L’Union soviétique et l’unification allemande. Une défaite ou le point de départ d’un partenariat privilégié ?
p. 69-88
Texte intégral
1La réunification de l’Allemagne est un des événements fondateurs de l’après Guerre froide. Elle a signifié la disparition de la République démocratique allemande (RDA), longtemps présentée par l’Union soviétique (URSS) comme le plus beau fleuron du camp socialiste européen, précipité celle du Pacte de Varsovie et contribué à achever d’ébranler les fondements de l’empire soviétique. Mais elle a aussi permis la fin du conflit entre l’URSS et l’Occident, celle de la division de l’Europe et elle a débouché sur un partenariat russo-allemand qui est un des grands facteurs structurants des équilibres européens du début du XXIe siècle.
2Vingt ans après ces événements, quelle lecture peut-on en faire ? Aujourd’hui, le chercheur a accès à de nouvelles sources, il dispose du recul qui lui permet de prendre une certaine distance par rapport aux enjeux et de juger le passé à l’aune du présent. Il s’agira ainsi de relire la politique de l’URSS pour tenter de mieux appréhender les positions qu’elle a prises et de faire le lien entre le passé et le présent. La question se pose aussi de savoir si les événements de 1989/90 resteront gravés dans l’histoire de l’URSS avant tout comme une défaite qui aurait pu être évitée si une autre politique avait été menée ou comme l’élément déclencheur et le moteur d’une présence renouvelée de la Russie en Europe.
L’Union soviétique, acteur ou spectateur ?
3La politique de Mikhaïl Gorbatchev au moment de la réunification de l’Allemagne a fait l’objet en Russie de vives critiques. « En échange des généreuses concessions soviétiques faites aux Occidentaux », écrivait en 1995 Anatoli Dobrynine, ancien ambassadeur soviétique aux États-Unis, « Gorbatchev et Chevardnadze auraient pu et dû obtenir pour l’URSS un rôle plus important dans le domaine de la sécurité européenne et une voix soviétique plus forte dans les affaires européennes. Ils ne l’ont pas obtenu. Compétents, mais sans expérience, pressés d’arriver à des accords, mais excessivement sûrs d’eux et flattés par les médias occidentaux, Gorbatchev et Chevardnadze se sont souvent fait avoir par leurs partenaires occidentaux »2. Ni le temps, ni l’accès à de nouveaux documents n’ont atténué les critiques. L’historien russe Rudolf Pikhoïa qualifie la politique étrangère de M. Gorbatchev de « défaitiste », car « derrière le paravent des raisonnements sur les ‘valeurs humaines’, l’URSS perdait précipitamment ses positions dans le monde », et dénonce l’étonnant « dilettantisme » de sa diplomatie dont témoigne, notamment, le fait que les « obligations mutuelles des pays de l’OTAN et de l’URSS conséquentes à la dissolution du Pacte de Varsovie ne furent pas écrites »3. Mikhaïl Narinski, un autre historien russe, reconnaît que le président de l’URSS « a beaucoup contribué à la fin de la Guerre froide », mais il regrette qu’il n’ait « pas su (ou pas réussi à) poser les fondements d’un nouvel ordre international ». Au cours des derniers mois de l’année 1989, écrit-il, la direction soviétique « a été incapable de comprendre l’information dont elle disposait et d’élaborer une ligne politique appropriée sur le problème allemand ». La politique menée par M. Gorbatchev a « souvent eu un caractère d’improvisation ». Le résultat est que des « fautes et des erreurs de jugement ont été commises »4. Aleksandr Filippov, auteur d’un manuel d’histoire destiné aux enseignants, dont la publication en 2007 a fait couler beaucoup d’encre, n’a pas de mot assez dur pour qualifier l’action du président de l’URSS. Il l’accuse « d’avoir sciemment stimulé la décommunisation des pays d’Europe de l’Est », ce qui a abouti aux révolutions de l’été 1989 : M. Gorbatchev, écrit-il, a déstabilisé ces États par une série de mesures financières, puis politiques, qui ont sapé l’autorité de leurs dirigeants. Il a exigé d’Erich Honecker, le secrétaire général du SED est-allemand, des réformes qui ont déstabilisé l’économie de la RDA, alors que les statistiques attestaient des « succès économiques considérables de ce pays » où résidaient les « personnes les plus prospères du monde socialiste ». Alors que des troupes soviétiques étaient encore stationnées dans plusieurs des pays est-européens, il a refusé d’agir : « L’URSS a ainsi perdu une ‘ceinture de sécurité’ qui en quelques années est devenue une autre zone d’influence, avec des bases de l’OTAN à une heure de Saint-Pétersbourg ». En bref, écrit-il, M. Gorbatchev a fait concession sur concession, il a accepté sans protester que l’Allemagne unifiée soit membre de l’Alliance atlantique mais il n’a rien obtenu en échange, il n’a même pas obtenu l’aide financière que ses partenaires occidentaux lui avaient pourtant promise5.
4La plupart des historiens, russes ou non, s’accordent sur un point : lors des événements de 1989/90, l’URSS n’a guère eu de stratégie. En permanence sur la défensive, M. Gorbatchev a fait preuve d’une indécision et d’une maladresse qui ont eu de sérieuses répercussions. Au cours de la période cruciale qui va de novembre 1989 (ouverture du Mur de Berlin) à l’été 1990, date des ultimes décisions concernant les conditions internationales dans lesquelles la réunification allait se faire, il a agi en ayant toujours un temps de retard et n’a pas su être une force de proposition cohérente et crédible. L’analyse de sa politique le montre, en effet, en retrait par rapport aux événements.
5Après l’ouverture du Mur de Berlin, qui a pris tout le monde au dépourvu, en URSS comme ailleurs, Moscou ne semble pas avoir de politique. M. Gorbatchev ne paraît pas avoir conscience de l’accélération de l’histoire : il ne réagit pas. Il a pourtant entre les mains toutes les informations lui permettant de mesurer la gravité de la situation de son allié est-allemand. En avril 1989, Viatcheslav Dachitchev, chef de la section de politique étrangère de l’Institut de l’économie du monde socialiste, avait fait une analyse très critique du régime est-allemand, en concluant que celui-ci « ne pouvait se maintenir que dans l’isolement vis-à-vis de la République fédérale d’Allemagne (RFA) et en s’appuyant sur la force à l’égard de sa propre population »6. En août 1989, à la suite d’un séjour en RDA, Vadim A. Medvedev, secrétaire du comité central du PCUS à l’Idéologie, avait averti les dirigeants soviétiques que la situation était explosive. En septembre, l’ambassadeur Iou. A. Kvitsinskiï, convaincu de la nécessité de prendre sans tarder des initiatives, avait conseillé de proposer la création d’une confédération des deux États allemands7. Dans un rapport remis probablement au cours de l’été aux autorités soviétiques, Valentin Faline, ambassadeur de l’URSS à Bonn dans les années 1970, estimait prévisibles des manifestations massives qui seraient difficiles à contrôler8. Début décembre, un rapport du KGB « prévoyait qu’il y avait peu de chances que la RDA subsiste en tant qu’État socialiste souverain et membre du Pacte de Varsovie »9. Dans ses Mémoires, M. Gorbatchev raconte que début octobre, avant son départ pour Berlin-Est pour le 40e anniversaire de la RDA, la situation est-allemande lui avait été décrite par l’expression « minuit moins cinq » et qu’il revint de Berlin « très préoccupé » : la RDA « faisait penser à une marmite hermétiquement close oubliée sur le feu. […] Elle était au bord de l’explosion sociale et de la ruine politique et économique »10. Sur le moment, il ne semble pas en avoir été aussi conscient.
6Qu’il ait ou non prêté attention à ces informations, il n’en a guère tenu compte, continuant à affirmer qu’il n’y avait pas d’urgence et que la « question allemande n’était pas d’actualité ». C’est ce qu’il déclare le 21 novembre au premier ministre canadien, ajoutant qu’« aujourd’hui la réalité, ce sont deux États, membres de l’ONU et des organisations militaro-politiques qui existent ». Le 29 novembre, à Giulio Andreotti, président du Conseil italien, il déclare que la « réunification de la RFA et de la RDA n’est pas une question d’actualité »11. De proches collaborateurs le pressent d’agir. Certains partent du principe que la réunification étant désormais inévitable, il fallait que l’URSS l’accepte sans tarder afin de pouvoir peser sur les conditions internationales dans lesquelles celle-ci allait se faire. D’autres, au contraire, lui conseillent de tout faire pour que la RDA et le Pacte de Varsovie se maintiennent, de proposer une confédération des deux États allemands, la sortie de la RFA de l’OTAN et la neutralisation de l’Allemagne toute entière. L’idée que l’URSS est en position de force – 400 000 hommes étant stationnés sur le territoire est-allemand – est alors très présente12. Dans un premier temps, M. Gorbatchev ne suit les avis ni des uns, ni des autres. Il adopte ce que Jacques Lévesque a appelé une « stratégie d’autruche ». Il « crut d’abord conjurer le danger d’une réunification précipitée, en refusant d’en parler », puis après le discours du chancelier Helmut Kohl du 28 novembre et son plan en dix points, il misa sur les « réticences et les objections des alliés de la RFA à l’égard de la réunification, pour freiner le cours des événements »13. Sa rencontre avec le président François Mitterrand, le 6 décembre à Kiev, et le voyage fin décembre en RDA de ce dernier, ne peuvent que le conforter dans cette idée. Entre novembre 1989 et janvier 1990, le Kremlin est ainsi resté passif et indécis. Le résultat, écrit V. Dachitchev, est qu’à la fin de 1989, il « n’a pas de plan d’action » et que « ni psychologiquement, ni sur le plan conceptuel, il n’est prêt à un tournant »14.
7À partir de janvier 1990, la position soviétique évolue : le président de l’URSS reconnaît que le processus en cours peut mener à la réunification. Le 30 janvier, dans une interview faite au moment de la visite à Moscou de Hans Modrow, le premier ministre est-allemand, il admet que celle-ci est inévitable. Le 10 février, il assure au chancelier Kohl qu’il reçoit à Moscou qu’il « n’y a pas de désaccord entre l’URSS, la RFA et la RDA sur la question de l’unification de la nation allemande », précisant que « c’est aux Allemands à décider de leur sort »15. « À partir de là », écrit la politiste Renata Fritsch-Bournazel, « et selon un rythme désormais accéléré, Gorbatchev se résolut à un aggiornamento total de sa politique allemande »16. Il ne perd cependant pas tout espoir de survie, au moins momentanée, de la RDA. Il pense alors encore, estime M. Narinski, que l’URSS dispose des moyens de peser sur les évolutions, que le « processus d’unification de l’Allemagne se fera par étapes et prendra du temps » et que la voie de la confédération doit être privilégiée17. Pour permettre à l’URSS de mieux influer sur les événements, il demande que la question allemande soit discutée dans le cadre défini en 1945 par les accords de Potsdam, c’est-à-dire la constitution d’un groupe « 4+2 » (URSS, États-Unis, Grande-Bretagne, France plus les deux États allemands). Ce cadre permettait d’éviter que les États-Unis jouent un rôle prépondérant en négociant seuls avec la RFA et d’inclure dans le processus en cours la France et la Grande-Bretagne, réticentes à l’égard de la réunification – ce que M. Gorbatchev reconnaît dans ses Mémoires : « Sans couper les contacts avec la direction est-allemande, nous devions coordonner plus étroitement notre politique sur la question allemande avec Paris et Londres »18. M. Gorbatchev évolue, mais il reste en décalage avec les événements. Ainsi, le 2 février il revient à la proposition ouest-allemande de la fin novembre en donnant son accord à H. Kohl pour une « communauté contractuelle comme un pas sur la voie de la Confédération des deux États allemands »19.
8La difficulté du président de l’URSS à prendre la mesure des événements a pour corollaire une incapacité à préciser une stratégie et à chercher à obtenir des engagements de ses partenaires occidentaux. Lors de sa rencontre avec le président George Bush à Malte, en décembre 1989, M. Gorbatchev s’en tient à de grands principes, souhaitant « laisser l’histoire décider comment le processus évoluera et où il mènera dans le contexte d’une nouvelle Europe et d’un nouveau monde »20. Lorsqu’en février 1990, M. Gorbatchev explique à James Baker, secrétaire d’État américain, et à H. Kohl que Moscou ne fera pas obstacle à l’unification de l’Allemagne, les « clés du règlement de ce problème », écrit M. Narinski, « sont alors passées des mains de Moscou dans celles de Bonn et de Berlin », sans qu’il y ait eu de conditions précises et claires posées à cette unification. En ce même mois de février, allant à l’encontre des instructions qui lui ont été données par Moscou, Edouard Chevardnadze, ministre des Affaires étrangères, accepte sans discuter et sans rien demander en échange, la volonté allemande d’un format de discussions « 2 + 4 » (au lieu de « 4 + 2 »), qui conforte le poids de la RFA au détriment de celui de l’URSS (comme de la France et de la Grande-Bretagne), les États-Unis soutenant complètement la position allemande sur l’unification21.
9Sur la question, majeure pour l’URSS, de l’appartenance de l’Allemagne unifiée à l’OTAN, M. Gorbatchev a, tout au long de l’hiver et du printemps, un discours très ferme. Le 9 février, il explique à J. Baker « qu’une extension du territoire de l’OTAN serait inacceptable »22. Le 7 mars, dans une interview à la Pravda, il affirme « qu’il est totalement exclu que l’URSS donne son accord à l’intégration de l’Allemagne unifiée dans l’OTAN ». Le 10 avril, dans une conversation avec le ministre des Affaires étrangères britannique Douglas Hurd, qu’il reçoit à Moscou, il redit que ce projet « est inacceptable pour [nous] » et qu’il s’agit de réfléchir « à la création de structures de sécurité dans la nouvelle Europe, de l’Atlantique à l’Oural. Il faut accélérer le processus de formation des nouvelles structures en le synchronisant avec l’unification de l’Allemagne ». Le 29 avril, dans une conversation avec Lothar de Maizière, nouveau chef du gouvernement est allemand, il se fait menaçant, en déclarant que si l’URSS a le « sentiment » que ses intérêts ne sont pas respectés, la « réaction sera vive. De sérieuses complications surgiront »23. Le 3 mai, le Politburo donne instruction à E. Chevardnadze de « ne donner en aucun cas son accord à l’intégration de l’Allemagne dans l’OTAN » lors de la réunion « 2+4 » qui doit se tenir à Bonn : « Il devait insister sur la ‘neutralité’ de l’Allemagne réunifiée et, comme position de repli, exiger qu’elle fît simultanément partie des deux blocs, l’OTAN et le Pacte de Varsovie »24. Le 4 juin, dans une interview à Time, M. Gorbatchev se montre toujours aussi intransigeant. Cette fermeté affirmée aurait pu être une tactique de négociation. Cela n’a pas été le cas. Elle ne vient pas à l’appui d’une action résolue. Ce que le président de l’URSS continue à proposer au printemps et au début de l’été – la neutralité de l’Allemagne unifiée, sa participation aux structures politiques, mais non militaires de l’OTAN (comme la France), une intégration de l’Allemagne unie dans le Pacte de Varsovie ou une appartenance simultanée de celle-ci aux deux organisations, une réunification par étapes organiquement liée à la transformation du Pacte du Varsovie et de l’OTAN25 – apparaît au fil du temps de moins en moins réaliste. C’est également ainsi qu’est perçue sa déclaration le 18 mai 1990, lors d’une rencontre à Moscou avec J. Baker, sur la possibilité de l’adhésion de l’URSS à l’OTAN, un sujet sur lequel il revient lors de sa visite aux États-Unis en juin26.
10L’URSS, estime Mary Sarotte, aurait pu demander le retrait des troupes de l’OTAN de RFA parallèlement au retrait des troupes soviétiques de RDA. G. Bush et H. Kohl n’étaient pas prêts à accepter cette option, mais ils s’attendaient à ce que M. Gorbatchev en fasse la demande, ce qu’il n’a pas fait27. Et lorsque le président de l’URSS préconise de « nouvelles structures créées dans le cadre du processus européen » et une synchronisation de l’unification allemande et de la mise en place de celles-ci, il reste dans le vague. Toujours optimiste, croyant que les « forces de l’Histoire » vont dans le bon sens, c’est-à-dire dans le sens souhaité par Moscou, il ne demande pas d’engagement à ses partenaires28. Le résultat est qu’en définitive il a donné son accord à la réunification de l’Allemagne en acceptant les termes définis par la RFA. Lors des conversations décisives qu’il a le 15 juillet 1990 à Moscou avec le chancelier Kohl, ses exigences ne sont plus que très limitées : il se contente de demander qu’il n’y ait pas de troupes de l’OTAN sur le territoire de l’actuelle RDA après l’unification pendant une période de transition et, à la demande du chancelier Kohl, il confirme que « l’Allemagne unifiée est membre de l’OTAN. L’ancien territoire de la RDA, tant que s’y trouvent des troupes soviétiques, de facto, n’entrera pas dans la sphère d’intervention de l’OTAN »29. M. Gorbatchev ne demande rien d’autre. Il ne demande d’engagement écrit ni sur la future architecture de sécurité européenne et sur la place que l’URSS pourrait y avoir, ni sur un éventuel élargissement de l’Alliance atlantique à l’Est au-delà des frontières de l’Allemagne unifiée.
11Cette dernière question n’a pas véritablement fait l’objet de discussions pendant ces quelques mois. Les négociations ont essentiellement porté sur l’intégration des territoires est-allemands dans l’alliance occidentale, un point sur lequel Allemands et Américains étaient prêts à s’engager. Le 31 janvier, dans le discours qu’il prononce à Tutzing sur « L’unité allemande dans le cadre européen », Hans-Dietrich Genscher, ministre fédéral des Affaires étrangères, se prononce en faveur de l’appartenance de l’Allemagne unifiée à l’OTAN, mais il précise que l’ex-RDA « ne serait pas incorporée à l’OTAN ou aux structures militaires de l’OTAN » et propose « qu’il n’y ait pas d’expansion à l’Est du territoire de l’OTAN ». Le 9 février, lors de sa rencontre avec M. Gorbatchev, tout en réaffirmant l’opposition des États-Unis à une neutralité de l’Allemagne, J. Baker reprend la proposition faite par H.-D. Genscher d’une Allemagne qui appartiendrait à l’OTAN, « mais avec la garantie que la juridiction et les troupes de l’Alliance ne s’étendraient pas à l’Est de la frontière actuelle »30. L’une des rares déclarations explicites sur un éventuel élargissement au-delà des frontières de l’Allemagne unie est faite un an plus tard, le 6 mars 1991, par le premier ministre britannique John Major. Celui-ci déclare alors qu’il « ne voit pas qu’aujourd’hui ou demain les pays d’Europe de l’Est puissent devenir membres de l’OTAN ». Evgueni Primakov écrira plus tard que « malheureusement ces assurances n’ont pas reçu de traduction juridique, alors même que c’était, à l’époque, tout à fait possible »31.
12Le bilan est néanmoins loin d’être complètement négatif pour l’URSS. Les 5 et 6 juillet 1990, quelques jours avant la rencontre historique de M. Gorbatchev et de H. Kohl, les États membres de l’Alliance Atlantique réunis à Londres ont solennellement déclaré que l’URSS n’était plus un adversaire. Du 19 au 21 novembre, les chefs d’État et de gouvernement des États membres de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) décident de son institutionnalisation – ce qui correspond à une demande soviétique de longue date. Le Kremlin a de plus obtenu de l’Allemagne unifiée un certain nombre d’engagements très importants qui sont entérinés dans le traité « 2 + 4 » du 12 septembre 1990 portant règlement définitif concernant l’Allemagne : la confirmation du caractère définitif des frontières de l’Allemagne (art. 1), la renonciation de celle-ci à la fabrication, à la possession et au contrôle d’armes nucléaires, biologiques et chimiques (art. 3), l’engagement de la RFA à réduire dans un délai de trois à quatre ans les forces armées de l’Allemagne unie à 370 000 hommes (art. 3), l’engagement à ce qu’après l’achèvement du retrait des forces armées soviétiques du territoire de l’actuelle RDA, des forces armées et des armes nucléaires ou des vecteurs d’armes nucléaires étrangers ne soient pas stationnés et ne soient pas déployées dans cette partie de l’Allemagne (art. 5, § 3)32.
13Il reste que dans ce dossier de la réunification, l’URSS a été plus spectateur qu’acteur. M. Gorbatchev a été quasiment en permanence en décalage par rapport aux événements dont il n’a pas paru prendre la mesure et il n’a pas su définir une stratégie. C’est en particulier le cas concernant l’Alliance atlantique. Plusieurs des propositions qu’il a avancées – la transformation de l’OTAN et du Pacte de Varsovie en alliances « politiques », la participation de l’Allemagne unifiée aux deux alliances, la synchronisation de l’unification de l’Allemagne et de la mise en place de nouvelles structures de sécurité – n’ont pas abouti soit parce qu’elles étaient irréalistes, soit parce qu’elles n’ont pas été faites au moment opportun. Comment expliquer l’indécision et les reculs successifs de l’homme qui a eu par ailleurs une exceptionnelle lucidité et un courage politique hors du commun ?
Des facteurs d’explication externes et internes
14La plupart des explications jusqu’ici avancées de la politique soviétique mettent l’accent soit sur des facteurs externes – M. Gorbatchev n’avait pas d’autre solution que d’agir comme il l’a fait du fait du changement du rapport de forces entre l’URSS et les États occidentaux –, soit sur des facteurs internes – M. Gorbatchev a agi de manière délibérée conformément aux intérêts rationnels de l’URSS dans la logique de sa nouvelle approche des relations internationales. Une troisième explication, plus récente, avancée notamment par Tuomas Forsberg et Vladislav Zubok, part du principe que les facteurs externes et internes ne peuvent à eux seuls expliquer la politique soviétique : elle accorde une large place à la personnalité du président de l’URSS et à la confiance qui s’est établie entre lui et ses homologues occidentaux33. Les éléments d’explication retenus dans cette intervention – le contexte des événements étudiés, les priorités de M. Gorbatchev dans la vie internationale et certains traits de sa personnalité – tiennent compte de ces trois approches.
15Au moment de l’unification de l’Allemagne, l’URSS est dans une situation de profond bouleversement à la fois externe et interne. Elle est sous le choc des révolutions qui se sont produites en Europe de l’Est au cours de l’été et de l’automne 1989 et qu’elle a laissé aller à leur terme, ce qui transforme son rapport au monde occidental : dès la fin de 1989, on s’achemine vers la fin de la Guerre froide. C’est bien ce que souhaitait M. Gorbatchev, convaincu de la nécessité d’une redéfinition des fondements de la politique étrangère soviétique. Mais le rapport de forces n’est désormais plus en faveur du Kremlin. En URSS, dans plusieurs des républiques, les années 1989/90 sont marquées par une succession de tensions et d’affrontements. Dans le Caucase, la violence s’est déchaînée. À l’automne 1989, pendant deux mois, l’Azerbaïdjan a soumis l’Arménie à un blocus ferroviaire et routier. En janvier 1990, la crise a atteint de nouveaux sommets : après des manifestations nationalistes à Bakou, des pogroms anti-arméniens ont éclaté. Et le Kremlin a décidé d’intervenir militairement pour rétablir l’ordre. En mai 1990, en Arménie, la tension a de nouveau débouché sur des affrontements. En Géorgie, la volonté d’indépendance s’est confirmée. Des conflits qui ont fait plusieurs morts ont en outre opposé en 1989 les Géorgiens aux Abkhazes et aux Ossètes. En Asie centrale, les émeutes se sont succédé. En mai 1989, en Turkménie ; puis en Ouzbékistan, dans la vallée de la Ferghana. En juin au Kazakhstan à Novyi Ouzen. En juillet, à la frontière entre la Kirghizie et le Tadjikistan. En 1990, en février à Douchanbé, capitale du Tadjikistan, en juin en Kirghizie dans des villages proches de l’Ouzbékistan. Toutes ont fait de nombreuses victimes. Entre mars et mai 1990, les Républiques baltes proclament leur indépendance34.
16La vie politique soviétique n’est pas en reste. L’abrogation le 13 mars 1990 de l’art. 6 de la Constitution qui reconnaissait au parti communiste le rôle de force dirigeante de la société, l’élection en mai 1990 à la tête de la Fédération de Russie de Boris Eltsine qui, à peine élu, réclame dans un délai de cent jours la souveraineté pour la Russie, témoignent entre autres de l’ampleur des mutations en cours, mutations qui engendrent de fortes tensions. L’URSS est en outre en pleine crise financière, ce qui oblige ses dirigeants à réduire sérieusement les dépenses publiques. Ils ne disposent donc pas des moyens financiers qui leur permettraient de venir en aide à la RDA comme aux autres pays d’Europe centrale et orientale. La RDA est en 1989 dans une situation financière préoccupante : à la fin du mois d’octobre 1989, lorsqu’il succède à E. Honecker à la tête du parti est-allemand, Egon Krenz est informé par ses services que la RDA a accumulé une dette extérieure de 26,5 milliards de $ et que le déficit courant pour 1989 se monte à plus de 12 milliards de $, le service de la dette se montant à lui seul à 4,5 milliards de $. Le simple fait de stabiliser la dette par un programme d’austérité représenterait une chute du niveau de vie de 25 à 30 %35. M. Gorbatchev qui prend connaissance le 1er novembre de la gravité de cette situation en aurait conclu que « sans l’assistance de la RFA, les Soviétiques ne pouvaient pas sauver la RDA »36. L’évolution des finances publiques de l’URSS dans les mois qui suivent confirme qu’elle ne pouvait agir autrement. En février 1991, selon les estimations de la Vnechekonombank, l’URSS « se trouve au bord de la faillite ». Si l’on en croit R. Pikhoïa, au cours de la seule année 1990, 478 tonnes d’or avaient quitté le pays37. « Plus le temps passait », écrit Andreï Gratchev, un de ses proches collaborateurs, « et plus le programme des rencontres et des voyages internationaux de Gorbatchev se faisait en fonction des possibilités d’obtention de crédits »38.
17L’effondrement de la RDA a en outre été beaucoup plus rapide que ce que tout le monde avait prévu, une évolution à laquelle les réfugiés est allemands ont grandement contribué. Entre janvier et novembre 1989, quelque 200 000 Allemands de l’Est ont fui leur pays. L’ouverture du Mur de Berlin le 9 novembre n’a pas mis fin à cet exode. Au cours du mois de novembre 1989, ils sont plus de 130 000 à partir. En janvier 1990, ils sont 2 000 par jour à faire de même, c’est-à-dire, pour reprendre l’expression de Timothy Garton Ash, à « voter avec leurs pieds pour la réunification ». Ces réfugiés vident la RDA de ses forces, ils lui enlèvent toute légitimité39. Début janvier, non seulement le régime est-allemand est en train de s’effondrer, mais l’État est-allemand l’est également, ce qui accélère le processus d’unification. Continuer à répéter que « l’existence de deux États allemands est le résultat de la Seconde Guerre mondiale » ne correspondait plus du tout à la réalité. Le maelström que connaît alors l’URSS et l’accélération des événements ne laissent guère de marge de manœuvre aux dirigeants soviétiques. Ils ne favorisent pas non plus la réflexion et l’élaboration d’une politique sur une question allemande qui est d’autant plus complexe qu’elle est inattendue aux yeux des Soviétiques : la RDA était considérée comme le pays socialiste le plus développé, elle était la vitrine du socialisme.
18L’ambitieux projet international porté par M. Gorbatchev est un autre facteur d’explication de son attitude. La question allemande ne peut en être dissociée. Non seulement elle en est partie intégrante, mais elle en est un élément central. M. Gorbatchev, écrit J. Lévesque, avait un « grand dessein de transformation de l’ordre international en Europe visant à surmonter sa division, dans un processus contrôlé qui devait s’étaler sur plusieurs années et dont il attendait les plus grands bénéfices pour l’URSS ». La transformation du rapport de l’URSS à l’Occident était au cœur de ce « projet de réconciliation universelle », qui visait à l’intégrer dans la communauté internationale, en particulier dans la « Maison commune européenne »40. Ce grand projet a conduit le président de l’URSS à une révision radicale de la politique soviétique à l’égard des pays du camp socialiste européen, désormais dominée par le refus du recours à la force et la non-ingérence dans les affaires intérieures de ces États. Gorbatchev ne bougea pas lorsque l’onde de choc des changements provoqués par la perestroïka atteignit l’Europe de l’Est : il ne chercha pas à se débarrasser plus vite des uns, ni à aider les autres à rester ou à parvenir plus rapidement au pouvoir, y compris ses alliés réformateurs qui l’admiraient. À tort ou à raison, explique A. Gratchev, il reste fidèle au principe qu’il avait formulé pour expliquer – ou justifier – son inaction : « [Nous] ne [nous] mêlons pas de leurs affaires intérieures. Qu’ils se débrouillent entre eux ». Il estimait que l’URSS pouvait influencer les pays socialistes « essentiellement par l’exemple ». La même logique, selon A. Gratchev, conduit M. Gorbatchev à répondre à ceux qui lui reprocheront d’avoir « donné pour rien » la RDA, que les pays d’Europe centrale et orientale ont été donnés aux peuples de ces pays : « De quel droit pensions-[nous] que [nous] les ‘possédions’ pour toujours ? »41. Sa décision de ne plus avoir recours à la force est partie intégrante de son grand dessein : agir autrement en Europe aurait anéanti ses chances de voir celui-ci se réaliser.
19Ce projet impliquait un bouleversement des rapports avec les États occidentaux, en particulier avec les États-Unis et la RFA – cette dernière étant un partenaire politique et économique de premier plan et un des principaux fournisseurs de technologie de l’URSS. Le problème est qu’il a amené M. Gorbatchev à poursuivre des objectifs qui se sont révélés contradictoires. L’appartenance de l’Allemagne unifiée à l’OTAN, si elle se faisait, porterait au Pacte de Varsovie un coup qui risquait de lui être fatal et de marginaliser l’URSS dans les affaires européennes, ce qui irait à l’encontre de son objectif d’intégration à l’Europe. L’éviter était donc essentiel, ce qui a conduit le président de l’URSS à tenir un discours d’une grande fermeté. Mais sous peine de réduire à néant son projet de réconciliation avec l’Occident, M. Gorbatchev ne pouvait prendre le risque d’une rupture avec Bonn et Washington. Le résultat a été, on l’a vu, une intransigeance qui est restée au niveau de la rhétorique. « À cause de l’importance cruciale qu’elle accordait à ses bonnes relations avec les puissances occidentales et la RFA », l’URSS s’est retrouvée dans une situation paradoxale : « Très forte sur le plan juridique et militaire, très faible sur le plan politique »42.
20M. Gorbatchev avait jusque-là appuyé sa politique occidentale sur une diplomatie de la concession, qui créait une situation favorable à l’URSS en réduisant la capacité de ses partenaires à s’opposer à ses projets. Sur la question allemande, il a adopté la même approche, convaincu que céder sur les questions relatives à la RDA aurait pour conséquence de conduire Bonn et Washington à avoir à son égard une attitude beaucoup plus favorable dans ce dossier comme dans d’autres, en particulier dans celui de l’aide financière que recherchait Moscou. Bien qu’il n’en dise rien dans ses Mémoires, la réunification est sans doute apparue à M. Gorbatchev comme le moyen d’obtenir le soutien d’une Allemagne qui avait déjà accordé à l’URSS d’importants crédits43. Le sujet a été évoqué à maintes reprises, notamment lors des visites du chancelier Kohl à Moscou en février et à Stavropol en juillet. Entretemps, le 14 mai, Horst Teltschik, son conseiller, avait négocié à Moscou un crédit d’urgence à l’URSS. Lors de l’entretien qu’il a alors eu avec ce dernier, M. Gorbatchev a reconnu qu’une aide de l’Occident était cruciale pour l’URSS. Le 7 et le 10 septembre, à la veille de la signature du traité « 2+4 », un extraordinaire marchandage a lieu entre le chancelier et le président de l’URSS, qui obtient ce qu’il voulait. Le chancelier, qui avait commencé par offrir 8 milliards de deutschemarks, somme jugée tout à fait insuffisante par M. Gorbatchev, « finit par céder presque complètement à la demande des 15 milliards réclamés par ce dernier »44. Il y a là vraisemblablement un point-clef de l’acceptation de la réunification par le Kremlin, ce qui signifie que cette question a pesé sur les positions soviétiques dans les négociations. Ainsi, lors de la première réunion « 2+4 » qui se tient à Bonn au début de mai, l’URSS poursuit deux objectifs : le premier est de bloquer l’intégration de l’Allemagne unifiée dans l’OTAN, le second, d’obtenir un crédit de 20 milliards de deutschemarks. Le second ne pouvait qu’affaiblir la position soviétique sur le premier45.
21La diplomatie gorbatchévienne a été entendue à Bonn comme à Washington, à un moment où les États occidentaux tirent les conséquences de la décision de Moscou de ne pas chercher à bloquer les évolutions en Europe de l’Est. Le chancelier Kohl a apporté à M. Gorbatchev un soutien essentiel. Il a su le convaincre qu’il pouvait compter sur lui, qu’il respecterait ses promesses et que la relation entre l’URSS et l’Allemagne réunifiée serait privilégiée. Sur certaines questions touchant à l’unification (souveraineté, Alliance Atlantique), il se montre très ferme : l’Allemagne unifiée doit être totalement souveraine dès la réunification et faire partie de l’OTAN46. En même temps, le chancelier est dans une situation d’écoute. Persuadé que la question d’une aide financière est essentielle pour l’URSS, il pense que rassurer M. Gorbatchev et le convaincre que la RFA aidera son pays renforcera les positions de celui-ci et permettra aux négociations de progresser. Lors de sa visite officielle à Bonn, en juin 1989, M. Gorbatchev s’était ouvert des difficultés économiques de l’URSS et avait alors demandé au chancelier si la RFA serait disposée à l’aider en cas d’urgence. H. Kohl avait répondu par l’affirmative – et il tiendra parole. Ce soutien est d’autant plus important pour l’URSS que « l’Allemagne était le seul pays occidental sur lequel elle pouvait compter pour une aide économique tant soit peu significative ». Lors du sommet de Malte, les États-Unis avaient promis à l’URSS une aide qui ne se concrétisa pas47. Le soutien du chancelier n’est pas seulement financier. Dès avril 1990, H. Kohl fait à M. Gorbatchev la proposition – très appréciée à Moscou – de conclure un vaste traité de coopération et d’amitié pour régir les relations germano-soviétiques après l’unification. Ce traité ne sera signé que le 9 novembre, c’est-à-dire après la réunification, mais il a été négocié lors du sommet Kohl-Gorbatchev à Moscou le 15 juillet. Aussi large qu’ambitieux, il contient une clause selon laquelle si l’une des deux parties fait l’objet d’une attaque, l’autre partie n’apportera à l’agresseur aucune aide militaire ou autre et prendra toutes les mesures nécessaires en vue de régler le conflit. Selon J. Lévesque, cette clause, la prise à lettre, « pouvait s’interpréter comme assurant la neutralité allemande en cas de conflit entre l’URSS et l’OTAN »48. H. Kohl a en outre accédé, on l’a vu, à nombre des demandes faites par les Soviétiques en matière de sécurité. Une relation de confiance s’est ainsi nouée entre les deux hommes. Cela a également été le cas entre M. Gorbatchev et G. Bush.
22Le président Bush a été, comme le chancelier Kohl, à la fois déterminé sur la question de la réunification (soutien aux positions de Bonn sur le format de négociations « 2+4 », sur la souveraineté de l’Allemagne unifiée et sur le maintien de celle-ci au sein de l’Alliance atlantique) et à l’écoute de M. Gorbatchev. Sa détermination concernant l’OTAN a été totale : il redoutait que ces événements aient pour conséquence une réduction de la présence américaine en Europe et du rôle jusque là dominant des États-Unis dans la sécurité européenne49. S’opposer à lui sur ce point était un risque que M. Gorbatchev n’a pas pris. Lors de leur première rencontre officielle, à Malte, en décembre 1989, un rapport personnel s’était établi entre les deux hommes qui étaient tombés d’accord presque sans effort sur tous les grands sujets à l’ordre du jour50. Par la suite, leurs relations étaient restées chaleureuses et confiantes.
23Après des décennies de Guerre froide, le rapport de M. Gorbatchev à l’Occident est aussi remarquable qu’étonnant, car il va beaucoup plus loin qu’une simple bonne entente avec ses homologues. L’idée d’un complot ou d’une hostilité occidentale, qui a tant marqué l’histoire de l’URSS, souvent décrite par ses dirigeants comme une forteresse assiégée, est absente de la pensée gorbatchévienne. Une « libération mutuelle de la peur », note A. Gratchev, s’était progressivement imposée à partir du sommet de Reykjavik de 1986. M. Gorbatchev « n’avait pas une trace de xénophobie ou d’hostilité culturelle à l’égard de l’Occident », écrit V. Zubok. Il en était profondément proche, il aimait les Occidentaux, respectait les hommes d’États occidentaux de tous bords et en vint à considérer certains d’entre eux comme des amis personnels. Il avait aussi une formidable faculté à s’entendre avec ces derniers. La « gorbymania » qui a régné en Allemagne comme aux États-Unis n’a fait que renforcer cet occidentalisme51. La qualité de ces liens était telle que M. Gorbatchev en était venu à attacher une grande importance à ses « amis » occidentaux. Un certain nombre d’historiens estiment qu’il en était même venu à les écouter davantage que les experts soviétiques et qu’ils sont progressivement devenus son meilleur soutien. V. Zubok va jusqu’à parler de « dépendance psychologique à l’égard de l’Occident » et J. Lévesque d’un M. Gorbatchev devenu « progressivement, volens nolens, l’otage de ses bonnes relations avec les puissances occidentales et la RFA »52. Ces liens ont d’autant plus influé sur les positions prises par le président de l’URSS dans le dossier allemand que, si l’on en croit A. Dobrynine, après 1987, sa politique étrangère a davantage été discutée dans un cercle étroit de conseillers qu’au sein du Politburo ou du ministère de la Défense. M. Gorbatchev, ajoute celui qui était alors ambassadeur à Washington, avait établi une « sorte de voie parallèle personnelle avec les hauts responsables américains pour éviter les critiques de ses collègues du Politburo et de [notre] corps de diplomates professionnels »53.
24La capacité de M. Gorbatchev à faire confiance est un trait de sa personnalité qui a été souligné par ceux qui l’ont côtoyé comme par plusieurs historiens qui y voient un autre facteur d’explication de sa politique allemande. M. Gorbatchev est décrit comme ayant une remarquable confiance en lui, comme un homme résolument optimiste, tolérant et volontiers convaincu du bon sens des autres. Selon A. Gratchev, il avait une « foi inébranlable dans le succès final » de ce qu’il entreprenait et « en la justesse de la cause » qu’il défendait et la « certitude de faire œuvre utile ». Il avait aussi, souligne V. Zubok, une « vision excessivement positive des gens » et une « aversion pour les détails pratiques de la gouvernance ». Certaines expressions qu’il employait régulièrement (« laissez les processus se développer » ; « les processus sont en cours ») témoignent de l’étonnante confiance qu’il avait dans l’issue des dossiers qu’il traitait sans qu’il soit, à son avis, besoin de définir de plan stratégique à long terme. Il croyait dans le mouvement général de l’Histoire. Sa passivité en Europe de l’Est et sa politique allemande, qui ont été une source intarissable d’interrogations, trouvent ici une grande partie de leur explication. Sans aller jusqu’à prétendre, comme l’historien Mikhaïl Geller, qu’il vivait dans un « monde d’illusions », il semble que sa personnalité l’a parfois conduit à penser que les évolutions iraient dans le sens des intérêts de l’URSS et qu’il était inutile de chercher à avoir des engagements écrits54.
25Le contexte dans lequel a été définie la politique allemande de M. Gorbatchev en 1989/90 était à la fois complexe et défavorable à l’URSS. Il ne laissa guère de marge de manœuvre au dernier président soviétique. Son grand dessein de réconciliation avec le monde occidental et sa personnalité ont limité encore un peu plus cette marge de manœuvre. Ils lui ont permis d’apporter une contribution décisive à la fin de la guerre froide. Ils ne lui ont pas permis de préciser la place de l’URSS dans la future architecture de sécurité européenne. La réunification de l’Allemagne, qui était conforme aux vœux des Allemands, était selon toute probabilité inévitable. L’intégration de l’Allemagne réunifiée dans l’Alliance atlantique, dans les conditions dans lesquelles elle s’est faite, ne l’était peut-être pas. Faut-il pour autant en conclure à une défaite de l’URSS ?
Vingt ans après
26Vingt ans après ces faits historiques, les critiques, dont la politique allemande de M. Gorbatchev continue à être l’objet en Russie, doivent être relativisées. Elles s’inscrivent dans la perception d’un bilan jugé globalement négatif de son action à la tête de l’URSS, ce qui apparaît excessif et déplacé. Contrairement à une idée largement répandue en Russie, M. Gorbatchev n’est pas le fossoyeur de l’empire soviétique. L’effondrement de l’URSS s’est produit non pas à cause de lui, mais le « jour où des réformes qui ont touché aux fondements du système ont été entreprises, réformes qui ont toutes échoué » – le système soviétique n’étant pas réformable : « L’URSS s’est autodétruite. Elle s’est effondrée parce que l’idéologie qui sous-tendait le système sociopolitique qu’elle avait construit n’était qu’un leurre »55. On souligne aussi trop rarement dans la Russie d’aujourd’hui que cet événement s’est produit sans effusion majeure de sang. Si le système soviétique s’est effondré de façon globalement pacifique, c’est en grande partie grâce au contexte international apaisé que M. Gorbatchev a su créer grâce aux relations privilégiées nouées avec ses homologues occidentaux.
27Ces éléments fondamentaux du bilan gorbatchévien étant rappelés, que peut-on retenir des événements de 1989/90 ? Deux points au moins sont essentiels : l’un, qui est à mettre au passif de la politique de l’URSS et des pays occidentaux, est celui concernant l’élargissement de l’Alliance atlantique ; l’autre, qui est à mettre au crédit de la politique de M. Gorbatchev et d’H. Kohl, est le partenariat privilégié qui s’est depuis développé entre la Russie et l’Allemagne.
28Le maintien de l’Allemagne unifiée dans l’Alliance atlantique peut être vu comme la première étape de l’élargissement à l’Est de l’OTAN qui a été depuis le début des années 1990 une source de très vives tensions entre la Russie et l’Occident. Selon E. Primakov, en 1989 et 1990, les États occidentaux avaient « promis de ne pas accueillir les pays du Pacte de Varsovie au sein de l’Alliance atlantique ». Par la suite, ils n’ont pas tenu les promesses faites et ont changé radicalement de position. C’est un point de vue largement partagé en Russie aujourd’hui, mais qui est inexact. Aucun document écrit ne fait état d’un tel engagement et dans les négociations de 1990 il n’a pas été question d’un éventuel élargissement de l’OTAN aux pays d’Europe centrale et orientale : quelques mois seulement après les révolutions en Europe de l’Est, cette perspective n’était pas d’actualité56. Le ressentiment des Russes ne vient pas d’engagements qui auraient alors été pris, mais, ce qui est paradoxal, du climat d’écoute et de confiance mutuelle qui régnait alors entre M. Gorbatchev et ses partenaires occidentaux. Ce climat a pu laisser croire aux dirigeants russes que les États membres de l’Alliance Atlantique ne prendraient pas sans leur accord de décision importante dans ce domaine comme dans d’autres. La conversation que le chancelier Kohl a eue le 15 juillet 1990 avec le président Gorbatchev est révélatrice de la manière dont les évolutions étaient alors perçues. Le premier propose au second de conclure un traité germano-soviétique qui, précise-t-il, aura un effet favorable sur d’autres processus actuellement en cours, en particulier le processus de mise en place d’une coopération entre l’OTAN et le Pacte de Varsovie sous l’égide de la CSCE. Une déclaration commune des deux unions sera sans aucun doute de grande portée. H. Kohl souhaite également que cette déclaration présente le caractère d’un pacte de non-agression et de non recours à la force57. On peut en conclure, comme le fait M. Gorbatchev, que le problème ne vient pas d’une rupture des promesses faites par ses partenaires occidentaux, mais de l’effondrement du Pacte de Varsovie et de l’URSS : « Si l’Union n’avait pas été démantelée, la question de l’élargissement n’aurait surgi dans aucune tête occidentale »58. On peut aussi s’interroger sur la pertinence de certaines des décisions prises concernant la relation entre l’OTAN et la Russie. La Russie, l’Ukraine comme les autres États issus de l’URSS sont restés en dehors de l’Alliance atlantique, devenue la seule organisation de défense du continent. Après 1991, le rapport entre l’Alliance et la Russie a été aménagé. Un partenariat a été mis en place (Partenariat pour la paix en 1994, Conseil conjoint Russie-OTAN créé en 1997, Conseil à Vingt mis en place en 2002), mais, dans les années 1990, il a fonctionné difficilement et il n’y a pas eu de réflexion ambitieuse sur un projet de partenariat de grande envergure, voire une adhésion de la Russie à l’OTAN, qui aurait scellé la réconciliation russo-occidentale après la fin de la Guerre froide. Un schéma de ce type aurait certes été difficile à mettre en place, d’autant plus difficile que la Russie avait signé dès 1992 avec les Nouveaux États indépendants (NEI) un Pacte de sécurité collective (renouvelé en 1999 et transformé en 2003 en Organisation du Traité de sécurité collective), puis qu’elle a pris ses distances avec le paradigme de la transition démocratique qui était au cœur de ses rapports avec les Occidentaux. Mais l’aurait-il été davantage que l’entrée de la RFA dans l’OTAN en 1955 ou la réconciliation franco-allemande en 1963 ?
29Après la réunification, les liens entre la Russie et l’Allemagne n’ont pas été exempts de difficultés, mais la logique du rapprochement et de l’association a toujours pris le dessus. La mise en place, dans un contexte européen, d’un partenariat privilégié entre l’URSS, puis la Russie, et la RFA trouve son origine dans les événements de 1989/90. La coopération soviéto-allemande qui existait déjà, notamment dans le domaine économique et commercial, a pris à partir de là une nouvelle dimension et elle a changé de nature. Au moment des dernières négociations sur l’unification, le renforcement de la coopération avec l’Allemagne unifiée est un objectif majeur du pouvoir soviétique. « [Je] considère [nos] relations avec l’Allemagne au même niveau que celles avec les États-Unis. Elles ne sont pas moins importantes pour l’histoire », déclare M. Gorbatchev à H. Kohl le 15 juillet 1990 à Moscou. Elles « constituent un élément clé de tout projet sérieux de construction européenne », écrit-il dans ses Mémoires59. Les deux pays ont mis en place une coopération multidimensionnelle dont les lignes directrices sont définies dans l’ambitieux traité du 9 novembre 1990. Celui-ci fait partie de ces textes qui, selon M. Gorbatchev dans son allocution lors de sa signature, « mettent un terme à ce dur et tragique XXe siècle et ouvrent la porte sur une ère nouvelle ». Étayée par la suite par des contacts fréquents et réguliers à haut niveau, que rend nécessaire la gestion des conséquences de l’unification (notamment le retrait des forces ex-soviétiques basées sur le territoire de l’ancienne RDA), la relation est confortée par les liens personnels des responsables politiques – Vladimir Poutine, en arrivant au pouvoir en 2000, connaît bien ce pays où il a été en poste lorsqu’il était au KGB –, mais aussi par de multiples liens au niveau des sociétés : l’Allemagne a accueilli depuis 1990 quelque deux millions d’Aussiedler (Allemands ethniques établis en Russie), elle est de loin le pays européen qui attire le plus grand nombre d’étudiants russes et les jeunes Russes sont de plus en plus nombreux à apprendre l’allemand. Premier partenaire commercial de la Russie dans le monde depuis 1997, très important partenaire économique, en particulier dans le domaine énergétique, perçue comme la locomotive des rapports de l’UE avec la Russie, l’Allemagne est vue très positivement par les Russes : elle est le deuxième pays dans le monde (après la Biélorussie) à être cité comme un « ami proche et un allié »60. La relation russo-allemande n’est pas exclusive : elle est complémentaire de celles nouées par la Russie avec ses autres partenaires traditionnels, qui ont chacune leur spécificité, mais elle est étroite, elle est pour Moscou un solide soutien dans la vie internationale et elle ancre la Russie à l’Europe. La relation de confiance qui a existé entre M. Gorbatchev et H. Kohl au moment de la réunification et l’œuvre alors accompli ont été l’élément déclencheur de ce partenariat. La « défaite » de 1989 et 1990 est, on le voit, à relativiser.
30La Russie des années 2000 est confrontée à de sérieuses difficultés : dans le domaine économique et technologique, en matière de recherche et de développement, elle s’est laissée distancer par les grands pays industrialisés et émergents. Comme hier, ses dirigeants semblent en conclure la nécessité de s’appuyer sur les États occidentaux. La politique étrangère de M. Gorbatchev est née de sa prise de conscience de la détérioration du rapport de forces avec les États-Unis et du déclin historique de l’URSS. L’aggravation au fil du temps de la situation économique et financière du pays l’a conduit à estimer qu’il n’y avait pas d’alternative à un rapprochement avec l’Occident. À partir de la mi-1988, écrit Serguei Tarasenko, un proche collaborateur d’E. Chevardnadze, « [nous] avons commencé à réaliser que [nous] ne pourrions garder la tête hors de l’eau et même préserver le statut de grande puissance qu’en [nous] appuyant sur les États-Unis »61. Aujourd’hui, à nouveau, la Russie semble être à la croisée des chemins. Le 10 septembre 2009, dans une adresse considérée comme fondatrice d’un nouveau cours, Dmitri Medvedev a dénoncé le retard de son pays et la dépendance « honteuse » de son économie à l’égard des matières premières qui la condamne à un rôle de fournisseur des pays plus développés62. Un thème sur lequel il revient depuis sans cesse. Désormais, le président appelle à la « modernisation », il se fait le chantre d’une économie basée sur l’innovation et les technologies de pointe. Pour y parvenir, il préconise la mise en place d’alliances pour la modernisation avec les États-Unis et les États européens. L’histoire est-elle en train de se répéter ?
Notes de bas de page
2 Anatoli Dobrynine In Confidence. Moscow’s Ambassador to America’s six cold war presidents, New York, Times Books, 1995, p. 627-628.
3 Rudolf Pikhoïa, URSS. Histoire du pouvoir – Le retour de l’aigle bicéphale (tome 2), Longueuil / Québec, Kéruss, 2008, p. 477.
4 Mikhaïl Narinski, « M. S. Gorbatchev i ob’edineniie Guermanii. Po novym materialam », Novaia i noveïchaia istoriia, 2004, no 1, p. 15 et 30.
5 Aleksandr Filippov, Noveïchaia sistoriia Rossii, 1945-2006 – Kniga dlia outchitelia, Moscou, Prosvechtchenie, 2007, p. 330-336 et 340.
6 Cité par Renata Fritsch-Bournazel, De Rapallo à Zavidovo : réflexions sur le devenir des relations germano-russes, Les Cahiers du CREST, septembre 1993, no 11, p. 35.
7 Cités par M. Narinski, op. cit., p. 15 et 19.
8 Hannes Adomeit, « Gorbachev and German unification : revision of thinking, realignment of power », Problems of Communism, juillet-août 1990, p. 6.
9 Cité par Yves Hamant, « La chute du Mur de Berlin et l’unification allemande vues d’URSS et de Russie », dans B. Zielinski, B. Krulic (éds.) Vingt ans d’unification allemande. Histoire, mémoire et usages politiques du passé, Bern, Peter Lang, 2010, p. 115-116.
10 Mikhaïl Gorbatchev, Mémoires, Paris, Éditions du Rocher, 1997, p. 655, 658 et 660.
11 M. Narinski, op. cit. La déclaration de M. Gorbatchev à G. Andreotti est reprise dans Aleksandr Galkine, Anatoli Tcherniaev, Mikhaïl Gorbatchev i Guermanskiï vopros – Sbornik Dokoumentov, Moscou, Ves’ Mir, 2006, p. 264.
12 Vladislav Zubok, A Failed Empire. The Soviet Union in the cold war from Stalin to Gorbachev, Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 2007, p. 329 ; Viatcheslav Dachitchev, « On the road to German reunification : the view from Moscow », dans G. Gorodetsky (éd.), Soviet Foreign Policy, 1917-1991 – A retrospective, Londres, Frank Cass, 1994, p. 172-173 et 177 ; Georges-Henri Soutou, La guerre de cinquante ans, Paris, Fayard, 2001, p. 710-711.
13 Jacques Lévesque, 1989. La fin d’un empire – L’URSS et la libération de l’Europe de l’Est, Paris, Presses de Sciences po, 1995, p. 280.
14 Viatcheslav Dachitchev, « Edinaia Guermaniia v edinoï Evrope », Svobodnaia Mysl’, 1999, no 7, p. 119.
15 H. Adomeit, op. cit., p. 8 ; A. Galkine, A. Tcherniaev, op. cit., p. 348 et 353. Cf., aussi, Philip Zelikow, Condoleeza Rice, Germany unified and Europe transformed, Cambridge, Harvard University Press, 1995, p. 188.
16 Renata Fritsch-Bournazel, op. cit., p. 39.
17 M. Narinski, op. cit., p. 17.
18 A. Cherniaev, op. cit., p. 166 ; G. -H. Soutou, op. cit., p. 717 ; M. Gorbatchev, op. cit., p. 662. D’après les accords de Potsdam, la reconstitution d’un État allemand exigeait un vote à l’unanimité.
19 L’approche par étapes du Kremlin, souligne J. Lévesque, n’était pas sans fondement dans la réalité politique. Les sondages suggéraient alors une possible victoire des sociaux-démocrates (SPD) aux élections de mars 1990 en RDA. Or, le SPD préconisait une réunification beaucoup moins rapide que ne le faisait le parti du chancelier Kohl ; cf. J. Lévesque, op. cit., p. 283.
20 A. Galkine, A. Tcherniaev, op. cit., p. 269-270.
21 M. Narinski, op. cit., p. 19-20.
22 Michael Beschloss, Strobe Talbott, At the highest levels – The inside story of the end of the cold war, Boston, Little, Brown and Cy, 1994, p. 186.
23 Le texte de l’interview à la Pravda et les déclarations du 10 avril sont reprises dans A. Galkine, A. Tcherniaev, op. cit., p. 381 et 392-393 ; celles du 29 avril sont citées par M. Narinski, op. cit., p. 22.
24 M. Narinski, op. cit., p. 23 ; M. Gorbatchev, op. cit., p. 667 ; A. Cherniaev, op. cit., p. 167.
25 M. Gorbatchev a fait ces propositions le 29 avril dans une conversation avec L. de Maizière et, à la fin mai, lors de sa visite à Washington ; cf. A. Galkine, A. Tcherniaev, op. cit., p. 416 ; M. Gorbatchev, op. cit., p. 668 ; M. Beschloss, S. Talbott, op. cit., p. 219.
26 En réponse à cette déclaration de M. Gorbatchev, G. Bush s’est contenté d’une boutade « en disant qu’il doutait que les militaires soviétiques soient prêts à se mettre sous commandement américain » ; cf. A. Galkine, A. Tcherniaev, op. cit., p. 442 ; J. Lévesque, op. cit., p. 295-296.
27 Mary Sarotte, « Perpetuating US preeminence – The 1990 deals to bribe the Soviets out and move NATO in », International Security, 2010, no 1, vol. 35, p. 124 ; cf., aussi, P. Zelikow, C. Rice, op. cit., p. 195-197.
28 V. Zubok, op. cit., p. 327 ; cf., aussi, M. Gorbatchev, op. cit., p. 664 et 668.
29 Cf. A. Galkine, A. Tcherniaev, op. cit., p. 501-502.
30 Conversations relatées par M. Gorbatchev, op. cit., p. 663 ; P. Zelikow, C. Rice, op. cit., p. 174-176 et 180-184.
31 Evgueni Primakov, Gody bol’choï politike, Moscou, Soverchenno Sekretno, 1999, p. 232-233 ; en partie repris dans la version française Au cœur du pouvoir – Mémoires politiques, Paris, Éditions des Syrtes, 2002, p. 168. La déclaration de J. Baker est reprise par A. Galkine, A. Tcherniaev, op. cit., p. 334 ; celle de H. Kohl est citée par M. Sarotte, op. cit., p. 118.
32 Le dernier point de l’art. 5, § 3 a été modifié dans les heures qui ont précédé la signature du traité, Américains et Britanniques ayant demandé une assurance écrite concernant leur droit de déployer des troupes sur le territoire est-allemand. Ils obtiennent une « minute agréée » qui figure à la fin du texte du traité : celle-ci laisse à la RFA la décision concernant le « déploiement » de forces étrangères sur le territoire est-allemand ; cf. P. Zelikow, C. Rice, op. cit., p. 356 et 359-362 – qui racontent en détails cette ultime source de tensions avant la signature du traité.
33 Cf. Tuomas Forsberg, « Power, interests and trust : explaining Gorbachev’s choices at the Cf. Tuomas Forsberg, « Power, interests and trust : explaining Gorbachev’s choices at the end of the Cold War », Review of International Studies, 1999, no 25, p. 603-621 ; V. Zubok, op. cit., chapitre 10.
34 Cf. Anne de Tinguy, « URSS. La tourmente », dans L’État du monde 1991, Paris, La Découverte, 1991, p. 40-52.
35 Cf. Jussi Hanhimäki, Odd Arne, Westad The cold war – A history in documents and eyewitness accounts, Oxford, Oxford University Press, 2003, p. 583-584. H. Modrow déclare à M. Gorbatchev, le 30 janvier 1990, que la dette extérieure de la RDA se monte à 20 milliards de deutschemarks ; cf. A. Galkine, A. Tcherniaev, op. cit., p. 314.
36 V. Zubok, op. cit., p. 322-326.
37 R. Pikhoïa, op. cit., p. 304-305.
38 Andrei Gratchev, Le mystère Gorbatchev – La terre et le destin, Paris, Éditions du Rocher, 2001, p. 291.
39 Cf. Timothy Garton Ash, In Europe’s name – Germany and the Divided Continent, Londres, Jonathan Cape, 1993, p. 65 ; Anne de Tinguy, La grande migration – La Russie et les Russes depuis l’ouverture du rideau de fer, Paris, Plon, 2004, chapitre 1 (« Berlin-Budapest-Berlin, le rideau de fer pris d’assaut »).
40 Jacques Lévesque, « Le grand dessein international de Gorbatchev et l’effondrement du communisme en Europe de l’Est », dans A. de Tinguy (éd.), L’effondrement de l’empire soviétique, Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 333-334.
41 A. Gratchev, op. cit., p. 253-255.
42 J. Lévesque, op. cit., p. 290-291 et 297 ; V. Zubok, op. cit., p. 330.
43 H. Adomeit, op. cit., p. 19.
44 Les notes de la conversation Gorbatchev-Teltschik du 14 mai 1990 sont reprises dans A. Galkine, A. Tcherniaiev, op. cit., p. 426-436 ; Christian Muller, « Bonn et le consentement du Kremlin à la réunification », Relations Internationales, 1992, no 70, p. 157-158. Des auteurs insistent aussi sur cette question ; cf. Mary Sarotte, op. cit., p. 122, 127 et 134.
45 Interview de l’ambassadeur Terekhov par M. Narinski, op. cit., p. 23.
46 Cf. G.-H. Soutou, op. cit., p. 723 ; M. Narinski, op. cit., p. 19.
47 Cf. M. Sarotte, op. cit., p. 121-125 et 134 ; T. Forsberg, op. cit., p. 617 ; J. Lévesque, op. cit., p. 192 et 297-298.
48 Sur les conversations de juillet, cf. A. Galkine, A. Tcherniaiev, op. cit., p. 495-503 et p. 546-547.
49 M. Sarotte, op. cit., p. 112-113 et 124. Sur la position du président Bush sur l’OTAN, lors de sa conversation avec Gorbatchev le 31 mai à Washington, cf A. Galkine, A. Tcherniaev, op. cit., p. 466-476.
50 Cf. V. Zubok, op. cir., p. 316-317 et 324 ; G. -H. Soutou, op. cit., p. 715.
51 A. Gratchev, op. cit., p. 183 ; T. Forsberg, op. cit., p. 616-617 ; V. Zubok, op. cit., p. 316-317 et 324.
52 V. Zubok, op. cit., p. 317-318 ; J. Lévesque, op. cit., p. 290-291. Cf., aussi, A. Filippov, op. cit., p. 336.
53 A. Dobrynine, op. cit., p. 628.
54 A. Gratchev estime lui aussi que le caractère et la personnalité de M. Gorbatchev ont joué un « rôle déterminant dans la formation de la politique de l’État » ; cf. A. Gratchev, op. cit., p. 287-290. Cf., aussi, M. Zubok, op. cit., p. 311-313 et 330. M. Geller est cité par V. Zubok, op. cit., p. 334.
55 A de Tinguy, « Effondrement ou suicide ? », dans A. de Tinguy (éd.) L’effondrement de l’empire soviétique, op. cit., p. 76-77.
56 E. Primakov, op. cit., p. 168-169.
57 Conversation reprise dans Mikhaïl Gorbatchev, Avant-Mémoires, Paris, Odile Jacob, 1993, p. 150.
58 A. Gratchev, op. cit., p. 255.
59 M. Gorbatchev, Avant-Mémoires, op. cit., p. 306 ; M. Gorbatchev, Mémoires, op. cit., p. 671.
60 Enquête effectuée pour le EU-Russia Centre, « Voices from Russia », The EU-Russia Review, juin 2007, p. 25. Cf., aussi, Anne de Tinguy, « La Russie et l’Union européenne : partenariat ou coexistence ? », dans A. de Tinguy (éd.), Moscou et le monde – L’ambition de la grandeur : une illusion ?, Paris, Autrement, 2008 ; Daniel Burghart, « Bonn-Berlin-Moscow : a new axis ? », European Security, 1994, no 1, vol. 3, p. 118-128.
61 Cité par V. Zubok, op. cit., p. 316. Cf., aussi, R. Pikhoïa, op. cit., p. 476 et 173.
62 Dmitri Medvedev, « Rossiia, vperëd ! », Gazeta. ru, 10.09.2009.
Auteur
Professeur de sciences politiques à l’INALCO et directrice de recherche au CERI/Sciences Po Paris.
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