1 Le communautarisme est précisément le fondement de l’icarisme, qui abolit la propriété et érige en loi du quotidien la doctrine égalitaire. La démocratie, qui s’incarne dans des assemblées populaires communales, est l’autre pilier de la société icarienne. Cabet donne une réalisation fictive à l’icarisme dans son Voyage en Icarie (1840). Ce courant connaît son heure de gloire en 1848, lorsque les recrues de son fondateur, les Icariens, choisissent de lever l’ancre pour le Nouveau Monde. On peut lire « l’invitation au voyage » de Baudelaire comme une variation sur ce thème d’actualité. L’icarisme est le frère aîné du communisme.
2 Le catalogue de la Bibliothèque nationale de France recense 26 pages de références liées au nom de Cabet. Citons parmi ces titres Lettres sur la crise actuelle, Paris, Rouannet, 1840 ; À bas les communistes, Paris, Imprimerie de François Malteste, 1842 ; Cabet, pacha d’icarie, par le citoyen Jacques Bonhome [Étienne Cabet], Paris, Imprimerie de Schneider, 1848.
3 Le destin de la colonie icarienne fut chaotique. De la Red River où les colons arrivent en 1848, cinq mois après leur embarquement au Havre, ils iront, découragés par le climat et les décès causés par le paludisme, s’installer à la Nouvelle-Orléans. Là, ils sont rejoints par Cabet lui-même, qui sort de prison et les entraîne à Nouvoo, d’où, bientôt expulsés, ils repartent pour l’Illinois. La colonie prospère jusqu’en 1855 puis une révolte éclate en 1856 (Voir l’analyse de cette aventure américaine dans Jacques Rancière, La Nuit des prolétaires. Archives du rêve ouvrier, Paris, Fayard, 1981).
4 L’humanité fait défaut à la société future, techniquement développée, que dépeignent à vingt ans de distance les deux auteurs.
5 Michel Foucault, L’Archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969.
6 Hetzel et Grandville, Vie et opinions philosophiques d’un pingouin, dans Scènes de la vie privée et publique des animaux, Paris, Hetzel et Paulin, 1842. Voir Françoise Sylvos, L’épopée du possible ou l’arc-en-ciel des utopies, Paris, Champion, 2008, p. 285-299.
7 Hetzel, Grandville et Sand, Voyage d’un moineau de Paris, dans ibid. Sur les problèmes d’attribution, voir Françoise Sylvos, « Utopie et supercherie littéraire », dans Amina Ben Damir (dir.), La Modernité de George Sand, Tunis, Ministère de l’Enseignement Supérieur, 2007, p. 135-161.
8 « Oui, Messieurs, ceci est la guerre entre les riches et les pauvres : les riches l’ont ainsi voulu, car ils sont les agresseurs. Seulement ils trouvent mauvais que les pauvres fassent résistance ; ils diraient volontiers, en parlant du peuple : “Cet animal est si féroce qu’il se défend quand on l’attaque.” Toute la philippique de M. l’avocat général peut se résumer dans cette phrase ». Le texte a été publié dans Auguste Blanqui, Textes choisis, avec préface et notes par V.P. Volguine, Éditions Sociales, Paris, 1971. Il est consultable à l’adresse : https://www.marxists.org/francais/blanqui/1832/defense.htm.
9 Ruth Amossy et Elisheva Rosen, Les Discours du cliché, Paris, Sedes, 1982.
10 Ici, les italiques font référence au célèbre ouvrage de Grandville, Un autre monde, Paris, H. Fournier, 1844.
11 Voyage d’un moineau de Paris, dans Vie privée et publique des animaux, illustrations de Granville, Paris, Hetzel, 1867, volume II, p. 131.
12 Ibid., p. 133.
13 Ibid., p. 138.
14 Ibid., p. 136.
15 Ibid.
16 Le régime censitaire subordonne le droit de vote à la richesse et accentue les clivages entre la frange réduite qui peut exercer sa citoyenneté et la classe qui n’en est pas reconnue capable.
17 Les utopistes créent des sectes entendues au sens de « communautés aux mœurs spécifiques » et mêlent fréquemment religion et politique ; c’est du reste le terme employé pour les contemporains.
18 De son vrai nom Charles-Amédée de Noé, le dessinateur satirique prit pour pseudonyme le nom du plus irrévérencieux des fils de Noé.
19 Comme le vaudeville du même nom, il parodie en son titre la célèbre formule de Cabet.
20 La notice du dialogue nous indique qu’il s’agit de l’auteur de Caboulot. Or cet ouvrage et son auteur sont inconnus des catalogues de bibliothèques.
21 La Propriété, c’est le vol, Paris, Gaume frères, 1848, p. 65.
22 Le césarisme est la doctrine des partisans de Napoléon Ier. Les adeptes de l’Empire lui ont donné une dimension utopique qui est soulignée dans l’image de Cham par les allusions à la colonie du champ d’asile, fondée au Texas par d’anciens soldats de l’Empire. Au début des Lettres de Malaisie, publiées à la fin du xixe siècle, Paul Adam présente le césarisme comme l’une des grandes doctrines sociales qui, aux côtés des philosophies de Fourier, de Saint-Simon ou de Cabet, marqua son siècle.
23 Scènes de la vie privée et publique des animaux appartient à la littérature panoramique, caractérisée par sa présentation en recueil collectif, par un lien étroit à une capitale, par la présence d’illustrations et le repérage de sociotypes, dans une vaste fresque en mosaïque des mœurs et des lieux contemporains (voir Walter Benjamin, Paris, capitale du xixe siècle. Le livre des passages, Paris, Éditions du Cerf, 1989, p. 547, cité dans Valérie Stiénon, « De la classification à la spectacularisation. La topographie urbaine dans la littérature panoramique », intervention au séminaire MICM-arc, 12 novembre 2012).
24 La Propriété c’est le vol, par M.M. Clairville et J. Cordier, s.n.s.d., 1849, p. 16.
25 Ibid., p. 2.
26 Ainsi désigne-t-il Le Médecin de campagne.
27 Le Livre nouveau des saint-simoniens, éd. Philippe Régnier, Tusson, Du Lérot, 1992, p. 158.
28 La Propriété, c’est le vol, op. cit., p. 2.
29 Ce lieu commun est présent dans La Propriété, c’est le vol, où l’on emploie le terme de « galimathias » (ibid., p. 17) lorsqu’une confusion entre vice et passion, illustrée par l’ivrognerie, est prêtée à tort aux fouriéristes. Autre exemple, le sous-titre de L’Île de tohu-bohu, par les frères Cogniard (1848), une satire de l’icarisme, est Galimatias en trois actes. L’auteur ajoute à la confusion en transformant le futur Napoléon iii (présenté sous son surnom populaire de Badinguet) en chef icarien. Cabet et Louis-Napoléon Bonaparte ne font plus qu’un.
30 Voir Louis-Sébastien Mercier, L’An 2440 (1770) et Olivier Souëtre, La Cité de l’égalité (1896).
31 Ce dialogue est donc à distinguer du vaudeville portant le même titre, publié l’année suivante.
32 La Propriété, c’est le vol, op. cit., p. 50.
33 Un premier dénouement, dystopique, met le public face au paysage ruiné de Paris tombé en décadence. Il est suivi d’un second dénouement, heureux, intitulé « Apothéose, la résurrection » (La Propriété, c’est le vol, op. cit., p. 22). Cette dernière phase de l’histoire de l’humanité est marquée par la restauration de la propriété.
34 Ibid., p. 45.
35 Ibid., p. 57.
36 Ibid., p. 9-13.
37 Dans le dialogue intitulé La Propriété, c’est le vol (1848) est proposée une expression proverbiale : « […] la mort plutôt que la communauté […] », forgée sur le modèle de la devise révolutionnaire « Liberté, égalité, fraternité ou la mort » (op. cit., p. 43).
38 Ibid., p. 12 et p. 24.
39 Ibid., p. 7.
40 Ibid., p. 2.
41 Ibid., p. 16.
42 On aura compris qu’une carotte est réellement échangée sur la scène contre du tabac et que, de même, un banc l’est contre des huîtres et une botte contre du foin.
43 L’ange, au Serpent. Il dit ces vers sur la musique en sourdine. La vie est éternelle, et, sous le ciel immense, / Quand un monde s’achève, un autre recommence ; / Malgré toi, la nature à perpétuité, / Fera renaître l’homme et la propriété. (La Propriété, c’est le vol, op. cit., p. 22).
44 Louis Chevalier, Classes laborieuses et classes dangereuses à Paris pendant la première moitié du xixe siècle, Paris, Plon, « Civilisations et mentalités », 1969.
