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    Plan détaillé Texte intégral Comment s’est nouée l’alliance ? Typologie des catholiques d’Action française Mouvances et influences maurrassiennes Notes de bas de page Auteur

    L’Action française

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Les milieux catholiques d’Action française

    The Action française and the catholic circles

    Jacques Prévotat

    p. 157-172

    Résumés

    Les « milieux catholiques » d’Action française, le terme est trop vaste pour envisager une analyse exhaustive. Plutôt qu’à une analyse sociologique de ces milieux, on s’arrêtera à une double réflexion sur les motifs qui poussent, au début du XXe siècle, une large part des élites catholiques à une adhésion à la ligue maurrassienne, et ensuite, à une rupture obligée, en 1926-1927, sur l’ordre de Rome. Cette crise révélatrice des comportements et des caractères invite à dresser une typologie des réactions catholiques. Ces dernières dépendent du degré d’imprégnation idéologique dont le maurrassisme a su pénétrer les consciences. De multiples facteurs, historiques, sociaux, culturels, esthétiques, théologiques, y contribuent. Le témoignage de personnalités telles que Xavier Vallat, Gustave Thibon, Georges Vedel, auquel s’ajoute l’apport récent des archives vaticanes (pontificat de Pie XI), autorisent de nouvelles approches du sujet.

    The term «milieux catholiques» in the case of the Action française is a very broad one that lends itself poorly to detailed, exhaustive analysis. Instead of a sociological treatment of the different types of Catholics in question, a twofold question may be asked: what were the reasons that encourages, at the beginning of the 20th century, so many from the country’s catholic elites to adhere to Maurras’s League and, then afterwards, to feel obliged to break with it, on orders from Rome in 1926-1927? This crisis manifest through a variety of personalities and positions, calls for a typology of Catholic reactions. These reactions varied according to the extent that the minds of different individuals were marked by Maurrassian ideology. A wide range of factors – historical, social, cultural, aesthetic, theolpogical – entered into play. When one combines autobiographical material left by such diverse personalities as Xavier Vallat, Gustave Thibon and Georges Vedel with the new light thrown by the opening of the Vatican archives (pontificate of Pius XI), it becomes clear that new approaches to the subject matter are needed.

    Texte intégral Comment s’est nouée l’alliance ? Typologie des catholiques d’Action française Les maurrassiens catholiques Les catholiques maurrassiens Les catholiques d’abord Mouvances et influences maurrassiennes Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Il ne saurait être question de donner ici une description et une analyse des milieux catholiques d’Action française. Le sujet est trop vaste1. Cette communication se borne à proposer quelques pistes de réflexion sur les motifs qui ont guidé l’adhésion à la ligue nationaliste de quelques fractions de la société et de quelques individualités notoires. La tranche chronologique privilégiée sera celle de la condamnation romaine (1926-1927), crise religieuse grave, qui révèle les caractères et contraint chacun à définir et expliquer ses choix. Après être revenu brièvement sur les conditions générales de la naissance de l’alliance entre l’école d’Action française et le catholicisme au début du siècle, je tenterai d’esquisser une typologie des réactions des catholiques ligueurs d’Action française dans la crise de la condamnation. Cette analyse ne suffit pas à éclairer l’influence exercée par cette école. Aussi achèvera-t-on cette esquisse par une réflexion sur le phénomène historique durable et complexe des imprégnations maurrassiennes sur le catholicisme contemporain. Cette analyse bénéficie de témoignages recueillis au cours d’une enquête antérieure et s’appuie sur la documentation nouvelle offerte aux chercheurs, depuis l’ouverture, en septembre 2006, au Vatican, des archives du pontificat de Pie XI.

    Comment s’est nouée l’alliance ?

    2Le sujet imposerait de définir la qualité de « catholique d’Action française ». La tentative est risquée et peut difficilement aboutir. Bornons-nous à constater qu’elle signifie, tout à la fois, une adhésion à une école de pensée politique qui implique une forte idéologie, et des pratiques et des rites politiques spécifiques, dans lesquels se reconnaissent et communient les membres du mouvement, et dont se sentent exclus ceux qui n’en font pas partie. C’est dire d’emblée la difficulté d’une alliance entre une Eglise qui se veut universelle et un mouvement qui entend se servir de cette Eglise pour universaliser son particularisme. Mais n’anticipons pas. La question ne se pose pas et ne saurait se poser en ces termes pour les acteurs catholiques engagés du début du XXe siècle, témoins d’événements douloureux pour leur Eglise, que la société française paraît ne plus reconnaître et qu’elle marginalise. La plupart des ligueurs catholiques vivent d’un même élan la défense de leur foi catholique et leur adhésion à la ligue d’Action française. La fusion est naturelle. C’est ainsi que Jacques Maritain, entre beaucoup d’autres, a expliqué son ralliement à l’Action française après son baptême (1906) : le religieux dominicain, Humbert Clérissac, tout comme l’abbé de Solesmes, Dom Delatte, lui ont présenté l’adhésion à l’école nationaliste comme le complément logique, dans le domaine temporel et politique, d’un engagement spirituel dans l’Eglise catholique. Et Maritain vit cette double fidélité, sans distinguer ni séparer les deux domaines, jusqu’à la crise de 1926.

    3Sans revenir sur le contexte historico-politique du début du siècle, rappelons, pour parler comme Maurras et ses disciples, que pour arracher la patrie à « l’anarchie » née de l’affaire Dreyfus, et reconstruire une France forte, c’est-à-dire monarchique, le doctrinaire de l’Action française entend offrir au désarroi catholique une issue : l’alliance fondée sur la coopération entre libres-penseurs athées, conscients de l’urgence, et catholiques patriotes, attachés à leur tradition, et déterminés à la sauver. L’Enquête sur la Monarchie est davantage une réponse, qui commente le bienfait du remède, plutôt qu’une enquête, comme l’ont justement rappelé Philippe Boutry et Christian Amalvi.

    4Cette question de « l’alliance » des catholiques avec les forces conservatrices pour sauver l’héritage et préparer un avenir ne date pas de 1900. Le malaise catholique est antérieur : est-il nécessaire d’évoquer la démarche d’Albert de Mun auprès du comte de Paris, au lendemain des élections législatives de 1889 ? Conscient de l’échec des royalistes, ce dernier explique au comte de Paris la nécessité d’une alliance entre les forces conservatrices et l’Eglise : la différence avec l’Action française est cependant considérable : il ne s’agit pas de se lancer dans une chimérique restauration, mais d’affronter le réel pressant : la mise en œuvre d’une politique sociale, coûteuse en sacrifices2. Le constat d’une diminution des forces catholiques impose le recours à une alliance extérieure.

    5Autre différence : l’alliance que propose Maurras associe les catholiques et les athées pour la restauration de l’ordre. Mais, dans cette alliance, une question de fond est laissée dans l’ombre que soulèvent, dès 1905, des catholiques extérieurs à la ligue : quels rapports entretiendront le pouvoir civil et le pouvoir religieux dans la monarchie restaurée, - en un mot : quelle place exacte et quelle mission est réservée à l’Eglise3 ?

    6Aux yeux des maurrassiens, la question ne se pose pas : dès lors qu’intervient la restauration de la Monarchie, l’Eglise retrouve son statut privilégié d’Ancien Régime et le clergé redevient le premier ordre du royaume. Poser la question, c’est montrer qu’on a perdu la notion de l’ordre naturel en politique.

    7Quant à la question sociale, la réponse, évidente en apparence, est moins claire : en ce domaine, l’Action française n’innove pas : elle affirme suivre un maître incontesté, le marquis de La Tour du Pin La Charce, auteur de Vers un ordre social chrétien (1907), co-fondateur avec Albert de Mun de l’Oeuvre des cercles catholiques d’ouvriers, mais demeuré fidèle à la monarchie, à la différence de ce dernier, rallié à la République. L’autre maître est Frédéric Le Play, auquel Léon de Montesquiou consacre un ouvrage, publié à la Nouvelle Librairie nationale en 19124. Cependant l’unanimité est loin d’être complète. Jacques Bainville penche à l’évidence du côté du libéralisme économique5, tandis que les Cahiers du cercle Proudhon tournent leurs regards vers le syndicalisme révolutionnaire et sont désavoués par Maurras. En cas de crise, il est difficile de discerner quelle solution économique l’emportera. En réalité, dès l’origine, plane une inconnue : l’alliance proposée aux catholiques par l’école nationaliste n’est pas définie. La formule « politique d’abord » place la politique au-dessus de la religion et introduit les germes d’un affrontement : un « inséparatisme » apparent masque un « séparatisme » réel6.

    8Ces questions existentielles, relatives à la foi religieuse, ne rencontrent pas la moindre audience parmi les ligueurs. Pourquoi ? C’est que Maurras offre aux catholiques des perspectives et des chances inattendues, il apporte une doctrine. Les royalistes n’en avaient plus, tout comme les nationalistes, comme l’a souligné Barrès. En outre, l’Action française introduit un ton nouveau : par son allant, sa jeunesse, son ardeur, la force de ses convictions, son aptitude à répondre à des besoins diversifiés à travers ses organisations – Camelots, Institut, Ligue, librairie – et bientôt son quotidien créé en 1908. C’est un nouveau royalisme qui naît : royalisme rationnel, organisé, intellectuel, mais aussi tribunicien, qui occupe la rue, qui s’impose au quartier latin, organise des chahuts à la Sorbonne, notamment contre Thalamas, l’insulteur de Jeanne d’Arc (1908). L’Action française fait davantage : elle apporte un système d’explication, rend compte de l’événement, classe, explique, hiérarchise. L’éditorial quotidien de Maurras, La Politique, remplit cette fonction, qui rassure. Son système associe étroitement catholicisme, classicisme et monarchisme ; par là, il répond à la demande d’un large public catholique, privé depuis Veuillot d’un leader aussi enthousiaste et convaincu. Peu importe qu’on n’y retrouve, comme le remarque en 1957, Léon Roudiez, son premier biographe, « ni le véritable catholicisme, ni le véritable classicisme, ni le véritable monarchisme français7 ».

    9Pour pénétrer les milieux catholiques, l’Action Française n’a pas seulement bénéficié d’atouts politiques. Elle a su s’entourer du concours de personnalités d’envergure. Qu’il suffise, pour le catholicisme, de citer l’une d’entre elles, dont le rôle a été déterminant au début du siècle : il s’agit d’un moine bénédictin, de l’abbaye de Ligugé, alors exilée en Belgique, Dom Jean-Martial Besse (1861-1920), fondateur en mai 1905 de la Revue Mabillon, que Maurras a salué comme un « co-fondateur » de l’Action française. L’œuvre de Dom Besse a consisté, partout où brûlait encore une flamme d’étincelle royaliste, aussi fragile fût-elle, à souffler sur la braise et à ranimer le feu. C’est pourquoi, par la plume ou la voix, ou les multiples rencontres, il a porté la parole royaliste. Il a collaboré à L’Action française quotidienne, sous le pseudonyme de Jehan8, à d’autres feuilles royalistes (L’Espérance du Peuple, La Gazette de France, L’Univers9, Le Nord-Patriote, ainsi qu’à de nombreuses revues historiques et politiques (Revue des Questions historiques, Polybiblion, Bulletin de Saint Martin et de saint Benoît, Revue catholique et royaliste, etc.)10. Il a ainsi été à l’origine de plusieurs sections d’Action française. Il a assuré un enseignement à l’Institut d’Action française dans la chaire du Syllabus. Légitimiste, intransigeant, il voit dans la ligue d’Action française l’instrument providentiel d’un retour de la France à la monarchie et à ses origines chrétiennes. La restauration chrétienne, inséparable d’un type de société et de régime politique, telle est la visée profonde de Dom Besse11. Attitude qui le fait adopter le point de vue politique de l’Action française, avec son horreur des « ralliés », et de ces catholiques de l’Action libérale populaire, jugés mous et complices du régime.

    10Dom Besse entretient des liens étroits avec tout ce que le monde catholique compte de plus intransigeant, notamment les plus farouches adversaires du modernisme : Charles Maignen (1858-1937), procureur de la congrégation des Frères de Saint-Vincent-de-Paul, et neveu de Maurice Maignen, Henri Delassus (1836-1921), le directeur de la Semaine religieuse du diocèse de Cambrai, Emmanuel Barbier (1851-1924), directeur de la Critique du libéralisme, Bernard Gaudeau (1854-1925), fondateur de la revue La Foi catholique, qui sera un des premiers intégristes à se retourner contre le naturalisme de l’Action française. Mgr Benigni (1862-1934) suit leurs efforts, mais garde sa distance à l’égard de l’Action française. A Rome, ils bénéficient, au moins jusqu’à la mort de Pie X, de sérieux appuis. Le cardinal Billot (1846-1931), ancien professeur à l’Université grégorienne, le Père Le Floch (1862-1950), supérieur du Séminaire français, Mgr Abel Gilbert, ancien évêque du Mans (1894-1898), Mgr Sabadel, alias Pie de Langogne 1850-1914), et le Père Joseph Lemius (1860-1923)12, tous deux consulteurs de la Congrégation de l’Index, constituent un réseau romain, qui pèse contre la publication de la condamnation de Maurras en janvier 191413.

    11L’épiscopat est dans sa majorité étranger à l’Action française en 1914. La plupart des évêques appuient Jacques Piou et l’Action libérale populaire. Même la première « promotion » d’évêques consacrés par Pie X, après la loi de séparation, en 1906, est loin d’être gagnée à cette influence. Une minorité cependant, dont la plupart ont été nommés par Pie X, s’affirme en faveur de l’intransigeantisme et de l’Action française14. Les nominations s’exercent désormais contre les partisans des idées nouvelles15. C’est aussi l’époque où le clergé manifeste d’évidentes sympathies pour un mouvement dont les leaders et les militants ne dissimulent pas leurs choix politiques antirépublicains et leurs convictions religieuses. Cette absence de respect humain, cette claire affirmation de sa foi, cette volonté de reconquête de l’espace public ont été, pour nombre de catholiques, intimidés ou désespérés, un des motifs d’adhésion à l’Action française. Avant la mise en œuvre de l’Action catholique organisée, la ligue nationaliste a joué le rôle de force dynamique, capable de réintégrer les catholiques dans la cité. De ce point de vue, le « politique d’abord » est vécu comme une incitation au combat, à la prise de responsabilités, au service du bien commun. La correspondance de Dom Besse avec des prêtres, Jules Bossoutrot, curé de Curemonte en Corrèze, ou l’abbé Boileau, curé de Mont Notre Dame dans l’Aisne, et fondateur de l’Association Saint-Rémy, pour ne citer que deux cas, donnent une idée des projets et des intentions16.

    12Parmi les adhérents laïcs de la première heure, un même état d’esprit stimule les initiatives. Ainsi, le comte Eugène de Lur-Saluces, de seize ans l’aîné de Maurras, est l’exemple même du royaliste qui fonde tous ses espoirs sur l’Action française, en laquelle il voit la seule chance possible de survie du vieux parti royaliste. La menace d’une condamnation par l’Index du livre de Maurras, Anthinéa17, l’incite à écrire une longue missive à l’évêque de Périgueux, Mgr Bougouin, en le priant de la transmettre au cardinal Secrétaire d’Etat, le cardinal Merry del Val. Lettre très révélatrice du désarroi qui affecte la génération des catholiques, parvenus à l’âge de la maturité au moment de la défaite de Sedan, et pour lesquels la naissance et l’affirmation de l’Action française signifient la sortie d’un long tunnel :

    « Toujours nous avons été des vaincus, aussi bien quand il s’est agi de lutter contre l’ennemi du dedans que lorsque nous combattions celui du dehors. Il est même venu un moment où nous avons vu se tourner contre nous ceux que nous avons passé notre vie à défendre. Ils nous ont reproché comme un péché nos fidélités et nos convictions, ils nous ont traité en suspects, ils nous ont repoussé. Et pendant ce temps-là, nous voyons notre pays s’enfoncer chaque jour dans l’abîme fangeux où l’entraînèrent les misérables qu’on n’osait pas chasser du pouvoir.

    Or, depuis une quinzaine d’années, nous avons appris la lutte avec plus d’énergie que jamais. Cette fois nous avions senti (que) nous parvenions à gagner du terrain, à faire reculer l’adversaire sur certains points. Lui-même avouait ses défaites, jetant des cris d’alarme et ne dissimulant plus les craintes que lui inspirait cette offensive et c’est à ce moment-là que nous verrions notre char arrêté,…, paralysé par qui ?… par ceux même que nous ne songeons qu’à défendre.18 »

    13Le bien provoqué par la condamnation d’Anthinéa serait très inférieur au mal qui en résultera. On retrouve l’argumentation développée auprès de Pie X par les avocats ecclésiastiques de l’Action française. La lettre résume l’argumentation de royalistes décontenancés, sans coïncider pour autant avec l’ensemble des positions royalistes, en réalité, plus complexes. Ainsi les légitimistes sont-ils partagés, et nombre d’entre eux ne se reconnaissent-ils pas dans les positions de la ligue. Il n’empêche que la conjoncture sert le mouvement qui a su l’utiliser avec une admirable habileté. La non-publication par Pie X du décret de la Congrégation de l’Index du 29 janvier 1914, qui condamne sept œuvres de Maurras est une victoire de l’école nationaliste et de ses alliés catholiques (pas de tous cependant, car les réserves des intégristes se sont exprimées).

    Typologie des catholiques d’Action française

    14Essayons maintenant de caractériser quelques figures types de catholiques d’Action française. Emile Poulat avait proposé, au colloque Maurras de 197619, de distinguer entre les maurrassiens catholiques et les catholiques maurrassiens. Tout en reconnaissant la validité de cette distinction, il convient d’affiner l’analyse par d’autres distinctions : celle des catholiques d’abord, dont il sera question plus loin, et celle des sympathisants, plus ou moins proches, auxquels la troisième partie de cette étude sera consacrée.

    15Les maurrassiens catholiques mettent au premier plan leur conviction maurrassienne et adhèrent à un catholicisme de tradition et de conformité, qui ne relève pas toujours de la foi religieuse. Il convient toutefois de se montrer extrêmement prudent car on ne saurait être catégorique en la matière, qui relève du for interne. Il s’agit, dans le second cas, des catholiques maurrassiens, c’est-à-dire de ceux qui croient trouver dans l’adhésion à la ligue, le prolongement temporel naturel de leur foi religieuse. N’oublions pas qu’on raisonne en termes d’inséparatisme à cette époque.

    Les maurrassiens catholiques

    16Les maurrassiens catholiques ont fait leur le système maurrassien, et cherchent dans celui-ci l’explication dernière. A leurs yeux, la question posée par le pape Pie XI en septembre 192620 et explicitement formulée en terme de nécessaire rupture en décembre 192621, est tout à la fois incongrue, déstabilisatrice, hétérogène, en ce qu’elle provient d’une source estimée étrangère à la question religieuse, hostile, inacceptable pour un patriote conscient. D’où la crédulité, et même la certitude, avec laquelle est accueillie l’idée que le pape est trompé par un entourage politique hostile à l’Action française et au patriotisme français, et que la résistance est un devoir patriotique. Conscients cependant que le péril d’une hémorragie des militants catholiques est inévitable, ils veulent l’éviter grâce au recours à des théologiens complaisants. Ces derniers s’improvisent rédacteurs de consultations théologiques anonymes, abondamment diffusées. Celles-ci justifient le refus d’obéir en expliquant que le pape est sorti de son rôle et usurpe un pouvoir qui n’est pas le sien22 : ainsi, aux yeux de ces maurrassiens catholiques, le refus d’obéir au pape, signifié par le Non possumus du 24 décembre 1926, est un devoir qui revêt un caractère sacré23. Les listes de souscription successives du quotidien, La Fidélité française et Sous la Terreur, dûment triées, ne laissent passer que ce genre de message. Les souscripteurs estiment demeurer les catholiques les plus fidèles et les plus exemplaires : leur orthodoxie doctrinale est exprimée dans leur fidélité au Syllabus et à l’encyclique Pascendi, de même que dans leur parfaite « romanité ». La rigueur dans la pratique liturgique, l’état des services rendus, les engagements au service de l’Eglise sont là pour en attester. Mais c’est la fascination pour le « Maître », Maurras, qui l’emporte, maître à penser, maître de Vie, dont la conduite, la piété envers la patrie, le désintéressement au service du bien commun, la défense de l’Eglise, sont unanimement appréciés et vécus comme un modèle de piété et de dévouement. Entre le pape « provisoirement régnant » et le Maître, qui détient la vérité politique, le choix en faveur du second n’implique aucun état d’âme.

    17Sans doute l’examen des cas individuels corrige-t-il ce que ce schéma peut avoir de simpliste. On peut cependant retenir quelques exemples de personnalités dont les attitudes s’approchent de ce modèle : ainsi la poétesse Henriette Charasson (1884-1972), auteur de plusieurs poèmes consacrés à la femme, mère et gardienne du foyer24, avait adhéré, pendant la première guerre mondiale, au maurrassisme, en associant étroitement découverte de l’ordre naturel et découverte de l’ordre catholique25, en sorte que, forte de sa certitude, la condamnation pontificale ne peut l’ébranler26. D’autres ligueurs, responsables provinciaux du mouvement, défendent, de même, l’attitude de refus d’obtempérer, au nom de leurs certitudes politiques : tels le président de la section d’Action française de Rennes, Le Pannetier de Roissay, qui adresse à Rome, le 28 octobre 1926, une note dactylographiée de sept pages intitulée : « Catholicisme romain et monarchisme d’Action Française »27, ou encore, M. Ravier du Magny, professeur à l’Institut catholique de Lyon, et président de la section d’AF de Lyon, qui envoie au quotidien une lettre (20-1-1927), dans la rubrique « La Fidélité française », de plein soutien et d’appui à Maurras. La lettre, repérée par le cardinal Gasparri, est renvoyée au cardinal archevêque de Lyon, Mgr Maurin, avec l’ordre impératif d’exiger du professeur une adhésion publique d’obéissance au pape28.

    Les catholiques maurrassiens

    18La distinction n’est pas toujours nette : la plupart militent dans les œuvres catholiques, en proie à un douloureux conflit qu’ils entendent surmonter. Ils vivent le drame de la déchirure entre deux fidélités. Leur refuge est d’abord celui de reproduire l’argumentation du journal : stricte distinction des ordres, conformément à l’orthodoxie. Ils s’affirment tout ensemble les fils les plus soumis dans le domaine religieux, et les plus libres dans le domaine politique. Leur appartenance aux œuvres catholiques et leur statut de militant les obligent : ils ne peuvent désobéir au pape, mais ils doivent leur éducation politique à l’Action française. Certains vont trouver leurs évêques qui les connaissent bien, les apprécient, les considèrent – le plus souvent à juste titre-, comme les meilleurs soutiens des œuvres (la menace de rupture en ce domaine inquiète les évêques qui sont prêts aux concessions, voire à des paroles conciliantes, qui ne sont pas appréciées à Rome).

    19Parmi ce type de figure, citons le cas de Tony Catta, militant nantais, qui, meurtri par la condamnation, rappelle son action au service de l’Eglise depuis la fondation de l’Action française :

    « Jamais, à l’Action française on n’a tenté de me détacher de l’Action catholique qui a absorbé la plus grande partie de mes efforts.

    La formule « politique d’abord » que j’ai bien souvent entendu commenter à l’Action Française n’a jamais voulu dire qu’il fallait tout sacrifier à la politique. On nous a toujours dit que cette formule n’impliquait aucune subordination de la religion à la politique, au contraire. On voulait seulement dire que, si l’on n’emploie pas les moyens politiques, si l’on n’arrive pas à réformer l’Etat français, rien ne pourra être sérieusement amélioré en France.29 »

    20L’auteur ajoute ses titres : « Docteur en Droit, Administrateur-délégué du Journal l’Echo de la Loire, Auteur (en collaboration avec l’abbé Crouzil, professeur à l’institut catholique de Toulouse) du Guide juridique du clergé et des hommes d’œuvres catholiques. Auteur de la vie de l’abbé Yves de Joannis, élève du Séminaire Français tué pendant la guerre30, Membre du comité diocésain de l’Association catholique des chefs de famille).

    21C’est une attitude analogue que l’on retrouve chez René Bazin, écrivain proche de l’Action française :

    « Si L’Action Française devenait plus surnaturelle, - et ce n’est pas une hypothèse entièrement impossible – il me paraît qu’elle ferait un bien immense, étant rédigée par plusieurs hommes de grand talent, et lue par des hommes de tous les partis. La clientèle, nombreuse, du journal, recrutée parmi les catholiques les plus sûrs et les plus dévoués, constitue une sorte de garantie, car elle ne tolérerait pas qu’un article offensât la foi. Mais je dois ajouter que la meilleure garantie vient d’une source plus noble. M. Charles Maurras a témoigné à l’Eglise catholique un respect qui se confond, pour lui, avec l’amour de la France traditionnelle. Beaucoup de gens prient pour qu’il retrouve la foi : mais on ne peut nier qu’il y ait de la grandeur en lui ; et il est incapable de trahir…. Il n’est pas dans ma coutume de mettre, à la suite de mon nom, la liste de mes titres. Si je le fais ici, vous en comprendrez la raison, et vous m’en excuserez.

    René Bazin, membre de l’Académie française, professeur honoraire à l’Université catholique d’Angers, Grand Croix de l’Ordre de saint Grégoire le Grand.31 »

    22Un autre cas peut être retenu, celui d’un prélat, proche des milieux d’Action française d’Aix32, Mgr Maurice Rivière, archevêque d’Aix-en-Provence, nommé en juillet 192033. Lors de sa visite ad limina en octobre 1926, il plaide la cause de l’école nationaliste, porteur d’un dossier de lettres contenant des récits de conversions provoquées par la rencontre avec l’Action française. L’enveloppe, comme le dossier, contiennent des annotations, où l’on reconnaît l’écriture de Maurras34, qui a visiblement transmis le dossier. Quoi de surprenant dans l’accueil glacial que lui réserve Pie XI ? L’archevêque en est tout étonné et sort marri de l’audience.

    Les catholiques d’abord

    23Pour ces derniers, c’est la soumission au pape et le désir de répondre à ses conseils et à ses ordres qui constitue la priorité, quels qu’en soient les conséquences et le coût : parmi les exemples les plus marquants, celui de Jacques Maritain s’impose avec d’autant plus de force qu’il a connu des difficultés à percer les intentions du pape et la signification de son geste. Il exprime avec clarté cette intention dès la lettre qu’il adresse à Pie XI, le 27 septembre 1926, en lui envoyant son premier écrit relatif à la crise, Une opinion sur Charles Maurras et le devoir des catholiques :

    « Mon unique désir est de servir dans toute la mesure de mes forces la vérité et la sainte Eglise, et de préparer une obéissance parfaite aux décisions du saint-Siège. Je mets ce fervent désir et mon complet dévouement aux pieds de Votre Sainteté.35 »

    24Même type de réaction, plus tardive, mais significative, de Robert d’Harcourt, professeur de littérature allemande à l’Institut catholique de Paris, ancien combattant de la première guerre, courageux soldat, prisonnier de guerre, membre actif de la section d’Action française du XIe arrondissement, où il enseigne avec passion à ses auditeurs ouvriers les rudiments du catholicisme social. C’est au moment où L’Action française s’engage dans le refus d’obéir, lors du Non possumus du 24 décembre 1926, qu’il écrit à Maurras son désaccord et sa rupture, sans rien renier de son admiration antérieure :

    « Cette dernière déclaration [le Non possumus de l’Action française] faite avec la solennité d’accent qui demeure dans toutes les mémoires, venant immédiatement après le discours au consistoire, empruntait à son caractère de réponse à la première condamnation tombée des lèvres du Souverain Pontife une décisive gravité. Elle marquait, il me semble difficile de le contester, une date. Une date qui laissait un peu dans l’ombre tout ce qui avait pu être prononcé en public ou écrit auparavant. Rien de ce qui a été écrit avant l’allocution au consistoire – le premier document qui supprimait radicalement la liberté de choix – ne pouvait rendre, pour des catholiques, le même son que ce qui a été écrit après.

    J’ai, pour ma part, suivi L’Action française jusqu’au « Non possumus » qui a été pour moi et d’autres le « Non possumus » de la suivre plus loin. Je l’ai suivie jusqu’à la frontière extrême qu’à mes yeux une conscience catholique devait s’interdire de franchir [….] Quels que soient les déchirements, un catholique ne peut sortir de l’obéissance, sans risquer de voir s’éteindre en lui la lumière qui est le guide de sa vie.36 »

    Mouvances et influences maurrassiennes

    25Cette typologie sommaire ne suffit pas à rendre compte de la diversité des inclinations et des choix. L’influence maurrassienne est plus diffuse, elle se ramifie et épouse des aspects inattendus, voire contradictoires. C’est pourquoi il faudrait aussi interroger des sensibilités, apprécier des goûts, se pencher sur des itinéraires individuels, en épouser la complexité et comprendre comment a pu s’opérer, un jour ou l’autre, la greffe maurrassienne. Il nous manque une prosopographie du mouvement qui rendrait compte de la diversité des itinéraires individuels.

    26D’autant plus qu’il a existé une « mouvance » d’Action française, faite d’adhésions momentanées, de séductions passagères, de sympathies provisoires, dont il faut rendre compte. Des personnalités, dont l’itinéraire a été très éloigné de l’Action française par la suite, ont connu ce qu’Etienne Borne a appelé, en se l’appliquant à lui-même, « une saison maurrassienne » : ainsi, les dominicains Yves Congar37, Marie-Alain Couturier38, et Jean-Augustin Maydieu ont eu une sympathie affirmée, mais éphémère pour Maurras et son système39. En revanche, Réginald Garrigou-Lagrange fait preuve d’une sympathie plus durable. Théologien de la mystique et grand spirituel, auteur en 1923 de Perfection chrétienne et contemplation, il partage les positions théologiques des théologiens néothomistes de l’Action française40. Il se « soumet difficilement »41.

    27Cette diversité m’avait frappé dès les débuts de l’enquête que j’avais entreprise auprès des témoins survivants de l’Action française. J’évoquerai quelques souvenirs qui peuvent aider à reconstituer une atmosphère et à souligner la diversité des adhésions et des sympathies maurrassiennes.

    28Je commencerai par une personnalité rencontrée, au seuil des années 1970 : une amie et admiratrice de l’ancien supérieur du séminaire français de Rome, démissionné en 1927 par Pie XI, Edith Crosnier, dont la famille habitait dans le Finistère, tout près de la résidence bretonne du P. Henri Le Floch, le manoir du Caouët en Kerlaz, à l’est de Douarnenez. Elle détenait une partie des archives du P. Le Floch, dont la correspondance de ce dernier avec ses anciens élèves demeurés fidèles après sa démission. Melle Crosnier insistait sur la « romanité » de l’ancien supérieur, et sur l’ardeur avec laquelle il avait toujours voulu la servir. Un portrait du pape Pie X ornait son salon, et elle ne le désignait pas autrement que sous le vocable de saint Pie X, le mot saint étant nettement mis en valeur. On mesurait là une sensibilité catholique, tout à la fois et paradoxalement, ultramontaine et gallicane : elle évoquait avec admiration l’attachement du P. Le Floch à une liturgie digne et solennelle, dans laquelle le linge d’autel était impeccable, ainsi un corporal d’une « blancheur immaculée », ajoutait-elle42. Cette rencontre, dans l’extrême Finistère, au hameau de Portsall en Kersaint-Landunvez, près de Ploudalmézeau, plongeait l’historien dans une atmosphère et un environnement qui permettaient d’appréhender un monde déjà en partie disparu. Edith Crosnier n’était pas maurrassienne (elle n’avait probablement guère lu Maurras), mais la fidélité au souvenir du Père Le Floch, la certitude qu’il avait été injustement traité par Pie XI coloraient sa sympathie et orientaient ses fidélités. Elle demeurait attachée aux idées des anciens élèves du Séminaire français, à leurs choix et à leurs sympathies politiques. Au premier rang figurait un des plus fidèles disciples du supérieur, l’abbé Victor-Alain Berto, dont la devise, inspirée de l’enseignement du P. Le Floch, figure dans son testament : « Puissé-je mourir aussi romain que j’ai vécu ! »43. Marcel Lefèbvre, ancien élève du Séminaire français, dira, lui aussi, sa dette profonde à l’égard de son supérieur44. Ce « maurrassisme ecclésiastique », diffus - et abattu au lendemain de la condamnation -, n’en poursuit pas moins une vie clandestine et ressurgit périodiquement au fil des crises et des débats cruciaux du monde contemporain45.

    29La rencontre avec Gustave Thibon, apportait aussi un autre visage du maurrassisme : Thibon ne masquait nullement les équivoques religieuses du maurrassisme, son paganisme, mais il demeurait un fervent admirateur du Maurras poète, dont il récitait par cœur des dizaines de vers qu’il admirait46.

    30On retrouvait la même admiration pour le Maurras poète chez Georges Vedel qui avait été marqué par l’influence maurrassienne dans ses études de droit à Toulouse, au cours des années 1930, et qui récitait par cœur des vers de La Musique intérieure ou de l’Ode à la Marne47. Il expliquait très clairement les raisons de ses vives sympathies maurrassiennes (la faculté de droit de Toulouse était un foyer d’extrême droite, où étudiants d’Action française et jeunesses patriotes étaient rivaux) : les luttes religieuses très vives avec les radicaux toulousains anticléricaux expliquent le lien étroit avec le catholicisme. Lors des processions traditionnelles, les membres de la ligue d’Action française défilaient en grande tenue. Maurras était de tradition catholique : « il accrochait ce milieu par tous les bouts ». Ceux qui avaient gardé une foi religieuse très encadrée trouvaient dans l’Action française des croyants qui manifestaient leur foi extérieurement et qui s’étaient battus au moment des Inventaires. Ceux qui avaient perdu la foi dans cette ville chaude avaient retenu de Maurras la notion d’une religion comme structure sociale indispensable, comme rempart de l’ordre.

    31Mais ce qui est le plus intéressant dans ce témoignage de Georges Vedel est ce qu’il dit sur le rôle du prestige intellectuel de l’Action française et du journal : face à une pensée républicaine molle et solidariste (Léon Bourgeois), Maurras apportait une structuration à la pensée politique. Le journal était à la fois divertissant et très libre : le vrai fond en était la littérature, Maurras était capable de tout lâcher quand quelqu’un lui apportait un poème qu’il commentait et disséquait avec enthousiasme. Au fond, Maurras comme Daudet étaient enivrés de littérature. L’action politique était pour eux une manière de faire de la littérature :

    « C’est le journal qui m’a accroché ; j’étais réceptif à certains thèmes : on sort d’une guerre victorieuse, je suis fils d’officier ; tout ce qui est nationaliste fait vibrer… Maurras m’a accroché car il ne croyait pas que tout se passe suivant les lois du hasard (nez de Cléopâtre), il donnait des références de valeur, il avait une interprétation que ma jeunesse acceptait ; ce qui séduisait, c’était l’intelligibilité de la politique, de la société.48 »

    32D’autres témoins, plus distants du monde de l’Université, disent aussi leur dette à l’égard du Maître. Chez Xavier Vallat, par exemple, qui vivait alors à Annonay et avait bien connu Maurras après la guerre, à la prison de Clairvaux, se mêlaient souvenirs personnels, affinités littéraires, et convictions intactes sur le bien fondé de ses choix politiques49.

    33A Juigné-sur-Sarthe, village proche de l’abbaye Saint Pierre de Solesmes, - que la crise religieuse de l’Action française avait ébranlée -, un ami de Xavier Vallat, maire de sa commune, incarnait la pérennité d’un monde aristocrate, qui semblait avoir substitué au vieux légitimisme social un maurrassisme, perçu comme un élément essentiel de la structure catholique et romaine, teinté d’une assurance sociale et culturelle : il voyait dans le maire de la commune chef-lieu de canton la plus proche, un « primaire », auquel avait manqué la formation humaniste, parce qu’il était passé par l’école normale d’instituteurs50.

    34Sans doute conviendrait-il de prolonger l’enquête pour tenter d’approfondir la complexité du phénomène. La documentation ne manque pas. Outre les listes de souscription qui emplissent les pages du quotidien, la correspondance de Maurras avec tant de prêtres et de religieux demeure un fonds peu exploré51. On y verrait la confirmation de la diversité des postures et des adhésions maurrassiennes, depuis l’attitude admirative vouée au journaliste qui sait écrire, et fournir au jour le jour l’explication ultime de l’événement, jusqu’à la séduction à l’égard de l’écrivain, capable d’aller au rebours des modes du temps, et de se faire l’intrépide défenseur de l’Eglise catholique ; ou encore l’émotion ressentie devant l’héritier de la pensée grecque, le penseur classique, restaurateur des humanités, défenseur de la raison, méfiant à l’égard des illusions bergsoniennes, et pourfendeur audacieux des novations modernistes, comme des nuées démocratiques. C’est sans doute moins la force d’une pensée originale qu’un esprit de système cohérent, dans sa logique interne, mais souple et plastique, voire opportuniste dans la pratique, et donc contradictoire, qui a contribué à cette diversité des adhésions. Quoi qu’il en soit, l’Action française a fortement imprégné les esprits et continué de dicter des choix, bien au-delà de la date de sa condamnation. Son histoire est indissolublement liée à celle du catholicisme français de la première moitié du XXe siècle. La condamnation romaine de 1926, si elle a encouragé et suscité des élites nouvelles, - (qu’on songe à la nouvelle génération d’évêques nommée par Pie XI ou à la prise de responsabilités sociales des laïcs de l’Action catholique) - résolument tournées vers l’avenir, purifiées de l’esprit positiviste de l’Action française, prêtes à des élans missionnaires nouveaux, et nourries d’une attitude bienveillante à l’égard de son temps, n’a pas réussi pour autant à faire disparaître l’état d’esprit et la mentalité du « politique d’abord », pénétrée de paganisme, d’antijudaïsme, parfois liés à des survivances d’une théologie néo-thomiste52. La fracture, née dès le début du siècle entre le Sillon et L’Action française, également condamnés par Rome à seize ans d’intervalle, ne s’est pas résorbée. Peut-être saisit-on là une division majeure et structurante du catholicisme français du XXe siècle. Aujourd’hui encore, les héritiers des deux mouvements n’ont pas disparu de notre paysage politique.

    35En effet, le maurrassisme n’est pas éteint : outre la qualité humaine de nombreux protagonistes, - élites sociales dévouées au bien commun -, trait qu’il partage avec d’autres, c’est un fait qu’il jouit d’une postérité53 ; il a suscité des attachements et des fascinations profondes, ou des nostalgies, non moins étendues. C’est que, sans être une religion de substitution, le maurrassisme a cherché à répondre à des interrogations fondamentales, autant sur la durée des régimes politiques ou des civilisations, que sur le devenir des sociétés humaines. L’effort civilisateur et désespéré de Maurras, tout entier mobilisé au service exclusif de son idéal politique, n’est pas dépourvu d’héritiers. On l’a vu, pour s’en tenir aux milieux catholiques, lors de la fondation par Mgr Marcel Lefèbvre du séminaire d’Econe (1970), ou dans le mouvement de la Contre-Réforme catholique de l’abbé Georges de Nantes (1956)54, qui a été un disciple de Maurras. Jean Madiran, ancien directeur de la revue Itinéraires (1956), et actuel directeur de Présent, a loyalement reconnu les incompatibilités entre le catholicisme et le système maurrassien, mais n’en désigne pas moins Maurras comme un maître sûr et indépassable dans le domaine de la conduite des sociétés55. N’est-ce pas cette distorsion entre l’action politique et la morale qui avait suscité l’avertissement de Pie XI à la jeunesse catholique de France en septembre 1926 ? N’est-ce pas ce falsum suppositum, « faux présupposé », que Pie XI demandera à Maritain de dissiper en le sollicitant, au cours de l’année 1927, d’écrire le fameux Pourquoi Rome a parlé56 qui constituera, pour beaucoup de catholiques désorientés, un point de référence dans la crise religieuse des années 1926-1927 ?

    Notes de bas de page

    1 Je me permets de renvoyer à ma thèse, Les catholiques et l’Action française. Histoire d’une condamnation, Paris, Fayard, 2001.

    2 Philippe Levillain, Albert de Mun. Catholicisme français et catholicisme romain du Syllabus au Ralliement, Rome, Ecole française de Rome, 1983, p. 961-962.

    3 Jacques Prévotat : « Le Correspondant et la revue l’Action française, 1905-1908, dossier d’une polémique », Etudes maurrassiennes, 4, 1980, p. 206-221, Centre Charles Maurras, Aix-en-Provence.

    4 L’œuvre de Frédéric Le Play, 1912.

    5 Comme l’observe avec finesse, dès 1954, René Rémond, La Droite en France de 1815 à nos jours. Continuité et diversité d’une tradition politique, Paris, Aubier, p. 177.

    6 Pour reprendre les termes suggestifs de P. Levillain, Albert de Mun, op. cit., p. 572.

    7 Léon Roudiez, Maurras jusqu’à l’Action Française, André Bonne, Paris, 1957, p. 335.

    8 Du 18 décembre 1910 au 12 mars 1912.

    9 Sous le pseudonyme de Léon de Cheyssac.

    10 On écarte les revues érudites ou étrangères.

    11 L’aspiration qui l’anime est manifeste dans la conclusion de son petit Saint Wandrille de la collection « Les saints », Paris, 1904, p. 181.

    12 Principal rédacteur de l’encyclique Pascendi (1907), Emile Poulat, Intégrisme et catholicisme intégral. Un réseau secret international antimoderniste : « La Sapinière » (1909-1921), Paris, Casterman, 1969, p. 390.

    13 Jacques Prévotat, Les catholiques et l’Action française. Histoire d’une condamnation, Paris, Fayard, 2001, p. 176-179.

    14 Ricard (Auch, 1907), Dubillard (Chambéry, 1907), Castellan (Digne, 1906), Monestès (Dijon, 1911), Maurin (Grenoble, 1911), Durfort (Langres, 1911), Charost (Lille, 1913), Marty (Montauban, 1907), Montpellier, (Cabrières, 1874), Penon (Moulins, 1911), Bougouin (Périgueux, 1906), Humbrecht (Poitiers, 1911), Nègre (Tours, 1913), Métreau (Tulle, 1913).

    15 Le rôle de l’évêque de Périgueux, Mgr Bougouin, disciple de Mgr Pie, écarté de l’épiscopat pendant la période concordataire, est influent sur les nominations épiscopales (cf. Jacques-Olivier Boudon, « Le Saint-Siège et le recrutement des évêques français au lendemain de la Séparation : une enquête de 1908 sur les candidats à l’épiscopat », Revue d’histoire ecclésiastique, 3-4, 1995, p. 450.

    16 « On pourrait faire ici le centre de l’Action traditionnelle religieuse et nationale comme ont fait les Pères jésuites à l’Action populaire de Reims, pour les œuvres sociales », à Dom Besse, 22 février 1910 ; il lui avait communiqué un projet de statuts le 9 janvier précédent : « Disciples et fils de l’Eglise romaine, après une déclaration de principes, en théologie, philosophie, et droit canon, ils étudieront ensemble les moyens efficaces de travailler à la restauration du droit public chrétien dans les intelligences ».

    17 Félix Juven, Paris, s.d. (1901). Le livre avait d’abord été annoncé sous le titre Promenades païennes et comprenait un passage hostile au Christ compris dans le chapitre XVI, IIe partie, qui disparaîtra dans l’édition de 1922 : « Il m’a paru satisfaisant pour la pensée d’un certain nombre d’amis catholiques vivants ou morts, explique Maurras, et pour mon témoignage de profonde reconnaissance de sacrifier ce chapitre en mémoire de la grande âme du pape Pie X », Roger Joseph et Jean Forges, Nouvelle bibliographie de Charles Maurras, I, Aix-en-Provence, 1980, p. 17.

    18 Lur-Saluces à Mgr Bougouin, Sauternes, 9 juin 1914, ASV, Segreteria di Stato, 1913-1915, 162, fasc. 7.

    19 Cinquième colloque Maurras, Aix-en-Provence, 9, 10, 11 et 12 avril 1976, Etudes maurrassiennes, 5, 1986, 2 vol., 781 pages, Centre Charles Maurras.

    20 Lettre de S.S. Pie XI à S. Em. Le cardinal Andrieu, La Documentation catholique, t. XVI, 2 octobre 1926, 451-452, repris dans J. Prévotat, Les catholiques et l’Action française, op. cit., p. 678-679.

    21 Allocution de S.S. Pie XI au Consistoire du 20 décembre 1926, La documentation catholique, t. XVII, 15 janvier 1927, pp. 131-135, repris dans J. Prévotat, Ibidem, p. 680-682.

    22 Le jésuite Enrico Rosa, homme de confiance de Pie XI, déplore le manque de sens ecclésial qu’implique ce genre de document et y voit la preuve de « cet esprit mauvais (cattivo) qui a provoqué la condamnation explicite », Archivio Segreto vaticano (ASV), article dans L’Unità cattolica, AES, Francia, f. 628, 456-463, 490/27.

    23 L’Action française du vendredi 24 décembre 1926 titre en première page : « Texte de l’allocution consistoriale prononcée le 20 décembre par S.S. Pie XI », 2 colonnes, et « Non Possumus », signé : L’ACTION FRANCAISE, 3 colonnes : « Le devoir d’obéissance cesse où commence le mal, qui s’appelle pour nous catholiques, le péché… Dans la situation où se trouve la France, l’acte de tuer l’Action française est un acte non purement ni même principalement religieux : c’est un acte politique au premier chef, acte qui porterait un grave préjudice à la France, il lui serait nuisible mortellement. Favoriser cet acte serait trahir. Nous ne trahirons pas…. Cette crise nationale, nous ne l’avons pas plus créée que le cas de conscience affreux auquel on nous réduits. Si dur que soit le devoir qui en résulte pour nous, c’est le devoir. Nous le remplissons. Le cœur meurtri, mais sans faiblesse, nous l’accomplirons jusqu’au bout. Nous ne trahirons pas notre patrie. Non possumus ».

    24 Les Heures du Foyer, Paris, Flammarion, 1926 ; Deux petits hommes et leur mère, Paris, Flammarion, 1928.

    25 Jacques Prévotat, Les catholiques et l’Action française, op. cit., p. 57-58.

    26 René Johannet, son mari, a, en revanche, parfaitement saisi que l’affirmation catholique de Maurras ne va nullement de soi. (Témoignage d’Henriette Charasson et de René Johannet, Fonts, près Châteauroux, 20 février 1971).

    27 Archivio segreto vaticano (ASV), Affaires ecclésiastiques extraordinaires (AES), Francia, f. 628, vol. I, 1926-1927, 2822/26. Admirateur de Maurras, Maritain et saint Thomas, il est hostile au général de Castelnau dès 1925 et reproche à Louis Dimier, dont Vingt ans d’Action française paraît en 1926, de n’avoir pas su voir dans l’Action française « ce grand mouvement de restauration intellectuelle et matérielle auquel Maurras a, pour l’immortalité, accroché son nom » (10-6-1926).

    28 ASV, AES, Francia, f. 628, vol. I, 531-533, 431/27, Albert Valensin au P. Rosa, 5 février 1927.

    29 Tony Catta, Nantes, 8 novembre 1926, à Mgr Borgongini Duca, ASV ; AES, Francia, pos. 628, I, 2662/26.

    30 Tony Catta, Du séminaire au champ de bataille. Yves de Joannis. Elève au Séminaire français, brigadier au 51e d’artillerie 1893-1914, Paris, Plon, 1919 ; voir Frédéric Gugelot « La grande guerre du Séminaire français de Rome », in Philippe Levillain, Philippe Boutry et Yves-Marie Fradet, 150 ans au cœur de Rome. Le Séminaire français, 1853-2003, p. 119-134.

    31 René Bazin, 30 septembre 1926, à Mgr Borgongini Duca, ASV, AES, Francia, pos. 628, III, 2355/26.

    32 Le philosophe Maurice Blondel, professeur à l’université d’Aix-en-Provence, et paroissien d’Aix, est sévère pour son entourage et ses mondanités dans sa correspondance avec Fernand Mourret.

    33 « Le diocèse de Périgueux a fait un feu de joie en apprenant son départ », écrit Bremond à Blondel en septembre 1920.

    34 ASV, AES, pos. 628, III, 2448/26.

    35 Jacques Maritain au pape Pie XI, 27 septembre 1926, ASV, AES, pos. 628, III, 2335/26.

    36 Robert d’Harcourt à Maurras, 2 avril 1927, dans AFQ, 5 avril 1927.

    37 « La pensée de Maurras et de son entourage me paraissait aussi brillante que je la trouve aujourd’hui artificielle », Jules Puyo interroge le Père Congar, Le Centurion, 1975, p. 24. Entretien avec le Père Congar, 12 mai 1977 : « Les 8/10èmes des futurs novices de ma promotion du Saulchoir étaient sous l’influence de l’Action française ».

    38 Marie-Alain Couturier, La vérité blessée, Paris, Plon, 1984.

    39 Jacques Prévotat : « Jean-Augustin Maydieu et l’Action française », au colloque Maydieu, 1995-1996, in « Jean-Augustin Maydieu », Actes des colloques réunis par David Gaillardon, Mémoire dominicaine, numéro spécial No II, 1998, p. 141-154.

    40 Quoiqu’il se désintéressât de la politique, cf. Philippe Chenaux, Entre Maurras et Maritain, une génération intellectuelle catholique (1920-1930), Paris, Cerf, 1999, p. 116 : montre les réserves de Mgr Besson, évêque de Lausanne. Voir aussi la position de Réginald Garrigou-Lagrange dans la Préface du De regimine principum, 1926, Ibid., p. 129, no 1 « réédité… en 1925, sous les auspices de La Gazette française d’Amédée d’Yvignac », Chenaux, op. cit., p. 141 ; Garrigou-Lagrange « s’efforçait d’y justifier la doctrine maurrassienne du « politique d’abord », p. 147 ; cf. position de Journet, Nova et Vetera, janvier-mars 1927, p. 130. P. Chenaux observe que la condamnation du positivisme maurrassien a des conséquences sur le thomisme, cf. p. 161.

    41 Philippe Chenaux, Entre Maurras et Maritain…, op. cit., p. 231.

    42 Conformément à l’instruction Domine salvator du 29 mars 1929, Dictionnaire des arts liturgiques, XIXe -XXe siècles, Bernard Berthod, Elisabeth Hardouin-Fugier, Les éditions de l’amateur, 1996, p. 201.

    43 Voir Notre Dame de Joie. Correspondance de l’abbé V.A. Berto, prêtre, 1900-1968, Paris, Nouvelles Editions latines, 1974, et Pour la sainte Eglise romaine, Textes et documents de V.A. Berto, prêtre, Dominique Martin Morin, 1976, avec l’hommage au Père Le Floch, p. 113-153, et l’hommage au Père Garrigou-Lagrange, p. 155-162.

    44 Bernard Tissier de Mallerais, Marcel Lefèbvre, une vie, Etampes, Clovis, 2002, voir son appréciation sur le Père Le Floch, p. 47 et sur l’école d’Action française, p. 60 : « Le fait que le Saint-Père l’ait condamnée fut contraire à l’ordre et coupa les bras à la contrerévolution ».

    45 Comme le souligne fortement René Rémond, le premier historien de cette question : « … L’histoire orageuse des rapports entre le catholicisme et ce courant de pensée ne s’est pas arrêtée au seuil du second conflit mondial. Elle connaîtra de génération en génération plus d’un rebondissement. On ne comprendrait pas que la France ait été le pays catholique qui a connu la révolte la plus ample contre le concile Vatican II qui consacrait pourtant les orientations de l’Eglise de France, si on n’avait pas présente à l’esprit l’influence profonde exercée par l’Action française sur le catholicisme de notre pays », Préface à Jacques Prévotat, Les catholiques et L’Action française. Histoire d’une condamnation, op. cit., p. IV.

    46 Entretien du mercredi 27 juin 1977 à Saint-Marcel d’Ardèche. Voir aussi : « Maurras poète », Itinéraires, 122, avril 1968, p. 133-152.

    47 La Bataille de la Marne, Ode historique, Paris, Edouard Champion, 1923.

    48 Entretien avec Georges Vedel, mardi 14 juin 1994.

    49 Entretien avec Xavier Vallat, Annonay, 5 juillet 1971. Voir Laurent Joly, Xavier Vallat. Du nationalisme chrétien à l’antisémitisme d’Etat, 1891-1972, biographie, Paris, Grasset, 2001.

    50 Entretien avec le maire de Juigné-sur-Sarthe, début août 1972.

    51 Pour le chercheur tenté par une thèse sur l’affectivité en politique, elle constitue un matériau de choix.

    52 Voir à ce sujet les critiques d’Etienne Gilson dans Le philosophe et la théologie, Paris, Fayard, 1960.

    53 Outre Raoul Girardet : « L’Héritage de l’Action française », Revue française de science politique, VII, 4, octobre-décembre 1957, p. 765-792, voir Nicolas Kessler, Histoire politique de la Jeune Droite (1929-1942). Une révolution conservatrice à la française, Paris, L’Harmattan, 2001, et François Huguenin : « Les héritiers », A l’école de l’Action française. Un siècle de vie intellectuelle, Paris, J.-C. Lattès, 1998, p. 503-576.

    54 Lettres à mes amis, t. 1 (1956-1962).

    55 Jean Madiran, Maurras, Nouvelles éditions latines, 1992 et Maurras toujours là, Versailles, Consep, 2004.

    56 P. Doncoeur, V. Bernadot, E. Lajeunie, D. Lallement, F. X. Maquart, J. Maritain, Paris, Spes, 1927.

    Auteur

    • Jacques Prévotat

      Professeur d’histoire contemporaine à l’université Charles de Gaulle Lille 3, membre de l’IRHIS (Institut de recherches historiques du Septentrion), est notamment l’auteur de Les catholiques et l’Action française (Paris, Fayard, 2001) et L’Action française (Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2004).

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    1 Je me permets de renvoyer à ma thèse, Les catholiques et l’Action française. Histoire d’une condamnation, Paris, Fayard, 2001.

    2 Philippe Levillain, Albert de Mun. Catholicisme français et catholicisme romain du Syllabus au Ralliement, Rome, Ecole française de Rome, 1983, p. 961-962.

    3 Jacques Prévotat : « Le Correspondant et la revue l’Action française, 1905-1908, dossier d’une polémique », Etudes maurrassiennes, 4, 1980, p. 206-221, Centre Charles Maurras, Aix-en-Provence.

    4 L’œuvre de Frédéric Le Play, 1912.

    5 Comme l’observe avec finesse, dès 1954, René Rémond, La Droite en France de 1815 à nos jours. Continuité et diversité d’une tradition politique, Paris, Aubier, p. 177.

    6 Pour reprendre les termes suggestifs de P. Levillain, Albert de Mun, op. cit., p. 572.

    7 Léon Roudiez, Maurras jusqu’à l’Action Française, André Bonne, Paris, 1957, p. 335.

    8 Du 18 décembre 1910 au 12 mars 1912.

    9 Sous le pseudonyme de Léon de Cheyssac.

    10 On écarte les revues érudites ou étrangères.

    11 L’aspiration qui l’anime est manifeste dans la conclusion de son petit Saint Wandrille de la collection « Les saints », Paris, 1904, p. 181.

    12 Principal rédacteur de l’encyclique Pascendi (1907), Emile Poulat, Intégrisme et catholicisme intégral. Un réseau secret international antimoderniste : « La Sapinière » (1909-1921), Paris, Casterman, 1969, p. 390.

    13 Jacques Prévotat, Les catholiques et l’Action française. Histoire d’une condamnation, Paris, Fayard, 2001, p. 176-179.

    14 Ricard (Auch, 1907), Dubillard (Chambéry, 1907), Castellan (Digne, 1906), Monestès (Dijon, 1911), Maurin (Grenoble, 1911), Durfort (Langres, 1911), Charost (Lille, 1913), Marty (Montauban, 1907), Montpellier, (Cabrières, 1874), Penon (Moulins, 1911), Bougouin (Périgueux, 1906), Humbrecht (Poitiers, 1911), Nègre (Tours, 1913), Métreau (Tulle, 1913).

    15 Le rôle de l’évêque de Périgueux, Mgr Bougouin, disciple de Mgr Pie, écarté de l’épiscopat pendant la période concordataire, est influent sur les nominations épiscopales (cf. Jacques-Olivier Boudon, « Le Saint-Siège et le recrutement des évêques français au lendemain de la Séparation : une enquête de 1908 sur les candidats à l’épiscopat », Revue d’histoire ecclésiastique, 3-4, 1995, p. 450.

    16 « On pourrait faire ici le centre de l’Action traditionnelle religieuse et nationale comme ont fait les Pères jésuites à l’Action populaire de Reims, pour les œuvres sociales », à Dom Besse, 22 février 1910 ; il lui avait communiqué un projet de statuts le 9 janvier précédent : « Disciples et fils de l’Eglise romaine, après une déclaration de principes, en théologie, philosophie, et droit canon, ils étudieront ensemble les moyens efficaces de travailler à la restauration du droit public chrétien dans les intelligences ».

    17 Félix Juven, Paris, s.d. (1901). Le livre avait d’abord été annoncé sous le titre Promenades païennes et comprenait un passage hostile au Christ compris dans le chapitre XVI, IIe partie, qui disparaîtra dans l’édition de 1922 : « Il m’a paru satisfaisant pour la pensée d’un certain nombre d’amis catholiques vivants ou morts, explique Maurras, et pour mon témoignage de profonde reconnaissance de sacrifier ce chapitre en mémoire de la grande âme du pape Pie X », Roger Joseph et Jean Forges, Nouvelle bibliographie de Charles Maurras, I, Aix-en-Provence, 1980, p. 17.

    18 Lur-Saluces à Mgr Bougouin, Sauternes, 9 juin 1914, ASV, Segreteria di Stato, 1913-1915, 162, fasc. 7.

    19 Cinquième colloque Maurras, Aix-en-Provence, 9, 10, 11 et 12 avril 1976, Etudes maurrassiennes, 5, 1986, 2 vol., 781 pages, Centre Charles Maurras.

    20 Lettre de S.S. Pie XI à S. Em. Le cardinal Andrieu, La Documentation catholique, t. XVI, 2 octobre 1926, 451-452, repris dans J. Prévotat, Les catholiques et l’Action française, op. cit., p. 678-679.

    21 Allocution de S.S. Pie XI au Consistoire du 20 décembre 1926, La documentation catholique, t. XVII, 15 janvier 1927, pp. 131-135, repris dans J. Prévotat, Ibidem, p. 680-682.

    22 Le jésuite Enrico Rosa, homme de confiance de Pie XI, déplore le manque de sens ecclésial qu’implique ce genre de document et y voit la preuve de « cet esprit mauvais (cattivo) qui a provoqué la condamnation explicite », Archivio Segreto vaticano (ASV), article dans L’Unità cattolica, AES, Francia, f. 628, 456-463, 490/27.

    23 L’Action française du vendredi 24 décembre 1926 titre en première page : « Texte de l’allocution consistoriale prononcée le 20 décembre par S.S. Pie XI », 2 colonnes, et « Non Possumus », signé : L’ACTION FRANCAISE, 3 colonnes : « Le devoir d’obéissance cesse où commence le mal, qui s’appelle pour nous catholiques, le péché… Dans la situation où se trouve la France, l’acte de tuer l’Action française est un acte non purement ni même principalement religieux : c’est un acte politique au premier chef, acte qui porterait un grave préjudice à la France, il lui serait nuisible mortellement. Favoriser cet acte serait trahir. Nous ne trahirons pas…. Cette crise nationale, nous ne l’avons pas plus créée que le cas de conscience affreux auquel on nous réduits. Si dur que soit le devoir qui en résulte pour nous, c’est le devoir. Nous le remplissons. Le cœur meurtri, mais sans faiblesse, nous l’accomplirons jusqu’au bout. Nous ne trahirons pas notre patrie. Non possumus ».

    24 Les Heures du Foyer, Paris, Flammarion, 1926 ; Deux petits hommes et leur mère, Paris, Flammarion, 1928.

    25 Jacques Prévotat, Les catholiques et l’Action française, op. cit., p. 57-58.

    26 René Johannet, son mari, a, en revanche, parfaitement saisi que l’affirmation catholique de Maurras ne va nullement de soi. (Témoignage d’Henriette Charasson et de René Johannet, Fonts, près Châteauroux, 20 février 1971).

    27 Archivio segreto vaticano (ASV), Affaires ecclésiastiques extraordinaires (AES), Francia, f. 628, vol. I, 1926-1927, 2822/26. Admirateur de Maurras, Maritain et saint Thomas, il est hostile au général de Castelnau dès 1925 et reproche à Louis Dimier, dont Vingt ans d’Action française paraît en 1926, de n’avoir pas su voir dans l’Action française « ce grand mouvement de restauration intellectuelle et matérielle auquel Maurras a, pour l’immortalité, accroché son nom » (10-6-1926).

    28 ASV, AES, Francia, f. 628, vol. I, 531-533, 431/27, Albert Valensin au P. Rosa, 5 février 1927.

    29 Tony Catta, Nantes, 8 novembre 1926, à Mgr Borgongini Duca, ASV ; AES, Francia, pos. 628, I, 2662/26.

    30 Tony Catta, Du séminaire au champ de bataille. Yves de Joannis. Elève au Séminaire français, brigadier au 51e d’artillerie 1893-1914, Paris, Plon, 1919 ; voir Frédéric Gugelot « La grande guerre du Séminaire français de Rome », in Philippe Levillain, Philippe Boutry et Yves-Marie Fradet, 150 ans au cœur de Rome. Le Séminaire français, 1853-2003, p. 119-134.

    31 René Bazin, 30 septembre 1926, à Mgr Borgongini Duca, ASV, AES, Francia, pos. 628, III, 2355/26.

    32 Le philosophe Maurice Blondel, professeur à l’université d’Aix-en-Provence, et paroissien d’Aix, est sévère pour son entourage et ses mondanités dans sa correspondance avec Fernand Mourret.

    33 « Le diocèse de Périgueux a fait un feu de joie en apprenant son départ », écrit Bremond à Blondel en septembre 1920.

    34 ASV, AES, pos. 628, III, 2448/26.

    35 Jacques Maritain au pape Pie XI, 27 septembre 1926, ASV, AES, pos. 628, III, 2335/26.

    36 Robert d’Harcourt à Maurras, 2 avril 1927, dans AFQ, 5 avril 1927.

    37 « La pensée de Maurras et de son entourage me paraissait aussi brillante que je la trouve aujourd’hui artificielle », Jules Puyo interroge le Père Congar, Le Centurion, 1975, p. 24. Entretien avec le Père Congar, 12 mai 1977 : « Les 8/10èmes des futurs novices de ma promotion du Saulchoir étaient sous l’influence de l’Action française ».

    38 Marie-Alain Couturier, La vérité blessée, Paris, Plon, 1984.

    39 Jacques Prévotat : « Jean-Augustin Maydieu et l’Action française », au colloque Maydieu, 1995-1996, in « Jean-Augustin Maydieu », Actes des colloques réunis par David Gaillardon, Mémoire dominicaine, numéro spécial No II, 1998, p. 141-154.

    40 Quoiqu’il se désintéressât de la politique, cf. Philippe Chenaux, Entre Maurras et Maritain, une génération intellectuelle catholique (1920-1930), Paris, Cerf, 1999, p. 116 : montre les réserves de Mgr Besson, évêque de Lausanne. Voir aussi la position de Réginald Garrigou-Lagrange dans la Préface du De regimine principum, 1926, Ibid., p. 129, no 1 « réédité… en 1925, sous les auspices de La Gazette française d’Amédée d’Yvignac », Chenaux, op. cit., p. 141 ; Garrigou-Lagrange « s’efforçait d’y justifier la doctrine maurrassienne du « politique d’abord », p. 147 ; cf. position de Journet, Nova et Vetera, janvier-mars 1927, p. 130. P. Chenaux observe que la condamnation du positivisme maurrassien a des conséquences sur le thomisme, cf. p. 161.

    41 Philippe Chenaux, Entre Maurras et Maritain…, op. cit., p. 231.

    42 Conformément à l’instruction Domine salvator du 29 mars 1929, Dictionnaire des arts liturgiques, XIXe -XXe siècles, Bernard Berthod, Elisabeth Hardouin-Fugier, Les éditions de l’amateur, 1996, p. 201.

    43 Voir Notre Dame de Joie. Correspondance de l’abbé V.A. Berto, prêtre, 1900-1968, Paris, Nouvelles Editions latines, 1974, et Pour la sainte Eglise romaine, Textes et documents de V.A. Berto, prêtre, Dominique Martin Morin, 1976, avec l’hommage au Père Le Floch, p. 113-153, et l’hommage au Père Garrigou-Lagrange, p. 155-162.

    44 Bernard Tissier de Mallerais, Marcel Lefèbvre, une vie, Etampes, Clovis, 2002, voir son appréciation sur le Père Le Floch, p. 47 et sur l’école d’Action française, p. 60 : « Le fait que le Saint-Père l’ait condamnée fut contraire à l’ordre et coupa les bras à la contrerévolution ».

    45 Comme le souligne fortement René Rémond, le premier historien de cette question : « … L’histoire orageuse des rapports entre le catholicisme et ce courant de pensée ne s’est pas arrêtée au seuil du second conflit mondial. Elle connaîtra de génération en génération plus d’un rebondissement. On ne comprendrait pas que la France ait été le pays catholique qui a connu la révolte la plus ample contre le concile Vatican II qui consacrait pourtant les orientations de l’Eglise de France, si on n’avait pas présente à l’esprit l’influence profonde exercée par l’Action française sur le catholicisme de notre pays », Préface à Jacques Prévotat, Les catholiques et L’Action française. Histoire d’une condamnation, op. cit., p. IV.

    46 Entretien du mercredi 27 juin 1977 à Saint-Marcel d’Ardèche. Voir aussi : « Maurras poète », Itinéraires, 122, avril 1968, p. 133-152.

    47 La Bataille de la Marne, Ode historique, Paris, Edouard Champion, 1923.

    48 Entretien avec Georges Vedel, mardi 14 juin 1994.

    49 Entretien avec Xavier Vallat, Annonay, 5 juillet 1971. Voir Laurent Joly, Xavier Vallat. Du nationalisme chrétien à l’antisémitisme d’Etat, 1891-1972, biographie, Paris, Grasset, 2001.

    50 Entretien avec le maire de Juigné-sur-Sarthe, début août 1972.

    51 Pour le chercheur tenté par une thèse sur l’affectivité en politique, elle constitue un matériau de choix.

    52 Voir à ce sujet les critiques d’Etienne Gilson dans Le philosophe et la théologie, Paris, Fayard, 1960.

    53 Outre Raoul Girardet : « L’Héritage de l’Action française », Revue française de science politique, VII, 4, octobre-décembre 1957, p. 765-792, voir Nicolas Kessler, Histoire politique de la Jeune Droite (1929-1942). Une révolution conservatrice à la française, Paris, L’Harmattan, 2001, et François Huguenin : « Les héritiers », A l’école de l’Action française. Un siècle de vie intellectuelle, Paris, J.-C. Lattès, 1998, p. 503-576.

    54 Lettres à mes amis, t. 1 (1956-1962).

    55 Jean Madiran, Maurras, Nouvelles éditions latines, 1992 et Maurras toujours là, Versailles, Consep, 2004.

    56 P. Doncoeur, V. Bernadot, E. Lajeunie, D. Lallement, F. X. Maquart, J. Maritain, Paris, Spes, 1927.

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    • Audigier, François. (2018) Les Prétoriens du Général. DOI: 10.4000/books.pur.168098
    • Legge, Elizabeth. (2016) A Companion to Dada and Surrealism. DOI: 10.1002/9781118476215.ch5
    • (2021) 1870-1914. DOI: 10.3917/gall.ducle.2021.01.0974
    • Dard, Olivier. (2019) Reactionary Nationalists, Fascists and Dictatorships in the Twentieth Century. DOI: 10.1007/978-3-030-22411-0_2
    • (2010) Comptes rendus. Histoire, économie & société, 29e année. DOI: 10.3917/hes.102.0129
    • Bernard, Mathias. (2012) Des années 1930 aux années 1980 : invariants et mutations du populisme à la française. Cités, 49. DOI: 10.3917/cite.049.0119
    • (2010) Relire le XIXe siècle politique. Cahiers Jaurès, N° 198. DOI: 10.3917/cj.198.0131
    • Michel, Florian. (2012) Jacques Maritain jaurésien ? Une jeunesse entre révolution et socialisme démocratique. Cahiers Jaurès, N° 204. DOI: 10.3917/cj.204.0017
    • CAMPBELL, CAROLINE. (2018) Gender and Politics in Interwar and Vichy France. Contemporary European History, 27. DOI: 10.1017/S0960777317000108

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