Un Projet durable et innovant pour l’Université Tor Vergata à Rome
p. 157-168
Texte intégral
Introduction
1Phénomène récent, un peu dans tous les pays, la demande très forte d’équipements universitaires et d’infrastructures de recherche concerne aussi l’Italie. En matière de logements universitaires (étudiants et enseignants), on peut même dire que, dans ce pays, la demande dépasse largement l’offre : plus de 700.000 lits face à une offre actuelle d’environ 6.000 !
2Ce phénomène, qui a assumé une certaine ampleur et qui exprime une nécessité structurelle insatisfaite en matière de constructions universitaires, bien qu’il présente de fortes potentialités économiques, n’a généré qu’une offre très basse, ne couvrant même pas 10 % de la demande.
3Dans la grande majorité des cas, le « business » des résidences universitaires trouve actuellement des réponses uniquement dans le marché de la location privée et, trop souvent, dans un marché de type spéculatif, incontrôlé, dépourvu de qualité et qui ne peut donc pas offrir de services de soutien ni de lieux adéquats pour les activités de recherche, les échanges ou les activités collectives.
4Le district universitaire de Rome compte plus de 14.000 étudiants provenant d’ailleurs, qui trouvent à se loger dans le parc mis à disposition par l’Opera Universitaria (le correspondant du CROUS français) et, en moindre partie, dans d’autres structures dédiées à cette affectation. Mais, dans la majorité des cas, étudiants, enseignants et chercheurs sont obligés de se rabattre sur le parc privé qui offre des logements le plus souvent dans des quartiers excentrés, loin des sièges universitaires et ils sont donc obligés d’emprunter quotidiennement des trajets extrêmement longs.
5Le projet de l’Université « Tor Vergata » ici illustré, réalisé récemment à Rome, est constitué d’un ensemble : logements, services, sièges universitaires et centres de recherche. Il arrive à couvrir plus de 10 % de la demande actuelle, dans la capitale italienne.
1. Un « projet pilote » qui propose une nouvelle vision du management et du partage des tâches
6Projet d’envergure, celui de l’Université « Tor Vergata » peut être considéré comme un « projet pilote » à l’intérieur d’un processus plus vaste, qui pourrait bientôt se développer en Italie. En plus que de proposer une typologie architecturale nouvelle et d’offrir une qualité exceptionnelle du bâti, ce projet peut être considéré comme une première car il introduit de nouvelles méthodes de gestion technique et financière.
7Nous vivons dans un contexte historique particulier où les financements publics destinés au développement de l’enseignement supérieur et de la recherche, ont été drastiquement réduits, en Italie comme dans beaucoup d’autres pays.
8Le gouvernement italien reconnaît, il est vrai, le rôle prioritaire de l’enseignement supérieur et de la recherche aussi bien pour le développement des secteurs productifs nationaux qu’en termes de retombées économiques et culturelles, sur le territoire. Malgré cela, les interventions de type public dans ce secteur sont pratiquement inexistantes. Il est probable que la crise économique et financière de ces dernières années ait déterminé la fin d’un modèle historique basé sur la réalisation et la gestion quasi exclusivement publique des structures pour la recherche et l’enseignement d’excellence, modèle dominant en Italie. Toutefois, la crise de ce système de gestion ancien n’a pas été suivie d’une diminution de la demande de la part du marché, ni d’un épuisement des ressources dont on pourrait disposer : il s’agit juste de modifier les règles et les jeux d’acteurs.
9Ainsi, si l’on veut concevoir des campus universitaires nouveaux, il apparaît clair qu’il est nécessaire d’abord d’analyser de nouveaux modèles d’implantation sur le territoire en cohérence avec la demande et avec les expectatives contemporaines, très différentes que par le passé.
10De même, il apparaît nécessaire, la mise en œuvre de nouveaux dispositifs aptes à préfigurer un rapport public/privé capable de dépasser les formes traditionnelles d’antagonisme culturel et de gestion.
11Il s’agit de mettre en route une coopération qui confie au pouvoir public le rôle de guide, de choix et d’identification des priorités ainsi que de promotion et de contrôle des initiatives. Le privé, de son côté, devra pourvoir à la mise à disposition des ressources financières nécessaires pour la réalisation des interventions, se charger du suivi des opérations et garantir la gestion financière dans le temps.
L’entrée de nouveaux sujets dans les programmes de développement urbain
12De nouveaux scenarios de faisabilité se dessinent pour les programmes de développement urbain liés à l’entrée de nouveaux sujets qui offrent des opportunités significatives à saisir. La maîtrise d’ouvrage, les dispositifs financiers et de gestion qui en résultent sont très différents de ceux traditionnels et offrent des formes de partenariat public/privé inhabituelles.
13Ces nouveaux rapports sont bien illustrés dans le processus de réalisation du Campus de « Tor Vergata » :
Un Fond Immobilier de type éthique qui représente la principale nouveauté au plan financier. Il s’agit d’un fonds de pension géré par une SGR (Société de Gestion de l’Épargne) qui est un sujet financier qui opère comme un privé et représente une typologie de maître d’ouvrage immobilier qui est train de s’affirmer de plus en plus. Il n’a pas d’objectifs spéculatifs ni se propose de faire des bénéfices immédiats. Il doit garantir dans la durée et sans risques, le patrimoine de ses souscripteurs en privilégiant des investissements sûrs, préférablement orientés vers des programmes de développement et de soutien social.
Un sujet gestionnaire ayant pour tâche d’assurer le fonctionnement des structures et des activités de « property » et « facility ». Il est également chargé d’assurer la restitution de l’investissement au Fond financeur, au travers d’une taxe garantie.
Un sujet public représenté par l’Université d’État de Tor Vergata, en tant qu’’établissement promoteur qui fournit les orientations du programme et qui aura la maîtrise de sa gestion dans le temps. L’université est propriétaire de l’aire sur laquelle on a bâti par le biais de la cession du « droit de surface » et deviendra propriétaire aussi de l’ensemble bâti une fois complété le cycle d’amortissement du capital investi.
Ingenium Re (une société de services spécialisée dans le secteur du projet et des activités de gestion et assistance à la maîtrise d’ouvrage immobilière) a été chargé de la réalisation complète de l’ouvrage, du projet jusqu’à la gestion du chantier et les rapports avec les promoteurs.
14Autrement dit, la gestion économique des logements et des services de soutien engendre des ressources destinées à couvrir les frais de réalisation et de fonctionnement de ce grand équipement dans le temps, grâce à l’efficacité du sujet chargé de la gestion et du remboursement du financement. Il faut toutefois, dans ce schéma de fonctionnement, mettre en garde vis-à-vis de possibles phénomènes de spéculation privée. Pour ce faire, les prix de la location pour les étudiants et pour les personnels de l’université seront contrôlés directement par l’université pour qu’ils restent nettement audessous des prix du marché libre.
15Le résultat pour l’Université c’est une intervention de très grande valeur aussi bien au plan quantitatif que qualitatif, dont le coût de revient pour l’administration publique est pratiquement nul.
Les rapports qualité/dimensions du projet.
16Le succès de ce programme et la possibilité d’atteindre des résultats que l’on peut considérer comme exceptionnels en termes économiques, en Italie, est dû surtout aux économies d’échelle rendues possibles par l’envergure du projet : plus de 1.500 logements et services pour un total de 50.000 m2 de SHON (Superficie hors œuvre nette) sur un terrain d’environ 8 hectares qui représentent une masse critique qui permet, à la fois, de faire des économies importantes sur les coûts de construction et, d’enclencher d’importants phénomènes de développement de l’aire de Tor Vergata qui abrite 7 facultés universitaires, des laboratoires de recherche et des départements scientifiques connectés au CHU.
17La disponibilité d’un nombre élevé de logements pour les étudiants, les chercheurs et les professeurs invités, en plus de résoudre des problèmes d’ordre fonctionnel et social pour les personnels qui gravitent autour des centres universitaires, enclenche aussi des dynamiques d’attractivité qui permettent d’effectuer des excellents recrutements au niveau international et d’activer des réseaux et des échanges entre chercheurs qui représentent un des principaux facteurs de compétitivité et de croissance des universitaires, ce qui est particulièrement important pour le développement de l’université Tor Vergata.
18Sa grande échelle est à considérer comme une valeur ajoutée que ce nouvel équipement va apporter non seulement au district universitaire de Rome mais aussi au territoire dans lequel il s’insère. En plus d’être un catalyseur important pour le développement de l’université, l’offre considérable en logements représente un préalable indispensable aussi bien pour l’enracinement dans le territoire des chercheurs et des étudiants que pour activer des phénomènes de communication et d’échange à l’intérieur de la communauté scientifique et du Campus même, avec le territoire.
2. Description du projet et de l’architecture du campus
19Le projet de l’université Tor Vergata est à considérer comme l’expérimentation d’un nouveau modèle de campus universitaire, en train de s’affirmer, en ligne avec les styles de vie contemporains, les objectifs de fonctionnalité, les valeurs architecturales et en interaction avec le territoire.
20Ce type d’architecture récuse l’utilisation répétitive de cellules alignées sur de longs couloirs qui caractérisaient les logements des étudiants par le passé. Les logements de Tor Vergata sont organisés dans des unités d’habitat associant à l’intérieur, logements et services structurés autour d’une cour verte centrale qui, à l’instar de l’« atrium » dans la maison méditerranéenne, constitue un lieu de rencontre et pour les activités collectives, mais il est aussi le centre agrégatif et symbolique de chaque unité.
21Les 17 unités qui forment le complexe bâti sont situées dans un parc d’environ 6 hectares, équipé pour les sports et la vie associative, essentiellement voué à la circulation piétonnière et cyclable. À l’extérieur, sont situées des grandes aires de parking pour les voitures qui exceptionnellement peuvent accéder aux espaces à l’intérieur du campus (sécurité, service, etc..).
22Les volumes bâtis qui abritent les logements sont construits sur la base de formes géométriques élémentaires. Les détails, les matériaux, les finitions et les composantes architecturales sont standardisés. La répétition des éléments constructifs de base permet d’épargner fortement sur les coûts de construction et de gestion tout en accélérant les temps de réalisation, ce qui se traduit dans une gestion économique du chantier et dans l’accélération de la rentabilité des structures réalisées.
23Il faut souligner que les éléments architecturaux modulaires et les différentes finitions-type ont été opportunément étudiés pour être agrégés et composés dans des formes différentes afin d’engendrer des organismes variés et un complexe très articulé. Ces procédés de projet et de construction évitent la monotonie et la répétitivité typiques des constructions préfabriquées, maintenant les avantages que ces systèmes constructifs apportent en termes d’économies d’échelle, d’organisation et d’accélération des chantiers. Les façades revêtues en verre retro-peint couvrant les prospects de certains édifices, offrent une image de légèreté et dématérialisation architecturale et s’alternent avec des fronts de maçonnerie composés de bloc de ciment préfinis de différentes couleurs. Ainsi, on obtient un jeu de contrastes entre matériaux utilisés, de reflets et de transparences, d’effets de couleurs différentes qui changent constamment tout au long d’une journée.
24Des grandes arcades à double hauteur, élément constant dans toutes ces unités, caractérisent les façades. Leur fonction renvoie à la valeur symbolique d’ouverture et de perméabilité des logements par rapport aux espaces verts et aux services extérieurs.
25Les arcades introduisant dans les espaces intérieurs et dans les cours vertes, conduisent vers les systèmes d’escaliers aux coursives étincelantes créant un effet de surprise par l’utilisation d’une grande variété de couleurs, de matériaux et des effets de lumière inattendus, en contraste avec la simplicité et la linéarité des fronts extérieurs. C’est pour ainsi dire, une architecture introvertie qui cherche une forme de sobriété « minimaliste » afin de réduire au maximum l’impact des constructions sur l’environnement naturel et bâti, déjà trop envahi et « offensé » par les constructions de ces dernières années, alors qu’elle permet une forte caractérisation et une claire lecture des formes et des couleurs dans ses espaces intérieurs.
Articuler sécurité, perméabilité et ouverture
26L’ouverture et la perméabilité des lieux de recherche et d’étude est souvent mise à mal par la nécessaire protection des aires « sensibles » et de certains lieux de recherche dont il s’agit de protéger les résultats obtenus et les brevets relatifs. Aussi, il est primordial de veiller à l’ordre et à la sécurité des personnes aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur, à toutes heures du jour et de la nuit. Il ne faut pas oublier, en effet, qu’il s’agit de structures de très grandes dimensions où coexistent des réalités culturelles et sociales diversifiées et qui sont fréquentées par un nombre important d’usagers.
27Il existe une large gamme d’outils expérimentés et répandus capables d’assurer l’interdiction de l’accès aux aires sensibles à toute personne n’en ayant pas l’autorisation et de contrôler des comportements inadmissibles ou des activités illicites, comme par exemple l’usage de barrières aux infrarouges et de contrôles informatisés.
28Dans le campus de Tor Vergata ont été mis en place des dispositifs de suivi et de surveillance basés sur la présence d’un réseau de caméras à circuit fermé et sur des systèmes anti-intrusion et de détection de présences qui renvoient toutes les données obtenues à une centrale de régie unifiée et ouverte 24 heures sur 24.
29Les lecteurs de badges offrent aussi la possibilité de limiter l’accès aux seules personnes autorisées dans les différentes aires du campus, permettant de signaler l’entrée et la présence de personnes aussi bien à l’intérieur des logements que dans les locaux de service. Les usagers habituels du campus bénéficient d’une « campus card » électronique qui permet aussi de régler automatiquement les frais requis pour l’utilisation des services (restauration, laveries automatiques, centre de fitness, branchement de la climatisation dans les logements, etc…).
30Ces systèmes dépassent de loin en efficacité, la fermeture physique des lieux et s’affranchissent de l’impact négatif que peut avoir, aussi au plan psychologique, la construction de barrières, clôtures, portes, etc… Si supportés par une bonne communication, ils peuvent aussi avoir un fort pouvoir dissuasif et une fonction de prévention efficace.
Un projet durable : la qualité environnementale et l’épargne énergétique
31Le projet prend également en compte la qualité environnementale et la durabilité. Dans ce sens, le choix qui a paru être le plus sensé, efficace et économique pour atteindre des résultats favorables au plan environnemental, a été de développer les « interventions de type passif », comme on faisait déjà par le passé.
32Les cours vertes intérieures (figg. 12-13), éléments récurrents de l’architecture traditionnelle italienne, contribuent à l’amélioration du microclimat par la ventilation naturelle ainsi que par des phénomènes de mitigation thermique et hygrométrique significatifs.
Figure 12 : Cour intérieure

Source : Marco Tamino.
Figure 13 : Cour intérieure

Source : Marco Tamino.
33Les brise-soleils extérieurs protègent les parties vitrées du soleil et le niveau élevé d’isolation assuré par les parois extérieures réduit la nécessité d’apports et les dispersions thermiques non désirées.
34Grâce aussi à l’emploi de systèmes à haute performance de la dernière génération et de systèmes pour redéployer les énergies renouvelables, on a pu obtenir les excellents résultats illustrés de suite :
La couverture de 70 % des besoins en énergie pour la production d’eau chaude (400 MW/an) ;
L’utilisation de panneaux photovoltaïques pour l’éclairage des routes (25MW/an) ;
30 % de réduction de la consommation énergétique, grâce à l’emploi de LED et fluorescents à basse consommation ;
L’épargne de 25 % de la consommation liée à l’emploi de systèmes à haute performance (COP4) ;
La réduction de plus de 1.150 quintaux/an, d’émissions de CO2.
Une architecture qui garantit la perméabilité et la connexion
35Ce projet ne trouve pas son sens dans une image architecturale forte, mais plutôt dans la définition des formes et des lieux de vie de la communauté. Cette posture de projet s’oppose à la tendance habituelle qui caractérise la postmodernité consistant à exhiber formes complexes, matériaux et détails chers et inutiles.
36À l’inverse, ce projet prend tout son sens en ce qu’il est capable de donner vie à un organisme urbain complexe permettant l’intégration et l’interaction fonctionnelle et morphologique typiques des architectures et des ensembles historiques urbains qui se sont formés dans les siècles.
Figure 14 : Portail d’entrée de l’université Tor Vergata

Source : Marco Tamino.
Figure 15 : L’université de Tor Vergata

Source : Marco Tamino
37« Perméabilité » et « Connexion » sont les mots clé de cette opération. Le réseau de parcours piétonniers à l’intérieur du parc, desservant les lieux et les infrastructures collectives, « pénètre » dans les unités résidentielles, les traverse en formant un tissu connectif continu ayant différentes fonctions, à son intérieur comme à son extérieur, individuelles et collectives.
38Ainsi faisant, on crée les conditions pour favoriser des formes de cohésion sociale, de communication et d’enrichissement culturel, essentielles dans la vie et dans le parcours formatif des étudiants tout autant que dans leur parcours didactique et scientifique.
39Les jardins situés dans les cours intérieures sont partie organique du « système des espaces verts » qui s’étend entre les édifices, voué au stationnement et aux rencontres, alors que le réseau des flux piétonniers et cyclables qui supporte la mobilité du campus ne s’arrête pas à l’extérieur des édifices les traversant.
40Au rez-de-chaussée de chaque logement sont localisés les éléments qui forment le « système des services » pour les résidences ainsi que ceux destinés plus généralement aux exigences de la communauté qui vit dans le campus, mais pas uniquement à celle-ci.
41Un système qui comprend des espaces collectifs pour le travail et des salles informatiques, des services de tutorat et d’information ; des services primaires comme les buanderies, les espaces pour la restauration et les cafétérias, mais aussi les espaces pour le fitness et la santé, des lieux pour la détente, la musique, les rencontres et, en général, pour la sociabilité.
42La présence, la consistance des fonctions non résidentielles et leur interaction continue avec les habitations donnent un nouveau sens à cet ensemble résidentiel.
43Reproposer la dimension sociale dans la construction d’un projet est actuellement un défi, car cette dimension a été bannie par l’architecture contemporaine, même si elle a été, par le passé, à la base de tout processus de construction urbaine, ce qu’on n’a plus su réaliser depuis la modernité.
44Ce n’est pas un hasard si l’architecture moderne ou contemporaine, même lorsqu’elle produit des bâtiments de grande qualité, ne réalise que des projets fermés et isolés.
45Hormis quelques exceptions, il s’agit toujours d’exercices solitaires vertueux qui n’appartiennent pas à un tissu urbain partagé avec les édifices contigus, mais cherchent leur sens en eux-mêmes. L’architecture plus récente n’a jamais eu de possibilité et peut-être même pas d’intérêt dans la construction du tissu urbain.
3. Le campus comme fonction urbaine
46La conception d’un campus n’échappe pas non plus à cette approche traditionnelle de la conception de l’architecture comme objet isolé, à part du territoire de la ville, suivant la tradition urbanistique moderne de la parcellisation et de la division du territoire en lots et lieux monofonctionnels.
47Il s’agit de structures spécialisées de par leur fonction spécifique, offrant souvent un environnement de qualité, sortes de « gated communities » du savoir, fermées et séparées du monde extérieur qui l’entoure, non seulement conceptuellement mais aussi physiquement.
48Les campus actuels qui misent sur l’excellence, s’orientent vers des modèles totalement différents, fondés sur l’ouverture et l’échange fonctionnel avec la ville.
49Les études récentes confirment que l’expérience des étudiants et des chercheurs est plus intense et les résultats plus fructueux s’ils interagissent avec les valeurs exprimées par la ville et les contextes culturels et historiques consolidés.
50À l’inverse, la présence de centres qui développent des études sur la connaissance impliquant des individus tous porteurs d’une créativité qui leur est propre, d’une capacité de compréhension et d’ouverture vers la société future et des instruments d’innovation, a une valeur stratégique pour le développement de la culture et de l’économie des territoires qui les accueillent.
51On peut dire que les centres d’enseignement supérieur et de recherche entretiennent des rapports de communication avec l’extérieur exercés sur différents registres à la fois.
52Ils sont connectés directement aux réseaux globaux de la recherche dont ils bénéficient grâce à l’utilisation des nouvelles technologies et ils communiquent et interagissent à la fois, si les conditions urbanistiques le permettent, avec les contextes urbains d’insertion, avec les pôles de recherche et évènementiels ainsi qu’avec les aires les plus dynamiques de la ville. De ce point de vue, les indicateurs du succès d’un district de recherche se réfèrent strictement aux niveaux d’échanges qu’ils ont la possibilité d’activer.
53Les lieux de l’excellence du savoir représentent des polarités urbaines qui demandent nécessairement la présence d’un réseau de connexions avec la ville dans sa globalité. Si la connexion aux réseaux d’information peut être instaurée facilement indépendemment du contexte, même dans des territoires non urbanisés, le problème se pose si l’on veut établir des connexions physiques, à savoir la proximité aux réseaux d’infrastructures de mobilité urbaine ou encore la disponibilité de systèmes de transport public efficaces ou enfin la proximité de réseaux intermodaux comprenant systèmes de connexion de type soutenable avec le territoire de pertinence, comme les parcours piétonniers et cyclables.
54Ces exigences évidentes ne trouvent malheureusement souvent pas de réponse dans la réalité car les aires qui généralement se présentent comme les plus aptes à accueillir ces fonctions, pour des raisons d’espace et de faisabilité financière, sont celles extra-urbaines, destinées à l’agriculture,
55Le site de Tor Vergata en est un exemple car il est situé dans une ex-aire agricole de 500 hectares, fruit d’une donation, destinée par les outils de l’urbanisme communaux à la réalisation d’un district pour le développement de l’Université de Rome. L’aire en question n’est malheureusement toujours pas bien desservie. Elle est connectée à la ville par des bus publics et des navettes privées, en attendant la prolongation du réseau de métro programmée et actuellement en construction.
56Le problème soulevé montre qu’il est nécessaire d’adopter une orientation urbanistique, largement répandue aujourd’hui, qui refuse la course vers de nouvelles urbanisations et la consommation de nouveaux territoires pour la croissance de la ville. Orienter le développement des nouvelles structures vers le réinvestissement d’espaces urbains désaffectés, ce n’est pas seuleument le choix le plus rationnel, mais aussi le plus éthique.
57L’exemple le plus récurrent est celui des aires industrielles désaffectées, mais aussi des parcs privés ou publics qui excèdent les standards du vert urbain désormais englobés dans la ville qui trouvent dans les fonctions de la recherche et de l’enseignement universitaire une certaine complémentarité, cherchant à atteindre aussi une certaine qualité de l’environnement, sans polluer, sans consommation excessive de sol et poursuivant des finalités sociales.
Conclusions
58Une condition essentielle pour effectuer des échanges efficaces entre universités et centres de recherche et leur environnement, c’est la mise à disposition du public des services qui s’y trouvent. En particulier il s’agit d’ouvrir au public extérieur au campus, les services liés aux évènements culturels organisés et produits par (ou pour) la communauté universitaire ainsi que ceux à disposition de l’enseignement (à tous les niveaux).
59Par exemple, le campus de Tor Vergata offre une série de salles de congrès et d’exposition qui abritent des évènements publics ouverts à toute la ville. En particulier, on peut souligner la présence, en plus des logements, du Centre de Langues de l’Athénée qui peut offrir des prestations pédagogiques de niveau universitaire aussi aux personnes qui n’appartiennent pas à cette université.
60On crée ainsi un service utile non seulement pour les étudiants, qui dans le contexte de la globalisation proviennent de plus en plus de pays différents et appartiennent à des ethnies et à des groupes linguistiques divers, mais aussi pour une utilisation plus large, de tous les citoyens.
61Parallèlement à l’expérience didactique, on essaye d’expérimenter des formes d’interaction et d’échanges entre différents sujets sociaux de par leur culture, âge et provenance géographique. Enfin, on peut créer des formes de cohésion et d’échange, aussi de nature économique, entre le campus et le tissu de la ville, à travers l’offre de structures pour le temps libre, le fitness, le sport et, plus généralement, les services à la personne offerts à l’intérieur du district universitaire.
62Le grand parc sportif dédié à la natation et aux sports aquatiques, actuellement en cours d’achèvement à Tor Vergata, sera mis à disposition aussi bien de la communauté interne que de la ville et accueillera des événements et des compétitions de niveau international.
63L’attraction de flux touristiques potentiels engendrés par cet équipement sportif ainsi que par les salles de congrès et de spectacle offerts par le campus, les retombées économiques directes et celles en termes d’emplois seront une richesse pour le territoire. Il faut souligner par ailleurs, que l’on pourra garder haute la qualité de ces services seulement si on est capable de maintenir un niveau de fréquentation élevé. En effet, la présence de nombreux services à grande échelle, tels que : un SPA, un restaurant, une brasserie, un pub, une cinémathèque, un centre d’écoute de la musique, une agence de voyage, etc…, ne peuvent assurer leur rentabilité économique qu’en s’adressant à un public plus large que celui universitaire.
64On peut dire, en conclusion, que le système des connaissances et de la production de la culture, du développement des comportements et des idées qui né dans les lieux de l’enseignement et de la recherche, est un enjeu territorial capable de produire des retombées aussi bien au niveau culturel qu’économique, de manière directement proportionnelle à l’entité et à la nature des services collectifs ouverts à un large public.
65Un campus universitaire peut donc être aussi un élément vital pour le territoire de la ville s’il s’oppose aux logiques traditionnelles d’enfermement et offre des espaces alternatifs et complémentaires avec le système des espaces de la ville. Son architecture doit aussi être capable d’offrir des formes qui permettent l’intégration et la perméabilité physique pour recevoir des flux de près ou de loin.
Auteur
Université de Florence INGENIUM RE SpA
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