Don Luigi Sturzo et l’Action française : une opposition démocrate chrétienne
Don Luigi Sturzo and the Action française: a christian democratic opposition
p. 359-370
Résumés
Luigi Sturzo, prêtre italien fondateur du Parti populaire italien et théoricien du popularisme, opposant vigoureux et lucide au fascisme, contraint à l’exil en 1924, se fait entre Paris et Londres le défenseur des principes démocratiques et personnalistes contre les dérives autoritaires et nationalistes qu’il perçoit chez les catholiques européens, notamment en France. Allergique à l’idéologie clérico-positiviste de Charles Maurras, il développe contre l’AF une argumentation à la fois politique (contre le nationalisme, contre l’usage de la violence en politique, pour le respect des règles démocratiques parlementaires) et religieuse (instrumentalisation de la religion à des fins politiques). Ami de Maurice Vaussard, Georges Bidault, Marcel Prélot et Charles Flory, proche de Maurice Blondel, collaborateur de L’Aube, de Politique, de La Vie catholique, Luigi Sturzo résume bien l’opposition de la Démocratie chrétienne à l’Action française.
Luigi Sturzo, an italian priest, who founded the Italian popular party and was theorist of popularism, a vigorous and clear-sighted opponent to fascism, constraint to exile in 1924, became between Paris and London the advocate of personalist and democratic principles against the authoritarian and nationalist drifts that he detects among European Catholics, particularly in France. Allergic to the Charles Maurras’clerical positivist ideology, he developed against the AF both a political (against nationalism, against the use of violence in politics and for the respect of parliamentary democratic rules) and a religious (instrumentalisation of the religions for political aims) argumentation. Friend of Maurice Vaussard, Goerges Bidault, Marcel Prélot, and Charles Flory, close to Maurice Blondel, contributor to L’Aube, Politique, La vie catholique, Luigi Sturzo embodies the opposition of the Christian Democracy against the Action française.
Texte intégral
1Fondateur du Parti populaire italien1, animateur d’un mouvement international démocrate chrétien2, analyste lucide du fascisme3, collaborateur des principales publications d’inspiration démocratique et chrétienne françaises (L’Aube, Politique, La Vie Catholique)4, récusant l’interprétation de la Guerre d’Espagne comme une croisade catholique contre le mal, ami notamment de Maurice Vaussard5, de Georges Bidault, de MarcelPrélot, de Charles Flory, proche de Maurice Blondel6, Luigi Sturzo, en exil entre Paris et Londres à partir de 1924, ne cessa de dénoncer les tentations antidémocratiques, autoritaires et nationalistes des catholiques, notamment en France. Il ne pouvait qu’être allergique à l’idéologie clérico-positiviste de Charles Maurras. Sa critique éthique du fascisme et du nationalisme, sa défense du personnalisme, sa conception de la démocratie, son ouverture au libéralisme, étaient par nature même en opposition fondamentale avec les idéaux et les méthodes de l’Action française : « Il faut montrer du courage et de la fermeté et aller jusqu’au bout avec des types comme Charles Maurras » écrivait-il à Francisque Gay en 19357. Une telle aversion nourrit une longue méfiance à l’encontre de Jacques Maritain malgré la rupture de ce dernier avec l’Action française.
2Cependant les raisons de fond de cette hostilité n’ont jamais été clairement étudiées dans les nombreuses publications consacrées à Sturzo : celle-ci est établie comme une évidence ou ignorée8. Il convient donc, à partir d’un retour sur les documents, les écrits imprimés comme les correspondances privées conservées à l’Istituto Luigi Sturzo, à Rome, d’analyser les raisons, les arguments et l’expression d’une telle opposition. Cependant, ce corpus, pour ce qui concerne le rapport avec l’Action française, est peu abondant. Dans ses diverses correspondances, inédites, ou éditées comme celle avec son frère Mario, évêque de Piazza Armerina9, il est relativement peu question de l’AF, ou parfois d’une manière allusive. Dans la masse considérable de ses articles publiés dans des revues ou des journaux pendant la période de l’exil, on ne trouve que deux articles utiles pour comprendre la position de Sturzo. L’un est consacré à Charles Maurras, le 1 ° août 1925, dans un journal de Turin, Il Corriere : il est intitulé « Principi di Diritto pubblico »10 ; le deuxième, consacré à la condamnation de l’Action française par le Vatican, « Il ‘caso’ dell’Action française », publié à Londres en mai 1927 dans The Review of Reviews11. Révélateur aussi est un article sur Jacques Maritain, « Chiarimenti su Maritain », publié dans Mouvement des faits et des idées de décembre 192712.
3De l’ensemble de la documentation, émerge une double analyse, et une double raison d’opposition, politique et religieuse.
4La confrontation de don Luigi Sturzo à l’Action française est d’abord celle du fondateur et secrétaire politique du Parti populaire italien, antifasciste, ardent défenseur de la démocratie parlementaire, contraint à l’exil. Dès le 20 décembre 1922, moins de deux mois après l’arrivée au pouvoir de Mussolini, il avait prononcé à Turin, devant un public nombreux, un discours qui eut un grand retentissement. Il y défendait le régime parlementaire et un système politique fondé sur l’action libre des partis et il dénonçait la violence comme moyen d’action politique, la politique de la force : « le nouveau Chef du Gouvernement a appelé révolutionnaire l’action qui a porté les fascistes au pouvoir13 ».
5En avril 1923, au Congrès du PPI à Turin, il tint un discours14 que Mussolini lui-même définit comme « le discours d’un ennemi »15, et son biographe Gabriele De Rosa, son « chef-d’œuvre politique »16. Il y affirmait l’incompatibilité entre le popularisme et le fascisme, définissant le programme de son parti, « comme antithèse du libéralisme laïc, du matérialisme socialiste, de l’Etat panthéiste et de la nation déifiée, qui forment dans leur ensemble la grande hérésie dont nous avons hérité du XIXe siècle et qui grandit dans les spasmes de l’après-guerre. »17
6En exil, il jugea de son devoir d’alerter les démocraties, de révéler le vrai visage du fascisme, de mettre en garde contre les risques de contagion.
7Parmi ses interventions les plus marquantes, il y eut deux conférences prononcées à Paris le 30 mars 1925 à l’invitation du Comité national d’études sociales et politiques, et le 7 avril chez Marc Sangnier, au siège de Démocratie Nouvelle18. La première se déroula à la Cour de cassation, dans une ambiance tendue. Contestée précisément par les Camelots du Roi, la police dut protéger l’orateur. Le correspondant du quotidien italien La Stampa put écrire : « Deux conférences […] et pour les deux, gouvernement et police en état d’orgasme, des centaines d’agents mobilisés, de fonctionnaires sur les charbons ardents »19. Dans cette conférence, sur « L’état actuel de l’esprit public en Italie et le problème de la liberté politique »20, il mettait en garde les Européens contre l’endormissement face au fascisme, qui avait atteint la classe dirigeante libérale entre 1919 et 1922, et il s’inquiétait d’une européanisation de l’idéologie et des pratiques du fascisme : pour lui, l’Europe tout entière était menacée. La deuxième conférence fut consacrée à l’histoire de la Démocratie chrétienne en Europe, réitérant les mises en garde contre la réaction et le nationalisme qui portaient au « crime politique ».
8Ce n’est pas le lieu ici d’analyser ces différents textes21, mais il convient de les avoir à l’esprit pour bien situer la réflexion de Sturzo sur l’Action française. Il cite nommément celle-ci dans Italy and Fascism comme recours potentiel pour défendre « l’ordre » dans un contexte de peur irraisonnée du bolchevisme « qui fera peut-être commettre bien des erreurs à la classe dirigeante de ces pays », favorisant ainsi « le mouvement réactionnaire ». De retour à Londres après son voyage à Paris, Sturzo voulut développer les thèmes abordés dans ses conférences. Cet ouvrage, rédigé en italien, mais d’abord publié en Grande-Bretagne22, puis en Allemagne (1926), en France (1927), en Espagne (1930), mais aussi aux Etats-Unis, fut pensé par son auteur pour un public européen, ignorant des réalités italiennes.
9Le combat politique contre l’Action française portait pour l’essentiel sur deux aspects : le nationalisme et la violence.
10Rendant hommage en 1950, au moment de sa mort, à Marc Sangnier pour qui il éprouvait estime et admiration23, il écrivait : « Ennemi de tous les nationalismes, il vit aussitôt l’erreur de Maurras et la combattit à visage découvert. L’Action française lui répondit par la haine et la moquerie »24. Dans un autre hommage, rendu celui-là au pape Pie XI, en 193925, il unissait dans un même mouvement la condamnation du nationalisme exagéré en 192226, celle de l’Action française en 192627 et de l’Etat totalitaire en 193128. Dans un article publié à Bruxelles en 193329, il unissait sous le drapeau du nationalisme, « les adorateurs du pouvoir absolu » et de la nation, « une divinité à adorer », et y plaçait pêle-mêle « le fascisme italien, le nazisme allemand et austro-allemand, le pilsudskisme polonais » et l’Action française, « la seule qui n’a pas eu de chance ni avec le Pape ni avec le peuple30 ». En 1938, dans Politica e morale31, il plaçait sur le même plan Maurras, Primo de Rivera et Franco32, de la famille des condottieri qui préparent des coups d’Etat. Il allait jusqu’à établir une parenté entre les théories de l’Action française, le nazisme hitlérien et le fascisme italien, avec cependant la différence que selon lui, le Saint-Siège vit dans l’AF une « secte religieuse » s’infiltrant dans l’Eglise plus qu’un parti politique, et le fait qu’elle ne fut pas au pouvoir évitait des complications diplomatiques33.
11Sturzo identifiait dans la pensée de Maurras une influence perverse parce que présente dans le catholicisme, et qui désarmait celui-ci face à toutes les formes de dictature, il en voyait des traces dans le fascisme, dans le phalangisme, et jusqu’au nazisme. Il l’écrit au lendemain de la guerre au sujet du catholicisme argentin tenté par le péronisme :
« L’Argentine deviendra bientôt démocratique et nous, nous avons le devoir d’aider ce milieu catholique à abandonner les sympathies diffuses philo-fascistes, philo-phalangistes et même philo-nazies (mais toutes en substance influencées par la pensée de Maurras), et devenir sincèrement démocrates et spirituellement chrétiennes.34 »
12C’est surtout l’usage de la violence, qui lui rappelait celle des fascistes, qui l’exaspérait. C’est tout le sens de son article « Principi di diritto pubblico » du 2 août 1925 qui porte sur la condamnation de Maurras pour avoir menacé de mort le ministre de l’Intérieur, Abraham Schramek, membre du gouvernement présidé par Paul Painlevé. Il y développait une argumentation contre la défense de Maurras qui plaidait pour une auto investiture de groupes de citoyens, contre un mauvais gouvernement au nom d’une « légitime défense du pays et de l’Etat ». Il opposait à un tel raisonnement, la démocratie et le vote, « la plume, la parole, et l’organisation », et non le révolver35 que les bons citoyens, qu’il assimilait aux « justes de la Bible » devaient réprouver. « Hors de cette voie, il n’y a que la révolution et le coup d’état », ajoutait-il36, et il s’insurgeait contre le « révolver » qui se substituerait au « bulletin de vote », en se réjouissant que « les électeurs français sont réfractaires à la propagande de Charles Maurras qui n’a que peu de partisans dans le corps électoral37 ». Contre l’illégalité, la violence révolutionnaire, il opposait « le moyen légitime de l’organisation de l’Etat et des véritables organes légaux38 » et dénonçait : « au juge constitué on substitue la volonté rebelle du citoyen qui se croit devenu de lui-même « gouvernement de droit »39.
13Il devait revenir sur cette affaire qui l’avait beaucoup marqué, dans Politique et morale, dans son chapitre X intitulé « Le droit de révolte et ses limites ». Il en profitait pour égratigner Jacques Maritain dont il disait que, cité comme témoin, il défendit la thèse selon laquelle « la menace de Maurras devait s’entendre comme le moyen extrême et légitime de la défense de l’ordre. »40 Il se faisait longuement l’écho d’une enquête de la revue Etudes, conduite par le père Michel Riquet, publiée sous forme d’un opuscule intitulé Enquête sur les droits du droit et Sa Majesté la Loi41, qui relançait le débat sur le tyrannicide, avec des interventions de théologiens, de juristes, de philosophes. Le père Riquet et le père Garrigou-Lagrange y défendaient, en s’appuyant notamment sur saint Thomas d’Aquin, le droit de s’opposer par la violence à l’exécution d’une loi injuste, et ce principe pouvaient s’appliquer selon eux, à la France de 1925 frappée par les nouvelles lois anticléricales du Cartel des Gauches. Mais Sturzo concluait non sans humeur et ironie :
« En considérant à distance de douze ans la situation des catholiques français de 1925 et 1926, quand on faisait cette enquête, qui semblait préluder à un coup d’Etat (c’était la période la plus effervescente de l’Action française avant la condamnation), nous qui avons les tristes expériences des persécutions en Allemagne, nous croyons que ces catholiques français exagéraient un peu.42 »
14Il reprit ces réflexions plus tard, dans un ouvrage publié en 1953, toujours à partir de l’article de Maurras menaçant d’assassinat le ministre de l’Intérieur, dans Coscienza e politica43. Une question semblable se posa à nouveau en 1935, lorsque Maurras menaça, dans un article intitulé « Assassins » paru dans L’Action française du 22 septembre, les 140 parlementaires qui avaient demandé des sanctions internationales contre l’Italie à la suite de son invasion de l’Ethiopie44 ; le 28, il ajouta les noms de Léon Blum portant le numéro 141 et de Francisque Gay (numéro 142)45, et il recommença le 13 octobre : « Vous avez quelque part un pistolet automatique, un révolver ou même un couteau de cuisine ? Cette arme, quelle qu’elle soit, devra servir contre les assassins de la paix, dont vous avez la liste46 ».
15Sturzo tint à féliciter Francisque Gay pour sa la lettre au Procureur de la République publiée dans L’Aube du 29-30 septembre 1935, « Nous ne tolérons pas la provocation au meurtre », et il se réjouissait de l’article de Georges Bidault dans la même livraison, « Silence à l’imposture ». C’est alors qu’il écrivit à Gay : « il faut montrer du courage et de la fermeté et aller jusqu’au bout avec des types comme Ch. Maurras.47 »
16Il y avait derrière ce refus de la violence, un attachement intrinsèque à la démocratie. Il s’insurgea dans une lettre de 1941 à son ami, l’universitaire Mario Einaudi qui vivait aux Etats-Unis, contre l’antilibéralisme de certains milieux catholiques faisant à l’inverse « bonne figure aux fascistes et aux nazis, conservateurs et réactionnaires du type Maurras de l’Action française »48. Témoigne de son attachement à la démocratie, toute sa collaboration avec L’Aube le quotidien démocrate chrétien, avec lequel il partageait précisément le refus de « l’idéologie positiviste-cléricale » selon l’expression de Gabriele De Rosa, de Charles Maurras49. Sturzo était très chatouilleux, et même intraitable sur ce point, comme le montre la polémique très vive qui se développa au sein du Secrétariat International des partis démocrates chrétiens, le SIPDIC, au sujet de l’Autriche : Sturzo s’éleva contre la faiblesse des démocrates chrétiens à l’égard du gouvernement de Dollfuss, en raison de la rude répression des manifestations de février 1934 à Vienne. Il adressa le 28 juin 1934 à Henri Simondet qui assumait le secrétariat du SIPDIC, une lettre vigoureuse50 :
« Je me sens le devoir de reprendre, pour mon compte, la controverse sur la question de l’Autriche, que j’ai soulevée samedi dernier au sein de l’assemblée de notre Secrétariat international […] Dans l’après-midi, quand M. Pézet51 a fait le résumé de la discussion, en envisageant le cas de l’Autriche de 1934 comme le produit d’une nécessité d’Etat, la crise du parlement n’ayant laissé au Gouvernement Dollfuss aucun autre chemin, je me suis permis d’interrompre avec force, en affirmant que quand le Parlement ne fonctionne plus, le débouché constitutionnel ne peut être autre qu’un appel au pays. »
17Il notait son désaccord avec les « amis français » et il accusait le chancelier autrichien d’avoir favorisé les fascistes :
« Et voici quelque chose encore plus grave du point de vue de nos principes. Dissoudre le parti socialiste, déclarer la déchéance des socialistes du mandat parlementaire et faire fonctionner le parlement en forme illégitime, réformer la constitution d’autorité, enlever la liberté aux citoyens – voilà autant de faits que nous déplorons et combattons quand il s’agit de Nazis et de Fascistes, nous devrions faire de même pour l’Autriche. Dans ces conditions il faut arriver à avoir de vues nettes, si nous ne voulons pas nous laisser entraîner vers une conception dictatoriale de la vie politique.52 »
18Il terminait cette longue lettre par cet appel :
« la valeur idéale de nos principes démocratiques populaires doit non seulement s’exprimer en paroles mais se traduire en action. Pour cela, c’est notre devoir de ne pas nous solidariser dans aucune façon avec ceux qui par leur action ont trahi les principes démocratiques et se sont tachés du sang humain et fraternel ».
19La critique de l’Action française était également chez don Luigi Sturzo, éminemment religieuse. Revenant en 1953 dans Coscienza e politica sur l’affaire Shrameck de 1925 et sur l’enquête d’Etudes il écrivait que pour comprendre les mentalités catholiques de l’époque, il fallait se rappeler la victoire du Cartel des gauches qui « reprit la lutte religieuse » et « se souvenir du contact pernicieux que de nombreux ecclésiastiques et croyants avaient alors avec l’Action française. Cela n’enlève rien à l’intérêt des réponses, mais sert à éclairer la valeur de l’enquête, qui correspondait à un état d’esprit très répandu à ce moment là, mais qui s’est beaucoup transformé après la condamnation de l’Action française. »53
20Cette condamnation, qu’il suivit de près, le réjouit. Il demanda à son frère Mario : « Suis-tu l’affaire de l’Action française après la condamnation ? Je crois que cela en vaut la peine : la crise dans le clergé français existe et profonde54 ».
21C’était l’instrumentalisation de la religion qu’il entendait souligner dans la condamnation par Pie XI. Dans son article dans The Review of Reviews, « Il ‘caso’ dell’Action française » il notait :
« L’Action française s’est toujours fondée sur la conception : a) de l’intime connexion du catholicisme avec la domination d’une oligarchie privilégiée à qui le pouvoir revient par nature ; b) de la nécessité donc d’une action politique précédente et prédominante sur l’organisation religieuse même ; d’où la phrase incriminée « politique d’abord ». Ce concept a conduit à l’indifférence éthique dans le choix et dans l’utilisation des moyens pour rejoindre la fin, même les moyens violents.55 »
22Il notait aussi : « Charles Maurras unissait son zèle de défense de l’Eglise catholique, avec une claire profession d’athéisme et de paganisme » ?56 En fait, observait-il, s’il défendait l’Eglise, ce n’était pas pour promouvoir la foi ni la morale chrétienne, mais l’Eglise romaine en tant qu’organisation capable de structure et d’ordonner la société.
23Dans une lettre à Igino Giordani, il insistait sur le fait que la condamnation pontificale laissait les catholiques français libres de leurs options politiques, monarchistes ou républicaines, mais portait clairement sur la substance de l’Action française, c’est-à-dire son « positivisme antichrétien »57. La condamnation était donc bien non politique. Il s’agissait de ne pas lier l’Eglise ou l’activité publique des catholiques du point de vue religieux, à une forme déterminée de gouvernement comme il le rappela dans un article publié dans Politique du 15 août 1928, intitulé « Le popularisme », en établissant une comparaison avec les interventions du magistère au début du siècle, sur la Démocratie chrétienne et sur le Sillon : il y voyait la préoccupation permanente du Saint-Siège de ne lier l’Eglise à aucune forme de gouvernement58. Le problème pour lui était vraiment le « politique d’abord » dans lequel il voyait un véritable poison :
« La Société des nations était l’avenir international de l’union de la politique et de la moralité. Pourquoi cette union fut-elle rompue ? La cause principale est exprimée dans les mots rendus fameux par Charles Maurras et par les militants de l’Action française : ‘politique d’abord’. La politique l’emporte sur tout, même sur la moralité.59 »
24Il expliquait la condamnation, comme on l’a déjà vu, par « l’infiltration de l’Action française dans le camp ecclésiastique » et l’identification de l’Action française par Rome à une secte religieuse60. C’est que, disait-il encore dans le chapitre V « La collaboration politique et la morale », « la polémique sur le politique d’abord de l’Action française, qu’est-ce, si ce n’est une polémique sur le problème même de la fin et des moyens ? »61.
25Une victime collatérale de l’ire de don Luigi contre l’Action Française fut Jacques Maritain. Réagissant dans une lettre adressée à son frère Mario, à l’opuscule publié en septembre 1926 par le philosophe, Une opinion sur Charles Maurras et le devoir des catholiques62, il y voyait « une mentalité spécieuse entre l’abstraction théorique et le confusionisme pratique »63. Dans son article sous forme de lettre « Chiarimenti su Maritain », dans Mouvement des faits et des idées, de décembre 1927, et qui entendait répondre aussi à Primauté du spirituel, il récusait la thèse selon laquelle le groupe condamné se consacrant principalement à l’action politique, la censure liait spirituel et du temporel et que l’Eglise exerçait en l’occurrence son pouvoir indirect sur le temporel, c’est à dire le politique. L’interdiction faite aux catholiques de militer dans l’Action française n’était pas une intervention politique, mais un appel à « ne pas suivre aveuglément les dirigeants de l’Action française dans les choses qui concernent la foi ou la morale. […] Dire que dans ce cas le spirituel et le temporel sont ensemble en jeu c’est en dire trop et tromper sur les termes. »64
26Il ajoutait : « Dans le cas de l’Action française la pire erreur des catholiques est de laisser se diffuser l’idée que le Saint-siège a directement ou indirectement frappé l’activité politique des Français65 ». Maritain corrigea sa position dans Pourquoi Rome a parlé où il considérait la condamnation comme dérivant du pouvoir direct. Maurice Vaussard en avertit Sturzo : « Je regrette un peu ta lettre au « Mouvement » qui ne répond plus à la situation actuelle, car depuis lors, dans la « Chronique Sociale », Monsieur Maritain a précisé la pensée et bien montré qu’il considérait la condamnation portée par Rome comme dérivant du pouvoir direct. Il précise à nouveau cette position dans Pourquoi Rome a parlé. »66 Il faudra du temps pour surmonter la méfiance du fondateur du PPI à l’égard de Maritain67. Il s’agissait pour Sturzo de souligner avec vigueur que l’intervention pontificale contre l’Action française relevait bien de l’exercice du pouvoir direct pour préserver l’intégrité de la foi et de la morale chrétiennes. Le pape avait condamné des erreurs doctrinales, non une activité politique68.
27La position de Luigi Sturzo face à l’Action française était tranchée, rude, souvent polémique. Elle était profondément liée à son expérience italienne du fascisme, à sa violence, et à la souffrance de l’exil. Le départ en exil fut pour lui un traumatisme et il s’était donné pour mission d’informer les Européens sur ce qui se passait en Italie, de leur fournir une analyse du fascisme comme un phénomène politique sans précédent, radicalement nouveau, et de les mettre en garde contre tout risque de contamination. Or s’il avait beaucoup d’amis en France, il restait inquiet devant un catholicisme français qu’il voyait comme nostalgique de la monarchie et tenté par des solutions autoritaires. L’Action française lui apparaissait donc comme une possible tête de pont du fascisme en France d’autant plus dangereuse qu’elle s’appuyait sur le catholicisme et le sentiment national. C’est pourquoi il s’attacha à mettre en valeur les connexions :
« le fascisme italien, par la bouche de ses prophètes nationalistes, Enrico Corradini, Francesco Coppola, Alfredo Rocco, a cherché à se donner une théorie, qui sur de nombreux points, est ou identique à celle de Maurras, ou en est une dérivation.69 »
28Contre l’Action française, Sturzo poursuivait le combat entamé en Italie contre le fascisme.
29La fermeté de son opposition était liée à son attachement à la démocratie, au respect de la volonté populaire, au système parlementaire, l’Etat de droit. Son opposition à Maurras était donc fondamentalement politique : il manifestait comme ses amis de L’Aube et du Sillon, le caractère irréductible de la Démocratie chrétienne contre l’Action française, leur incompatibilité absolue. Mais l’influence exercée par Maurras sur le monde catholique, les conséquences morales du « politique d’abord », l’avaient convaincu que le problème était avant tout religieux, car en détournant les catholiques des solutions démocratiques, en usant de la violence, Maurras pervertissait selon lui le message évangélique de fraternité et de solidarité. Il écrivait dans son article « Il ‘caso’ dell’Action française » :
« L’aspect religieux est le suivant : l’Action française, bien qu’étant l’organisation politique d’un parti déterminé, avait d’abord attiré dans son orbite, puis influencé et même dominé des milieux ecclésiastiques et des organisations catholiques, spécialement universitaires ; et imprégné l’esprit de ses partisans d’éléments de doctrine et de pratique politique contraires à une vraie vision religieuse.70 »
Notes de bas de page
1 Parmi les nombreuses biographies de Sturzo, on retient Gabriele De Rosa, Luigi Sturzo, Torino, UTET, 1977, 515 p ; Francesco Malgeri, Luigi Sturzo, Cinisello Balsamo, 1993, 357 p. Pour une bibliographie complète, Gennaro Cassiani, Vittorio De Marco, Giampaolo Malgeri (éds.), Bibliografia degli scritti di e su Luigi Sturzo, Roma, Gangemi Editore, 2001.
2 Roberto Papini, Il coraggio della democrazia. Sturzo e l’Internazionale popolare tra le due guerre, Roma, Studium, 1995.
3 Jean-Dominique Durand, « L’interprétation du fascisme par Luigi Sturzo », in Isabelle Chareire et Daniel Moulinet (dir.), Théologie et politique, Lyon, Profac, 2007, p. 151-170.
4 Jean-Marie Mayeur, « Sturzo e la cultura democratica cristiana francese », in Gabriele De Rosa (dir.), Luigi Sturzo e la democrazia europea, Bari, Laterza, 1990, p. 149-158.
5 Enrico Serra (éd.), Luigi Sturzo-Maurice Vaussard, Carteggio 1917-1958, Roma, Gangemi Editore, 1999, 157 p. Maurice Vaussard a publié en italien une analyse de sa pensée : Il pensiero politico e sociale di Luigi Sturzo, Brescia, Morcelliana, 1966.
6 Jean-Dominique Durand, « Luigi Sturzo, interprète de Maurice Blondel », in Marc Leclerc (dir.), Blondel entre L’Action et la Trilogie, Bruxelles, Lessius, 2003, p. 381-391. Voitr ses correspondances avec les intellectuels catholiques français éditées par Emile Goichot, Luigi Sturzo e gli intellettuali cattolici francesi. Carteggi (1925-1945), Soveria Mannelli, Rubbettino, 2003.
7 Lettre du 30 septembre 1935, in Luigi Sturzo e gli intellettuali, op. cit., p. 283.
8 Voir par exemple le colloque d’Erice en 2000, sur Sturzo et la démocratie : Eugenio Guccione (dir.), Luigi Sturzo e la democrazia nella prospettiva del terzo millennio. Atti del Seminario Internazionale Erice 7-11 ottobre 2000, Firenze, Leo S. Olschki Editore, 2004.
9 Gabriele De Rosa (éd.), Luigi Sturzo-Mario Sturzo, Carteggio, 4 vol., Roma, Edizioni di Storia e letteratura, 1985.
10 Dans Miscellanea Londinese, I, Roma, Ed. di Storia e Letteratura, 2003, p. 68-71.
11 Luigi Sturzo, « Il « caso » dell’Action Française », The Review of Reviews, 15 mai-15 juin 1927, reed. dans Miscellanea londinese, op. cit., p. 140-148.
12 Dans Miscellanea Londinese, op. cit., p. 159-167.
13 « Rivoluzionaria ha chiamato il nuovo capo del governo l’azione che ha portato i fascisti al potere ». Ce discours, intitulé “Rivoluzione e Ricostruzione” se trouve dans Luigi Sturzo, I discorsi politici, Roma, Istituto Luigi Sturzo, 1951, p. 217-260.
14 Luigi Sturzo, « La funzione storica del Partito Popolare Italiano », dans I discorsi politici, op. cit., p. 309-342, rééd. dans Opere scelte di luigi Sturzo, I, Il Popolarismo, Bari, Laterza, 1992, p. 99-133.
15 Benito Mussolini, « Il dicorso di un nemico », dans Il Popolo d’Italia, 14 avril 1923.
16 « capolavoro politico ». Gabriele De Rosa, Luigi Sturzo, op. cit., p. 231.
17 « antitesi al liberalismo laico, al materialismo socialista, allo stato panteista e alla nazione deificata, che formano nello loro complesso la grande eresia che abbiamo ereditato del secolo XIX e che giganteggia negli spasimi del dopoguerra ».
18 Maurice Vaussard, « L’esilio fra Londra e Parigi », dans Luigi Sturzo. Saggi e testimonianze, Roma, Civitas, 1960, p. 117-122.
19 Cité par Francesco Malgeri, Luigi Sturzo, op. cit., p. 192.
20 Dans I discorsi politici, op. cit., p. 409-444.
21 Jean-Dominique Durand, « L’interprétation du fascisme par Luigi Sturzo », art. cit.
22 Luigi Sturzo, Italy and Fascism, trad. Barbara Barclay Carter, London, Faber and Gwyer, 1926.
23 Gabriele De Rosa, Sturzo mi disse, Brescia, Morcelliana, 1982, p. 154.
24 Luigi sturzo, « Marc Sangnier », L’illustrazione italiana, 18 juin 1950. In Politica di questi anni. Consensi e critiche (dal gennaio 1950 al giugno 1951), Bologna, Zanichelli, 1957, p. 153-155. Cet article fut publié dans L’Aube du 1er août 1950. « Nemico di tutti i nazionalismi, vide subito l’errore di Maurras e lo combattè a viso aperto. Egli fu ricambiato da parte dell’Action Française con odio e dileggio ».
25 Luigi Sturzo, « Pio XI », Il Mondo (New York), mars 1939. In Scritti storico-politici (1926-1949), Roma, Edizioni Cinque Lune, p. 184-191.
26 Encyclique Ubi arcano, 23 décembre 1922. Voir Jean-Dominique Durand, « Pie XI, la paix et la construction d’un ordre international », dans Achille Ratti pape Pie XI, Rome, Ecole Française de Rome, 1996, p. 873-892.
27 Jacques Prévotat, Les catholiques et l’Action française. Histoire d’une condamnation 1899-1939, Paris, Fayard, 2001.
28 Encyclique Non abbiamo bisogno, 29 juin 1931. Voir Pietro Scoppola, La Chiesa e il fascismo. Documenti e interpretazioni, Bari, Laterza, 1971. Sturzo écrivait : « Fin dal 1922 egli scrisse contro il nazionalismo esagerato, e nel 1926 condannò formalmente l’Action Française e sempre tenne duro contro ogni tentativo di concertazione che una certa ala di clero e laicato francese sperava ottenere. Nel 1931 egli condannò la teoria che l’uomo è per lo stato, affermando più volte che lo stato è per l’uomo, lo stato solo un mezzo ; l’uomo, la personalità umana, un fine ».
29 Luigi Sturzo, « Inquietudini e orientamenti », Res Publica (Bruxelles), février 1933, in Scritti storico-politici, op. cit., p. 63-72.
30 « Dall’acutizzarsi del nazionalismo sono vvenuti fuori i fenomeni di perversione politica quali il fascismo italiano, il nazismo tedesco o austro-tedesco, il pilsudskismo polacco e simili da per tutto, compresa la Action Française, l’unica che non ha avuto fortuna né col Papa né col popolo ».
31 Politics and Morality est publié à Londres en 1938, traduit de l’italien par Barbara Barclay Carter, chez Burns Oates & Washbourne. Le livre sort en français la même année chez Bloud et Gay.
32 « Maurras come Primo de Rivera o Franco e qualche altro grande o piccolo, vero o falso condottiero che organizza depositi di armi e prepara la gioventù per il colpo opportuno », Politica e morale, édition de l’opera omnia di Luigi Sturzo, Bologna, Zanichelli, 1972, p. 105.
33 « Sotto vari aspetti tanto le teorie dell’Action Française (in Francia) quanto il nazional socialismo di Hitler (in Germania) sono imparentati col fascismo italiano. A differenza però di ciò che è avvenuto col fascismo, l’autorità ecclesiastica (il papa per il primo, i vescovi locali per secondi) avevan proibito ai cattolici, sotto gravi pene canoniche, di iscriversi a questi partiti.
La diversità di trattamento da parte del papa tra il fascismo e l’Action Française è dovuta al fatto che questa, pur basando la sua teoria sulla deificazione della nazione con marcato carattere di positivismo, prendeva in seno al cattolicesimo, con lo aperto appoggio d’una parte del clero, una posizione dottrinale propria. E l’infiltrazione dell’Action Française nel campo ecclesiastico aumentava le preoccupazioni di Rom ache considerava quel caso più come una setta religiosa che come un partito politico. Il fatto che l’Action Française non fosse al potere in Francia e non potesse quindi identificarsi col paese, come cercava di fare il fascismo in Italia, permetteva alla S. Sede di colpire il male senza pericolo di complicazioni con gli interessi dello stato ». Polica e morale, op. cit., p. 88-89.
34 Letre de Luigi Sturzo à Igino Giordani, 11 juillet 1945, in Paolo Piccoli (éd.), Igino Giordani-Luigi Sturzo. Un ponte tra due generazioni, Milano-Bari, Cariplo-Laterza, 1987, p. 110-111. « L’Argentina fra poco diventerà democratica e noi abbiamo il dovere di aiutare quell’ambiente cattolico a smettere le simpatie diffuse filo-fasciste, filo-falangiste e perfino filo-naziste (ma tutte in sostanza influenzate dal pensiero di Maurras, e divenire sinceramente democratiche e spiritualmente cristiane ».
35 « i cittadini buoni, i giusti della Bibbia, non si armano di rivoltella, ma del voto, della penna, della parola e dell’organizzazione, e su questo terreno combattono, e, se vogliono sul serio, su questo terreno anche vincono »
36 « Fuori di questa via non c’è altra strada che la rivoluzione o il colpo di stato ».
37 « Gli elettori francesi sono refrattari alla propaganda di Charles Maurras, il quale non ha che pochi seguaci nel corpo elettorale, e sarebbe contento di fare un bel colpo di stato ».
38 « al mezzo legittimo della organizzazione dello stato e dei vari organi legali, si sostituisce un mezzo illegittimo, violento, rivoluzionario ; alla scheda elettorale si sostituisce la rivoltella ».
39 « Al giudice si sostituisce la volontà ribelle del cittadino che si crede diventato da sè « governo di diritto ».
40 « Jacques Maritain, citato come testimonio tecnico, svolse la tesi che la minaccia di Maurras doveva intendersi come il mezzo estremo e legittimo della difesa dell’ordine ».
41 Publié par les Editions Spes en 1927.
42 « A considerare a distanza di dodici anni la situazione dei cattolici francesi del 1925 e 1926, quando si svolgeva questa inchiesta, che sembrava preludere ad un colpo di stato (era il periodo più effervescente dell’Action Française prima della condanna), noi che abbiamo le tristi esperienze delle persecuzioni in Germania, crediamo che quei cattolici francesi esagerassero un poco », Politica e morale, op. cit., p. 171.
43 Luigi Sturzo, Coscienza e politica, Brescia, Morcelliana, 1953, 102 p., rééd. dans l’Opera omnia, Bologna, Zanichelli, 1972. Voir le chapitre 2, “Ribellione allo Stato”, p. 248-258.
44 Françoise Mayeur, L’Aube. Etude d’un journal d’opinion, Paris, Presses de la FNSP, 1966, p. 123.
45 Jean-Michel Cadiot, Francisque Gay et les démocrates d’inspiration chrétienne 1885-1963, Paris, Salvator, 2006, p. 290.
46 Luigi Sturzo e gli intellettuali, op. cit., p. 283.
47 Ibid.
48 Luigi Sturzo à Mario Einaudi, 19 mars 1941, in Corrado Malandrino (éd.), Luigi Sturzo-Mario Einaudi. Corrispondenza americana 1940-1944, Firenze, Leo Olschki editore, 1998, p. 25-27. « facendo perciò buon viso a fascisti e nazisti, conservatori e reazionari del tipo Maurras dell’Action Française ».
49 Gabriele De Rosa, Luigi Sturzo, op. cit., p. 339.
50 Lettre de Luigi Sturzo à Henri Simondet, Archives Luigi Sturzo, Istituto Luigi Sturzo. Elle est en partie reproduite dans Roberto Papini, Il coraggio della democrazia, op. cit., p. 221-222. Elle se trouve aussi dans Franco Rizzi (éd.), Luigi Sturzo. Scritti inediti, vol. II, (1924-1940), Roma, Cinque Lune, 1975, p. 371-374.
51 Ernest Pezet était député du Parti démocrate populaire et il suivait en particulier les affaires d’Europe centrale.
52 Sur les rapports entre Luigi Sturzo et Engelbert Dollfuss, voir Gabriele De Rosa, Luigi Sturzo, op. cit., p. 329-338.
53 Luigi Sturzo, Coscienza e politica, op. cit., p. 252. “Per meglio capire lo stato d’anima degli scrittori cattolici francesi che hanno risposto all’inchiesta, bisogna ritornare con il pensiero al periodo 1924-1925, dopo la vittoria del patto delle sinistre che riprese la lotta religiosa ; bisogna anche ricordarsi il contatto pernicioso che molti ecclesiastici e credenti avevano allora con l’Action Française. Ciò non toglie nulla all’interesse delle risposte, ma serve ad illuminare il valore dell’inchiesta, la quale corrispondeva ad uno stato d’animo molto diffuso a quel tempo, ma che si è molto modificato dopo la condanna dell’Action française. »
54 Lettre de Luigi Sturzo à Mario Sturzo, 5 janvier 1927. Gabriele De Rosa (éd.), Luigi Sturzo-Mario Sturzo Carteggio, I, 1924-1928, Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 1985, p. 169-170. “Segui la vertenza dell’Action Française dopo la condanna ? Credo che ne valga la pena : la crisi nel clero francese esiste e profonda ».
55 « Infatti l’Action Française si è sempre basata sulla concezione : a) della intima connessione del cattolicesimo con il dominio di una oligarchia privilegiata cui spetta per natura il potere ; b) della necessità quindi di un’azione politica precedente e prevalente sulla stessa organizzazione religiosa ; donde la frase incriminata « politique d’abord ». Questo concetto ha portato alla indifferenza etica nella scelta e nell’uso dei mezzi per raggiungere il fine, siano pure i mezzi violenti ».
56 Ibidem. « Charles Maurras univa il suo zelo di difesa della Chiesa cattolica, con una chiara professione di ateismo e di paganesimo ».
57 Lettre de Luigi Sturzo à Igino Giordani, 21 août 1944, dans Un ponte tra due generazioni, op. cit., p. 100-103.
58 Cet article est publié en italien dans Luigi Sturzo, Scritti storico-politici, op. cit., p. 30-38.
59 Luigi Sturzo, Politica e morale, op. cit., p. 66. « La Società delle nazioni era l’avvenire internazionale della unione della politica e della moralità. Perchè questa unione fu rotta ? La causa principale è espressa nelle parole rese famose da Charles maurras e dai militanti dell’Action Française : ‘politique d’abord’. La politica vince tutto, anche la moralità ».
60 Politica e morale, op. cit., p. 88.
61 Ibidem, p. 93. « la polemica sulla politique d’abord dell’Action française che cos’è se non una polemica sullo stesso problema del fine e dei mezzi ? »
62 Paris, Plon, 1927.
63 Lettre de Luigi sturzo a Mario Sturzo, 5 février 1927, dans Luigi Sturzo-Mario Sturzo. Carteggio, op. cit., p. 174-175. « Ho letto l’opuscolo di Maritain su C. Maurras : è una mentalità capziosa tra l’astrattismo teorico e il confusionismo pratico. Dovresti leggerlo. Edito da plon ».
64 « non seguire ciecamente i dirigenti dell’Action française nelle cose che riguardano la fede o la morale. […] Dire che in questo caso lo spirituale e il temporale sono insieme in gioco è dire troppo ed equivocare nei termini ».
65 « Nel caso dell’Action Française il peggiore sbaglio dei cattolici è di lasciare diffondere l’idea che la santa sede abbia direttamente o indirettamente colpita l’attività politica dei francesi ».
66 Lettre de Maurice Vaussard à Luigi Sturzo, 13 janvier 1928, dans Luigi Sturzo Maurice Vaussard Carteggio, op. cit. p. 45.
67 Francesco Malgeri, « Sturzo e Maritain », dans Roberto Papini (dir.), Jacques Maritain e la società contemporanea, Milano, Editrice Massimo, 1978, p. 259-274.
68 Jacques Prévotat, Les catholiques et l’Action française, op. cit., p. 458.
69 Luigi Sturzo, « Il ‘caso’ dell’Action Française », art. cit. « il fascismo italiano, per bocca dei suoi profeti nazionalisti, Enrico Corradini, Francesco Coppola, Alfredo Rocco, ha cercato di darsi una teoria, che in molti punti è o identica a quella di Maurras o ne è una derivazione. »
Enrico Corradini, fondateur de la revue Il Regno, créa en 1910 l’Associazione nazionalista italiana, sénateur en 1923, ministre d’Etat en 1928 ; Francesco Coppola, l’un des fondateurs de l’Associazione nazionalista, dirigeait la revue Politica ; Alfredo Rocco, sénateur, directeur de L’Idea Nazionale et fondateur de Il Dovere Nazionale.
70 « L’aspetto religioso è il seguente : l’Action française, pur essendo la organizzazione politica di un partito determinato, aveva prima attirato nella sua orbita, poi influenzato e perfino dominato ceti ecclesiastici e organizzazioni cattoliche, specialmente universitarie ; e impregnato lo spirito dei suoi seguaci di elementi di dottrina e di pratica politica ripugnanti ad una vera concezione religiosa ».
Auteur
-
Jean-Dominique Durand
Professeur d'histoire contemporaine à l'université Jean Moulin - Lyon 3 où il a fondé et dirigé de 1989 à 1999 l'Institut d'histoire du christianisme. Il a été conseiller culturel de l'Ambassade de France près le Saint-Siège et directeur du Centre culturel français de Rome. Il a publié de nombreux articles et ouvrages parmi lesquels L'Eglise catholique dans la crise de l'Italie 1943-1948 (Rome, Ecole Française de Rome, 1991), L'Europe de la Démocratie chrétienne, (Bruxelles, Complexe, 1995), L'Italie de 1815 à nos jours (Paris, Hachette supérieur, 1999), L'Esprit d'Assise. Une contribution à l'histoire de la paix (Paris, Cerf, 2005). Il dirige les collections historiques de Desclée de Brouwer et Parole et Silence.
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