« Citoyens, je vous supplie encore une fois d’abandonner vos barricades ». Négocier un cessez-le-feu dans le cadre d’une insurrection : l’exemple des journées des 22 et 23 juin 1848 à Marseille

Mathias Pareyre

p. 171-188

Résumé

Marseille est la seule ville de province à connaître, à l’instar de Paris, de véritables journées insurrectionnelles en juin 1848. Les 22 et 23 juin, les ouvriers marseillais se révoltent contre la fermeture des ateliers nationaux et la suppression du décret limitant dans la ville la journée de travail à 10 heures. Au cours des affrontements qui éclatent notamment sur la place Janguin et sur la place Castellane, plusieurs épisodes de négociations ont lieu pour faire cesser les combats. L’analyse de ces pourparlers (en particulier dans leur dimension spatio-temporelle et centrée sur leurs acteurs) permet de déplacer le cadre de la réflexion consacrée au cessez-le-feu : il s’agit de l’aborder à travers le cadre bien spécifique de l’insurrection, qui se distingue, par plusieurs aspects, des conflits conventionnels contemporains, et de souligner ainsi sa profonde singularité.


Extrait

1Marseille est la seule ville de province qui, à l’instar de Paris, a connu de véritables journées insurrectionnelles les 22 et 23 juin 1848. Cet événement, peu étudié jusqu’à présent1, offre un ancrage original pour aborder la thématique du cessez-le-feu, en l’élargissant au contexte insurrectionnel. Quelques mois plus tôt, la révolution de Février a surpris les Parisiens par sa rapidité : la royauté est renversée en trois jours – les 22, 23 et 24 février – marqués notamment par la sanglante fusillade du boulevard des Capucines le 23 au soir, et par la construction d’au moins 1 500 barricades dans les rues parisiennes le lendemain. À Marseille, le changement de régime s’est fait sans heurt, mais avec plusieurs jours de latence : les partisans de la République y étaient initialement peu nombreux, et celle-ci n’a été proclamée que le 1er mars par le maire orléaniste André Reyn

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