1 Ce texte s’appuie sur un travail de thèse en histoire moderne portant sur le Mercure François et les usages politiques de l’écriture de l’histoire récente conduit sous la direction de Monsieur Guy Le Thiec et de Madame Isabelle Luciani à Aix – Marseille Université et soutenu le 8 décembre 2016.
2 Marcel Gauchet, « L’État au miroir de la raison d’État : la France et la chrétienté », dans Yves-Charles Zarka (éd.), Raison et déraison d’État. Théoriciens et théories de la raison d’État aux xvie et xviie siècles, Paris, Presses Universitaires de France, 1994, p. 225.
3 À ce propos, voir notamment Françoise Hildesheimer, Richelieu, Paris, Fayard, 2004, p. 353, 359 et 363. Pour sa part, Roland Mousnier indique que le cardinal de Richelieu a fait en sorte de temporiser l’entrée en guerre du royaume de France contre l’Espagne jusqu’à ce qu’elle semble inévitable. Roland Mousnier, L’homme rouge. Vie du cardinal de Richelieu (1585-1642), Paris, Robert Laffont, 1994, p. 512. Voir aussi Peter H. Wilson, Europe’s Tragedy. A History of the Thirty Years War, Cambridge, Harvard University Press, 2009, p. 556.
4 Voir par exemple Étienne Thuau, Raison d’État et pensée politique à l’époque de Richelieu, Paris, Albin Michel, 2000, p. 198-199. À propos des débats suscités par les mariages espagnols en 1615 voir Hélène Duccini, Faire voir, faire croire. L’opinion publique sous Louis XIII, Seyssel, Champ Vallon, 2003, p. 177-181. Voir également Michèle Fernandez-Gaillat, « L’Espagne dans la presse française du début du xviie siècle », dans Pierre Civil (éd.), Écriture, pouvoir et société en Espagne aux xvie et xviie siècles, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2001, p. 129-140.
5 Hélène Duccini, « La guerre de Trente ans en France : discours et représentations », Le Temps des médias, 2005, no 1/4, p. 137-150. Dans cet article, Hélène Duccini justifie l’usage du terme de « propagande » pour une période qui ne connaît pas encore la médiatisation de masse. Nous souscrivons à son approche.
6 Les termes de volumes et de tomes sont ici utilisés de manière indifférenciée afin de désigner chaque parution du Mercure François.
7 Sur les caractéristiques du Mercure François et la question de son appartenance à un genre littéraire voir Virginie Cerdeira, « Écrire le passé en compilant le présent. Le Mercure François, atelier d’écriture de l’histoire du temps présent », Carnets : revue électronique d’études françaises, 2014, no 2, p. 27-45 (disponible en ligne : http://ler.letras.up.pt/uploads/ficheiros/12795.pdf, consulté le 4 janvier 2015).
8 Théophraste Renaudot signe une épître dédicatoire au conseiller Bouthillier au début du volume XXII. Il exprime dans la préface à ce même volume la charge de travail que représente la rédaction du Mercure ajoutée à celle de la Gazette. Le gazetier ne manque pas de suggérer que cette tâche lui a été confiée par le pouvoir politique. Voir le Vingt-deuxiesme tome du Mercure François ou suite de l’Histoire de nostre temps, sous le regne auguste du Tres-Chrestien Roy de France & de Navarre Louys XIII, 1641, p. 1-2. Voir aussi Gérard Jubert (éd.), Pères des journalistes et médecin des pauvres. Théophraste Renaudot (1586-1653), Paris, Champion, 2005, p. 237, 279 et 345-346.
9 Le Mercure François est fondé par l’imprimeur–marchand–libraire Jean Richer en 1611. Son frère Estienne publie ensuite les volumes II à VI avant l’assomption d’une collaboration entre les deux frères jusqu’en 1627, année du décès de Jean Richer.
10 Anna Blum, La diplomatie de la France en Italie du nord au temps de Richelieu et de Mazarin, Paris, Classiques Garnier, 2014, p. 61-95.
11 Voir Peter H. Wilson, Europe’s Tragedy…, op. cit., p. 564.
12 Le Vingtiesme tome du Mercure François ou Suitte de l’Histoire de nostre temps, sous le Regne du Tres – Chrestien Roy de France & de Navarre, Louys XIII, « A Paris, Chez Estienne Richer », 1637, p. 45 (pour l’année 1634). Nous renvoyons désormais au Mercure François, vol. 20 et ne préciserons plus l’année concernée pour la pagination qui est identique ici.
13 Étienne Thuau, Raison d’État…, op. cit., p. 311.
14 Voir Arlette Jouanna, Le prince absolu. Apogée et déclin de l’imaginaire monarchique, Paris, Gallimard, 2014, p. 103.
15 Christian Lazzeri, « Introduction », dans Henri de Rohan, De l’intérêt des princes et des États de la chrétienté, Id. (éd.), Paris, Presses Universitaires de France, 1995, p. 129. Étienne Thuau, Raison d’État…, op. cit., p. 309-315.
16 Le texte de cette première partie est long d’une vingtaine de pages. Il se penche successivement sur l’intérêt de l’Espagne, de la France, des princes d’Italie en général, de la république de Venise, du Saint Siège, du duché de Savoie, de l’Allemagne, des territoires suisses, des Provinces-Unies du Pays-Bas et pour finir de l’Angleterre. Mercure François, op. cit., vol. 20, 1637, p. 46-67.
17 Ibid., p. 67-68. C’est entre les pages 67 et 126 que le Mercure François reproduit la seconde partie de l’ouvrage d’Henri de Rohan.
18 Voir par exemple Étienne Thuau, Raison d’État…, op. cit., p. 312.
19 En raison des très faibles écarts entre l’édition du texte d’Henri de Rohan proposée par Christian Lazzeri et la version publiée dans le Mercure François (voir infra), nous renvoyons désormais à cette dernière. Mercure François, op. cit., vol. 20, 1637, p. 47 et 53.
20 Ibid., p. 53.
21 Christian Lazzeri, « Introduction », op. cit., p. 133. L’auteur ajoute : « […] le principe d’individualisation de chaque État entraîne, pour chacun d’entre eux, comme le fait sa position géographique, un certain nombre de conséquences : compte tenu de sa configuration interne ou de sa situation historique à un moment donné, la conservation de la combinaison spécifique de ses éléments assure la conservation même de l’État, à moins que le changement d’un ou de plusieurs d’entre eux n’apparaisse comme la condition de cette conservation. » Ibid., p. 134.
22 Ibid., p. 139. Ce constat conduit Christian Lazzeri à distinguer l’analyse d’Henri de Rohan de celle de Machiavel qui identifie dans l’Histoire des modèles de comportements réactualisables. Mercure François, op. cit., vol. 20, 1637, p. 68.
23 Ibid., p. 68-81.
24 Christian Lazzeri, « Introduction », op. cit., p. 132-133.
25 La complexité du duc de Rohan réside dans le fait qu’il est aussi bien un praticien qu’un théoricien de la guerre. À son propos, voir notamment Clarke J. Alden, Huguenot warrior: the life and times of Henri de Rohan, 1579-1638, La Haye, M. Nijhoff, 1966, voir aussi Solange et Pierre Deyon, Henri de Rohan huguenot de plume et d’épée (1579-1638), Paris, Perrin, 2000. Voir également Olivier Ribière, « Le duc de Rohan : officier et penseur militaire du xviie siècle », Stratégique, 2007, no 88, p. 145-180. À propos de l’expérience du duc de Rohan en Valteline voir notamment Henri de Rohan, Mémoires sur la guerre de la Valteline, Paris, Didier, 1854. L’expérience du duc en Valteline s’est poursuivie jusqu’en 1637, sans doute après la rédaction De l’Interest des Princes. À propos de cette période voir Felix Bendel, Rohan et Dufour. Guerre en montagne : la campagne du duc de Rohan dans les Grisons et en Valteline (1635-1637) : critiques du général Dufour, Berne, Eidgenössische Militärbibliothek und Historischer Dienst, 2007.
26 Mercure François, op. cit., vol. 20, 1637, p. 47.
27 « La diversité de Religion s’y mesla. », ibid., p. 69 et 76.
28 Toutes sont recensées dans la table des matières du Mercure François. Ibid., non paginé, [p. 2].
29 Voir notamment Friedrich Meinecke, L’idée de la raison d’État dans l’histoire des temps modernes, Genève, Droz, 1973, p. 152.
30 Le connétable François de Lesdiguières, protestant jusqu’en 1622, incite le pouvoir royal à cette offensive contre l’Espagne en Italie du Nord. À ce propos, voir Stéphane Gal, Lesdiguières. Prince des Alpes et connétable de France, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 2007.
31 Étienne Thuau, Raison d’État…, op. cit., p. 186 et192.
32 Christian Lazzeri, « Introduction », op. cit., p. 131. Friedrich Meinecke ne manque pas de souligner les contradictions ou l’évolution politique d’Henri de Rohan. Friedrich Meinecke, L’idée de la raison d’État…, op. cit., p. 163. À propos de la datation du texte De l’intérêt des princes voir infra.
33 « [P]resque tous les commentateurs de l’écrivain politique ont souligné la valeur et l’importance du livre de Rohan ». Christian Lazzeri, « Introduction », op. cit., p. 2-3.
34 Ibid., p. 149.
35 « Henry quastriesme, comme celuy, sur lequel la souplesse de tous ces artifices a esté exercée jusques au dernier poinct, les ayant mieux recogneus qu’aucun autre devant luy, pour les avoir plus éprouvez, a le premier estably pour le vray interest de la France, de contrepointer celuy d’Espagne en tous ses poincts. », Mercure François, op. cit., vol. 20, 1637, p. 53. En dehors de cette occurrence, le texte De l’interest des princes mentionne à quatre reprises la notion de « contrepois » ou « contrepoids » ; en plus de celle de « contre-pied ». Ibid., p. 47, 53, 56 et 84.
36 « […] il faut poser pour fondement qu’il y a deux Puissances dans la Chrestienté, qui sont comme deux Poles, desquels descendent les influences de paix & de guerre sur les autres Estats, à sçavoir la Maison de France & d’Espagne […] ». Ibid., p. 47. Le cardinal de Richelieu se montre sensible à cette vision politique, héritée d’une certaine manière de la pensée protestante du siècle précédent, traduisant l’idée de la recherche nécessaire d’un équilibre des forces en Europe, en particulier entre les deux grands royaumes catholiques du continent, l’Espagne et la France. Voir par exemple Françoise Hildesheimer, Richelieu, op. cit., p. 358 mais aussi Roland Mousnier, L’homme rouge…, op. cit., p. 415-417. À propos de la politique de Richelieu en Italie, voir aussi Michel Carmona, Richelieu : l’ambition et le pouvoir, Paris, Taillandier, 2013.
37 Christian Lazzeri, « Introduction », op. cit., p. 126.
38 À propos de cette hypothèse, voir Friedrich Meinecke, L’idée de la raison d’État…, op. cit., p. 152.
39 À ce propos, voir Virginie Cerdeira, « Écrire le passé en compilant le présent », art. cité.
40 Mercure François, op. cit., vol. 20, 1637, p. 46.
41 Ibid., p. 67-126.
42 À propos de l’écriture de l’histoire, voir notamment François Hartog, Régimes d’historicité : présentisme et expériences du temps, Paris, Seuil, 2003 ainsi que Paul Ricœur, Temps et récit, Paris, Seuil, 1983-1985, 3 vol. À propos des modalités de la mise en écriture de l’histoire par le Mercure François, voir Virginie Cerdeira, « Écrire le passé en compilant le présent », art. cité.
43 Mercure François, op. cit., vol. 20, 1637, p. 126.
44 Ibid., p. 102.
45 Ibid., p. 102-103.
46 « Jusques icy chacun avoit joüé le droict de jeu : mais Marie pour appuyer les interests d’Espagne, qui luy promettoit de maintenir les siens jusques au bout, abandonne ceux de France, & le favorise à broüiller de nouveau cette succession. », Ibid., p. 106.
47 À ce propos, voir Virginie Cerdeira, « Exorciser les guerres civiles en publiant l’Histoire de la paix. La mort d’Henri IV et le Mercure François », Cahiers Mémoire et Politique, 2014, vol. 2, p. 51-66, (disponible en ligne : http://labos.ulg.ac.be/memoire-politique/wp-content/uploads/sites/9/2015/02/Cahier-MP2.pdf, consulté le 15 août 2018).
48 Mercure François, op. cit., vol. 1, 1611, non folioté [fo 2 v°]. Les deux premiers volumes du Mercure François sont foliotés, les suivants sont paginés.
49 Ibid., vol. 2, 1613, non folioté [fo 1 r°].
50 Ibid.
51 Ibid., non folioté [fo 1 v°]. Plus loin, le libraire salue une nouvelle fois la politique pro-espagnole de la régente : « Pour les fruicts de la Paix, tu y verras les Magnificences faictes à Paris pour la publication des Mariages entre les Maisons de France & d’Espagne. » Ibid., non folioté [fo 2 r°].
52 De récents travaux ont, en effet, montré la plasticité du parti dévot. Voir par exemple Joseph Bergin, The Politics of Religion in Early Modern France, Yale, Yale University Press, 2014. Ce caractère malléable se confirme pour une période postérieure au règne de Louis XIII comme le prouve la thèse d’Agnès Ravel. Agnès Ravel, Le “parti dévot” à la cour de France sous Louis XIV, Louis XV et Louis XVI, thèse de doctorat en histoire et sociologie, sous la direction de Guy Chaussinand-Nogaret, Paris, École des Hautes Études en Sciences Sociales, 2014.
53 Christian Lazzeri, « Introduction », op. cit., p. 139. D’après Henri de Rohan, cette nécessaire adaptation aux circonstances politiques est bien comprise du roi Henri IV dont les intérêts se modifient selon qu’il est chef du parti protestant ou roi de France. « Henry IV eut deux personnages à joüer », Mercure François, op. cit., vol. 20, 1637, p. 77-78.
54 Friedrich Meinecke, L’idée de la raison d’État…, op. cit., p. 152.
55 À propos du calendrier de fondation de la Gazette, Gilles Feyel écrit : « La Gazette est fille de la guerre. Lors de la journée des Dupes, le roi abandonne définitivement le parti des “Dévots” pour rallier celui des “Bons françois”. Richelieu retrouve toute la confiance de Louis XIII au détriment de la reine-mère et du clan des Marillac. Le 30 mai 1631 paraît le premier cahier de la Gazette. Hasard de calendrier ? La France s’engage progressivement dans la guerre de Trente ans. », Gilles Feyel, « Richelieu et la Gazette aux origines de la presse de propagande », dans Roland Mousnier (éd.), Richelieu et la culture, Paris, CNRS éditions, 1987, p. 103-104. Voir également Gilles Feyel, L’annonce et la nouvelle. La presse de l’information en France sous l’Ancien Régime (1630-1788), Oxford, Voltaire Foundation 2000, p. 131-137 et 224-229.
56 Mercure François, op. cit., vol. 20, 1637, p. 115.
57 À propos de la tension entre secret et publicité dans le domaine du politique, voir Marcel Gauchet, « L’État au miroir de la raison d’État », art. cité, p. 234-244.
58 C’est entre le texte De l’Interest des Princes édité par Christian Lazzeri et celui du Mercure François que nous avons établi la comparaison.
59 Mercure François, op. cit., vol. 20, 1637, p. 68.
60 Testament olographe d’Estienne Richer, archives nationales, minutier central, ET, XI, 124.
61 Mercure François, op. cit., vol. 20, 1637, p. 46-47.
62 Christian Lazzeri, « Introduction », op. cit., p. 162.
63 Ceci expliquerait que le texte De l’Interest des Princes est publié pour la première fois sous le nom d’Henri de Rohan en 1638, de manière posthume.
64 Friedrich Meinecke, L’idée de la raison d’État…, op. cit., p. 152.
65 Pour le manuscrit De l’Interest des Princes il s’agit du texte de l’épître dédicatoire à Richelieu. Pour le Mercure François, il s’agit de la petite introduction rédigée par son rédacteur afin d’introduire le propos du duc. Voir Christian Lazzeri, « Introduction », op. cit., p. 159-160 et Mercure François, op. cit., vol. 20, 1637, p. 44-45.
66 Christian Lazzeri, « Introduction », op. cit., p. 159-160.
67 Henri de Rohan participe directement à la guerre ouverte dès 1635 et commande des troupes royales en Italie du Nord, avant d’être missionné pour forcer le duc de Lorraine à évacuer l’Alsace toujours en 1635.
68 C’est notamment la thèse de Friedrich Meinecke, L’idée de la raison d’État…, op. cit., p. 152. Voir aussi la publication collective du groupe de recherches interdisciplinaires en histoire du littéraire (GRIHL) sur la publication comme action, GRIHL, De la publication. Entre Renaissance et Lumières, Paris, Fayard, 2002 ainsi que GRIHL, Écriture et action, xviie-xixe siècles, une enquête collective, Paris, Éditions de l’EHESS, 2016.
69 Mercure François, op. cit., vol. 20, 1637, p. 126.En effet, le duc de Rohan se trouve lui-même en difficulté dans la Valteline et les Grisons lorsque le vingtième tome du Mercure François est publié à Paris. Voir à ce propos Anna Blum, La diplomatie de la France en Italie du nord…, op. cit., p. 83-84.
70 À ce propos, voir les analyses de Gilles Feyel relatives à la relation des événements de l’année 1636 dans la Gazette de Renaudot. Gilles Feyel, L’annonce et la nouvelle…, op. cit., p. 224-229. Voir également Peter H. Wilson, Europe’s Tragedy…, op. cit., p. 563-565.
71 Voir aussi Henry Bogdan, La guerre de Trente ans (1618-1648), Paris, Perrin, 2006, p. 185-193 ainsi que Peter H. Wilson, Europe’s Tragedy…, op. cit., p. 563-565. À propos de la guerre de Trente ans, voir aussi Ronald G. Asch, The Thirty Years War: the Holy Empire and Europe (1618-1648), Londres, Saint-Martin’s, Press, 1997 ainsi que Geoffrey Parker, La guerre de Trente ans, Aubier Montaigne, Paris, 1987.
72 Voir Henry Bogdan, La guerre de Trente ans…, op. cit., p. 188.
73 Ibid., p. 189.
74 Ibid., p. 190.