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La faculté des lettres de Lille de 1887 à 1945

 | 
Jean-François Condette

Première partie. Genèse de la faculté des lettres de Lille

Chapitre premier. Le délicat transfert de 1887

Texte intégral

  • 1  L’Echo de la Scarpe du 26 octobre 1887.

1Le 22 octobre 1887, le ministre de l’Instruction Publique, des Beaux Arts et des Cultes, Ernest Spuller signe deux décrets qui rendent officiel le transfert des facultés douaisiennes de Droit et des Lettres vers Lille. Cette décision vient en réalité mettre un terme à de nombreuses années de luttes intestines entre les deux cités. Tandis qu’à Douai tinte le glas funèbre et s’amplifie la colère devant ce rapt immonde1 ,Lille songe déjà à l’organisation de son triomphe. La naissance lilloise de la faculté des Lettres n’est donc que la mutation spatiale, par volonté politique, d’une institution déjà existante et non la création ex nihilo d’une entité originale.

Une guerre de trente ans entre deux cités rivales

  • 2  Voir Condette J.-F, Les enjeux du transfert lillois de 1887, Actes du Colloque de Lille de décembr (...)

2Ces deux décrets de 1887 marquent la fin d’un duel épique qui oppose depuis 1850, pour le moins, les villes de Douai et de Lille dans la reconstruction d’une université dans le Nord, lutte qui se nourrit des hésitations et des politiques contradictoires menées par les divers gouvernements qui sont à la tête du pays entre ces deux dates2.

A – Une histoire universitaire mouvementée dans la France septentrionale

  • 3  Voir G. Dehon, L’université de Douai de 1667 à 1765, Lille, Thèse, 1967, 336 p. mais surtout L. Tr (...)
  • 4  Par exemple : AN, F 17/13500 ; Lettre des douaisiens au Roi en septembre 1825 (retour demandé d’un (...)

3Le paysage universitaire nordiste en 1887 est marqué par sa dualité spatiale, liée à une histoire discordante de l’université depuis 1800. C’est au seizième siècle qu’est fondée l’université de Douai. Dès le départ, elle est conçue comme une arme au service de la Contre-Réforme dans sa lutte contre l’hérésie. Le pape Paul IV promulgue le 31 juillet 1559 les lettres de fondation de l’université et Philippe II d’Espagne, par lettres patentes du 19 janvier 1562 confirme la fondation douaisienne. L’Institution est officiellement inaugurée le 5 octobre 1 563 et comprend dès sa naissance les cinq facultés traditionnelles, celles de théologie, de droit canon, de droit civil, la faculté de médecine et celle des Arts3. La tourmente révolutionnaire détruit l’université douaisienne qui semblait d’ailleurs avoir perdu son dynamisme. Un décret de la Convention daté du 15 septembre 1793 supprime les universités, jugées trop entâchées d’aristocratisme et considérées comme des corps intermédiaires trop pesants. C’est Napoléon Premier qui restaure l’Université par la loi du 10 mai 1806 mais cette dernière intègre désormais l’ensemble des niveaux d’enseignement du primaire au supérieur. Les facultés sont rétablies mais il n’existe pas de liens entre elles. Pour la région du Nord, un décret impérial du premier mars 1808 rétablit la faculté des Lettres à Douai. La ville est dans le même temps consacrée chef-lieu d’académie. La Restauration démembre le dispositif napoléonien en supprimant la plupart des facultés. Il n’en reste plus que six pour tout le territoire national et Douai perd la sienne dès 1815. Dès lors, et pendant tout le XIXe siècle, la cité ne cesse de multiplier les démarches officielles et officieuses pour obtenir la restauration de sa tradition universitaire4. Il faut attendre un décret impérial de Napoléon III, le 22 août 1854 pour voir réapparaître dans le Nord une faculté, celle des Lettres qui se réimplante à Douai. Dans le même temps, Lille obtient la création d’une faculté des Sciences, implantée au cœur de la métropole industrielle. Désormais, les deux cités se retrouvent concurrentes et échafaudent de multiples stratagèmes pour détruire les arguments de l’adversaire, constamment accusé d’avoir de coupables intentions.

B. – Les grandes batailles universitaires dans le Nord : 1850-1887

4Les luttes entre les deux villes se nourrissent en fait des hésitations et des retours en arrière des pouvoirs publics. Les indécisions de la politique gouvernementale et les ruptures historiques liées au changement de régimes incitent chaque cité à engager le combat pour obtenir le maximum d’avantages. De 1850 à 1887, cinq grandes batailles peuvent être retenues entre « l’Athènes du Nord » et la métropole industrielle, dans une nouvelle guerre de trente ans qui connaît ses périodes de trêves et ses brusques poussées de fièvre.

La première bataille : 1850

  • 5  ADN. 1 T 6/2, Lettre du Ministre au préfet..

5Douai était le chef-lieu de l’Académie depuis le 11 Floréal An X. En 1815, la ville perd sa faculté des Lettres mais garde le siège académique et son lycée. La loi Falloux du 15 mars 1850 accentue les tensions car elle prévoit un nouveau découpage des académies qui tienne davantage compte de la diversité de chaque département. Dès lors la querelle entre Douai et Lille se réveille. Laquelle des deux cités obtiendrait en effet le nouveau siège académique ? Lettres, pétitions et contacts officieux se multiplient. L’agitation est d’autant plus grande qu’une lettre ministérielle au préfet du Nord montre que le gouvernement hésite entre les deux villes5. Les conseils municipaux utilisent leurs réseaux de relations mais c’est finalement Douai qui gagne, le 27 mai 1850.

La seconde bataille : 1854

6Cette seconde manche du combat se termine par un match nul qui semble contenter les deux parties. Par la loi du 14 juin 1854, Napoléon III décide la création à Lille d’une faculté des Sciences qui doit profiter du développement industriel de la ville. Mais par un décret impérial du 22 août de la même année, Douai obtient le retour sur son sol d’une faculté des Lettres. Se met ainsi en place le premier maillon du futur ensemble universitaire lillois, en même temps qu’apparaît la dualité spatiale de l’enseignement septentrional.

La troisième bataille : 1854-1865

  • 6  AN, F 17/13500, Lettres et rapports des douaisiens.
  • 7  ADN, 2 T 20, Mémoire de M. Delaby.
  • 8  AN, F 17/13500, Pétition des douaisiens.
  • 9  Idem, Pétitions de 14 pages (une page comporte environ 60 à 65 noms).

7La lutte est beaucoup plus dure et plus longue. Le conflit se focalise sur l’éventuel retour d’une faculté de Droit dans la région. Les douaisiens multiplient les lettres et les pétitions6 pour emporter la décision. En 1857, la ville de Douai soutenue par le Conseil Général du Nord, la Société Régionale d’Agriculture, passe à l’offensive. En 1858, Napoléon III est contacté personnellement mais sans succès. Après une légère accalmie, l’action reprend surtout en 1864. Le 23 mars 1864, l’adjoint au maire de Douai, Delaby, envoie à l’Empereur un long mémoire en faveur de l’installation locale de la faculté7. En avril 1864, le préfet du Nord transmet au ministre une nouvelle pétition des douaisiens accompagnée d’un long mémoire explicatif et des délibérations de nombreux conseils municipaux de villes du Nord-Pas-de-Calais8. Le 05 juillet 1864, le préfet transmet une nouvelle pétition comptant quatorze pages9 et un nouveau mémoire. Devant les hésitations du ministre, les autorités se décident à rencontrer personnellement l’Empereur qui accepte de recevoir une délégation, le 08 janvier 1865. La décision tombe ensuite très vite. Par décret du 28 avril 1865, une faculté de Droit est rétablie à Douai. La municipalité lilloise qui avait, elle aussi, multiplié les actions revendicatives sort humiliée du combat mais bien décidée à remettre en cause au plus vite cette décision qu’elle juge temporaire.

La quatrième bataille : 1865-1875

8Cette phase de la lutte est beaucoup moins vive, Douai semblant se contenter de ses deux facultés. Lille, par contre, passe à l’offensive et multiplie les démarches. Elle obtient, par décret du 12 novembre 1875, la transformation de son école préparatoire de médecine (fondée en 1854) en faculté de plein exercice, donnant ainsi à la ville son second pôle universitaire après la faculté des Sciences. La même année, les partisans de Lille voient leur argumentation renforcée par l’entrée en scène d’une nouvelle donne qui va constamment servir leurs intérêts. Par la loi du 27 juillet 1875, la création d’universités libres est désormais autorisée et c’est à Lille qu’apparaît très vite un foyer universitaire catholique dynamique. Le quartier Vauban devient un vaste chantier où se multiplient les constructions pour une université catholique qui concentre, dès le départ, l’ensemble des facultés dans la métropole. Dès lors, les partisans d’un regroupement lillois des quatre facultés de l’Etat ont un nouvel argument en leur faveur. La République encore fragile ne peut laisser se développer une institution rivale sans réagir.

La cinquième bataille : 1875-1887

  • 10  ADN, 2 T 626, Mémoires du professeur Viollette (6 mémoires).
  • 11  ADN, 1 T 16/3, Lettre de G. Legrand au préfet Cambon, 26 juin 1886.
  • 12  ADN, 1T 16/3, Lettre du préfet au ministre du 19 juillet 1886.
  • 13  AMD, RI/152.
  • 14  AML, 1 R4/34, Convention du 12 mars 1887.
  • 15  ADN, 2 T 626, Mémoires du professeur Courdaveaux.
  • 16  ADN, 2 T 626, Lettre du 6 juillet 1887.
  • 17  Journal Officiel de la République Française, n° 289, 23 octobre 1887.
  • 18  L’Indépendant de Douai du 25 octobre 1887.

9Douai semble longtemps absente du combat, acceptant la bipolarisation du tissu universitaire. Lille, par contre, ne néglige aucun détail pour plaire aux décideurs parisiens. Dès le 20 juin 1876, le maire Catel Béghin émet le vœu que Lille devienne un centre universitaire complet. Le 21 mars 1877, le conseiller municipal Viollette (doyen de la faculté des Sciences) dépose son premier mémoire en faveur de la concentration lilloise des facultés. Il y vante les mérites de la cité, grande par sa population et par sa richesse10. En mai 1877, une délégation comprenant le sénateur Testelin, les députés Masure et Legrand est reçue par le ministre de l’Instruction Publique. Le combat semble ensuite baisser d’intensité pendant quelques années mais la municipalité n’oublie jamais de manifester sa volonté d’un transfert total des facultés. La lutte reprend en juin 1886. Des étudiants des facultés douaisiennes adressent une pétition au maire de Lille et au ministre pour réclamer le transfert, se plaignant du manque de dynamisme et de l’absence de moyens dans les facultés de Douai. Le conseil académique est saisi de l’affaire mais vote le maintien par huit voix contre quatre abstentions. A Douai, on crie au coup monté et la municipalité lilloise est accusée d’avoir organisé l’entreprise. Le coup porté est cependant très dur. Géry Legrand, le maire de Lille, envoie une lettre au préfet Jules Cambon où il demande officiellement le transfert définitif des deux facultés de Droit et des Lettres11. Le 9 juillet 1886, une délégation douaisienne est reçue par le ministre René Goblet pour essayer de « torpiller » les initiatives lilloises. Jules Cambon, le préfet, adresse un mémoire au ministre mettant en garde le gouvernement contre une décision trop hâtive qui risque d’avoir des répercussions politiques graves dans le Nord. Ce serait un échec personnel infligé au maire républicain de Douai 12 qui ne pourra que démissionner, facilitant ainsi la victoire du camp de la réaction. C’est aussi faire le jeu des adversaires de la République à quelques mois des élections sénatoriales. Au début de l’année 1887, le sénateur maire de Douai, Merlin, envoie une note aux ministres13 où il explique les conséquences néfastes d’un éventuel transfert sur le comportement politique des douaisiens. Le 12 mars 1887 cependant, un grand pas est franchi qui annonce le triomphe lillois. Une convention est signée entre Louis Liard, directeur de l’enseignement supérieur et Géry Legrand. La ville s’engage à construire divers bâtiments universitaires, à loger le rectorat et à subventionner les facultés14 A Douai, la colère gronde ; le maire diffuse des affiches dans la ville qui appellent au calme. Une pétition réunit 10.320 signatures. Une délégation part à Paris rencontrer le président de la République. Mais il est trop tard. Le nouveau ministre de l’Instruction Publique, Berthelot dépose le 26 mars 1887, le projet de décret au bureau de la chambre des députés, ce qui entraîne la démission du conseil municipal de Douai. Les douaisiens multiplient les initiatives tardives. Le professeur de littérature grecque de la faculté, Courdaveaux écrit un second mémoire pour justifier l’implantation douaisienne15. Il participe même à un duel à l’épée qui l’oppose à un journaliste du Progrès du Nord, partisan du transfert. L’affaire est étouffée par le rectorat et une lettre du recteur demande aux autorités d’attendre avant de décider d’une éventuelle sanction16. Un inspecteur du primaire qui a servi de témoin risque également des sanctions. Le 22 octobre 1887, les deux décrets sont enfin signés par le Ministre de l’Instruction Publique et paraissent au Journal Officiel du 23 octobre17. La guerre de trente ans se termine par le triomphe revanchard de Lille. Pour les douaisiens, les décrets sont une infamie, une ombre portée à la République et à la démocratie. C’est par un simple trait de plume que l’on procède à la décapitation de la ville 18 sans même en avoir discuté devant le Parlement. Accompagnés d’un long rapport explicatif du ministre Ernest Spuller, les deux décrets décident le transfert immédiat des facultés vers Lille.

Les facteurs locaux d’explication

10Au cours de cette longue opposition, chaque cité prend la peine de justifier ses positions par une argumentation complète. Nous avons ainsi la définition d’un discours pro-transfert lillois qui s’oppose, point par point, à une doctrine anti-transfert douaisienne. Une véritable bataille de l’écrit accompagne ainsi ce long conflit, chaque camp espérant marquer le point décisif en trouvant l’argument choc.

11Le discours douaisien de conservation. A travers les multiples lettres, mémoires, tracts et pétitions, nous pouvons saisir l’argumentation douaisienne qui vise essentiellement au maintien des acquis. 11 faut noter que jamais Douai ne revendique le regroupement sur son sol de l’ensemble des facultés, se contentant de la répartition bipolaire du monde universitaire nordiste. Six arguments principaux peuvent être isolés qui sous-tendent le raisonnement des douaisiens.

12La tradition universitaire. C’est à Douai qu’est née l’université dès le XVIe siècle et c’est là qu’elle a prospéré. La ville a l’habitude de la vie universitaire ; elle a beaucoup fait pour loger et doter l’université de moyens importants. Des locaux ont été réaménagés ; les subventions municipales sont nombreuses. Lille est trop novice en la matière pour prétendre donner des leçons ou s’imposer comme centre unique.

  • 19  Le Libéral du Nord du 26 octobre 1887.

13Le respect de la parole donnée. Dans de nombreuses rencontres au sommet, et en particulier lors de l’entrevue du 09 juillet 1886 avec le Ministre R. Goblet, les délégués douaisiens estiment avoir obtenu l’engagement que la question ne serait pas tranchée sans un débat réel à la Chambre des députés. Les deux décrets sont dès lors une infamie qui interdit toute discussion publique. L’exécution de Douai comptera parmi les malhonnêtetés gouvernementales les plus célèbres 19.

  • 20  ADN, 2 T 626, Mémoire d’E. Courdaveaux, 18 pages.

14La future défaite républicaine. Douai a beaucoup lutté pour la République et le transfert risque de retourner l’opinion contre le régime car les habitants seront atteints dans leurs intérêts économiques. Le mémoire du professeur Courdaveaux, en 1887, insiste sur ce point. Dépouiller Douai, c’est atteindre dans ses intérêts une grande partie de la population de l’arrondissement. C’est donc désaffectionner de la République une population qui lui a été fidèle depuis 1871 20. Dès 1886, le préfet Jules Cambon avait lui aussi insisté sur le danger politique d’un tel transfert, espérant un report d’au moins dix-huit mois pour laisser passer les élections sénatoriales prochaines.

15L’intérêt pédagogique des universitaires. Il s’agit là d’un argument porteur souvent mis en avant par les quelques universitaires qui entrèrent dans la mêlée pour l’occasion. Le professeur Courdaveaux, le doyen de la faculté de Droit (De Folleville), mais aussi beaucoup de notables municipaux insistent sur la nécessité du maintien de la faculté de Droit à Douai, ville qui est aussi le siège de la Cour d’Appel. Par ce biais, les étudiants en Droit, futurs magistrats, peuvent écouter les réquisitoires et les plaidoyers, bénéficiant ainsi de travaux pratiques gratuits. Beaucoup d’étudiants viennent d’ailleurs de très loin pour s’inscrire à Douai car ils trouvent auprès de la Cour d’Appel des enseignements pratiques, des conseils mais aussi parfois des emplois. Aller à Lille, c’est se priver d’un tel contact quotidien, d’un vivier extraordinaire d’exemples concrets. Les étudiants en Lettres ne peuvent eux aussi que profiter de cette proximité des tribunaux où se marient l’élégance de la forme et la solidité du raisonnement. Art oratoire et rhétorique sont des réalités vivantes à Douai, cité bourgeoise. A Lille, ville industrieuse et moderne, les étudiants perdront cette tradition.

  • 21  Chevalier L., Classes laborieuses, classes dangereuses, Paris, Pluriel, 1984, 729 p.

16La santé morale des universitaires. Douai est encore une petite ville calme et tranquille, respectueuse des traditions, à l’écart du tapage des grandes villes industrielles. Les bonnes mœurs y sont de mise et les étudiants y sont contrôlés, encadrés amicalement par les habitants. Ils doivent compter avec l’opinion et sont ainsi en liberté surveillée, ce qui ne peut être que favorable à leur bonne éducation. A Lille, ils risquent de se corrompre au contact de la grande ville. Avec Roubaix et Tourcoing, Lille compte près de 600 000 âmes qui ne sont pas toutes recommandables. C’est la ville du textile, du commerce et de l’industrie, celle des affaires et de l’argent facile qui concentre une classe laborieuse importante et réputée dangereuse21. Que vont aller faire des étudiants de Droit et des Lettres dans un tel environnement ? Ils sont condamnés à n’y être que des étrangers isolés au milieu d’un monde hostile. Certes, les facultés de Médecine et des Sciences sont déjà à Lille mais elles n’ont pas les mêmes exigences ni les mêmes finalités. A Lille, noyés dans la masse anonyme de la grande ville, les universitaires risquent de se dissoudre et de céder à la tentation, à la vie facile au milieu des assommoirs multiples et des courtisanes. Notons que Douai reprend ici Tune des images forgées au XIXe siècle sur la ville industrielle, nouvelle Ninive des temps modernes. Dans un tel décor et sous un tel climat, même les âmes les mieux disposées pour l’étude risquent de se corrompre. Il faut donc laisser les étudiants de Droit et des Lettres à Douai. C’est une mesure de santé publique.

17Lille, c’est trop loin. Le dernier argument est d’ordre géographique. En allant à l’extrémité septentrionale du département du Nord, on risque de perdre les étudiants qui résident dans le Sud et l’Est de l’académie. Celle-ci regroupe en effet à l’époque les départements du Nord et du Pas-de-Calais mais aussi ceux de la Somme, des Ardennes et de l’Aisne. Douai occupe davantage une position centrale et le transfert risque de faire partir vers la Sorbonne des étudiants qui auront de toute façon à faire une route importante. Dans le même temps, les familles douaisiennes, obligées de songer à un déplacement de leurs enfants, préféreront sans doute les inscrire à l’université catholique de Lille réputée plus stricte. Aller à Lille, c’est donc s’exposer à perdre de nombreux étudiants.

18Le discours revendicatif lillois. Connaissant le corpus idéologique douaisien, les élites lilloises multiplient les contre-offensives et travaillent à saper les arguments conservateurs de la cité rivale. Cinq grands thèmes peuvent être isolés qui fondent leur discours.

  • 22  ADN, 2 T 65, Délibération du conseil académique, novembre 1885.
  • 23  ADN, 1 T 18/5, Lettre de G. Legrand au préfet Cambon, 26 juin 1886.

19La création de grands pôles universitaires. Les facultés vivent depuis trop longtemps dans un isolement néfaste. Chaque laboratoire travaille dans son coin, sans se soucier des autres, ce qui entraîne des dépenses inutiles et surtout un manque de coopération et d’émulation. Le conseil académique du Nord dans sa séance de novembre 1885 insiste déjà sur cette réalité. Un étudiant en droit peut avoir besoin de suivre des cours de médecine générale ; un étudiant en histoire peut s’intéresser aux cours de droit romain. Un futur médecin aura à s’intéresser à un cours de droit criminel ou à travailler des travaux pratiques de chimie. La séparation de notre groupe universitaire fait que cette coordination ne peut être effective 22 Géry Legrand ne cesse de mettre en avant cet argument dans ses multiples courriers. L’intelligence pour se développer normalement a besoin de suivre le progrès de chaque jour dans toutes les branches des connaissances humaines 23 et la division de l’université en deux pôles est un non-sens scientifique. Les facultés des Sciences et de Médecine sont remarquablement implantées à Lille, au cœur d’une ville dynamique et riche. Comme il est inimaginable d’envisager leur transfert à Douai, il faut donc que les facultés douaisiennes viennent à Lille. Cet argument devait s’avérer essentiel dans le combat entre les deux villes. Il reprend en effet l’une des idées les plus chères à Louis Liard et aux réformateurs républicains, à savoir la création de vraies universités regroupant en un même point les facultés d’Etat. Le transfert apparaît dès lors comme un préalable obligé à toute création d’une université dans le Nord.

  • 24  ADN. Idem.

20Le danger clérical. La concentration des quatre facultés à Lille est d’autant plus nécessaire qu’il faut lutter contre la citadelle réactionnaire qu’est l’université catholique créée en 1875. Il importe, dans l’intérêt de la République, d’en combattre la funeste influence 24. Le régime républicain est encore trop fragile et trop jeune pour laisser se développer sans réagir de telles institutions. Les facultés libres ont, dès le départ, regroupé l’ensemble des facultés sur Lille. Elles sont dynamiques et prospères. 11 faut que l’Etat donne à Lille les moyens de lutter à armes égales sous peine de laisser échapper la formation intellectuelle et morale de l’élite de la jeunesse du Nord. Cet argument faisant de la « Catho » un épouvantail et une menace devait fonctionner à merveille, donnant à Lille un avantage considérable dans sa lutte contre Douai.

  • 25  ADN, 2 T 626, Rapport au conseil municipal de Lille, 21/03/1877.

21Le soutien financier. L’enseignement supérieur français, en pleine rénovation depuis 1880, demande de plus en plus de moyens, en matériels, en hommes mais aussi en locaux et en crédits de fonctionnement. L’Etat supporte la plus grande partie de ces charges mais les départements et les municipalités doivent aussi contribuer à son développement. 11 faut donc que l’Etat trouve sur place des relais, des soutiens financiers importants. On pourra ainsi créer des cours spécifiques et loger convenablement les étudiants. Le renouveau ne peut se faire dans de petites villes aux moyens financiers limités. Lille, la métropole du Nord, est la seule cité capable de supporter l’effort financier nécessaire au développement réel d’une université prospère. Le conseiller municipal Viollette insistait d’ailleurs déjà sur ce point dans son premier mémoire de 1877. D’un côté, se trouve une ville de près de 200 000 âmes qui, avec les agglomérations presque contiguës, forme un groupe de population de 600 000 habitants... De l’autre, une cité de 25 à 30 000 habitants serrée dans ses murailles, isolée de toute agglomération... La ville de Douai est-elle en état de supporter les dépenses considérables nécessitées par la construction d’un grand centre universitaire 25. Seule Lille est capable de porter un tel projet. La municipalité dépense sans compter depuis des années pour loger les facultés et développer l’enseignement à tous les niveaux.

  • 26  AML, P. V. du conseil municipal de Lille du 4 juin 1886.
  • 27  Lavisse E., La question des universités françaises : le transfert des Facultés de Douai à Lille, R (...)

22Le déclin douaisien. A ces trois thèmes constructeurs, Lille ajoute deux arguments destructeurs qui ont pour but de saper le travail douaisien de conservation des acquis. Tout est mis en œuvre pour dépeindre des facultés douaisiennes sur le déclin, somnolentes et dépassées. Le 4 juin 1885, le conseil municipal de Lille examine une pétition d’étudiants de Douai qui se plaignent de leur conditions de vie et du manque de sympathie de la population locale26. Douai serait une ville en sommeil, peu apte à accueillir des étudiants. Lorsqu’Ernest Lavisse intervient dans l’affaire du transfert nordiste. il reprend cette idée. L’état des bâtiments universitaires de Douai est déplorable. Ils étaient déjà vieux en 1854… Les locaux d’enseignement y sont très insuffisants… On a logé la bibliothèque universitaire dans l’ancien appartement du doyen de la faculté de droit... Il est vrai que la vieille maison ne risque pas de crouler sous le poids des écoliers27 A Douai, on crie au mensonge et au coup monté, mais Lille marque des points.

  • 28  Spuller E., Rapport au président de la République. 22 octobre 1887.

23L’évolution des effectifs étudiants des deux pôles universitaires. Douai avait mis en avant sa position centrale au cœur de l’académie alors que Lille apparaissait trop excentrée, trop septentrionale. Les élites lilloises s’engagent très vite dans la destruction de cet argument. Manipulant à merveille les années universitaires, comparant les facultés les plus opposées, ils réussissent à montrer que les facultés douaisiennes sont tournées vers le passé. Leurs effectifs sont à la baisse alors que les facultés lilloises connaissent un développement accéléré. Ernest Spuller, dans son rapport au Président de la République reprend ces données chiffrées. La faculté de Droit de Douai qui comptait 983 inscriptions en 1871-1872 n’en compte plus que 430 en 1886-1887. Celle des Lettres ne compte que 90 inscriptions en 1886-1887. Par contre, la faculté de Médecine de Lille qui comptait 523 inscriptions en 1877-1878 en compte désormais 1 054 et celle de sciences 77 en 1886-188728. On ne compare réellement que les deux facultés les plus opposées, celle de Droit de Douai qui décline et celle de Médecine de Lille qui connaît un important développement. Les partisans du transfert s’empressent d’ailleurs de retrouver une année repère très lointaine pour le Droit afin d’accentuer l’effet de chute. On ne donne pas d’effectifs antérieurs à 1886 pour les Lettres bien que les inscriptions douaisiennes connaissent une légère progression. La conclusion est alors très facile. Lille attire les étudiants et elle seule est capable de recevoir un grand centre universitaire.

24Les arguments ne manquent donc pas qui permettent de nourrir la lutte entre les deux cités pendant près de trente ans.

Les causes d’un choix contesté : les raisons d’état

25Les dirigeants républicains, dans cette affaire, prennent la peine d’écouter les notables locaux avant de décider et de justifier leur choix lillois. Le transfert est, en réalité, un remarquable révélateur des intentions et des prétentions républicaines en ce qui concerne l’enseignement supérieur. L’événement est d’ailleurs contemporain d’un vaste effort gouvernemental en vue de moderniser l’université. Il doit être intégré dans une problématique beaucoup plus large qui fait de cette période un des moments clefs de l’histoire contemporaine de l’université française. Trois éléments essentiels viennent, au niveau national, renforcer le discours revendicatif lillois.

A. – La guerre des deux Ecoles

  • 29  Ozouf M., L’école, l’église et la République (1871-1914), Paris, Le Seuil, 1992, p. 55.
  • 30  Prost A, Histoire de l’enseignement en France de 1810 à 1968. Paris, A. Colin, 1968, p. 105.
  • 31  Pour plus de détails, voir Condette J.-E, Les enjeux du transfert lillois de 1887, Op. cit., (les (...)
  • 32  Ménager B., La laïcisation des écoles communales dans le département du Nord de 1879 à 1899. Lille (...)
  • 33  Inauguration solennelle de l’Université catholique de Lille, Ducoulombier, 1877, 84 p.
  • 34  ADN, M 146/5, Voyage de J. Ferry dans le Nord..
  • 35  BML, Fonds Mahieu, Appel aux catholiques des diocèses de Cambrai et d’Arras (1880).
  • 36  Effectifs donnés par M. Bréal dans son rapport au Conseil Supérieur de l’Instruction Publique (23  (...)
  • 37  Rapport d’E. Spuller au Président de la République, 22 octobre 1887.
  • 38  Lavisse E : La question des universités françaises, RIE. 15 décembre 187 ?, p. 17 à 21.

26En 1887, la Troisième République, proclamée le 4 septembre 1870, se sait encore fragile et combattue. Si elle désire s’installer durablement, elle doit conquérir le cœur des français et combattre l’influence du camp réactionnaire et de l’église. Les dangers d’une restauration monarchique soutenue par l’Eglise sont encore trop proches pour ne pas hanter les républicains au pouvoir 29. L’enseignement devient dès lors un enjeu vital. Pour que la République s’enracine, il faut enlever l’enseignement à l’Eglise pour le donner à l’Etat. Les décrets qui décident le transfert lillois s’inscrivent dans un processus beaucoup plus large de développement des institutions scolaires et de laïcisation de l’enseignement. Les lois Ferry de 1881-1882 sont toutes proches et la loi Goblet de laïcisation du personnel n’a pas un an. C’est la conception même de l’école qui est en jeuCe qu’ils fondent, ce n’est pas l’école primaire, c’est l’école républicaine 30. Voulant détacher les esprits et les cœurs de la tutelle encore forte de l’Eglise, le législateur républicain engage une lutte délicate. L’application des lois laïques est en effet difficile et combattue. Plus que l’obligation, c’est la laïcisation qui nourrit la polémique. Le Nord de la France apparaît vite comme une région à la pointe du combat entre les deux Ecoles. Les comités de soutien et les associations de défense se multiplient et mobilisent leurs troupes ; on en appelle à la générosité des habitants ; on organise des messes et des quêtes pour l’Ecole de Dieu ou des kermesses pour l’Ecole du Peuple. La presse locale s’empare du sujet et les tracts se multiplient qui utilisent tous les clichés de la mythologie cléricale ou républicaine31. Cette guerre des deux Ecoles touche essentiellement l’enseignement primaire, enjeu vital de l’éducation du Peuple. Bernard Ménager a bien montré dans son étude sur la laïcisation des écoles communales32 que le département du Nord apparaît comme une citadelle du cléricalisme, comme un bastion dans la lutte contre les lois laïques. La laïcisation entraîne d’ailleurs une multiplication des écoles libres entre 1886 et 1899. Lorsque l’on passe au niveau de l’enseignement supérieur, nous retrouvons le même contexte. La loi du 27 juillet 1875 avait accordé la liberté à l’enseignement supérieur, les facultés libres étant désormais autorisées. A Lille, des cours privés étaient déjà donnés dans diverses salles, bien avant cette décision. Mais avec la loi apparaissent très vite les signes extérieurs de l’influence considérable du camp clérical. Une grande université catholique apparaît qui est solennellement inaugurée le 18 janvier 1877. Son recteur annonce d’ailleurs la volonté de l’institution d’œuvrer à la restauration intellectuelle, morale et religieuse de la région 33. Dès lors, un véritable quartier universitaire catholique se construit qui multiplie les bâtiments prestigieux. Les étudiants de la « Catho » affirment également leur présence dans les rues de la ville par leurs monômes et leurs chants. Lorsque Jules Ferry vient, le 24 avril 1880, poser la première pierre de la future faculté de Médecine, place Philippe le Bon, il est accueilli en gare de Lille par les insultes et les quolibets des étudiants catholiques34. La décision de concentrer à Lille les quatre facultés de l’Etat ne peut être comprise sans l’insérer dans ce contexte de guerre entre les deux Ecoles. Les facultés catholiques apparaissent dynamiques et riches. Les prêtres multiplient les appels à la générosité des fidèles afin de développer ces institutions qui sont un refuge indispensable aux jeunes générations contre un enseignement étranger aux principes éternels 35. Ses effectifs ont tendance à augmenter et l’Etat ne peut y rester insensible. La faculté libre de Droit passe ainsi de 146 à 414 inscriptions entre 1875-1876 et 1885-1886. Celle de Médecine qui comptabilisait 355 inscriptions en 1877-1878, en a désormais 530 en 1885-1886. Pour l’année 1885-1886, la faculté libre des Lettres totalise 23 inscriptions et celle des Sciences, 27. Pour l’année 1885-1886, les inscriptions dans les quatre facultés catholiques sont donc au nombre de 994 soit pratiquement autant que pour les deux facultés publiques lilloises36 La lutte contre les idées cléricales dans le Nord passe donc par une victoire contre l’université catholique qui est jeune, prospère et qui concentre en un même point l’ensemble de ses forces. Les facultés de l’Etat, si elles étaient toutes réunies à Lille, regrouperaient plus de 1 570 inscriptions contre 994 pour ses rivales. La division en deux pôles nuit gravement au combat républicain en affaiblissant le pôle lillois. Le ministre Spuller, dans le rapport qu’il présente au président de la république en 1887 insiste sur ce point : le gouvernement ne peut hésiter. Il le peut d’autant moins qu’à Lille s’est élevée depuis la loi de 1875, la concurrence des facultés catholiques... Devant cette concurrence, le gouvernement doit... concentrer lui aussi... toutes les forces du haut enseignement de l’Etat dans la région du Nord 37. Ernest Lavisse termine lui aussi, en 1886, son long plaidoyer en faveur du transfert lillois par cet argument choc : des partis sont en guerre contre l’Etat et l’Etat fait la guerre à ces partis... Elevons école contre école. Personne ne comprendrait que l’Etat bâtit à grands frais des lycées en face des collèges ecclésiastiques et qu’il n’eût pas son université en face de l’université catholique... Ne faut-il pas nous défendre ? Pouvons-nous lutter si nous demeurons dispersés ? 38 Le gouvernement républicain possédait donc avec cette guerre des deux Ecoles, un argument de poids à opposer aux partisans du maintien de la division en deux pôles rivaux.

B. – Un préalable à la constitution ultérieure d’une université du Nord

  • 39  Liard L., Universités et Facultés, Paris, Armand-Colin, 1890.
  • 40  Beauchamps A. de, Recueil des lois et règlements sur l’enseignement supérieur, tome 4, p. 203 et s (...)
  • 41 – Voir : Condette J.-F., La géographie à la Faculté des Lettres de Lille de 1887 à 1914 : trois déc (...)

27Un second élément vient renforcer le choix des élites parisiennes. Un vaste mouvement en faveur de la restauration de véritables universités fédérant les diverses facultés d’un même ressort académique se développe en France dans ces années 1875-1896 chez les dirigeants républicains et dans les milieux universitaires. Les facultés vivent depuis bien trop longtemps dans l’isolement et cette division est un inconvénient majeur qui empêche le développement de la Science moderne. Le transfert lillois est alors une nécessité scientifique. Le progrès passe par une mise en commun des découvertes et des problèmes, par des habitudes collectives de travail. Un étudiant en Droit peut avoir besoin d’assister à un cours de Médecine ; un étudiant en Lettres peut se rendre au cours d’histoire des Sciences. Seule une mise en commun des recherches et des découvertes, seule une confrontation quotidienne des opinions peuvent faire avancer la Science. Louis Liard, dans son ouvrage paru en 1890, consacre tout un chapitre à cette idée sous le titre : pourquoi il faut des universités : raisons scientifiques 39. La réalité de l’enseignement supérieur français est depuis trop longtemps celle du morcellement, de la faculté considérée comme l’entité de base de l’enseignement. Bien souvent chaque cellule vit sa vie en défendant jalousement ses prérogatives et ses découvertes. Il faut fédérer les facultés entre elles et l’Etat ne cache pas sa volonté de créer, par la loi, de nouvelles universités. Depuis quelques années déjà, le lobby universitaire est au travail et projette la construction de grandes universités capables de concurrencer le modèle allemand. Mais les divers gouvernements se méfient des velléités d’indépendance du milieu universitaire et pratiquent une politique des petits pas. Les décrets du 25 juillet 1885 ont accordé la personnalité civile aux facultés qui peuvent désormais recevoir dons et legs. Un conseil général des facultés est créé qui doit se transformer en un laboratoire de concertation entre les facultés. Le ministre R. Goblet signale ainsi dans le rapport qui accompagne le décret relatif à l’organisation des facultés du 28 décembre 1885 : presque toutes les facultés, frappées des inconvénients qui résultent pour elles et pour l’enseignement, de l’isolement où elles ont vécu jusqu’ici, ont demandé à être groupées en universités... Je n’ai pas cru que le moment fut venu de réaliser une telle réforme40. La mesure lui semble prématurée. L’Etat va devoir se dépouiller de certaines attributions de façon définitive. Il faut tout d’abord que les facultés prouvent leur capacité à vivre et à travailler ensembles au sein du conseil général des facultés. Dans le Nord, ce travail de concertation est forcément nié par la bipolarisation des facultés en deux entités qui se détestent. Le transfert devient, dès lors, un préalable indispensable à la création d’une université septentrionale. C’est aussi une nécessité scientifique pour la France qui doit rattraper son retard sur la recherche et la science allemandes. Dans cette volonté de restauration des universités, la référence allemande est en effet partout présente dans le monde universitaire des années 1880-1900. Outre-Rhin, les universités disposent de bien plus d’autonomie et ont multiplié les séminaires de recherches. Les sciences auxiliaires et les laboratoires sont nombreux et font avancer les connaissances humaines. Le travail est particulièrement avancé en philologie, en histoire et en géographie et les universitaires français sont les premiers à reconnaître la valeur de la science allemande41. Il est donc urgent d’accélérer en France la création de réelles universités qui fédèrent les diverses facultés.

C. – Les raisons nationales

  • 42  Liard L., Universités et Facultés, p. 151 à 166.
  • 43  Idem.
  • 44  Nora P. directeur, Les Lieux de Mémoire, tome 1, Lavisse, instituteur national, p. 247 à 289.
  • 45  Lavisse E., La question des universités françaises, RIE, 15 décembre 1886, p. 23.
  • 46  Lavisse E, Questions d’enseignement national, p. 41.
  • 47  Voir : Condette J.-F, le développement des études d’histoire-géographie à la Faculté des Lettres d (...)
  • 48  Monod G., Introduction au numéro 1 de la Revue Historique, pp. 5 à 38.

28Le dernier argument utilisé pour justifier la concentration des facultés est d’ordre patriotique. La France des années 1880 est encore profondément divisée et la question scolaire a ravivé d’anciennes blessures nées de la Révolution Française. Le régime est encore jeune et très combattu. La République se sait incertaine et mal aimée par une large fraction de l’opinion. L’école catholique forme une jeunesse hostile aux principes républicains. Des plaies mal cicatrisées saignent toujours et le parti monarchiste se sait puissant. Il est, dès lors, indispensable pour les hommes au pouvoir de partir à la conquête des esprits et des cœurs. L’école reçoit ainsi une mission fondamentale de diffusion des valeurs républicaines et nationales. L’accent est bien sûr mis sur l’école primaire qui doit former l’ensemble du peuple français mais les institutions universitaires ne sont pas pour autant négligées. Les étudiants doivent également apprendre un certain nombre de valeurs communes et être conscients de leur mission fondamentale, eux qui pour la plupart se destinent à l’enseignement. Il s’agit bien de former une élite républicaine tout en construisant le savoir national par la recherche. Louis Liard consacre un chapitre entier de son ouvrage Universités et facultés 42 à expliquer les raisons nationales qui exigent la création d’universités en France. Les universités ne sont pas que des foyers de sciences ; elles sont aussi des écoles d’esprit public. Elles doivent en effet jouer un rôle essentiel dans la création et la diffusion d’un sentiment national vigoureux. Les anglais fondèrent des universités à Bordeaux et à Caen pendant la Guerre de Cent Ans pour lutter contre l’influence française. Après le désastre de 1870 et la perte de l’Alsace-Lorraine, les allemands ont développé l’université de Strasbourg comme une forteresse avancée contre l’esprit de la France 43. Les universités ont ainsi une fonction essentielle dans la formation de l’âme des nations. Des étudiants divisés dans divers centres universitaires de petites tailles, dans des facultés en sommeil, ne peuvent prendre conscience qu’ils appartiennent à une nation forte. Seule leur concentration dans de grandes villes universitaires, loin de leur milieu familial, peut donner à la jeunesse le sentiment de leur force et de leurs devoirs envers la patrie. Ernest Lavisse, instituteur national des petits français par son célèbre manuel d’histoire-géographie44 n’oublie pas cet argument dans son long plaidoyer en faveur de Lille. Se référant au modèle allemand et en particulier à l’université de Berlin qu’il connaît bien, Lavisse insiste sur l’importance de l’université dans la constitution, Outre-Rhin, d’un sentiment national très vif après les humiliations subies devant Napoléon Premier. Il nous faut bien, dès qu’il s’agit d’université, regarder de l’autre côté du RhinJe ne crains pas de dire que notre système de défense contre l’Allemagne ne sera complet que le jour où nous aurons bâti de grandes forteresses universitaires 45. De petites facultés rivales et dispersées ne peuvent former durablement la jeunesse du pays et montrer la grandeur de la Nation. L’Allemagne vaincue a trouvé dans ses universités des alliés considérables, grands acteurs de la revanche de 1870. La France, humiliée en 1870 doit faire de même et transformer ses facultés en en foyers dynamiques de diffusion des valeurs républicaines et nationales. La frontière du Nord, par la division néfaste de son enseignement supérieur demeure un maillon faible dans le système de défense idéologique du territoire national ; il faut donc se hâter d’y bâtir une université riche et vivante qui montre la force de la République. Toutes les facultés doivent participer à cet effort idéologique mais celles des Lettres sont certainement les mieux placées pour enseigner les valeurs nouvelles de la République. Il faut se hâter de régénérer l’enseignementpar l’étude approfondie de l’histoire... c’est une œuvre de nécessité publique... ce sont les universités allemandes et les savants allemands qui ont formé l’esprit public en Allemagne. Il fallait relever l’Allemagne humiliée en répandant la connaissance et l’amour de la patrie 46 L’histoire et la géographie sont bien sûr fondamentales à ce niveau47 mais toutes les matières doivent participer à l’œuvre commune. La société française doit être unifiée par le développement de valeurs communes qui ne peuvent être diffusées que par l’Ecole. Il est donc du devoir des universitaires de réveiller dans l’âme de la Nation, la conscience d’elle-même 48.

29Les autorités parisiennes prennent donc le temps de justifier leur décision de transfert. Dans le Nord, deux corps de doctrine se constituent qui cherchent à prouver les bienfaits d’une implantation locale des facultés. Il faut cependant noter la force du travail lillois de justification qui trouve, à Paris, de nombreux relais. S’il faut aller à Lille c’est avant toute chose pour lutter contre l’ennemi intérieur que représente l’université catholique. C’est aussi pour affirmer et diffuser les valeurs de la République laïque et célébrer la grandeur nationale dans une région frontière marquée par l’histoire. C’est enfin pour développer un pôle scientifique dynamique qui unisse les quatre facultés dans un le souci commun du développement de la recherche. Le transfert est de toute façon présenté comme un préalable obligé à la fondation d’une réelle université.

L’accueil des populations nordistes

30La publication des deux décrets au Journal Officiel du 23 octobre 1887 marque ainsi la fin d’un long combat de près de trente ans. Cette fois-ci la victoire lilloise est totale. Douai n’a plus qu’à pleurer ses facultés défuntes.

A. – L’humiliation douaisienne

  • 49  L’Echo de Douai du 31 octobre 1887.
  • 50  Discours de Léon Maurice à la Chambre des députés. 26/10/1887, RIE, année 1888, p. 486 à 495.
  • 51  L’Echo de Douai du 31 octobre 1887.
  • 52  BML, Danchin II/103..
  • 53  Idem (voir les principaux documents concernant les réactions au transfert dans Condette J.-E, Les (...)
  • 54  L’Indépendant de Douai, 25 octobre 1887.
  • 55  Rouche M . Histoire de Douai, p. 230-232.
  • 56  Douai devait finalement obtenir une école nationale d’agriculture, un collège de Jeunes Filles et (...)

31A Douai, l’annonce de la décision fait l’effet d’une bombe. On était persuadé que le transfert n’était pas pour tout de suite et que le projet passerait devant les chambres où l’on espérait pouvoir contrer les initiatives lilloises par l’utilisation d’un réseau d’influence important. Dès la parution des décrets, les professeurs De Folleville (Droit) et Courdaveaux (Lettres) démissionnent du conseil municipal. Le 24 octobre, le comité de défense de Douai adresse à tous les membres de la Chambre des députés une protestation leur demandant de saisir toute occasion pour revenir sur cette décision arbitraire49. Le 26 octobre, Léon Maurice, député de Douai fait un discours au Palais Bourbon où il essaye de mobiliser ses collègues mais il ne semble rencontrer que l’indifférence générale50 Les élites semblent cependant très vite se résigner après de si durs combats. La population de la ville par contre, connaît tout d’abord une période de forte colère. Beaucoup sont indignés. Le mécontentement est ici général contre l’iniquité gouvernementale51. On tente d’organiser la résistance populaire. Un tract intitulé il faut en finir, invite la population à passer à l’action pour soutenir le comité dans son travail de contestation des décrets infâmes. Il faut que par une agitation légale ininterrompue, la population douaisienne appuie les démarches que l’on va tenter 52 De nombreux petits billets, des tracts circulent dans la ville qui demandent une mobilisation des douaisiens. Une grande manifestation est organisée le jeudi 27 octobre au soir sur la place d’armes. Une note manuscrite tente également d’organiser une contre-manifestation le même soir et conseille de venir bien armé53. Mais il n’y a aucun incident et la colère retombe ensuite assez vite même si le ressentiment reste profond. Les journaux de l’arrondissement de Douai multiplient pendant quelques jours les articles accusateurs qui dénoncent le gouvernement et les acteurs du transfert. L’indépendant de Douai du 25 octobre 1 887 décrit la décapitation de la ville et annonce que nous protesterons le bulletin de vote à la main, chaque fois que les urnes seront ouvertes 54. Il semble en réalité que cette sanction électorale fut assez modérée même si elle reste très difficile à mesurer, plusieurs facteurs intervenant au moment du choix électoral. Aux élections législatives partielles de novembre 1887, l’avance républicaine se rétrécie quelque peu. En avril 1888, le Général Boulanger triomphe avec 67 % des voix sur Douai. Ce succès dont les causes sont beaucoup plus générales a été amplifié par le ressentiment des douaisiens55. Les trente années de combat sans merci semblent cependant avoir fortement émoussé les capacités de résistance. Devant le fait accompli, les notables de la ville concentrent leurs revendications sur l’obtention de compensations pour la ville56. Douai venait cependant de perdre la dernière grande bataille universitaire du XIXe siècle finissant. Les décrets du 22 octobre 1887 marquent pour elle la fin de la présence universitaire sur son sol. La fin du XXe siècle, on le sait, devait cependant voir réapparaître un pôle universitaire dans la cité douaisienne.

B. – La joie lilloise

  • 57  ADN, Série O-Lille 5201, Délibération du conseil municipal du 28/10/1887.
  • 58  ADN, 2 T 617, Lettre au recteur du 29/10/1887.

32L’ambiance est bien sûr toute différente à Lille. Certes, il n’y a pas de manifestation de joie populaire. Dans la métropole industrielle, la grande majorité des habitants ignore la question et a des préoccupations quotidiennes beaucoup plus matérielles, conditions de sa survie. Les élites municipales et intellectuelles, quant à elles, se réjouissent de la décision et savourent leur revanche. Très vite, c’est la question des fêtes à organiser pour la rentrée solennelle des facultés, en novembre 1887, qui mobilise les esprits. L’équipe municipale voit grand pour célébrer le triomphe de la cité. Le 28 octobre, le conseil municipal étudie l’organisation des festivités universitaires. Le Ministre de l’Instruction Publique, Ernest Spuller a promis de venir à la cérémonie de rentrée qui est fixée au samedi 5 novembre. Géry Legrand demande alors un crédit exceptionnel de 12 500 francs. Nous projetons d’offrir au ministre, aux représentants de l’enseignement supérieur, au personnel des facultés, un banquet auquel nous associerons les autorités locales, les maires des chefs-lieux d’arrondissement et des principales villes de la région... un gala sera donné au théâtreLe soir, l’hôtel de ville, le théâtre, la préfecture seront illuminés... les salles de réunion devront être décorées... la voie publique pavoisée de mâts depuis la gare jusqu’à la préfecture57. Le conseil municipal à l’unanimité vote la somme demandée et passe les jours qui suivent à organiser la fête dans ses plus petits détails. La liste des personnes invitées s’allonge peu à peu pour devenir impressionnante. L’inspecteur d’académie du Pas-de-Calais doit écrire au recteur pour lui demander quelle attitude adopter face aux multiples demandes d’invitation qu’il reçoit de tous les points du département58. Lille voit donc grand pour son triomphe universitaire.

C. – Le voyage ministériel dans le Nord

  • 59  Voir Condette J.-F., Les enjeux du transfert lillois de 1887, Op. cit., étude des journaux lillois (...)

33La venue du ministre de l’Instruction Publique à Lille pour la cérémonie solennelle de rentrée des facultés devient dès lors un excellent révélateur des sentiments respectifs des populations. La presse locale s’empare de l’événement et décrit de façon minutieuse mais ô combien partiale les moindres faits et gestes du ministre et de son entourage. Le même événement donne ainsi naissance à deux récits antithétiques59 où chaque camp, pour la dernière fois, affirme ses droits et ses rancœurs face à l’adversaire.

  • 60  L’Echo de la Scarpe des 7 et 8 novembre 1887.
  • 61  L’Echo de la Scarpe du 9 novembre 1887.
  • 62  Idem.

34La description douaisienne et antirépublicaine. Pour les partisans de Douai mais aussi pour les opposants lillois à la République, la venue dans le Nord du ministre est un cuisant échec. Les journaux décrivent pendant plusieurs jours une fête ratée. Le traître Spuller et sa clique universitaire (E. Lavisse, L. Liard...) n’ont obtenu que le mépris ou l’indifférence de la population. L’enjeu essentiel du voyage est très vite cerné. Les autorités parisiennes viennent à Lille par le train et la ligne passe obligatoirement par la gare de Douai. Cette dernière devient, dès lors, un point stratégique et la préfecture craint des troubles. De nombreux douaisiens ne cachent pas leur intention d’aller bloquer le train et de chahuter le ministre. Le jour dit, une importante délégation attend le train. A son arrivée, la colère explose. Il a été huéune bordée de sifflets... On a sifflé ce poltron qui n’a pas osé passer sur la voie ordinaire et qui a fait masquer son train par des wagons placés à dessein devant... le poltron craignait pour sa peau... une poussée irrésistible se produit... la porte du milieu de salle est enfoncée ; les carreaux sont brisés... les gardiens sont débordés 60. Le lendemain, le journal douaisien continue son récit de la chevauchée tragique d’un ministre en déroute. Selon les journalistes, le ministre a été mal reçu à Lille. Le cortège officiel est allé très vite par crainte des réactions du peuple. Des ouvriers ont crié Vive Boulanger. On ridiculise également l’aspect physique et vestimentaire du ministre, enveloppé sans grâce ni prestige dans un pardessus et l’on dénonce la boursouflure pédantesque de son verbe 61. Le dimanche soir, après deux journées passées à Lille, le gros roublard et tout le tralala officiel 62 doivent repasser par la gare de Douai vers 18 heures. Sept brigades de gendarmes sont mobilisées et la voie ferrée est gardée depuis le Pont de la Deûle jusqu’à Corbehem, sur plus de cinq kilomètres.

  • 63  Le Lillois du 13 novembre 1887.

35Cette analyse d’un voyage totalement raté est presque intégralement reprise par le Lillois, journal très lié aux milieux catholiques et anti-républicains de Lille. A longueur de pages, le Lillois s’en prend à la République et à ses agents, hommes politiques corrompus. Le 6 novembre, le journal publie une première caricature montrant l’arrivée du gros badois en gare de Lille. Un homme bedonnant, à l’allure sévère et militaire, portant casque et épée sort de la gare de Lille. Géry Legrand et les élites municipales s’inclinent plus bas que terre pour saluer ce ministre-tyran aux allures de soldat prussien. Une seconde caricature paraît dans le journal du 13 novembre 188763. Le cortège ministériel traverse les rues de Lille à grande vitesse sous le regard ébahi de quelques lillois qui ne comprennent pas cette précipitation. La calèche tirée par deux chevaux supporte difficilement un homme énorme (le ministre), entouré du préfet en uniforme et d’un Géry Legrand niais qui salue les passants en levant son chapeau en direction d’un public rare et figé. Autoritarisme et corruption n’ont finalement rencontré que le mépris ou l’indifférence des lillois.

  • 64 L’Echo du Nord du 6 novembre 1887.
  • 65 Idem.

36La description lilloise de la fête universitaire. La description de la venue du ministre est radicalement différente lorsque l’on prend pour référent la presse lilloise. Les 6 et 7 novembre sont alors décrits comme des journées de fête et de liesse. Alors qu’on minimise le léger incident survenu en gare de Douai, on décrit largement l’accueil triomphal que reçoit le ministre en gare de Lille ; Une animation extraordinaire règne depuis ce matin dans la ville... Dans les rues circule une foule endimanchée... Une formidable acclamation : Vive la République, Vive Spuller retentit. Les étudiants ont lancé des hurrahs frénétiques 64. Après la traversée des rues de Lille magnifique ment décorrées et la réception en préfecture, les notable’s se retrouvent à l’hippodrome pour la séance solennelle de rentrée des facultés. La vaste nef est absolument comble. Après une vibrante marseillaise et le discours du maire de Lille, le ministre prend la parole. Il déclare vouloir se placer au des stre prend la parole. II déclare vouloir se placer au d sus des querelles de clochers entre Douai et Lille au nom des intérêts de l’enseignement supérieur français. Lille, ville républicaine a voulu travailler pour la République… Hommes de sciences et d’études, professeurs savants et dévoués, gardez avec une piété tendre et vive les écoles nouvelles qui sont main tenant comme autant de sanctuaires où se conservent avec toutes les grandes idées et tous les nobles sentiments le culte même de la patrie. Ah, l’école ! Voilà désormais le temple de la foi des temps nouveaux... 65.

37La grande messe républicaine, aux dires des lillois a donc bien fonc tionné, rassemblant nombre de fidèles autour du grand prêtre ministériel pour célébrer le culte de Marianne et de l’université d’Etat. Justifié et sacra lisé, le transfert devait maintenant marquer le début d’une nouvelle histoire pour les facultés. Il fallait d’ailleurs songer, tout d’aboud, à la construction de ce santuaire, digne de recevoir les élites intellectuelles de la France septentrionale.

La querelle des deux Ecoles dans le Nord vue par un journal antirépublicain

La querelle des deux Ecoles dans le Nord vue par un journal antirépublicain

Source : BML, Le Lillois du 8 juillet 1 888

Le voyage officiel du ministre selon le Lillois

Le voyage officiel du ministre selon le Lillois

Source : ADN.

Notes

1  L’Echo de la Scarpe du 26 octobre 1887.

2  Voir Condette J.-F, Les enjeux du transfert lillois de 1887, Actes du Colloque de Lille de décembre 1996 (à paraître).

3  Voir G. Dehon, L’université de Douai de 1667 à 1765, Lille, Thèse, 1967, 336 p. mais surtout L. Trénard ; De Douai à Lille : une université et son histoire, Lille, 1978, p. 13 et suivantes.

4  Par exemple : AN, F 17/13500 ; Lettre des douaisiens au Roi en septembre 1825 (retour demandé d’une Faculté de Droit).

5  ADN. 1 T 6/2, Lettre du Ministre au préfet..

6  AN, F 17/13500, Lettres et rapports des douaisiens.

7  ADN, 2 T 20, Mémoire de M. Delaby.

8  AN, F 17/13500, Pétition des douaisiens.

9  Idem, Pétitions de 14 pages (une page comporte environ 60 à 65 noms).

10  ADN, 2 T 626, Mémoires du professeur Viollette (6 mémoires).

11  ADN, 1 T 16/3, Lettre de G. Legrand au préfet Cambon, 26 juin 1886.

12  ADN, 1T 16/3, Lettre du préfet au ministre du 19 juillet 1886.

13  AMD, RI/152.

14  AML, 1 R4/34, Convention du 12 mars 1887.

15  ADN, 2 T 626, Mémoires du professeur Courdaveaux.

16  ADN, 2 T 626, Lettre du 6 juillet 1887.

17  Journal Officiel de la République Française, n° 289, 23 octobre 1887.

18  L’Indépendant de Douai du 25 octobre 1887.

19  Le Libéral du Nord du 26 octobre 1887.

20  ADN, 2 T 626, Mémoire d’E. Courdaveaux, 18 pages.

21  Chevalier L., Classes laborieuses, classes dangereuses, Paris, Pluriel, 1984, 729 p.

22  ADN, 2 T 65, Délibération du conseil académique, novembre 1885.

23  ADN, 1 T 18/5, Lettre de G. Legrand au préfet Cambon, 26 juin 1886.

24  ADN. Idem.

25  ADN, 2 T 626, Rapport au conseil municipal de Lille, 21/03/1877.

26  AML, P. V. du conseil municipal de Lille du 4 juin 1886.

27  Lavisse E., La question des universités françaises : le transfert des Facultés de Douai à Lille, RIE, 15 décembre 1886.

28  Spuller E., Rapport au président de la République. 22 octobre 1887.

29  Ozouf M., L’école, l’église et la République (1871-1914), Paris, Le Seuil, 1992, p. 55.

30  Prost A, Histoire de l’enseignement en France de 1810 à 1968. Paris, A. Colin, 1968, p. 105.

31  Pour plus de détails, voir Condette J.-E, Les enjeux du transfert lillois de 1887, Op. cit., (les combats en chansons autour de ce thème).

32  Ménager B., La laïcisation des écoles communales dans le département du Nord de 1879 à 1899. Lille III, 1979..

33  Inauguration solennelle de l’Université catholique de Lille, Ducoulombier, 1877, 84 p.

34  ADN, M 146/5, Voyage de J. Ferry dans le Nord..

35  BML, Fonds Mahieu, Appel aux catholiques des diocèses de Cambrai et d’Arras (1880).

36  Effectifs donnés par M. Bréal dans son rapport au Conseil Supérieur de l’Instruction Publique (23 mars 1887).

37  Rapport d’E. Spuller au Président de la République, 22 octobre 1887.

38  Lavisse E : La question des universités françaises, RIE. 15 décembre 187 ?, p. 17 à 21.

39  Liard L., Universités et Facultés, Paris, Armand-Colin, 1890.

40  Beauchamps A. de, Recueil des lois et règlements sur l’enseignement supérieur, tome 4, p. 203 et suivantes.

41 – Voir : Condette J.-F., La géographie à la Faculté des Lettres de Lille de 1887 à 1914 : trois décennies de développement des études géographiques dans le Nord, Université des Sciences et Technologie de Lille I. Travaux et documents du Laboratoire de Géographie Humaine, série Etudes n° 14, décembre 1997, 55 pages, Berdoulay V., La formation de l’Ecole Française de Géographie, Paris, Comité des travaux historiques et scientifiques, 1995, chapitre 1, Digeon C., La crise allemande de la pensée française, Paris, PUF, 1959, 568 p.

42  Liard L., Universités et Facultés, p. 151 à 166.

43  Idem.

44  Nora P. directeur, Les Lieux de Mémoire, tome 1, Lavisse, instituteur national, p. 247 à 289.

45  Lavisse E., La question des universités françaises, RIE, 15 décembre 1886, p. 23.

46  Lavisse E, Questions d’enseignement national, p. 41.

47  Voir : Condette J.-F, le développement des études d’histoire-géographie à la Faculté des Lettres de Lille de 1887 à 1914, Revue du Nord, avril-juin 1999, n° 330, 38 pages.

48  Monod G., Introduction au numéro 1 de la Revue Historique, pp. 5 à 38.

49  L’Echo de Douai du 31 octobre 1887.

50  Discours de Léon Maurice à la Chambre des députés. 26/10/1887, RIE, année 1888, p. 486 à 495.

51  L’Echo de Douai du 31 octobre 1887.

52  BML, Danchin II/103..

53  Idem (voir les principaux documents concernant les réactions au transfert dans Condette J.-E, Les enjeux du transfert lillois de 1887, Op. cit., Annexe documentaire de 21 pages.

54  L’Indépendant de Douai, 25 octobre 1887.

55  Rouche M . Histoire de Douai, p. 230-232.

56  Douai devait finalement obtenir une école nationale d’agriculture, un collège de Jeunes Filles et surtout le démantèlement des fortifications.

57  ADN, Série O-Lille 5201, Délibération du conseil municipal du 28/10/1887.

58  ADN, 2 T 617, Lettre au recteur du 29/10/1887.

59  Voir Condette J.-F., Les enjeux du transfert lillois de 1887, Op. cit., étude des journaux lillois et douaisiens et du champ lexical employé.

60  L’Echo de la Scarpe des 7 et 8 novembre 1887.

61  L’Echo de la Scarpe du 9 novembre 1887.

62  Idem.

63  Le Lillois du 13 novembre 1887.

64 L’Echo du Nord du 6 novembre 1887.

65 Idem.

Table des illustrations

Titre La querelle des deux Ecoles dans le Nord vue par un journal antirépublicain
Crédits Source : BML, Le Lillois du 8 juillet 1 888
URL http://books.openedition.org/septentrion/docannexe/image/122525/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 141k
Titre Le voyage officiel du ministre selon le Lillois
Crédits Source : ADN.
URL http://books.openedition.org/septentrion/docannexe/image/122525/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 146k

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