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La Côte d’Opale en guerre d’Algérie 1954-1962

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Marc Coppin

Partie III : Les particularismes locaux face à la guerre d'Algérie

Boulogne-sur-Mer, Dunkerque, municipalités socialistes

Texte intégral

1La vague gaulliste qui a submergé Calais n’a pas affecté les deux autres grandes agglomérations de la Côte d’Opale. Le grand port de la mer du Nord et le premier port de pêche de France sont restés des fiefs de gauche lors des différentes consultations électorales. Pourquoi les habitants de Boulogne-sur-Mer et de Dunkerque sont-ils restés insensibles, du moins en apparence, au retour du général de Gaulle ? Le poids des personnalités locales serait évident et expliquerait pour partie l’opposition plus franche au chef de l’État. Mais Boulogne, comme Dunkerque, souffre en raison du conflit, et ces deux villes, réticentes lors des élections, n’en soutiennent pas moins le Président lorsque la République est en danger.

Le poids de la gauche et la prépondérance des socialistes

Les résultats électoraux1

  • 1 Les résultats électoraux sont issus de Hilaire Y.-M., Ménager B. (dir.), Atlas électoral Nord-Pas-d (...)

2Lorsque commence la guerre d’Algérie, le mode de scrutin est mixte, à la fois majoritaire et proportionnel. Il s’agit d’un scrutin de liste départemental à un tour avec apparentement, mis en place depuis 1951. Cela signifie que les listes sont autorisées à conclure entre elles des accords préalables, nommés apparentements. Si une liste ou un groupe de listes apparentées dépassent la majorité absolue des suffrages, ils obtiennent la totalité des sièges, qu’ils se partagent proportionnellement. Dans le cas contraire, la répartition des sièges s’opère à la proportionnelle. La Côte d’Opale comprend la 1re circonscription du Nord et la 1re du Pas-de-Calais. Les députés sont, pour la circonscription du Nord : André Pierrard pour le PCF, Marcel Darou, socialiste d’Hazebrouck, Auguste Damette, élu sous l’étiquette du RPF et Paul Reynaud, indépendant. Pour le Pas-de-Calais, Gaston Dassonville représente le PCF, Louis Le Sénéchal et Henri Henneguelle la SFIO, Jean Febvay les Indépendants et Jacques Vendroux l’Union des Républicains d’action sociale.

Doc. 17 : Carte des circonscriptions électorales de la Côte d’Opale sous la IVe République.

Doc. 17 : Carte des circonscriptions électorales de la Côte d’Opale sous la IVe République.

Source : Bethouart B., « Le littoral depuis la Libération : son évolution politique », Bulletin historique et artistique du Calaisis, no 166-167-168, janvier 2000, p. 51 à 96.

3Lors des élections du 2 janvier 1956, la droite et le centre rappellent avec fermeté que « l’Algérie c’est la France ». Le Parti communiste appelle lui au retour de la paix, mais se garde bien d’évoquer l’indépendance. Les positions les plus claires sont avancées par les candidats du Front républicain, alliance de centre gauche qui regroupe la SFIO, l’Union Démocratique et Socialiste de la Résistance de François Mitterrand, et certains républicains sociaux derrière Chaban-Delmas. Cette alliance est dominée par la personnalité de Pierre Mendès France, qui a mis fin à la guerre d’Indochine en juillet 1954, et de Guy Mollet qui évoque « une guerre imbécile et sans issue ».

  • 2 Batte A., Jeannil Dumortier (1911-1993), mémoire de maîtrise, ULCO, dir. B. Béthouart, 1998, 187 p.
  • 3 Batte A., op. cit.

4Dans la 1re circonscription du Pas-de-Calais, aucun apparentement n’est conclu. Six listes se présentent. La liste SFIO est emmenée par Jeannil Dumortier. C’est une surprise car le leader naturel est Henri Henneguelle, mais il semble que le maire de Boulogne subisse les conséquences de son alliance avec les communistes lors des municipales de 19532. La liste communiste est conduite par Auguste Defrance, 1er adjoint au maire de Boulogne ; celle du MRP, liste d’Action Sociale, Familiale et Rurale, par Henri Bekkens, conseiller municipal de Calais ; celle de l’Union des républicains indépendants et des paysans par Jean Febvay, député sortant et ancien maire de Boulogne ; celle de l’UDCA, liste d’Union et fraternité française, par Paul Bracquart, un commerçant. Enfin, une liste des Républicains sociaux, partisans de de Gaulle, est dirigée par Jacques Vendroux, député sortant. La liste SFIO reçoit le soutien nominal de Louis le Sénéchal, le maire de Marquise, député sortant, qui, pour raisons de santé, ne se représente pas. Dans cette circonscription, le taux de participation atteint 86,9 %. C’est la liste SFIO conduite par Jeannil Dumortier qui arrive en tête, avec 35,2 % des suffrages. Elle obtient trois élus, contre deux en 1951 : Jeannil Dumortier, Henri Henneguelle et André Parmentier, le maire de Calais. Elle distance le Parti communiste, 21,2 %, et les républicains indépendants, 16 %, qui décrochent un siège chacun, attribués à Auguste Defrance et Jean Febvay. Les trois dernières listes n’ont aucun élu3.

  • 4 http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/biographies/IVRepublique/darou-marcel-03081896.asp

5Le vote de gauche s’oriente plus facilement sur le littoral vers la SFIO que vers le PCF qui obtient près de 10 points de moins que la moyenne départementale. Le pourcentage supérieur des républicains sociaux sur la Côte d’Opale s’explique par la personnalité de Jacques Vendroux. Dans la première circonscription du Nord, un accord d’apparentement est conclu entre les listes SFIO et radicale-socialiste. Marcel Darou qui conduit à nouveau la liste du Parti socialiste est facilement réélu. Albert Denvers, sénateur-maire de Gravelines, qui figure en second sur la liste emporte un deuxième siège pour les socialistes, siège pris à Auguste Damette, député sortant et candidat des indépendants4. La liste communiste fait 17 % et André Pierrard est élu, loin en voix derrière Paul Reynaud et sa liste d’Union des indépendants et paysans et des républicains sociaux. La Côte d’Opale envoie donc en 1956 à l’Assemblée cinq députés socialistes, deux communistes et deux indépendants.

Doc. 18 : Députés du littoral élus en 1956.

PCF

SFIO

Indépendants

Defrance Auguste
Pierrard André

Darou Marcel
Denvers Albert
Dumortier Jeannil
Henneguelle Henri
Parmentier André

Febvay Jean
Reynaud Paul

Source : site de l’Assemblée nationale.

  • 5 Voir doc. 27, chapitre suivant.

6Avec la Ve République le scrutin devient uninominal, majoritaire à deux tours. Le littoral est découpé en huit circonscriptions électorales, cinq pour le département du Pas-de-Calais, trois pour celui du Nord5. En ce qui concerne Boulogne-sur-Mer, la ville est divisée en deux. La cinquième circonscription comprend les cantons de Boulogne Sud, Desvres et Samer. La sixième regroupe ceux de Boulogne Nord, Ardres, Guînes, Lumbres et Marquise. Quant à Dunkerque, les cantons ouest et est de la ville ainsi que celui de Gravelines, forment la 11e circonscription du Nord. Les Français sont d’abord appelés à se prononcer sur les nouvelles institutions par référendum le 28 septembre 1958.

Doc. 19 : Résultats du référendum du 28 septembre 1958.

Résultats

Nord

Pas-de-Calais

France

Abstentions

10,1 %

10,2 %

15,10 %

OUI

69,4 %

66,5 %

66,40 %

NON

19,2 %

22 %

17,40. %

Source : Hilaire Y.-M., Ménager B. (dir.), Atlas électoral Nord-Pas-de-Calais.

  • 6 Hilaire Y.-M., Ménager B. (dir.), Atlas électoral Nord-Pas-de-Calais, p. 60.
  • 7 Dedelot A., Henri Henneguelle, un homme politique boulonnais, mémoire de Maîtrise, ULCO, dir. B. Bé (...)

7La presse de la région se montre favorable au « oui », à l’exception du journal communiste Liberté qui fait campagne pour le « non ». La Voix du Nord s’engage à fond le 28 septembre : « En ce jour historique, La Voix du Nord se permet de vous demander avec force et insistance et toute sa puissance de persuasion de répondre en masse à l’appel de la France, d’accomplir votre devoir civique et de voter OUI ». Dans les deux départements les plus « civiques de France », la faiblesse de l’abstentionnisme explique que la proportion des OUI et celles des NON puissent être tous deux supérieurs à la moyenne nationale6. Dans le Boulonnais, le « oui » a été écrasant dans toutes les communes rurales. Même les citadelles socialo-communistes se sont prononcées favorablement. À Boulogne-sur-Mer, 78,13 % des votants ont approuvé le projet de constitution, contre 29,9 % qui l’ont rejeté7.

8Les élections législatives ont lieu au mois de novembre. La Croix du Nord prétend que les chrétiens sont obligés en conscience de ne voter ni communiste, ni socialiste. Au second tour elle prescrit la discipline de vote en faveur du candidat antimarxiste le mieux placé, excepté dans les circonscriptions où l’élection d’un socialiste est un moindre mal pour empêcher celle d’un communiste. Cette option profite très souvent à l’UNR.

9Au soir du 30 novembre 1958, une majorité de droite se dégage sur la Côte d’Opale avec trois députés UNR, dont Henri Collette dans la 6e circonscription, et deux indépendants. À gauche, la SFIO remporte deux sièges, un à Dunkerque, avec Albert Denvers, l’autre à Boulogne Sud avec Jeannil Dumortier, ce qui confirme bien l’exception littorale de ces deux agglomérations. Le siège de député du Montreuillois est remporté par un divers gauche. Il n’y a plus de députés communistes. En pleine vague gaulliste, la gauche résiste bien dans les cantons de Boulogne Sud, où la majorité absolue est atteinte, Samer et Marquise avec respectivement 49,3 et 49,9 % des voix. Le centre droit et l’UNR sont majoritaires à Desvres, Boulogne Nord, Ardres, Guînes et Lumbres. La majorité absolue des voix n’est atteinte que dans les cantons de Guînes et Ardres.

Doc. 20 : Résultats électoraux dans les cantons du Boulonnais. Législatives de 1958.

CANTONS

PCF

Gauche non communiste

Centre droit

UNR

BOULOGNE S.

14,3

39

10,4

10,2

DESVRES

11,9

22,5

26

15,6

SAMER

20,8

28,5

16,3

6,6

BOULOGNE N.

14,7

20,9

19

22,2

ARDRES

6,7

20,3

13,2

40,7

GUINES

9,6

17,8

10,1

44,1

LUMBRES

7,1

35,2

19,4

23,6

MARQUISE

12,8

37,1

19,3

18,2

Source : HILAIRE Y.-M., MENAGER B. (dir.), Atlas électoral Nord-Pas-de-Calais, 1946-1972

10Un gaullisme d’électorat populaire se met donc en place sur la Côte d’Opale, à l’exception d’une partie du Boulonnais et du Dunkerquois.

Les personnalités politiques locales

  • 8 Bougard P., Nolibos A., Le Pas-de-Calais de la préhistoire à nos jours, Saint-Jean d’Angély, Bourde (...)

11La prépondérance des socialistes sur le littoral est historique. Le Pas-de-Calais constitue depuis 1936, et surtout depuis la Libération, un bastion de la gauche. Toujours majoritaire en voix et sièges, les grands partis de gauche ont cependant évolué différemment, puisque la SFIO puis le parti socialiste ont dépassé le PCF après 19568. Les résultats de la SFIO sont bien supérieurs dans la région Nord-Pas-de-Calais à ce qu’ils sont au niveau national.

12Le deuxième facteur est le poids de personnalités locales. Henri Henneguelle représente sur le littoral la puissance du parti socialiste sous la IVe République. Résistant, il est responsable militaire de « Libé-Nord » pour toute la région nord de la France, il siège au comité départemental de Libération du Pas-de-Calais dès sa création. Élu maire de Boulogne-sur-Mer de 1945 à 1947, il est réélu en 1953. Député de la circonscription du Pas-de-Calais de 1945 à 1958, il siège au conseil général du Pas-de-Calais, dont il est le vice-président après 1961. Le résistant qui déclare en 1947 au général de Gaulle en visite dans sa ville : « Boulogne aura toujours un cœur pour vous honorer » est devenu un adversaire farouche, qui condamne « la constitution d’un pouvoir personnel par de Gaulle ». En juillet 1958, il déclare :

  • 9 Dedelot A., op. cit.

J’ai été gaulliste. J’ai été gaulliste en un temps même où beaucoup ne l’étaient pas. J’ai entendu l’appel du 18 juin et j’ai même eu l’occasion de le suivre. J’ai été condamné à mort le 11 février 1944, et j’ai été médaillé de la résistance le 11 avril 1944 par le général de Gaulle lui-même et j’ai le diplôme signé de sa main. J’ai été gaulliste à cette époque, et ce n’était pas du tout la même chose que d’être gaulliste aujourd’hui. J’ai été gaulliste à une époque où tant d’autres ne l’étaient pas, et je ne le suis plus à une époque où tant d’autres de ceux qui avaient condamné de Gaulle à mort le deviennent. De sorte que voyez-vous, je n’ai pas honte de ne plus l’être aujourd’hui9.

13Cette position en décalage avec la majorité de l’opinion publique explique les résultats des législatives du mois de novembre 1958. Henri Henneguelle perd son siège de député. Sur 10 159 suffrages exprimés, il n’en obtient que 4 321 alors que Henri Collette, UNR totalise 5 838 voix.

14Lorsqu’il se présente aux suffrages des électeurs lors des municipales de 1959, Henri Henneguelle dirige depuis trois ans une équipe municipale composée uniquement de socialistes. Dans tout le département, la SFIO conclut donc de nouveaux accords avec le MRP au sein de « listes d’union républicaines ». Le 15 mars, la liste socialiste d’Henri Henneguelle domine largement le scrutin, avec 11 210 voix sur 18 594 exprimées, soit 60,3 % des suffrages. Conséquence du nouveau mode de scrutin, la liste complète est élue, tandis que la droite se trouve désormais totalement absente de la mairie.

15Dans le reste de l’agglomération boulonnaise, d’autres personnalités sont connues. Jeannil Dumortier, est élu conseiller municipal SFIO de Saint-Martin-les-Boulogne en 1938. Son activité de résistant se déroule dans le mouvement de Libération-Nord où il est responsable de la forteresse de Boulogne. Elle lui vaut, à la Libération, la Croix de guerre et la confiance de ses concitoyens qui le portent à la mairie de Saint-Martin-les-Boulogne. Il est réélu maire en 1947 et en 1953. En 1955, il réussit son entrée au Conseil général du Pas-de-Calais pour le canton de Boulogne-Sud. Membre du bureau de la fédération socialiste du Pas-de-Calais, il représente un appui fidèle pour Guy Mollet. En 1956, il conduit la liste de la SFIO dans la première circonscription du Pas-de-Calais devant Henri Henneguelle, député sortant. Comme Guy Mollet, il accorde sa confiance au général de Gaulle le 1er juin 1958 et vote les pleins pouvoirs ainsi que la révision constitutionnelle le 2 juin 1958. La participation au second tour est la même que lors du premier : 82,2 %. La triangulaire est remportée par le candidat socialiste, Jeannil Dumortier. Avec 41,3 %, il devance Henri Bourgain d’un peu plus de 1 400 voix.

  • 10 Chochois S.-W., Raymond Splingard (1912-1995) “Le socialisme en action”, mémoire de Maîtrise, ULCO, (...)

16Raymond Splingard, suppléant de Jeannil Dumortier est le maire socialiste d’Outreau, première ville conquise par la SFIO en 1919 dans le Boulonnais. Outreau est la seconde commune du Boulonnais, par sa population et son importance économique. Au cœur de la 5e circonscription du Pas-de-Calais, Raymond Spinglard parle de sa commune comme d’« un fief dans le fief » socialiste. Il semble dès cette époque assez hostile à de Gaulle, même s’il reste aligné aux décisions de son parti. Ainsi appelle-t-il à voter en faveur du référendum du 8 janvier 1961, mais, il ne mobilise pas la section socialiste d’Outreau. Le « oui » l’emporte avec 62,4 % des suffrages, alors qu’à Saint-Martin où Jeannil Dumortier apporte un soutien plus ferme au référendum, il recueille 73,7 % des voix10.

  • 11 Les notes biographiques proviennent soit de HILAIRE Y.-M., MENAGER B. (dir.), Atlas électoral Nord- (...)
  • 12 Vandesompelle A-S, Jean Febvay et le gaullisme à Boulogne-sur-Mer, mémoire de Maîtrise, ULCO, dir. (...)
  • 13 Ibid.

17Jean Febvay, né en 1908 à Boulogne-sur-Mer, est avocat. Il est maire de Boulogne de 1947 à 1953. Il est élu député de 1951 à 1958 sous l’étiquette RPF puis indépendant. Il préside la Commission de la Marine Marchande et des pêches de l’Assemblée nationale de 1954 à 195811. Lors des élections de 1956, la liste des indépendants, menée par Jean Febvay, et la liste des républicains sociaux, dirigée par Jacques Vendroux, sont rivales. Ce dernier est combattu par son second de 1951, et l’union des deux hommes est définitivement rompue12. Jacques Vendroux a le soutien de M. Limousin, conseiller général du canton de Fauquembergues, et maire de Fléchin. Le troisième candidat de la liste est M. Branquart, un jeune cultivateur, Mme Jaillette-Aubrun, docteur en médecine, et Marcel Béraud, dentiste et conseiller municipal à Berck, viennent compléter la liste. Pierre Guillain, maire de Saint-Omer, est second sur la liste de Jean Febvay. Henri Catteau, démocrate-chrétien, maire d’Hesdin, arrive en troisième position. La liste des indépendants comprend également Jules Lefebvre, qui est le conseiller municipal et l’ancien maire de Calais, ainsi que Gaston Declémy, un indépendant paysan, qui est le maire de Louches13. Face à une SFIO en progrès qui passe de 26 % à 34,8 % des voix, la division de la droite fait échouer Jacques Vendroux mais permet à Jean Febvay d’être élu avec 15,8 % des suffrages et 33 727 voix. La vague gaulliste de 1958, marque la fin de la carrière politique de Jean Febvay qui se présente dans la 6e circonscription du Pas-de-Calais, il est battu par Henri Collette.

18Louis Le Sénéchal, né en 1910. Résistant, instituteur, militant socialiste et syndicaliste, il est maire de Marquise depuis 1945. Il préside le Conseil général du Pas-de-Calais de 1946 à 1954. Il est élu député en 1951 et 1956.

19Jean Bardol, communiste, conseiller général, sénateur à 35 ans seulement et maire de Saint-Étienne-au-Mont dans l’agglomération boulonnaise.

20Sur le littoral Nord également, quelques personnalités émergent. Paul Asseman est né en 1896 à Dunkerque. Adhérent SFIO puis socialiste autonome en 1953, hôtelier-restaurateur, il est conseiller municipal de Dunkerque de 1935 à 1940. Adjoint au maire de 1947 à 1953 puis Maire de 1953 à 1966. Il est aussi Conseiller général du canton de Dunkerque Ouest de 1958 à 1964.

21Marcel Darou, né le 3 août 1896 à Hazebrouck, instituteur puis directeur d’école, il est membre de la SFIO. Conseiller municipal et adjoint au maire d’Hazebrouck de 1935 à 1959. Membres des deux assemblées constituantes (1945-1946). Député du Nord entre 1946 et 1958. Il est sénateur depuis 1961.

22Albert Denvers est né en 1905. Instituteur, il adhère à la SFIO en 1928. En 1946 il est élu conseiller général puis sénateur du Nord. Il est maire de Gravelines depuis 1947. En 1956, il est élu député de la 1re circonscription du Nord puis à partir de 1958 de la 11e circonscription. Gravelines peut être considéré comme un véritable fief politique, la SFIO obtient seule la majorité absolue des suffrages, grâce incontestablement à la personnalité d’Albert Denvers.

23André Pierrard, né en 1916 à Coulsore dans le Nord. Instituteur, membre du PCF et du Comité de Libération du Pas-de-Calais en 1944. Il est élu député du Nord 1re conscription de 1946 à 1958, membre suppléant du Comité central du Parti communiste et directeur du journal « Liberté ».

  • 14 Bethouart B., op. cit.

24Paul Reynaud est une grande figure de la vie politique française. Chef d’un gouvernement où figure le général de Gaulle en mai 1940, Président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale de 1951 à 1958 et même ministre des Finances en 1948, il joue un rôle décisif dans la désignation du port de Dunkerque comme pôle d’implantation d’Usinor en 1956. Favorable au retour du général de Gaulle en 1958, il devient président du Conseil consultatif constitutionnel mais s’oppose rapidement à l’évolution du régime. Habile politique, il est élu grâce aux voix des ruraux des Flandres, il choisit de se porter candidat en 1958 dans la 12e circonscription, celle de Bergues, Bourbourg, Cassel, Hondschoote, Steenvoorde et Wormhout où, en tant que candidat unique de la droite, il obtient plus de 55 % des voix14.

25Ces fortes personnalités de gauche expliquent le climat d’opposition plus rude face au chef de l’État.

Une opposition plus franche à de Gaulle et au régime

Des manifestations plus hostiles

26Les souvenirs de Jean Bardol et la lecture de la presse laissent imaginer un parti communiste particulièrement actif dans l’agglomération boulonnaise.

  • 15 Bardol J., Un train de sénateur, édité par la SARL « Mémoire de militants », 6 rue du Dr Brousse, 6 (...)

À chaque session du Conseil Général, j’intervenais avec vigueur pour réclamer la négociation, ayant beaucoup de mal à me faire entendre. Les invectives pleuvaient : « vendu à Moscou », « traître ! ». Ça volait bas. Élus de droite et socialistes s’entendaient comme larrons en foire pour voter unanimement la question préalable posée par le Préfet pour empêcher la discussion des vœux que nous déposions.
Le 13 mai 1957, un an jour pour jour avant le coup d’État du 13 mai 1958 – c’est une coïncidence – je déposais le vœu suivant qui, je pense, reflétait bien la position de notre Parti :
« Considérant que la poursuite de la guerre d’Algérie est contraire à l’intérêt de la France et du peuple, que ses conséquences économiques et politiques sont désastreuses ;
Considérant que les méthodes employées qui découlent du caractère même de cette guerre (répression, tortures) déshonorent la nation ;
Considérant que c’est à la guerre elle-même qu’il faut mettre un terme ;
Les Conseillers Généraux communistes demandent :
L’ouverture immédiate de négociations pour le cessez-le-feu et le règlement pacifique du problème algérien en faisant droit à la revendication d’indépendance du peuple algérien. C’est en effet le seul moyen de mettre fin immédiatement à la guerre et à son cortège d’horreurs. Loin d’être une politique d’abandon, c’est la seule qui permettrait, pendant qu’il est encore temps, l’établissement entre la France et l’Algérie, sur une base d’égalité et d’amitié, de rapports particuliers profitables aux deux pays sur le plan politique, économique et culturel »15.

27Le retour du général de Gaulle est perçu comme un coup d’État, ce qui n’est pas rare chez les sympathisants de gauche, plus intéressante est la collusion supposée des socialistes avec la droite, qui laisse augurer d’un dialogue difficile entre le PCF et la SFIO. La violence n’est visiblement pas l’apanage des seuls conseillers généraux puisqu’en mai 1958, « Un commando communiste attaque deux colleurs d’affiches », titre La Voix du Nord.

  • 16 La Voix du Nord, édition Boulogne-sur-Mer, 18-19 mai 1958, p. 4.

Il était environ 20h30, vendredi, dans le bas de la Grande-Rue, près de l’église Saint-Nicolas, deux hommes étaient occupés à coller des affiches reproduisant la déclaration du général de Gaulle. Soudain, trois voitures s’arrêtèrent non loin de là. En descendirent une douzaine d’hommes, communistes notoires, qui, après avoir insulté les deux colleurs d’affiches, se jetèrent sur eux et les rouèrent de coups, puis remontèrent dans leur voiture. Les deux hommes gisaient sur le sol. Ils ont été examinés par le docteur Backtrog qui leur a prescrit une incapacité de travail de dix jours16.

  • 17 La Voix du Nord, édition Boulogne-sur-Mer, 30 mai 1958, p. 5.
  • 18 AD du Nord, W142243 Événements de mai 1958, document soumis à dérogation.

28Le 29 mai 1958, une manifestation de « défense républicaine » a lieu à Boulogne-sur-Mer. Elle rassemble les socialistes, la CFTC, la Jeunesse socialiste, le MRP, le MLO, le Parti Radical, la Ligue des Droits de l’Homme, le Mouvement fédéraliste européen, la Libre pensée auxquels se sont joints CGT et PCF. Le cortège est dirigé par Henri Henneguelle, Louis Le Sénéchal, Raymond Spinglard et Jean Bardol. La manifestation a pour slogan « unité ! unité ! » et pour chant la Marseillaise, ce qui semble logique pour une « défense républicaine », suivie de l’Internationale, ce qui l’est peut-être moins17. Place Dalton un incident a lieu, le drapeau du Mouvement Fédéraliste Européen est déchiré, le responsable et son épouse sont frappés. Mais cette manifestation anti gaulliste ne rassemble qu’environ 600 personnes d’après les RG qui en attribuent l’organisation à la CGT, la CFTC, FO et au PCF18.

29En cette période, Boulogne voit s’affronter gaullistes et communistes.

Dès le 14 mai, les dockers et de nombreuses entreprises du bâtiment se mettent en grève. Ils seront suivis les jours suivants par la grande majorité des entreprises publiques et privées, des administrations. Des manifestations se déroulent presque chaque jour. La plus importante a lieu le 29 mai avec 9 000 à 10 000 personnes. Les socialistes de Boulogne y participent avec leur maire, Henri Henneguelle, le seul député SFIO du Pas-de-Calais qui refusera de voter l’investiture de de Gaulle. Il y perdra son siège en novembre de la même année.
Pendant toutes ces semaines, le parti communiste et la CGT se sont dépensés sans compter.
Avec Maurice Démaret, Robert Baillieu, Marcel Gournay, Jacques Grillet et quelques autres, nous nous réunissons journellement. À minuit, nous écoutons à la radio les dernières nouvelles. Deux ronéos sortent des milliers de tracts que les militants viennent retirer vers six heures du matin pour les distribuer à la porte des usines et des bureaux. Le soleil pointe quand je rentre à la maison pour me reposer quelques heures.
Nous connaissons aussi des nuits agitées, nous voulons rester maîtres des murs et du pavé, car en quelques jours les gaullistes se sont organisés. L’un d’entre eux, X… ancien « gorille » de de Gaulle ne dédaigne pas la manière forte. Comme un certain nombre de nos camarades, en particulier des jeunes, ne sont pas non plus des mauviettes, quand ils se rencontrent parfois la nuit, ce n’est pas pour échanger des civilités. Il n’y a que quelques horions échangés. Tant mieux.

30Le 26 mai 1958, un message est envoyé à 9 h 15 par un IGAME à la Direction Générale de la Sûreté Nationale.

  • 19 AD du Nord, W142243 Événements de mai 1958, document soumis à dérogation.

Le 25 mai à 19 heures, une délégation cégétiste de Dunkerque comprenant M. Duffuler Lucien, secrétaire des dockers, Boyer des Constructions Navales, Helers secrétaire d’UL CGT a été reçue par le Sous-préfet. Elle a assuré ce dernier du loyalisme des travailleurs de l’arrondissement de Dunkerque à l’égard de la République et de ses institutions.
À Dunkerque, à la sortie des Cinémas, Distribution de tracts du Parti Communiste : « De Gaulle au centre du complot contre le Président de la République » « Agissez pour briser l’assaut contre la République »19.

  • 20 Dedelot A., Henri Henneguelle, op. cit.
  • 21 Hilaire Y.M. (dir.), Histoire du Nord-Pas-de-Calais de 1900 à nos jours, éditions Privat, Toulouse, (...)

31Jean Lechantre, l’éditorialiste de Nord-Matin affirme que « Le recours à de Gaulle n’a pas de raison d’être »20. Pourtant la SFIO accepte le ralliement à de Gaulle et appelle à voter « oui » au référendum sur la nouvelle constitution. Mais les cadres politiques ne ratifient pas le gouvernement de de Gaulle dans l’enthousiasme. Les douze élus communistes de la région s’y opposent et avec Henri Henneguelle appellent au vote négatif. Malgré l’appui de Guy Mollet au nouveau gouvernement, cinq députés socialistes sur quinze refusent d’approuver ; le seul élu radical adopte la même conduite. Des élus régionaux ont des responsabilités : Guy Mollet et Eugène Thomas, ministres, Paul Reynaud président du Conseil consultatif constitutionnel21. Mais la SFIO quitte le gouvernement dès janvier 1959 et mène une opposition modérée au nouveau pouvoir.

  • 22 Hilaire Y.-M., Ménager B. (dir.), Atlas électoral, op. cit. p. 76.

32Après les accords d’Évian, l’opposition au chef de l’État devient plus vive, notamment lorsque le général de Gaulle demande aux Français leur avis sur l’élection du Président de la République au suffrage universel, le 28 octobre 1962. Les socialistes estiment qu’il s’agit d’une procédure anticonstitutionnelle, qui rompt l’équilibre des pouvoirs, en donnant une autorité excessive au chef de 1’État et donc condamnent une évolution vers le pouvoir personnel. Dans les colonnes de Liberté, « non au plébiscite » devient un slogan. Nord Matin utilise cette formule concurremment avec d’autres : « non à l’aventure, non à l’inconnu, non au césarisme, non au chantage »22. Jean Lechantre titre « Pouvoir personnel ou démocratie : verdict ce soir » le jour du référendum. Le 8 novembre 1962 « De Gaulle jette le masque. Il déclare la guerre à la démocratie ». Alors que Robert Décout, dans La Voix du Nord du 24 novembre 1962, écrit : « entre un gaulliste et un communiste, il ne saurait y avoir d’hésitation possible. Ce n’est pas de Gaulle qui menace la démocratie ».

33Jeannil Dumortier qui jusque-là soutenait les grandes décisions du chef de l’État, fait adopter par le conseil municipal saint-martinois, à l’unanimité, le vœu suivant :

  • 23 Brécy A, La vie municipale dans la commune de Saint-Martin-Boulogne depuis 1945, mémoire de Maîtris (...)

Le conseil municipal constate que le président a violé la constitution dont il devait être le gardien. Considérant qu’il ouvre une brèche par laquelle un aventurier pourrait passer un jour pour renverser la politique et supprimer les libertés. Considérant que la ratification de la question soumise au référendum serait une porte ouverte au pouvoir personnel et à la dictature... le conseil municipal demande à la population de Saint-Martin de répondre « Non » au référendum du 28 octobre, pour la paix publique, pour la liberté, pour la République une et indivisible23.

  • 24 Chochois S.-W., Raymond Splingard, op. cit.

34En dépit de cette recommandation, 58,4 % des Saint-Martinois répondent positivement au référendum. Mais à Outreau, la section socialiste menée par Raymond Splingard fait une campagne efficace, puisque le « non » l’emporte avec 56,8 % des voix. C’est la seule commune du canton à s’opposer au projet24.

Le poids des organisations politiques et syndicales

  • 25 Genty J.-R., « La guerre d’Algérie et la population du Nord-Pas-de-Calais, 1954-1962 », thèse de 3e (...)

35À Dunkerque, l’implantation communiste s’appuie avant tout sur la corporation très structurée des ouvriers du port25. Dans les années cinquante, se constitue une cellule relativement importante recrutant parmi les personnels du lycée Jean Bart. À partir de 1957, la question algérienne s’impose avec force dans le débat. Deux hommes jouent un rôle déterminant, François Faes, d’abord secrétaire de l’Union locale CGT puis secrétaire de la section communiste, et André Pierrard, membre du Comité Central du PCF et député de Dunkerque. Depuis 1956, André Pierrard se trouve en contact avec Francis Jeanson. Son magnétisme personnel regroupe autour de lui des militants qui œuvrent pour une certaine déstalinisation et pour une radicalisation du Parti vis-à-vis de la lutte algérienne. Leur force réside dans le fait qu’ils réussissent à ne pas se couper de la base ouvrière du parti.

Dans un de ses romans, La Fugue flamande, André Pierrard dépeint assez bien ce caractère particulier du communisme dunkerquois qui renvoie à de solides réminiscences anarcho-syndicalistes. Assez caractéristique à cet égard, apparaît la réaction d’un couple de cafetiers communistes de Bailleul qui hébergent par solidarité Krim, le dirigeant FLN moribond, traqué par la police, parce que dans la « sale guerre » qui se joue, il faut aider le gibier contre le chasseur.

36Cette mobilisation culmine lors des événements de mai 1958, alors que Dunkerque est contrôlé par les Comités de Vigilance Républicaine. Mais André Pierrard est battu aux élections législatives qui suivent.

  • 26 Nord Matin, 24 et 31 mai 1958, p. 4.

37En mai 1958, les « organisations libres de la région de Dunkerque », SFIO, MRP, UDSR, parti Radical et radical– socialiste, CGT-FO, union locale CFTC, FEN, Section Socialiste Autonome, lancent un appel à la vigilance qui se concrétise par la formation d’un Comité d’Action et de Défense républicaine pour la « défense de la légalité dans la République », avec les signatures, pour la SFIO, Liénard ; pour les Socialistes Autonomes, Castien ; pour le MRP, Maillard ; pour les Radicaux, Fingado ; pour l’UDSR, Bertrand ; pour la CGT-FO, Hulin ; pour la CFTC, Ponthieu et pour la FEN autonome ; Dumont26.

  • 27 Batte A., Jeannil Dumortier (1911-1993), op. cit.

38La SFIO est divisée sur le soutien à apporter à l’hypothèse de Gaulle27. Réunis le 31 mai, les représentants socialistes des groupes parlementaires se prononcent sur l’investiture. Le résultat est serré : 77 sont pour, 74 contre. Les députés sont majoritairement hostiles : 41 pour, 50 contre. Parmi ceux qui y sont favorables, se trouve notamment, outre Guy Mollet, Jeannil Dumortier. Henri Henneguelle, au contraire, se révèle un farouche adversaire au retour du général. Le lendemain, 1er juin 1958, à l’Assemblée nationale, 329 députés contre 250 votent l’investiture au gouvernement de Gaulle. Parmi les socialistes, maîtres de leurs votes, 42, dont Jeannil Dumortier, l’approuvent, 49 la refusent. Ce vote crée une certaine tension dans la région boulonnaise, les deux leaders locaux, Henneguelle et Dumortier, ayant des opinions antagonistes.

  • 28 Chochois S.-W., Raymond Splingard, op. cit.
  • 29 Entretien avec l’auteur.

39Le référendum du 28 septembre est un succès malgré l’appel pour le « non » lancé par le PCF. Le « oui » l’emporte avec 79,25 %. Dans le Boulonnais, le projet est largement adopté. Toutefois, Outreau se distingue puisqu’après une campagne active du parti communiste qui pèse de tout son poids politique, le « oui » l’emporte, mais avec « seulement » 64 % des voix28. Pour Achille Chassot, membre de la première heure du PSU, du Mouvement de la paix et du Centre d’action des gauches indépendantes, le général de Gaulle est un « facho », mais il ne se reconnaît pas dans un Henri Henneguelle qu’il juge trop « SFIO vieux style »29. Antigaulliste, il se souvient des manifestations « pour la paix en Algérie » avec la section de Boulogne du PSU.

  • 30 La Voix du Nord, 2 février 1960, p. 7.

40À l’occasion de la semaine des barricades, une grève d’une heure « en faveur de la politique du 16 septembre » est organisée par les syndicats boulonnais. La capacité à mobiliser est importante, aussi bien dans le secteur public que dans le privé30.

41Au moment du putsch des généraux, la mobilisation est aussi politique. La Fédération du Pas-de-Calais PSU demande à ses militants et à ses sympathisants de se joindre à toutes les forces de gauche décidées à faire échec au putsch militaire. Elle réclame le châtiment rapide des coupables et l’ouverture immédiate des négociations avec le GPRA. Les élus du Dunkerquois forment un cortège pour déposer une résolution à la sous-préfecture : Dessinguez, maire de Petite-Synthe ; Bournonville, maire de Rosendaël ; Varlet, conseiller général ; Mollet conseiller général, maire de Coudekerque-Branche ; Albert Denvers, député-maire de Gravelines ; Paul Asseman, maire de Dunkerque, conseiller général ; Tirmarche, maire de Saint-Pol-sur-Mer et Dubus, adjoint au maire de Dunkerque. À Boulogne-sur-Mer, plusieurs milliers de personnes défilent pour protester « contre le coup de force d’Alger ».

  • 31 La Voix du Nord, 25 avril 1961, p. 2, 3 et 5.

Les Boulonnais ont appris hier matin avec stupeur, par leurs journaux et la radio, les événements de la nuit à Paris. Ceux-ci ont fait l’objet de toutes les conversations. Mais comme il n’existe pas en fait de mouvement activistes dans la région, le calme n’à pas cessé de régner31.

42Ces manifestations ne sont pas du goût d’Albert Mac Kenna, responsable local de l’UDT (Union démocratique du travail, mouvement gaulliste de gauche), qui, selon les RG fait imprimer un tract en 4.000 exemplaires dont il doit prendre livraison en début de soirée d’après un rapport du 22 avril 1961.

  • 32 AD du Pas-de-Calais, 1W23338, document soumis à dérogation.

Devant les événements tragiques qui menacent l’unité de la Patrie et de la République, des partis politiques extrémistes à la solde de puissances étrangères demandent à notre population laborieuse de manifester sur la voie publique.
Boulonnais et Boulonnaises,
Vous vous refuserez à faire le jeu des agitateurs professionnels Comme disait Daunou à la Convention de 1794
Il ne faut jamais désespérer de la République
L’heure est au calme et à la discipline.
Vive la France !
Albert Mac Kenna ancien interné politique
Croix de Guerre
Médaille du Combattant
Médaille du Combattant Volontaire de la Résistance32.

43Le bureau du Conseil général du Nord se réunit à la préfecture pour évoquer « l’autonomie du Nord en cas de putsch ».

Etaient présents : MM. Augustin Laurent, président ; Victor Provo, Roger De block, Jean Varlet, Paul Delmotte, vice-présidents ; André Gilliard, Anatole Duchemin, Georges Bustin, secrétaires. Était absent : M. Paul Bécue.

  • 33 La Voix du Nord, 10 février 1962, p. 3.

Le bureau a pris connaissance d’une lettre qui lui a été adressée par le Comité d’action anti-OAS et de défense républicaine, concernant la mise en vigueur éventuelle des dispositions de la loi du 15 février 1872 relatives au rôle du Conseil général en cas de circonstances exceptionnelles.
Estimant que dans l’hypothèse où par suite d’un coup de force ayant pour conséquence l’empêchement matériel du fonctionnement des pouvoirs constitutionnels – l’assemblée départementale aurait le devoir de recourir sans délai à l’application de la loi du 15 février 1872, le bureau a donné mandat au président (en cas d’empêchement à l’un des vice-présidents en exercice) de réunir d’urgence le Conseil général afin de le mettre en état d’assurer le rôle qui lui est dévolu par les articles 1, 2 et 3 de la loi précitée.
La Lette du Comité d’action anti-OAS dont il est question demandait notamment :
Dans l’hypothèse où, par suite d’un putsch, les pouvoirs constitutionnels nationaux seraient hors d’état d’assumer leur mission, les organisations signataires exigeraient que soient mises en application dans le département du Nord les mesures prévues par la loi du 15 février 1872 : le département du Nord s’érigerait en province fédérale autonome jusqu’au rétablissement des institutions républicaines légales, et le Conseil général serait l’organisme légal chargé d’en assurer l’administration33.

  • 34 La Voix du Nord, 11-12 février 1962, p. 4.

44La municipalité de Boulogne-sur-Mer décide même d’organiser sa propre manifestation anti OAS34.

M. Henneguelle, maire de Boulogne, vient d’adresser un appel à la population, l’invitant à accompagner l’administration municipale et le Conseil au Monument aux Morts, lundi matin à 11 h 30, pour y déposer une gerbe afin de protester contre la violence de la répression, rendre hommage aux victimes du 8 février et marquer sa volonté de défendre les libertés publiques.
Les Unions locales CFTC, FO et CGT ont, de leur côté, invité leurs membres à cesser le travail de 11 à 12 heures et à se rendre à la manifestation.

45Jean Bardol se souvient de la réaction populaire et unitaire qui suit l’enterrement des victimes de Charonne.

  • 35 Bardol J., Un train de sénateur, op. cit. p. 174.

C’est pour protester contre ces pratiques que la CGT, la CFDT, la FEN, le SNI, l’UNEF appelèrent à une grande manifestation le 8 février 1962. Le Parti communiste, le PSU, le Mouvement de la Paix, s’y associèrent. La répression policière fut d’une violence inouïe et au métro Charonne, neuf personnes, huit communistes et un cégétiste trouvèrent la mort. La riposte populaire, fut immédiate. Le 13, jour des obsèques, se déroula une formidable manifestation unitaire avec un million de personnes. À Boulogne-sur-Mer, l’émotion fut vive. Une grève de 24 heures affecta la très grande majorité du monde du travail. 6 000 personnes manifestèrent et défilèrent dans la dignité le 13 février à l’appel de vingt-deux organisations dont la CGT, FO, CFTC, FEN, PC, SFIO, PSU35.

  • 36 La Voix du Nord, 14 février 1962, p. 5.

46S’il est permis de douter des chiffres du nombre de participants, il est intéressant de noter l’importance et la variété des organisations politiques et syndicales qui appellent à manifester, 22 selon Jean Bardol. La SFIO arrive également à mobiliser à Marquise, le même jour, 250 personnes36.

47Malgré cette opposition orchestrée par les forces politiques et syndicales de gauche, les agglomérations de Dunkerque et de Boulogne-sur-Mer savent apporter leur soutien au chef de l’État.

Mais un soutien à la politique du général de Gaulle dans les moments de crise grave

Des municipalités touchées par la guerre d’Algérie

48Dunkerque, comme Boulogne-sur-Mer, voit ses enfants partir pour l’Algérie. Beaucoup ne reviennent pas.

Doc. 21 : Morts de l’agglomération boulonnaise du fait de la guerre d’Algérie.

Lieux de résidence

Nombre de morts

Baincthun

1

Boulogne-sur-Mer

19

Condette

1

Equihen-Plage

3

Hesdin-L’Abbé

1

Le Portel

7

Nesles

1

Neufchatel-Hardelot

4

Outreau

5

Saint-Étienne-au-Mont

4

Saint-Martin-Boulogne

4

Wimereux

2

Wimille

4

Wissant

1

Source : FNACA Nord et Louis Mortreux.

49C’est 57 victimes que déplore l’agglomération boulonnaise à l’issue du conflit, chiffre équivalent à celui de l’agglomération dunkerquoise, avec 55 morts.

Doc. 22 : Nombre de morts de l’agglomération dunkerquoise du fait de la guerre d’Algérie.

Lieux de résidence

Nombre de morts

Armbouts-Cappel

1

Bourbourg

5

Cappelle-La-Grande

1

Coudekerque

1

Coudekerque Branche

6

Dunkerque

24

Grande-Synthe

2

Grand-Fort-Philippe

1

Gravelines

2

Leffrinckouke

2

Loon Plage

3

Saint-Pol-Sur-Mer

6

Zuydcoote

1

Source : FNACA Nord et Louis Mortreux.

50Dans sa séance du 12 juillet 1956, le maire de Dunkerque, Paul Asseman, rend hommage aux soldats présents en Algérie.

Je tiens à profiter de la réunion du conseil municipal pour rendre, en votre nom à tous et au nom de la ville, un hommage fraternel à nos soldats maintenus ou rappelés sous les drapeaux qui accomplissent en Algérie une œuvre de pacification qui doit permettre de réaliser définitivement l’Union Franco-Musulmane. Tous nous nous inclinons avec respect devant la mémoire des victimes tombées pour la patrie en accomplissant leur devoir de Français.

  • 37 Procès-verbal des délibérations du conseil municipal de Dunkerque, 12 juillet 1956.

51Il appelle par ailleurs à la générosité en faveur des soldats à l’occasion du 14 juillet. Le groupe communiste élève une protestation et exprime son désaccord avec cette déclaration. Pour venir en aide aux soldats, il faut « les renvoyer dans leurs foyers ». « Nous ne sommes pas d’accord avec une pacification à coup de bombes »37.

52En novembre 1956, dans une séance extraordinaire en hommage au peuple hongrois, le maire demande une minute de silence et ajoute :

Pendant ces quelques instants de recueillement, nous unirons dans une pensée fervente et fraternelle en même temps que les morts de Hongrie, ceux des nôtres qui tombent encore chaque jour sur la terre d’Afrique, afin de défendre l’œuvre pacificatrice que nous poursuivons là-bas pour le maintien de la justice, du droit et de la liberté.

  • 38 Procès-verbal des délibérations du conseil municipal de Dunkerque, 19 novembre 1956.

53Les élus communistes refusent et demandent une minute de silence pour rassembler, dans un même hommage, les militants et les ouvriers hongrois, victimes, selon eux, de la terreur blanche fasciste, les jeunes français et algériens qui tombent chaque jour en Afrique du Nord et les jeunes français et égyptiens qui succombent dans « l’injustice guerre coloniale déclenchée contre l’Egypte »38. Le maire socialiste n’est visiblement pas opposé à la guerre d’Algérie qu’il continue de qualifier en cette fin d’année 1956, d’« œuvre de pacification ». Quant aux communistes, ils espèrent, en évoquant l’intervention de Suez, occulter la répression exercée par l’Union soviétique en Hongrie.

54À Dunkerque, comme à Boulogne-sur-Mer, la guerre d’Algérie est dénoncée au conseil municipal à partir de 1957 pour son coût. M. François Faes, au nom des élus communistes, annonce le refus de voter le budget primitif de 1957 :

Parce que ce document porte l’empreinte de la politique menée par le précédent gouvernement, celui de M. Guy Mollet, politique qu’entend continuer, voire même aggraver avec le soutien de ses prédécesseurs, le nouveau Gouvernement, celui de M. Bourgès-Maunoury. Politique qui entraîne notre pays dans la sale guerre d’Algérie, qui nous a entraînés dans la folle expédition de Suez. Vous savez, vous connaissez le prix de cette politique qui se chiffre par des milliers de milliards de dépenses.

  • 39 Procès-verbal des délibérations du conseil municipal de Dunkerque, 19 juin et 16 octobre 1957.
  • 40 Procès-verbal des délibérations du conseil municipal de Boulogne-sur-Mer, 21 mars 1958.

55Un autre conseiller communiste critique la lenteur de la reconstruction des immeubles dunkerquois et met en cause les « 600 milliards qu’il a fallu pour payer la guerre d’Algérie »39. À Boulogne, M. Demaret, adjoint communiste, évalue ce que coûte « la poursuite de la guerre imbécile et sans issue menée en Algérie », « cause profonde de la hausse des prix et des difficultés aggravées des particuliers et des commerçants ». Il demande au conseil de se prononcer pour la négociation et la paix au plus vite en Algérie, « la guerre coûtant 2 milliards par jour »40.

56Les municipalités de gauche du Boulonnais et du Dunkerquois réagissent vivement à la crise du 13 mai 1958 par une série de motions. Albert Denvers, député maire de Gravelines est le premier à réagir, le 28 mai.

  • 41 Procès-verbal des délibérations du conseil municipal de Boulogne-sur-Mer, 21 mars 1958.

Le Conseil Municipal, devant le péril qui, indiscutablement et au degré le plus élevé, menace les libertés démocratiques et les structures fondamentales de la République Française, sûr d’interpréter le sentiment intime des Républicains et Démocrates, hommes et femmes de la Cité, exprime avec résolution et netteté son indéfectible attachement aux institutions républicaines et manifeste sa volonté de s’opposer aux mesures de subversion et de force qui puissent mettre fin à l’expérience légale du pouvoir démocratique de la France […] Les Gravelinoises et Gravelinois, qui déjà ont donné tant de preuves de leur patriotisme, de leur civisme et de leur républicanisme, ont aujourd’hui le devoir de s’interroger et de répondre « présents » pour la sauvegarde des libertés démocratiques du Pays.
Le Conseil Municipal de Gravelines crie tout haut :
« Vive la France, vive la République »41

57À Saint-Pol-sur-Mer le 30 mai.

Nous, représentants de la population Saint-Poloise, proclamons notre attachement inébranlable à la République et faisons connaître que nous refuserons de nous incliner devant tout pouvoir personnel ou un gouvernement illégal imposé par l’émeute ou par la sédition.

58La peur du pouvoir personnel n’est pas ressentie à Loon-Plage, dont le conseil municipal se réunit en séance extraordinaire le 31 mai. Il :

s’engage à ne jamais reconnaître aucune décision émanant d’un régime illégal et imposé par la force et à l’unanimité fait confiance au chef de l’État et au Parlement pour la constitution dans les formes légales d’un gouvernement de large union, présidé par le général de Gaulle, sauvegardant le intérêts de la France, de l’Union française et de la République.

  • 42 Procès-verbal des délibérations du conseil municipal de Dunkerque, 23 mai 1958.

59Par contre, le Maire de Dunkerque refuse en mai 1958 que son conseil émette un vœu politique malgré la demande d’un conseiller communiste, François Faes, pour qui « un grave problème vise actuellement notre pays et je demande tout de suite que le conseil vote une motion d’attachement à la République et aux institutions démocratiques ». Le maire refuse catégoriquement de mettre la motion communiste aux voix, même si la SFIO précise qu’elle aurait très bien pu proposer une telle motion42.

60Pourtant, à l’occasion du putsch des généraux, Paul Asseman déroge à l’article 72 de la loi de 1884 qui stipule qu’un Conseil Municipal ne peut émettre de vœux à caractère politique. Il s’agit là d’une exception notable car unique sur la période. Les municipalités de Boulogne-sur-Mer, Calais, Dunkerque, Saint-Omer et Montreuil-sur-Mer ayant pour règle de se réfugier derrière cet article pour éviter tout débat politique au sein des conseils municipaux. Paul Asseman réunit le 24 avril dans l’urgence son conseil.

Mes Chers Collègues, en ouvrant la séance, je dois vous rendre compte qu’en raison de l’urgence, le délai des trois jours francs imparti pour l’envoi des convocations que je vous ai adressées a dû être abrégé.

Conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l’article 24 du Code Municipal, il vous appartient de vous prononcer sur cette urgence.

61Cela est approuvé à l’unanimité. Le maire soumet aussitôt à ses collègues le projet de motion établi, après avoir fait la déclaration suivante :

Nous sommes en République. Il se passe actuellement des évènements graves, avant de passer au vote nous aurons, si vous le voulez bien, une pensée émue pour tous les Dunkerquois actuellement en Algérie.

62La motion est ainsi rédigée :

  • 43 Procès-verbal des délibérations du conseil municipal de Dunkerque, séance extraordinaire du 24 avri (...)

Vivement ému de la situation dramatique du pays à la suite des événements d’Algérie, conscient d’être l’interprète de la population dunkerquoise, réprouve toute tentative d’usurpation du pouvoir légal, exprime à nouveau sa confiance au Chef de l’État et aux pouvoirs publics pour la défense des institutions démocratiques et des libertés républicaines43.
Adopté à l’unanimité.

63Lors de la séance du 30 mai 1961, Paul Asseman lit une lettre du préfet qui remercie, au nom du général de Gaulle, le conseil municipal de Dunkerque pour la confiance témoignée au chef de l’État.

Le soutien au chef de l’État

64Le soutien au nouveau chef de l’État vient d’abord de la vision négative de la IVe République. M. Sarraz-Bournet, président de la CCI de Boulogne-sur-Mer.

  • 44 Procès-verbal des délibérations de la CCI de Boulogne-sur-Mer, 7 octobre 1955, cote 1ETP1955.

Il n’est pas possible qu’une nation qui, depuis la Libération, c’est-à-dire depuis 1944, a vu se succéder vingt gouvernements différents ait une politique continue et soit capable d’adopter, dans les graves problèmes que soulève la gestion de l’Union Française, une ligne de conduite et de s’y conformer ensuite […]44

65Il est encore plus virulent dans le rapport moral qu’il prononce le 6 décembre 1957 :

  • 45 Procès-verbal des délibérations de la chambre de commerce et d’industrie de Boulogne-sur-Mer, 6 déc (...)

Il nous faut bien convenir que la dégradation des mœurs politiques, la sclérose de nos institutions, l’absence d’autorité de l’État, nous ont conduit dans une impasse d’où il apparaît pour le moins délicat de sortir, si l’on ne prend pas sans tarder les mesures énergiques qui s’imposent45.

  • 46 AD du Nord, W142243 Événements de mai 1958, document soumis à dérogation.
  • 47 Entretiens avec l’auteur.

66En mai 1958, un message à destination de la Direction Générale de la Sûreté Nationale, daté du 16 à 19 heures, fait état de militants républicains sociaux qui commencent à faire circuler des pétitions en faveur du retour au pouvoir du général de Gaulle46. Jean-Pierre Dickès colle des affiches à 15 ans et demi en faveur du général de Gaulle, tandis que Michel Gournay manifeste avec son père dans Boulogne pour applaudir à son retour. Albert Mac Kenna estime à 200 le nombre de militants UNR dans la ville, lui se revendiquant comme le plus vieux adhérent boulonnais47. Il essaie alors sans succès de se faire élire député face à Jeannil Dumortier. La ville demeure SFIO.

67Le retour au pouvoir du général de Gaulle est très bien perçu par M. Sarraz–Bournet, président de la CCI de Boulogne qui voit une spectaculaire amélioration des conditions économiques et politiques.

  • 48 Procès-verbal des délibérations de la chambre de commerce et d’industrie de Boulogne-sur-Mer, 6 jui (...)

La situation semble solidement établie dans les mains du nouveau gouvernement et d’un chef qui a déjà rendu maintes fois de grands services au pays et dont tout le monde connaît le dynamisme et l’allant. En lui confiant le pouvoir c’était la seule solution qui évitait la cassure, la sécession avec l’Algérie, au moment d’une évolution exceptionnelle des esprits […] Cette stabilité provisoire sera suivie d’une stabilité durable, condition pour que la France se trouve dans de meilleures conditions d’économie. Il est certain que le Président de Gaulle, avec sa façon de voir surtout dans le domaine extérieur, a amené un redressement assez sensationnel48.

68À Boulogne, l’opposition trop franche de certains partis ou syndicats est mal perçue par des militants, comme le montre un message envoyé le 4 juin 1958 à 16 h 30 par un IGAME à la Direction Générale de la Sûreté Nationale.

  • 49 AD du Nord, W142243 Événements de mai 1958, document soumis à dérogation.

À l’UL CFTC de Boulogne, on note quelques renvois par des adhérents de tendance modérée des cartes syndicales, suite à la participation de certains responsables à l’activité du Comité de Vigilance mis sur pied par le Parti Communiste.
À Boulogne également, on enregistre des remous sérieux dans les milieux socialistes au sujet de l’attitude de M. Henneguelle, député maire socialiste de Boulogne, et de M. Dumortier, député Maire socialiste de Saint-Martin-les-Boulogne, localité voisine, le premier ayant voté contre l’investiture, le second pour49.

69Jean Bardol ne partage absolument pas l’enthousiasme du président de la CCI de Boulogne-sur-Mer.

  • 50 Bardol J., op. cit., p. 158.

Le projet de constitution est soumis à référendum le 28 septembre. Il est approuvé par plus de 80 % des votants. Je suis littéralement abasourdi par ce résultat. Avec mes camarades du Boulonnais et d’ailleurs, nous avions espéré une opposition bien plus importante, notre confiance découlant de la puissante réaction populaire et démocratique du mois de mai. Nous n’avions pas saisi que la grande masse des gens, y compris une partie de nos électeurs, pensait que seul de Gaulle était susceptible de ramener la paix en Algérie et d’éviter la guerre civile. La Ve République était née50.

70Le soutien au chef de l’État et en particulier à sa politique algérienne est visible lors des référendums.

Doc. 28 : Résultats des référendums dans la ville de Boulogne-sur-Mer, de 1958 à 1962.

Doc. 28 : Résultats des référendums dans la ville de Boulogne-sur-Mer, de 1958 à 1962.

Source : Archives municipales de Boulogne-sur-Mer

71En septembre 1958, les résultats sont inférieurs à la moyenne nationale. Le « oui » l’emporte à Boulogne avec 78,9 % contre 82,6 % pour l’ensemble du pays. Est-ce le poids de la campagne menée par le PCF ou de l’hostilité d’Henri Henneguelle ? Le « non » atteint 21,1 % contre 17,4 au niveau national. Par contre, lors des deux référendums spécifiques à l’Algérie, les chiffres de la ville de Boulogne sont supérieurs à la moyenne nationale, preuve de l’approbation de la politique algérienne du général de Gaulle.

72Le soutien au chef de l’État est également perceptible dans l’éditorial de Robert Decout dans La Voix du Nord le 24 septembre 1959, lors du voyage de quatre jours que le général de Gaulle accomplit dans le Nord.

Il y a plus d’un an, le Général de Gaulle était à nouveau le Recours de la Nation. Dans des circonstances dramatiques que l’on n’a pas oubliées, où la France pouvait craindre la menace de la guerre civile et celle de la dictature, l’homme des tempêtes revenait au pouvoir. C’était sous la pression des événements, certes, mais avec l’investiture légale de l’Assemblée et l’assentiment quasi unanime d’une opinion publique lasse de l’impuissance du régime qui s’effondrait […] Les pouvoirs qu’il tient de la Constitution, son prestige personnel du général de Gaulle lui permettent de poursuivre une politique hardie qui, en d’autres temps, eût rencontré des résistances considérables et provoqué de dangereux remous […]
En dépit de quelques réticences qu’on discerne dans certains milieux politiques, il apparaît que l’adhésion du peuple est toujours aussi large et aussi confiante. L’élan des foules qui vont se presser sur les pas du général de Gaulle en apportera le témoignage.

73Pour l’éditorialiste, « l’homme des tempêtes » a le soutien du peuple, mais Robert Decout relève bien le problème que représente un régime qui repose sur un homme illustre. Si celui-ci vient à disparaître, quelle légitimité aura son successeur ? Par la réforme de 1962, soumise à référendum, de Gaulle réglera la question. Par son élection directement par le peuple de France, son successeur à la présidence de la République aura cette légitimité.

74Le soutien au chef de l’État, le quotidien du Nord le renouvelle en janvier 1960, dans deux éditoriaux intitulés « Le pouvoir et l’armée » et « L’heure des hommes de cœur ».

  • 51 La Voix du Nord, 27 et 28 janvier 1960.

Le 13 mai 1958 […] l’appel à de Gaulle a épargné alors la guerre civile. Quoi qu’on pense aujourd’hui et en dépit d’erreurs commises que nous ne dénombrerons pas en ce moment afin de ne pas jeter de l’huile sur le feu, tout nous enseigne qu’entre la guerre civile et le pays il n’y a encore, il n’y a plus que le général de Gaulle51.

  • 52 Nord Matin, 28 janvier 1960, p. 9 et 30 janvier 1960, p. 11.

75Dans la région, d’innombrables messages de confiance continuent d’affluer à l’Élysée. Le syndicat cheminots, actifs et retraités, CGT Dunkerque, le personnel de l’usine de céramiques de Boulogne, les sections syndicales FO, CFTC, CGT de la Sécurité sociale de Boulogne, la fédération du Nord de la Ligue des Droits de l’homme, le syndicat CGT des dockers de Dunkerque, le mouvement « Vie nouvelle pour accession à la dignité et à la responsabilité de tous les hommes » de Dunkerque, la délégation départementale du Nord de l’assemblée nationale pour le soutien de l’action au général de Gaulle, le MRP de Dunkerque, le conseil communal communiste de Saint-Pol-sur-Ternoise, la section CGT cheminots de Saint-Pol-sur-Ternoise, la fédération des élus socialistes du Pas-de-Calais, au nom des 150 maires socialistes du département, la section socialiste de Boulogne-sur-Mer et l’union démocratique du travail de Boulogne-sur-Mer52. Raymond Splingard, conseiller général et maire d’Outreau, adresse au président de la République, le télégramme suivant :

  • 53 La Voix du Nord, 31 janvier – 1 février 1960, p. 9.

Au nom de la municipalité et de 13.000 habitants, vous demandons de prendre les mesures nécessaires pour défendre les libertés républicaines, face au coup de force d’Alger. Vous assurons de notre solidarité entière pour politique d’autodétermination53.

  • 54 AD du Nord, 142244, document soumis à dérogation.

76Les motions de soutien sont nombreuses aussi dans les usines, à l’exemple du personnel ouvrier, employé, agents de maitrise et cadres de la Société Lesieur-Usine de Coudekerque-Branche qui54

assure le Gouvernement de la République française de son soutien à sa politique d’autodétermination en Algérie et réprouve le mouvement insurrectionnel d’Alger. Pour manifester son soutien et marquer le caractère non revendicatif de son action, ce personnel a observé une minute de silence à 11 h 30 ce Lundi 1er Février 1960.
Pour le personnel, les délégués élus :
Messieurs : Vereecque, Dupont, Lescur : Délégués ouvriers, Seynave : Délégué employés, Morlyon, Vasseur, Hermant, Robelet : Délégués Agents de Maitrise, Payan, Omer : Délégués Cadres.

77À l’issue de cette épreuve, André Stibio pour La Voix du Nord parle d’une France en « convalescence ».

  • 55 La Voix du Nord, 4 février 1960.

On ne saurait trop répéter combien, souhaitant la paix, notre peuple la souhaite vraiment de toutes les façons en Algérie et entre citoyens. S’il est avide d’autorité, c’est pour écarter le fascisme, s’il reste épris de ses libertés c’est pour échapper au communisme, s’il est sensible à l’idéal national ce n’est pas pour sacrifier à un chauvinisme désordonné […] Ils traduisent l’état d’âme d’une nation qui vient d’être profondément remuée et qui ayant, grâce à de Gaulle, échappé au pire, pense un peu, selon le mot de l’humoriste, que « la santé est un état précaire qui ne présage rien de bon »55.

78Aussitôt connu, le putsch d’Alger suscite à Boulogne-sur-Mer une réaction rapide du parti communiste. La sous-préfecture communique le 22 Avril 1961 à 15h10 :

Le Parti Communiste vient de procéder à Boulogne à l’envoi d’un tract ronéotypé invitant les travailleurs à manifester dès aujourd’hui contre le coup de force d’Algérie par des dépositions de tracts, de motions à la Sous-préfecture de Boulogne. Les responsables communistes de la CGT qui sont en état d’alerte s’emploient actuellement à contacter les dirigeants des Syndicats des partis de Gauche en vue d’élaborer un programme d’action.

79La direction de la police communique le 22 avril 1961 à 17h30 :

  • 56 AD du Pas-de-Calais, 1W23338. Document soumis à dérogation.

Une motion a été apportée ce jour à 16h à la sous-préfecture de Boulogne par une délégation de huit personnes de l’Entreprise de Travaux Publics de Zublin-Perriere. Cette délégation n’a pas été reçue mais a déposé une motion contre les généraux félons et réclamant une négociation immédiate avec le GPRA. Cette motion a été adoptée par le personnel de cette entreprise au cours d’un arrêt de travail d’une demi-heure de 13 h à 13 h 30.
M. Gournay, Secrétaire de l’Union Locale CGT a pris la parole à 14 h sur le port devant les dockers poissonniers auxquels il a fait admettre le principe d’arrêt de travail dont les dates seront fixées ultérieurement pour protester contre les événements d’Algérie56.

80Pour Robert Decout il faut « barrer la route à la rébellion ». C’est pour cela qu’il justifie la mise en application de l’article 16 de la constitution.

Le général de Gaulle détient donc maintenant les pleins pouvoirs que justifient, aux termes de la Constitution, les circonstances exceptionnelles que traverse le pays. Entre les mains d’un autre homme, ce blanc-seing pourrait inspirer les craintes les plus vives. Ce qu’on sait du général de Gaulle permet d’affirmer qu’il n’en abusera pas, qu’il s’attachera à sauvegarder, dans les limites compatibles avec les exigences du salut public, l’essentiel des libertés républicaines.

81Pour l’éditorialiste, le général de Gaulle est l’homme de la situation et il a l’appui de la population.

Jamais autant qu’hier, le chef de l’État n’avait parlé à la nation avec des accents d’une telle autorité […] En ordonnant que tous les moyens soient employés pour barrer la route aux insurgés, en interdisant à tous Français, à tous soldat, d’exécuter aucun de leurs ordres, le général de Gaulle a manifesté clairement qu’il entendait affronter, avec le maximum d’énergie, l’épreuve de force imposée au pays. Dans la dure partie qui est engagée, le chef de l’État possède l’appui des forces populaires.

82« Une page tournée » titre La Voix du Nord au lendemain de l’entrée en vigueur du cessez-le-feu. Après avoir entretenu si longtemps le mythe d’une Algérie française, le journal le dénonce en donnant raison au chef de l’État qui trouve la meilleure des solutions, une Algérie toujours liée à la France, mais cette fois par des accords de coopération.

  • 57 La Voix du Nord, 20 mars 1962.

Au mythe de « l’Algérie c’est la France » condamné par la réalité démographique et l’évolution du monde, le Général de Gaulle a eu l’audace et le mérite d’opposer un jour le droit du peuple algérien à disposer de lui-même, non sans rechercher en même temps la meilleure des solutions possibles. Entre l’illusoire : le maintien de la domination coloniale, et le redoutable : la sécession sous la dictature communiste, le Chef de l’État s’est efforcé de tracer une voie moyenne : celle de la coopération57.

83C’est maintenant au peuple de se prononcer sur les accords d’Évian. « La nation doit trancher » pour Robert Decout.

Si la crainte de la dictature est toujours vive, ce qu’on sait de l’homme qui, depuis vingt-deux ans, s’identifie avec la France permet heureusement d’être rassuré. La démocratie française qui, hier, sombrait dans l’anonymat, est aujourd’hui fortement personnalisée. Elle n’en existe pas moins.
C’est sans toucher aux libertés essentielles que le Général de Gaulle a suivi opiniâtrement sa route, malgré maintes embûches et les déchainements de la subversion. Il vient d’atteindre son but en préservant l’unité nationale, en évitant la cassure de l’armée, en sauvegardant les droits et les chances de nos compatriotes. Irrémédiablement vaincue, la rébellion s’obstine dans des attentats de plus en plus criminels, comme le montre cette odieuse tuerie des Musulmans dans les rues d’Alger et d’Oran. Mais le « oui » de dimanche lui portera le coup décisif, en même temps qu’il ouvrira vraiment les portes de la paix.

84Et l’éditorialiste de conclure que voter « oui » est un « Acte de confiance, certes, de gratitude aussi à l’égard du Général de Gaulle, mais surtout de foi en l’avenir ! »

 

85Incontestablement les forces politiques et syndicales de gauche sont puissantes dans les agglomérations de Boulogne-sur-Mer et Dunkerque. Les succès gaullistes aux scrutins nationaux de 1958 et 1962, ne peuvent masquer les succès des forces d’opposition, en particulier PCF et SFIO, aux élections locales. En 1959, communistes et socialistes gardent leurs mairies principales. La gauche garde ses bastions et ses notables, même si elle est affaiblie par le prestige du chef de l’État. Les débuts de la Ve République sont moins défavorables à la gauche dans le Boulonnais ou le Dunkerquois. Cette résistance, qui s’appuie sur des personnalités politiques affirmées, explique les manifestations plus hostiles au nouveau régime et à son chef. L’opposition plus franche à de Gaulle repose sur des partis et des syndicats solidement implantés dans les deux agglomérations. Ni Dunkerque, ni Boulogne ne deviennent « terre promise » du gaullisme. Pourtant, dans les moments de crise grave, lorsque la population a le sentiment que la République est menacée par un coup d’État fomenté par l’armée, le soutien à l’action du général de Gaulle est immédiat, à l’image de La Voix du Nord, toujours derrière le chef de l’État.

Notes

1 Les résultats électoraux sont issus de Hilaire Y.-M., Ménager B. (dir.), Atlas électoral Nord-Pas-de-Calais, 1946-1972, Université de Lille 3, éditions universitaires, 1972.

2 Batte A., Jeannil Dumortier (1911-1993), mémoire de maîtrise, ULCO, dir. B. Béthouart, 1998, 187 p.

3 Batte A., op. cit.

4 http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/biographies/IVRepublique/darou-marcel-03081896.asp

5 Voir doc. 27, chapitre suivant.

6 Hilaire Y.-M., Ménager B. (dir.), Atlas électoral Nord-Pas-de-Calais, p. 60.

7 Dedelot A., Henri Henneguelle, un homme politique boulonnais, mémoire de Maîtrise, ULCO, dir. B. Béthouart, 1997, 200 p. M36.

8 Bougard P., Nolibos A., Le Pas-de-Calais de la préhistoire à nos jours, Saint-Jean d’Angély, Bourdessoule, 1989, 435 p., p. 394.

9 Dedelot A., op. cit.

10 Chochois S.-W., Raymond Splingard (1912-1995) “Le socialisme en action”, mémoire de Maîtrise, ULCO, dir. B. Béthouart, 1998, 178 p. M46.

11 Les notes biographiques proviennent soit de HILAIRE Y.-M., MENAGER B. (dir.), Atlas électoral Nord-Pas-de-Calais, 1946-1972, soit du site de l’Assemblée nationale.

12 Vandesompelle A-S, Jean Febvay et le gaullisme à Boulogne-sur-Mer, mémoire de Maîtrise, ULCO, dir. B. Béthouart, 2004.

13 Ibid.

14 Bethouart B., op. cit.

15 Bardol J., Un train de sénateur, édité par la SARL « Mémoire de militants », 6 rue du Dr Brousse, 62360 Pont de Briques, 1999, p. 147-148.

16 La Voix du Nord, édition Boulogne-sur-Mer, 18-19 mai 1958, p. 4.

17 La Voix du Nord, édition Boulogne-sur-Mer, 30 mai 1958, p. 5.

18 AD du Nord, W142243 Événements de mai 1958, document soumis à dérogation.

19 AD du Nord, W142243 Événements de mai 1958, document soumis à dérogation.

20 Dedelot A., Henri Henneguelle, op. cit.

21 Hilaire Y.M. (dir.), Histoire du Nord-Pas-de-Calais de 1900 à nos jours, éditions Privat, Toulouse, 1982, p. 393 à 405.

22 Hilaire Y.-M., Ménager B. (dir.), Atlas électoral, op. cit. p. 76.

23 Brécy A, La vie municipale dans la commune de Saint-Martin-Boulogne depuis 1945, mémoire de Maîtrise, ULCO, dir. P. Villiers, B. Béthouart, 1997, 227 p. M30

24 Chochois S.-W., Raymond Splingard, op. cit.

25 Genty J.-R., « La guerre d’Algérie et la population du Nord-Pas-de-Calais, 1954-1962 », thèse de 3e cycle sous la direction de M. Marcel Gillet, 1983, ch. 16 : Le Parti communiste dans la guerre d’Algérie.

26 Nord Matin, 24 et 31 mai 1958, p. 4.

27 Batte A., Jeannil Dumortier (1911-1993), op. cit.

28 Chochois S.-W., Raymond Splingard, op. cit.

29 Entretien avec l’auteur.

30 La Voix du Nord, 2 février 1960, p. 7.

31 La Voix du Nord, 25 avril 1961, p. 2, 3 et 5.

32 AD du Pas-de-Calais, 1W23338, document soumis à dérogation.

33 La Voix du Nord, 10 février 1962, p. 3.

34 La Voix du Nord, 11-12 février 1962, p. 4.

35 Bardol J., Un train de sénateur, op. cit. p. 174.

36 La Voix du Nord, 14 février 1962, p. 5.

37 Procès-verbal des délibérations du conseil municipal de Dunkerque, 12 juillet 1956.

38 Procès-verbal des délibérations du conseil municipal de Dunkerque, 19 novembre 1956.

39 Procès-verbal des délibérations du conseil municipal de Dunkerque, 19 juin et 16 octobre 1957.

40 Procès-verbal des délibérations du conseil municipal de Boulogne-sur-Mer, 21 mars 1958.

41 Procès-verbal des délibérations du conseil municipal de Boulogne-sur-Mer, 21 mars 1958.

42 Procès-verbal des délibérations du conseil municipal de Dunkerque, 23 mai 1958.

43 Procès-verbal des délibérations du conseil municipal de Dunkerque, séance extraordinaire du 24 avril 1961.

44 Procès-verbal des délibérations de la CCI de Boulogne-sur-Mer, 7 octobre 1955, cote 1ETP1955.

45 Procès-verbal des délibérations de la chambre de commerce et d’industrie de Boulogne-sur-Mer, 6 décembre 1957, cote 1ETP1957.

46 AD du Nord, W142243 Événements de mai 1958, document soumis à dérogation.

47 Entretiens avec l’auteur.

48 Procès-verbal des délibérations de la chambre de commerce et d’industrie de Boulogne-sur-Mer, 6 juin et 4 juillet 1958, cote 1ETP1958.

49 AD du Nord, W142243 Événements de mai 1958, document soumis à dérogation.

50 Bardol J., op. cit., p. 158.

51 La Voix du Nord, 27 et 28 janvier 1960.

52 Nord Matin, 28 janvier 1960, p. 9 et 30 janvier 1960, p. 11.

53 La Voix du Nord, 31 janvier – 1 février 1960, p. 9.

54 AD du Nord, 142244, document soumis à dérogation.

55 La Voix du Nord, 4 février 1960.

56 AD du Pas-de-Calais, 1W23338. Document soumis à dérogation.

57 La Voix du Nord, 20 mars 1962.

Table des illustrations

Titre Doc. 17 : Carte des circonscriptions électorales de la Côte d’Opale sous la IVe République.
Crédits Source : Bethouart B., « Le littoral depuis la Libération : son évolution politique », Bulletin historique et artistique du Calaisis, no 166-167-168, janvier 2000, p. 51 à 96.
URL http://books.openedition.org/septentrion/docannexe/image/47807/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 300k
Titre Doc. 28 : Résultats des référendums dans la ville de Boulogne-sur-Mer, de 1958 à 1962.
Crédits Source : Archives municipales de Boulogne-sur-Mer
URL http://books.openedition.org/septentrion/docannexe/image/47807/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 100k

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

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