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Les chemins de l’élection. Candidats et élus dans le Pas-de-Calais
p. 115-137
Texte intégral
1Les élections cantonales ont mauvaise presse. Vouée aux gémonies par les thuriféraires de « la modernisation politique », l’institution départementale, l’une des plus vieilles institutions françaises, est frappée du sceau de l’archaïsme. Perçue par ses détracteurs comme « la collectivité de trop » dans le système administratif français, le conseil général accuse les traits communément associés au pouvoir local : personnalisation, faible politisation, localisme, rémanences notabiliaires, poids des lignages, longévité élective, cumul des mandats, absence de renouvellement, vieillissement, faible féminisation... Comme nécrosée, la politique cantonale semble immuablement encastrée dans les pesanteurs du social. Mise à l’abri des grandes secousses électorales par le mode de scrutin et le renouvellement par moitié tous les trois ans de l’assemblée départementale, les élections cantonales semblent se mouvoir dans une temporalité décalée par rapport aux rythmes électoraux nationaux. Les vagues électorales semblent invariablement se briser sur les élections cantonales. Dans les esprits, les conseillers généraux renvoient aux limbes de la Troisième République.
2Le contraste est à ce titre frappant avec les représentations attachées au conseil régional perçu comme une institution moderne, sinon avant-gardiste, laboratoire de nouvelles pratiques politiques. N’est sans doute pas étrangère à ce constat l’exceptionnelle sous-médiatisation, déjà constatée en 1992, dont ont fait l’objet les élections cantonales. Fragmenté en milliers de petites compétitions locales impropres au traitement journalistique, le renouvellement n’a pas attiré les feux médiatiques1. Les duels personnalisés entre « barons » auxquels ont souvent donné lieu les élections régionales étaient sans nul doute plus « porteurs ».
3 Qu’en est-il du Pas-de-Calais ? Plus encore que le Nord, ce département semble à l’abri des soubresauts de la politique nationale. Qui sont les candidats et les élus ? Quelles logiques président à une candidature cantonale ? Quelles sont les modalités d’accès au conseil général ? Telles sont les questions auxquelles nous tenterons d’apporter ici des éléments de réponse.
I – Photographie de la donne électorale
Synopsis de l’offre électorale
4La configuration électorale dans les trente-huit cantons renouvelables du Pas-de-Calais en 1998 est globalement conforme à la scène politique nationale. Le département, avec une moyenne de 5,5 candidats par canton, reste dans la norme nationale, établie à 5,3 candidats en moyenne par canton2. Chaque canton voit s’opposer d’une part les trois formations composant la « gauche plurielle », Parti socialiste, Parti communiste et Verts3, et d’autre part la coalition RPR-UDF et le Front National. Vingt-deux cantons sont marqués par cette configuration pentapartite. En revanche, seize cantons présentent une configuration électorale plus complexe : face aux candidats investis par l’une des cinq formations précitées, des candidats sans étiquette, dissidents ou appartenants à d’autres partis politiques briguent le suffrage des électeurs4.
5Par comparaison, en 1992, le Pas-de-Calais présentait également une configuration de candidatures semblable à celle qui prévalait en moyenne au niveau national. Avec 5,8 candidats par canton, les élections cantonales de 1992 symbolisaient l’éclatement du système de partis traditionnel. En 1998, les cantonales sont donc caractérisées par un léger resserrement de l’offre électorale. Entre les élections de 1992 et les dernières cantonales, des forces politiques, jusque-là « périphériques », se sont vues reconnaître une place de premier plan sur la scène politique. Le Front National s’est institutionnalisé tant sur l’échiquier politique que dans le corps électoral ; il est parvenu sur une grande partie du territoire à supplanter le Parti Communiste, un des piliers de « la bande des quatre » que le parti d’extrême droite a si longtemps stigmatisé. En 1992, le « quadrille bipolaire » demeurait la référence tandis qu’un « sextuor cacophonique »5 s’y substituait progressivement ; en 1998, la partition qui rythme la vie politique n’est plus à quatre temps. Les élections cantonales ne sont alors plus placées sous le signe de l’éclatement, ce dernier s’étant banalisé.
6La présence dans la quasi-totalité des cantons de candidats Verts et Front National vient confirmer une tendance à la nationalisation des forces politiques. Néanmoins, l’hypothèse d’une implantation locale réussie doit être nuancée par les taux de cumul de candidatures cantonales et régionales. Ce taux atteint 68 % au FN ; parmi les candidats écologistes, 21 % sont également candidats sur la liste régionale6. Ces doubles candidatures s’expliquent principalement par la pénurie de candidats potentiels dans ces deux partis, alors que pour le PC, le PS et les partis de la droite « traditionnelle », bien implantés localement, insérés dans de denses réseaux, le double scrutin permet plutôt de gérer la pléthore de prétendants aux candidatures. Qui plus est, pour les candidats dont la victoire est probable, du moins possible, le choix entre le mandat cantonal et le mandat régional se fait en amont de l’élection.
7Si l’on s’attache plus précisément aux dissidences, soulignons que trois conseillers généraux sortants se représentent en 1998 sans l’investiture du parti qui avait contribué à les faire élire en 1992. C’est le cas de Roland Penin, ex-communiste, dans le canton de Calais Sud-Est, Jean Vanrullen, ex-socialiste, à Béthune-Est et Christian Tuaillon, divers droite, à Campagne-les-Hesdin. La prime au sortant, si souvent observée aux cantonales, ne fonctionne pas dans ces trois cas (ces candidats sont battus), comme si la mise à l’écart partisane jetait un trouble sur ces candidatures.
8Sur les 24 candidats non investis par l’une des cinq formations principales, seuls deux ont été élus dont Alain Delannoy à Béthune-Sud, ancien socialiste, divers gauche mais néanmoins soutenu par le parti socialiste qui ne présente pas de candidat concurrent. En conséquence, seul Michel Petit, divers droite, est élu à Beaumetz-les-Loges sans l’une des cinq étiquettes principales et apparemment sans ressource partisane importante. Nous pouvons en déduire que l’étiquette politique et les ressources partisanes constituent des éléments importants de l’éligibilité des candidats. Les ressources auxquelles ces candidats prétendent relèvent d’un autre ordre et leur candidature revêt des investissements et des significations très différents. Les ressorts de ces candidatures « atypiques » feront l’objet d’une analyse plus loin.
9Soulignons enfin que les cantons où les candidats sans étiquette ou dissidents sont les plus nombreux sont des cantons urbains et notamment ceux couvrant les grandes agglomérations telles Béthune ou Calais. Ce dernier cas est particulièrement éclairant : avec huit candidats en lice, le canton de Calais Nord-Ouest détient le record. Cet éclatement de l’offre électorale s’explique en grande partie par l’enjeu très important des élections calaisiennes, particulièrement « disputées ». La campagne y est vive implantation de longue date, ils ne peuvent guère compter sur la longévité pour prétendre l’emporter sans surprise. La perception de cette concurrence accrue, la certitude qu’une candidature peut participer au basculement du canton motivent, semble-t-il, de nombreux prétendants. Les inhibitions des « petits candidats » tendent ici à se faire moins pesantes que dans des cantons où la possibilité de basculement est de fait exclue. Le plus large écho médiatique d’une candidature dans une grande agglomération constitue également un facteur non négligeable rendant compte de cette dispersion de l’offre électorale calaisienne.
Sociographie des candidats et des élus
10Concernant les propriétés sociales des candidats, aucune donnée officielle n’a été établie ; nous avons alors puisé nos informations dans deux sources principales : la presse et quelques données collectées en préfecture ou dans les QG de campagne des partis politiques. Dans de telles conditions, nous ne pouvons prétendre à l’infaillibilité de nos données agrégées. Nous disposons de données pour 90 % des candidats.
Tableau 1 Données relatives à l’âge

Tableau 2 Données relatives au sexe

11Les données relatives à l’âge et au sexe font clairement apparaître un magistère des hommes d’âge mûr ; les jeunes et les femmes sont largement sous-représentés dans la population des candidats par rapport à la population électorale.
12L’âge moyen des candidats est d’environ 50 ans mais masque des disparités partisanes sensibles : alors que les candidats Verts ont en moyenne 44 ans, ceux du Parti Socialiste ont plus de 53 ans. Les candidats frontistes, 47 ans en moyenne, affichent une relative jeunesse. Le rajeunissement de ses cadres et militants est un cheval de bataille pour le Front National ; en présentant des candidats jeunes, le parti d’extrême droite cherche à véhiculer une image de parti moderne et propre à séduire les plus jeunes électeurs. Mais la moyenne d’âge comparativement faible des candidats Front national ne doit pas occulter la répartition réelle par âge de ces candidats. La présence de trois candidats de moins de 25 ans et de cinq autres âgés de 25 à 35 ans fait sensiblement chuter la moyenne globale. Paradoxalement, c’est au Front National que l’on trouve l’un des taux les plus élevés de retraités. Ceci ne constitue pas une spécificité du département, la surreprésentation des retraités parmi les candidats FN aux élections locales est une donnée constante. En fait, comme Grégory Derville l’a établi pour la liste FN aux régionales7, les classes d’âge intermédiaires sont peu représentées.
13La moyenne d’âge des élus (56 ans) est sensiblement plus élevée que celle des candidats (50 ans). La « prime au quinquagénaire » peut s’expliquer par le gage d’expérience et de compétence que la maturité confère au candidat. Le fait que le mandat de conseiller général fonctionne davantage comme mandat de consécration que comme mode d’entrée en politique explique cette moyenne d’âge élevée des élus comparativement à celle des candidats. Le vieillissement8 de l’assemblée départementale est davantage l’effet de la longévité élective et du taux important de reconduction des sortants plutôt que celui d’une entrée tardive au conseil général. Ce sont les conseillers reconduits dans leur fonction qui font augmenter la moyenne d’âge des élus puisque les nouveaux élus, quant à eux, ont en moyenne 50 ans.
14La composition par sexe des candidatures est loin d’atteindre la parité, thème pourtant récurrent dans le débat politique. Sur les 208 candidats, 33 étaient des femmes, soit un taux de 15,86 %. La féminisation des candidatures aux cantonales est largement inférieure à celle constatée aux élections régionales. Presque à contre-pied de la tendance à la féminisation du personnel politique, les cantonales demeurent largement « une affaire d’hommes »... C’est sous les étiquettes FN et Verts que l’on dénombre le plus de candidates. Pour ces organisations, soumises à un turnover important de leurs candidats, la marge de manœuvre pour présenter une femme est sans aucun doute plus grande.
15L’étude de l’offre électorale frontiste aux élections cantonales du Pas-de-Calais offre là encore une spécificité : nous avons dénombré trois couples de candidats. Michel Bracqbien se présente dans le canton d’Audruicq tandis que son épouse, Régine Hennuyer Bracqbien, est candidate à Boulogne-Sud ; les époux Mortier ont choisi quant à eux de briguer les voix des électeurs calaisiens, Raymond Mortier à Calais-Est et Monique Warlop dans le canton voisin de Calais Sud-Est. Enfin, Bernadette Sailly est candidate aux cantonales alors que son époux figure sur la liste régionale du Front National. Cette singularité des candidatures du FN est assez symptomatique de sa difficulté à présenter un candidat dans chaque canton. Par ailleurs, une hypothèse à creuser serait de considérer l’engagement d’un couple dans la campagne électorale comme une stratégie de réassurance militante et identitaire dans un parti où être candidat menace d’anathème9.
16A l’issue du scrutin, 6 élus sont des femmes, soit un taux de 15,78 %. La quasi-équivalence entre taux de candidates et taux de femmes élues témoignent d’une réelle éligibilité des candidates. Il ne s’agissait pas de ce que d’aucun pourrait nommer des « candidatures vitrine »... les femmes sont investies candidates dans des cantons où elles peuvent l’emporter10. Trois de ces six élues sont d’ailleurs parées des habits du conseiller général sortant quasi-inamovible. Odette Dauchet, maire communiste de Carvin, est constamment reconduite dans ses fonctions de conseillère générale depuis 1979. Lucile Bigot entame son quatrième mandat, représentant le canton d’Etaples. Enfin, Danièle Darras, socialiste, est réélue à Liévin depuis 1982.
17La configuration du second tour dans le canton d’Arras-Ouest atteste également de la réelle éligibilité de certaines candidates. Au lendemain du 15 Mars, restaient en lice Denise Bocquillet, candidate sous l’étiquette « majorité municipale », c’est-à-dire officiellement investie par les formations de droite, et Jacqueline Maquet, socialiste. Michel Vastroux ne se présentant pas à sa propre succession, le parti socialiste a saisi l’occasion pour présenter une femme.
18Nous terminerons ce rapide tour d’horizon sociologique des candidats et des élus du Pas-de-Calais par quelques remarques sur leur appartenance socioprofessionnelle.
19Le premier trait saillant qui caractérise ces candidatures est la prédominance des salariés ; 129 candidats sont enseignants, cadres, employés ou ouvriers alors que seulement 26 candidats appartiennent aux professions indépendantes. Si « le conseil général a longtemps été considéré comme l’apanage de trois types de professions, les exploitants agricoles, les industriels et les professions libérales »11, représentant jusqu’au début de la Cinquième République plus de 70 % des élus, force est de constater que le recrutement social des élus, et encore davantage celui des candidats, s’est considérablement diversifié. Cette diversification sociale du personnel politique local a surtout profité aux salariés, représentant 62 % des candidats dans le Pas-de-Calais. Ces données viennent confirmer l’étude d’Annie Laurent et Jean-Louis Thiébault, centrée sur les élus. Ils établissaient que 75 % des conseillers généraux étaient salariés en 1988 contre 45 % en 195812.
20Parmi les salariés, ce sont les enseignants qui sont les plus nombreux. 20 % des candidats sont instituteurs ou enseignent en collège ou lycée. Ce sont les partis de gauche qui recrutent le plus massivement au sein du corps enseignant ; parmi les 41 enseignants que nous avons recensé, 12 sont issus des rangs socialistes, 10 se présentent au nom des Verts et 7 sont candidats sous les couleurs communistes.
21Frédéric Sawicki, dans son étude de la fédération socialiste du Pas-de-Calais, émet certaines hypothèses quant à cette sur-représentation enseignante dans le personnel politique local, dont nous nous inspirons directement ici13. Le statut d’enseignant doit être analysé à l’aune de la sociologie du département. Ce dernier est relativement sous-scolarisé, peu d’opportunités de promotion sociale sont offertes et l’émigration des diplômés y est massive. L’enseignement est alors associé à la détention de capitaux culturels et sociaux élevés. Les professeurs et instituteurs sont auréolés du savoir qu’ils transmettent. La carrière enseignante semble être une voie privilégiée de l’accès à la notabilité locale.
22Aux vues des données établies dans le tableau synoptique des appartenances socioprofessionnelles, la démocratisation du recrutement du personnel politique local est indéniable. Il ne faudrait pourtant pas conclure à « une revanche des classes populaires ». Elles restent largement absentes de la scène électorale. 14 candidats sont ouvriers, soit un taux de 6,7 %, chiffre qu’il faut pondérer à la baisse compte tenu du fait que certains candidats, notamment communistes, déclarent leur statut antérieur à leur promotion militante. Ils sont en fait permanents du parti. D’ailleurs, seuls ces derniers parviennent à se faire élire, tel Yves Coquelle, ancien ouvrier du bâtiment, actuellement maire de Rouvroy. C’est parmi les classes moyennes, cadres, enseignants et employés, que les partis politiques recrutent majoritairement leurs candidats.
Tableau 3 Profil socioprofessionnel des candidats

23En outre, de nombreux candidats, et qui plus est élus, sont des professionnels de la politique, au sens où ils vivent pour et de la politique. Mais ces élites locales ne sont pas majoritairement issues des catégories les mieux dotées en capital social, culturel et financier. La légitimité, voire la notabilité, ne reposent pas principalement sur la fortune ou le niveau de diplôme. Comme le note Denis Lacorne, « c’est la fonction plus que l’origine sociale, la profession ou l’idéologie qui transforme l’élu en notable » 14. Ce sont les ressources politiques et institutionnelles des candidats et des élus qui participent le plus activement à la construction d’une notabilité, davantage relationnelle que positionnelle.
II – Des logiques sociales et politiques différentielles
24Il convient désormais de réinscrire la pluralité des candidatures, le kaléidoscope qu’elles dessinent, dans le jeu politique local pour esquisser une mise à jour, même partielle, « des logiques du recrutement politique » cantonal15. Quelles sont les logiques différentielles au principe d’un engagement dans ce type spécifique de scrutin local ?16
25La notion générale de candidature est trompeuse en ce qu’elle subsume des logiques sociales et politiques très différentes. Toutes les candidatures ne se valent pas et ne résultent pas du même investissement. Tous les candidats n’excipent pas des mêmes ressources. Quoi de commun en effet entre une écologiste « parachutée », un président d’association, un secrétaire de section socialiste et un notable enraciné, médecin de campagne nanti d’une forte « estime sociale » ? A travers ces diverses candidatures, ce qui est en jeu n’est sans doute pas comparable. C’est donc à la diversité des situations et des positions des candidats que l’on s’attachera ici pour contribuer à l’intelligence des filières d’accès au pouvoir local.
26Pour ce faire, le concept d’éligibilité, utilisé dans les travaux de Marc Abélès, semble d’une grande richesse heuristique17. A la faveur de son immersion dans la trame des réseaux du département de l’Yonne, l’anthropologue a bien montré que l’éligibilité, qualité pourtant partagée en principe par tous ceux qui remplissent les conditions légales d’âge et de citoyenneté, n’est en fait conférée qu’à une minorité de candidats. L’éligibilité est avant tout une qualité relationnelle dont sont dotés de manière très inégale les candidats en lice. Ce capital relationnel peut être très différent selon les types de configuration locale et doit, ce faisant, toujours être appréhendé in situ, ce que nous ne ferons que très imparfaitement ici. L’éligibilité procède donc de l’affiliation reconnue et publicisée à l’un des pôles relationnels qui structurent le champ politique local. « Il importe surtout que la société environnante puisse produire une relation entre le candidat et une des configurations dominantes, soit par l’opération de la mémoire, soit par inférence à partir de son entourage »18. C’est cette relation qu’il convient d’interroger.
27Quoique resserrée en 1998, la diversité de l’offre électorale fait problème. L’observateur est en effet frappé par la faiblesse de la concurrence à laquelle les élections cantonales donnent lieu. Au niveau départemental, le basculement à droite n’est jamais présenté comme une hypothèse envisageable. A lire la presse, le seul enjeu saillant du scrutin, le seul changement significatif qu’il peut receler, est le gain de la majorité absolue par les socialistes. Ces derniers doivent pour cela prendre 5 sièges à la droite. L’opposition au conseil général n’est jamais véritablement mise en situation de bouleverser la donne départementale. Sauf dans une petite dizaine de cantons, jugés « sensibles », les élections ne sont pas présentées comme pouvant provoquer des basculements.
28Dans la plupart des cantons, où « la forte personnalité des sortants constitue un contrat d’assurance »19 , la seule question posée est de savoir si le sortant sera reconduit au premier ou au second tour. On peut, pour s’en convaincre, multiplier les commentaires de la presse. « Y aura-t-il un ou deux tours de scrutin ? C’est a priori la seule question que l’on se pose dans le canton du Parcq, tant Joseph Morgant, candidat à sa propre succession, fait figure d’indétrônable depuis 30 ans »20. « Le maire communiste de Rouvroy, Yves Coquelle, semble indétrônable. La surprise, ce serait le ballottage »21. A Arras (canton sud), la presse locale titre : « Des anciens et des nouveaux pour taquiner le sortant. Une élection pour le principe ? ». Au Parcq : « sera-ce encore une formalité ? »22. A Arques, « Michel Lefait risque peu d’être battu ». La Voix du Nord salue dans le bassin minier « le courage des candidats de droite qui s’engagent dans des cantons perdus d’avance »23. En plein cœur de ce bassin, à Avion, le journal communiste peut à juste titre constater : « on ne voit pas qui pourrait empêcher qu’on renouvelle le mandat que Martial Stienne accomplit avec tant de compétence, les formations politiques qui font acte de présence dans ce canton y changent tour à tour de candidat faute de mieux »24. Réduits à « taquiner » les sortants dans des élections où le champ des possibles est d’emblée circonscrit, où le plausible est bien balisé, la plupart des candidats sont confinés dans un statut de figurant, comme condamnés à une intangible impuissance.
29S’ils présentent les divers candidats avec une grande équité, les médias locaux contribuent, tacitement sinon explicitement, à la hiérarchisation des candidatures, lesquelles sont lestées d’un poids très inégal. Les « petites » candidatures sont souvent présentées comme « pittoresques » eu égard aux motivations ou aux itinéraires qui les sous-tendent. Il est aussi très significatif que les « petits » candidats soient enjoints par la presse de justifier leur candidature, de dire à quels titres ils briguent un mandat tandis que la candidature des sortants ou des challengers accrédités, pleinement naturalisée, semble aller de soi et n’appelle en conséquence aucun questionnement. Les anticipations de résultats produits par la presse ne s’appuient pas, comme au niveau national, sur des résultats de sondages mais sur les derniers scrutins, l’investiture et les soutiens partisans, les responsabilités locales, la compétence alléguée, la notoriété des candidats, « la rumeur »... Reste que la labellisation des candidats en favoris, challengers et petits candidats produit de redoutables effets de réalité. Ce sont les candidats eux-mêmes qui mettent en doute publiquement leur propre éligibilité et affichent modestie et réalisme. Le plus souvent, à défaut de véritablement peser, l’ambition affichée est d’être « utile ». « Je pense qu’il faut être réaliste, une élection cantonale n’est pas une élection nationale. Au FN, nous voulons aider les gens, faire des choses vraies et nous n’hésitons pas à nous impliquer partout » (Michel Bracquien, FN, canton d’Ardres). Les candidats communistes de Béthune présentent le même profil bas : « Nous ne sommes pas candidats pour figurer mais pour être utiles ». La candidate des Verts de Béthune (canton est) est tout aussi claire sur ses ambitions : « Si j’ai 5 %, je serai satisfaite car c’est la reconnaissance de l’Etat qui rembourse les frais de campagne à partir de ce seuil. Tout ce que je ferai en plus, ce sera la reconnaissance des électeurs et cela n’a pas de valeur »25. Citons enfin à droite, le témoignage de Bernard Splingart, candidat UDF-RPR, à Carvin : « Nous sommes lucides et pragmatiques. Nous savons que dans un département très à gauche nos chances sont minimes. Pourtant, nous souhaitons être là »26.
30Dans un climat de concurrence aussi atone auquel n’échappent que quelques rares cantons, le nombre des impétrants ne laisse pas de surprendre. C’est que les logiques sociales et politiques présidant aux diverses candidatures sont très dissemblables. On en distinguera trois sans prétendre épuiser la diversité des profils en présence.
« Etre là » : les candidatures de témoignage
31Pour ces candidats pourvus d’une faible légitimité, dont les perspectives de victoire ne trompent personne (et pas eux les premiers), il s’agit surtout de représenter leur force politique, de concourir à son implantation en fidélisant un électorat. Ces candidats ne visent pas à être élus. Leur engagement n’est pas investi de cette finalité. Ce premier type de « petits candidats »27 n’a qu’une étiquette partisane à faire valoir. Leur notoriété est faible. Ils ne possèdent pas la maîtrise d’un territoire qui conditionne une pleine éligibilité pour les cantonales, à la différence des élections régionales28. Leur campagne sera relativement discrète faute parfois de financements conséquents mais aussi surtout de relais militants ou politiques et de logistique dans les diverses communes composant le canton. Assez rarement autochtones, ils sont conduits par la presse à légitimer leur parachutage. Interrogée par Nord-Eclair sur ses attaches locales, Isabelle Peru, candidate des Verts, objecte ainsi qu’il « n’est pas nécessaire d’habiter le canton pour défendre des idées humanistes »29.
32Les candidatures Vertes relèvent de cette catégorie. Les cantonales ne prennent sens pour les écologistes que par leur jumelage avec les régionales qui constituent pour eux un enjeu électoral beaucoup plus important à cause du mode de scrutin et de la présidence écologiste sortante. Néanmoins, les Verts ne seront absents que dans deux cantons. Les candidats aux deux scrutins sont souvent présentés aux électeurs conjointement dans une zone géographique donnée. Les candidatures écologistes s’inscrivent également dans la logique de « la gauche plurielle » qui impose de représenter aux élections locales la gamme des diverses sensibilités composant la coalition gouvernementale. On est candidat pour élargir « l’éventail » électoral. Les intentions exprimées par les Verts à travers un de leurs dirigeants sont claires : « Nous présentons presque partout des candidats pour offrir aux élections la possibilité de voter à la fois pour l’écologie et pour l’un des éléments les plus novateurs de la gauche plurielle »30. C’est paradoxalement sur la suppression de l’institution départementale, « archaïque » que les candidats Verts, souvent candidats aux régionales, font campagne. L’élection cantonale est présentée comme une élection de « notables » consacrés par un mode de scrutin « dépassé » qui est « défavorable » aux partis comme celui des Verts. Voter Vert aux cantonales c’est avant tout exprimer ce message.
33Le Front national, présent dans tous les cantons31, est la formation partisane qui présente le moins de candidats autochtones. Le plus souvent, les candidats frontistes se sont présentés aux dernières législatives en tant que titulaires ou suppléants. Selon un leader frontiste, les cantonales ne sont guère qu’une élection de plus, sans spécificité marquée pour eux. Les candidats n’éprouvent ainsi pas trop de difficultés à passer d’une zone géographique à une autre puisqu’ils sont le plus souvent dépourvus de positions municipales et donc d’ancrage territorial. Pour donner plus de poids à leur candidature et peut être aussi rentabiliser les frais de campagne, le FN présente conjointement les élus aux cantonales (souvent candidats aux régionales) d’une même zone géographique32.
34Les candidatures de « témoignage » ne sont pas l’apanage des partis dits « périphériques ». Les candidatures de la droite parlementaire dans certaines zones du bassin minier relèvent de ce premier type. Le bassin minier fait encore figure de terre de mission pour la droite qui éprouve de grandes difficultés à s’implanter. Présenter des candidats constitue le degré zéro de l’implantation ; or les volontaires ne sont pas toujours légion. « Parachuté » à Barlin, de son propre aveu, Louis Wimille, créateur des clubs Idées-Action dans le Pas-de-Calais, reconnaît « avoir choisi cette implantation parce que personne n’y avait l’investiture RPR-UDF »33.
35Certains candidats de droite ne sont même pas véritablement investis localement faute de militants34. A Avion, dans un bastion communiste inexpugnable, le candidat investi, Stéphane Solarz, a renoncé au dernier moment à se lancer dans une bataille qu’il jugeait sans doute perdue d’avance. Candidat en 1992, il n’avait pas franchi la barre des 10 % (8,91 %). Les communistes apparaissent tout aussi marginaux dans certaines zones rurales.
36Parmi ces candidatures de témoignage, il faut enfin citer les candidats sans étiquette, dissidents ou appartenant à des groupuscules politiques. Pour les divers-gauche, les divers-droite ou autres dissidents, la bataille électorale constitue indéniablement une voie de publicisation des divergences et de médiatisation de la dissidence ; la possibilité qu’offrent les élections cantonales d’afficher une distinction par rapport à la classe politique traditionnelle nous semble être un ressort important de ces candidatures. L’étiquette gaulliste qu’affichent trois candidats est à n’en pas douter un moyen de signifier explicitement que l’héritage du général a été galvaudé par ceux qui en revendiquaient la continuation. La présence de candidats du Parti des Travailleurs peut se comprendre également par l’opportunité qu’offre la campagne de faire connaître les revendications de cette organisation ; celles du Parti de la Loi Naturelle qui présente un candidat dans le canton d’Arras-Sud apparaissent moins clairement. Enfin plus rares, mais non moins significatives, sont les candidatures qui se veulent apolitiques et qui fondent leur légitimité sur la notoriété ou encore sur l’expérience personnelle. Le premier cas correspond le plus souvent à des candidats issus des professions libérales ; misant sur leurs relations de clientèle, ils s’engagent dans l’élection en leur nom propre. L’exercice d’une profession libérale est un atout pour le candidat, par les contacts qu’elle facilite (« la tournée du médecin ») ou suppose et par le symbole de réussite sociale et intellectuelle qu’elle représente. La compétence et le prestige social se substituent à l’engagement partisan pour asseoir ces types de candidatures. L’expérience personnelle peut également pallier l’absence d’étiquette politique. C’est à ce titre par exemple qu’Alain Batilliot se présente dans le canton de Calais Nord-Ouest. Sans emploi, chômeur en fin de droit, il se définit comme « le porte-parole des exclus »35. En créant une association au sigle évocateur, SELF (Solidarité, Emploi, Logement, Famille), il entend donner écho aux revendications concrètes des sans-emploi et des individus en situation précaire.
37Si les chances de ce premier type de candidats sont limitées, force est de constater qu’ils jouent le jeu de la consultation électorale. Ils tiennent leur rôle de candidat, défendent un programme, se mettent en situation de gérer la collectivité départementale et d’en infléchir les grandes orientations.
Des amateurs aux « professionnels de la candidature »
38Selon un deuxième niveau d’éligibilité, un deuxième type de candidatures peut être dégagé. Pour ces candidats, la victoire n’est pas plus plausible, voire toute aussi improbable, mais faire acte de candidature leur permet de consacrer des positions locales déjà acquises, ces positions étant le plus souvent municipales, et sur « le marché électoral » de « garder la reconnaissance du droit à jouer »36. L’élection cantonale est rarement la première expérience électorale à laquelle sont confrontés les candidats. Plus ou moins aguerris, certains sont encore des « amateurs », d’autres de véritables « professionnels de la candidature »37. (55 % des candidats aux cantonales de 1998 ont déjà été candidats à au moins une autre élection, le plus souvent une élection municipale dans une des villes du canton. On observe un phénomène de cumul des candidatures : une candidature aux législatives prédestine à une candidature cantonale qui en appelle d’autres à son tour... Très souvent, les élections cantonales sont le prolongement direct des élections municipales38. Ce constat n’est d’ailleurs pas nouveau39. Le maire de la commune principale est porté « naturellement » à investir ce scrutin. Les candidatures émanent communément de la plus grosse ville ou du chef-lieu. La moitié des candidats exercent une fonction municipale : 20 % sont maires, 11,5 % sont adjoints, 17,3 % sont conseillers municipaux. Un candidat sur deux appartient donc à un conseil municipal. Les responsabilités municipales, par la proximité qu’elles supposent avec la population, autorisent à prétendre à la fonction de conseiller général, « autre mandat de terrain ». En témoigne cette déclaration parmi d’autres d’une candidate à Arras-Ouest : « Impliquée dans la vie publique en tant que conseillère municipale déléguée au logement et aux quartiers Ouest d’Arras, de 1989 à 1995, je ne connais qu’une seule manière de faire de la politique, celle du terrain »40. Ce constat n’implique pas qu’un maire-candidat ou adjoint-candidat soit pour autant pleinement éligible. Seuls quelques élus municipaux peuvent prétendre à la victoire. Faire acte de candidature à des cantonales, c’est d’ailleurs franchir un « cap », passer d’un scrutin de liste à un scrutin uninominal plus personnalisé.
39L’échelon territorial cantonal apparaît donc peu décisif dans la détermination des candidatures. Les candidatures se déclarent le plus souvent sur la base d’un engagement communal et non cantonal. Il est néanmoins à noter que le développement de l’intercommunalité donne une pertinence nouvelle au cadre cantonal qui renvoie pour l’usager à des fonctionnalités émergentes41. Il est ainsi significatif que de nombreux candidats se prévalent de leurs responsabilités intercommunales pour solliciter le suffrage des électeurs. Etre membre d’un SIVOM ou d’un SIVU habilite à s’exprimer au nom d’un intérêt cantonal transcendant les intérêts communaux. De telles responsabilités permettent de surcroît de mettre en avant une compétence technique qui leste un peu plus une candidature.
40Pour ces détenteurs de positions institutionnelles, une candidature aux cantonales permet donc de confirmer et d’enraciner une implantation politique préexistante. L’enjeu dès lors n’est pas l’élection cantonale elle-même (ou alors dans une perspective politique à long terme), mais de prendre date en vue de futures élections municipales, de marquer et de pérenniser une présence, de conforter des positions établies dans une formation partisane ou de neutraliser des rivaux potentiels. Etre candidat, obtenir une investiture, même sans réelles chances de succès constituent parfois un enjeu important, comme dans certaines circonscriptions, pourtant jugées imprenables, où la lutte est souvent âpre pour obtenir l’investiture socialiste. Si une candidature aux cantonales est prisée, il reste que seuls 35 % des candidats de 1992 se sont représentés dans les mêmes cantons en 1998. Le turnover des candidats est donc relativement élevé. Le coût (personnel, matériel, symbolique...) d’une candidature n’est pas à négliger, d’autant plus lorsque les gratifications (un bon score, une bonne campagne...) ne sont pas forcément substantielles.
Les éligibles, les élus, les sortants
41Il faut du temps et de la persévérance pour accéder pleinement au statut d’éligible. Rares sont ceux qui peuvent prétendre sérieusement entrer au conseil général.
42Les candidats crédibles sont presque toujours maires. S’ils ne sont pas sortants, ils défient rarement pour la première fois l’élu en place. S’ils sont vaincus, il leur faudra demeurer l’adversaire privilégié, le challenger patenté au prix d’un travail politique incessant42. Léon Copin, maire de Noyelles-les-Vermelles, guigne pour la cinquième fois le canton de Cambrin. Ce ne sera toujours pas la bonne. Il restera entre les mains de la droite. Claude Galametz, conseiller régional, ancien maire du chef-lieu de canton, est candidat pour la troisième fois à Lillers. Il ne sera pas plus chanceux. Le candidat challenger garde souvent son statut d’adversaire privilégié quand il est le maire de la plus grosse ville. Tout se passe comme s’il ne pouvait pas ne pas se lancer dans la bataille électorale sauf à mettre en cause son propre leadership dans sa commune. Citons ici Jean Picqué (PS) maire d’Avesnes le Comte, chef-lieu de canton, pour la troisième fois opposé à Louis Petit. Parfois, les élections donnent lieu à de véritables duels ritualisés qui peuvent être très concurrentiels. C’est le cas à Desvres où Brigitte de Prémont, sortante, est opposée à Michel Sergent, sénateur et maire socialiste du chef-lieu depuis 19 ans. Michel Sergent l’avait emporté en 1979 et 1985. Il avait perdu son siège en 1992. Il le retrouve à l’issue d’un quatrième face à face en 1998.
43Lorsque le fief est vraiment réputé imprenable, les ambitions sont moins promptes à se déclarer. Il est alors plus aisé de renouveler les prétendants. Les grandes formations concentrent leurs efforts de communication sur ces cantons pour accréditer leur volonté de changement, de renouvellement, de rajeunissement... Dans le canton d’Ardres, détenu depuis 1973 par la droite, le PS a investi un candidat novice qu’il présente comme tel, candidat pour la première fois à une consultation électorale. A Carvin, dans un canton très difficile pour elle, la droite alterne un candidat de Carvin et un candidat de Libercourt, les deux seules villes du canton conformément à une « règle non écrite » mais bien enracinée43. Le maire d’Etaples, Marcel Guerville, candidat en 1992, renonce à se présenter en 1998, il laisse la place à un de ses adjoints.
44Si la conquête d’un mandat de conseiller général demande de la patience, elle n’en représente pas moins un investissement fructueux à long terme. Rares sont en effet les revers électoraux pour les sortants et longues les carrières électives. 77,15 % des sortants candidats sont élus en 1998. Moins d’un canton sur cinq passe de gauche à droite ou de droite à gauche. Ce sont les retraits volontaires ou les décès qui mettent le plus souvent un terme aux carrières départementales. Seuls trois sortants ne se représentent pas. Léandre Létoquart renonce à se représenter pour raisons de santé. Si à Béthune-Sud, Bernard Seux, élu récemment député-maire de Béthune, ne se représente pas, c’est uniquement pour cause de cumul de mandats. Seul Michel Vastroux, ancien directeur de cabinet de Léon Fatous, a renoncé au canton d’Arras-Ouest, après la victoire de la droite aux municipales de 1995.
45La durée moyenne des mandats tend dans notre population à augmenter. La stabilité des mandats est une des caractéristiques de la fonction de conseiller général44. A l’inverse de ce constat, Annie Laurent et Jean-Louis Thiebault constataient en 1988 qu’étaient « rares les conseillers généraux qui se maintenaient en place pendant très longtemps ». On ne peut plus soutenir une telle assertion dix ans plus tard. A la suite des résultats, en effet, 3 élus entament leur 6e mandat ; 9 élus entament leur 4e ou 5e mandat ; 7 élus entament leur 3e mandat ; 7 élus entament leur 2e mandat.
4647 % des conseillers généraux de 1988 détenaient leur mandat depuis seulement 6 ans. Seuls 26,3 % des conseillers généraux de 1988 siégeaient depuis plus de deux mandats. La durée moyenne du mandat de l’ensemble des conseillers généraux en 1988 était de 7 ans et 6 mois, elle est en 1998 de plus du double sur la moitié renouvelée de l’assemblée départementale. La longévité des mandats tend donc indéniablement à s’accuser dans le Pas-de-Calais.
47La presse, on l’a vu, n’escomptait pas de grandes surprises du scrutin cantonal. Ses prévisions se révéleront justes pour la plupart d’entre elles. Les titres de presse du lundi témoignent avec éloquence de la relative monotonie d’élections qui ont tourné le plus souvent au plébiscite : « Vimy : Lancry, réélu sans surprise », « Joseph Morgant retrouve très facilement son siège », « Jean-Claude Bois : en route pour 32 ans », « Jean-Marie Picque rempile pour six ans », « Marcel Wacheux en reprend pour six ans », « Dominique Dupilet : haut la main ! », « Alain Oguer plébiscité ! »... Agrégeant les résultats, La Voix du Nord peut constater avec un certain fatalisme : « on prend (presque) les mêmes et on recommence », « les équilibres ne varient guère ». Le Pas-de-Calais semble à l’abri des vagues électorales.
48La stabilité est encore renforcée par la transmission des mandats au sein d’une parentèle, phénomène couramment observé au niveau local. Le canton a toujours constitué un élément d’emprise politique locale des grandes familles45. Fortes d’un capital patronymique accumulé au fil des ans et attaché de manière indissociable à un territoire, certaines familles se sont durablement appropriées le canton comme d’un bien patrimonial. A travers un mandat s’incarne, au-delà de ses titulaires, la pérennité d’une lignée qui a marqué la communauté locale. En dépit de sa forte stigmatisation au regard de l’idéal démocratique, ce phénomène, loin d’être résiduel ou de constituer une survivance, perdure tout comme d’autres formes de pratiques politiques perçues comme « archaïques », tel le clientélisme. Les partis politiques l’ont récupéré pour le contrôler et en tirer un meilleur parti. En 1991, sur l’ensemble des élus, 5 conseillers généraux étaient dans la situation d’héritier biologique direct ou indirect, « porteurs d’un nom attaché à un lieu », trois à gauche, deux à droite46.Sur notre échantillon, on peut observer trois cas de ce type. On ne fera ici que les mentionner faute d’analyser les usages politiques concrets qui sont faits localement de la parenté. A Etaples, en 1981, c’est le frère et la veuve du conseiller général défunt qui concluent un accord de partage : à la veuve, Lucile Bigot, revient le canton, au frère le soin de conserver la mairie47. Madame Bigot est inamovible depuis cette date et personnalise la défense des intérêts d’un territoire auquel elle est totalement identifiée. Elle est élue au premier tour en 1998. Depuis 1965, le canton est attaché au nom de famille de manière dynastique. Ces transmissions familiales ne sont pas l’apanage de la droite dans le Pas-de-Calais. A Vitry en Artois, Martial Stienne succède à son père en 1979, à l’âge de 32 ans. Il est réélu facilement en 1998. Depuis 1967, le mandat est détenu par un membre de la famille48. Les liens ne sont parfois pas directs. Danielle Darras, députée européenne, adjointe de Liévin, conseillère générale, est la nièce par alliance de l’ancien député-maire-conseiller général de la ville, Henri Darras, décédé. Elle a par ailleurs été son assistante. Si ce lien est peu connu, si l’élue en joue peu et reste dans les mémoires « l’ancienne collaboratrice avant tout », il n’en demeure pas moins que le patronyme demeure une ressource électorale non négligeable. Pour prendre la pleine mesure de la dévolution successorale au niveau cantonal encore faudrait-il analyser les cas de succession par cooptation ou par parrainage qui sont tout aussi fréquents. La filiation adoptive d’un père et tuteur politique permet de naturaliser la candidature du successeur déclaré et de le doter d’un potentiel renforcé d’éligibilité. La parenté, fut-elle symbolique, impose une fois encore sa prégnance et tempère le jeu de la concurrence électorale. Ne donnons qu’un exemple. Léandre Létoquart, précédemment évoqué, conseiller général communiste depuis 1959, laisse la place à Jacques Robitail, maire de la ville. En 1990, il lui avait déjà transmis la mairie d’Avion.
49Le cumul des mandats explique en partie cette exceptionnelle longévité élective. Par un mécanisme déjà analysé ailleurs49, les différents mandats se consolident mutuellement de sorte qu’œuvrer pour un mandat, c’est œuvrer pour l’autre. Etre élu légitime, naturalise la prétention à exercer un autre mandat. C’est la complémentarité administrative des mandats qui sert de mode de justification au cumul : le maire a besoin du conseiller général, le conseiller général a besoin du maire. Dans certains cantons, la victoire du conseiller général est assurée grâce au seul score réalisé dans la commune dont il est le premier magistrat. L’analyse du cumul des mandats détenus par les conseillers généraux fait apparaître que ce n’est qu’exceptionnellement que l’on entre en politique par le mandat départemental, et que ce mandat est rarement le seul à être exercé. Plus de la moitié des élus sont maires (52 %). 31,5 % sont maires du chef-lieu de canton ou de la plus grosse ville. 29 % des élus sont adjoints ou conseillers municipaux. Seuls donc 19 % des élus n’appartiennent pas à un conseil municipal (ils étaient 6 % en 1988 sur l’ensemble de l’assemblée départementale). A titre de comparaison, pour l’assemblée départementale dans son intégralité, en 1988, il a été établi que 86,7 % des élus étaient membres d’un conseil municipal au moment de leur élection 50. C’est là la confirmation que le mandat de conseiller général vient consacrer une notabilité préexistante51. 21 % des élus sont titulaires d’au moins un des mandats suivants : conseiller régional (2), député (2), sénateur (1), député européen (2). Cinq conseillers généraux cumulent trois mandats (Jean-Claude Bois, Jean-Louis Cottigny, Danielle Darras, Michel Lefait, Michel Sergent) : mandat de parlementaire (deux députés, un sénateur, deux députés européens) et mandat municipal (deux adjoints, trois maires). Ces cumulants, tous socialistes, ont pu conserver leur mandat de maire, la loi de 1985 ne concernant que les maires des villes de plus de vingt mille habitants et les adjoints des villes de plus de cent mille habitants. La perspective d’une limitation plus drastique du cumul n’a pas découragé les candidatures tandis qu’elle a manifestement plus pesé sur les arbitrages des états-majors partisans pour les régionales52.
50De l’étude des élections cantonales émerge donc la figure du « maire-conseiller général » de ville moyenne, centrale dans ce qu’on a pu appeler « les élites intermédiaires locales ». Le cumul des mandats s’organise rarement autour du binôme député-conseiller général. Dans le cursus honorum local, le mandat départemental n’apparaît plus comme une étape, un lieu de passage quasi obligé jalonnant le chemin vers la conquête d’un mandat parlementaire comme on a pu le constater53. Loin d’être un tremplin vers des ambitions supérieures, une victoire au conseil général consacre bien plutôt un point d’arrivée dans une carrière politique locale. Un conseiller général n’est plus un parlementaire en puissance ou rarement. On peut aisément comprendre dans ces conditions que les conseillers généraux en place soient aussi enclins à garder à tout prix leurs positions établies. Cette évolution tend à renforcer l’homogénéisation du personnel politique départemental qui apparaît comme de plus en plus spécifique.
51Le registre de légitimation avancé par les élus en place et souvent cumulants renvoie au rôle d’intercesseur, de courtier, caractéristique du notable traditionnel qu’ils ont acquis grâce au cumul et à la longévité élective. Les élus sortants font très souvent campagne sur les subventions que leur action a permis d’obtenir. C’est donc l’intérêt du canton qui prime sur l’intérêt général départemental, qui apparaît comme une notion très abstraite. Jean Weppe estime ainsi à « 1,4 milliard » le montant des subventions accordées à son canton grâce à son action54. René Lapotre déclare avoir « privilégié dans son mandat le travail à Arras dans les commissions et les sessions, plutôt que le serrage de mains sur le terrain : c’est peut-être moins efficace pour la popularité mais plus productif pour les dossiers ». Des dossiers dont il chiffre les subventions sur son canton à plusieurs dizaines de millions de francs55. Ces subventions ne doivent bien-sûr pas leur raison d’être à la seule action de l’élu qui se livre ici à un travail symbolique d’imputation56.
52Très peu d’élus passent ou sont passés dans la population considérée de maire-conseiller général à député. D’abord, parce que la loi sur le cumul le plus souvent les en dissuade (ils parviennent néanmoins parfois à s’en accommoder). Ensuite parce qu’il faudrait alors en découdre avec un élu sortant de son propre camp, feudataire contrôlant la plupart des cantons de sa circonscription. Ce pari risqué est rarement relevé. On ne s’enhardit pas contre celui à qui l’on doit parfois en partie son mandat ou qui vous accorde une précieuse protection57. Les maires de villes de plus de 20 000 habitants ont abandonné le plus souvent leur mandat de conseiller général à la faveur de la loi sur le cumul de 1985. Il est significatif à cet égard que les maires d’Arras, de Béthune, de Boulogne, de Calais, de Lens, de Liévin, pour ne citer que ces villes, ne siègent pas au conseil général du Pas-de-Calais. Il leur est sans doute apparu plus rentable politiquement de conserver leurs positions municipales. Ces édiles veillent néanmoins très attentivement à contrôler les conseillers généraux de leur ville, souvent membres du conseil municipal, et à assurer leur réélection en parrainant par exemple leur candidature. Le maire centriste d’Arras, Jean-Marie Vanlerenbergue, conseiller régional, a ainsi mis tout son poids dans la bataille cantonale. Deux de ses adjoints se présentent dans les trois cantons renouvelables du chef-lieu du département. C’est au maire qu’incombe la tâche de les présenter aux électeurs lors d’une conférence de presse dès le mois de février58. L’enjeu est de taille puisqu’il s’agit pour le maire de consolider la victoire acquise en juin 1995 de haute lutte dans une citadelle socialiste. La victoire de Denise Bocquillet conforte les positions municipales et consacre la structuration d’une véritable entreprise politique locale à droite dans la ville de Guy Mollet. Là encore, les cantonales ne sont que le prolongement des élections municipales.
*
53A l’aune des quelques données exposées dans cette étude, il serait anachronique d’affirmer que « les conseillers généraux fleurent bon la Troisième République »59. L’emprise des partis politiques sur les candidatures a profondément modifié les modes de recrutement politique locaux. L’investiture partisane ne peut être une condition suffisante mais est devenue un des attributs nécessaires de l’éligibilité. Si la notabilité demeure une catégorie pertinente pour comprendre le statut de conseiller général, celle-ci se construit selon des ressources et des modalités très différentes que celles qui prévalaient durant la « République des notables ».
Notes de bas de page
1 Consciente de cette sous-médiatisation, la très influente Association des présidents de conseils généraux a demandé que les prochaine cantonales soient couplées avec les élections municipales (La Croix, le 27 Février 98).
2 A l’échelle nationale, il a été dénombré 10771 candidats pour 2038 sièges de conseiller général renouvelables.
3 Rappelons que le Mouvement des Citoyens a signé un accord pour des candidats communs avec le PCF.
4 Notons au passage que Lutte Ouvrière ne présente aucun candidat pour ces élections.
5 Garraud P. « Le kaléidoscope des candidatures et des campagnes », dans Le vote éclaté. Les élections régionales et cantonales des 22 et 29 mars 1992, Paris, Presses de Sciences Politiques, 1992.
6 Dans les autres formations politiques, le taux de cumul des candidatures ne dépasse pas 10 %.
7 Nous renvoyons ici le lecteur à la contribution de Grégory Derville dans le présent ouvrage.
8 A titre de comparaison, la moyenne d’âge de l’ensemble des élus départementaux en 1988 s’établissait à 51 ans et 7 mois. Laurent, Thiebault, « 1958-1988 : les conseillers généraux, 30 ans après », Les Cahiers du CRAPS, n° 6.
9 Sur ce thème, nous renvoyons aux réflexions stimulantes consacrées aux identités partisanes totales. Pudal, « Les identités totales : quelques remarques à propos du Front National », in Chevallier (J.) (dir.), L’identité politique, Paris, CURAPP, PUF, 1994.
10 En revanche, Grégory Derville a souligné la nécessité de rapporter le taux important de candidates sur les listes régionales au taux beaucoup plus faible de femmes élues, les candidates figurant le plus souvent en position inéligible.
11 Criqui E. Le personnel politique local, Nancy, Presses universitaires de Nancy 1987.
12 Laurent A., Thiebault J.L., Op. cit.
13 Sawicki S. Les réseaux du parti socialiste. Sociologie d’un milieu partisan, Paris, Belin, 1997.
14 Lacorne D. Les notables rouges, Paris, Presses de la FNSP, 1980.
15 Gaxie D. « Les logiques du recrutement politique », RFSP, 30, 1, 1980.
16 Pour les reconstituer, il faudrait procéder à l’administration d’un questionnaire ou à des entretiens qualitatifs. Pour être candidat, il faut d’abord se percevoir comme tel avant d’être perçu de la sorte. Nous nous appuierons ici plus simplement sur les informations et les propriétés sociales et politiques que les candidats ont données à voir essentiellement à travers la presse. La tâche n’est pas facile tant les configurations locales (rural/urbain...) sont diverses.
17 Abeles M. Jours tranquilles en 1989. Ethnologie politique d’un département français, Paris, Odile Jacob 1989.
18 Abeles M., op.cit.
19 La Voix du Nord, le 13 mars 1998.
20 L’Abeille de la Ternoise, le 6 mars 1998.
21 La Voix du Nord, le 10 mars 1998.
22 La Voix du Nord, le 10 mars 1998.
23 La Voix du Nord, le 21 février 1998.
24 Liberté, le 20 février 1998 ; nous soulignons.
25 Nord-Eclair, le 24 février 1998.
26 La Voix du Nord, le 28 février 1998.
27 Loin de porter un jugement de valeur, nous ne faisons ici qu’enregistrer l’appréciation des médias comme des candidats eux-mêmes qui s’autodéfinissent de la sorte. C’est cette représentation qui compte dans l’interaction électorale. Parler de « petites » candidatures de « témoignage » ne revient pas à les dépouiller de toute signification politique.
28 Nay O. « L’institutionnalisation de la région comme apprentissage des rôles », Politix, 38, 1997. Certains candidats aux régionales tentent, sur le modèle de leurs homologues départementaux, de s’approprier un territoire. Ils font alors campagne avec les candidats aux cantonales de leur bord et se présentent comme les candidats aux régionales de « la région de Calais, de Béthune... ».
29 Nord-Eclair, le 2 mars 1998.
30 La Voix du Nord, le 3 février 1998.
31 C’était déjà le cas en 1992 dans le Pas-de-Calais. Au niveau national, le FN a fait un effort tout particulier pour être représenté dans la quasi-totalité des cantons. 1916 candidats frontistes seront présents dans les 2038 cantons renouvelables. Cf. Libération, le 13 mars 1998 et Le Monde, le mardi 24 mars 1998. Les élections cantonales, par la prime assurée aux notables, sont très défavorables aux formations politiques nouvelles. Voir sur ce point l’analyse de Colette Ysmai., Le Figaro, le 24 février 1998.
32 Un exemple parmi d’autres tiré de la presse : « C’est sous la présidence d’Eric Ioro, tête de liste des régionales, qu’a eu lieu samedi soir la présentation officielle des candidats du FN aux élections cantonales de Calais » (Nord-Littoral, le 17 février 1998). Le FN n’est pas le seul parti à entretenir la confusion entre les élections cantonales et régionales qui a participé, lors de la campagne, du manque de lisibilité des deux collectivités territoriales. A Calais, les candidats aux divers scrutins sont présentés au siège du PS. Roland Huguet sillonne le département en qualité de président du conseil général, et donc leader de la majorité socialiste départementale, et tête de liste aux régionales au Pas-de-Calais. Son discours épouse peu les spécificités institutionnelles des deux collectivités.
33 La Voix du Nord, le 5 mars 1998.
34 La procédure de l’investiture par les militants est beaucoup plus fréquente à gauche qu’à droite.
35 Nord-Littoral, samedi 14 février 1998
36 Gaxie D., Lehingue P. Enjeux municipaux, Paris, PUF, 1984.
37 Criqui E. Le personnel politique local, op.cit.
38 A Calais-Est, par exemple, la campagne présente de grandes similitudes avec la dernière élection municipale à Marck, commune qui regroupe près de la moitié de l’électorat du canton. Trois candidats aux cantonales s’étaient affrontés lors de ces municipales.
39 Florin J.P. « Contribution à une histoire des chemins du pouvoir sous la troisième République : les conseillers généraux du Nord, du début du siècle à la veille de la seconde guerre mondiale », Revue du Nord, 302, 1993.
Marchand M.H. Les conseillers généraux en France depuis 1945, Paris, Armand Colin, 1970.
Renoncourt R. « Les conseillers généraux du Pas-de-Calais de 1871 à 1914 », Revue du Nord, n° 302, 1993.
40 Tract électoral de Jacqueline Macquet.
41 Gaxie D. « Les chemins tortueux de l’intercommunalité », dans Le Saout R. (dir.), L’intercommunalité, logiques nationales et enjeux locaux. Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1997.
42 Pour Marc Abeles (op. cit.), l’étude de « l’impouvoir », qui invite à penser en négatif l’activité politique, offre des perpectives fécondes de connaissance.
43 La Voix du Nord, le 28 février 1998.
44 Marchand M.H. Les conseillers généraux en France depuis 1945, op. cit., p. 53
45 Criqui E. « Le canton en héritage », dans Patriat C., Parodi J.L., L’hérédité en politique », Paris, Economica 1992.
46 LAURENT A. « La magie du nom. Auto-regards des héritiers d’aujourd’hui. Les conseillers généraux dans le Nord/Pas-de-Calais depuis 1958 », dans Patriat C., Parodi J.L. (dir.), L’hérédité en politique, op. cit.
47 Ce dernier échouera à l’élection municipale partielle.
48 Liberté, le 20 février 1998. La presse, loin de disqualifier ce mode de dévolution du pouvoir cantonal, s’en félicite au nom du respect de la tradition, de la continuité et du « travail bien fait ».
49 Meny Y. « Le cumul républicain : la démocratie réduite aux acquêts », Revue politique et parlementaire, n° 991, 1997.
50 Laurent A., Thiebauet J.L. « 1958-1988 : les conseillers généraux 30 ans après », op. cit.
51 Pour l’établir encore plus fermement, il faudrait calculer le pourcentage de conseillers généraux membres d’un conseil municipal, au moment de leur première élection, calcul auquel nous n’avons pas pu procéder dans le cadre de cette étude.
52 La Croix, le 27 février 1998.
53 Criqui E. Le personnel politique local, op.cit.
54 La Voix du Nord, le 4 mars 1998.
55 Nord-Littoral, le 4 mars 1998.
56 Les candidats challengers mettent en avant également ce rôle de courtier : J.L. Fovet à Arques, espère, s’il est élu, « attirer des subventions inespérées » pour sa ville (La Voix du Nord, le 4 mars 1998.). Joêl Pentier à Camapagne-les-Hesdin définit le conseiller général comme « un représentant de commerce qui va défendre à Arras les dossiers pour réaliser les projets communaux ». Le candidat socialiste voit dans le budget départemental une « galette à partager » entre 77 cantons. « S’il y a un absent, ceux autour de la table vont d’abord lui garder sa juste part. Mais si cette absence se prolonge, les autres vont tranquillement manger sa part » (La Voix du Nord, le 5 mars 1998).
57 En dépassant une simple analyse positionnelle du cumul des mandats, il faudrait analyser plus systématiquement sans doute l’emboitement des entreprises politiques locales en France et le tissu des interdépendances qui en sont au principe.
58 La Voix du Nord, le 3 février 1998.
59 La Croix, vendredi 27 février 1998.
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Des roses en mars
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