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Philippe Ariès (1914-1984)

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Guillaume Gros

Première partie : une famille royaliste d'Action française (1914-1936)

Chapitre II : Une famille d’Action française : une politisation précoce

Texte intégral

1) Une éducation catholique intransigeante contre la République

1-1) Au service de l’alliance du trône et de l’autel

  • 1 Philippe Ariès, Un Historien du dimanche, Seuil, 1980, p. 21
  • 2 Cf. Eugen Weber, L’Action française, Pluriel, 1990, pp. 62-86.
  • 3 René Rémond, Les Droites en France, Aubier, 1982, p. 171-172.
  • 4 Philippe Ariès, « L’histoire marxiste et l’histoire conservatrice » (1947), Le Temps de l’Histoire (...)

1Le royalisme de la famille Ariès qui se rattachait à la tradition contre-révolutionnaire et légitimiste des droites trouva un mode d’expression dans l’Action française : « Il s’est produit cependant un fait remarquable chez mes parents, qui les mit à part et leur donna une vocation politique particulière : à l’époque de leurs vingt ans, à la fin du XIXe siècle, furent créés à la fois un nouveau parti royaliste et un nouveau parti catholique — l’Action française et le Sillon. »1 La naissance de l’Action française au tournant du siècle intervient à un moment critique pour le courant royaliste ébranlé par la mort du Comte de Chambord en 1883, l’échec du boulangisme et la politique de Ralliement suscitée par Léon XIII. Alors que l’idée monarchique était en voie de marginalisation, Charles Maurras et ses compagnons deviennent les représentants d’un néo-royalisme. Celui-ci n’a toutefois plus grand chose à voir avec celui des anciens royalistes2. Ce n’est plus le royalisme spontané de la famille Ariès : « Que subsiste-t-il de cet attachement quasi religieux à la personne du roi, qui faisait encore battre le cœur des jeunes femmes présentées au comte de Chambord ? »3 Le royalisme de Charles Maurras, qui a subi l’influence du positivisme, est une construction intellectuelle qui s’adresse à la raison avant l’instinct. Est-ce à dire que l’imagerie royaliste de la famille Ariès n’a pas résisté à cette lame de fond ? Les récits d’enfance de Philippe Ariès sont parcourus par cette tension entre le royalisme d’héritage, trouvé au berceau, et celui de l’Action française qui apportait davantage de satisfactions intellectuelles au jeune adolescent en quête de certitudes. Si, au milieu des années vingt, les parents de Philippe Ariès étaient toujours sous le charme d’un passé peuplé de bons rois, celui-ci s’en détachait à la recherche d’une histoire apologétique : « Je quittais l’univers de mes désirs et de mes souvenirs pour entrer dans celui d’une littérature qui a eu, entre les deux grandes guerres, un succès considérable : l’utilisation de l’Histoire à des fins apologétiques, la construction sur l’Histoire d’une philosophie de la cité, d’une politique. »4

  • 5 Philippe Ariès, « Un enfant découvre l’histoire » (1946), Le Temps de l’histoire, op. cit., p. 39.

2Si les parents de Philippe Ariès sont des « royalistes ralliés sans réserve à l’Action française, avec fanatisme », ils le sont, semble-t-il, au-delà de la fidélité au roi, au nom de la défense d’un catholicisme intransigeant qu’ils estimaient mis à mal par la politique de Ralliement et par la République : « Ma mère, mes tantes avaient été élevées dans des couvents de l’Assomption et surtout du Sacré-Cœur, où maîtresses et élèves tournaient résolument le dos au monde. »5 Madame Ariès resta en relation avec ses maîtresses du Sacré-Cœur où elle avait fait ses études, tant que celles-ci vécurent. La famille Ariès supporta très mal la laïcisation de l’enseignement à la fin du XIXe siècle et la politique de la République radicale qui devait aboutir à la loi de séparation des Églises et de l’État. L’Action française sut alors se rallier nombre de catholiques par sa défense des intérêts de l’Église, défense qui s’insérait dans sa lutte contre la République.

1-2) Chez les Jésuites

  • 6 Philippe Ariès, Un Historien du dimanche, op. cit., p. 37.
  • 7 Ibid., p. 39.

3Ses parents ne pouvant concevoir l’idée d’envoyer leur fils à l’école communale, Philippe Ariès apprit à lire à Blois avec une religieuse sécularisée qui était devenue institutrice dans les familles après la dissolution des congrégations par la loi Combes6. Une fois installé dans la capitale, le jeune Philippe Ariès fut d’abord confié à un collège de Dominicains sur lequel nous n’avons aucune information si ce n’est qu’en raison de son indiscipline, il n’y resta pas longtemps. Ses parents décident alors de l’envoyer chez un prêtre d’Action française qui s’occupait de remettre en selle quelques élèves difficiles. Jugé capable de réintégrer un collège, Philippe Ariès est inscrit, cette fois, rue Franklin chez les Jésuites au collège Saint-Louis de Gonzague où il resta jusqu’à la fin de sa seconde7. Dans ses souvenirs, il y associe ses débuts à la condamnation de l’Action française par le Vatican, soit en 1926.

  • 8 Cf. Jean Lacouture, « Les Jésuites et la République », dans Jésuites. Une multibiographie, 2, Les (...)

4A l’instar d’autres grands ordres chrétiens, la Société de Jésus est une institution monarchique8 dont les intérêts ne peuvent que se heurter à l’anticléricalisme résolu des hommes de la IIIe République qui ne supportaient pas les liens privilégiés qu’elle entretenait avec le Comte de Chambord et la papauté. L’un des décrets du 29 mars 1880 qui signifiait la dissolution de la Compagnie de Jésus fut rondement appliqué, contribuant à déclasser la Société de Jésus en tant que groupe de pression. La politique de Jules Ferry fut poursuivie sous le ministère de Waldeck-Rousseau qui mena la seconde guerre des congrégations. Entre les deux épisodes, l’affaire Dreyfus a contribué à radicaliser les positions des catholiques qui associèrent parfois leur combat contre la République à l’antisémitisme. L’affaire Dreyfus a entraîné le « combisme », cet anticléricalisme d’État qui devait achever de couper le cordon ombilical avec le couple monarchisme et cléricalisme. Autant dire que le choix par la famille Ariès d’un établissement comme celui des Jésuites au milieu des années vingt est un choix éminemment politique avant d’être celui d’une conception de l’éducation.

  • 9 Cf. Jean-Pierre Faguer, « « Les effets d’une éducation totale » : un collège de Jésuites, 1960 » d (...)

5Saint-Louis de Gonzague qui ouvrit ses portes à la fin du XIXe siècle absorba très vite la clientèle parisienne des Jésuites. Le choix de cet établissement est tout à la fois celui d’un milieu social spécifique qui évite toute forme de mixité sociale et celui d’un modèle d’éducation : « […] ces établissements peuvent apparaître comme des substituts du pouvoir familial chargés de transmettre un modèle d’éducation d’autant plus homogène que les parents partagent avec les enseignants, du fait notamment de leur attachement aux valeurs du catholicisme, une même conception du rôle de la famille et de l’école […] »9.

6Le jeune Philippe Ariès semble avoir été un élève remuant, plein de vitalité, qui avait du mal à se soumettre à la discipline. Chez les Dominicains, il s’était même révélé un élève fabulateur, se vantant, par exemple, qu’un de ses camarades de classe était le petit-fils du général de Castelnau, dont il entendait souvent parler chez lui. Il n’en était rien. L’anecdote relatée par l’auteur d’Un Historien du dimanche est révélatrice de l’état d’esprit de la famille Ariès au moment du Cartel des Gauches qui, dès 1924, réactive la guerre religieuse en annonçant l’extension de la législation laïque à l’Alsace/Lorraine ainsi que l’application, suspendue en 1914, des lois frappant les congrégations. Ces projets suscitèrent une véritable mobilisation de l’opinion catholique dont la résistance fut incarnée par un ancien député du Bloc national, le général de Castelnau qui créa à l’occasion la Fédération nationale catholique.

  • 10 Lettre de Pierre de Beco à Philippe Ariès le 19 août 1980 (APA).
  • 11 Philippe Ariès, Un Historien du dimanche, op. cit., p. 40.

7Ce côté fabulateur n’a pas échappé à Pierre de Beco, l’ancien condisciple de Philippe Ariès rue Franklin, qui n’en garde pas moins un souvenir enchanté de cet ami qui détonnait dans l’institution : « Tu fus le plus charmant des amis, généreux, confiant, éblouissant conteur et tu aurais bien tort d’imaginer que ta personnalité déjà si riche n’avait pas conquis bien des camarades à Franklin […] »10 Philippe Ariès était déjà cet infatigable discoureur que décrivent tous ses amis. Resté très marqué par la culture jésuite, Pierre de Beco réagit dans sa lettre à son ancien camarade, à l’image donnée par ce dernier du collège dans Un Historien du dimanche : « À vrai dire, écrit Philippe Ariès, le temps du collège et du lycée ne m’a pas laissé de grands souvenirs. Comme la plupart des enfants de mon âge, je n’y fus ni heureux, ni malheureux, ma vie se situant ailleurs. »11 Pierre de Beco, dans sa remarque à Philippe Ariès, affirme sa fidélité à une amitié de jeunesse qui l’a marqué tout en défendant l’ordre Jésuite et ce qu’il pouvait alors incarner au milieu des années vingt. Mieux, l’ancien condisciple de Philippe Ariès est convaincu que ce dernier a été, comme lui, façonné par cet enseignement : « […] même si cette période s’estompe en un brouillard lointain tu n’en guériras jamais […] ».

  • 12 Ibid., p. 33.

8S’il est difficile d’interpréter ces deux regards différents sur une expérience commune, celui de Philippe Ariès est dans une large mesure tributaire de son travail d’historien sur l’enfant et la vie familiale et de sa critique sous-jacente de l’État et de l’institution scolaire, assimilée chez lui à un enfermement. Cette vision n’était certainement pas celle du jeune Ariès des années vingt. Son passage chez les Jésuites lui a-t-il laissé une empreinte indélébile comme le suggère son ami ? Philippe Ariès reprochait surtout à l’institution de la rue Franklin de lui avoir enseigné le latin comme une langue morte et d’avoir sacrifié l’histoire qui constituait avec la philosophie, un maillon faible de l’enseignement. Il semble bien que le choix des Jésuites par les Ariès, au-delà de leurs fortes convictions religieuses, ait été davantage un choix de principe qu’une adhésion inconditionnelle à l’esprit de l’ordre religieux, dont certains aspects de l’éducation dispensés semblaient heurter le père de Philippe Ariès. Celui-ci se faisait très mal à l’idée que son fils fut dirigé par un religieux appelé « père spirituel » : « Mon père détestait cette expression et n’aimait pas l’homme : il ne l’invita jamais à la maison. « Un père spirituel » ! Qu’est-ce que je suis alors ? Le Chien ? »12. Après l’enseignement de la rue Franklin, qui n’était pas toujours d’un très bon niveau compte-tenu des difficultés financières auxquelles devait faire face ce type de collèges qui ne touchaient aucune subvention de l’État, Philippe Ariès fut inscrit à la fin de sa seconde au lycée Janson de Sailly dont le niveau, reconnaît-il, était nettement plus élevé que celui des Jésuites.

  • 13 Ibid., p. 41.
  • 14 Jean Lacouture, Jésuites. Une multibiographie, 2, Les Revenants, op. cit., p. 346-347.

9Plus que l’enseignement de la rue Franklin, Philippe Ariès a été marqué par la signification politique de l’institution et le rapport de force qui en découle dans le paysage religieux de l’époque dont il semble avoir eu une conscience aiguë : « Nous étions très nombreux, surtout au collège de jésuites, à partager les mêmes opinions. En face de nous, il y avait nos pires adversaires, les démocrates chrétiens, une famille spirituelle très importante dans les collèges religieux de l’époque. »13 Le collège Saint-Louis de Gonzague comme l’ensemble de la Compagnie de Jésus était très proche de l’Action française et comptait de très nombreux abonnés au quotidien dirigé par Charles Maurras14. Le souci principal, rue Franklin, du jeune collégien âgé d’une douzaine d’années fut la condamnation de l’Action française par le Vatican dont il raconte qu’elle anima les discussions dans les cours de récréation. Discussions d’autant plus animées que certains pères, comme le rappelle Philippe Ariès, furent « sévèrement frappés ». Cet événement est un moment fondateur dans sa culture politique naissante contribuant à le détacher du légendaire familial. Il s’agit aussi, après l’épisode du Sillon, de la deuxième irruption de la politique dans son itinéraire.

2) Le choc de la condamnation pontificale

2-1) Contre le « Sillon » : une famille déchirée

  • 15 Philippe Ariès, Un Historien du dimanche, op. cit., p. 21.
  • 16 Ibid., p. 22.
  • 17 Philippe Ariès l’appelle Tante Margot dans son récit et ne lui pardonne pas d’avoir brûlé les papi (...)
  • 18 Philippe Ariès, Un Historien du dimanche, op. cit., p. 43.

10Cette haine des démocrates chrétiens était bien ancrée dans une partie de la famille de Philippe Ariès. Elle avait même son théoricien, en la personne de l’oncle Nel Ariès, une figure haute en couleur du royalisme du Sud-Ouest. La naissance de l’Action française et du Sillon politisèrent les rapports familiaux et déchirèrent une famille unie : « Ma famille s’est à l’occasion, coupée en deux : l’une est passée à l’Action française — dont mon oncle Nel Ariès fut l’animateur dans le Sud-Ouest […] ; l’autre rallia le Sillon […] »15. Le divorce fut d’autant plus passionnel que dans la partie de la famille qui adhéra au Sillon, une petite fille de l’arrière-grand-mère maternelle de Philippe Ariès est devenue l’une des égéries de Marc Sangnier qui avait aussi des attaches bordelaises : « Elle voua sa vie et sa fortune au Sillon. Malgré l’intensité de nos relations de famille, je ne l’ai jamais connue, ni même rencontrée, puisque mon père était de l’autre côté de la frontière […] »16. Ailleurs, dans un Historien du dimanche, Philippe Ariès raconte une autre anecdote liée à l’épisode du Sillon qui en dit long sur la violence des sentiments politiques au sein de cette famille royaliste. Son oncle Jean Ariès — frère de Nel — tué à Verdun le 15 juin 1916 avait été converti, avant le conflit, aux idées démocrates chrétiennes et sillonnistes dans un collège jésuite de Belgique. Impressionné par cette mort et par le mystère que laissait planer la famille sur ce qu’avait pu être ce jeune homme avant la guerre, Philippe Ariès lui avait dédié son Histoire des populations françaises (1948). Ce n’est que beaucoup plus tard, au milieu des années soixante, en plein conflit intégriste contre Vatican II, que Marguerite17, la sœur de Jean, livra à Philippe Ariès le secret de l’oncle prématurément disparu : « Ce qui est remarquable dans cette histoire, écrit Philippe Ariès, n’est pas le conflit en soi, mais le fait que la famille ait réussi à le cacher pendant presque cinquante ans, même aux plus proches. »18 Cette flambée de violence au sein d’une famille unie tient donc à ce crime de trahison qu’était, aux yeux des partisans de l’Action française, la conversion au sillonnisme.

11Mouvement social chrétien, le Sillon s’est développé à l’extrême fin du XIXe siècle sous la direction de Marc Sangnier (1873-1950) dont l’itinéraire est lié à l’histoire du mouvement catholique social et de la démocratie chrétienne en France. Il inscrit son action dans le courant initié par Léon XIII avec sa politique de Ralliement qui visait à accepter la République. D’abord encouragé par Rome, le Sillon fut condamné en 1910 par Pie X, hostile aux idées démocratiques. Une condamnation à laquelle ne fut pas étrangère l’Action française.

  • 19 Nel Ariès, Le Sillon et le mouvement démocratique, Nouvelle Librairie Nationale, 1909.
  • 20 Pierre Boutang, Maurras. La destinée et l’œuvre, La Différence, 1993, p. 319.

12Nel Ariès qui était l’animateur de l’Action française dans le Sud-Ouest où il dirigea un journal d’obédience royaliste, La Nouvelle Guyenne, fut l’un des représentants les plus acharnés de l’opposition au mouvement de Marc Sangnier avec son terrible pamphlet intitulé Le Sillon et le mouvement démocratique19. Dans sa monumentale biographie de Charles Maurras, Pierre Boutang évoque ce qu’il appelle « la guerre civile » du début du siècle quand, autour de ses seize ans, son père se battit « pour nos églises de Balbigny ou de Saint-Étienne », épisode qui contribua à en faire un camelot du roi : « Le plus cher de mes amis, Philippe Ariès, est le neveu de Nel Ariès qui écrivit le livre de 1909 sur le Sillon. »20

  • 21 Philippe Ariès, Un Historien du dimanche, op. cit., p. 26.

13Nel Ariès était donc le fils d’un frère du grand-père paternel de Philippe Ariès. Il appartenait à ce conservatoire des traditions qu’était le Sud-Ouest, « où une partie importante du recrutement de l’Action française se fit dans les milieux royalistes, traditionnels et même populaires »21. L’oncle Nel était associé dans la vie de Philippe Ariès aux périodes des vacances estivales où il avait l’habitude de retrouver ses racines bordelaises et tout le folklore royaliste qui le fascinait tant. Il est directement issu comme les parents de Philippe Ariès de cette culture royaliste d’avant l’Action française qui pouvait a priori paraître incompatible avec le rationalisme de Maurras. A la suite de l’abbé Barruel, son pamphlet est une condamnation de la collusion entre les catholiques et la démocratie, s’organisant autour de l’idée d’un complot franc-maçon qui viserait à infiltrer le clergé et l’autorité ecclésiastique, afin de diffuser l’idée démocratique. Il s’inscrit dans une tradition politico-littéraire qui d’Édouard Drumont, aux campagnes antisémites de l’Action française durant l’Affaire Dreyfus est bien rodée.

  • 22 Ibid., p. 42.

14S’il est difficile d’évaluer l’influence de cet oncle volubile sur Philippe Ariès, il permet de mieux comprendre les choix intransigeants qui furent alors ceux de sa famille et qui contribuèrent à forger sa conscience politique dans un milieu où les enfants et les adolescents baignaient dans une atmosphère d’extrême politisation : « Les discussions pouvaient atteindre un incroyable degré de fanatisme […] »22. L’oncle Nel Ariès en est un exemple édifiant. Sa vision de l’histoire, comme celle de la famille de Philippe Ariès, s’organise autour du refus de la révolution française.

  • 23 Philippe Ariès, « Réflexions sur la contre-révolution. II. La secte jacobine », l’Étudiant françai (...)
  • 24 Fred E. Schrader, Augustin Cochin et la République française, Seuil, coll. « L’Univers Historique  (...)
  • 25 Philippe Ariès, Un Historien du dimanche, op. cit., p. 55.
  • 26 François Furet, « Augustin Cochin, la théorie du jacobinisme », Penser la Révolution française, Pa (...)
  • 27 Philippe Ariès, Un Historien du dimanche, op. cit., p. 55 note.

15Sur celle-ci, Philippe Ariès épousa totalement les vues de son milieu politique y compris les plus conformistes. Dans le journal des étudiants de l’Action française l’Étudiant français23, il reprend les thèses de l’historien chartiste catholique Augustin Cochin (1876-1916) qui « […] soutient que la Révolution est le fait d’un complot, dans le passage au règne de la Terreur, dans l’isolement des Jacobins […], dans les divergences entre le peuple souverain et le peuple réel »24. Philippe Ariès ne cache pas l’usage politique qu’il fit de Cochin lors d’un exposé universitaire dans le cours de l’historien de la révolution Georges Lefebvre (1874-1959) : « Augustin Cochin avait voulu montrer comment l’Ancien Régime, à la fin du XVIIIe siècle, avait été travaillé par des sociétés plus ou moins secrètes d’intellectuels déterminés à renverser l’Église et la monarchie : une cinquième colonne. »25 Il confesse ensuite n’être jamais revenu sur une œuvre qui, finalement, comme il l’admet lui-même, après avoir lu l’ouvrage de François Furet Penser la Révolution française26, aurait dû s’imposer à lui : « […] François Furet exhume l’œuvre d’Augustin Cochin et reconnaît […] une analyse pionnière des groupes de pression intellectuelle, là où j’avais plutôt tendance à voir une version intelligente de la théorie du complot »27.

2-2) « La bulle Unigenitus de mon enfance »

16La condamnation de l’Action française par le pape Pie XI (1922-1939) en 1926 a suscité une polémique considérable notamment dans le camp maurrassien. Elle nous permet de comprendre le choc que constitua dans la famille de Philippe Ariès cette rupture avec la papauté qui jusqu’alors avait trouvé un allié fidèle dans l’Action française.

  • 28 Sur cette question voir l’ouvrage essentiel de Jacques Prévotat, Les catholiques et l’Action franç (...)
  • 29 Eugen Weber, L’Action française, op. cit., p. 278 : le tirage du quotidien chuta de moitié en quel (...)

17La crise religieuse de 1926 reprend et achève une offensive qui s’était déjà développée contre l’Action française en 1913-1914, en visant l’agnosticisme de Maurras. La condamnation se situe dans le prolongement de la politique d’apaisement religieux menée par Benoît XV (1914-1922), avec le rétablissement des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et le Bloc national en France, en 1921. La crise de 1926, qui fut close officiellement treize ans plus tard, entraîna un recul important du recrutement dans les milieux catholiques28. À partir de 1927, les effectifs de l’Action française baissent et le journal perd de nombreux lecteurs29.

  • 30 Philippe Ariès, Un Historien du dimanche, op. cit., p. 24.
  • 31 Ibid.
  • 32 Cf. la brochure de Nel Ariès, Épisodes et documents — Autour de l’Action française, Imp. Centrale, (...)
  • 33 Philippe Ariès, Un Historien du dimanche, op. cit., p. 35.
  • 34 Philippe Ariès, « Un enfant découvre l’histoire », Le Temps de l’Histoire, op. cit., p. 37.
  • 35 La bulle de Clément XI en 1713 s’inscrit dans l’histoire du jansénisme et condamnait cent une prop (...)

18La famille de Philippe Ariès qui à la suite de l’épisode du Sillon, était déjà coupée en deux, fut d’autant plus sensible à cette crise que le cardinal qui avait accepté de transmettre la parole de Pie XI contre l’Action française était d’origine bordelaise : « Il faut se rappeler, insiste Philippe Ariès, que c’est l’archevêque de Bordeaux, le cardinal Andrieu, qui se trouvait être à l’origine de la condamnation, ce qui lui valut d’être traité par ma tante, tout simplement de « gredin » »30. Après le Sillon, la position du pape continue de brouiller la famille de Philippe Ariès. Ainsi son grand-père maternel décide-t-il alors de rompre définitivement avec le mouvement de Maurras : « Cette rupture, commente Philippe Ariès, n’allait pas sans conflit non seulement avec mes parents et ma mère, mais encore avec sa propre sœur qui, elle aussi, ne jurait que par l’AF. »31 Dans le bastion du Sud-Ouest, l’oncle Nel Ariès, comme le rappelle Philippe Ariès, incarna la résistance à la condamnation pontificale32. La famille de l’historien poussa très loin cet esprit de résistance en acceptant, ce qui fut le choix d’une minorité, de se mettre au ban de l’Église. La mère de Philippe Ariès qui a su transmettre à son fils le sentiment royaliste, et qui représente pour lui un modèle de fidélité à la monarchie, fut intraitable sur le chapitre religieux : « Quand elle tomba très malade, le prêtre de la paroisse, appelé à son chevet, lui refusa l’absolution tant qu’elle n’aurait pas renoncé à la doctrine. Elle ne céda pas. Il fallut trouver en hâte un prêtre ami. Finalement elle survécut. »33 En effet, le 8 mars 1927 Pie XI s’était décidé à appliquer les sanctions les plus rigoureuses à un mouvement qui avait choisi le parti de la résistance, en décidant de priver des sacrements, les maurrassiens obstinés. Alors élève chez les Jésuites de la rue Franklin, Philippe Ariès confesse avoir été obsédé par l’affaire de la condamnation qui fut pendant longtemps l’objet de toutes les discussions dans la cour de récréation : « […] celles-ci commencèrent très tôt, dramatisées par le grand conflit de conscience : la condamnation de l’Action française par le Vatican, la bulle Unigenitus de mon enfance. »34 L’image utilisée en 1946 par le jeune historien pour rendre compte de son état d’esprit est très forte et pose le problème de cette condamnation en terme d’exclusion de la communauté nationale, en comparant la situation faite aux maurrassiens, à celle du clergé après la bulle de Clément XI35 qui le divisa en « acceptants » et en « appelants » qui la refusaient.

  • 36 Philippe Ariès, « L’Église de France de Léon XIII à Pie XII », La Table Ronde, décembre 1951, p. 1 (...)
  • 37 Ibid., p. 150.

19Philippe Ariès a été profondément troublé par cet épisode qui contribua à politiser son enfance, comme le confirme le regard qu’il porta ensuite sur l’événement, dans les différentes chroniques qu’il consacra à plusieurs histoires religieuses dans l’après-guerre. Ce regard rétrospectif, animé par une profonde soif d’unité et une volonté de revaloriser une tradition qualifiée à tort selon lui d’intégriste, en dit long sur la blessure que fut la décision de Pie XI. Il procède alors à une défense en règle de l’intégrisme ou du catholicisme traditionnel dont l’originalité ne doit pas être caricaturée au motif qu’ils ne s’inscrivent pas dans le sens moderne de l’histoire. L’intégrisme, explique-t-il, est d’abord une attitude particulière du catholicisme qui joua un rôle capital dans la formation de la conscience religieuse d’aujourd’hui : « En effet, la spiritualité courante de nos jours est dominée par Lourdes et Lisieux. Le miracle a provoqué des courants de pèlerinage oubliés depuis des siècles. Le surnaturel contemporain a repris dans la piété commune une place que la Contre-Réforme lui avait ôtée. »36 Cette analyse conduit le jeune historien à se demander pourquoi émerge à partir du XIXe siècle « une spiritualité nouvelle, étrangère à la spiritualité plus positive ou plus indifférente au surnaturel contemporain, du XVIIe et du XVIIIe siècles ». Soulignant le rôle fondamental des femmes, restées très pieuses et souvent royalistes, très actives au XIXe siècle dans les familles, Philippe Ariès estime que ce sont les prêtres et les clercs en général qui ont contribué par leur intolérance à favoriser cette spiritualité nouvelle. Le sectarisme de l’Eglise s’illustra au moment de la condamnation de 1926, par « la persécution impitoyable des récalcitrants chassés de leurs cures ou de leurs diocèses, dans le cas seulement des condamnés d’Action française, le refus des derniers sacrements, l’enterrement civil, le mariage à la sacristie, comme pour les hérétiques »37. C’est bel et bien la blessure de la condamnation pontificale de son enfance qui ressort ici dans cette critique de la hiérarchie ecclésiastique.

  • 38 Cf. Philippe Ariès, « Le clergé français sous la Révolution et l’Empire », J’ai Lu, no 2, février (...)

20Aussi, Philippe Ariès qui baigna dans un milieu familial intransigeant et qui soutint corps et âme l’Action française, en arrive-t-il à préconiser une sorte de non-alignement pour l’Église qui se manifesterait par le refus de lier son sort aussi bien à la démocratie qu’aux intégristes purs38. C’est à partir de cette période qu’il refuse une histoire politique et événementielle et qu’il cherche à retrouver cet âge d’or, à l’abri des passions, qu’aurait été son enfance. Sa démarche d’historien s’inscrit dans cette évolution.

  • 39 Cf. Philippe Ariès, « Autour d’une « Histoire des catholiques français au XIXe siècle » », J’ai Lu (...)
  • 40 Alain Gérard Slama, « Portrait de l’homme de droite. Littérature et politique », dans J.-F. Sirine (...)

21Son insistance à réclamer une histoire de l’Église qui ne soit pas haineuse à l’égard des deux frères ennemis, le catholique de droite et le catholique de gauche39, ne manque pas de surprendre de la part de quelqu’un qui partagea l’intransigeance d’un camp. Cette obsession de l’unité révèle aussi, selon l’historien Alain-Gérard Slama, un trait essentiel de ce qu’il appelle le « tempérament de l’homme de droite », à savoir sa répugnance au conflit qui rendrait compte d’un sentiment de culpabilité par rapport à la gauche : « Dès l’origine, la droite a été impressionnée par l’image négative que la gauche — […] — lui a donnée d’elle-même. D’où la propension de l’homme de droite à se dénigrer et à se considérer comme plus à gauche que les autres hommes de droite […] »40. S’il n’y a aucune trace de dénigrement chez Philippe Ariès, il a bien été impressionné par l’image que les catholiques de gauche souhaitaient donner de leurs adversaires. Profondément religieux, Philippe Ariès, à partir de l’après-guerre, s’efforça d’éviter le manichéisme qu’il dénonçait dans l’approche de l’histoire de la religion, tout en restant ancré dans une tradition intégriste, y compris après Vatican II. De ce point de vue, 1926 a constitué dans son itinéraire un choc psychologique important, aux conséquences parfois contradictoires.

3) « Politique d’abord »

  • 41 Philippe Ariès, « Un enfant découvre l’histoire » (1946), Le Temps de l’Histoire, op. cit., p. 39.
  • 42 Ibid., p. 33.

22À la différence de ses parents qui avaient évolué dans des milieux clos, très repliés sur eux-mêmes, Philippe Ariès fut scolarisé dans les années vingt qui voient le triomphe de la politique de Ralliement à la République, avec la décision de Pie XI en 1926. Comme il le fait remarquer, avant même celle-ci, les catholiques intransigeants tendaient à devenir une minorité y compris dans les écoles religieuses. Comparant l’état d’esprit qui pouvait régner dans les couvents de l’Assomption, où sa mère avait été élevée, avec celui de la rue Franklin, Philippe Ariès constate que plus personne ne tournait autant le dos au monde : « Il y avait trop de « républicains », trop de problèmes. »41 Le jeune Philippe Ariès ne peut donc plus rester insensible à ce qui se passe en dehors de sa famille. Il est alors accaparé par les républicains et ceux d’en face, les démocrates chrétiens. En quête de certitudes pour en découdre avec ses adversaires politiques, le jeune adolescent, sevré d’enseignement historique chez les Jésuites, étanche sa soif de curiosité en lisant l’Action française dont ses parents étaient de fervents lecteurs depuis les origines42.

23Compte-tenu des lectures de son milieu familial, tournées vers la nostalgie de la vieille France et des restrictions du collège des Jésuites, il est très probable que le quotidien de l’Action française fut une sorte d’école buissonnière pour le jeune collégien passionné de politique.

  • 43 Ibid., p. 38.
  • 44 Jean Lacouture, Les Jésuites. Une multibiographie. 2. Les revenants, Seuil, 1992, p. 321.
  • 45 Philippe Ariès, « Un enfant découvre l’histoire » (1946), Le Temps de l’Histoire, op. cit., p. 40.
  • 46 Philippe Ariès, « L’Histoire marxiste et l’Histoire conservatrice » (1947), Le Temps de l’Histoire (...)
  • 47 Olivier Dumoulin, « Histoire et historiens de droite » dans Jean-François Sirinelli (sous la dir.) (...)
  • 48 Philippe Ariès, Un Historien du dimanche, op. cit., p. 42-43.
  • 49 Ibid., p. 43.

24Ne parvenant plus à vivre dans le passé avec la même ingénuité que ses parents, Philippe Ariès se plonge dans les manuels, expérience qu’il présente comme une forme d’ascèse : « […] je me demande aujourd’hui si cette recherche naïve de l’épreuve ne participait pas de l’expérience religieuse, telle qu’elle était informée par les méthodes encore classiques d’éducation spirituelle. »43 Cette analyse qui tend à transposer dans le domaine religieux une démarche classique s’inscrit dans le projet du Temps de l’Histoire qui vise à s’interroger sur les attitudes de l’homme devant l’histoire. Peut-être, peut-on voir dans cette façon d’appréhender sa curiosité historique, un héritage des méthodes éducatives jésuites telles que les a analysées le sociologue Émile Durkheim (1858-1917) qui voit dans l’« humanisme jésuite » : « […] une stratégie de canalisation du savoir au profit d’une orthodoxie enrubannée de rhétorique »44. Il n’est pas impossible que l’orthodoxie du collège jésuite ait déteint sur celle du jeune apprenti historien qui, en troisième et seconde, était « vraiment possédé par le désir de connaître toute l’Histoire, sans lacunes »45. Ce besoin d’une histoire rationalisée se traduisit par la réalisation de tableaux synoptiques où Philippe Ariès s’efforçait de condenser tous les événements de ses manuels et de généalogies dont une sur les Capétiens depuis Hugues Capet jusqu’à Alphonse XIII, les Bourbon-Parme et le comte de Paris. Cette fièvre généalogique et cette manière de rationaliser l’histoire participent de ce besoin d’utiliser l’Histoire à des fins philosophiques et apologétiques qui était la façon de l’Action française. Contemplant en 1946, sur une étagère de sa bibliothèque des volumes de Jacques Bainville « défraîchis par un long usage », Philippe Ariès écrit : « J’ouvre une édition de 1924, de l’Histoire de France, bréviaire de ma première adolescence. Elle est couverte d’annotations et de traits… »46 Le collégien se livre à un va-et-vient entre ses manuels et les ouvrages de Jacques Bainville dont il signale aussi l’Histoire de deux peuples (1915), autre classique de cette histoire d’inspiration monarchiste. Le chroniqueur de l’Action française offre en quelque sorte des recettes pour comprendre le présent à l’aune des leçons du passé, en repérant les enjeux permanents des luttes nationales : « Le moteur de l’histoire résiderait dans la lutte toujours recommencée de « l’esprit conservateur » et de « l’esprit révolutionnaire », de « l’ordre » et de « l’anarchie » »47. Cette soif d’histoire qui est indissociable du culte de la monarchie déboucha au Lycée Janson de Sailly sur un engagement politique précoce : « J’avais une activité de militant chez les « Lycéens et collégiens d’Action française », une organisation très vivante, avec une carte d’adhérent, des représentations dans chaque classe, des réunions périodiques. »48 Philippe Ariès va jusqu’à écrire que cette activité politique qu’il qualifie « d’intense »49 a certainement joué un rôle beaucoup plus important dans sa formation que l’enseignement reçu au lycée. Très bref sur ses souvenirs d’écolier, il met un point d’honneur à dire que ces moments de sa vie ne lui ont pas laissé un souvenir impérissable et à mettre en avant son indiscipline. Ainsi se plaît-il à évoquer son école buissonnière au lycée, le jeune Philippe Ariès se réfugiant dans les salles de cinéma pendant les cours, ce qui lui valut, on l’a dit, de préparer son bachot chez un archiprêtre aux Andelys. Il enveloppe d’ailleurs dans une même opprobre les ordres religieux et le lycée laïque.

  • 50 Ibid., p. 48.

25Cette façon de relater son rapport à l’école doit beaucoup sans doute à ses thèses exposées dans L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime (1960), où il tend à présenter l’école comme un lieu d’enfermement et de contrôle de l’enfant. Si l’on admet que le collège jésuite ne fut jamais qu’un prolongement de la vie de famille, les analyses de Philippe Ariès sur l’enfance qui coïncident avec son rejet de l’État et de toute contrainte extérieure sont peut-être, a posteriori, l’indice d’une forme de réaction contre sa vie d’enfant et sa vie familiale, dont son esprit d’indiscipline était sans doute l’une des manifestations. L’intransigeance de cette éducation traditionaliste devait parfois heurter le jeune Philippe Ariès qui, à deux reprises, on l’a dit, se voit éloigner du domicile familial par son père pour ne pas s’être plié à l’autorité parentale. L’interprétation que donne l’historien du dimanche sur ce qui fut alors vécu comme un drame, traduit cette soif d’ouverture qui devait tirailler l’adolescent puis l’étudiant : « J’ai toujours aimé mon milieu, mais j’ai aimé en sortir. »50 Ce poids du milieu familial, avec ses liens affectifs très forts et indiscutables, est sans doute une clé permettant de comprendre la nature des relations de Philippe Ariès, certes avec sa famille mais aussi et surtout avec son milieu politique. La construction de son œuvre d’historien exprime ce tiraillement. L’Enfant et la Vie familiale sous l’Ancien Régime, qui fut peut-être le seul livre à n’être pas véritablement compris par ses amis politiques, traduit d’une certaine façon cette volonté d’échapper à l’enfermement de son milieu, qui s’était déjà manifestée dans les chapitres autobiographiques du Temps de l’Histoire quand Philippe Ariès idéalisait cette oasis, à l’abri des événements extérieurs qu’aurait été sa prime enfance.

26Aussi le militantisme politique dans le cadre de l’Étudiant français à partir du milieu des années trente constitua-t-il pour Philippe Ariès une forme d’exutoire d’autant plus commode qu’il avait l’impression de ne pas quitter son milieu familial du point de vue des idées, ce qui lui tenait beaucoup à cœur. Désormais il partage son temps entre sa famille et une « bande » d’amis qui échappe dans une certaine mesure au contrôle familial. L’Église de l’Ordre qu’était l’Action française fut pour ce jeune bourgeois traditionaliste, une forme de récréation et le temps de l’amitié. Après son enfance idéalisée, cette période de forte camaraderie est son deuxième âge d’or dans son itinéraire.

Notes

1 Philippe Ariès, Un Historien du dimanche, Seuil, 1980, p. 21

2 Cf. Eugen Weber, L’Action française, Pluriel, 1990, pp. 62-86.

3 René Rémond, Les Droites en France, Aubier, 1982, p. 171-172.

4 Philippe Ariès, « L’histoire marxiste et l’histoire conservatrice » (1947), Le Temps de l’Histoire, Seuil, 1987 (Rocher, 1954), p. 44.

5 Philippe Ariès, « Un enfant découvre l’histoire » (1946), Le Temps de l’histoire, op. cit., p. 39.

6 Philippe Ariès, Un Historien du dimanche, op. cit., p. 37.

7 Ibid., p. 39.

8 Cf. Jean Lacouture, « Les Jésuites et la République », dans Jésuites. Une multibiographie, 2, Les Revenants, Seuil, 1992, pp. 203-240.

9 Cf. Jean-Pierre Faguer, « « Les effets d’une éducation totale » : un collège de Jésuites, 1960 » dans Actes de la Recherche en sciences sociales, 86-87, mars 1991, p. 26.

10 Lettre de Pierre de Beco à Philippe Ariès le 19 août 1980 (APA).

11 Philippe Ariès, Un Historien du dimanche, op. cit., p. 40.

12 Ibid., p. 33.

13 Ibid., p. 41.

14 Jean Lacouture, Jésuites. Une multibiographie, 2, Les Revenants, op. cit., p. 346-347.

15 Philippe Ariès, Un Historien du dimanche, op. cit., p. 21.

16 Ibid., p. 22.

17 Philippe Ariès l’appelle Tante Margot dans son récit et ne lui pardonne pas d’avoir brûlé les papiers de sa famille qui, selon lui constituaient « une richesse prodigieuse pour l’histoire de la vie royaliste du XIXe siècle » (Un Historien du dimanche, op. cit., p. 44).

18 Philippe Ariès, Un Historien du dimanche, op. cit., p. 43.

19 Nel Ariès, Le Sillon et le mouvement démocratique, Nouvelle Librairie Nationale, 1909.

20 Pierre Boutang, Maurras. La destinée et l’œuvre, La Différence, 1993, p. 319.

21 Philippe Ariès, Un Historien du dimanche, op. cit., p. 26.

22 Ibid., p. 42.

23 Philippe Ariès, « Réflexions sur la contre-révolution. II. La secte jacobine », l’Étudiant français, 10 février 1938 ; « La Terreur », mars 1939.

24 Fred E. Schrader, Augustin Cochin et la République française, Seuil, coll. « L’Univers Historique », 1992, p. 45

25 Philippe Ariès, Un Historien du dimanche, op. cit., p. 55.

26 François Furet, « Augustin Cochin, la théorie du jacobinisme », Penser la Révolution française, Paris, Gallimard, 1978.

27 Philippe Ariès, Un Historien du dimanche, op. cit., p. 55 note.

28 Sur cette question voir l’ouvrage essentiel de Jacques Prévotat, Les catholiques et l’Action française : histoire d’une condamnation 1899-1939, Fayard, 2001.

29 Eugen Weber, L’Action française, op. cit., p. 278 : le tirage du quotidien chuta de moitié en quelques années passant de 60 000 exemplaires en 1925 à 30 000 environ deux ans plus tard.

30 Philippe Ariès, Un Historien du dimanche, op. cit., p. 24.

31 Ibid.

32 Cf. la brochure de Nel Ariès, Épisodes et documents — Autour de l’Action française, Imp. Centrale, Bordeaux, 1937.

33 Philippe Ariès, Un Historien du dimanche, op. cit., p. 35.

34 Philippe Ariès, « Un enfant découvre l’histoire », Le Temps de l’Histoire, op. cit., p. 37.

35 La bulle de Clément XI en 1713 s’inscrit dans l’histoire du jansénisme et condamnait cent une propositions tirées des Réflexions morales du janséniste Pasquier Quesnel. Cette bulle devint une loi française en 1730.

36 Philippe Ariès, « L’Église de France de Léon XIII à Pie XII », La Table Ronde, décembre 1951, p. 148.

37 Ibid., p. 150.

38 Cf. Philippe Ariès, « Le clergé français sous la Révolution et l’Empire », J’ai Lu, no 2, février 1948, pp. 25-31.

39 Cf. Philippe Ariès, « Autour d’une « Histoire des catholiques français au XIXe siècle » », J’ai Lu, no 3, Pâques 1948, pp. 4-7.

40 Alain Gérard Slama, « Portrait de l’homme de droite. Littérature et politique », dans J.-F. Sirinelli, Histoire des droites en France, t. 3, Gallimard, 1992., pp. 806-807.

41 Philippe Ariès, « Un enfant découvre l’histoire » (1946), Le Temps de l’Histoire, op. cit., p. 39.

42 Ibid., p. 33.

43 Ibid., p. 38.

44 Jean Lacouture, Les Jésuites. Une multibiographie. 2. Les revenants, Seuil, 1992, p. 321.

45 Philippe Ariès, « Un enfant découvre l’histoire » (1946), Le Temps de l’Histoire, op. cit., p. 40.

46 Philippe Ariès, « L’Histoire marxiste et l’Histoire conservatrice » (1947), Le Temps de l’Histoire, op. cit., p. 45.

47 Olivier Dumoulin, « Histoire et historiens de droite » dans Jean-François Sirinelli (sous la dir.), Histoire des droites en France. t. 2, Cultures, Gallimard, 1992, p. 359.

48 Philippe Ariès, Un Historien du dimanche, op. cit., p. 42-43.

49 Ibid., p. 43.

50 Ibid., p. 48.

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