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Hommes, mers et terres du Nord au début du Moyen Âge. Volume 1

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Stéphane Lebecq

Première partie. Peuples du Nord. Contacts et mutations culturelles

Mort et sépulture des premiers Mérovingiens

Note de l’éditeur

Communication faite, en anglais, au Colloque organisé par l’Université d’Edinburgh en mai 1999 sur Sad stories of the death of kings. Regicide, usurpation and dynastic continuity (500-1500 AD), colloque dont les actes n’ont jamais été publiés.

Texte intégral

  • 1 Je donne d’emblée la liste des sources citées et des éditions utilisées :
    – GdT, DHL : Grégoire de T (...)
  • 2 Pour la tombe de Childéric et les découvertes récentes faites dans son environnement à Tournai, voi (...)

1« His ita gestis, mortuo Childerico, regnavit Chlodovechus, filius ejus, pro eo » : « Après ces événements, quand Childéric mourut, son fils Clovis régna à sa place » [GdT, DHL, II 27, vol. 1, p. 110]1. Quand il relate la mort de Childéric survenue vers 481, Grégoire de Tours est très laconique. Mais, lorsqu’il évoque la mort de Clovis ou celle de ses successeurs, il se fait un peu plus disert, sans doute parce qu’à la différence de Childéric, ses successeurs les rois mérovingiens étaient chrétiens. Heureusement pour nous, cependant, l’archéologie vient jeter quelque lueur sur les funérailles de Childéric – et quand je dis archéologie, je pense d’une part à la découverte fortuite de la tombe du roi à Tournai en 1653, d’autre part aux fouilles systématiques qui ont été entreprises sur son site dans les années 1980. Ainsi savons-nous que la tombe de Childéric était située dans un suburbium de la cité romaine de Tournai, sur la rive droite de l’Escaut, non loin d’un cimetière romain tardif ; qu’il a été inhumé avec un mobilier aussi luxueux qu’abondant, fait d’armes, de joyaux, de pièces d’or et autres objets, probablement sous un tumulus ; que ses funérailles ont été accompagnées par le sacrifice de chevaux, qui ont été inhumés dans des fosses situées à une vingtaine de mètres autour de sa tombe ; que celle-ci est devenue le noyau d’un nouveau cimetière qualifié de « franc » ; et que plus tard, peut-être dès le VIIe siècle, une église dédicacée à saint Brice, successeur de saint Martin à l’évêché de Tournai, a été élevée à proximité2.

  • 3 Voir Patrick Périn, « La tombe de Clovis », in Media Francia. Recueil de mélanges offerts à Karl Fe (...)
  • 4 Pour les tombes de Saint-Denis, et spécialement celle de la reine Arnegonde (no 49), voir Michel Fl (...)

2À la différence de son père, Clovis, qui est mort en 511, a été enterré dans le sacrarium de l’église des Saints Apôtres, que son épouse Clotilde et lui-même avaient décidé d’élever sur la tombe de sainte Geneviève dans un cimetière suburbain de Paris. Mais si l’information nous est donnée telle quelle par Grégoire de Tours [GdT, DHL, II 43, vol. 1, p. 140 ; et IV 1, vol. 1, p. 194], l’archéologie n’a jamais permis d’identifier la tombe de Clovis3. Assurément, si l’on excepte les rares découvertes de tombes princières faites dans un environnement ecclésial (par exemple à l’abbaye de Saint-Denis ou dans le complexe cathédral de Cologne4), l’archéologie est plus chanceuse avec les tombes païennes qu’avec les tombes chrétiennes – non seulement parce que les premières étaient généralement des « sépultures habillées », mais aussi parce que le sol des églises et de leur environnement immédiat n’a cessé d’être perturbé par le cycle des constructions, des destructions et des reconstructions.

  • 5 On trouvera le texte de nombreuses épitaphes royales dans l’ouvrage, essentiel à mon propos, de Kar (...)

3Aussi, si nous voulons étudier l’histoire de la mort et de la sépulture des premières générations de rois mérovingiens, notre information procède presque exclusivement des sources écrites, à commencer par les grandes sources historiographiques que sont les Decem Libri Historiarum de Grégoire de Tours, le livre IV de la Chronique du pseudo-Frédégaire, et à un moindre degré le Liber Historiae Francorum. Mais ce corpus reste si ténu qu’il conviendra d’élargir le champ de l’enquête à la mort des reines et des héritiers royaux : alors, on pourra recourir non seulement à Grégoire et au pseudo-Frédégaire, qui livrent en particulier de nombreuses informations sur les princes mis à mort dans le contexte des compétitions successorales, mais encore à l’hagiographie (parfois prolixe quand il s’agit de saintes reines comme Radegonde), et même à la poésie et aux épitaphes, qui, plutôt que par des inscriptions in situ, nous ont été conservées dans les recueils métriques d’auteurs tels que Venance Fortunat5.

4Ainsi devient-il possible, grâce à cet élargissement du matériel documentaire, d’esquisser une brève histoire de la mort et de la sépulture des premiers Mérovingiens, en tout cas jusqu’à la disparition de Dagobert en 639, dont le choix de sépulture dans l’abbatiale de Saint-Denis et l’ensemble des dispositions qu’il a prises pour la célébration de sa mémoire dans ce monde et pour son salut dans l’autre constituent un tournant, et préfigurent un nouveau modèle de mort royale chrétienne [Frédégaire, IV 79, p. 67-68]. Aussi, après un très bref survol du peu que l’on sait des caractéristiques démographiques de la mort des Mérovingiens, étudierai-je la question des rites funéraires, puis celle du choix des lieux de sépulture, et enfin celle des dispositions prises pour assurer le salut des défunts royaux dans l’autre monde.

Généalogie des Mérovingiens

Généalogie des Mérovingiens

Les causes de mortalité dans la famille mérovingienne

  • 6 Mis à part quelques informations relatives à l’importance de la mortalité infantile chez les Mérovi (...)
  • 7 Sur cette période agitée de l’histoire des Mérovingiens, voir Eugen Ewig, Die Merowinger und das Fr (...)

5S’il est quasi impossible de tirer des sources écrites une appréciation statistique de l’espérance de vie des rois mérovingiens et des membres de leur famille6, on dispose d’un certain nombre d’informations sur les causes de leurs décès. Si l’on s’en tient aux rois et à leurs héritiers mâles dont la mort est évoquée par Grégoire de Tours, Frédégaire et le Liber Historiae Francorum, on relève que sur les trente-trois exemples cités entre la mort de Clovis en 511 et la mort de Dagobert en 639, il y eut dix-huit cas de mort naturelle et quinze cas de mort violente – un bilan qui paraît somme toute équilibré. Mais si l’on fait la distinction entre trois périodes (avant, pendant et après la longue faide qui a déchiré la famille royale et la société aristocratique entre 575 et 6137), on constate alors que

    • 8 Il y a à dire vrai un cas litigieux, celui de Théodebert Ier, mort en 548 ; car, là où Grégoire de (...)

    de 511 à 574, il y eut, sur douze décès, huit cas de mort naturelle et quatre cas de mort violente8 ;

  • de 575 à 613, il y eut, sur dix-huit décès, huit cas de mort naturelle et dix cas de mort violente ;

  • et de 613 à 639, il y eut, sur trois décès, deux cas de mort naturelle, et un cas (probable) de mort violente.

6Ainsi, si l’on excepte la période de guerre civile où on compte un peu plus de morts violentes que de morts naturelles, il y eut deux fois plus de morts naturelles que de morts violentes.

7Parmi les quinze cas bien documentés de mort violente, on relève deux cas de décès sur le champ de bataille, et treize cas d’assassinat – dont furent en particulier victimes les frères ennemis Sigebert [GdT, DLH, IV 51, vol. 1, p. 270-272] et Chilpéric [GdT, DLH, VI 46, vol. 2, p. 82-84 ; LHF, 35, p. 301-303], et, peut-être plus significatifs de la violence des temps, sept jeunes héritiers royaux – à savoir les fils de Clodomir vers 530 ; les fils de Chilpéric et d’Audovere vers 580 ; et les fils de Théodebert II et de Thierry II en 613 [GdT, DLH, III 18, vol. 1, p. 172-174 ; IV 50, vol. 1, p. 270 ; VIII 10, vol. 2, p. 170-172 ; Frédégaire, IV 38 et 42, p. 30-36].

  • 9 Sur les circonstances de la mort de cette reine, voir Pauline Stafford, Queens, Concubines and Dowa (...)
  • 10 Comme le suggère Adalbert de Vogüe dans son commentaire et sa traduction française de l’œuvre : Jon (...)

8Parmi les causes de mort naturelle, on peut être étonné par l’impact (apparemment beaucoup plus violent que celui de la peste qui a fait des ravages jusque dans les familles royales anglo-saxonnes) de la dysenterie (desenteria, desentericus morbus, [pro] fluvium ventris), devenue réellement endémique dans les années 580, quand elle a été fatale à la reine Austrechilde, femme de Gontran9, et à trois enfants de Chilpéric et Frédégonde [GdT, DLH, V 35, vol. 1, p. 344-346 ; V 22, vol. 1, p. 330 ; et V 34, vol. 1, p. 342-344], et qui a de nouveau sévi en plusieurs occasions, quand elle a par exemple tué Thierry II en 613 (en tout cas selon Frédégaire, mais pas nécessairement selon Jonas de Bobbio, sauf si l’ignis et l’incendia qui ont causé la mort du roi doivent être entendus métaphoriquement comme le « feu de la fièvre »)10 [Frédégaire, IV 39, p. 32 ; JdB, 29, p. 490-492], ou Dagobert en 639 [Frédégaire, IV 79, p. 67-68].

Les rituels funéraires

  • 11 Plusieurs historiens se sont intéressés à cette question, comme Alain Erlande-Brandenburg, Le roi e (...)

9On a heureusement plus d’informations sur les rites funéraires11. Pour commencer, il est important de dire qu’il est arrivé, notamment dans le cas de mort violente ou criminelle, qu’il y eût des funérailles précipitées, voire furtives, suivies occasionnellement d’exhumations et de cérémonies plus ritualisées : tel fut le cas pour Sigebert Ier en 575 [GdT, DLH, IV 51, vol. 1, p. 270-272], ou pour les fils de Chilpéric et d’Audovere vers 580 [GdT, DLH, VIII 10, vol. 2, p. 170-172].

  • 12 Liber in Gloria Confessorum, c. 104, éd. Bruno Krusch, MGH, SSRM, vol. 1, Hanovre 1885, p. 816. Voi (...)
  • 13 Albert France-Lanord, « Bijoux et parures mérovingiens de la reine Arégonde », Dossiers de l’archéo (...)
  • 14 Liber in Gloria Confessorum, c. 34, p. 769 ; et la trad. de Raymond Van Dam, p. 47.
  • 15 Voir Premiers temps chrétiens en Gaule méridionale (Antiquité tardive et haut Moyen Âge, IIIe-VIIIe(...)

10Que faisait-on du corps juste après le décès ? Normalement, le cadavre du roi ou du prince était ablutus, comme dit Grégoire de Tours à propos de Chilpéric en 584, ou à propos de son fils Théodebert quelques années plus tôt [GdT, DLH, VI 46, vol. 2, p. 84 ; et IV 50, vol. 1, p. 270]. Cela signifie-t-il qu’il était simplement lavé, ou qu’il était plus spécialement apprêté, voire embaumé ? Dans ses Histoires, Grégoire ne dit rien de précis sur l’embaumement, mais dans sa Gloire des Confesseurs, il écrit que le corps de la sainte reine devenue nonne Radegonde a été aromatibus conditum, « conservé dans des aromates », avant d’être installé dans une capsa lignea, donc dans « un coffre de bois », en son église de la Sainte-Croix de Poitiers [GdT, GC, 104, p. 814-816]. Mais l’usage du mot capsa, qui peut aussi bien signifier un simple cercueil12 qu’une châsse (un mot français qui dérive directement de capsa) nous invite à la prudence : peut-être est-ce précisément parce que le corps de Radegonde bénéficiait d’une réputation de sainteté qu’il a été ainsi traité avec des essences spéciales avant d’être placé dans une châsse reliquaire et enterré dans une église. En tout cas, l’analyse des restes de la reine Arnegundis – une des épouses du roi Clotaire Ier, décédée dans le dernier tiers du VIe siècle – qui ont été retrouvés à Saint-Denis en 1957 vient confirmer la possibilité d’un tel embaumement pour une reine qui n’était pas une sainte nonne, car on a décelé la trace de baumes conservateurs dans ses poumons13. Grégoire de Tours explique d’ailleurs lui-même que c’est parce qu’elle avait été aromatibus conditam que le corps d’une jeune puella découvert longtemps après son inhumation dans l’église Saint-Vénérand de Clermont avait résisté à la corruption14. Mais l’archéologie nous montre que le traitement du corps, tout soigneux qu’il fût, pouvait rester purement externe, comme on le voit dans le cas de cette jeune chrétienne retrouvée dans une chapelle de Saint-Victor de Marseille, qui avait été enterrée vers 500 dans un sarcophage contenant des bouquets de fleurs et un flacon d’encens, et dont le corps avait été recouvert (juste recouvert, semble-t-il) d’un mélange d’encens, d’ortie, et de thym vraisemblablement destiné à prévenir ou à différer sa décomposition15. On peut penser que les corps royaux bénéficiaient de ce traitement minimal, dans la mesure où ils pouvaient être appelés à une exhibition plus ou moins longue, ou à être transportés sur de grandes distances, avant d’être finalement enterrés dans leur sépulture.

  • 16 Voir les travaux cités supra, notes 4 et 13.

11Après la toilette du corps, celui-ci devait être vestitum, comme dit Grégoire de Tours à propos de Sigebert en 575 [GdT, DLH, IV 51, vol. 1, p. 270-272]. Il pouvait s’agir de vestimentis melioribus, comme dit encore Grégoire à propos de Chilpéric, ou pour le moins de dignis vestibus, comme il dit à propos de son fils Théodebert [GdT, DLH, VI 46, vol. 2, p. 82-84 ; et IV 50, vol. 1, p. 270]. Sans doute s’agissait-il de vêtements et de joyaux magnifiques, tels que ceux qui ont été retrouvés dans les deux tombes princières découvertes dans la cathédrale de Cologne en 1959 (une tombe de femme et une tombe de jeune garçon), ou encore dans la tombe d’Arnegundis à Saint-Denis, qui contenait une superbe robe de laine, des fils d’or, une tunique de soie et de très nombreux bijoux16. Mais, puisque ces tombes féminines du plus haut standard social nous invitent à la comparaison avec celles qu’on a retrouvées dans les nécropoles de plein champ, la question se pose de savoir si les rois et les membres masculins de la famille royale enterrés dans les églises l’ont été avec leurs armes, comme cela avait été le cas de Childéric, ou l’était encore de tous les individus de rang élevé enterrés hors contexte ecclésial. L’exemple du jeune prince inhumé dans ce qui était originellement l’atrium de la cathédrale de Cologne suggère une réponse affirmative, car on a retrouvé à ses côtés des armes miniatures, adaptées à son âge et à sa taille. Mais il faut admettre que ce n’est que dans les sépultures du VIe siècle qu’on a retrouvé de si belles parures et de si beaux joyaux : en tout état de cause, la sépulture habillée et armée en milieu ecclésial n’a concerné que les toutes premières générations mérovingiennes.

  • 17 Liber in Gloria Confessorum, c. 104, p. 814 ; et la trad. de Raymond Van Dam, p. 105.

12Une fois apprêté, le corps était placé sur un feretrum – une civière, une bière –, comme il est dit de Théodoald et de Gunther, les fils chevelus de Clodomir qui ont été assassinés vers 530 sur ordre de leurs oncles [GdT, DLH, III 18, vol. 1, p. 172-174], et comme il est dit de la reine Radegonde, suivant le témoignage de Grégoire de Tours et de son hagiographe Baudonivie [GdT, GC, 104, p. 814-816 ; et Baudonivie, VR, 23 et 24, p. 392-393]. Le témoignage oculaire de Grégoire montre clairement que le feretrum était une bière ouverte et non un cercueil fermé, puisque, quand il la vit reposant dessus, « sa sainte face brillait d’un éclat supérieur à celui des lys et des roses »17 – sans doute ces fleurs mêmes dont le corps de la défunte avait été recouvert. Bien qu’on soit une fois de plus en droit de se demander s’il ne s’agissait pas d’un traitement singulier réservé à une morte singulière, on peut penser que l’exposition du corps royal était un rituel obligé, qui justifiait la nécessité d’un embaumement préalable.

13La longueur et la durée du cortège funèbre dépendaient naturellement de la distance qui existait entre le lieu du décès ou de l’éventuelle exposition et celui de la sépulture. Pour parler de cette procession, Grégoire de Tours use d’un vocabulaire riche et varié qu’il emprunte directement au latin classique : il parle d’exsequies (ainsi à propos d’Austrechilde, reine de Gontran [GdT, DLH, V 35, vol. 1, p. 344-346]), de funus ou, dans sa forme plurielle, de funera (ainsi à propos de Clotaire Ier en 561, ou des enfants de Chilpéric [GdT, DLH, IV 22, vol. 1, p. 224 ; et V 34, vol. 1, p. 344]), ou il use d’une locution plus descriptive comme deferentes cum magno honore (ainsi de nouveau à propos de Clotaire Ier [GdT, DLH, IV 22, vol. 1, p. 224]). Mais il emploie aussi d’autres mots signifiant pleurs, plaintes ou gémissements, qui peuvent impliquer la pratique d’une lamentation rituelle, comme fletus (à propos de Thierry, fils de Chilpéric et Frédégonde [GdT, DLH, VI 34, vol. 2, p. 58-60]), planctus ou sa forme verbale plangere (à propos des fils que Chilpéric eut d’Audovere ou de Frédégonde [GdT, DLH, VIII 10, vol. 2, p. 170-172 ; et V 34, vol. 1, p. 344]) ; ou d’autres encore qui sont plus explicitement associés à l’idée de deuil, comme luctus (à propos des fils de Clodomir [GdT, DLH, III 18, vol. 1, p. 172-174]), ou meror (à propos de Dagobert, autre fils de Chilpéric et Frédégonde [GdT, DLH, V 34, vol. 1, p. 342-344]).

  • 18 Voir J. M. C. Toynbee, Death and Burial in the Roman World, paperback ed., Baltimore/Londres 1996, (...)
  • 19 Voir Jean-Pierre Néraudeau, « La loi, la coutume et le chagrin. Réflexions sur la mort des enfants  (...)

14En fait, la procession était habituellement conduite par les membres rapprochés de la famille royale, escortés à l’occasion par la population en deuil. Ainsi en 544, le cortège funèbre de la reine Clotilde en provenance de Tours a-t-il été conduit, au moins dans sa dernière partie à l’approche de Paris, par ses fils Childebert et Clotaire [GdT, DLH, IV 1, vol. 1, p. 194] ; et les obsèques de ce même Clotaire en 561, par ses quatre fils royaux [GdT, DLH, IV 21-22, vol. 1, p. 224]. Quant à l’escorte des deuillants, le témoignage le plus précis concerne Chlodobert, fils de Chilpéric : Grégoire de Tours parle d’un magnus planctus, qui mobilisa omnem populum – en fait toute la population de Soissons, vêtue d’habits de circonstance : viri lugentes mulieresque lucubribus vestimentis induti, ut solet conjugum exsiquiis fieri (« les hommes en deuil et les femmes qui portaient des vêtements de deuil comme elles le font pour les funérailles de leur conjoint ») [GdT, DLH, V 34, vol. 1, p. 342-344]). Assurément, ces femmes font penser aux praeficae, ces « pleureuses » quasi professionnelles dont les citoyens romains les plus riches louaient les services à l’occasion des funérailles des membres de leur famille18 – sauf quand il s’agissait d’enfants, puisque ceux-ci étaient normalement enterrés à la va-vite, dans la nuit qui suivait leur décès19. Mais Chlodobert, dont l’épitaphe écrite par Venance Fortunat précise qu’il avait tria lustra, soit une quinzaine d’années [VF, Carmina, IX 4, p. 210], n’était plus un enfant. Il est vrai que dans le cas de funérailles princières, qui de surcroît se déroulaient dans une aussi petite cité que Soissons, une bonne partie de la population pouvait n’être attirée que par la curiosité… et par la perspective d’aumônes : de fait, Grégoire précise qu’à la fin de la cérémonie (postea), Chilpéric a fait preuve de largesse à l’égard des églises de la ville et des pauperibus [GdT, DLH, V 34, vol. 1, p. 344].

  • 20 Sur les funérailles de Clotilde et Radegonde, voir Pauline Stafford, Queens, Concubines and Dowager (...)

15Nos sources n’ajoutent de touches explicitement chrétiennes au cérémonial qu’en de rares occurrences. Ainsi les fils de Clodomir et la reine Clotilde ont-ils été enterrés – les premiers vers 530, la seconde en 544 – cum magno [p]sallentio [GdT, DLH, III 18, vol. 1, p. 172-174 ; et IV 1, vol. 1, p. 194]. Mais il est important de rappeler que Clotilde, qui a vécu son long veuvage comme une religieuse à l’ombre de l’église Saint-Martin à Tours, s’est trouvée impliquée dans les deux cas (dans le premier parce que c’est elle qui a organisé les funérailles de ses petits-fils ; dans le second parce qu’il est vraisemblable qu’elle avait exprimé ses vœux, autant pour les questions de rituel que pour son élection de sépulture à Paris). En 587, les obsèques de la reine Radegonde ont été accompagnées, suivant son hagiographe, cum psallentio [Baudonivie, VR, 23-24, p. 393], et, suivant le témoin oculaire qu’en fut Grégoire de Tours, par des clerici quorum erat psallendi officium (par des « clercs dont la fonction était de chanter ») [GdT, GC, 104, p. 814-816] ; mais on sait qu’elle a été enterrée comme la sainte nonne qu’elle était, dans une cérémonie à caractère fortement monastique20. Quand le petit Clovis, fils de Chilpéric et d’Audovere, a été enterré, ce fut cum clero et populo ac cereorum innumerabilium ornato (« en présence du clergé et de la population, et d’une quantité innombrable de cierges »). Mais Grégoire de Tours nous informe que c’est le roi Gontran, oncle de l’enfant, qui a ordonné à un évêque (celui de Paris, probablement) d’organiser la cérémonie, exactement de la même façon qu’il demanderait un peu plus tard à l’évêque de Chartres de superviser l’inhumation du prince Mérovée (un autre fils de Chilpéric et d’Audovere) aux côtés de son frère [GdT, DLH, VIII 10, vol. 2, p. 170-172]. Et si, après la mort de Chilpéric, nox [fuit] deducta in hymnis (« on passa la nuit à chanter des hymnes »), c’est parce que Mallulf, l’évêque de Senlis présent sur place, a pris les choses en mains [GdT, DLH, VI 46, vol. 2, p. 82-84]. Comme on le voit, tous les exemples cités qui montrent de façon explicite un début de christianisation du rituel funéraire au VIe siècle concernent ou des funérailles quasi monastiques (spécialement dans le cas des reines qui ont terminé leur vie dans ou à l’ombre d’un couvent), ou des cérémonies dont l’ordonnancement a été confié à un évêque.

16Y a-t-il eu une touche chrétienne dans les autres funérailles royales sur lesquelles nos sources sont muettes ? Il est probable que dans tous les cas – nombreux, on va le voir dans un instant – d’inhumations apud ecclesiam, la cérémonie était présidée ou par le supérieur (par exemple l’abbé) de l’église concernée, ou par l’évêque de la cité – comme on l’entrevoit dans les exemples qui viennent d’être évoqués des fils de Chilpéric et d’Audovere, pour lesquels il a paru absolument nécessaire à leur oncle Gontran de confier l’organisation rituelle de la cérémonie funèbre à l’autorité épiscopale. Cela peut plaider pour une christianisation précoce des funérailles royales, mobilisant pour le moins le clergé et/ou les religieux du lieu prévu pour la sépulture, et impliquant dans ce cas le chant d’hymnes et de psaumes, peut-être à la lueur de cierges.

L’élection de sépulture des premiers Mérovingiens

  • 21 Voir à ce sujet les ouvrages cités de Alain Erlande-Brandenburg, Le Roi est mort…, en part. p. 49-5 (...)
  • 22 Sur l’église des Saints-Apôtres à Constantinople, fondée par Constantin mais reconstruite par Justi (...)
  • 23 Comme le pense Alain Erlande-Brandenburg, Le roi se meurt…, op. cit., p. 50.
  • 24 Patrick Périn, « La tombe de Clovis », in Media Francia. Recueil de mélanges offerts à Karl Ferdina (...)

17Ce qui est sûr, c’est que tous les lieux de sépulture des rois mérovingiens depuis Clovis, et probablement aussi ceux des reines et des princes royaux, étaient chrétiens : c’est la principale information qu’on tire des Histoires de Grégoire de Tours et de la Chronique de Frédégaire21. Cette tradition de funérailles royales ad sanctos ou apud ecclesiam a été inaugurée par Clovis et Clotilde eux-mêmes, qui ont fait construire une basilicam sanctorum apostolorum (« une basilique des saints Apôtres ») à Paris, sur la rive gauche de la Seine, à l’endroit même où sainte Geneviève avait été enterrée aux environs de 502 [GdT, DLH, II 43 et IV 1, vol. 1, p. 140 et 194]. La dédicace de l’église, et peut-être sa construction, ont sans doute été inspirées du modèle impérial de Constantin, qui a fait construire une église des saints Apôtres à Constantinople destinée à devenir le mausolée dynastique22. Clovis en 511 et Clotilde en 544 ont été enterrés dans le sacrarium de l’église – un mot qui ne signifie probablement pas la confessio ou la memoria de sainte Geneviève, ni même le chœur de la basilique23, mais, suivant la suggestion de Patrick Périn qui se fonde sur la comparaison avec des exemples trouvés à Rome ou à Constantinople, une annexe greffée sur l’abside de l’église24. Pourtant, en dépit du prestige de ses illustres fondateurs, l’église parisienne des saints Apôtres n’est pas devenue mausolée dynastique : on sait seulement que, vers 524, Clotilde a fait enterrer ses petits-fils, fils du roi Clodomir, ad basilicam sancti Petri de Paris [GdT, DLH, III 18, vol. 1, p. 172-174] ; et qu’une princesse Clotilde, fille de Clovis et Clotilde qui avait été mariée au roi wisigoth Amalaric et qui est morte vers 537 à l’occasion d’un voyage d’Espagne à Paris, a été ensevelie auprès de son père Clovis (juxta patrem suum Chlodovechum […] sepulta est) [GdT, DLH, III 10, vol. 1, p. 156].

Carte des lieux cités

Carte des lieux cités

18Il apparaît en revanche qu’à la différence de leur sœur, les quatre fils de Clovis n’ont pas été enterrés dans l’église des saints Apôtres :

    • 25 Alain Erlande-Brandenburg, Le roi est mort, op. cit., p. 134. « Il est vraisemblable, précise l’aut (...)
    • 26 Voir les travaux de Otto Doppelfeld cités supra note 4.

    Mort en 548 [GdT, DLH, III 23, vol. 1, p. 176-178], Thierry a probablement été enterré dans son royaume du Nord-Est, dans la future Austrasie. L’a-t-il été à Reims, capitale théorique de son royaume ? À Metz, comme le veut une très ancienne tradition25 ? Ou encore à Cologne, où ont été retrouvées dans l’ancien atrium de la cathédrale les deux sépultures princières dont il a été question plus haut, et qui, remontant aux environs de 540, peuvent être celles de membres de l’entourage familial de Thierry26 ?

  • On ne connaît pas le lieu de sépulture de Clodomir, roi d’Orléans, qui a été tué en 524 sur le champ de bataille de Vézéronce, dans les lointaines Alpes burgondes [GdT, DLH, III 6, vol. 1, p. 150-152], et dont on ne sait même pas si le corps a été rapatrié dans le Nord.

    • 27 Patrick Périn, « Saint-Germain-des-Prés, première nécropole des rois de France », in La Mort des gr (...)

    Mort en 558, Childebert, roi de Paris, a été enterré ad basilicam beati Vincenti, quam ipse construxerat (« dans la basilique de saint Vincent qu’il a lui-même fait construire ») [GdT, DLH, IV 20, vol. 1, p. 222]. En fait cette église, dont la fondation remonte aux environs de 556, avait d’abord été dédicacée à la Sainte-Croix et à Saint-Vincent de Saragosse, dont des reliques venaient d’être acheminées en Gaule du Nord ; mais, après qu’y eut été inhumé en 576 l’évêque de Paris Germain, elle prit peu à peu son nom et devint Saint-Germain-des-Prés. Quand, vers 1640-1650, on en dégagea le chœur primitif à l’occasion d’importants travaux de reconstruction, les témoins racontent qu’on y reconnut plusieurs tombes monumentales, dont celles du roi Childebert et de sa reine Ultrogothe27.

  • Quant à Clotaire, roi de Soissons mort en 561, il a été enterré apud Sessionas, in basilica sancti Medardi, une église qu’il avait lui-même fait élever sur la tombe de Médard, le saint évêque du Vermandois et de Noyon [GdT, DLH, IV 19, 21 et 22, vol. 1, p. 220 et 224].

19Depuis l’époque des fils de Clovis, plusieurs lieux de sépulture ont été utilisés par les nouvelles générations de la famille mérovingienne, en particulier :

    • 28 Voir Karl Heinrich Krüger, Königsgrabkirchen, op. cit. supra, p. 103-125 ; et Patrick Périn « Saint (...)

    Saint-Vincent-Sainte-Croix de Paris, où ont été enterrés, parmi d’autres, Chilpéric Ier ; ses fils Clovis et Mérovée ; son épouse Frédégonde ; et le fils qu’il eut de celle-ci, Clotaire II [GdT, DLH, VI 46, vol. 2, p. 84 ; VIII 10, vol. 2, p. 170-172 ; Frédégaire, IV 56, p. 47]28.

    • 29 Voir Karl Heinrich Krüger, Königsgrabkirchen, op. cit. supra, p. 125-134.

    Saint-Médard de Soissons, où a été enterré Sigebert, qui avait achevé la construction de l’église entreprise par son père Clotaire [GdT, DLH, IV 51, p. 272]29.

    • 30 Voir Karl Heinrich Krüger, Königsgrabkirchen, op. cit. supra, p. 134-138.

    Saints-Crépin-et-Crépinien de Soissons, où a été enterré Chlodobert, fils de Chilpéric et Frédégonde, dont l’épitaphe a été composée par Venance Fortunat [GdT, DLH, V 34, p. 342-344 ; et VF, Carmina, éd. Leo, IX 4, p. 210]30.

    • 31 Voir Karl Heinrich Krüger, Königsgrabkirchen, op. cit. supra, p. 138-149.

    Saint-Marcel de Chalon-sur-Saône, où a été enterré Gontran, dans le suburbium de la cité du royaume de Burgondie dont il avait fait sa résidence capitale [Frédégaire, IV 14, p. 10]31.

    • 32 Voir Karl Heinrich Krüger, Königsgrabkirchen, op. cit. supra, p. 171-190 ; ou encore Patrick Périn, (...)

    Saint-Denis, où ont été enterrés le petit Dagobert, fils de Chilpéric et Frédégonde ; et le grand Dagobert Ier, qui a ainsi inauguré une longue série d’inhumations royales dans cette église, à commencer par celle de son fils Clovis II, qui lui a succédé à la tête du royaume de Neustrie [GdT, DLH, V 34, vol. 1, p. 344 ; VF, Carmina, éd. Leo, IX 5, p. 211 ; et Frédégaire, IV 79, p. 67-68]32.

20On constate un fait récurrent : les rois et les membres de leur famille ont souvent été enterrés dans des lieux saints où ils s’étaient personnellement impliqués. Ou bien ce sont eux qui ont fondé les églises dans lesquelles ils souhaitaient être enterrés – ainsi Clovis, Childebert, Clotaire, ou encore Gontran à Chalon, qui avait exprimé le vœu d’être inhumé in monasterio [sancti Marcelli] quem ipse construxerat [Frédégaire, IV 14, p. 10]. Ou bien ils ont achevé le chantier d’églises entreprises par leurs prédécesseurs, comme Sigebert Ier, fils de Clotaire, qui, plutôt que d’être enterré dans son royaume de l’Est, a souhaité être inhumé dans la basilica sancti Medardi fondée à Soissons par son père Clotaire, mais que lui-même explevit atque conposuit (« acheva et décora ») [GdT, DLH, IV 19 et IV 51, p. 220 et p. 272]. Ou bien ils ont richement doté l’église de leur choix, comme Dagobert, qui a choisi d’être enseveli à l’abbaye de Saint-Denis, quam ipse prius condigne ex auro et gemmis et multis preciosissimis espetebus ornaverat (« qu’il avait lui-même somptueusement embellie avec de l’or, des gemmes et les matières les plus précieuses »), et à laquelle il avait fait don de villas et possessiones multas per plurema loca [Frédégaire, IV 79, p. 68].

Rituels du deuil et de la commémoration

21Il me faut enfin aborder la question des rituels de deuil et de commémoration pratiqués après l’inhumation des souverains et des membres de leur famille. Indiscutablement, l’usage voulait qu’il y eût une période de deuil, car, suivant Grégoire de Tours, Clotilde dut attendre après la mort de son fils Clodomir que les jours de deuil fussent écoulés (exactis diebus luctus) avant de recevoir et de garder auprès d’elle ses petits-fils [GdT, DLH, III 6, p. 152] ; et Chilpéric s’interrogeait sur l’opportunité de célébrer le mariage de sa fille avec le fils du roi Leovigilde tant qu’on portait encore dans sa maison le deuil de son fils Thierry (Ecce planctum in domo sustineo, et qualiter nuptias filiae celebrabo ?) [GdT, DLH, VI 34, p. 60].

  • 33 Voir le commentaire de Judith George dans Venantius Fortunatus : Personal and Political Poems, Live (...)
  • 34 Pour Saint-Germain-des-Prés, voir Patrick Périn « Saint-Germain-des-Prés, première nécropole des ro (...)

22Quant au défunt lui-même, il semble que le choix de son église funéraire, la place précise et la forme de la tombe dans ou à proximité de l’édifice cultuel, et les éventuels arrangements liturgiques prévus par lui ou ses proches ont été déterminés tout à la fois pour célébrer sa mémoire ici-bas et pour assurer son salut dans l’autre monde. Bien entendu, les épitaphes écrites par Venance Fortunat, qui célèbrent les mérites des princes défunts et s’associent au chagrin de leurs parents [VF, Carmina, IV 25, éd. Reydellet, vol. 1, p. 154-155 ; IX 4, éd. Leo, p. 210 ; et surtout IX 5, superbe acrostiche dont les premières lettres de chaque vers déclinent le nom du prince Dagobert, éd. Leo, p. 21133], étaient destinées à être placées sur ou au pied de leur tombe (sub isto tumulo, comme il est dit à propos de la princesse Theodechilde [IV 25] ; ou hoc tumulo recubans Chlodobertus, « sur cette tombe où repose Chlodobert » [IX 4]), afin d’en perpétuer la mémoire glorieuse. Mais nous ne savons rien des monuments originaux, qui ont tous disparu à l’occasion des destructions et des reconstructions des édifices, par exemple à Saint-Germain-des-Prés ou à Saint-Denis34. Les dons que des reines comme Ingeburge ou que des rois comme Dagobert Ier ont faits, de leur vivant ou par une clause de leur testament, à leur église funéraire ou à telle autre institution, les domaines qu’ils leur ont donnés, les dispositions liturgiques qu’ils ont programmées, toutes ces initiatives étaient prises comme autant de précautions pour assurer leur salut – pro animae remedium, comme dit Grégoire de Tours à propos d’Ingeburge [GdT, DLH, IX 26, vol. 2, p. 276 ; et Frédégaire, IV 79, p. 67-68].

  • 35 Si Frédégaire écrit que Dagobert a été transporté a suis à Saint-Denis avant de mourir, le Liber Hi (...)
  • 36 Voir Alain Dierkens, « La mort, les funérailles et la tombe du roi Pépin le Bref (768) », in La Mor (...)
  • 37 Voir Karl Heinrich Krüger, Königsgrabkirchen, op. cit. supra, p. 184 ; ou encore Josef Semmler, « S (...)
  • 38 Voir Ian Wood, The Merovingian Kingdoms, op. cit. supra, en part. p. 183.
  • 39 Suivant Frédégaire [IV 1, p. 4], Gontran, premier roi de la famille mérovingienne à régner sur les (...)

23Suivant nos sources, Dagobert a été le premier roi mérovingien qui non seulement a voulu être enterré dans l’abbaye de Saint-Denis, mais qui a aussi souhaité, si on préfère le témoignage de Frédégaire à celui, plus douteux, du Liber Historiae Francorum35, mourir dans l’atmosphère bienfaisante de ce lieu de prière aussi prestigieux qu’efficace en matière de salut dans l’autre monde [Frédégaire, IV 79, p. 67-68 ; et LHF, 43]. En choisissant de mourir dans les murs d’une institution vouée au culte du Dieu rédempteur, il a sans doute été le premier d’une longue série de rois et d’aristocrates chrétiens – à commencer par Pépin III le Bref, l’usurpateur pippinide qui a chassé du trône les derniers Mérovingiens, et qui, en 768, a voulu, tout comme Dagobert, mourir dans l’église de Saint-Denis36. Mieux encore, Dagobert a voulu instituer à Saint-Denis un [ p ] sallencium, c’est-à-dire un chant liturgique qu’il espérait perpétuel, si du moins l’on en croit Frédégaire, qui regrette explicitement que la faiblesse de l’abbé Aigulf (attesté jusqu’en 652) en ait fait tomber la célébration en désuétude (facilletas abbatis Aigulfieadem instetucionem nuscetur refragasse) [Frédégaire, IV 79, p. 68]37. Ce sallencium a été choisi ad instar monastiriae sanctorum Agauniensium – ce qui signifie qu’il s’inspirait de la laus perennis que, suivant Grégoire de Tours, le roi des Burgondes Sigismond avait instituée en 515 dans le monastère valaisan de Saint-Maurice d’Agaune, où, considéré comme un saint, il allait être enterré quelques années plus tard, en 523 [GdT, DLH, III 5, vol. 1, p. 148-150]. Ce chant était perpétuel dans le sens où les moines étaient partagés en plusieurs équipes qui se relayaient dans une stricte rotation de façon à ce qu’il ne fût jamais interrompu38, et qu’ainsi il offrît les meilleures garanties de salut aux personnages enterrés dans l’église. Assurément, en imitant le saint roi des Burgondes, peut-être grâce à la médiation de son grand-oncle Gontran à Chalon39, Dagobert gravit un échelon décisif dans la christianisation des pratiques funéraires des rois mérovingiens ; mais, comme l’a déploré Frédégaire, sans doute fallut-il attendre un certain temps avant que le nouveau modèle liturgique fût régulièrement observé.

Conclusions

  • 40 Voir les références données supra, note 15.
  • 41 Javier Arce, Funus imperatorum. Los funerales de los Emperadores romanos, Madrid 1988 ; ou, du même (...)

24Il reste à formuler quelques remarques et à poser quelques questions. Pour commencer, doit-on penser que les rituels évoqués plus haut étaient spécifiquement royaux ? Pour la plupart d’entre eux, il me semble que non. Souvenons-nous par exemple des funérailles du prince Chlodobert : Grégoire de Tours précise que les femmes de Soissons y portaient des vêtements normalement prévus pour les funérailles de leurs époux. Sans doute ce rituel incluant pleurs publics et vêtements de deuil était-il celui qui était pratiqué à l’occasion des funérailles de tout aristocrate laïc. Si l’on pense d’une part à la présence de praeficae (ces femmes qui étaient payées pour pleurer) dans les funérailles romaines, et d’autre part à l’exemple de la jeune chrétienne qui a été enterrée à Saint-Victor de Marseille à peu près au même moment que Childéric l’a été à Tournai40, on peut penser que, dès l’époque de Clovis, les rituels funéraires des Mérovingiens ont été inspirés par ceux de l’aristocratie gallo-romaine christianisée, et en tout cas pas par ceux des funérailles impériales tels qu’ils étaient pratiqués dans un Empire romain désormais chrétien, et qu’ils ont été récemment caractérisés par Javier Arce41 : si l’on laisse pour l’instant de côté la question du choix par Clovis de son église sépulcrale, nulle part en effet nos sources n’évoquent de regia pompa, ni de laudatio funebris, ni de consecratio.

  • 42 Voir J. M. C. Toynbee, Death and Burial in the Roman World, op. cit. supra note 18, p. 46 : « Tradi (...)

25Pourtant, il semble que les membres de la famille royale mérovingienne ont été les premiers parmi les Francs à avoir eu accès à un rituel chrétien. Comme on l’a vu plus haut d’après les quelques exemples donnés par nos sources, on peut penser que les funérailles royales apud ecclesiam impliquaient dans tous les cas la présence du supérieur de la communauté ou celle de l’évêque de la cité, l’un ou l’autre appelés à présider la cérémonie. La marque du christianisme sur le rituel s’exprimait essentiellement par la psalmodie, si possible chantée par ces clerici quorum erat psallendi officium (par ces « clercs dont la fonction était de chanter ») évoqués par Grégoire de Tours à propos des funérailles de la reine Radegonde [GdT, GC, 104, p. 814-816]. S’exprimait-elle aussi dans l’abondance des cierges ? Ce n’est pas sûr du tout, car, avant de devenir le symbole de la lumière éternelle de la résurrection, les chandelles, ou plus précisément les torches allumées, s’inscrivaient dans la tradition funéraire de la Rome païenne42.

  • 43 Voir supra, note 22.

26Si les rois mérovingiens et les membres de leur famille furent les premiers à avoir eu accès à l’inhumation apud ecclesiam, non seulement parmi les Francs, mais aussi parmi toutes les élites barbares installées dans l’Occident romain, c’est parce que Clovis, qui en a initié la pratique, a voulu, pour des raisons autant idéologiques que religieuses, imiter le précédent impérial de Constantinople43. Mais Clovis n’a pas réussi à faire de l’église des apôtres Pierre et Paul de Paris un mausolée dynastique, sans doute parce qu’a été instituée sitôt après sa mort la pratique du partage de l’institution royale par ses héritiers. Plutôt que d’être enterrés auprès du père fondateur, ceux-ci ont voulu l’imiter en fondant et en dotant l’église qui allait devenir leur propre mausolée, située souvent, mais pas toujours, au cœur de leur royaume, en attendant que Paris et sa couronne d’établissements suburbains redevinssent le site privilégié des sépultures royales.

  • 44 Voir Ernst K. Kantorowicz, The King’s Two Bodies. A Study in Medieval Political Thought, Princeton (...)

27La tradition du partage de la royauté, et plus généralement la fragmentation de l’autorité royale, peuvent aussi contribuer à expliquer l’absence d’une singularité rituelle des funérailles des rois et princes de la famille mérovingienne. En effet, quand un roi mourait, un ou plusieurs autres lui survivaient le plus souvent, qui étaient tout autant reges Francorum que leur défunt parent : ainsi n’y avait-il pas de rupture ou de discontinuité dans la transmission du pouvoir. On était donc très loin du concept, formulé par Ernst Kantorowicz44, des deux corps du roi – un corps mortel, celui du roi lui-même désormais enfermé dans son cercueil ; et un corps immortel, le corps politique du roi, éventuellement représenté par une imago placée sur son cercueil et parée de tous les symboles de la royauté –, tels qu’on les verrait émerger dans l’Angleterre et la France d’un Moyen Âge plus tardif, et exalter l’idée de l’immortalité de l’institution et de l’autorité royales. Si, avec les Mérovingiens, on a affaire à une royauté chrétienne, on n’a pas affaire à une royauté sacrée : d’ailleurs l’absence de regalia (ni couronne, ni sceptre, ni le moindre attribut symbolique du pouvoir en dehors du port des cheveux longs) exclut toute exhibition de la pérennité de l’institution dans les rituels funéraires des rois francs.

  • 45 Voir Alain Erlande-Brandenburg, Le Roi est mort…, op. cit. supra, p. 142-144.

28En fait, le legs principal des Mérovingiens en la matière aura été le choix de l’inhumation ad sanctos ou apud ecclesiam. Il est intéressant de noter à ce propos qu’en choisissant le site de Saint-Denis – ce qui fut en son temps une nouveauté pour un roi, sinon pour un prince royal –, Dagobert est celui qui a donné aux futurs rois de France leur « caveau de famille » de prédilection. Ces rois ne l’oublieraient pas, car, quand Louis IX prendrait au XIIIe siècle la décision de restaurer les tombeaux de ses prédécesseurs enterrés à Saint-Denis, c’est à celui de Dagobert qu’il apporterait le plus grand soin, le faisant reconstruire complètement dans le chœur de l’église, orné de fines sculptures gothiques et sommé d’un gâble monumental45.

  • 46 Voir supra note 2.
  • 47 Note additionnelle (2010) : Charles Mériaux me met en garde contre cette hypothèse. L’Escaut faisan (...)
  • 48 Voir par exemple l’excellent compte-rendu de ce magnifique dossier dans Else Roesdahl, The Vikings,(...)

29Dagobert me donne l’occasion de revenir à mon point de départ. En effet, il n’est pas impossible que ce soit lui ou un de ses successeurs immédiats qui aient pris la décision de sacraliser le lieu où leur lointain ancêtre Childéric avait été enterré aux environs de 481 dans le suburbium de Tournai. Bien que les fosses de chevaux sacrifiés aient été rapidement oubliées (puisque quelques sépultures de guerriers francs ont été creusées à leur emplacement dès le début du VIe siècle), il est probable que le souvenir de la tombe du roi, bien préservée par un tumulus, ait été conservé beaucoup plus longtemps, et que l’élévation d’une église dédiée à saint Brice ait quelque chose à voir avec ce souvenir46. N’oublions pas en effet que Brice, qui a succédé à saint Martin à l’évêché de Tours en 397, fut, aux côtés de et après celui-ci, l’un des saints patrons préférés des Mérovingiens ; et qu’Éloi, l’un des plus proches compagnons de Dagobert, a été évêque de Tournai de 641 à 660. Dans quelle mesure n’est-ce pas celui-ci qui, à la demande de Dagobert, a fait élever l’église Saint-Brice de façon à attirer la bienveillance du saint et de son Créateur sur le père de Clovis ?47 L’hypothèse est séduisante, elle peut paraître gratuite, on ne peut pas pour autant l’exclure tout à fait. Je pense à un exemple analogue, et beaucoup mieux documenté, de christianisation a posteriori d’une tombe royale païenne, celui de l’église que le roi danois Harald à la dent bleue a fait élever à la fin du Xe siècle à Jelling, dans l’immédiate proximité de la tombe de son père Gorm, et dans laquelle il semble qu’il ait fait transférer le corps de celui-ci48. Au fond, tout comme Gorm, Childéric a peut-être bénéficié, de façon différée et par le bon vouloir de ses descendants, d’une inhumation apud ecclesiam.

Notes

1 Je donne d’emblée la liste des sources citées et des éditions utilisées :
– GdT, DHL : Grégoire de Tours, Decem Libri Historiarum (écrits entre 575 et 594), éd. (d’après celle de Bruno Krusch dans les Monumenta Germaniae Historica) et traduction allemande de Rudolf Buchner, Ausgewählte Quellen zur Deutschen Geschichte des Mittelalters, deux vol. (vol. 1, livres 1-5 ; et vol. 2, livres 6-10), Darmstadt 1970.
– GdT, GC : Grégoire de Tours, Libri in Gloria Confessorum (écrits en 587-589), éd. Bruno Krusch, Monumenta Germaniae Historica, Scriptores rerum Merowingicarum, vol. 1, Hanovre 1885, p. 744-820. Voir également la présentation et la traduction anglaise de Raymond Van Dam, Gregory of Tours. Glory of the Confessors, Liverpool 1988.
– VF, Carmina : Venance Fortunat, Opera poetica (écrits entre 565 et 600) : pour les livres 1-8, éd. Marc Reydellet, 2 vol., Paris 1994-1998 ; et pour les livres 9-11, éd. Friedrich Leo, Monumenta Germaniae Historica, Auctores Antiquissimi, vol. 4/1, Berlin 1881. Voir également la présentation et la traduction anglaise de Judith George, Venantius Fortunatus : Personal and Political Poems, Liverpool 1995.
– Baudonivie, VR : Baudonivia, Vita Radegundis liber II (ou Vita Secunda) (écrite entre 609 et 614), éd. Bruno Krusch, Monumenta Germaniae Historica, Scriptores rerum Merowingicarum, vol. 2, Hanovre 1888, p. 377-395.
– Frédégaire : Chronique du pseudo-Frédégaire (écrite vers 650-660), livre IV, éd. John Michael Wallace-hadrill, The Fourth Book of the Chronicle of Fredegar, Londres 1960.
– JdB : Jonas de Bobbio,
Vita Columbani (écrite vers 640-642), éd. Herbert Haupt, Quellen zur Geschichte des 7. Und 8. Jahrhunderts, Ausgewählte Quellen zur Deutschen Geschichte des Mittelalters, vol. 4 (A), Darmstadt 1982, p. 393-497.
– LHF : Liber Historiae Francorum (écrit en 727), éd. Bruno Krusch, Monumenta Germaniae Historica, Scriptores rerum Merowingicarum, vol. 2, Hanovre 1888, p. 215-328.

2 Pour la tombe de Childéric et les découvertes récentes faites dans son environnement à Tournai, voir de préférence, dans une bibliographie considérable, Childéric-Clovis, 1500e anniversaire (482-1982), catalogue d’exposition, Tournai 1982 ; et Raymond Brulet éd., Les fouilles du quartier Saint-Brice à Tournai. L’environnement funéraire de la sépulture de Childéric, deux vol., Louvain-la-Neuve 1990 et 1991.

3 Voir Patrick Périn, « La tombe de Clovis », in Media Francia. Recueil de mélanges offerts à Karl Ferdinand Werner, Maulévrier 1989, p. 363-378 ; et id., « The indiscovered grave of King Clovis », in Martin Carver éd., The Age of Sutton Hoo, Woodbridge 1992, p. 255-264.

4 Pour les tombes de Saint-Denis, et spécialement celle de la reine Arnegonde (no 49), voir Michel Fleury et Albert France-Lanord, Les trésors mérovingiens de la basilique de Saint-Denis, Thionville 1997. Et pour les tombes de Cologne, voir Otto Doppelfeld, « Das Fränkischen Frauengrab unter dem Chor des Kölner Domes », in Germania, 38, 1960, p. 156 ; et Georg Hauser, « Das fränkische Gräberfeld unter dem Kölner Dom », in Die Franken, Wegbereiter Europas, catalogue d’exposition, Mayence 1996, p. 931-935.

5 On trouvera le texte de nombreuses épitaphes royales dans l’ouvrage, essentiel à mon propos, de Karl Heinrich Krüger, Königsgrabkirchen der Franken, Angelsachsen und Langobarden bis zur Mitte des 8. Jahrhunderts. Ein historischer Katalog, Munich 1971. Je n’ai utilisé dans le présent travail que trois épitaphes écrites par Venance Fortunat (épitaphes de Theodechilde et de deux fils de Chilpéric et Frédégonde, les petits Chlodobert et Dagobert : VF, Carmina IV 25, p. 154-155 ; IX 4, p. 210 ; et IX 5, p. 211).

6 Mis à part quelques informations relatives à l’importance de la mortalité infantile chez les Mérovingiens, on ne dispose pas d’un matériel comparable à celui qui concerne les Carolingiens et qui a permis à Janet Nelson de faire une synthèse des données connues sur « la démographie et la pathologie » de la famille carolingienne, au début de son article sur « La mort de Charles le Chauve », paru dans La Mort des grands, no thématique de Médiévales, éd. par Stéphane Lebecq, 31, 1996, p. 53-66, spécialement les p. 53-54.

7 Sur cette période agitée de l’histoire des Mérovingiens, voir Eugen Ewig, Die Merowinger und das Frankenreich, Stuttgart-Berlin 1988 ; Patrick Geary, Before France and Germany. The Creation and the Transformation of the Merovingian World, New York 1988 ; Stéphane Lebecq, Les Origines franques (Ve-IXe siècle), Vol. 1 de la Nouvelle Histoire de la France médiévale, Paris 1990 ; et Ian Wood, The Merovingian Kingdoms (450-751), Londres-New York 1994.

8 Il y a à dire vrai un cas litigieux, celui de Théodebert Ier, mort en 548 ; car, là où Grégoire de Tours évoque la maladie [GdT, DLH, III 36 et 37, vol. 1, p. 188-190], l’historien byzantin Agathias parle d’un accident de chasse (Libri Historiarum 4/5). Mais « il est possible qu’il ne s’agisse ici que d’une histoire délibérément inventée », comme écrit Robert Collins dans « Theodebert I, Rex Magnus Francorum », in Patrick Wormald, Donald Bullough et Roger Collins éd., Ideal and Reality in Frankish and Anglo-Saxon Society. Studies presented to J. M. Wallace-Hadrill, Oxford 1983, p. 7-33, en part. p. 10.

9 Sur les circonstances de la mort de cette reine, voir Pauline Stafford, Queens, Concubines and Dowagers. The King’s Wife in the Early Middle Ages, paperback ed., Leicester 1998, p. 186.

10 Comme le suggère Adalbert de Vogüe dans son commentaire et sa traduction française de l’œuvre : Jonas de Bobbio. Vie de saint Colomban et de ses disciples, abbaye de Bellefontaine 1988, p. 164.

11 Plusieurs historiens se sont intéressés à cette question, comme Alain Erlande-Brandenburg, Le roi est mort. Étude sur les funérailles, les sépultures et les tombeaux des rois de France jusqu’à la fin du XIIIe siècle, Paris 1975, en part. les p. 5-7 (sur les funérailles des rois mérovingiens), 49-59 (sur leurs lieux de sépulture), et 133-148 (sur leurs tombes) ; ou comme Edward James, The Franks, Oxford 1988, en part. les p. 152-161 (« Royal burials »). L’article de Guy Halsall, « Burial, Ritual and Merovingian Society », in Joyce Hill et Mary Swan éd., The Community, the Family and the Saint. Patterns of Power in Early Medieval Europe, Turnhout 1998, p. 325-338, offre une lecture suggestive des indices contenus dans les tombes et les cimetières de la Gaule du VIe siècle, mais, l’étude étant limitée aux cimetières de plein champ, rien n’est dit des caractères spécifiques des funérailles royales. On trouvera un peu plus d’information, quoique limitée aux seules sources archéologiques, dans le petit livre du même : Guy Halsall, Early Medieval Cemeteries. An Introduction to Burial Archaeology in the Post-Roman West, Glasgow 1995, en part. aux p. 31-34.

12 Liber in Gloria Confessorum, c. 104, éd. Bruno Krusch, MGH, SSRM, vol. 1, Hanovre 1885, p. 816. Voir la présentation et la traduction anglaise de Raymond Van Dam, Gregory of Tours. Glory of the Confessors, Liverpool 1988, p. 107, où l’auteur traduit le mot par casket, cercueil.

13 Albert France-Lanord, « Bijoux et parures mérovingiens de la reine Arégonde », Dossiers de l’archéologie, vol. 32, 1979 ; ou Edward James, The Franks, op. cit. supra, p. 154.

14 Liber in Gloria Confessorum, c. 34, p. 769 ; et la trad. de Raymond Van Dam, p. 47.

15 Voir Premiers temps chrétiens en Gaule méridionale (Antiquité tardive et haut Moyen Âge, IIIe-VIIIe siècles), catalogue d’exposition, Lyon 1986, p. 81-83 ; Stéphane Lebecq, Les Origines franques, op. cit. supra, p. 31 ; ou encore Ian Wood, « Sépultures ecclésiastiques et sénatoriales dans la vallée du Rhône (400-600) », in La Mort des Grands, op. cit. supra note 6, p. 13-27, en part. les p. 18-19.

16 Voir les travaux cités supra, notes 4 et 13.

17 Liber in Gloria Confessorum, c. 104, p. 814 ; et la trad. de Raymond Van Dam, p. 105.

18 Voir J. M. C. Toynbee, Death and Burial in the Roman World, paperback ed., Baltimore/Londres 1996, en part. p. 45-47.

19 Voir Jean-Pierre Néraudeau, « La loi, la coutume et le chagrin. Réflexions sur la mort des enfants », in François Hinard éd., La mort, les morts et l’au-delà dans le monde romain, Caen 1987, p. 195-208, en part. p. 197.

20 Sur les funérailles de Clotilde et Radegonde, voir Pauline Stafford, Queens, Concubines and Dowagers. The King’s Wife in the Early Middle Ages, paperback ed., Leicester 1998, en part. p. 188-189.

21 Voir à ce sujet les ouvrages cités de Alain Erlande-Brandenburg, Le Roi est mort…, en part. p. 49-59 et 133-148 ; et de Karl Heinrich Krüger, Königsgrabkirchen…, en part. son catalogue des églises funéraires franques, p. 38-250.

22 Sur l’église des Saints-Apôtres à Constantinople, fondée par Constantin mais reconstruite par Justinien en 536, utilisée comme mausolée impérial jusqu’au XIe siècle, et finalement détruite au XVe siècle, voir Richard Krautheimer, Early Christian and Byzantine Architecture, Harmondsworth 1965, spec. p. 72 sq. ; Glanville Downey, « The tombs of the Byzantine Emperors at the Church of the Holy Apostles in Constantinople », in The Journal of Hellenic Studies, vol. 79, 1959, p. 27-51 ; et Karl Heinrich Krüger, Königsgrabkirchen…, op. cit., p. 51-52. [Note additionnelle (2010) : Céline Martin me met en garde devant une telle comparaison, l’église constantinopolitaine étant dédiée aux douze apôtres, et celle de Paris aux seuls apôtres Pierre et Paul, suivant le modèle romain (et non byzantin) qui s’est imposé en Occident : je renvoie à son ouvrage La Géographie du pouvoir dans l’Espagne wisigothique, Lille 2003, en part. p. 234].

23 Comme le pense Alain Erlande-Brandenburg, Le roi se meurt…, op. cit., p. 50.

24 Patrick Périn, « La tombe de Clovis », in Media Francia. Recueil de mélanges offerts à Karl Ferdinand Werner, Maulévrier 1989, p. 363-378 ; et id., « The indiscovered grave of King Clovis », in Martin Carver éd., The Age of Sutton Hoo, Woodbridge 1992, p. 255-264.

25 Alain Erlande-Brandenburg, Le roi est mort, op. cit., p. 134. « Il est vraisemblable, précise l’auteur, qu’il s’agit de Saint-Arnoul » : en fait, l’évêque de Metz Arnoul étant mort aux alentours de 645, aucune église de ce vocable n’existe au VIe siècle ! Karl Heinrich Krüger, Königsgrabenkirchen…, op. cit., p. 156-164, dit que s’il est une église messine qui a reçu des sépultures mérovingiennes (en fait plus tardives), ce ne peut être que Saint-Martin.

26 Voir les travaux de Otto Doppelfeld cités supra note 4.

27 Patrick Périn, « Saint-Germain-des-Prés, première nécropole des rois de France », in La Mort des grands, op. cit. supra note 6, p. 29-36.

28 Voir Karl Heinrich Krüger, Königsgrabkirchen, op. cit. supra, p. 103-125 ; et Patrick Périn « Saint-Germain-des-Prés, première nécropole… », op. cit. supra note 27.

29 Voir Karl Heinrich Krüger, Königsgrabkirchen, op. cit. supra, p. 125-134.

30 Voir Karl Heinrich Krüger, Königsgrabkirchen, op. cit. supra, p. 134-138.

31 Voir Karl Heinrich Krüger, Königsgrabkirchen, op. cit. supra, p. 138-149.

32 Voir Karl Heinrich Krüger, Königsgrabkirchen, op. cit. supra, p. 171-190 ; ou encore Patrick Périn, « Quelques considérations sur la basilique de Saint-Denis et sa nécropole à l’époque mérovingienne », in Jean-Marie Duvosquel et Alain Dierkens éd., Villes et campagnes au Moyen Âge. Mélanges Georges Despy, Liège 1991, p. 599-624.

33 Voir le commentaire de Judith George dans Venantius Fortunatus : Personal and Political Poems, Liverpool 1995, p. 88, note 96.

34 Pour Saint-Germain-des-Prés, voir Patrick Périn « Saint-Germain-des-Prés, première nécropole des rois de France », op. cit. ; et pour Saint-Denis, voir id., « Quelques considérations sur la basilique de Saint-Denis et sa nécropole… », op. cit.

35 Si Frédégaire écrit que Dagobert a été transporté a suis à Saint-Denis avant de mourir, le Liber Historiae Francorum dit qu’il est mort dans la villa royale d’Epinay-sur-Seine. Il convient de rappeler d’une part que le quatrième livre de la Chronique de Frédégaire a été écrit vers 650-660, et que le Liber a été écrit en 727, et d’autre part que le Liber a plus probablement été écrit à Saint-Médard de Soissons qu’à Saint-Denis (voir Richard Gerberding, The Rise of the Carolingians and the Liber Historiae Francorum, Oxford 1987, p. 146-159). Juste après son évocation de la mort de Dagobert en 639, l’auteur du Liber dit que le roi a régné quarante-quatre ans, ce qui est une énorme erreur (puisque Dagobert est devenu roi super Austrasiis en 623, qu’il a succédé à son père en 629, et qu’il a donc régné au maximum seize ans !).

36 Voir Alain Dierkens, « La mort, les funérailles et la tombe du roi Pépin le Bref (768) », in La Mort des grands, op. cit. supra note 6, p. 37-51.

37 Voir Karl Heinrich Krüger, Königsgrabkirchen, op. cit. supra, p. 184 ; ou encore Josef Semmler, « Saint-Denis : von der bischöflichen Coemeterialbasilika zur königlichen Benediktinerabtei », in Hartmut Atsma éd., La Neustrie. Les pays au nord de la Loire de 650 à 850, Sigmaringen 1989, vol. 2, p. 75-124, en part. p. 100.

38 Voir Ian Wood, The Merovingian Kingdoms, op. cit. supra, en part. p. 183.

39 Suivant Frédégaire [IV 1, p. 4], Gontran, premier roi de la famille mérovingienne à régner sur les Burgondes à la fin du VIe siècle, et à ce titre lointain successeur de Sigismond, a fondé son église funéraire Saint-Marcel de Chalon vers 584 ad instar institucionis monasterii sanctorum Agauninsium. Le modèle d’Agaune implique-t-il en l’occurrence la pratique du chant perpétuel ? C’est fort possible, ainsi que le propose Ian Wood, dans The Merovingian Kingdoms, op. cit. supra, en part. p. 183.

40 Voir les références données supra, note 15.

41 Javier Arce, Funus imperatorum. Los funerales de los Emperadores romanos, Madrid 1988 ; ou, du même, « Imperial Funerals in the Later Roman Empire : Change and Continuity », in Frans Theuws et Janet Nelson éd., Rituals of Power from Late Antiquity to the Early Middle Ages, Leiden-Boston-Cologne 2000, p. 115-129.

42 Voir J. M. C. Toynbee, Death and Burial in the Roman World, op. cit. supra note 18, p. 46 : « Traditionally, it was the ancient Roman custom for funerals to be conducted at night by the light of torches, which were still carried before the body when, in historical times, the funerals […] took place by day ».

43 Voir supra, note 22.

44 Voir Ernst K. Kantorowicz, The King’s Two Bodies. A Study in Medieval Political Thought, Princeton 1957, passim.

45 Voir Alain Erlande-Brandenburg, Le Roi est mort…, op. cit. supra, p. 142-144.

46 Voir supra note 2.

47 Note additionnelle (2010) : Charles Mériaux me met en garde contre cette hypothèse. L’Escaut faisant frontière entre la cité des Ménapiens à l’Ouest et celle des Nerviens à l’Est, l’évêque de Tournai (donc des Ménapiens) n’avait théoriquement de juridiction que sur la rive gauche de l’Escaut, donc pas sur le suburbium de Saint-Brice, qui se trouvait sur la rive droite.

48 Voir par exemple l’excellent compte-rendu de ce magnifique dossier dans Else Roesdahl, The Vikings, paperback ed., Harmondsworth 1992, p. 162-165. Une pierre mémoriale sur laquelle est représentée l’image du Christ en Croix associe explicitement l’élévation de l’église par Harald au souvenir de son père, Gorm l’Ancien, et de sa mère, la reine Thyre ; et on a découvert à l’entrée du chœur de l’église une sépulture masculine contenant le même matériel que celui qui avait été retrouvé sous le tumulus voisin, dans une tombe désormais vide de tout ossement – ce qui plaide pour une exhumation suivie d’une ré-inhumation dans l’église.

Table des illustrations

Titre Généalogie des Mérovingiens
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Titre Carte des lieux cités
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