pratique régulière, à l’instruction catéchétique et à la dévotion. La confrérie, qui se réimplante justement dans ce contexte, est un des éléments retenus pour parvenir à ces fins. Elle l’est par un clergé qui a conscience de ses insuffisances numériques pour pouvoir se passer de structures d’encadrement supplémentaires, mais également par les fidèles retrouvant dans la vie associative une voie stimulante à un fort désir de piété organisée. On renoue ainsi le fil d’une tradition pluriséculaire. Mais, après ces quelques années d’interruption, s’agit-il simplement de reprendre les manières et les rythmes de l’Ancien Régime ou cet héritage intègre-t-il plutôt des aspects originaux ? C’est dans l’analyse des grands suffrages de la piété confraternelle – messes, indulgences, sacrements et prières – que l’enquête doit trouver ses réponses. Il faut ensuite élargir la question à l’instruction des confrères, afin de découvrir la part toujours plus essentielle que semble prendre le livre.

Une piété de l’essentiel : messes, indulgences, sacrements et prières

  • 889 B.M.T., cart. loc., in 4°, 365, Tableau des SS. exercices et des messes qui sont célébrés, pendant (...)
  • 890 Règlement de la congrégation de la Sainte Vierge de Châlons, art. IV.

19Même si leur liaison avec la paroisse est un trait caractéristique du XIXe siècle qui nécessite une participation active à la vie religieuse locale, les confréries n’abandonnent pas encore la récitation de leurs offices propres. Au minimum, toutes conservent ce sommet de la communion constitué par la solennité de la fête et la messe des trépassés du lendemain, ainsi que l’habitude de faire célébrer un service pour leurs défunts. Les nouvelles associations proposent à leurs membres des messes régulières et même abondantes dans le cas de l’association du Sacré Cœur de Troyes, puisqu’aucun jour de la semaine n’est oublié889. Une telle fréquence du suffrage de la messe, devenue exceptionnelle, est loin de caractériser toutes les confréries récentes. Ainsi, la congrégation châlonnaise de la Sainte Vierge comme toutes les autres institutions post-missionnaires se contente d’une messe mensuelle, en l’occurrence tous les premiers mardis890. Pour un grand nombre de confréries dont les biens ont été confisqués puis vendus sous la Révolution, il faut faire face à une situation qui les place dans l’impossibilité de reproposer l’ensemble de leurs anciennes fondations liturgiques. On a alors le sentiment que les nouveaux offices et services ne compensent que partiellement l’état d’Ancien Régime. L’impression est bien différente en ce qui concerne les indulgences.

  • 891 B.M.T., RR 262, parution faite à Châlons. Mercier, 1805.
  • 892 Porrentruy. op. cit., pp. 69-76.

20En effet, par leur rétablissement, les confréries contribuent à alimenter la pratique des indulgences dans les sanctuaires urbains. On pourrait même aller jusqu’à dire que la volonté de rétablir les pardons est un des facteurs de la restauration de bon nombre de confréries anciennes. Les preuves ne manquent pas : l’ancienne confrérie de Notre Dame en Vaux reparaît en 1805 par une publication intitulée Explication des indulgences accordées à la confrérie de Notre Dame de Châlons sous le nom de la Conception de la Sainte Vierge891. Certes, le contenu est plus varié que ne l’indique le titre, intégrant aussi la présentation des règlements, mais plusieurs pages décrivent l’indulgence comme le principal « avantage de la confrérie » et le livret s’arrête sur une « prière pour demander à Dieu l’Indulgence plénière ». De même, la confrérie troyenne de N.-D. de Lorette ne semble faire sa réapparition qu’en 1825 lorsqu’elle obtient la confirmation de ses indulgences du premier tiers du XVIIe siècle892.

  • 893 A. diocésaines de Châlons, dossier Saint Alpin, lettre à Caprara rédigée à Paris le 7 août 1805.
  • 894 Manuel de la confrérie de Saint-Roch..., op. cit.. pp. 9-10.

21La soif d’indulgences peut aussi conduire les confrères à des réclamations s’ils estiment le relèvement des pardons incomplet. Voici le cas de la société du Saint Sacrement à Saint Alpin de Châlons. Rétablie par Pie VII en mars 1805, elle adresse pourtant un courrier au Légat Caprara dès l’été suivant, au motif de la limitation de la possibilité de gagner l’indulgence plénière au seul jour de la fête du Saint Sacrement. Par l’intermédiaire de son directeur, le curé Lambert, elle « supplie votre éminence d’étendre à tous les jours de l’octave la faculté » de l’acquérir, « attendu, ajoute l’ecclésiastique, la pénurie des confesseurs » qui « prive le grand nombre des fidèles du bienfait des indulgences »893. Quant aux confrères troyens de saint Roch réimplantés depuis 1812 dans une chapelle de la cathédrale, ils menèrent vingt années de démarche afin d’obtenir le transfert des indulgences accordées par Paul V au groupe en 1619, de la paroisse disparue de Saint Aventin, leur premier lieu de culte, à celle de Saint Pierre – Saint Paul894. La détermination à faire confirmer leurs indulgences dont font preuve les confréries rétablies rend compte à sa manière de l’importance retrouvée des pardons dans la vie religieuse et de la faim spirituelle endurée pendant de longues années.

  • 895 Quelques-unes naîtraient sans indulgences (confréries châlonnaises de sainte Agathe), mais pour le (...)
  • 896 Confrérie du Saint Rosaire établie dans l’église Saint Jean de Troyes..op. cit., p. 3.
  • 897 Confrérie de Notre-Dame du Mont Carmel.... op. cit., p. 1.
  • 898 Association à la pieuse confrérie du Sacré-Cœur de Jésus..., op. cit.. pp. 8-15.
  • 899 Anot, Discours du 2 août 1821, pp. 8-9.

22Beaucoup de groupes n’ayant pas reparu après 1801, les associations récentes se chargent aussi de satisfaire l’attente des fidèles. En effet, presque toutes sont dotées d’indulgences qui les confortent et leur garantissent un succès immédiat895. Là où elles sont établies, les confréries du Rosaire amplifient plus qu’aucune autre société le nombre et les occasions de gagner l’indulgence896. La confrérie de Notre Dame du Mont Carmel propose elle aussi une pluie abondante de grâces au pénitent confessé et ayant bien communié. L’indulgence s’obtient plénière non seulement au jour de l’entrée, le 16 juillet pour la fête principale de l’association et à l’article de la mort, mais encore le premier dimanche de chaque mois et à chacune des grandes fêtes mariales. Sans compter les remises partielles de 60 jours concédées en récompense de divers actes de piété et de charité et « un grand nombre d’autres indulgences »897 que possèdent les Carmes et qu’ils communiquent aux laïcs proches d’eux. La dotation en pardons caractérise bien sûr les confréries du Sacré Cœur. Qu’on en juge simplement par le nombre de pages destinées à les présenter dans le livret de l’association dressée chez les Sœurs Visitandines de Reims (1828) : 8 sur les 24 qui composent le fascicule du confrère. On y lit de courts chapitres résumant successivement les œuvres prescrites pour gagner les indulgences soit plenières, soit partielles, puis énumérant les occasions de recevoir les indulgences plénières, suivis des indulgences partielles et une impressionnante liste d’autres indulgences accessibles aux associés « sans qu’il soit nécessaire de dire le Pater, l’Ave, le Credo, ni l’invocation : O doux Cœur, etc. »898. Les missionnaires ont également apporté leur pierre à la réédification de la religion des indulgences grâce au Bref concédé par Pie VII à toutes les associations de mission. Le Père Anot a consacré son instruction du mois d’août 1821 à faire la lecture du texte romain, puis a rappelé les points sur lesquels se fonde la doctrine de l’indulgence. Un trait essentiel de son enseignement est l’utilité de cette pratique dans la poursuite de la conversion personnelle entamée avec la Mission : « Dans ce siècle où on se fait aisément illusion sur l’insouciance dans laquelle on vit, comme sur les scandales que l’on donne [...] l’Eglise, toujours compatissante et féconde en secours pour ceux de ses enfans qui veulent lui rester fidèles, multiplie, en leur faveur, les moyens de défense dans la proportion des dangers, et présente des ressources de salut à ceux qui désirent survivre à la ruine de tant d’âmes »899. L’ampleur retrouvée du mouvement des indulgences et l’inflation des pardons à recevoir doit beaucoup au renouveau d’une vie associative toujours plus tournée vers Rome, attitude qui garantit à tous ceux qui s’y enrôlent une somme considérable de bienfaits. Les remises accordées s’appliquant aussi aux âmes du Purgatoire, la confrérie du XIXe siècle contribuant par là même à réinstaller cette croyance dans l’environnement spirituel quotidien tout comme elle s’était employée à le faire après la Réforme. Ainsi, la reprise d’éléments traditionnels montre une continuité, mais elle se fait également dans un esprit adapté à son temps. Ouvertes à des catholiques qui ont « donné des marques de religion » (règlement de la Compassion, article IV), les associations du début XIXe siècle se donnent pour but de réenraciner les fidèles dans ce qui fait l’essentiel de la religion vécue. A ce titre, la sacramentalisation est une priorité absolue.

  • 900 Règlement de la confrérie de la Compassion, art. 2, p. 11 ; et B.M.R., CH.P.445, art. 13.
  • 901 Explication des indulgences accordées..., op. cit., art. 5.
  • 902 B.M.T., Instruction sur la confrérie du Saint-Rosaire..., Troyes, 1819, pp. 20-21.
  • 903 Règlement de l’Association des Hommes, 1 ° Division, ch. IV, art. 5, p. 6.

23Comme avant 1792, la participation aux sacrements de pénitence et de communion est encouragée par la possibilité de gagner des indulgences. Puisque les pardons connaissent un essor exceptionnel, l’invitation à recevoir les dons visibles de la grâce divine se fait de plus en plus fréquente. Très représentatif de ce lien, le règlement de la confrérie de la Compassion exhorte ses membres à vivre cette complémentarité des grâces et pour cela à « s’approcher des sacremens, spécialement le jour anniversaire de leur admission dans la confrérie », ainsi qu’à toutes les autres fêtes indulgenciées900. Bien sûr, le confrère zélé peut en faire plus et certains règlements ne cachent pas qu’on espère cette heureuse conséquence. Aux femmes et filles de la confrérie de la Vierge à Notre Dame de Châlons, le rédacteur suggère que la pratique de la communion suive la courbe de croissance de la piété de chacune : « plus elles auront de dévotion à la sainte Vierge, plus elles désireront de s’unir à J.C. son Fils, dans la divine Eucharistie »901. Le prêtre qui rédige en 1819 une Instruction sur la confrérie du Rosaire, livret destiné à « toutes les pieuses congrégations » du diocèse, va encore plus loin dans sa présentation de l’un des « deux grands moyens de salut » – le second est la prière – en écrivant : « Le grand but de toutes les Confréries est de porter les fidèles à approcher des sacremens de Pénitence et de l’Eucharistie [...] d’où vient que les confréries n’ont guères commencé à s’introduire dans l’Eglise, que quand le relâchement s’y est montré, et que la communion n’y a plus été si fréquente, des hommes [ont été] suscités de Dieu pour ranimer la piété et la foi »902. Il est facile de conclure à la brûlante actualité de son analyse pour la période de la Restauration. C’est par la fréquentation habituelle des grâces sacramentelles que l’associé chemine vers son salut et exerce une influence salutaire sur son temps et sur son environnement. Les statuts de l’Association des Messieurs font écho à l’exemplarité de la participation assidue des confrères, en proposant une formule originale toute entière conçue autour de la valeur d’émulation qu’apporte le spectacle d’une communion confraternelle : « Les membres de l’Association sont fortement invités à communier quelquefois à cette messe, ne le fissent-ils qu’une fois l’année ; comme ils choisiraient librement leur jour, on serait par la même certain de voir à chaque réunion plusieurs associés s’approcher de la Table-Sainte ; ce qui deviendrait pour tous d’une grande édification »903.

  • 904 Confrérie du SS Sacrement érigée..., op. cit.
  • 905 Instruction pour la confrérie du Saint Rosaire, Troyes, 1819, pp. 12-16.
  • 906 Instruction pour les confrères et consœurs de la confrérie du Rosaire..., s.d.
  • 907 Instruction pour la confrérie du Saint Rosaire..., op. cit., p. 24

24Si la piété du confrère se nourrit des sacrements, elle accorde aussi une large part aux exercices de prière. La parenthèse révolutionnaire n’a pas effacé la prière d’Adoration perpétuelle. L’évêque de Troyes exige de tout chrétien présent dans une confrérie du Saint Sacrement qu’il consacre par an une heure de son temps à contempler l’hostie consacrée, mais en quatre fois, soit un quart d’heure « dans chaque saison »904. Le début du XIXe siècle reste donc très christocentrique, tout en consacrant parallèlement l’important renouveau de la piété mariale, surtout de la prière du Rosaire. Dans son expression complète ou sous la forme partielle d’un chapelet, le Rosaire s’impose définitivement comme la grande prière associative post-révolutionnaire. Les contemporains cherchent d’ailleurs à se fonder sur son histoire pour justifier son actualisation. Un livret de 1819 rapporte que cette prière et cette dévotion furent celles de saint Dominique « à une époque où tous les maux menaçoient l’Eglise et sembloient prêts à la détruire s’il eût été possible », ou encore celles du « prodige » de Lépante et du miracle de Belgrade (1726)905. Nul doute que le Rosaire ne soit adapté à la période de reconstruction actuelle comme le souligne si bien ces réflexions préliminaires de l’association châlonnaise de Saint Etienne : « Si dans tous les temps les ennemis de Jesus Christ l’ont été de Marie, on peut dire aussi que tous ceux qui ont sincerement aimé le Fils ont tendrement aimé la Mère ; c’est pour cela qu’une dévotion éclairée et permanente envers cette vierge sainte, a toujours été regardée comme une marque de prédestination ». Et l’auteur de conclure, « le Rosaire est une de ces dévotions approuvées par l’Eglise, et si accréditée, qu’elle est devenue un signe de catholicité »906 et, complète un autre livret, la confrérie placée sous sa protection « forme comme un camp retranché »907.

  • 908 E. Povillon-Piérard, Notice..., op. cit., fol. 249/r°.
  • 909 Confrérie du Saint Rosaire établie dans l’Eglise Saint Jean de Troyes..., op. cit., p. 2.
  • 910 B.M.R., mss 1745, pièce no 10. Projet de règlement association du Rosaire..., op. cit., ch. IV, ar (...)

25La prière du Rosaire étant pratiquée dans les villes de Champagne depuis le XVIe siècle au moins, les règlements ne jugent pas utiles de trop développer cette manière de prier. Ils se contentent d’indiquer qu’on en récite « cinq dixaines » tous les dimanches en assemblée et que chaque confrère est tenu à un Rosaire entier dans le courant de la semaine. C’est une « Directrice » qui conduit l’exercice communautaire en s’aidant des nombreux livrets d’instruction en circulation dans les diocèses. Les textes préfèrent plutôt insister sur la forme personnelle de la prière du confrère, à laquelle ils consacrent de courts développements. L’associé de la Sainte Vierge (Saint Jacques de Reims), son chapelet indulgencié à la main, s’y prépare en réfléchissant « un moment avant que de commencer », puis, résolu, le récite avec humilité et une parfaite confiance908. Une des grandes exigences de cette prière résidant dans la fidélité à l’exercice, le règlement du Rosaire de Saint Jean de Troyes prodigue des conseils élémentaires pour parvenir à l’installer dans la semaine : « pour le faire plus facilement, [les associés] pourront dire deux dixaines de chapelet chaque jour, et trois dixaines le dimanche »909. Réciter le Rosaire n’est pas en apparence le versant le plus abrupt à gravir dans une existence pieuse. C’est néanmoins un chemin sûr qui associe individuellement celui qui le récite et que l’on pense plus que jamais auparavant praticable par tous, y compris par les enfants. La confrérie implantée à Saint Maurice de Reims prévoit en effet les conditions de leur admission : « Pour soutenir la ferveur des enfants, l’association admet ceux d’entre eux qui après leur première communion assisteront quelques mois régulièrement aux Exercices du Rosaire pourvu que d’ailleurs ils se conduisent d’une manière ediffiante et chrétienne »910. On ne peut, après la cassure de la fin du XVIIIe siècle, mieux signifier à toute la société catholique que la Vierge est redevenue la principale intermédiaire entre Dieu et les hommes.

  • 911 Explication des indulgences accordées..., op. cit., pp. 18-24.
  • 912 Règlement de la Congrégation de la sainte Vierge, Châlons, 1826, art. IX.
  • 913 Instruction pour la confrérie du saint Rosaire..., op. cit., p. 8.

26Indéniablement, la dévotion au Rosaire s’est réinstallée au titre de composante majeure de la vie catholique après 1801. Elle est même certainement l’élément majeur de la grande dominante mariale au XIXe siècle. Son importance tient aussi à sa complémentarité vis à vis des pratiques plus christologiques : la dévotion au Sacré Cœur de Jésus ouvre à celle du Cœur de Marie, la prière de celle-ci procure le goût de la communion ; la piété des chemins de croix, qui se fondent un peu partout, est l’un des points médités depuis longtemps dans les Mystères douloureux du vendredi911. Enfin les associés priant la Vierge consolatrice avec ferveur tiennent aussi les premiers rôles les jours d’adoration du Saint Sacrement912. Au cours du premier tiers du XIXe siècle, la prière du catholique continue entre permanence et nouveauté à se recentrer sur le Fils et sa Mère et ainsi, si « on adore l’un, on invoque l’autre »913. Une même sensibilité religieuse se retrouve dans la plupart des associations, servie par de mêmes pratiques de piété et un attachement à la romanité. Parvenus à ce point vers 1825, on assiste à l’aboutissement du changement amorcé dans la vie religieuse des fidèles avant 1790.

Devoir de s’instruire et morale chrétienne

  • 914 Les règlements donnés par Mgr de la Tour du Pin à toutes les confréries de son diocèse ne font auc (...)
  • 915 Explication des indulgences accordées à la confrérie de Notre Dame de Châlons..., op. cit.. art. 4
  • 916 Règlement de l’association des hommes, Seconde division, art. 2, p. 3.

27Le vaste mouvement de rénovation religieuse auquel concourent activement les confréries prend rapidement l’apparence plus ciblée d’une rénovation des milieux catholiques. Pour ce faire, la vie associative prend toujours soin de l’instruction de ses membres. Mais sur ce point bien des aspects traditionnels ont changé depuis 1792. L’évolution la plus spectaculaire se rapporte aux sermons dont la confrérie de la réforme catholique avait fait une proposition prioritaire. Or, on ne trouve plus la mention des prédications privées dans les règlements après 1801914, remplacée par l’invitation faite au confrère « d’assister avec exactitude et avec une modestie exemplaire aux offices et Instructions de la paroisse »915. Cette conséquence de l’attachement de la vie associative à la vie paroissiale est-elle satisfaisante pour les membres des groupes et, dimension supplémentaire, est-elle suffisante ? Sur le premier point, la documentation ne fournit ni jugement avisé ni réponse. La question de la suffisance semble en revanche plus pertinente et permet de dégager une évolution. Avant 1815, elle ne préoccupe guère les esprits, mais tout change sous la Restauration, car il faut façonner un chrétien instruit, solide dans sa foi et apte à peser activement sur son temps. L’objectif est clairement annoncé au sein des associations issues des efforts missionnaires, à l’image de cet article de la 2nde Division des Hommes : « Une des plus rigoureuses obligations que s’imposent les Associés, est de s’instruire à fond des vérités de la Religion, et s’ils sont mariés, de procurer, par tous les moyens possibles une semblable instruction à leur famille »916.

  • 917 Règlement des hommes. Seconde Division, ch. III, art. 7.
  • 918 Idem. ch. III, art. 6.
  • 919 Anot décède au cours de cette année 1822.
  • 920 La persévérance du Père Anot est d’autant plus remarquable que les statuts demandent au directeur (...)
  • 921 Discours prononcés par M. Anot..., op. cit.

28Pour y parvenir, deux moyens sont mis en place dans les associations de mission : la prise de parole d’un ecclésiastique et la lecture de « bons livres ». La mission ayant été par elle-même un temps de la parole, l’association qui naît pour la prolonger ne néglige naturellement pas ces enseignements. Ceux-ci ont lieu chaque premier dimanche du mois dans la chapelle ou dans la salle choisie par les associés et sont faits par le Directeur ecclésiastique de la fraternité. Mais on n’exclut pas d’inviter un autre Ecclésiastique à faire l’exhortation, « pour procurer à l’Assemblée quelque Prédicateur d’un talent distingué »917, c’est à dire confier à une autre voix le devoir de renouveler la ferveur. La durée des discours est théoriquement comparable d’une division à l’autre, limitée à « une courte exhortation » d’une demi-heure précise le règlement de la 2nde Division918, un laps de temps qui semble bien respecté dans les discours consultés. Ils sont au nombre de douze, prononcés en faveur des hommes de la lère Division, auxquels s’ajoutent deux autres adressés aux Dames, ce qui nous laisse une totale ignorance des paroles et des méthodes notamment utilisées en faveur des ouvriers de la 2nde Division. C’est au premier ensemble de discours que nous nous sommes intéressés, non seulement en raison du nombre, mais aussi parce qu’ils furent prononcés par le même homme, le Père Anot, et qu’ils proposent une parfaite succession chronologique depuis le discours d’ouverture du 14 mars 1821 jusqu’à celui du 7 février 1822919. On dispose ainsi de l’éventail complet des thèmes professés au cours de la première année d’existence de l’association, liste permettant de dégager les priorités retenues par le directeur ecclésiastique920. Le tableau suivant détaille ces exhortations921. Malgré une apparente diversité, l’inventaire s’ordonne autour de trois grandes catégories de thèmes : l’identité et les avantages de la vie associative, la priorité de la morale et des vertus chrétiennes et l’encouragement aux œuvres catholiques.

29Le premier ensemble concerne les instructions se rapportant directement à la vie religieuse du groupe : le discours sur le culte de Marie est fait le dimanche suivant la fête de « l’immaculée Conception », celle de l’association. Il constitue un prolongement et un approfondissement sur leur sainte patronne. De même, le rappel de l’importance des indulgences dans la vie chrétienne intervient un mois après l’autorisation de les publier, accordée par l’évêque de Meaux (le 20 juin 1821). Enfin, le discours sur la prière des trépassés est prononcé aussitôt « après la Messe célébrée pour le repos de l’âme des Associés décédés dans le cours de l’année ». Dans ces trois cas, on convie le confrère à prendre la mesure des avantages spirituels offerts par son adhésion. C’est l’aspect qui se rapproche le plus des sermons confraternels d’Ancien Régime.

Date du discours

Thème du discours

14 mars 1821

intérêt, buts et œuvres de l’Association

5 avril 1821

le bon exemple

3 mai 1821

la morale chrétienne

7 juin 1821

la grandeur du christianisme

5 juillet 1821

le salut

2 août 1821

la réception des indulgences

6 septembre 1821

sur les chrétiens « négligents »

4 octobre 1821

l’enfant et l’enfance

8 novembre 1821

l’amour de l’Eglise

13 décembre 1821

le culte de Marie

3 janvier 1822

les trépassés

7 février 1822

les vertus chrétiennes

  • 922 Anot, Discours du 6 septembre, pp. 18-19.

30Le second ensemble s’applique à présenter les thèmes de vertu et de morale sans lesquels, pense-t-on, le chrétien se perd et affadit tout l’enseignement reçu de l’Eglise, à l’image du « négligent » dont le portrait est fait le 6 septembre. Tel qu’Anot le dépeint, il est le parfait contre-modèle de ce que l’association entend développer en chacun de ses membres. Dans la conclusion de ce véritable sermon, le clerc rappelle aux devoirs du christianisme en opposant une dernière fois le « bon » et le « mauvais » catholique : « Ce n’est point de cet auditoire, ce n’est d’aucun des membres qui le composent, que j’ai pu emprunter les couleurs qui m’ont servi à peindre le chrétien négligent. Vos actes, au contraire, fourniraient les traits d’un tableau édifiant. Votre exactitude à fréquenter le sanctuaire de notre Association, votre empressement à la sanctifier par de bonnes œuvres, vous élèvent à une grande distance de la classe des indifférens. Mais ce que nous ne sommes point, gardons-nous de le devenir ; ne nous laissons point emporter par ce mouvement du siècle, qui entraîne tous les jours tant d’âmes dans un abîme d’où il est rare de les voir sortir »922.

31Enfin, les discours tracent les contours d’un programme d’action catholique, rendue nécessaire par l’histoire des vingt-cinq dernières années. Parmi les chantiers s’ouvrant, le soutien à apporter à la recomposition du clergé en suscitant des vocations dans les foyers, et au recouvrement par l’Eglise de son rôle éducatif constituent des priorités sans cesse rappelées aux membres des associations. Par leur inscription dans le contexte général de la Restauration monarchique, les discours de Anot, ainsi que les deux prononcés par l’abbé Macquart aux femmes, n’échappent pas à une évidente politisation, dédoublant l’entreprise de moralisation des fidèles. C’est certainement dans ces réunions confraternelles que la flamme de l’engagement religieux certes, mais aussi social et politique, est la plus entretenue.

  • 923 Règlement de la congrégation de la Sainte-Vierge, op. cit., art. III.
  • 924 Ce qui n’empêche pas le Père Anot de leur conseiller de bonnes lectures dès le premier discours pr (...)
  • 925 Règlement de l’association des hommes, Seconde Division, ch. Ier, art. 5.
  • 926 Règlement Deuxième Division, chapitre Ier, articles 5, 6 et 7. Plus avare de détails, le règlement (...)

32Le second moyen introduit dans la vie associative de la Restauration est le livre. Non pas le livret de confrérie qui, même sous des formes abrégées, continue à servir de guide aux formes de la piété, aux prières et aux indulgences offertes par le groupe, mais le livre religieux dans un sens plus large. Cela relève d’une volonté de banaliser son usage comme support de la dévotion des fidèles qui dépasse d’ailleurs le simple cadre de la confrérie – qu’on songe au souci omniprésent de créer des bibliothèques paroissiales dans la première moitié du XIXe siècle. Pour inciter l’associé à la lecture, plusieurs voies se présentent. On peut d’abord le familiariser avec quelques titres essentiels de la vie de piété par le jeu des références données par un prédicateur, ou en ordonnant « une instruction ou lecture » comme tous les mardis dans la congrégation de la Sainte Vierge de Châlons923. Mais la solution de loin préférée par les responsables des missions est la constitution d’une bibliothèque d’association. Certes, les règlements ne déconseillent pas le développement de bibliothèques familiales, au contraire même, puisque l’associé est en permanence encouragé à fournir des moyens de s’instruire aux siens. Ainsi, pour les Messieurs de Reims, aucune disposition n’est prise en faveur d’une bibliothèque car ils peuvent la former par eux-mêmes924. La chose est moins évidente pour les membres de la 2nde Division, puisque tout dépend de leurs « facultés » à pouvoir acquérir des livres, qui seront de toute façon en petit nombre – le règlement n’en propose que quatre – et certainement de seconde main925. Dans ce cas-là, il apparaît donc que la formule de la bibliothèque garantisse une plus grande pénétration du livre et, a fortiori, sa lecture plus fréquente. Deux se dressèrent au sein d’associations de mission : la première en faveur des ouvriers de la 2nde Division à Reims, la seconde pour les femmes rassemblées dans la congrégation de la Vierge à Châlons926.

  • 927 J. Quéniart, « Les bibliothèques ecclésiastiques à Rennes au XVIIIe siècle », In : R.H.E.F., t. 83 (...)
  • 928 Règlement de l’association, Première Division, p. 2.

33La naissance de la bibliothèque pose un certain nombre de difficultés que les statuts entendent bien éluder. A l’inverse d’une bibliothèque paroissiale ou familiale dans lesquelles la transmission par héritage fournit déjà une part de la dotation927, la bibliothèque d’association ne part de rien. Le succès de sa constitution dépend donc de la combinaison des dons et des achats provenant de généreux mécènes dont on ne doute pas qu’ils répondront à l’appel : « On trouvera facilement, lit-on dans le règlement de la 2ème Division, dans les villes, des chrétiens riches et pieux qui subviendront volontiers à la dépense, si elle est faite peu à peu ». Pour ces ouvriers et artisans rémois, les gestes de générosité doivent d’ailleurs prioritairement venir des Messieurs, tenus par les statuts de « distribuer les meilleurs livres aux fidèles de la classe indigente »928. Une fois l’étape du financement dépassée, une autre question matérielle surgit, puisqu’il faut trouver un local pour disposer les ouvrages. On prévoit une salle à Reims, alors que les associées de la Vierge de Châlons peuvent compter sur le dévouement de leur Secrétaire qui accepte de l’organiser chez elle. On expose aussi, avec une grande précision, les modalités d’accès au livre. Outre sa consultation dans le local affecté à cette fin, le prêt à domicile est organisé dans l’une et l’autre association. Si les femmes châlonnaises semblent pouvoir le faire librement, les ouvriers sont assistés par un bibliothécaire au moment du choix des ouvrages. Puis leur nom est reporté sur « un cahier destiné à cet usage », où sont encore précisées la date de l’emprunt et « l’époque fixe où [la personne] s’est engagée à les rapporter ». Le cadre matériel étant fixé, il reste à aborder l’aspect sans doute le plus essentiel : quels sont les livres devant prendre place dans les rayonnages ?

  • 929 Elle est fournie par l’article 6 du règlement de la Seconde Division. En voici l’énumération compl (...)
  • 930 P. Martin, « Le livre de piété en Lorraine », in : R.H.E.F., t. 83, no 210, 1997, p. 168.

34Faute d’information sur la bibliothèque châlonnaise, nous devons nous contenter de l’exemple rémois, non sans rappeler au préalable que les titres dont il est question ici sont ceux recommandés par le clergé missionnaire et non pas l’analyse d’un inventaire. Puisqu’il s’agit d’une bibliothèque « idéale », on doit y lire l’intention pastorale et non pas les preuves d’une vie religieuse des laïcs. Une première certitude est la petite taille de la bibliothèque projetée, limitée à une quinzaine de titres, souhaités « en plusieurs exemplaires ». On n’exclut pas de pouvoir en ajouter par la suite – le « etc. » – mais les directeurs jugent raisonnable de s’en tenir déjà à une liste minimale et essentielle929. Elle est d’abord formée de différents catéchismes – Catéchisme du diocèse. Catéchisme historique de Fleury, Catéchisme de Montpellier – « où les vérités de la Religion sont bien expliquées ». Deux des quatre ouvrages conseillés à l’achat étant aussi des catéchismes, la volonté affichée est de poursuivre le travail d’intériorisation des principaux fondements doctrinaux entamés par la Mission. Livre de l’instruction chrétienne, le catéchisme a pour vocation de devenir l’un des usuels de la vie associative et par là de celle des laïcs. La liste montre aussi qu’on ne délaisse ni la possession personnelle, ni la consultation régulière de la Bible. Selon quelles modalités la lecture des Ecritures saintes doit-elle se faire ? Les textes n’en disent rien, mais la présence d’un Nouveau Testament en français immédiatement après la Bible de Royaumont suggère que c’est surtout cette partie du texte biblique qu’il faut ouvrir. En un sens, ce qui compte c’est de donner le goût de rechercher la figure du Christ, de vouloir la rencontrer aussi dans d’autres livres, tel l’Imitation de Jésus Christ qui vient juste après dans l’énumération, pour creuser le désir de la rencontre eucharistique. C’est là un moyen de renforcer la dévotion christocentrique que l’achat de livres consacrés à la messe et aux sacrements, étonnamment absents de l’article, amplifierait encore. Poursuivons l’inventaire. La présence d’une Vie des saints n’est pas pour surprendre, elle est toujours une occasion de fournir de multiples exemples aux associés, tout en maintenant vive la croyance au dogme de la communion des suffrages à travers le temps. Ce classique des bibliothèques de piété est accompagné d’autres œuvres maîtresses de la littérature spirituelle et dévote : en plus de l’Imitation déjà citée, on trouve les Œuvres de Louis de Grenade, le Combat spirituel de Scupoli et l’Introduction à la vie dévote de saint François de Sales. Tous sont des ouvrages marquants de la spiritualité de la Réforme catholique qui ne cessent d’exercer une influence sur les générations chrétiennes de l’après Révolution. Même si aucune précision n’est apportée, on peut songer que les éditions conseillées sont des abrégés, plus adaptés à une population artisanale et ouvrière. Il y a d’ailleurs des livres plus conformes à leur état social et à leur capacité spirituelle, comme le Pensez-y bien, largement répandu dans les bibliothèques populaires. Appartenant à la catégorie des Précis dont l’ambition est de couvrir « tous les domaines de la vie religieuse »930, ce petit livre comprend une somme de rappels utiles au chrétien pour préparer correctement sa mort par un travail méditatif au long de son existence. Autant dire que l’objectif est prioritairement d’ordre moral. Il dépasse même largement le cadre de la confrérie puisque c’est l’individu que l’on cherche à toucher. Un tel objectif s’inscrit dans la droite ligne du Concile de Trente.

35Finalement la bibliothèque idéale que se proposent d’établir les associés de la Deuxième Division semble être celle des missionnaires ou, plus exactement, celle qui permet de prolonger le travail de la mission. Peut-être, ces livres sont-ils achetés directement aux marchands qui ne manquent presque jamais auprès de ces « ouvriers apostoliques ». La bibliothèque se propose de tenir l’associé en état de mission permanente, le replongeant dans ce temps de conversion pour qu’il y puise la lucidité doctrinale et spirituelle minimale dont il doit faire usage dans son environnement familial et professionnel. Une inconnue de taille demeure pourtant : le confrère devient-il le lecteur attendu ? Les rédacteurs du règlement de l’association châlonnaise ne semblent guère douter de la lecture « soit en particulier, soit en famille », et prévoient même le cas où la bibliothèque se transformerait en centre d’achats de livres qu’elle se ferait ensuite rembourser.

36Ainsi, l’aspect principal qui se dégage de la liste des livres mais aussi des enseignements oraux vus précédemment est la volonté de moraliser la vie des fidèles. L’intention n’est pas neuve, on la trouvait déjà présente dans la vie religieuse de la seconde moitié du XVIIIe siècle, mais elle est reprise et on tente nettement de la généraliser par la voie confraternelle. L’associé qui assiste fidèlement aux instructions, qui prend aussi un tant soit peu l’habitude de faire de « bonnes » lectures est cadré dans sa vie de chrétien, conforté aussi dans son devoir d’état. Car s’il a l’obligation de bien s’instruire et de se reconstruire intérieurement par une pratique régulière des sacrements et une piété résumée à l’essentiel, le catholique du début du XIXe siècle est également tenu d’agir dans le monde qui lui est proche.

C. – Des œuvres de reconquête catholique

  • 931 Histoire du Christianisme, t. 10, pp. 878-879.

37En 1821, Mgr de Boulogne prononce un sermon Sur l’excellence de la charité chrétienne. Dans celui-ci, l’évêque de Troyes oppose aux « associations de bienfaisance et de confraternités patriotiques », œuvres récentes, les associations de la charité chrétienne. D’un côté, il déplore des institutions uniquement à mesure humaine, par force limitées et imparfaites, pour de l’autre exalter celles mises sous le seul gouvernement de la Providence divine931. Ce sermon est à lui seul très révélateur des attentes placées dans la vie associative sous la Restauration. Elle doit contribuer au relèvement de la charité chrétienne antérieure, plus vertueuse que toute autre forme d’assistance, et contrebalancer par ses œuvres sociales celles de la philanthropie des Lumières.

Un moyen d’affirmer la primauté de la charité chrétienne

  • 932 Hommage rendu à la mémoire de M. l’Abbé ANOT, chanoine de Rheims, Aumônier des Prisons, DANS le Di (...)
  • 933 Anot, Discours du 7 juin 1821, pp. 11-12.

38Le thème des visions concurrentes du monde auquel fait référence Mgr de Boulogne est continuellement repris dans la littérature et les discours confraternels du temps, tout spécialement dans ceux délivrés aux notables de la Première Division de Reims. Il est vrai que leur directeur, le Père Anot, est une grande figure de la charité rémoise, à tel point qu’on le qualifia « [d’]émule de Saint Vincent de Paul » à cause de son dévouement à l’égard des prisonniers et de toutes les victimes des infortunes humaines932. Par son propre exemple, il était apte à sensibiliser son auditoire à propos de l’exigence charitable. Afin de convaincre les Messieurs de l’urgence d’une action catholique dans la cité, il lui suffisait d’associer son expérience à la rhétorique des missionnaires. Il invite d’abord à prendre la mesure de l’échec de toutes les œuvres issues de la Révolution : « Car enfin, rien n’a manqué à nos novateurs politiques : ni le temps, ils ont disposé de vingt ans à leur gré ; ni le pouvoir, ils ont exercé tous les genres d’empire, depuis la séduction jusqu’à la terreur ; ni les essais, ils nous ont fait passer par tous les états depuis la licence jusqu’à l’esclavage. Et quels ont été les résultats d’un régime d’où Dieu était banni ? Un délire sanguinaire, qui faisait pâlir la vertu ; un règne désastreux, à jamais célèbre dans l’histoire des infortunes du monde ; des souvenirs de crimes, qui feraient l’opprobre du peuple le moins civilisé »933. Leur insuccès est aussi celui de la philosophie. L’étape suivante du discours est donc une illustration du procès des philosophes conduit alors par l’Eglise. Par un art consommé du raccourci, Anot évoque l’ambition de l’offensive philosophique dont l’unique souci était d’abattre la foi catholique en faisant sombrer les œuvres par lesquelles elle se manifestait au monde. A la Promesse de Dieu, dont le psalmiste s’était fait l’écho en disant « heureux le peuple qui a Dieu pour maître », il oppose « [l’]oracle de l’incrédulité » : « heureux le peuple qui a secoué le joug du Dieu des chrétiens ! La raison fera son bonheur ». Maintenant que ces entreprises ont échoué, sur ces cendres et ces ruines doit renaître la providentielle charité chrétienne. C’est aussi dans ce but que le tissu associatif a été rétabli.

  • 934 Idem, Discours du 14 mars 1821, pp. 13 et 19-20.

39Dans ce contexte de rupture, on entrevoit même se dessiner une certaine complémentarité entre les confréries plutôt dédiées à la dévotion – Sacré Cœur, Saint Sacrement, Rosaire, Compassion auxquels on doit ajouter les Chemins de Croix –, et celles prioritairement tournées vers la charité publique. Les premières ont à prolonger par leurs prières et leurs pratiques de piété l’expiation des trente dernières années dans laquelle est entrée la France légitimiste. Quant aux secondes, consacrées aux œuvres et à l’action, elles doivent ramener à Dieu et à l’Eglise toutes les parties du troupeau dispersé. On l’a compris, l’apologie des bonnes œuvres de la charité n’est pas une simple question religieuse, mais aussi un enjeu de cohésion sociale et de projet national. Anot en trouve la justification dans l’histoire sainte : déjà aux premiers temps apostoliques « les Juifs et les Payens comprirent que les œuvres de charité devenaient, par une conséquence naturelle, une obligation pour ceux qui adoptaient l’Evangile ». A ses yeux, l’association qui se dresse à Reims est comparable à « celle des premiers chrétiens ; même but, même objet. La seule différence, et elle est à l’avantage de notre siècle, c’est que nous n’avons aucun intérêt de nous dérober aux regards »934.

40L’enrôlement dans une association de piété de la Restauration relève du combat contre une philanthropie, certainement plus présente que ne le prétend Anot, et qui occupe le terrain que l’Eglise et ses œuvres durent, par la force des choses, laisser libre. En procédant de la sorte, on dépasse le seul registre de 1a réaffirmation d’une primauté de l’assistance chrétienne sur toute autre, pour s’engager sur un autre champ fait d’action sociale et de morale. En somme, les associations de mission entendent désormais relever le défi lancé depuis plus d’un demi-siècle par les Lumières à toute l’Eglise, sur son utilité sociale, avec la certitude de l’emporter.

  • 935 Règlement de la Seconde Division, ch. Ier, art. 3.
  • 936 Règlement de la congrégation de la Sainte-Vierge de Notre-Dame de Châlons, art. Ier.
  • 937 Règlement de la Première Division, ch. 1er, p. 2.

41Dans cette perspective de redonner à l’Eglise et à la religion leur ancienne influence dans la société, sans craindre, dit le règlement des ouvriers, « de manifester sa fidélité à Dieu et au Roi »935, on comprend alors davantage la détermination et la pugnacité dans l’engagement exigées des associés : les œuvres de la congrégation de la Sainte Vierge de Notre Dame en Vaux nécessitent des personnes « maîtresses de leur temps » et disposées à s’y donner sans demi-mesure, « par un redoublement de ferveur »936. Aux Messieurs de Reims, il est demandé plus qu’aux autres. Ils doivent être de tous les fronts de reconquête, mais avec « ordre et sagesse ». On se méfie en effet des mauvaises conséquences d’un zèle trop ardent et désordonné, d’une action menée sans discernement. Dans de si grands enjeux généraux, la bonne ligne de conduite est de « ne pas trop entreprendre à la fois et consolider toujours le bien commencé, avant de s’occuper d’autres projets utiles »937. C’est au clergé missionnaire ou paroissial que revient la paternité des programmes d’action qui comprennent, outre les formes les plus traditionnelles de la vie confraternelle, une application des œuvres de miséricorde à grande échelle dans les cités.

Des « auxiliaires » du clergé

  • 938 Décret d’érection de la confrérie de la Compassion de la Très-Sainte-Vierge....op. cit.. pp. 11-12
  • 939 Règlement de la Deuxième Division, ch. VI, art. 1 à 5.

42Aucune des confréries ou associations dressées ou redressées au XIXe siècle ne néglige les devoirs de la charité entre membres, à rendre, avant tout, aux temps de la maladie et bien sûr de la mort. Les statuts de la confrérie de la Compassion, fondée au début du siècle à Saint Pantaléon de Troyes en font état au titre de « pratiques de piété ». En ordonnant aux fidèles de « visite [r] ceux des confrères qui seront malades, [de] les engage [r] à recevoir de bonne heure les sacremens », de les accompagner en convoi à leur dernière demeure et de « prie [r] pour le repos de [l’]âme » des défunts938, ils perpétuent la tradition d’une charité spirituelle. De même, l’aumône et un secours mutuel plus matériel envers leurs membres continuent à figurer parmi les expressions essentielles de la charité confraternelle. La 2ème Division des hommes, qui est créée dans le contexte économique et social dégradé du début des années 1820, intègre toute une série d’obligations pour l’associé dans la détresse : à « celui qui manque d’ouvrage », une fois sa triste situation connue, « tous les Confreres alors se font un devoir de lui [en] procurer [un] », avec à l’esprit qu’eux aussi peuvent, un jour, avoir besoin des mêmes « consolations »939. Etant donné les liens existants entre les chefs d’entreprise de la 1ère et les ouvriers de la 2nde Division, l’association rémoise peut ainsi devenir l’un des moyens de mettre en place comme un paternalisme chrétien avant l’heure.

  • 940 Règlement de la Première Division, ch. 1er, p. 1.
  • 941 Anot, Discours du 8 novembre 1821, pp. 22-23. Afin de pousser son auditoire à cette œuvre, Anot ag (...)

43Pour les associations levées au lendemain de missions où les grands chantiers de la Restauration ont été sans cesse abordés, l’exigence dépasse ce cadre traditionnel. Formulé pour les notables rémois, ce dépassement renvoie à l’urgence « [d’]embrasser la cause de Dieu, à laquelle personne aujourd’hui ne se dévoue » et à « seconder les Ecclésiastiques dans leurs saintes entreprises »940. L’accent est donc mis sur la collaboration avec l’Eglise locale et quelle meilleure manière d’exaucer ce vœu que de favoriser la régénération de la Maison de Dieu sur terre en lui redonnant des ouvriers pour cette nouvelle moisson ? L’appel aux vocations sacerdotales au sein des foyers catholiques est clair dans un discours automnal prononcé par Anot : « Parlez au cœur des mères chrétiennes que vous voyez encore parmi nous, afin qu’elles offrent à nos autels de jeunes Samuels, destinés un jour à juger Israël. Ne permettez pas que, faute de ministres, votre peuple s’endorme dans l’indifférence, ni que l’athéisme, fort de la licence des opinions et du silence de la vérité, se relève de sa défaite, pour bouleverser l’ordre ». Anot invite ensuite à concrétiser cette intention en participant au redressement du Séminaire diocésain, car, ajoute-t-il, « qui ne voit [...] l’urgente nécessité de revivifier le Sacerdoce expirant parmi nous, de ranimer l’espoir de l’Eglise », aussi « faisons quelques sacrifices en faveur de l’établissement qui vient de se former en notre ville, et d’où sortiront un jour des ressources de salut pour nos neveux »941.

  • 942 Anot, Discours du 4 octobre 1821, pp. 5-7.
  • 943 Règlement de la Première Division, ch. 1er, p. 2.
  • 944 P. Desportes (ss dir). Histoire de Reims, op. cit., pp. 285-286. C’est l’unique congrégation tolér (...)
  • 945 O. Devaux, « L’influence de l’Aa dans l’enseignement à Toulouse de 1789 à 1820 », In : Pratiques r (...)

44Epouser la cause de l’Eglise de la Restauration implique également de favoriser sa reprise d’influence dans ses missions d’Ancien Régime : l’assistance et l’éducation. Tout comme le relèvement des vocations presbytérales, le redressement du rôle éducatif et de l’encadrement des enfants est présenté comme une impérieuse nécessité. Lorsqu’il expose une jeunesse urbaine souvent incapable de saisir « les instructions [catéchistiques] les plus familières », et des enfants devenus « difficiles à cultiver », c’est à dire rebelles, Anot vise la négligence de nombreux parents trompés par les principes éducatifs des Lumières. Sa dénonciation prend même un tour plus personnel dès qu’il s’agit de l’enfance. L’homme et l’œuvre visés sont alors Rousseau et l’Emile : « Le citoyen de Genève, son Emile à la main, vous dira qu’il faut différer les leçons de religion. Sans doute il a peur que la vertu ne germe trop tôt dans les jeunes cœurs [...]. Pères de famille, gardez-vous de prendre pour guide cet ouvrage, où l’on met en principe que les enfans n’ont pas besoin de catéchisme, et qu’il ne faut ni leur parler de religion, ni leur apprendre à aimer Dieu, avant qu’ils n’aient jugé à propos de croire qu’il y en a un »942. Cette éducation, qu’il qualifie un peu plus bas « [d’]insensée », doit être contrariée en soutenant le réveil de la mission scolaire de l’Eglise. Pour cela, le réseau associatif doit aider à restituer un réseau scolaire confessionnel. Cela commence par une bienveillance notamment financière et une protection politique soutenues en faveur « [d] es efforts des pieux instituteurs de la jeunesse ». L’association des Messieurs se fixe également un second objectif à court terme : « d’appeler les Frères des Ecoles Chrétiennes dans les villes où ils n’ont encore aucun établissement943 » et de leur rester attachés, là où ils ont déjà retrouvés leur place, comme à Reims depuis 1803944. Comment ne pas voir dans cette dernière mesure un regard favorable envers l’enseignement congréganiste au moment où le modèle montant de l’enseignement et de la méthode mutuelle et lancastérienne le concurrence et le combat ! C’est semble-t-il une véritable prise de position dans les débats du temps, comparable dans l’esprit à l’action de l’Aa de Toulouse en 1819-20945.

  • 946 Règlement de la congrégation de la Sainte-Vierge, préambule et art. XI.

45A propos de l’assistance hospitalière, les règlements ne s’attardent guère à fournir des détails ou des orientations. Ce n’est sans doute pas nécessaire, car on sait que c’est justement dans les chapelles des établissements de l’Hôtel-Dieu, l’Hôpital Général et de l’hospice des « scrofuleux » de Saint Marcoul, que les divisions et sections de la Providence font leurs célébrations. De la sorte, il n’est pas un associé dans l’ignorance des secours spirituels et du réconfort humain dont ces lieux ont besoin. A Châlons, les femmes enrôlées dans la congrégation de la Sainte Vierge ont même reçu comme principale œuvre de miséricorde à accomplir de « pourvoir à des moyens d’existence et de salut en faveur des orphelines délaissées » et « des enfans abandonnés ». C’est à ces groupes déracinés sur un plan familial et souvent social qu’elles doivent offrir « non seulement de l’aumône », mais encore une instruction religieuse de base comprenant des « prières, les mystères principaux de la religion, les actes de vertus théologales, pour les former à la piété »946.

  • 947 Le détail des devoirs est le même entre les deux congrégations de la Sainte Vierge. La seule diffé (...)

46Ce dernier développement nous amène à l’un des aspects les plus neufs des années 1820. Il prouve que le devoir de s’instruire, étudié précédemment, n’a pas qu’une finalité salutaire personnelle, il fait aussi de chaque association un groupement de « missionnaires » en puissance, dont l’Eglise a besoin comme de précieux auxiliaires dans la reconquête catholique de la société. Ce que le règlement châlonnais indique, on le lit déjà dans celui de l’association de la Sainte Vierge qui s’était établie à Saint Jacques de Reims en 1821. Sous le nom remarquable « d’institutrices », des associées sont chargées, « autant que le temps le leur permettra » d’enseigner le catéchisme « aux personnes de leur sexe qui s’adresseront à elles » et ce, dans le cadre spatial « des differens quartiers de la paroisse » populeuse de Saint Jacques947.

  • 948 Macquart, Discours d’ouverture du 13 mars 1821, Reims, Le Bâtard, pp. 4-5.
  • 949 D. Dinet, « Les communautés religieuses féminines de Bourgogne et de Champagne face à la Révolutio (...)
  • 950 G. Gadbois, « Vous êtes presque la seule consolation de l’Eglise. La foi des femmes face à la déch (...)
  • 951 Macquart, op. cit.. pp. 9-10.

47En aidant à la mise en place d’éléments de base de la pastorale, les laïcs associés collaborent selon leur état et l’influence personnelle que leur confère leur situation sociale, au renouveau de l’action catholique en ville. Que celle-ci s’appuie aussi nettement sur les femmes n’est pas la simple conséquence de leur poids dominant dans le mouvement associatif renaissant, mais le reflet d’une position solide dans la transmission de la foi, en germe aux XVIIe et XVIIIe siècles et gagnée au cours de la Révolution. Pour s’en persuader, reprenons les propos que leur adresse l’abbé Macquart dans les deux premières assemblées des Dames de l’Association de la Providence. Lorsque, dit-il, « la voix des nouveaux docteurs avoit prévalu sur la voix des Prédicateurs de l’Evangile », que « l’Eglise a déjà perdu ses Ministres fidèles, les uns par le fer, les autres par l’exil ; mère désolée, elle se voit abandonnée de ses enfans. L’apostasie alloit être générale, si la Religion n’eût trouvé un asyle. Où ? Vous me le demandez, Mesdames... chez vous ; dans le sexe consacré spécialement au culte de la Sainte Vierge ; ce sexe qu’on croyoit plus faible et plus facile à ébranler, s’est montré alors, il faut l’avouer à votre honneur, supérieur au nôtre en courage et en constance. Vestales chrétiennes, vous avez conservé l’étincelle du feu sacré, et avec elle la dernière espérance de la Patrie »948. En célébrant l’attitude de résistance des femmes laïques, située juste au-dessous de la résistance des religieuses au cours de ces mêmes années949, l’abbé Macquart rejoint par ce constat ce que fut la réalité révolutionnaire dans de nombreuses villes de France950. Il évoque d’ailleurs le rôle de la femme dans la sauvegarde de la foi de manière générale, sans donner aucun des exemples qu’il avait peut être à l’esprit ou simplement sous les yeux. En parlant des femmes, Macquart ne peut cacher une admiration, certainement compensatrice de l’importance des abandons masculins et il leur reconnaît un « don » supérieur, par lequel « vous exercerez, ici comme ailleurs, une salutaire influence sur l’autre sexe ». C’est donc avec une humilité non feinte, qu’il esquisse un bref programme d’action : « Quant à moi, Mesdames, que pourroi-je vous dire ? Vous donneroi-je des conseils ? Ah ! Vous êtes plus savantes que moi dans le grand art de faire le bien et de le bien faire »951.

  • 952 Règlement de la Première Division, ch. Ier, p. 1 et Règlement de la Deuxième Division, ch. 1er, ar (...)
  • 953 Anot, Discours du 5 avril 1821, pp. 10-11

48De la Révolution à la Restauration, la mission féminine ne s’est donc pas forcément élargie, mais plutôt officialisée dans le cadre associatif. Les femmes y poursuivent publiquement et mieux armées l’instruction chrétienne sur différents « territoires ». Sur elles reposent, de plus en plus, la transmission de la foi au sein des familles. Non pas que les hommes en soient exclus ou incapables, leurs règlements les responsabilisent face au devoir d’éducation religieuse à donner aux enfants952, mais leurs épouses ou sœurs évoluent dans un registre qu’on reconnaît moins aux hommes et qui s’ajoute à leur qualité de constance : celui de la sensibilité, une corde que la pastorale post-révolutionnaire développe largement. Comme elles surent conserver la lumière de la foi dans le cercle étroit de la famille, elles sont invitées à faire valoir leur expérience en dehors de la religion domestique et à prendre leur part dans la recatholicisation de la cité. Autant Macquart ne doute guère de l’implication des Dames pour, « par une heureuse contagion », communiquer leur foi aux femmes des « classes inférieures de la société », autant son collègue Anot semble trouver nécessaire d’exhorter vivement les Messieurs. Ils ont pour obligation de ne pas se dérober car, leur explique-t-il, « la retraite serait criminelle pour celui que Dieu a destiné à un de ces emplois nécessaires au maintien de l’ordre dans la société ». Le directeur ajoute encore : « tout deviendra honorable par votre exemple ; en vous déclarant pour le culte religieux, vous lui ôterez ce ridicule impie que le monde lui donne. Vos mœurs deviendront peu à peu les mœurs publiques, et ce renouvellement si désiré, si nécessaire, sera votre ouvrage ». Alors, « ceux que la Providence a placés à quelques distances au-dessous de vous [...] se feront une gloire de copier vos mœurs », « vos subordonnés iront sur vos pas à l’autel ; ils seront même flattés d’une ressemblance qui, en les rapprochant de votre conduite, semble les rapprocher de votre rang »953.

49En développant avec autant de précisions les moyens de traiter ses subordonnés ou d’accepter de parler et de collaborer avec les ouvriers, le discours associatif semble bien se mettre au service d’une morale sociale et politique, socle sur lequel doit se recomposer un ordre chrétien et traditionnel de la société. Quant au bilan de l’action des associations charitables, il est difficile à apprécier pour lui-même. Au sujet de la restauration de l’Eglise, comme les confréries furent associées à tous les grands chantiers, une part de cet accomplissement doit leur être reconnu. Le succès est moins certain dans le domaine de la rechristianisation de la société, essentiellement à cause de deux handicaps. Le premier est conjoncturel, il résulte de la coïncidence du peu d’années avant la révolution de 1830 et de la forte identification des sociétés à la frange monarchiste traditionnelle des villes. Le second tient à la qualité même des œuvres. Dispensées au nom d’une charité très traditionnelle, on est en droit de se demander si de telles propositions étaient réellement adaptées à la réalité sociale des années 1820. Elles ne le sont apparemment pas totalement car ce sont des actions plus originales qui émergeront avec succès au cours de la décennie suivante, fondant un autre catholicisme social, à l’exemple des conférences de saint Vincent de Paul.

50Ainsi, entre 1801 et 1830, surtout après 1815, les fraternités pieuses retrouvent une dimension ecclésiale et un rang dans la société urbaine. Leur apport à la reconstruction du catholicisme est indéniable. Elles parviennent à ce résultat en mobilisant des fidèles animés par la vive conscience qu’ils ont de leur rôle dans le redressement catholique. Ils sont eux-mêmes encadrés par un clergé en pleine recomposition qui, à travers la prédication ordinaire, extraordinaire (mission) ou imprimée – ne dit-on pas alors qu’un bon livre est un bon prédicateur-, canalise et oriente les fortes aspirations d’hommes et de femmes laïques. La piété qu’on y vit est une piété d’adhésion fréquente aux trésors de grâces dont l’Eglise est la dispensatrice sur terre au nom de Dieu et qui, pour obtenir ces richesse en abondance, se tourne de plus en plus vers Rome. Toute la population catholique ne se retrouve pourtant pas dans ce nouvel élan de dévotion et les pratiques issues d’un certain gallicanisme sont loin d’être mortes en ville comme dans les diocèses. Cependant, les associations participent au combat contre ces manières d’être chrétien dans le monde, doctrines jugées trop asséchantes et, pis encore, responsables de l’éclipse révolutionnaire. Tout comme elle redonne de l’importance à la vie sacramentelle, à la prière communautaire et personnelle et à la réception des indulgences, la confrérie contribue très largement au réveil des œuvres. Il est même certain qu’elle est redevenue, au cours de ces décennies, l’une des modalités d’action privilégiée des laïcs. Ainsi restaurée, la confrérie a bien sa place dans les composantes actives qui font « [l’] l’été de la Saint Martin de l’Eglise catholique » (C. Langlois).

Notes

852 Voir M. Bée, « Histoire contemporaine des charités normandes. Questions de méthode », In ; Les confréries du Moyen Age à nos jours. Nouvelles approches, op. cit., p. 59.

853 Instruction pour la confrérie du Saint Rosaire, Troyes, 1819, p. 24.

854 Règlement de la congrégation de la sainte Vierge de Châlons, op. cit., art. 1er.

855 . Règlement de la Deuxième Division, op. cit., ch. 1er, art. 1er.

856 Par exemple la congrégation de la Sainte Vierge de Châlons, art. II : « toutes les associées doivent s’éloigner de tout ce qui pourrait être pour elles une occasion de péché ; telles que les danses, les spectacles, les mauvaises compagnies, les modes indécentes, parures affectées, la lecture des mauvais livres ».

857 Idem, art. 1er.

858 « le nombre des Associés est illimité » précise le Règlement de la Deuxième Division, ch. IV, art. 1.

859 C. Sarazin, op. cit., pp. 19-20. Les femmes furent les premières à se rassembler le dimanche 11 février, les hommes une semaine après.

860 A l’exception de 7 laïcs ardennaiss dans une seconde liste de 1826.

861 B.M.R., CR. V. 2145. ATC.

862 B.M.R., CR. IV. 503 (4). M.

863 Discours prononcé au Calvaire de la Mission de Rheims, le Dimanche 16 septembre 1821, par M. Bertin, Curé de Saint-Remi, Rheims, s.d.

864 B.M.R CR. IV. 503 (5). M.

865 A.D.A.. V 558, La très forte augmentation du nombre des associés eût lieu en 1832 avec 2166 noms inscrits, elle est à mettre en rapport avec le choléra qui frappe alors l’Aube.

866 A.D.A., V 557, l’exception est Marie-Anne Levasseur, demeurant à Paris.

867 A.D.A., V 556 (Hommes) et 557 (Femmes).

868 G. Boussinescq et G. Laurent, Histoire de Reims... op. cit., pp. 393-396.

869 Gérusez, professeur au Collège royal et ex-génovéfain, est l’auteur de Description... op. cit.

870 Grassière a écrit Précis historique de la Restauration de la Métropole de Rheims, Rheims, 1822.

871 G. Clause, Le département de la Marne... op. cit., pp. 561-562 et 580.

872 Histoire des principales missions..., op. cit., pp. 56-57.

873 P. Desportes (ss dir), Histoire de Reims, op. cit., p. 289.

874 A.D.A., V 556, Premier registre des Hommes, p. 3

875 Idem, p. 4.

876 Ch. Cerf, In T.A.N.R., vol. XCII, pp. 365 et suivantes.

877 E. Bouchez, Le clergé du pays rémois pendant la Révolution, Reims, 1913, pp. 108-109.

878 Idem, op. cit., pp. 95-96, 103 et 231-232.

879 Pratiques religieuses..., op. cit., p. 521.

880 G. Clause, Le département de la Marne..., op. cit., p. 588.

881 Pol Gosset, « Les médecins et les chirurgiens rémois... », In T.A.N.R.. 143° vol., 1928-1929, p. 254.

882 G. Clause, op. cit., p. 588.

883 Idem, p. 588 et 593.

884 A rapprocher de la réflexion de B. Plongeron, « sociabilité religieuse et acculturation révolutionnaire ». In : Annales historiques de la Révolution Française, no 306, op. cit., p. 596.

885 Règlement de la deuxième Division des hommes, ch. III, pp. 8-11.

886 Idem, ch. IV, art. 4, p. 13.

887 Ibidem, ch. IV, art. 8, p. 14.

888 B.M.R.. mss 1745, pièce 10.

889 B.M.T., cart. loc., in 4°, 365, Tableau des SS. exercices et des messes qui sont célébrés, pendant l’année, par les associés du Sacré Cœur de Jésus, dans la chapelle de l’Association, Troyes, André, s.d.

890 Règlement de la congrégation de la Sainte Vierge de Châlons, art. IV.

891 B.M.T., RR 262, parution faite à Châlons. Mercier, 1805.

892 Porrentruy. op. cit., pp. 69-76.

893 A. diocésaines de Châlons, dossier Saint Alpin, lettre à Caprara rédigée à Paris le 7 août 1805.

894 Manuel de la confrérie de Saint-Roch..., op. cit.. pp. 9-10.

895 Quelques-unes naîtraient sans indulgences (confréries châlonnaises de sainte Agathe), mais pour le plus grand nombre des indulgences sont octroyées à leur établissement.

896 Confrérie du Saint Rosaire établie dans l’église Saint Jean de Troyes..op. cit., p. 3.

897 Confrérie de Notre-Dame du Mont Carmel.... op. cit., p. 1.

898 Association à la pieuse confrérie du Sacré-Cœur de Jésus..., op. cit.. pp. 8-15.

899 Anot, Discours du 2 août 1821, pp. 8-9.

900 Règlement de la confrérie de la Compassion, art. 2, p. 11 ; et B.M.R., CH.P.445, art. 13.

901 Explication des indulgences accordées..., op. cit., art. 5.

902 B.M.T., Instruction sur la confrérie du Saint-Rosaire..., Troyes, 1819, pp. 20-21.

903 Règlement de l’Association des Hommes, 1 ° Division, ch. IV, art. 5, p. 6.

904 Confrérie du SS Sacrement érigée..., op. cit.

905 Instruction pour la confrérie du Saint Rosaire, Troyes, 1819, pp. 12-16.

906 Instruction pour les confrères et consœurs de la confrérie du Rosaire..., s.d.

907 Instruction pour la confrérie du Saint Rosaire..., op. cit., p. 24

908 E. Povillon-Piérard, Notice..., op. cit., fol. 249/r°.

909 Confrérie du Saint Rosaire établie dans l’Eglise Saint Jean de Troyes..., op. cit., p. 2.

910 B.M.R., mss 1745, pièce no 10. Projet de règlement association du Rosaire..., op. cit., ch. IV, art. 7.

911 Explication des indulgences accordées..., op. cit., pp. 18-24.

912 Règlement de la Congrégation de la sainte Vierge, Châlons, 1826, art. IX.

913 Instruction pour la confrérie du saint Rosaire..., op. cit., p. 8.

914 Les règlements donnés par Mgr de la Tour du Pin à toutes les confréries de son diocèse ne font aucune place à la prédication privée et réservée.

915 Explication des indulgences accordées à la confrérie de Notre Dame de Châlons..., op. cit.. art. 4.

916 Règlement de l’association des hommes, Seconde division, art. 2, p. 3.

917 Règlement des hommes. Seconde Division, ch. III, art. 7.

918 Idem. ch. III, art. 6.

919 Anot décède au cours de cette année 1822.

920 La persévérance du Père Anot est d’autant plus remarquable que les statuts demandent au directeur de « se faire un devoir d’y prononcer, au moins de temps en temps, une courte exhortation » (Règlement de la 1ère Division, ch. IV, art. 3).

921 Discours prononcés par M. Anot..., op. cit.

922 Anot, Discours du 6 septembre, pp. 18-19.

923 Règlement de la congrégation de la Sainte-Vierge, op. cit., art. III.

924 Ce qui n’empêche pas le Père Anot de leur conseiller de bonnes lectures dès le premier discours prononcé, le 14 mars 1821 : « Sont-ils donc barbares dans leurs écrits, les Pascal, (Pensées de cet auteur), les Bourdaloue, les Massillon, les Bossuet, les Fénélon, les Chateaubriand ? Un ouvrage religieux n’exclut point les ornemens ; il est des écrivains qui joignent la politesse et les attraits du style à l’innocence des pensées, et qui ont réconcilié la science du salut avec l’éloquence de la diction » (p. 12).

925 Règlement de l’association des hommes, Seconde Division, ch. Ier, art. 5.

926 Règlement Deuxième Division, chapitre Ier, articles 5, 6 et 7. Plus avare de détails, le règlement de la congrégation de la Sainte Vierge aborde la question de la bibliothèque à l’article X.

927 J. Quéniart, « Les bibliothèques ecclésiastiques à Rennes au XVIIIe siècle », In : R.H.E.F., t. 83, 1997, pp. 206-207.

928 Règlement de l’association, Première Division, p. 2.

929 Elle est fournie par l’article 6 du règlement de la Seconde Division. En voici l’énumération complète :
« Le catéchisme du diocèse, le Catéchisme historique de Fleury, le Catéchisme de Montpellier et autres Grands Catéchismes, où les vérités de la Religion sont bien expliquées : la Bible de Royaumont, le Nouveau Testament en français, la Vie des Saints, l’Imitation de Jésus Christ, le Combat spirituel, les Œuvres de Louis de Grenade. l’Introduction à la Vie dévote et les Lettres de S. François de Sales, les Mœurs des Israëlites, l’Histoire de la Religion, de Lhomond ; l’Ame élevée à Dieu ; le Petit Pensez-y-bien, etc. »

930 P. Martin, « Le livre de piété en Lorraine », in : R.H.E.F., t. 83, no 210, 1997, p. 168.

931 Histoire du Christianisme, t. 10, pp. 878-879.

932 Hommage rendu à la mémoire de M. l’Abbé ANOT, chanoine de Rheims, Aumônier des Prisons, DANS le Discours d’ouverture des Assises de la marne, session de novembre 1823, prononcé par M. Sannegon, Président, imprimé par le vœu et par l’ordre du Tribunal Civil de Rheims, p. 2

933 Anot, Discours du 7 juin 1821, pp. 11-12.

934 Idem, Discours du 14 mars 1821, pp. 13 et 19-20.

935 Règlement de la Seconde Division, ch. Ier, art. 3.

936 Règlement de la congrégation de la Sainte-Vierge de Notre-Dame de Châlons, art. Ier.

937 Règlement de la Première Division, ch. 1er, p. 2.

938 Décret d’érection de la confrérie de la Compassion de la Très-Sainte-Vierge....op. cit.. pp. 11-12.

939 Règlement de la Deuxième Division, ch. VI, art. 1 à 5.

940 Règlement de la Première Division, ch. 1er, p. 1.

941 Anot, Discours du 8 novembre 1821, pp. 22-23. Afin de pousser son auditoire à cette œuvre, Anot agite la menace de devoir rendre des comptes non seulement à la génération suivante, mais aussi à Dieu : « malheur à nous, si nos derniers neveux, dans leurs derniers déchiremens, nous accusaient de n’avoir pas empêché leur ruine, faute de zèle pour les intérêts de l’Eglise ».

942 Anot, Discours du 4 octobre 1821, pp. 5-7.

943 Règlement de la Première Division, ch. 1er, p. 2.

944 P. Desportes (ss dir). Histoire de Reims, op. cit., pp. 285-286. C’est l’unique congrégation tolérée.

945 O. Devaux, « L’influence de l’Aa dans l’enseignement à Toulouse de 1789 à 1820 », In : Pratiques religieuses.... op. cit., pp. 469-475 ; G. Cholvy, La religion en France..., Paris, 1991, p. 37.

946 Règlement de la congrégation de la Sainte-Vierge, préambule et art. XI.

947 Le détail des devoirs est le même entre les deux congrégations de la Sainte Vierge. La seule différence est qu’on préconise à Reims, l’usage du « petit catéchisme de Bossuet » (E. Povillon-Piérard, Notice..., op. cit., fol. 242/v°, art. XX, p. 13).

948 Macquart, Discours d’ouverture du 13 mars 1821, Reims, Le Bâtard, pp. 4-5.

949 D. Dinet, « Les communautés religieuses féminines de Bourgogne et de Champagne face à la Révolution », In : Pratiques religieuses..., op. cit., pp. 475-484.

950 G. Gadbois, « Vous êtes presque la seule consolation de l’Eglise. La foi des femmes face à la déchristianisation de 1789 à 1880 », In La religion de ma mère, Paris, 1992, pp. 301-325.

951 Macquart, op. cit.. pp. 9-10.

952 Règlement de la Première Division, ch. Ier, p. 1 et Règlement de la Deuxième Division, ch. 1er, art. 2.

953 Anot, Discours du 5 avril 1821, pp. 10-11

Table des illustrations

Titre Mouvement des entrées dans l’Association du Sacré-Cœur à la cathédrale de Troyes de 1821 à 1837
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