Deuxième partie. Un clergé entre l’indépendance et la soumission 511-614
p. 67-149
Texte intégral
II. – 1. L’enjeu des élections épiscopales
1A la mort de Clovis « ses quatre fils, Thierry, Clodomir, Childebert et Clotaire recueillirent le royaume et le partagèrent entre eux, tenant la balance égale »1. Les civitates, considérées comme des portions de revenus fiscaux et des circonscriptions militaires, furent dévolues au gré des successions à l’un ou l’autre prince2. Ce système de division eut des effets désastreux sur l’organisation des provinces de Tours, Sens et Reims, dont les métropoles perdirent le contrôle des cités suffragantes pour plus d’un siècle et demi3.
La disparition des métropoles
2Lors du premier partage, le royaume de Clodomir, avec pour capitale Orléans, s’étendait d’un seul tenant de part et d’autre de la Loire et englobait la moitié de la province de Tours ainsi que celle de Sens – à l’exception de Paris. Le décès du roi, au cours d’une expédition contre les Burgondes, le 21 Juin 524 à Vézéronce4, entraîna une répartition de ses possessions entre ses frères, après qu’ils se soient impitoyablement débarrassés de leurs neveux5. Clotaire 1er obtint la civitas de Tours, celle de Poitiers et la moitié de celle de Nantes, reliées à une partie de la province de Reims qui correspondait aux contrées situées entre la Forêt Charbonnière et la Somme ; le diocèse de Beauvais6 relevait de Childebert et la métropole Reims fut intégrée au royaume de Thierry qui y fixa sa capitale7. Le royaume de Childebert englobait la totalité de la province de Rouen, celle de Tours à l’exception de la métropole, et la partie occidentale de la province de Sens. Celle-ci se voyait amputée de sa métropole Sens ainsi que de Troyes et d’Auxerre rattachés au royaume de Thierry. A sa mort, fin 533 ou 534, son fils Théodebert recouvra la totalité de la civitas de Sens et de celle d’Orléans.
3Cette situation complexe constituait un obstacle majeur pour procéder à une ordination canonique d’évêque mais elle favorisait la procédure de nominations des rois. En effet, les rapports peu fraternels entretenus par les souverains rendaient les frontières politiques fluctuantes. Chacun veillait donc à se doter de moyens propres pour assurer son autorité sur les populations. On fit prêter des serments de fidélité comme l’atteste la tentative d’usurpation d’un certain Munderic qui contestait les droits de Thierry8. On installa des fonctionnaires royaux, signalés à Troyes à plusieurs reprises. A Tours, Grégoire mentionne un cornes Turonicae civitatis avec des fonctions d’administrateur et de juge9. Un duc Austrapius étendait son autorité jusqu’à Poitiers. Dans ce contexte, les sièges épiscopaux et les diocèses prirent un intérêt stratégique d’autant que, vers 520, la génération des évêques nommés par Clovis disparut. Dès lors, certaines listes épiscopales commencèrent à s’agiter anormalement (Tours, Auxerre, Metz et Trèves).
Des évêques et des rois
4Dans les capitales telles que Metz, Trèves ou Paris, ainsi que dans les cités frontalières (Orléans, Auxerre, Reims ou Châlons), les évêques étaient surtout des fonctionnaires en fin de carrière, garants des intérêts de leur souverain. Pour les mêmes raisons, des sièges épiscopaux furent déplacés (à Noyon et Maestricht), créés (Melun, Lisieux) ou transférés (Coutances, Exmes). Dans d’autres cas, des sièges ne furent semble-t-il pas pourvus (Beauvais, Meaux, Amiens et Coutances après 510). Leur position sur des zones peu sûres pourrait expliquer ces carences.
5Néanmoins, tous les évêques ne firent pas preuve d’une veule soumission. Certaines résistances s’exprimèrent sur les questions de l’usage des biens ecclésiastiques et des mariages incestueux, avec Nicetius et Aprunculus à Trèves, Desideratus de Verdun, Injuriosus à Tours, Eumerius à Nantes, Albinus à Angers, Leo et Constitutus à Sens, Eleutherius à Auxerre, Bandaridus à Soissons, Domitianus à Tongres et Medardus à Noyon. Cela se solda par l’exil ou la menace d’une comparution en concile afin d’y être jugés. Ici ou là, les populations parvinrent, malgré tout, à faire élire des membres du clergé local, en réaction aux candidats officiels, âgés et étrangers à la cité.
6Chacun des trois rois, au-delà de comportements similaires, adopta en réalité une attitude spécifique devant son propre clergé. Clotaire 1er, dont le style de vie témoignait de son peu d’attrait pour les questions religieuses suscita de vives réactions à Tours, Soissons et Tongres. En butte à des oppositions, il préféra mener la politique du siège vide, délaissant les cités plus septentrionales. Il fut excommunié par Nicetius de Trèves à la fin de sa vie, à cause de son mariage avec Waldrade. Thierry 1er, engagé dans une politique expansionniste, choisit une stratégie qui visait à pourvoir les sièges importants d’évêques dociles. Son fils Théodebert, puis Théodebald conservèrent une attitude analogue dans les diocèses situés à l’ouest de leur royaume. Par contre, à l’est, ils encouragèrent avec la venue de clercs aquitains, la reconstruction des diocèses abandonnés après les invasions. Childebert, enfin, tout en surveillant les frontières du sud et de l’ouest, laissa le plus souvent agir les ecclésiastiques, peut-être par sympathie à l’égard du fait religieux. Il fut en effet l’instigateur et le protecteur des conciles qui se tinrent à Orléans.
La réaction conciliaire
7Ce fut à un moment10 de répit entre les trois frères que se tint le concile d’Orléans de 533. Le préambule précise qu’il eut lieu sur l’ordre des très glorieux rois, pour l’ensemble du Regnum. La position d’Orléans, au carrefour des trois royaumes et entre le nord et le sud de la Gaule, était de nature à faciliter la venue d’un grand nombre d’évêques. Sur les trente et une signatures, plus d’un tiers représentait les sièges de la Gaule du Nord. Parmi eux se trouvaient deux évêques11 appartenant à la province de Sens où se déroulait le concile, et un seul du royaume de Clotaire : Injuriosus de Tours. Sur les quatre métropolitains, deux venaient du nord et un s’était fait représenter12.
8L’originalité de ces évêques tenait au fait que certains étaient engagées dans des travaux de constructions d’églises13 ; d’autres étaient issus des milieux monastiques14 et se consacraient à des tâches d’évangélisation. Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que, sur les 21 canons promulgués, les sept premiers soient un virulent rappel et une sérieuse mise en garde, destinée aux rois, sur le rôle des métropolitains et les obligations des évêques. Par ailleurs, on dénonça pour la première fois les pratiques simoniaques et on rappela l’ancienne formule d’institution, tout à fait tombée en désuétude par suite de l’incurie de l’élection du métropolitain par les comprovinciaux, les clercs et le peuple, ainsi que son ordination15. Ce coup de semonce vis à vis du pouvoir montrait que le clergé n’était pas dupe des conséquences désastreuses de la politique de nominations d’individus peu formés. Le but était clairement explicite et tendait à faire accéder à cette dignité quelqu’un qui soit capable d’améliorer et de faire fleurir la discipline ecclésiastique. On peut se demander, eu égard aux événements survenus à Tours dans la première moitié du vie siècle, si ce canon ne fut pas inspiré par son métropolitain. D’autre part, les canons 5 et 6 fustigeaient les vacances des sièges épiscopaux, provoquées par le retard des évêques qui se rendaient à l’enterrement ou par leurs exigences d’un salaire ce qui occasionnait la perte des biens de l’église par la faute de gens malhonnêtes.
9Deux ans plus tard, à Clermont (535), les évêques du royaume de Théodebert, absents pour la plupart à Orléans, manifestèrent la même audace. Ils ne reçurent pas l’ordre de se réunir mais obtinrent le consentement du roi16. Les canons 2 et 5 réaffirmèrent les principes de l’élection, étendue cette fois à tous les évêques, susceptible d’assurer des hommes de qualité. Ils s’opposaient fermement aux nominations simoniaques, dénonçant les cupides qui sollicitaient de la part des rois le moindre bien d’église17. On peut estimer qu’une personnalité comme Nicetius de Trèves prit une part active dans l’élaboration de ces mesures, de même que Domitianus de Tongres, connu pour sa science théologique18. La tactique du clergé, face à la division du Regnum et à l’arbitraire royal, consistait en la restauration de l’intégrité des provinces ecclésiastiques sous l’autorité des métropolitains. Les canons 1 et 2 d’Orléans (533) allaient dans ce sens et ajoutaient que les évêques comprovinciaux étaient tenus de se rendre au concile annuel, convoqué par le métropolitain.
10Dans la pratique, ces décisions n’eurent aucun effet dans les Etats de Clotaire. Après la disparition d’Injuriosus, le siège de Tours fut occupé par des personnages éphémères. Dans le royaume de Théodebert, la stabilité des sièges l’emporta, en dépit de quelques candidatures officielles, tandis que dans les diocèses situés à l’est se développait une politique de nomination de candidats reconnus pour leurs mérites. Ce fut probablement chez Childebert que les textes furent les mieux respectés. A Angers et à Bayeux, eut lieu l’élection d’Albinus et de Vigor19 ; à Avranches, Paternus bénéficia d’un consensus entre le peuple et le roi, vers 55020. A Chartres, après la mort d’Aetherius (post 551), le peuple était divisé sur le choix du successeur. Childebert, par une inspiration divine arbitra en faveur du moine Leobinus auquel les évêques reprochaient la disgrâce du nez21. L’unanimité de la foule eut raison de cet ultime obstacle invoqué pour l’ordination. Enfin, à Paris, sa capitale, l’évêque Germanus fut élu (post 549)22.
11Globalement, la médiocrité des résultats tient aux enjeux politiques. Même dans les meilleurs des cas, la présence royale se manifestait (Leobinus et Germanus) et le clergé ne fut jamais vraiment séduit par le procédé de l’élection populaire auquel il préférait la cooptation au sein du milieu aristocratique. L’opposition parmi les évêques d’un quidam qui prétextait la disgrâce physique de Leobinus en est l’aveu manifeste. Inévitablement, comme en témoigne le canon 10 d’Orléans de 549, on glissa vers un compromis, dont les modalités furent les suivantes : l’assentiment royal après l’élection canonique a clero et populo, puis la consécration par les comprovinciaux. Le rituel gallican de l’ordination confirme cette démarche. Le choix s’effectuait en petit comité puis le métropolitain énumérait les qualités de l’impétrant.
12Il ajoutait : Hune ergo, dilectissimi fratres, testimonio boni operis electum, dignissimum sacerdotio consonantes laudibus clamate et dicite : dignus est.
13L’assemblée répondait : Dignus est.
14Le consécrateur reprenait : ut igitur praefuturus omnibus, electus ex omnibus, universis sacris sacrandisque idoneusfiat… omniumpro ipso oratio incumbat cui exercendi pro omnibus pondus imponitur23.
15Le pire des maux pour les pères réunis à Orléans était les pressions exercées pour imposer un candidat et la simonie qui engendrait de mauvais prélats. Sur ce point, les canons conciliaires firent preuve de la même fermeté, de 533/535 jusqu’en 54924, et concouraient à obliger les rois à nommer des individus réputés pour leurs vertus. Les résultats les plus probants furent enregistrés dans les royaumes de Théodebert/Théodebald et de Childebert.
16L’échec le plus grave fut la non-reconnaissance par les souverains de l’autorité des métropolitains sur leurs provinces. Outre le rappel de l’obligation synodale annuelle, le canon 1 d’Orléans (538) dénonçait les excuses des évêques, absents par suite des partages. Le canon 3 affirmait la revendication d’indépendance du métropolitain, en rappelant que son élection devait être conforme aux décrets du siège apostolique et que son approbation était nécessaire pour l’ordination d’un évêque. En 549, les pères reculèrent considérablement sur ce thème. La référence au métropolitain n’apparaissait plus qu’au canon 23, sur les 24 promulgués ; l’appel fait aux évêques de participer au synode annuel ne s’accompagnait plus que d’une mise en demeure. La réunion devenait tout au plus une assemblée de prières où l’on pouvait éventuellement, dans un esprit de charité, remédier aux abus. Vers le milieu du vie siècle, l’éclatement des provinces était entériné et les divisions des diocèses entre les royaumes maintenues. La liberté du clergé était, de fait, perdue. Il ne restait plus qu’à offrir au roi des prières pour qu’il nomme de bons évêques.
La bataille autour des biens ecclésiastiques
17L’exemple de Clovis, en matière de donations à la basilique Saint-Martin25 de Tours, fut poursuivi par ses successeurs tout au long de la première moitié du vie siècle. Clotilde abandonna à l’évêque Dinifius des domaines provenant du fisc, que celui-ci légua ensuite à son église. Ultrogothe, femme de Childebert, et Radegonde agirent de même. Ce furent surtout les reines qui, avec leur douaire26, composé de biens-fonds provenant du fisc, assurèrent une certaine richesse aux églises. Les rois Childebert et Clotaire27 intervinrent de façon plus ponctuelle et sans que cela leur en coûtât beaucoup.
18Dans le royaume de Childebert, Principius du Mans ne put engager aucun travail de reconstruction, après le passage des troupes de Clovis. Par contre, son successeur se vit gratifié des largesses de la reine Ultrogothe28. Albinus à Angers29 dut jouir de certaines faveurs royales ; quant à Eumerius et Felix à Nantes, ils disposèrent des ressources laissées par leur fonction comtale et, avec une infinie lenteur, édifièrent la cathédrale. Dans le diocèse de Coutances, Marculfus reçut du roi les terres de Nanteuil pour y bâtir un monastère30. Paternus d’Avranches31 perçut, lui, une forte somme pour les pauvres. A Paris enfin, après l’élection de Germanus, les libéralités royales furent considérables32 et culminèrent avec l’édification de l’abbaye de la Sainte-Croix et de Saint-Vincent.
19Dans le royaume de Thierry, la reine Ultrogothe légua à Mappinius de Reims (vers 549) le tiers du domaine de Verzy, repris ensuite en précaire par sa fille Teudechilde33. La prudence politique prévalait donc aussi en matière de donations. C’est probablement pour cette raison que les évêchés frontaliers de la province de Sens ne jouirent pas de la générosité royale. Les choses changèrent avec l’accession au trône de Théodebert qui fit cadeau à Desideratus de Verdun d’un prêt de 7000 sous d’or : Je n’ai pas besoin de le reprendre ; il me suffit que les pauvres que la détresse accable aient été, grâce à ton initiative et à nos largesses, soulagés par la distribution que tu as faite34. On peut se demander si Nicetius de Trèves n’obtint pas également un subside, vu l’ampleur des constructions qu’il entreprit pour sa cathédrale et son « château »35. Mentionnons enfin Carentinus de Cologne et Sidonius de Mayence, aidés par Berthoara pour réédifier les baptistères et leurs églises36.
20Dans le royaume de Clotaire, le roi peu enclin à la générosité, ne dota le monastère des saints Crépin et Crépinien à Soissons37 qu’après une peste dramatique et attendit la fin de sa vie pour jeter les bases de la basilique, après le transfert du corps de saint Médard. Par contre, ses troupes ravagèrent les terres de l’église de Noyon38 et il ordonna à tous ses diocèses de verser au fisc le tiers de leurs revenus, ce qui déchaîna la protestation d’Injuriosus de Tours39. Cette mesure a donné lieu à diverses interprétations. Certains y voient une augmentation du taux de contributions, jusqu’à 33 % en nature, de manière à enrayer l’effritement d’une source d’imposition à taux fixe par rapport à la hausse des prix40. Cela était toutefois contraire aux dispositions du Code Théodosien et aux décisions d’Orléans (511), interdisant de soumettre à un impôt extraordinaire les terres d’églises disposant de l’immunité.
21D’autres considèrent qu’il s’agissait de verser au roi le tiers de l’impôt perçu par l’évêque, d’ordinaire réservé au fonctionnement de l’Etat ; il ne devait être en fait réclamé qu’aux cités dirigées par leurs évêques41. C’est là ignorer le pointillisme des décision conciliaires quant à l’usage des diverses sources de revenus des églises. Enfin, selon A. Hauck et E. Magnin, la tertia était uniquement composée des offrandes en terre faites par les fidèles aux paroisses42. L’évêque, si l’on en croit la législation de l’Eglise wisigothique, plus complète en ce domaine, pouvait en disposer pour effectuer des réparations dans une autre église. En aucune façon, elle ne devait lui revenir en propre, servir de salaire à quiconque ni satisfaire les exigences royales43. La tierce, prélevée sur les biens-fonds des paroisses, avait une affectation budgétaire précise puisqu’elle formait une sorte de provision aux amortissements. Elle était à la discrétion de l’évêque pour pallier aux coups durs dans les paroisses.
22La réaction d’Injuriosus témoigne qu’à Tours, la tierce était destinée à la matricule pour faire face au nombre croissant de pèlerins et de pauvres, écrasés par la fiscalité royale. Ce ne fut pas la seule opposition à cette levée. Bandaridus à Soissons fit part de sa désapprobation et fut exilé. Domitianus de Tongres se réfugia à la frontière du diocèse de Cologne et Medardus de Noyon vit ses biens envahit par des soldats. Les sièges de Tournai, Cambrai-Arras, Amiens et Laon paraissent avoir été vacants.
23Cette mesure s’inscrivait dans un vaste programme de réforme fiscale qui nécessitait la confection de nouveaux registres d’imposition, élaborés à partir d’un recensement44. A Tours, ils furent brûlés dès l’époque de Clotaire. La promesse de ne pas infliger des coutumes nouvelles fut faite par Caribert ultérieurement45. Mais, à Poitiers, au temps de Childebert, on put en mesurer les méfaits, puisqu’il fallut dégrever les pauvres, les veuves et les orphelins. La tierce, après avoir été confisquée, était devenue un impôt nouveau, réparti entre tous les fidèles, dont le taux dépassa les 20 % pour atteindre dans certains cas les 33 %. Outre l’aspect inique de l’opération, dénoncé par Injuriosus, les membres du clergé perdaient une de leurs activités essentielles, la charité, et se voyaient relégués au simple rôle de fonctionnaires cultuels.
24Dès le premier tiers du vie siècle toute l’ambiguïté des donations royales aux églises se révéla. Les rois perçurent qu’il ne s’agissait pas seulement d’une faveur accordée à un évêque (personne physique) puisque par testament il la remettait à son église (personne morale). Le bien était alors, d’un point de vue théologique, irrécupérable. Il en était de même pour un don testamentaire à la personne d’un saint, comme à Tours. Tout, dépendait en fait de l’attitude de l’évêque et de la manière dont il considérait sa fonction.
25A Clermont (535), les évêques adressèrent au roi une lettre dans laquelle ils l’incitaient à protéger les biens ecclésiastiques : Ne permettez pas que les chefs de vos églises, ainsi que tous les clercs et les laïcs… ne se trouvent exclus de propriétés, sises dans votre ressort, qu’ils ont toujours possédées : dans ces conditions, chacun possédant en sécurité ses propriétés pourra acquitter ses impôts dûs au seigneur dans le ressort de qui elles ont abouti46. Les dispositions conciliaires rappelaient la doctrine de l’Eglise en la matière et l’appuyaient par une argumentation morale. Le canon 5 dénonçait les gens qui sollicitaient des rois un bien d’église et ravissaient les ressources des indigents. Le canon 14 excommuniait toute personne qui dérobait ou détruisait les offrandes faites aux saints par acte écrit. En d’autres termes, l’Eglise acceptait de payer l’impôt de ses possessiones mais nullement le détournement de l’usage des biens destinés aux pauvres, en justifiant que les offrandes appartenaient à Dieu seul. L’enjeu de fond était de contraindre les rois à mener une politique de paix et non de s’abandonner au clientélisme et à la guerre.
26A Orléans (538 et 541), devant l’importance des menaces, les évêques, venus surtout du royaume de Childebert, poursuivirent l’effort de clarification dans la répartition des biens acquis entre la cathédrale et les autres églises. On veilla à éviter les aliénations ou les concessions faites aux clercs et aux laïcs pour qu’elles ne se transforment pas en possessions héréditaires47. Les causes en étaient l’accroissement du nombre des pauvres à secourir48 et la pression constante du pouvoir qui manquait de ressources. Les canons 25 des deux conciles dénonçaient les clercs ou les laïcs qui se prévalaient du nom ou du patronage d’un puissant pour conserver des biens ecclésiastiques ou en recevoir. Après avoir été jugés, ils étaient sommés de les restituer. En cas de refus, ils étaient excommuniés jusqu’à ce qu’ils fassent réparation. Les canons visaient également les terres concédées à des monastères dont les abbés ne reconnaissaient pas la tutelle épiscopale49. A travers ces textes, les évêques feignaient de croire que le souverain était abusé par des personnes peu scrupuleuses dont on attendait le repentir.
27La mort de Clotilde, en 544, avait permis à Clotaire de confisquer une partie des revenus du clergé et de remettre en cause les donations faites par elle aux églises50. Celle de Théodebert, en 548, pouvait représenter un nouveau danger. Childebert, qui se considérait comme le tuteur de l’épiscopat, prit alors l’initiative de convoquer, au nom de Clotaire et de Théodebald, un grand concile en 549. Il fut rappelé qu’il était interdit de détourner les aumônes, que les clercs et les évêques ne pouvaient s’arroger les biens d’une église sise dans un autre royaume et que les grands et les rois ne devaient pas reprendre les donations faites par leurs parents51. La menace d’excommunication contre les usurpations était désormais agrémentée de la formule : en tant qu’assassin des pauvres, utilisée à Agde en 50652. Les dispositions relatives au xénodochion, fondé par Ultrogothe et Childebert à Lyon, ainsi que celles de Radegonde pour son monastère de Poitiers allaient dans ce sens. Elles garantissaient les règles et les ressources contre leurs éventuels successeurs, frappant d’anathème quiconque oserait les bafouer. Le synode d’Arles (544)53 et le concile de Paris (561/562), composés de prélats ou de représentants ayant assisté au concile de 549, conservèrent cette terminologie qui subsista jusqu’au viie siècle.
28A la mort de Clotaire Ier, les évêques, réunis à Paris, imputèrent très clairement les dommages subis par les églises aux libéralités royales, notamment lors des invasions des différents royaumes, quand l’accapareur résidait sur des territoires autres que celui ou le fait se produisait. Il était rappelé une fois de plus que les biens étaient ceux de Dieu dont le jugement, plus fort que l’excommunication, se manifestait par la mort précoce de l’usurpateur54. Les évêques, quelque peu désabusés, remarquaient qu’ils étaient davantage des conservateurs de chartes que les défenseurs des biens qui leur étaient confiés. Ils exprimaient en cela l’échec de la politique de paix préconisée par l’Eglise.
29Dans le domaine judiciaire, de rares renseignements nous parviennent du royaume de Childebert, où il semblerait que l’on soit parvenu à un compromis entre les deux parties. Le principe du for ecclésiastique, énoncé par Galla Placidia, selon lequel le roi ne pouvait se substituer à un synode pour juger des fautes propres aux clercs, paraissait entériné55. En revanche, il incombait au comte de poursuivre le crime d’hérésie56. Pour les causes ratione personae, l’accord de l’évêque57 était nécessaire à la comparution d’un clerc, comme plaignant ou comme accusé, devant le tribunal comtal. Par contre, un diacre ou un prêtre qui avait commis un crime capital était réduit à l’état laïc et relevait alors de la compétence séculière58. Pour les causes ratione materiae, l’Eglise devait saisir la justice pour obtenir la révocation des biens aliénés par des évêques, avec le risque de voir invoqué la prescription trentenaire59. Dans la pratique les conflits de compétence furent nombreux.
30Dans cette première moitié du vie siècle, suivant les royaumes, les relations entre le clergé et le pouvoir varièrent. Childebert et Théodebert trouvèrent un accord : le premier en donnant une certaine indépendance aux clercs ; le second en nommant des évêques intègres. C’étaient là les bases d’une politique dont les Carolingiens surent s’inspirer. Chez Clotaire, tout était différent. Autoritaire, il n’hésita pas à persécuter le clergé et à confisquer ses ressources. Partout cependant, quelles qu’aient été les solutions, il y eut des réactions contre les candidats officiels et de gros efforts furent faits dans le clergé pour se donner une image respectable et respectée.
II. – 2. La difficile émergence du clergé
31Le baptême de Clovis accéléra la restauration d’un certain nombre de diocèses dans les provinces de Rouen, Reims et Trèves. La tâche était immense. Le pape Gélase (492-496), conscient de l’urgence des problèmes posés par le manque de clercs, modifia les conditions de recrutement. Il diminua les tempora exigées dans chacune des fonctions mineures et mit davantage l’accent sur l’acquisition des pouvoirs spécifiques que sur l’apprentissage et l’exercice.
Le recrutement
32Le candidat devenait ainsi très vite lecteur et accédait, tous les trois mois, au sous-diaconat, au diaconat puis au presbytérat. Au total, cette formation qui durait moins d’un an était appliquée avec souplesse et contribua à l’instauration de la règle générale des ordinations per saltum60. Ces dispositions accélérèrent le processus de substitution de l’élection a clero et populo, par la nomination royale.
33La nouveauté majeure, introduite par les papes Sirice (384-399) et Gélase (492-496), fut de permettre la promotion des moines à la cléricature61. Le concile d’Orléans (533) corrigea les conditions de recrutement, fixées en 511. Il était interdit, désormais, d’ordonner un prêtre ou un diacre illettré et ignorant des rites du baptême (c. 16). Les fonctions inférieures, telles que portier, lecteur ou exorciste, disparaissaient au profit de l’unique et vague titre de clerc. Or, ces derniers ne s’acquittaient pas toujours de leurs offices et refusaient de se rendre à l’église, parfois avec le soutien de puissants62, au point de former des conjurations contre leur évêque. Le canon 14 proposa donc de les priver de la dignité de leur rang. Il fut aussi nécessaire de leur rappeler l’obligation de vivre dans la maison de l’évêque, sauf dérogation. Puis, en 538 à Orléans, devant l’indocilité persistante, on envisagea de leur retirer leurs sources de revenus63, de les réduire à la communion des laïcs et de les traduire devant un synode64.
34Le danger pouvait également venir de l’ordination par un évêque résidant dans un autre royaume et de l’introduction de clercs étrangers65 par les propriétaires des domaines. Dans ces conditions, la discipline ecclésiastique avait toutes les chances de se trouver ruinée. En conséquence, on réitéra le devoir de chasteté aux clercs et du célibat pour les diacres et les prêtres66. Ceux des grands domaines devaient passer les principales fêtes auprès de l’évêque67. Le canon 16 de Clermont (535) résume bien la philosophie attendue de tout le clergé à cette époque : que l’évêque, le prêtre, le diacre reluisent si bien de l’éclat de la sainteté intérieure qu’ils puissent échapper par l’honnêteté de leurs actions aux accusations des médisants. Ce bel idéal ne suffisait manifestement pas face aux pressions des rois et des grands.
35D’autres rappels furent faits. Ainsi, les pères réunis à Orléans (538 et 549), inspirés peut-être par le constitutum Sylvestri, répétèrent qu’une année de conversio était nécessaire à tout laïc avant son ordination comme prêtre ou comme évêque. Pendant ce temps, il devait être instruit par des hommes doctes et éprouvés sur la discipline et les règles spirituelles68. Ils reprenaient également les grands principes énoncés par la décrétale d’innocent Ier (401-417) qui empêchait d’ordonner un homme ayant été marié deux fois à une veuve ou à une vierge, un pénitent, un infirme ou celui qui avait été publiquement possédé. Les conditions d’âge, 25 ans pour les diacres et 30 ans pour les prêtres, étaient à nouveau stipulées69. Des peines d’excommunication menaçaient évêques et laïcs qui contrevenaient à ces décisions.
36Le recrutement d’esclaves était désormais interdit. Pour que l’évêque ne soit pas abusé, l’impétrant était tenu de fournir un testament ou un acte écrit, garantissant sa liberté. Si toutefois l’ordination avait eut lieu, l’esclave était rendu à son maître, a moins que ce dernier ne fasse injure à celui qui avait reçu les saints ordres70. Toutes ces dispositions tendaient à resserrer les liens du clergé autour de l’évêque du lieu, de manière à éviter toute intrusion des laïcs dans les affaires intérieures de l’Eglise. Cependant, leur application se limita aux seuls royaumes de Childebert et de Théodebert, sous la pression de certaines fortes personnalités épiscopales (Injuriosus de Tours, Lauto de Coutances, Léo de Sens, Eleutherius d’Auxerre, Domitianus de Tongres ou Nicetius de Trèves). Un combat fut mené pour préserver les spécificités du clergé et enrayer le processus de désagrégation amorcé par l’ingérence du pouvoir.
37Durant la première moitié du vie siècle, l’origine et la formation des évêques a varié dans le temps et l’espace. Dans les Etats de Clotaire, de 511 à 533, à Reims, Laon, Soissons et Tournai, une première génération d’évêques mariés, proches de Remi, appartenant à l’aristocratie sénatoriale avait connu une année de conversio avant d’accéder à la dignité épiscopale. Seul Vedastus d’Arras était pourvu d’une formation monastique. Entre 535 et 561, la sociologie de la seconde génération était vraisemblablement similaire. Par contre, la formation religieuse avait disparu, à de rares exceptions (Euphronius de Tours, Medardus de Noyon et Domitianus de Tongres).
38Dans le royaume de Thierry, des caractéristiques identiques se dessinent. Mais, après 535, la présence de prêtres aquitains et orientaux impulsa un élan à la vie religieuse. Chez Childebert, on remarque, après 533, un courant d’aristocrates ayant acquis une formation monastique. Vers la fin du règne, des mutations importantes se firent jour. Certaines grandes familles s’arrogèrent le contrôle de plusieurs évêchés et pratiquèrent successivement les fonctions de judex (comte) et d’évêque. Ce fut le cas d’Eumerius et de Felix, apparentés aux Nonnechii qui possédaient déjà le siège de Nantes, au Ve siècle, et de Victorius de Rennes, allié à Badegisilus du Mans.
39Dans tous les royaumes, la position de l’évêque demeura ambiguë. Un savant dosage est pourtant perceptible. Dans les diocèses périphériques où le paganisme était assez vivace, le pouvoir royal ne s’opposa pas à l’installation d’hommes convaincus par leur idéal religieux. En revanche, plus à l’intérieur, à proximité des centres politiques, s’implantèrent des officiers royaux en fin de carrière, sans ambitions spirituelles. Cette dernière situation nourrit la confusion des compétences au point d’en faire oublier la fonction première du clerc et son statut. C’est ce que sous-entend le canon 13 du concile d’Orléans de 541. Il y était spécifié que les juges ne pouvaient requérir des clercs pour le service public. Pour s’en défendre, les pères invoquèrent la loi romaine qui exemptait le clergé païen des charges de curateur ou de tutelle. Les évêques, à Orléans, renouaient avec les idées de saint Cyprien selon lesquelles : ceux qui sont voués à des occupations religieuses doivent rester en dehors des embarras et du réseau des préoccupations profanes et ne pas vaquer aux affaires du siècle71. A l’exception du royaume de Clotaire où l’évolution était inverse, il y eut, dans le second tiers du vie siècle, une reviviscence religieuse dans le clergé.
Les ressources
40Bien que le clergé se soit efforcé de marquer ses distances avec la société civile, seule la possibilité de disposer de ressources matérielles convenables pouvait lui garantir l’indépendance et la faculté d’assurer ses obligations pastorales. La personnalité de l’évêque était à cet égard déterminante. Il était tenu de fournir un revenu à chacun de ses prêtres. Il se devait donc de protéger les biens contre toute révocation de dons ou reprise de legs par les héritiers, car l’idée d’attribuer des émoluments (stipendium) ou des gratifications (munificentia) à un poste canonique dans une cité ou dans une paroisse72 s était établie dans la première moitié du vie siècle. L’évêque, qui usait librement des offrandes et des dons, avait à les répartir à sa discrétion : pour l’entretien de la basilique et la subsistance des desservants73.
41Les difficultés surgissaient le plus souvent, lors du décès de l’évêque ou durant la vacance du siège. En théorie, aucun autre prélat ne pouvait ordonner, ni disposer des biens. Le successeur avait la possibilité de respecter ou d’annuler les mesures de dotations des clercs, effectuées par son prédécesseur, et de procéder à des échanges. En d’autres termes, un clerc pouvait perdre ses revenus, mais en cas de nouvelle affectation, il ne gardait pas ses gratifications antérieures puisqu’en principe les revenus attachés à son nouveau poste étaient censés lui suffire. En conséquence, il n’était pas permis à un clerc d’aliéner un bien reçu en usufruit ni de l’engager sans l’autorisation de l’évêque74. Sa parenté ne pouvait pas non plus en hériter. Dans la même optique, si un évêque accordait des terres à un clerc d’un autre diocèse au décès de celui-ci, elles retournaient au patrimoine initial. La prescription trentenaire ne devait jamais avoir d’effet sur un quelconque bien d’église.
42Compte tenu des exigences de gestion et des découpages politiques, des divergences eurent lieu. C’est pour cela que le canon 12 d’Orléans (541) invitait les évêques à régler charitablement entre eux, dans l’année, leurs différends sur des possessions, en ayant recours à plusieurs solutions : la monition affectueuse, l’accord mutuel ou l’appel à des tierces personnes. L’insistance des conciles pour que les métropolitains réunissent leurs comprovinciaux correspondait aussi à un effort pour apaiser les tensions et canaliser les ambitions. Toutefois, ces grands principes risquaient d’être caduques en cas d’invasion d’un royaume par un autre. Aussi, les pères décidèrent à Orléans (549, c.14) d’interdire à tout évêque ou clerc de recevoir des biens de n’importe quelle église dans un autre royaume. Malgré cela, le mécanisme légal d’usurpation demeura en vigueur jusqu’à l’époque d’Hincmar75.
43En ce qui concerne les clercs installés sur les grands domaines, ils devaient recevoir du propriétaire, créateur d’une paroisse, une dotation suffisante. Cependant, l’accord de l’évêque était nécessaire et l’archidiacre était tenu de veiller à ce qu’ils n’omettent pas d’acquitter leurs obligations, conformément à leur rang76. Enfin, le canon 30 d’Orléans (538) prohibait de s’adonner aux affaires ou de prêter à des taux usuraires, à partir du diaconat. Les ressources des églises étaient suffisantes pour que les clercs n’exercent pas des activités matérielles secondaires.
44La législation conciliaire de la première moitié du vie siècle a eu un double objectif : garantir une certaine indépendance aux ecclésiastiques face aux rois et aux grands-laïcs et renforcer la cohésion des diacres et des prêtres sous l’autorité de l’évêque. Elle consistait à élever les clercs au-dessus des laïcs et à les en séparer. Le ton adopté pour régler les tensions inévitables dans le clergé était celui de la miséricorde et de l’apaisement : le canon 2 d’Orléans (549) interdisait d’excommunier pour des motifs légers. Néanmoins, une attitude plus radicale apparut dans les cas d’usurpation par des laïcs, de vol ou de falsification par des clercs ou de mépris des prescriptions de l’évêque par un abbé. Les premiers devaient être excommuniés et les seconds déposés77. En dépit des obstacles, le clergé avait conscience de sa tâche et s’efforçait de s’en donner les moyens, en hommes et en argent.
Devoirs et obligations des clercs
45La mission première du clerc étant de s’acquitter du service religieux un calendrier liturgique uniforme fut établi au concile d’Orléans de 541. La fête de Pâques devait être célébrée par tous à la même date, suivant le cycle de Victor d’Aquitaine rédigé vers 457, et la date annoncée aux fidèles le jour de l’Epiphanie78. La durée du Carême fut rappelée, ainsi que l’obligation de jeûner les samedis et de seulement déjeuner le dimanche79. Enfin, les principaux laïcs et les clercs des grands domaines étaient tenus de passer les fêtes dans la cité avec l’évêque. Pour empêcher des pogroms à l’encontre des Juifs, considérés comme le peuple déicide, il leur fut interdit de se montrer parmi les chrétiens ces jours-là80.
Le service divin
46L’accent fut mis aussi sur la messe dominicale et la nécessité pour l’évêque de présider les offices. En conséquence, l’heure de la célébration fut fixée à neuf heures pour permettre au prélat d’assister aux vêpres. Quant aux laïcs, ils devaient rester jusqu’à l’oraison et la bénédiction finale et ne pas venir en armes. Afin que le peuple se rende à l’église et se consacre pleinement au bienfait de la prière, il lui fut recommandé de ne pas exécuter de travaux agricoles81.
47A Orléans (541), il fut précisé à nouveau, qu’au moment de l’offertoire, le calice ne contienne que du vin et de l’eau. Par ailleurs, il revenait aux clercs des paroisses de recevoir les statuts canoniques, dont la lecture aux fidèles était indispensable à leur salut82. Seul le concile de Clermont (535, c. 3, 7, 8), mentionna le respect dû aux objets du culte, aux nappes et aux linges sacrés. Ceux-ci ne pouvaient nullement être utilisés pour orner les noces ou envelopper des cadavres, fut-il celui d’un évêque. Il fallut attendre le concile d’Orléans de 549, c’est à dire une nouvelle génération d’évêques, pour que les pères jugent utile de rappeler à tous l’esprit de miséricorde inhérent à leur fonction. Ils invitèrent l’archidiacre ou le praepositus ecclesiae à visiter chaque dimanche les prisonniers. Un responsable fidèle et soigneux fut également nommé par le pontife pour pourvoir au nécessaire et distribuer les vivres de la domus ecclesiae. De leur côté, tous les prêtres avaient à secourir les pauvres et l’évêque plus spécialement l’obligation de fournir la nourriture et le vêtement aux lépreux de son diocèse et de sa cité83.
48De subtiles mutations étaient en cours. D’une part, il fallait rappeler au clergé les devoirs élémentaires et le but de la pastorale qui était de rassembler le peuple chrétien. D’autre part, le roi se portait garant de la foi de ses sujets. Ainsi, Childebert, à l’instar de l’empereur Justinien, se mêla de la querelle des Trois Chapitres et des idées véhiculées par Nestorius. Il incombait dès lors au comte de poursuivre les évêques hérétiques ou bonosiens, ayant rebaptisé un sujet catholique, sous peine d’excommunication84. Or, une partie du clergé de la région d’Orléans semblait avoir été gagnée à cette hérésie85 ; aussi, le souverain porta l’affaire au concile de 549 au cours duquel Domitianus de Tongres prêcha avec ardeur pour maintenir la règle de foi droite et apostolique au nom du Christ.
Les orientations conciliaires
49Ce fut tardivement (en 538-541) que les pères se préoccupèrent des pratiques religieuses des laïcs et engagèrent la lutte contre le paganisme. Il fut décidé d’excommunier les personnes récemment baptisées qui retournaient au culte des idoles, juraient sur la tête d’un animal, mangeaient des mets sacrifiés aux démons86 ou qui, après un premier rappel à l’ordre de l’évêque, refusaient de s’amender. Mais, agir restait difficile surtout pour les prélats peu formés.
50Entre 511 et 541, la lutte fut, par contre, plus sévère contre les coutumes du mariage germanique, peu respectueuses de la personne de la femme et qui cachaient mal la violence ou la volonté délibérée de conserver les terres patrimoniales. On dénonça comme inceste toute union avec les belles-sœurs, belles-filles, belles-mères, tantes et cousines. Sous l’impulsion d’Albinus d’Angers, de formation monastique, on demanda de ne plus tolérer de telles unions après 538. Puis, des mesures furent prises pour remédier à la pratique de l’enlèvement des filles contre le gré de leurs parents87.
51En 541, les pères réitérèrent l’interdiction de violer le droit d’asile dans l’enceinte d’une église (c.21) et exigèrent des homicides qu’ils se soumettent à la pénitence imposée par l’évêque, et ce malgré le pardon des autorités civiles. Avec le même souci d’endiguer la violence et de maintenir l’ordre et la paix, ils refusèrent aux esclaves la possibilité de se réfugier dans une église sous prétexte de mariage, sans l’accord préalable des maîtres (c.24), et souhaitèrent que l’on ramenât la postérité des familles serviles au lieu assigné à leurs ascendants (c.32). En 549, ils assouplirent leurs positions en essayant d’obtenir des garanties du maître dont l’esclave aurait trouvé refuge dans un sanctuaire (c.22) et visèrent à protéger les affranchis des églises, menacés à nouveau de servitude (c.7). Ces mesures montrent que, dans la pratique, ces situations, sources de confrontations continuelles, exigeaient bien souvent un règlement, au cas par cas, mais il fallait que le clergé agisse dans les limites du droit pour éviter à l’Eglise toute vexation ou accusation88.
La pratique pastorale
52Les sources fournissent peu de renseignements sur l’activité pastorale et la mise en application des décisions conciliaires, sauf celles relatives aux prélats dotés d’une formation monastique et qui eurent un assez long mandat. Albinus d’Angers et Leobinus de Chartres effectuèrent des tournées dans leur diocèse89 aux cours desquels eurent lieu de multiples guérisons de sourds-muets, d’aveugles ou de possédés du démon qui, vociférant, laissaient derrière eux une odeur fétide90 ou sur la résurrection d’un enfant mort-né. Cela cachait parfois une conversion accompagnée d’un baptême, comme ce fut le cas pour un roi du Vannetais, Eusebius et sa fille Aspasia91. La prédication contre le paganisme occupa peu les évêques, à l’exception d’Eleutherius de Tournai, qu’un récit tardif met aux prises avec des païens, et de Vedastus d’Arras. Ce dernier, après avoir chassé une ourse installée dans l’église, n’hésita pas, à renverser des vases remplis de cervoise, destinés à un rituel païen, au cours d’un repas en présence du roi Clotaire92.
53L’aide et le rachat des prisonniers était une des activités que le concile d’Orléans (549) dut rappeler aux nouvelles générations d’évêques. Dans les vitae, la libération des prisonniers fait souvent suite au décès du prélat93. Il pouvait s’agir d’une œuvre pie des autorités civiles en hommage au saint qui venait de mourir ou d’une décision testamentaire du défunt mise a exécution par le praepositus ecclesiae. En revanche, du vivant de l’évêque, la résistance des geôliers fut manifeste, comme en témoigne à deux reprises la Vita Albini94. Le souci de secourir les plus démunis se manifesta encore dans la lutte contre les incendies qui ravageaient fréquemment les quartiers d’une ville ou un monastère : Leobinus de Chartres intervint à deux reprises, ainsi que Medovechus de Meaux95. Bandaridus protégea Soissons de la peste96 et Germanus de Paris dut faire face à diverses épidémies. Nicetius, lors de sa première entrée dans Trèves, prit ouvertement la défense des humiliores contre les potentiores, en chassant leurs chevaux des moissons. Tout aussi significative fut la collusion entre l’évêque et un jeune homme du peuple pour dénoncer, en pleine église, les fautes de Théodebert97. Dans la Vita Medardi, rédigée à la fin du vie siècle, le saint s’en prit aux voleurs qui pénétraient sur les terres d’autrui pour s’emparer du bétail et du miel. Bien que ces délits étaient passibles de lourdes amendes98 (35 sous pour un bœuf et 45 sous pour une ruche), l’évêque utilisa une autre méthode que la répression. Il accueillit le fautif avec miséricorde, obtint sa confession et l’encouragea à restituer le bien.
54Dans les trois royaumes, la vie religieuse connut une première phase dynamique, perceptible également dans le mouvement érémitique99, entre 490 et 530, qui affecta les diocèses de Reims, Châlons, Troyes, Beauvais, Paris et Tours. Des prélats parvinrent à maintenir un idéal de foi et d’indépendance avec l’appui des populations. Ce fut le cas dans les Etats de Clotaire jusque vers 530/540, avec Licinius et Injuriosus de Tours, Vedastus d’Arras, Bandaridus de Soissons et Medardus de Noyon ; dans ceux de Thierry où seuls quatre diocèses sur treize avaient leur siège occupé, avec Remi de Reims, Camelianus de Troyes, Nicetius de Trèves et Desideratus de Verdun ; finalement chez Childebert avec Albinus d’Angers, Melanius de Rennes, Paternus d’Avranches, Lauto de Coutances, Solemnis et Leobinus de Chartres et Germanus de Paris. Puis la mobilisation intense, due à la pression ariennne et à la conversion des Francs, retomba pour ne reprendre que dans le dernier tiers du vie siècle.
55La réaction conciliaire essaya de corriger les effets pervers des nominations royales mais, en 561, les pesanteurs d’un épiscopat, composé d’anciens fonctionnaires âgés et médiocrement formés sur le plan religieux, se faisaient toujours sentir. A la veille de la guerre civile qui allait ravager la Gaule, le concile de Paris (561/562) réuni par quelques évêques, tenta désespérément de dégager l’Eglise de l’emprise du pouvoir. La question était de savoir si l’évêque, dont les prérogatives n’avaient cessé de se renforcer, serait désormais un courtisan ou un homme de foi.
II. – 3. Le clergé dans la tourmente
56Les dernières années du règne de Clotaire Ier assurèrent momentanément l’unité du Regnum, sans pour autant modifier la physionomie du clergé. Dès 561, à la mort du roi, un partage eut lieu entre ses quatre fils : Caribert, Gontran, Sigebert et Chilpéric. L’assassinat de Galswinthe, sœur de Brunehaut, par son mari Chilpéric (+584) à l’instigation de Frédégonde provoqua chez Sigebert (+575), époux de Brunehaut (+613), un appel à la vengeance. Ce fut le point de départ d’une faide en trois actes. De 571 à 584, la Neustrie et l’Austrasie s’opposèrent sur fond de meurtres des deux rois, de pillages, de famines et d’épidémies. Gontran de Bourgogne parvint entre 584 et 592 à rétablir la paix et une certaine unité. A sa mort, les hostilités reprirent de plus belle entre Brunehaut et Frédégonde dont le fils Clotaire II parvint, en 613, à prendre seul les rênes du pouvoir. Les frontières entre les royaumes fluctuèrent durant toute la période aggravant la désorganisation des églises100.
Les espérances d’indépendance du clergé (561-571)
57Durant la première décennie, trois conciles se réunirent : deux dans le royaume de Caribert (Paris, 561/562101 et Tours, 567), puis un autre dans celui de Gontran (Lyon, 567/570). Les préambules et les canons indiquent un état d’esprit similaire : réaffirmer l’unité du clergé dans chaque province. L’initiative du premier concile fut prise par quelques évêques102 à la mort de Clotaire. Il se tint sous la présidence des quatre métropolitains : Probianus de Bourges, Praetextatus de Rouen, Leontius de Bordeaux et Euphronius de Tours. Les onze évêques présents provenaient des provinces de Tours, Sens et Rouen. Bien que cette réunion ait été quelque peu improvisée, si l’on en juge par le faible nombre de participants, elle se voulait représentative et l’affirmation d’une identité propre103. En effet, le dernier canon prescrivait que les actes soient soumis à posteriori à la signature des absents.
58Les mesures prises furent de deux ordres : la protection des biens des églises, en prévision des partages entre les royaumes (c. 1,2 et 3), et celles des personnes contre les rapts et les mariages incestueux (c. 4, 5, 6). Dans le canon 7, les évêques marquèrent leur solidarité et leur unanimité dans cette démarche. Les canons 8 et 9 paraissent avoir été rajoutés au cours de la discussion mais ils vont dans la logique des décisions précédentes. Il y fut rappelé la coutume ancienne et à présent négligée de l’élection épiscopale a clero et populo, à laquelle fut fixé un effet rétroactif pour valider des mandats épiscopaux et contrecarrer l’intervention des princes. Ce fut donc un véritable coup de force tenté par l’épiscopat pour obtenir l’indépendance et l’intégrité de l’Eglise face aux divisions du Regnum.
59Peu après, Leontius, métropolitain de Bordeaux, réunit ses suffragants en synode à Saintes afin d’appliquer les résolutions du concile. Il invalida la nomination d’Emerius de Saintes par Clotaire et procéda à l’élection canonique d’Heraclius, l’un de ses prêtres, qui, suivant le canon 10 d’Orléans (549), demanda la confirmation de Caribert. Ce dernier, se réclamant de l’autorité de son père, fit placer Heraclius sur un chariot d’épines et le condamna à l’exil, tandis que ses chambriers punissaient d’une amende de mille pièces d’or Leontius et les autres évêques, selon leur possibilité104. Assez curieusement, Euphronius de Tours, dont Heraclius avait sollicité le soutien, refusa d’intervenir. D’un point de vue canonique, il ne pouvait pas prendre part à une affaire qui ne relevait pas de sa province. D’autre part, dans une cité ruinée par un incendie, menacée par Chramne et soumise à une nouvelle imposition par le comte Gaiso, soutenu par Caribert, son évêque se devait de faire preuve d’une certaine prudence politique. La décision de Caribert à l’encontre de Leontius tira d’embarras Euphronius qui avait donné son accord au canon 8 de Paris et le conforta dans son abstention105. Cet épisode témoignait de l’échec des volontés épiscopales.
60Par la suite, se tint à Tours (567) un important synode, que présidait Euphronius106, réunissant les trois provinces de Tours, Rouen et Sens. Parmi les neuf évêques figuraient Praetextatus de Rouen et Germanus de Paris. En revanche, ceux de la province de Bordeaux étaient absents, en raison de l’affaire d’Heraclius. Les 28 canons promulgués sont longs et font étalage d’érudition et de références aux textes antérieurs. Ils visaient à renforcer la cohésion du clergé derrière le métropolitain, par la tenue de synodes annuels auquel même un ordre royal ne pouvait pas dispenser d’assister (c.1). Le canon 9 interdisait de nommer un évêque en Armorique sans le consentement du métropolitain pour éviter l’installation d’opposants politiques aux portes du royaume107. Près de la moitié des articles traitaient des rapports entre les clercs, les moines et les femmes, ainsi que des mariages incestueux (c.10 à 22) ; d’autres étaient des dispositions liturgiques. Les quatre derniers reprenaient, en les amplifiant, les canons du concile de Paris relatifs à la défense des biens ecclésiastiques. Les assassins des pauvres étaient excommuniés tout comme les simoniaques (c.28). Devant les exigences et les comportements des souverains, le clergé se plaçait de plus en plus au niveau de la condamnation morale. La référence au psaume 108 dans le canon 25 en est une illustration, au même titre que l’excommunication de Caribert par Germanus de Paris, en raison de son mariage avec Marcovefa, sœur de l’une de ses précédentes épouses. La justice divine, invoquée dans le psaume, se réalisa peu de temps après, puisque le roi perdit sa compagne et fut lui aussi enlevé par la mort.
61Les deux lettres qui furent envoyées par les évêques de la province de Tours s’inscrivent dans une philosophie similaire. La première était une réponse adressée à Radegonde, pour la protection de Sainte-Croix à Poitiers108. Outre le soutien moral de la cité tourangelle à la reine-moniale, le document n’était qu’une reprise circonstanciée du canon 21 de Tours. Il condamnait à l’excommunication toute moniale, venue du diocèse de Tours, qui renierait son engagement en quittant le monastère pour se marier.
62La seconde était une missive destinée au peuple109 menacé de nouvelles calamités. En effet, dès la mort de Caribert, Chilpéric s’était emparé de Rouen puis de Poitiers, qu’il contestait à Childebert, entraînant la province de Tours dans une guerre civile que les évêques prévoyaient. Impuissants, ceux-ci appelaient à la pénitence, imputant au poids croissant des péchés la cause des malheurs. Ils exhortaient à la chasteté, recommandant aux fiancés de différer leurs noces et à ceux qui vivaient dans une liaison incestueuse de se séparer. Ils invitaient à s’acquitter de la dîme, mentionnée pour la première fois sur toutes les ressources (y compris les esclaves) et à verser à l’évêque un tiers de sous pour chaque’fils, somme affectée par l’Eglise au rachat futur des captifs.
63Quelques années plus tard, Grégoire de Tours110 observait, en relatant les conflits qui, après la mort de Caribert, avaient opposé les rois francs : une seule chose vous fait défaut ; n’ayant pas la paix, vous êtes privés de la grâce de Dieu. Nous voyons déjà arriver ce temps dont le Seigneur a prédit qu’il serait le commencement des douleurs. Si la guerre civile te plaît, exerce-toi à celle que l’homme doit se faire : que l’esprit lutte contre la chair et que les vices cèdent aux vertus. Le clergé du royaume de Caribert, volontiers en opposition avec le pouvoir, s’était réfugié dans l’appel au châtiment divin, unique rempart contre l’adversité, abandonnant toutes ses positions de principe sur l’élection, le rôle du métropolitain et la défense des biens ecclésiastiques.
64Dès la disparition de Caribert, ses trois frères se partagèrent son royaume, sans tenir compte des objurgations des évêques tourangeaux. Sigebert reçut Tours, Poitiers et une partie du diocèse de Chartres ; Chilpéric obtint Rennes, Angers et Le Mans, tandis que Nantes, le diocèse de Séez et de Chartres revenaient à Gontran. Les provinces de Rouen, Tours et Sens subissaient un découpage extravagant avec, à l’intérieur, une série d’enclaves des trois royaumes, encastrées étroitement les unes dans les autres. Ce morcellement s’accompagna d’une occupation militaire. Ainsi, avant la fin 567, Chilpéric entra dans Rouen puis envoya son fils Clovis s’emparer de Tours, reprise ensuite par le patrice Eunius, dit Mummolus111, grâce à l’alliance de Sigebert et de Gontran. Dès la fin de 573, Chilpéric, profitant des dissensions entre les alliés d’hier, fit récupérer Tours par son fils aîné, Théodebert. Après la contre-attaque de Sigebert, auquel des renforts d’Outre-Rhin étaient venus prêter main forte, une paix précaire s’établit au cours de l’année 574. Dès le début de 575, Chilpéric reprit l’offensive contre l’Austrasie. Mais Sigebert, rassemblant toutes ses forces, faisait intervenir les ducs Gontran-Boson et Godegisèle en Aquitaine contre Théodebert, fils de Chilpéric, et il envahit le royaume de son frère, se faisant proclamer roi à Vitry-en-Artois.
65Chilpéric allait succomber, assiégé dans Tournai, lorsqu’il réussit à faire assassiner Sigebert, dans les premiers jours de décembre 575. Cette soudaine disparition lui fit recouvrer son royaume. Il se rendit alors à Paris où il appréhenda Brunehaut qui fut exilée à Rouen. Puis, la région située entre Tours et Poitiers fut ravagée par le duc Roccolène et le fils de Chilpéric, Mérovée. Ce dernier gagna Rouen et épousa Brunehaut, avec la bénédiction de Praetextatus. Dans un ultime sursaut, les partisans de Sigebert, conduits par Godin, levèrent des troupes en Champagne et tentèrent de résister. Ils s’emparèrent de la ville de Soissons. Leur succès fut de courte durée, en raison de la répression menée par Chilpéric. Dès lors, les transfuges se multiplièrent vers Chilpéric, mais ils rejoignirent bien vite le camp du fils de Sigebert, le jeune roi Childebert112.
66Jusqu’en 584, rien ne parvint plus à ébranler la puissance de Chilpéric, ni le retour de Brunehaut en Austrasie, ni l’accord conclu à Pompierre, en 577 entre Gontran et Childebert II dans lequel l’oncle sans héritier adoptait son neveu et le désignait comme son successeur. Cependant, en 581, une révolution de palais en Austrasie portait au pouvoir les partisans de Chilpéric qui, à leur tour, prenait fait et cause pour Childebert113. Chilpéric, après cette ultime manœuvre, n’hésita pas à conquérir des cités que Gontran avait obtenues dans l’ancien royaume de Caribert après 567 et à s’attaquer au royaume burgonde en 583, en lançant une offensive contre le Berry. La bataille de Melun stoppa cette progression et imposa la paix aux belligérants. Le roi de Soissons restait néanmoins le maître incontesté d’un vaste territoire, jusqu’à son assassinat à l’automne 584114. Cet événement bouleversait une fois de plus l’échiquier politique. L’homme fort était désormais Gontran qui se trouvait en mesure de servir d’arbitre entre ses deux jeunes neveux : en Austrasie, Childebert II, un adolescent de quatorze ans, et, en Neustrie, Clotaire II, un enfant de quatre mois que Frédégonde venait de donner à Chilpéric.
Des évêques dans la guerre civile (571-584)
67Durant cette décennie très agitée, plusieurs réunions conciliaires eurent lieu pour y traiter davantage d’affaires politiques que de questions religieuses115. Il ne s’agissait plus pour les rois de s’opposer au clergé mais, devant sa volonté d’unité, de l’associer aux décisions. En guise d’exemple, mentionnons le conflit entre Gontran et Sigebert qui éclata après la succession de Caribert et qu’évoque Grégoire de Tours : Le roi Gontran réunit à Paris tous les évêques de son royaume pour qu’ils décidassent qui d’entre eux avait raison. Mais, comme la guerre civile croissait en virulence, ceux-ci refusèrent sous l’influence du péché de l’écouter116 La critique a traditionnellement admis qu’il s’agissait du concile de Paris, tenu le 11 Septembre 573, en la basilique Saint-Pierre, auquel assistèrent six métropolitains, vingt-six évêques et un prêtre. Parmi eux, nous retiendrons la présence de Leudobaudus de Séez et Felix de Nantes117, de Constitutus de Sens et ses suffragants : Gallomagnus de Troyes, Germanus de Paris, Aunacharius d’Auxerre. Enfin, Ricomerus d’Orléans était représenté par le prêtre Launoveus.
68En 573, Chaletricus de Chartres mourut. Pappolus fut élu, selon les règles canoniques, comme son successeur. Sigebert, à qui une partie du diocèse avait été dévolue, profita des circonstances pour nommer Promotus avec l’accord d’Aegidius de Reims118. Ainsi, fut constitué un évêché à Châteaudun qui assurait à Sigebert la défense de son enclave territoriale et lui permettait de contrôler l’ensemble du diocèse de Chartres et d’étendre ses possessions. Le calcul politique était évident, mais il se heurtait à la tradition conciliaire hostile à l’intrusion d’un évêque dans un diocèse étranger. Par ailleurs, Pappolus avait été régulièrement élu119, alors que Promotus faisait figure d’ambitieux usurpateur.
69A l’issue du concile, Promotus fut déposé. Une lettre fut envoyée à Aegidius pour le blâmer de sa conduite120 et de son absence, malgré la demande de Germanus de Paris et de Constitutus de Sens. On lui signifia que, s’il persistait, il serait frappé d’anathème. Une seconde lettre fut expédiée à Sigebert, dans laquelle les évêques, avec diplomatie et non sans une certaine ironie, s’étonnaient qu’une telle décision ait pu être prise contre Dieu et les canons de l’Eglise, sans son consentement ! Ils l’invitaient, pour ne pas être maculé de ce forfait, à ne plus supporter un tel scandale121. En réalité, la sentence du concile ne put être exécutée qu’après la mort de Sigebert, en 575.
70De 561 à 575, Germanus fut l’un des évêques à oser affronter le pouvoir royal de façon continue, entraînant à sa suite ceux de Nantes, Rouen et Chartres. Il intervint directement auprès d’Aegidius122 et de Sigebert qu’il connaissait bien comme l’atteste sa signature personnalisée au bas de la lettre : Germanuspeccator, proprius rester, audeo salutare et supplico, ut non despicias suggestionem sacerdotum. Un an plus tard, alors que le conflit entre Sigebert et Chilpéric faisait rage, il intercéda auprès de Brunehaut pour que le roi renonçât à la guerre. Pour cela, il avança les arguments moraux et théologiques nécessaires, sur un ton parfois prophétique123.
71L’étonnante victoire de Chilpéric ne conduisit pas à l’apaisement. Les injustices et les iniquités persistèrent, ainsi que le désir de revanche chez les héritiers de Sigebert. Une série de complots eut lieu, fomentés par Gontran-Boson, Frédégonde, le comte Leudaste et d’autres, tous disposés à des trahisons pour satisfaire leurs intérêts personnels, mais ils impliquèrent également un certain nombre de clercs et d’évêques. Ceux-ci adhérèrent à ces projets, soit délibérément, soit à leur corps défendant comme boucs-émissaires.
Praetextatus de Rouen et Grégoire de Tours
72Au cours des vingt-et-un ans de son épiscopat, Grégoire de Tours conserva une ligne de conduite claire, soutenu par sa foi profonde en saint Martin et son attachement intransigeant au droit conciliaire. Il rejeta la demande de Chilpéric de lui livrer le duc austrasien Gontran Boson, vainqueur de son fils Théodebert, réfugié dans la basilique Saint-Martin124. Puis, il refusa, malgré la sommation du roi, de chasser des mêmes lieux saints son fils Mérovée que Gontran-Boson était parvenu à faire sortir du monastère d’Aninsola (Saint-Calais) où il avait été relégué après son mariage avec Brunehaut. Toujours très déterminé, il protesta de sa bonne foi et contre les pressions qu’il avait subies de Ragnemodus de Paris pour qu’il donne les eulogies à Mérovée125. L’attitude de Praetextatus de Rouen fut plus naïve126. Il accepta de bénir l’union de Mérovée et Brunehaut, contrairement aux dispositions interdisant les mariages incestueux qu’il avait pourtant signées à Tours (567). Cette contradiction, chez un prélat qui avait accompagné tout le mouvement d’indépendance des évêques dans la période 561/571, s’explique par l’espérance en une union et une paix retrouvées.
73La réaction du roi contre chacun des protagonistes fut méthodique. Brunehaut fut renvoyée à Metz ; Mérovée tomba dans un guet-apens ourdi par des gens de Thérouanne, soutenus par Aegidius de Reims. Quant à Praetextatus, le roi le fit comparaître, à Paris, dans la basilique Saint-Pierre (577), devant une assemblée de quarante-cinq évêques, dont nous ignorons les noms et la provenance. Le roi, présent, porta les accusations, confirmées ensuite par de faux témoins. Il fut reproché au métropolitain de Rouen non seulement d’avoir permis un mariage incestueux mais encore d’avoir comploté la mort du roi. A la seconde session, on ajouta à ces chefs d’inculpation le vol d’or et d’ornements précieux d’une valeur de cinq mille sous. Praetextatus démontra l’inanité des faits qui lui étaient reprochés. Grégoire de Tours prit la parole pour inviter les évêques, manifestement craintifs, à une totale impartialité. Chilpéric, voyant qu’il ne parvenait pas à ses fins, fit circonvenir l’évêque par certains de ses fidèles qui le persuadèrent qu’il rentrerait en grâce s’il acceptait de se reconnaître coupable d’homicide. De leur côté, Ragnemodus de Paris, dit Rucco, déjà compromis par son soutien à Mérovée, et Bertramnus de Bordeaux, accusèrent Grégoire auprès du roi d’être le plus grand ennemi de sa cause127. Sur le point d’être arrêté Grégoire refusa les deux milles livres d’argent offertes par Frédégonde s’il parvenait, par son réquisitoire à faire condamner son collègue.
74Lors de la troisième session, Praetextatus se jeta aux pieds de Chilpéric et se reconnut coupable d’avoir voulu attenter à sa vie. Malgré sa promesse, celui-ci demanda aux évêques que le fautif soit condamné et, à titre de charges, il leur remit une collection falsifiée des canons des Apôtres où dans le 25e, le mot homicidio avait été rajouté, à dessein128. Mais, poussés par Grégoire, ils ne prononcèrent pas la déposition ni l’excommunication. Chilpéric jeta alors l’évêque en prison. Blessé au cours d’une tentative d’évasion, il fut exilé dans une île, près de Coutances (sans doute Jersey)129. Après ce demi-échec, Chilpéric s’inquiéta des propos tenus par Agila, l’ambassadeur arien de Leovigild, sur la Trinité. Pour éviter une nouvelle propagation de l’hérésie et montrer son autorité dans le domaine religieux, il décida de rédiger un petit traité pour qu’on ne distinguât plus des personnes dans la Sainte Trinité. Afin de l’imposer aux autres docteurs des églises, il le soumit à Grégoire et à Salvi d’Albi qui le réfutèrent. Le roi renonça alors à ce projet130.
75En revanche, Frédégonde, dont la rancune ne désarmait pas, prémédita la perte de Grégoire et imagina un complot dont la réalisation fut confiée au comte Leudaste. En novembre 579, ce dernier qui accablait les églises de Tours fut déchu de ses fonctions par ordre royal et remplacé, sur le conseil et avec l’assentiment de l’évêque131, par Eunomius. Leudaste, très lié à Frédégonde, se précipita chez le roi et se répandit en accusations contre Grégoire, insinuant qu’il voulait livrer la ville à Childebert II et qu’il calomniait la reine d’entretenir des relations adultères avec Bertramnus de Bordeaux. Dans cette machination, s’étaient joints deux ambitieux déçus, le prêtre Riculfus, ami de Clovis (fils de Chilpéric) qui, à l’époque d’Euphronius, briguait déjà l’épiscopat et le sous-diacre Riculfus, ami de Leudaste, qui espérait l’archidiaconat.
76Chilpéric réunit alors un concile dans sa villa de Berny, non loin de Soissons (580). Le métropolitain de Bordeaux, dont la servilité ne s’était guère démentie depuis le concile de Paris, d’accusé, il se fit l’accusateur de Grégoire. Toutefois, il ne parvint pas à convaincre les évêques qui argumentèrent que l’on ne pouvait ajouter foi aux paroles d’une personne inférieure contre un évêque. Le roi, dans cette affaire, fit preuve d’une prudente sagesse, soulignée par Grégoire, face aux propos d’un fonctionnaire déchu. Le scénario du procès s’apparentait à celui de Praetextatus. Le roi, avec des arguments moins solides, ne pouvait se risquer à un nouvel échec.
77Grégoire se disculpa par serment, après avoir accepté, contrairement aux dispositions canoniques, de dire des messes sur trois autels132. Leudaste fut excommunié et le sous-diacre Riculfus avoua sous la torture le complot. Condamné à mort, il n’eut la vie sauve que par l’intervention miséricordieuse de Grégoire. Le prêtre Riculfus, resté à Tours dans l’attente de l’épiscopat, pratiquait largement la simonie et terrorisait les clercs inférieurs de l’église. Lors d’un synode provincial, Grégoire obtint de ses suffragants de le faire enfermer dans un monastère. Mais Felix de Nantes qui, depuis 576, se défiait de son jeune métropolitain, aida le prêtre à s’échapper et lui proposa l’asile.
Grégoire de Tours et Felix de Nantes
78L’attitude de l’évêque de Nantes s’explique par son isolement après le partage du royaume de Caribert de 567. Il appartenait à celui de Gontran et participa en tant que tel au concile de Paris (573). Issu d’une famille de notables locaux très liés aux marchands nantais, Felix était doublement exposé. La première menace venait des Bretons avec lesquels il traitait directement. En effet, vers 552, il était intervenu auprès de Chanao pour arracher la grâce de son frère, le comte Macliavus, qu’il avait chassé de son royaume. Il intronisa un évêque de Vannes sans l’accord du métropolitain133. Vers 577/578, une opération militaire menée par Chilpéric contre le comte Weroc déstabilisa la région et ruina l’œuvre diplomatique de Felix. En représailles, les Bretons dévastèrent à deux reprises les alentours de Rennes et de Nantes134. Félix, conscient de ne pouvoir compter sur un secours extérieur, traita avec le comte breton qui ne tint pas ses promesses de réparer les dommages occasionnés.
79Felix devait se garder aussi de Chilpéric qui absorbait les enclaves de Tours et Poitiers relevant de Sigebert. La ferme résistance de Grégoire au pouvoir royal ne pouvait qu’inquiéter son suffragant. Par prudence politique, Felix prit ses distances. A cet égard, l’affaire de la villa contestée entre Nantes et Tours est tout à fait révélatrice. L’objet même de la discorde disparut au profit d’une violente diatribe de Felix accusant Grégoire de vouloir le tuer, comme son frère le diacre Pierre avait assassiné Silvester de Langres. Dans l’Historia Francorum (L. V, 5), l’auteur préserva l’honneur de sa famille. Cela lui était aisé car Silvester était mort d’une attaque d’épilepsie et Pierre, lavé de l’accusation de meurtre par Nicetius de Lyon, avait été tué par le fils de Silvester. En réalité, Grégoire feignait de ne pas comprendre l’allusion de Felix. En privant son comprovincial des revenus fiscaux d’une villa, il affaiblissait ses possibilités de défense contre les menaces des Bretons et les troupes de Chilpéric. En d’autres termes, Grégoire se faisait, bien modestement, un meurtrier de Felix. Grégoire, qui luttait pour la sauvegarde des biens ecclésiastiques et leur usage en faveur des pauvres et de la paix, ne pouvait pas admettre leur détournement à des fins militaires.
80La protection accordée par Felix au prêtre Riculfus confirme cette hypothèse. Il se ménageait ainsi un candidat plus servile, capable de remplacer Grégoire après le concile de Berny de 580135 où ce dernier se trouva en fâcheuse posture. Après cette date, toujours pour sauvegarder son diocèse, il engagea, un rapprochement avec Grégoire. Il œuvra alors pour faire accepter par le métropolitain de Tours, bien vu par Chilpéric, la désignation de son neveu Burgundio à sa succession136.
Espoirs de paix : les conciles de Mâcon
81En 581, Gontran réunit les évêques de son royaume à Lyon pour faire condamner les plus coupables d’entre eux, notamment Mummole, et essayer de mettre fin à la guerre civile. Durant cette période, l’épiscopat des royaumes de Chilpéric et de Sigebert ne se manifesta guère. C’était le chacun pour soi qui dominait137. Le 1er novembre 582138, Gontran fit convoquer un concile national à Mâcon auquel prirent part les évêques de la province de Sens ; en revanche, ceux des diocèses de Chartres et Nantes n’y étaient pas représentés, ce qui laisse supposer que Chilpéric avait déjà nommé le cousin de Felix (+ le 6/1/582) à sa place.
82D’après la tonalité des canons139, on assista à une véritable remise en ordre du clergé qui se devait de resplendir si bien de l’éclat de la sainteté afin d’échapper par l’honnêteté de ses actions aux accusations. Le célibat occupait cinq canons. Les 18 et 19 dénonçaient les conjurations des laïcs et les accusations injustes portées contre les clercs majeurs. Par ces mesures, on voulait éviter des complots semblables à ceux dont furent victimes Praetextatus, Grégoire et d’autres moins connus. Dans cette optique, les canons 7 et 8 stipulaient qu’aucun clerc ne pouvait être soumis, sans motif, à la sentence des juges séculiers. Il n’était pas autorisé, sous peine de sanctions, à évoquer des litiges entre gens d’Eglise devant un juge civil140. Le clergé avait tiré la leçon des événements et prenait, à nouveau ses distances avec le pouvoir civil.
83La disparition brutale de Chilpéric en 584 redistribua les cartes en faveur de Gontran qui devint le tuteur de Clotaire II, ce qui plaça la Neustrie et la Bourgogne sous une même autorité. La transition ne se fit pas sans violences entre les Chartrains, Orléanais et Blésois. La campagne tourangelle ne fut pas non plus épargnée. Toutefois, les comtes parvinrent à imposer la paix, après de difficiles négociations avec Childebert II, désireux de récupérer les territoires de son père. Pour sa part, le clergé fut soulagé de la mort d’un roi qui blasphémait continuellement contre les prêtres du Seigneur, ridiculisait les évêques et pour qui rien n’était plus odieux que les églises auxquelles il reprochait d’avoir appauvri le fisc141.
84Praetextatus de Rouen fut rappelé d’exil, malgré les dénigrements de Frédégonde. Ragnemodus de Paris142, craignant qu’un synode ne rouvre une affaire où il avait fait preuve de complaisance envers Chilpéric, intervint auprès de Gontran pour préciser que l’évêque n’avait pas été écarté définitivement de l’épiscopat. L’évêque Melanius, qui avait siégé à Rouen, fut relégué à la villa de Vaudreuil avec Frédégonde. Promotus143, nommé évêque de Châteaudun par Sigebert, fut enfin destitué après sa condamnation au concile de Paris (573), et Pappolus de Chartres rétabli dans la plénitude de ses droits.
85En dépit des apparences les intrigues se poursuivirent. Aegidius de Reims, qui avait organisé en 583, l’invasion du royaume de Gontran, pour le compte de Chilpéric, représenta en 584, en compagnie de Gontran-Boson, les intérêts de Childebert dans une ambassade à Gontran. Le roi le traita de conseiller perfide et parjure. Il se trouva alors mêlé à l’affaire Gondovald144 qui éclata en décembre 584. Associé à Brunehaut et à la noblesse austrasienne, il fomenta un complot contre Gontran, ce qui obligea le roi de Bourgogne à se rapprocher de Childebert II et à lui réitérer sa promesse d’héritage.
86Grégoire de Tours, inquiet des représailles possibles en Aquitaine et de l’afflux d’opposants politiques qui trouvaient asile dans la basilique Saint-Martin145, entreprit la mise en place d’une politique de paix. En juillet 585, lors de la venue de Gontran à Orléans, il obtint le pardon du comte de Bordeaux, Garacharius, et du duc Bladastes, puis du saxon Chuldericus, compromis également avec Gondovald. Sur les recommandations du roi et dans un climat d’apaisement, Ragnemodus de Paris et Pappolus de Chartres ensevelirent solennellement dans la basilique Saint-Vincent de Paris les dépouilles de Mérovée et de Clovis qui avaient été retrouvées.
87Après l’insuccès de l’assemblée de Troyes, sensée réunir tous les évêques des royaumes, Grégoire146 fut mandé à Coblence avec le légat Felix auprès de Childebert, comme caution morale et garant des intentions pacifiques de Gontran. Les problèmes aquitains furent réglés au concile de Mâcon, en octobre 585. Il fut procédé, en outre, au jugement de Théodore de Marseille et des évêques nommés par Gondovald. En l’absence de Grégoire, Praetextatus lut pour la défense de ses collègues147, des prières écrites durant son éloignement. La maladie du roi empêcha d’envoyer en exil beaucoup d’évêques. Théodore fut renvoyé dans sa ville148. Seul Ursicinus de Cahors fut excommunié pour avoir confessé publiquement son soutien à Gondovald et Faustianus de Dax, privé de son évêché.
88Au cours du synode qui suivit le plaid, les évêques firent, dans le préambule, des vœux pour la santé du roi. Ils se félicitèrent de l’unité retrouvée de l’Eglise dans le royaume de Gontran. Les vingt canons promulgués insistaient sur l’uniformisation de la liturgie : le respect du dimanche, de Pâques comme jour du baptême, de l’apport de l’offrande à l’autel et de la nécessité pour les prêtres d’officier à jeun (c.1, 2, 3, 4, 6). On mentionnait également que la dîme devait être versée par tous sous peine d’excommunication (c.5). Les événements récents incitaient les pères à réaffirmer le droit d’asile (c.8) et la compétence du for ecclésiastique envers les affranchis des églises (c.7) et les évêques (c.9). Sur ce point, le texte, assez virulent, dénonçait l’arrestation des prélats et leur condamnation par le roi. Il rappelait l’autorité du métropolitain en la matière. L’audace des hommes s’amplifie contre les évêques de Dieu au point... qu’on les jette dans les cachots publics... Qu’aucun détenteur des pouvoirs séculiers n’ose s’approprier le droit d’enlever un évêque à la sainte église qu’il préside. Il est scandaleux qu’un évêque soit arraché de son église par les mains ou sur l’ordre d’un homme pour lequel il prie Dieu sans cesse149.
89Les devoirs de charité et la garantie des biens de tous étaient encore abordés (c. 11,12,13,14). Les derniers canons reprenaient les traditionnelles dispositions sur les mariages incestueux et le célibat du clergé. Cela avait pour but de marquer sa spécificité, son unité et son indépendance par rapport à la société et au pouvoir. Le canon 15 est symptomatique de cet état d’esprit. Tout laïc, quel qu’il soit, avait à témoigner de la déférence au clerc en toutes circonstances et le saluer, aussi modeste fût-il.
90En novembre 585, l’édit de Péronne tenta de réaffirmer la coopération entre le clergé et le roi. Les premiers, par leurs conseils et leurs remontrances, devaient exercer une tutelle morale sur la société tandis que le roi mettait son pouvoir au service de l’Eglise150. Toutefois, dans le même capitulaire, il constatait avec impuissance les clericorum transgressiones cum adversario instigante, lui qui souhaitait que in universa regione nostra pacis et concordiae jura proficiant.
91Ce compromis entre l’Eglise et l’Etat ruinait les espérances ambitieuses de Frédégonde. Praetextatus, revenu à Rouen, en fit bientôt les frais. Il fut assassiné le jour de Pâques 586 par un sbire de la reine. Les comprovinciaux, Romacharius de Coutances et Leudovaldus151 de Bayeux, procédèrent, conformément aux canons, à l’ensevelissement du corps et à l’enquête sur le meurtre. En raison de leur manque de conviction et des obstacles rencontrés dans leurs démarches, Gontran dépêcha sur les lieux le métropolitain de Sens, Artemius, Agroericus de Troyes et Veranus de Cavaillon, mais leur mission ne fut pas davantage couronnée de succès. L’évêque Melantius, proche de la reine, avait déjà été subrogé à la place de Praetextatus152.
92Frédégonde, forte de l’appui de Nonnechius de Nantes, envoya deux clercs pour assassiner Childebert. Une deuxième conspiration fut fomentée en 587. Le duc Rauching se proposa de tuer, pendant une audience, le roi Childebert dont les fils Théodebert et Thierry seraient mis sous sa protection. L’affaire échoua, de même que le complot de Gontran-Boson. Devant tout ces insuccès, Aegidius de Reims, soupçonné de crime de lèse-majesté, vint trouver le roi et obtint le pardon des conjurés. Il demanda également que la Champagne soit restituée à Loup qui en avait été dépossédé sur son initiative153. L’opposition s’essoufflait.
93L’idéal de paix gagnait du terrain et déboucha, le 28 novembre 587, sur la réalisation du pacte d’Andelot entre Gontran et ses neveux. Une fois résolu le problème de la succession en faveur du dernier survivant, les protagonistes s’attaquèrent aux questions soulevées par l’héritage de Caribert, origine de la guerre civile. Childebert récupéra la part de son père, Gontran la sienne, mais la « Morgengäbe » de Galeswinthe demeura entre les mains de Gontran jusqu’à sa mort. Les leudes, qui étaient passés au parti adverse, soit bourguignon, soit austrasien, redevenaient les fidèles de leur roi respectif. Quant aux donations faites aux églises avant la mort de Clotaire Ier, elles furent confirmées ; par contre, celles qui, ensuite, avaient été « usurpées » furent restituées. Cependant, les provinces ecclésiastiques de la Gaule du Nord demeuraient profondément morcelées. Ainsi, Gontran disposait du tiers de la cité de Paris, Châteaudun, Vendôme, Etampes et Chartres tandis que Childebert s’attribuait Meaux, les deux-tiers de Senlis, de Tours et d’Avranches.
94La mise en application d’un traité, « techniquement » complexe, souleva bien des difficultés. Une ambassade, conduite par l’évêque Felix154 et Grégoire de Tours, se rendit successivement à Metz et à Chalon, auprès de chaque roi. En plus du problème permanent posé par Frédégonde, fut abordé le projet de concile de tous les évêques des deux royaumes, cher à Gontran, qui en fixa la date au 1er juin 588. Mais, les avis divergeaient. Childebert souhaitait que les métropolitains réunissent les évêques dans leur province respective pour supprimer les irrégularités. Gontran désirait assembler un concile à but judiciaire et politique, comme par le passé155. Il entrevoyait, au-delà de Frédégonde, de poursuivre Aegidius de Reims, les évêques débauchés et les grands, pris dans les liens de mariages incestueux et opposants politiques potentiels. Enfin, Grégoire objectait qu’il n’y avait aucun péril pour la foi. Le concile n’est nullement évoqué dans l’Histoire des Francs. Aussi, nous ignorons s’il se tint réellement. Gontran, par prudence et pour ne pas heurter le clergé, fit peut-être marche arrière. Par contre, en 589, Childebert, après son passage à Soissons, réunit un synode à Sorcy pour mettre un terme aux tensions qui existaient entre l’évêque du lieu, Droctegiselus, accusé d’ivrognerie, et ses clercs156.
95Plus grave fut la révolte d’une partie des moniales de Poitiers, contre leur abbesse Leubovera, accusée de faire preuve de rigueur excessive dans l’application de la règle157. Conduites par Chrodieldis, fille de Caribert, elles incriminèrent l’évêque Maroveus qui avait entretenu des rapports délicats avec le monastère depuis sa fondation158. Chrodieldis et sa cousine Basina, fille de Chilpéric, s’adressèrent au roi Gontran qui les reçut avec égard. Mais, il prit soin de ne pas s’engager, laissant le métropolitain de Bordeaux, Gondegisilus régler cette question de stricte discipline ecclésiastique.
96Menacées d’excommunication, les rebelles molestèrent les prélats, réunis dans la basilique Saint-Hilaire, au moment où ils leur signifiaient leurs peines. Puis, elles chassèrent l’abbesse et occupèrent le monastère. L’affaire s’envenima et prit un tour politique. En effet, Poitiers relevait du roi d’Austrasie, tandis que le métropolitain de Bordeaux était placé sous l’autorité du roi de Bourgogne. Gondegisilus sollicita alors l’avis de ses collègues, rassemblés auprès de Gontran. Ceux-ci confirmèrent la décision prise, dans l’attente du concile du 1er novembre 589 regroupant les évêques des deux royaumes. A son tour Childebert, pressé d’intervenir, chargea le prêtre Teutharius de régler les différends, mais en vain. Après un échange de consultations entre les deux rois, un concile commun fut fixé au 26 mars 590. Grégoire de Tours dirigea les débats159, en compagnie de Godegisilus (représentant Gontran) et d’Eberegisilus de Cologne (représentant Childebert).
97Compte tenu des meurtres commis et des menaces proférées, Grégoire exigea tout d’abord la répression de la révolte par l’autorité du juge, puis le procès débuta avec la comparution de Chrodieldis. Celui-ci, longuement relaté dans l’Histoire des Francs, est un modèle du genre. Après l’exposé des griefs, les partis eurent le loisir de répondre avec précision. Chaque point controversé reçut des témoins à charge et à décharge. Le jugement d’excommunication s’appuya sur l’ensemble des canons connus en matière disciplinaire. En revanche, l’autorité royale fut requise pour obtenir la restitution du mobilier, des actes et des chartes.
98L’affaire fut un triomphe pour l’évêque de Tours. Elle démontra avant tout qu’une coopération était possible entre l’Eglise et l’Etat dans leurs domaines respectifs de compétence. C’était la concrétisation des objectifs poursuivis par Grégoire : l’Etat mettait son pouvoir au service de l’autorité morale du clergé. Les révoltées comprirent après coup cette réussite ; aussi, en s’adressant à Childebert, elles firent en sorte de replacer le débat dans les méandres politiques et accusèrent l’abbesse de comploter avec Frédégonde. Cette fois le roi mena lui-même l’enquête, mais sans résultat160. Des rebondissements eurent encore lieu avec une ultime tentative d’assassinat de Childebert par Frédegonde. L’arrestation de Sunnegysile et ses révélations sous la torture permirent de relancer l’affaire du duc Rauching et de ses complices. Le rôle d’Aegidius de Reims fut clairement établi161. Childebert décida aussitôt la convocation d’un concile à Verdun (octobre 590) afin de le juger. Cependant, le roi dut surseoir au procès devant les protestations des évêques qui, recourant au canon 9 de Mâcon, s’insurgeaient contre le fait que l’on ait enlevé un homme à sa ville, sans l’entendre et ordonné de l’enfermer. Le roi renvoya donc Aegidius à Reims et convoqua les évêques, légalement par lettre, à Verdun, vers le milieu de novembre. Les circonstances atmosphériques ou mieux les dernières tergiversations des prélats firent que la réunion se tint finalement à Metz162.
99Au cours d’un procès, exclusivement politique, Aegidius fut inculpé de collaboration avec Chilpéric et d’avoir reçu des biens du fisc dans les régions conquises. Cette démonstration habile en faisait un usurpateur, assassin des pauvres aux yeux de ses collègues. Les preuves de trahison s’accumulèrent contre ce chef d’un des partis de la noblesse austrasienne, hostile à Brunehaut. Le tort du prélat fut de lier son engagement politique à une réflexion sur la position stratégique de son diocèse, à la croisée des trois royaumes, et de se rallier après la mort de Sigebert au prince qui lui parut le plus puissant, Chilpéric. A partir de 581, il ne cessa de manifester son hostilité à Gontran, puis à Brunehaut dont il refusait la régence. L’évolution politique et le pacte d’Andelot avaient ruiné ses calculs.
100Grégoire de Tours, en relatant les grandes phases du procès, évita d’accabler celui qui avait présidé à sa consécration et qui s’était laissé prendre au piège d’un mauvais choix politique. Par contre, la compromission totale d’Aegidius dans les affaires séculières portait un coup rude à la ligne retenue par les évêques à Mâcon (585). Le canon 9 était remis en cause. C’est pourquoi les évêques, malgré l’évidence des faits reprochés à Aegidius, réclamèrent trois jours de délibération et s’efforcèrent de trouver avec l’inculpé un moyen de le justifier valablement. Les aveux d’Aegidius les obligèrent à prononcer son excommunication. En dépit du crime de lèse-majesté, ils obtinrent que le roi suspendît l’exécution, mais il l’exila à Strasbourg.
101Cet événement empêcha le clergé de poursuivre ses objectifs et donna l’occasion au souverain de s’ingérer, à nouveau, dans les affaires ecclésiastiques. Cela se traduisit, au niveau local, par un certain nombre de dispositions. Le duc Loup recouvra la Champagne et son fils, Romulfus, fut désigné comme évêque de Reims. Une partie du trésor de l’église fut reversé au fisc et le roi eut la levée de l’excommunication de ses cousines, Basine et Chrodieldis163, condamnées au concile de Poitiers, moins de sept mois auparavant ! Childebert avait réussi là où son oncle avait échoué, en retournant la situation en sa faveur, probablement parce qu’en Austrasie les évêques, moins nombreux, étaient davantage liés, soit à des clans aristocratiques, soit à la famille royale164. Ce fut tardivement que le clergé austrasien osa témoigner de quelques velléités d’indépendance.
102Nous en voulons pour preuve une confidence de Magnericus à Grégoire sur un événement survenu dans les années 581/582, alors que Gondovald débarquait à Marseille et que Chilpéric s’alliait à Childebert contre Gontran. On amena (Théodore de Marseille) auprès du roi Childebert sous la garde d’une escorte sévère… On annonça à l’évêque, au moment où il arrivait à Trèves, que déjà on l’avait embarqué sur un navire pour l’éloigner secrètement. L’évêque le découvrit sur la rive. Il causa avec les gardiens, leur demandant pourquoi on témoignait d’une telle cruauté au point de ne pas permettre à un frère de jeter un regard sur son frère ; l’ayant aperçu enfin, il lui donna un baiser et, après lui avoir remis quelques vêtements, il s’en alla prier à la basilique Saint-Maximin165. A sa sortie, il se fit interpeller par une femme qui l’accusa de prier pour un ennemi et lui reprocha de ne pas se préoccuper de la gestion des biens des pauvres qui pourraient échapper à son église166. Cette attitude courageuse contrastait avec les habitudes serviles du chacun pour soi, même au risque de voir perdre quelques biens.
103Pendant l’année 587, alors que se dessinait un rapprochement entre Childebert et Gontran, les deux évêques austrasiens (Agericus et Magnericus), confrontés au problème du droit d’asile résistèrent aux pressions diverses. Gontran-Boson, hostile à Brunehaut, se retira dans l’église de Verdun, comptant sur les relations de l’évêque avec le roi pour être gracié. Childebert ne put pas la lui refuser, mais il demanda à l’évêque de s’en porter garant, en attendant son jugement à Andelot. Là, Gontran-Boson, qu’Agéric avait pris sous sa sauvegarde, vint également ; mais ce pontife qui l’avait cautionné ne l’accompagna pas, car il avait été convenu que Gontran Boson comparaîtrait devant le roi sans que personne ne le défende, de façon que si ce dernier décidait qu’il devait mourir, il n’obtienne pas par l’évêque son pardon, mais que si le roi lui accordait la vie sauve, il s’en aille en liberté167.
104C’était un marché de dupes puisque Gontran-Boson avait déjà reconnu devant Childebert son crime de lèse-majesté. Il fut jugé coupable et son exécution ordonnée. Alors, Gontran-Boson se réfugia dans la maison où se trouvait Magnericus de Trèves et le prit en otage, pensant que le parrain de Théodebert obtiendrait sa grâce. Le roi, mal informé de l’attitude de l’évêque, déclara : Si l’évêque refuse de sortir de là, il périra également avec l’auteur de la trahison. En entendant cela, l’évêque envoya des messagers au roi. Ceux-ci ayant achevé leur récit, le roi s’écria : Mettez le feu à la maison et si l’évêque ne peut pas sortir il sera également brûlé. A ces mots, les clercs enfoncèrent la porte et jetèrent l’évêque dehors168.
105La répression se poursuivit ensuite contre les complices du duc Rauching retranchés dans une place forte de la Wöevre169. Berthefred parvint à rejoindre Verdun et s’enferma dans l’oratoire de l’évêque Agericus. Malgré les efforts de ce dernier qui invoquait le droit d’asile, les assaillants montèrent sur le toit et tuèrent Berthefred, en le frappant avec les tuiles elles-mêmes et d’autres matériaux. L’évêque en fut très affligé, non seulement parce qu’il n’avait pu le défendre, mais aussi parce qu’il vit le sanctuaire où il avait coutume de prier et dans lequel des reliques avaient été rassemblées, profané par du sang humain. Pour atténuer son chagrin, Childebert lui envoya une délégation avec des présents, mais lui ne voulut pas qu’on le consolât.
106Grégoire de Tours tire la leçon de cet échec des évêques austrasiens, victimes de la rouerie d’un roi. Agericus souffrait gravement de la bile qu’il se faisait depuis longtemps parce que Gontran-Boson, pour qui il s’était porté caution, avait été tué ; à cela s’ajoutait aussi de l’amertume provenant de ce que Berthefred avait été tué dans un oratoire de la domus ecclesiae et surtout de ce que gardant près de lui les enfants de Gontran, il pleurait journellement et leur disait : c’est par haine pour moi, qu’on vous a laissés orphelins170. L’évêque décéda peu après. Childebert, comprenant le risque incarné par ce genre de prélat attaché aux prérogatives religieuses, n’attribua pas le siège à l’abbas de la basilique Saint-Vanne, Bucciovaldus, mais à son référendaire, Harimeres.
107Magnericus fut remplacé à la même époque par Gundaricus puis Sabaudus, de dociles serviteurs du roi, alors qu’à Metz se succédèrent un certain Agiulfus, petit-fils de Clovis par sa mère, et son nepos Arnoaldus171. Plus inquiétante fut la succession de Ragnemundus de Paris, laissée au marchand syrien Eusebius qui avait fait de nombreux cadeaux, ou celle de Praetextatus de Rouen qui fut dévolue par Frédégonde à Melantius, complice de la tentative d’assassinat du prélat, malgré l’opposition des évêques172. La génération des prélats qui, depuis 561, avait manifesté de l’indépendance, ne fut pas remplacée173. Grégoire de Tours, le dernier susceptible de peser sur le cours des événements, mourut en 594.
Grégoire le Grand : défenseur de la spécificité du clergé
108Le nouveau pape Grégoire le Grand pouvait faire sienne l’observation de saint Colomban, lorsqu’il arriva en Gaule en 591 : En ce pays, la vie religieuse était alors presque éteinte, tant à cause de la pression des ennemis extérieurs que de la négligence des prélats174. Néanmoins, il fallut attendre 594 pour le voir prendre une série de mesures visant à corriger les abus. Il nomma Virgilius d’Arles (ancien moine de Lérins) vicaire apostolique et lui envoya le pallium, avec comme mission première d’interdire la simonie175.
109Dans une lettre destinée aux évêques de Childebert, le pape les exhortait à l’obéissance et à se rendre à un synode qu’il convoquerait176. En août, il écrivit à Childebert une lettre dans laquelle il précisait : Il nous revient que des laïcs sont tonsurés et, par un saut précipité, montent à l’épiscopat. Celui qui n’a même pas été disciple, mû par une ambition inconsidérée, devient docteur et, parce qu’il n’a point appris ce qu’il doit enseigner, il n’est prêtre que de nom ; il reste laïc par ses discours et par ses oeuvres… Nous avons encore appris la très exécrable nouvelle que les ordres sacrés sont conférés par l’hérésie simoniaque... Nous prions votre excellence d’interdire dans son royaume ce crime abominable177. Plus délicat fut de faire accepter la présence du prêtre Candidus, rectorpatrimonii, à Brunehaut et à Childebert178. Aussi, Grégoire usa-t-il de flatterie, envoyant à la reine des reliques des apôtres Pierre et Paul, la louant pour la bonne éducation de son fils et rendant grâce au roi de sa connaissance de la foi : autant la dignité royale est au-dessus de la condition des autres hommes, autant votre royaume l’emporte sur les autres royaumes du monde. Être roi, quand d’autres le sont, c’est peu, mais être catholique, quand tous ne le sont pas, c’est beaucoup... Que votre excellence soit toujours bonne envers ses sujets179.
110En juillet 596, Grégoire recommandait encore Candidus à Brunehaut, Thierry et Théodebert. En septembre 597, il accordait à Syagrius d’Autun le pallium demandé par la reine180 et, en échange, il l’engageait à lutter contre la simonie et à empêcher les offrandes aux idoles et l’adoration des arbres. Grégoire ne parvenait à aucun résultat. Aussi, à l’été 599, il lança une offensive épistolaire en direction de Brunehaut, Thierry et Théodebert ainsi que vers Syagrius, Virgilius et Desiderius de Vienne181 afin que se tint un grand synode. Une ultime démarche eut lieu, à l’été 601, auprès des différents rois, y compris Clotaire182, pour décréter la réunion d’un concile général qui réformerait définitivement les moeurs et les pratiques du clergé : Faites assembler un concile pour exterminer la simonie ; immolez à Dieu cet ennemi domestique... car, si l’on continue à y recevoir à prix d’argent le Saint-Esprit, je doute que le sacerdoce puisse vivre longtemps chez vous183. Rien n’aboutit tant étaient grandes les divergences sur le sens profond du sacerdoce mais qui plus est un concile restreint fut convoqué à Chalon en 602 par Brunehaut et Aredius de Lyon pour éliminer Desiderius de Vienne, doté du Pallium et désireux d’entreprendre la réforme. Il fut déposé et exilé ; puis il mourut lapidé lors d’une seconde expulsion184.
111Colomban, dans une lettre adressée au pape vers 600, constatant la peste simoniaque, ceux qui passaient au-dessus des degrés canoniques pour devenir évêques et le danger qu’ils représentaient pour les consciences, demandait s’il convenait, dans un tel climat de corruption, de retenir les moines ou de les laisser partir au désert185. La réponse du pape n’est pas connue. Dans une institution cléricale pervertie et compromise avec le pouvoir, le moine ou l’ermite ne pouvait plus se faire entendre que d’un point de vue moral.
Colomban et les Irlandais
112En 602, Colomban fut invité à Chalon par la clientèle épiscopale à la solde de Brunehaut pour s’expliquer sur ses coutumes monastiques, notamment la date de Pâques186. Il ne s’y rendit pas car jusque là, disait-il, il s’était passé du concours de ceux qui vivaient dans de tumultueuses dissensions. Il leur adressa des excuses mais jugea préférable de continuer à vivre dans le silence et la prière auprès de ses moines. Tout au long de sa lettre, il ne cessait de réprimander les évêques et de leur rappeler les leçons de l’Evangile. Il leur demanda la permission de maintenir dans son monastère des usages qui, pour lui, s’inscrivaient dans la tradition. Enfin, il achevait sa missive par une déclaration d’amour mutuel et de paix : Priez pour nous, comme nous le faisons pour vous, tout indigne que nous soyons, et ne vous persuadez point que nous ne sommes pas avec vous187
113Cette affaire illustre la politique de Brunehaut. Si elle encourageait la vie religieuse à Autun par des reliques et des privilèges, elle entendait contrôler étroitement le clergé. Or, le roi Thierry qui visitait fréquemment Colomban, se vit un jour reprocher ses unions adultères. Alors Brunehaut, nouvelle Jézabel, se dressa contre l’homme de Dieu en excitant son orgueil instinctif, car elle voyait Thierry obéir à l’homme de Dieu. Colomban persista en refusant de bénir les fils de Thierry issus de mauvais lieux et lui adressa une lettre pleine de reproches cinglants et menaça de l’excommunier s’il ne se corrigeait pas immédiatement188. Brunehaut réagit et incita le roi à inspecter Luxeuil. Colomban rétorqua qu’il n’avait pas l’habitude de laisser des séculiers, étrangers à la vie religieuse, entrer dans la demeure des serviteurs de Dieu. Le roi dit alors : Si tu veux recevoir les dons de notre générosité et le soutien de notre appui, il faut que tout le monde puisse entrer partout. L’homme de Dieu répliqua : Si tu essaies de porter atteinte à ce qui était jusqu’à présent soumis aux normes de la discipline régulière, je me passerai de tes dons et de ton secours189. L’affaire s’envenima lorsque Colomban, qui avait favorisé l’évasion de condamnés à mort, réussit à faire respecter leur droit d’asile par le tribun militaire190. L’autorité royale ayant été ouvertement bafouée, Thierry dispersa les moines de Luxeuil. Le futur abbé Eustasius fut placé sous la surveillance de Miletus, son oncle, évêque de Langres, et Colomban fut exilé vers Nantes et son pays d’origine.
114Au cours de son périple par Auxerre, Nevers, Orléans, Nantes, Paris et Meaux, aucun évêque des villes situées dans le royaume de Thierry n’osa lui manifester de sympathie. Il fut seulement accueilli par Leupacharius, évêque de Tours191, qui relevait de Théodebert, et où ses gardiens avaient été contraints de jeter l’ancre. Après l’échec de son embarquement, il fut reçu par l’évêque de Mayence, Leudegarius/Lesio. Ses rencontres avec Clotaire et Théodebert furent de bonne courtoisie, le saint s’efforçant d’éviter une guerre fratricide. Fidèle à la logique de sa démarche, il encouragea Théodebert à devenir clerc : Cette proposition provoqua la risée du roi et de son entourage. Jamais on avait entendu dire, déclarèrent-ils, qu’un Mérovingien, élevé à la royauté, se fut fait clerc volontairement192 L’idée d’une prééminence du spirituel sur le temporel n’était pas dans l’air du temps.
115Désabusé, Colomban poursuivit sa pérégrination jusqu’à Bobbio, tandis que le conflit reprenait entre Thierry et Théodebert. Après la victoire définitive de Clotaire en 613, celui-ci chargea l’abbé Eustasius d’une ambassade aux frais de l’Etat auprès de Colomban pour lui proposer de rentrer en Gaule. Non content de refuser, ce dernier adressa au roi une lettre de remontrances193. Dans l’immédiat, l’aventure colombanienne était un échec.
116Toutefois, l’activité déployée par Grégoire de Tours, Grégoire le Grand et Colomban avait fait des émules dans l’épiscopat. Certains comme Bertechramnus du Mans (586-616), archidiacre de Paris, exilé à deux reprises, Haimoaldus de Rennes, archidiacre du Mans (590- post 614), Leodovaldus de Bayeux (581-post 614), Gaugericus de Cambrai (584-627) ou Leudegarius de Mayence (590-612) résistèrent bien aux troubles et assurèrent une certaine continuité. D’autres, en dépit des pratiques simoniaques, se trouvaient proches du renouveau monastique : Leupacharius de Tours, Licinius et Magnobodus d’Angers, Austrinus d’Orléans (588-post 604), frère d’Aunacharius d’Auxerre et disciple de Syagrius d’Autun ; Ceraunius de Paris, considéré comme un nouvel Eusèbe ; Ansericus de Soissons et Berachundus d’Amiens, disciple de saint Valéry. Au grand concile général (614) ces deux courants étaient bien représentés parmi les trente et un signataires venus de la Gaule du Nord (sur les 80). Ils jouèrent probablement un rôle important dans la réaffirmation de l’indépendance du clergé194.
Reprise en main du clergé
117Le préambule du concile faisait référence à la tradition, secundum priscorum sanctorum patrum constitutiones, pour rappeler les anciens canons et en fixer de nouveaux. Les treize premiers traitaient des habituels points d’achoppement avec le pouvoir civil. Un évêque, après son élection a clero et populo, devait se placer sous l’autorité du métropolitain. On récusait formellement la simonie et l’intrusion du pouvoir (« absque illo quomodo vel datione pecuniae… aut potestatis subreptione aut quacumque neglegentia »). Aucun évêque ne pouvait choisir de successeur, ni être remplacé, sous aucun prétexte (c.3). Aucun clerc ne devait rechercher le patronage d’un roi ou d’un puissant (c.5). Le synode était seul habilité à juger les clercs et régler les différends internes (c.4, 6 et 13). Le tribunal de l’évêque était l’unique organe compétent pour défendre les affranchis de toute personne libre (c.7). Les biens donnés aux églises par legs, donations ou testaments, ainsi que ceux laissés à la mort des clercs, ne pouvaient être détournés par quiconque, roi, juge ou évêque (c.8, 9, 10, 12). Enfin, on mettait en garde tout évêque et séculier d’occuper ou d’envahir les biens d’un autre évêque, que ce soit ceux de l’église ou les siens propres, à la faveur du partage des royaumes ou de l’annexion des territoires (c.11)195. Les autres canons relevaient de la discipline ecclésiastique concernant les moines, les vierges, les veuves et les mariages incestueux.
118De telles mesures étaient inacceptables pour le roi. L’édit du 18 octobre 614 entérina le débat en cours depuis 561, mais il corrigea les dispositions conciliaires. De part et d’autre, on campait sur ses positions. Le souverain reconnaissait cependant le principe de l’élection et de l’ordination par le métropolitain. Néanmoins, il supprimait la référence à la simonie, substituée par l’idée de dignité, de mérite et de doctrine du candidat196. Le roi se plaçait à la tête de la hiérarchie ecclésiale dont les membres, issus du palais, étaient à son service. Cela rendait inefficace toute action des vicaires apostoliques et impossible tout appel à Rome.
119Dans le domaine judiciaire, le for ecclésiastique était réduit pour les causes civiles aux clercs supérieurs. Le tribunal était mixte en cas de démêlés entre un clerc et un séculier. Pour les affranchis, le roi prévoyait uniquement l’assistance de l’évêque ou de son représentant. Enfin, il incombait aux juges de défendre les biens d’Eglise, ce qui revenait à instituer le roi comme garant de leur intégrité et donc confirmait qu’il en était leur unique propriétaire. L’affirmation de ces positions se trouvait contrebalancée par une nette volonté de conciliation197 présente dans les autres articles de l’édit. Le roi se refusait à protéger spécialement un clerc sans l’accord de son évêque (c.3). Il s’engageait à respecter les testaments en faveur des églises (c.6) et à supprimer les taxes injustes (c.8-9). Par ailleurs, les judices ne pouvaient plus être nommés dans une autre région, afin de rendre compte sur leurs biens propres de leurs exactions ou de leur mauvaise gestion198. Un concile, tenu probablement à Paris, à une date non précisée, et dont nous ignorons les signataires, renouvela les décisions conciliaires modifiées par l’édit. Les autres canons, à valeur disciplinaire, allaient dans le sens d’un renforcement de l’autorité épiscopale199.
120La guerre civile avait posé avec acuité les problèmes du clergé. D’une défense institutionnelle des élections, de l’autorité du métropolitain, de la compétence judiciaire et des biens ecclésiastiques, on était passé à une revendication en faveur de la paix puis à une exigence morale. Cette idée maîtresse, défendue par des prélats gallo-romains proches du courant monastique, se trouvait sapée à la base par le processus de nominations royales aux charges épiscopales, ouvertes à la clientèle des familles aristocratiques au prix de la simonie. La polémique, conduite par de fortes personnalités et ponctuée de conciles aux allures de procès politiques, s’acheva en 614 par une reprise en main du clergé par le roi. La possibilité de créer un corps épiscopal à partir des nutriti du palais se dessinait et se concrétiserait durant la première moitié du viie siècle.
II.– 4. Un bilan : le clergé en Neustrie et Austrasie
121Durant les années troubles de la guerre civile la christianisation, toujours inachevée, connut peu d’impulsions de la part des évêques et encore moins des souverains. Il fallut attendre la fin du siècle pour voir apparaître deux édits royaux, reprenant des dispositions conciliaires antérieures. L’un, du 10 novembre 585, émanant de Gontran, invitait les évêques à prêcher, incitait à respecter le dimanche et exhortait les clercs et les judices à mener une vie recommandable. L’autre, de Childebert, du 29 février 596200, condamnait les mariages incestueux (art2) et enjoignait également d’observer le dimanche (art 14) sous peine d’amende.
122Au cours de la période, les listes épiscopales témoignent d’une remarquable stabilité. Elles comprennent 3 ou 4 noms pour chaque cité, ce qui donne une moyenne de plus de treize ans par prélat, avec parfois des mandats de vingt ou trente ans. Ce fut le cas pour Domnolus du Mans, Praetextatus de Rouen, Leudovaldus de Bayeux201, Artemius de Sens, Aunacharius d’Auxerre, Aegidius de Reims, Gaugericus de Cambrai et Harimeres de Verdun. Cependant, certaines listes n’offrent plus de noms, comme à Séez. A Lisieux, deux titulaires, Chramnegisilus et Launomundus202, signèrent les actes du concile de 614 ; à Coutances, Romacharius n’est plus attesté après 586, de même à Senlis où Mallulfus ne l’est plus après 584 ; enfin, les diocèses de Beauvais, Amiens, Meaux, Spire et Worms, situés aux frontières des Regna, confirment l’arrêt du processus missionnaire vers l’est et l’ouest.
123La conjoncture politique pesa lourdement sur l’épiscopat, le faisant osciller de la plus lâche servilité à la liberté délibérée à l’égard du pouvoir. Si la plupart était des aristocrates nommés par le roi, il ne s’en dégage pas moins des profils particuliers suivant les royaumes. En Austrasie, la formation monastique ou cléricale fut exceptionnelle, de même que l’acquisition progressive des grades antérieurs à l’ordination épiscopale. Chez beaucoup de ces fonctionnaires, dont nous ignorons le niveau culturel, l’activité religieuse fut minime et leur présence aux conciles rare. Seuls les évêchés confiés à des Aquitains ou à des ermites connurent un certain dynamisme pastoral. Dans cette médiocrité générale, deux conceptions opposées de l’épiscopat s’affirmèrent avec Magnericus de Trèves et Aegidius de Reims.
124Dans l’ensemble hétérogène de la Neustrie-Bourgogne, le nombre des hommes formés à la cléricature et ayant accédé à la prêtrise fut plus important. Nous trouvons cependant des réalités antinomiques. En raison des partages et du jeu politique, des républiques épiscopales se constituèrent, dirigées par des fonctionnaires plus ou moins honorables. Il leur était difficile d’échapper aux intérêts stratégiques et aux complots ce qui accrut la confusion entre l’usage des revenus pour l’Eglise et pour l’armée. Seuls quelques uns parvinrent à se soustraire aux compromissions, par leur force de caractère ou leur intense idéal spirituel et se consacrèrent à la pastorale et à la construction d’églises ou de monastères ; enfin, certains concilièrent la fidélité au roi et à la foi. Trois phases s’ébauchent. On assista, de 561 à 577, à une revendication d’indépendance des évêques autour de Germanus de Paris ; puis, de 577 à 594, à la formation d’entités confiées à des fonctionnaires à laquelle Grégoire de Tours s’opposa. Après 594, émergea un type d’évêques proches des mouvements monastiques, préoccupés d’évangélisation et de liberté face à un pouvoir réunifié.
Les problèmes matériels
125A partir de 561, pour mettre fin aux usurpations et détournements de fonds de toutes natures, la législation conciliaire ne cessa de revendiquer l’inviolabilité des biens ecclésiastiques. Le vocabulaire en usage prit une nette connotation morale. L’usurpateur était un necator pauperum. Pour enrayer ces actions néfastes, le clergé tenta de faire jouer la solidarité entre ses membres par-dessus les frontières des tria regna, mais en vain. En désespoir de cause, s’élabora le principe théologique de la propriété éminente de Dieu sur les royaumes203 pour répondre à celui des rois.
126En réaction à cette défense, se développa la critique de la richesse excessive des églises dont Léon, un des conseillers de Chramn, se fit l’écho, ainsi que le roi Chilperic, successeur de Clotaire Ier, préoccupé de récupérer les biens du fisc concédés aux églises : Voici que notre fisc s’est appauvri, voici que nos richesses ont été transférées aux églises. Personne ne règne plus que les évêques204. Ces propos, de nature polémique, illustraient en période de guerre civile la difficulté pour la puissance publique d’effectuer les transferts budgétaires des établissements ecclésiastiques vers des affectations militaires205. L’enjeu était entre deux conceptions politiques : une société de paix et de justice ou la guerre et ses conséquences. Le scandale provoqué par Badegisilus et sa femme s’inscrit dans ce débat. Cet ancien maire du palais, promu à l’épiscopat, passait ses journées à piller les biens et à dépouiller les habitants. A sa mort, en l’absence d’héritier mâle, sa veuve n’hésita pas à réclamer sa part de succession, affirmant que c’était un revenu de fonction206 pour son entretien. L’inanité juridique de ses prétentions fut vite démontrée et elle s’effaça devant les objections des clercs.
127Dans le même temps, les donations royales paraissent avoir été suspendues ou du moins fortement ralenties. Le cas de Sigebert, vers 562, donnant des terres à Saint-Médard de Soissons dans le Maine et à Orlat en Auvergne est exceptionnel. Il récompensait un de ses fidèles nommé évêque : Droctegiselus207. Tout au plus et souvent sous la menace des saints et de Dieu, les prélats se virent restituer quelques biens. Euphronius récupéra de Sigebert le domaine de Nazelles, enlevé de force par Caribert et confié à des officiers de sa cavalerie208. Théodebert consentit à Gregoire la cessation du pillage des églises par ses soldats. Chilpéric lui promit la destitution du comte Leudaste qui accablait les églises tourangelles et la destruction des rôles d’imposition209. En Austrasie, Romulfus de Reims parvint par son archidiacre Sonnatius à obtenir de Childebert II le retour au patrimoine de l’église de biens qui avaient été usurpés.
128Entre 584 et 592, époque de la pleine autorité de Gontran sur le Regnum Francorum, les églises recouvrèrent tout ce qui leur avait été enlevé et purent de nouveau recevoir les dons légués par testament210. Sous certaines conditions, Clotaire II renoua avec la tradition des largesses royales. Au Mans, elle s’accompagna d’un serment de fidélité de Bertichramnus211. Les dons entraînaient la vassalisation du clergé. Les reines ne manifestèrent de générosité que dans des circonstances particulières. Radegonde abandonna tous ses joyaux aux sanctuaires et transféra à son monastère de Poitiers son « Morgengäbe », après confirmation par les trois fils de Clotaire212. Ingoberga, une fois veuve, accorda, par un testament rédigé en 589, des biens-fonds à l’aecclesia de Tours et à la basilique Saint-Martin213.
129La conjoncture politique explique en grande partie l’attitude des princes214. Cependant, si les donations en terres se raréfièrent, s’y substituèrent celles en argent, beaucoup plus fréquemment attestées. Frédégonde offrit une grosse somme à la basilique Saint-Martin. Childebert II contribua de ses deniers à la subvention des œuvres de l’église tourangelle. Aetherius d’Auxerre reçut de Gontran, auprès duquel il s’était réfugié, de multiples présents qu’il eut de la peine à rapporter dans sa cité. Grégoire, alors en ambassade, en bénéficia aussi. Brune haut ne fut pas en reste et remit à Desiderius d’Auxerre un calice d’or et de pierres précieuses215. Clotaire et Ingonde firent de même. L’église de Tours216 semble avoir joui largement de ces bienfaits, ainsi que Soissons et Paris, lieux de sépultures royales.
130En cassant les testaments, Chilpéric empêcha l’alimentation du budget des églises par les legs des évêques, prêtres et clercs inférieurs217. Ceux qui nous sont parvenus datent du dernier tiers du vie siècle. Au Mans, Domnolus († 581) accorda quelques biens au monastère Saint-Vincent218. Bertichramnus, Bordelais par sa mère, fit construire sur ses revenus propres la basilique des saints Pierre et Paul ; il légua, en 616, à Tours et au Mans des biens-fonds et des revenus considérables répartis en Poitou, Herbauge, Quercy, Limousin et Gothie219. Desiderius d’Auxerre, apparenté à Brunehaut, était tellement riche en biens fonciers que l’on ne peut trouver aucune cathédrale en Bourgogne ou en Aquitaine dont il n’ait accru les possessions. Il donna à son église onze domaines en Saintonge, des maisons à Melle et à Saintes et un autre domaine dans la cité de Fréjus. Romulfus, fils du duc Loup, après un partage avec son frère, légua à son église la plus grande partie de ses domaines sis au-delà de la Loire et dans le pagus de Poitiers. Le reste fut réparti entre ses neveux, la matricule Saint-Martial et la basilique Saint-Rémi. Il assigna plusieurs autres dons aux églises des diocèses de Reims, Soissons et Tours. Conformément aux canons, le diacre Sonnatius fut chargé de veiller au respect du testament et le fit confirmer par Childebert220.
131Il serait illusoire de considérer que tous les évêques furent aussi généreux. Certains étaient si pauvres qu’un dénommé Chrodinus les invitait à sa table pour les nourrir221. Les donations ne réglèrent pas non plus toutes les difficultés matérielles des églises. A Tours, Injuriosus laissa, à sa mort, vingt mille sous d’or. Euphronius, son successeur, vit le castrum et les trois églises dévastées par un incendie. Bien qu’appartenant à l’aristocratie sénatoriale, il restaura seulement deux églises et laissa à Grégoire une ecclesia principale en ruine. Ce dernier eut un épiscopat marqué par les ravages occasionnés par les opérations militaires.
132Après lui, nous ignorons la situation financière de l’une des églises les plus célèbres des Gaules. Enfin, la dispersion des biens-fonds sur de vastes espaces entrava l’efficacité de la gestion budgétaire. La rapacité des évêques, dénoncée dans le canon 10 du concile de 614, qui transféraient arbitrairement à leur propre domaine les biens des prêtres ou des abbés décédés avant l’ouverture de leur testament témoigne des problèmes rencontrés autant que des détournements de revenus des églises concédés à titre temporaire aux clercs. Pour mesurer l’ampleur du désarroi financier, ajoutons encore les rappels continuels des conciles pour obtenir le respect des dons faits par les défunts.
133Dans ces conditions, les fidèles furent davantage sollicités222. Les canons, jusqu’ici, ne proposaient pas de tarif pour les offrandes, chaque fidèle la déterminant en fonction de sa charité et de ses possibilités. Pour la première fois en 567, les évêques de la province de Tours s’adressèrent au peuple pour les exhorter, en raison de l’urgence d’un terrible désastre, à donner à Dieu la dîme de toutes leurs ressources, y compris celle des esclaves et des enfants pour lesquels il était demandé une sorte de capitation, s’élevant à un tiers de sous par enfant. Chacun avant de mourir, devait payer la rançon de ses propres péchés et fournir à l’église les moyens nécessaires au rachat des captifs que la guerre ne manquerait pas de provoquer. L’initiative tourangelle, en raison des charges croissantes supportées par les églises, se généralisa et pour stigmatiser l’impiété d’une population, on en vint à apporter pour preuve qu’elle ne donnait plus de dîme223
134Le canon 5 de Mâcon (585) observait encore que la masse des chrétiens négligeait d’accomplir ce qui avait été fixé par Dieu. La conjoncture n’était pas seule à expliquer ce fait. Dans le même temps, le clergé se plaignait de la non-assistance à la messe et de l’absence d’offrande du pain et du vin sur l’autel (Mâcon, 585, c.1 et 4). Les pères comprirent le sens de cette désaffection envers un clergé trop engagé dans les affaires séculières. Dans l’optique de leur réforme, ils modifièrent la destination de la dîme. Elle devait assurer la subsistance des prêtres afin que n’étant empêchés par aucun travail, ils puissent aux heures régulières vaquer aux ministères spirituels224 C’était aussi la confirmation que les rois et les grands, occupés à la guerre, ne pourvoyaient plus l’entretien de l’Eglise. Les conciles et l’Histoire des Francs mentionnent une multitude d’invasiones et de pervasiones des biens ecclésiastiques. Ces manœuvres n’étaient pas seulement le fruit d’un éventuel ennemi venu d’un royaume voisin, mais aussi de libéralités royales intempestives pour récompenser ou s’attirer des fidèles. La dénonciation, sur la base d’une argumentation morale, des necatores pauperum devint le leitmotiv des clercs pour lesquels les évêques aggravèrent les sanctions de la simple excommunication à l’anathème. Grégoire et d’autres multiplièrent les interventions pour amener à résipiscence les « usurpateurs » avec plus ou moins de résultat225.
135Une autre menace, plus insidieuse, venait de ceux là-mêmes qui, au service de l’Eglise, la dépouillaient de ses ressources. Aussi, depuis le concile d’Agde (c.6,7), les conciles répétèrent que les évêques ne devaient pas considérer les terres, esclaves et meubles de l’Eglise comme leurs biens propres. Ces mesures visaient les prélats-fonctionnaires nommés comme Gondulfus, Ebreundus ou Baudegisilus. Par ailleurs, ce phénomène s’était accentué dans la première moitié du siècle, avec la relative autonomie accordée à chaque église, monastère ou xenodochia, pour jouir et gérer les dons croissants des fidèles. Des abus furent inévitablement commis par les clercs locaux auxquels les conciles rappelèrent constamment qu’ils ne pouvaient pas concéder leurs revenus, ni les laisser en héritage à leurs parents. A la diminution des revenus et à leurs amputations, s’ajoutait une nette aggravation des charges due au rachat des captifs, à l’augmentation des pauvres dans les xenodochia et les matricules, sans compter les reconstructions ou les restaurations nécessitées par les lentes dégradations du temps, la guerre et les incendies. Selon la nature des dépenses, les évêques eurent recours à leur propre fortune, à celle de l’Eglise ou encore à de généreux donateurs226.
136La subsistance du clergé, des pauvres et des pèlerins fut garantie par la diversité des dons et des offrandes. L. Pietri a montré que cela pouvait aller d’un tiers de sous pour les plus modestes à de véritables fortunes pour les potentes. Bertichramnus du Mans avait fait vœu, lors de sa tonsure, d’envoyer chaque année cent pièces d’or. D’autre pratiquèrent des distributions de vivre ou se chargèrent gratuitement de l’entretien et du service de la matricule227. L’emploi de ces solutions transitoires obligea les églises à faire un gros effort de rationalisation de la gestion de leurs res et facultates. Le concile d’Orléans de 541 (c.33) allait déjà dans ce sens. Il avait demandé aux détenteurs de domaines ruraux, soucieux d’avoir une paroisse, de la doter d’une quantité suffisante de terres et de revenus. A Tours, Baudinus avait constitué une mense pour les chanoines et à Reims, Aegidius et Romulfus échangèrent des biens pour pallier au gaspillage. Dans tous les cas, les évêques portèrent un grand intérêt aux documents écrits afin d’assurer leurs droits et prévenir les contestations et litiges. Citons Grégoire qui, entouré de notaires, prenait grand soin à tout faire consigner228.
137Si l’on parvient à se faire une idée des problèmes qui entourèrent l’administration des biens des églises, il est plus délicat de dresser un inventaire précis et complet. Le tableau réalisé par L. Pietri pour l’église tourangelle donne un aperçu. La fortune mobilière pouvait comprendre des tissus de prix ornant les autels et tombeaux, des objets liturgiques, calices, candélabres et reliquaires en métal précieux rehaussés de pierreries que les évêques pouvaient vendre dans des cas exceptionnels. Il existait également d’importantes liquidités dont les flux variaient au gré des événements. A cette époque, un prélat vivait convenablement avec un revenu annuel de cent aurei. Un simoniaque achetait un évêché pour mille pièces d’or. Aegidius accepta de trahir son souverain pour une somme double229.
138Plus que les espèces monétaires, l’essentiel tenait dans les rentrées régulières fournies par les biens fonciers. Partout, les églises disposaient de domus où l’on conservait les grains, vins, jambons et autres denrées en provenance des domaines ruraux et des villae sises dans les campagnes dont certaines servaient de résidences secondaires à l’évêque, comme à Tours, Trèves, Cologne. Le patrimoine foncier s’étendait très souvent en dehors de la cité et du diocèse proprement dit. On peut dire, en reprenant l’expression de M. Rouche, qu’il y eut mainmise du Nord sur le Midi. L’église de Tours avait des biens de Bayeux à Bordeaux, de Nantes à Bourges, en passant par Le Mans, Angers, Chartres, Poitiers et Limoges. Les églises de Reims, Sens, Le Mans, Paris, Soissons, Laon, Reims, Châlons, Cambrai, Trèves, Cologne, Metz, Rouen disposaient de biens-fonds en Aquitaine et en Provence. C’était là le fruit des dons royaux consécutifs à des conquêtes, des partages et des legs testamentaires et d’un attrait pour les richesses de ces régions230. Cela constituait un véritable pouvoir temporel, fiscal et judiciaire, muni de privilèges et d’exemptions, dont la puissance publique devait tenir compte.
II. – 5. La difficulté d’être clerc
139La volonté des rois de contrôler le clergé et l’engagement de ce dernier dans la guerre avait considérablement détérioré son image dans la société. Dès l’époque de Nicetius de Trèves, on dénonça les évêques flatteurs du roi et l’essor de cette coutume par laquelle les rois vendaient et les clercs achetaient les bénéfices231. A la cour et dans les milieux aristocratiques, un certain mépris se développa à l’encontre des clercs courtisans dont les comportements ne correspondaient point à la morale de l’Evangile. Chilpéric avait beau jeu de ridiculiser les évêques. Il traitait celui-ci de léger, cet autre de vaniteux, celui-là de richard, cet autre de débauché et prétendait que celui-ci était fier, celui-là gonflé d’orgueil. Caribert haïssait les prêtres. Childebert, bien qu’il eut promis de ne jamais recruter un évêque parmi les laïcs, continua à pratiquer la simonie. Grégoire de Tours confirme que de son temps étaient rares les clercs qui avaient réussi à obtenir un évêché. Ces jugements232 marquent un certain malaise dont se font l’écho les conciles.
La tentation féminine
140L’historien des Francs évoque plusieurs cas d’abandon du célibat233. Au Mans, un clerc débauché à outrance et amateur de femmes, s’adonnait aux plaisirs de la gueule et de la fornication. L’abbé Dagulf était connu pour ses vols, homicides et adultères. Il fut tué, ainsi qu’un autre clerc et une femme, par le mari rentré chez lui durant la nuit. L’archidiacre de Trèves, accusé d’adultère par Nicetius, tenta vainement de se disculper auprès du tombeau de saint Maximin. Parfois, la femme de l’évêque restait dans la domus ecclesiae, jouant le rôle de mauvaise conseillère. Ainsi, la femme de Badegisilus du Mans, après la mort de son mari, voulut garder les biens de l’église qu’elle estimait être ceux de la militia, du service234. A Nantes, l’épouse de l’évêque s’accommodait mal de faire lit à part ; elle essaya de persuader son mari de reposer à ses côtés235.
141Divers conciles (Paris, 561 ; Tours, 567 ; Mâcon, 581-585) et le synode d’Auxerre renouvelèrent avec fermeté les principes du célibat. Aucun clerc, prêtre ou évêque ne devait installer chez lui une femme, fût-elle religieuse, veuve ou pire esclave, pour l’entretien du ménage (Tours, c.10-11). Les évêques, à l’instar de celui de Nantes, étaient tenus de considérer leurs épouses comme des soeurs et les tenir suffisamment éloignées pour que les clercs vivant à leurs côtés ne soient pas gâtés par la proximité des servantes (c.13). L’évêque célibataire ne devait pas être escorté par une troupe de femmes. Si ces règles étaient enfreintes, il incombait aux clercs qui le servaient de les chasser (c.14). Une femme était tout au plus admise à pénétrer dans la chambre de l’évêque en présence de deux prêtres (Mâcon, 585, c.3). Ce luxe de précautions laisse augurer des difficultés d’application.
142Pour ne pas prêter le flanc à la critique des fidèles et sauvegarder leur réputation (c.15), les archiprêtres, diacres et sous-diacres n’étaient autorisés à se déplacer qu’en compagnie d’un lecteur ou d’un clerc de leur église avec lequel ils partageaient leur chambre. Il fut même imaginé un système de surveillance hebdomadaire, composé de sept sous-diacres, lecteurs et laïcs, avec menace d’excommunication pour quiconque ne remplirait pas ses obligations. Enfin, on stipula aux prêtres célibataires d’avoir une chambre différente de celle de leurs esclaves. L’évêque, comme l’archidiacre, devaient veiller à la bonne conduite des clercs. Dans le cas contraire, il était prévu de les enfermer durant un mois dans une cellule et de les condamner au pain et à l’eau (Tours, 567, c.20)236. Le souci de prêcher par l’exemple, en un temps où l’Eglise luttait contre les mariages incestueux, se combinait ainsi à la volonté de donner aux clercs un statut proche de l’idéal monastique. Ces préoccupations furent d’autant plus exacerbées que le nombre de fonctionnaires royaux entrant dans la cléricature augmentait.
143Les relations avec les monastères féminins étaient un autre point litigieux. Le concile de Mâcon (581, c.2) recommanda que l’accès en soit limité au parloir ou à l’oratoire, à l’évêque ou à un clerc âgé et de moralité éprouvée. A l’interdiction traditionnelle de mariage avec des vierges consacrées ou des veuves, ayant fait profession de vie religieuse (Paris, 561, c.5)237, on ajouta pour les hommes et femmes entrés dans des monastères qu’ils n’avaient plus licence de vaquer ici où là, ni de prendre femme (Tours, 567, c.15). Il fut interdit aux femmes, sous quelque prétexte, de pénétrer dans la clôture d’un monastère d’hommes (c.17)238. Au vu des dispositions prises à Tours (c.15), le problème de l’homosexualité fut posé. Prêtres et moines ne devaient pas partager le même lit, ni la même cellule. On incita donc à la construction de dortoirs dans lesquels deux ou trois moines à tour de rôle, veilleraient ou feraient la lecture pendant le repos des autres.
144La justification théologique du célibat des clercs majeurs demeurait au cœur du débat. Si entre les hommes, c’est l’usage qu’un contrat de bonne foi ne soit rompu par aucune raison, combien plus cette promesse passée avec Dieu ne doit-elle être rompue sans qu’il y ait une sanction239. Pour étoffer leur réflexion, les pères s’inspirèrent aussi des décisions du siège apostolique et de la loi romaine qui condamnait à la peine capitale la faute des vierges. Pour leur part, ils se contentèrent de recourir à une simple excommunication jusqu’à la mort, avec la possibilité de recevoir le viatique dans les derniers instants (Mâcon, 581, c.12). Dans ces conditions, la femme vivant auprès des clercs devait, telle une moniale, incarner la vertu et offrir l’image d’une véritable servante de Dieu240. C’est pourquoi, il fut recommandé aux veuves d’évêques ou de clercs de ne pas se remarier, sous peine d’être envoyées dans un monastère (Mâcon, 585, c.16 ; Auxerre, c.22). A Tours (567, c.21), on renouvela l’abrogation de la consécration des veuves comme diaconesses241, afin d’écarter des femmes étrangères de l’entourage des clercs. Une telle mesure espérait freiner les prétentions des veuves au diaconat car les risques de remariage étaient trop nombreux, dans le contexte de guerre civile et d’épidémies.
145La perception réelle de la femme, au sein du clergé, ressemblait davantage à Eve, vipère changeante qui ne se dévêt que pour être plus plaisante242. Cette misogynie, au moins verbale des clercs, était proportionnelle aux multiples tentations qu’ils connaissaient et dont Grégoire de Tours se fit l’écho. Cette discrimination apparente doit être mise en parallèle avec une série de dispositions destinées à éloigner les laïcs des clercs. En effet, ceux-ci durant les offices ne pouvaient plus se tenir près de l’autel, parmi les clercs. Un chancel séparait désormais les deux groupes. L’accès au chœur n’était autorisé qu’au moment de la communion, y compris pour les femmes. Enfin, pour bien marquer cette distanciation, il ne fut plus permis aux clercs de se chausser ni se vêtir comme des laïcs (Mâcon, 581, c.5).
La violence et les crimes de sang
146Des clercs furent utilisés à diverses reprises pour commettre des crimes, notamment par Frédégonde, ou impliqués dans des faides. Par exemple, Melantius et l’archidiacre de Rouen n’hésitèrent pas à payer des sbires pour assassiner Praetextatus. Un clerc du Mans complota avec l’archidiacre de Lisieux pour tuer l’évêque Aetherius qui avait été son bienfaiteur. Citons encore le diacre Theodulfus de Paris qui assenait des coups de poings sur la tête d’un serviteur243. Les pères se préoccupèrent de faire sortir les clercs de la violence du siècle. A Mâcon (581), le port des armes leur fut prohibé (c.5). En 585, on demanda aux maisons épiscopales de renoncer à l’utilisation des chiens et des faucons nécessaires à la chasse, pour faciliter l’accès des pauvres auprès de l’évêque. Par respect pour la dignité de leur fonction qui leur interdisait de voir verser le sang, les clercs se virent refuser d’assister à la torture ou à des procès suivis d’une exécution capitale (Mâcon, 585, c.19 et Auxerre, c.32-33).
147La gloutonnerie et l’alcoolisme constituaient un autre fléau, souvent lié au précédent, touchant tous les degrés de la cléricature et des monastères244. Guntharius, ancien abbé de Saint-Venant devenu évêque de Tours, s’adonna au vin et finit par paraître presque stupide. Droctegiselus de Soissons était vorace quand il mangeait et grand buveur de vin. Eunius de Vannes, non autorisé à rentrer dans sa cité, vivait à Angers entretenu aux frais du Trésor public et buvait au vin jusqu’à s’enivrer à un point tel qu’il n’était plus capable de faire un pas245. Le Breton Winnocus, un reclus, fut lui victime de la générosité des fidèles. Ainsi, le plus souvent on le voyait ivre ; s’emparant d’un couteau ou de toute espèce d’arme, il poursuivait les gens246. Grégoire de Tours stigmatisa encore l’avidité et le manque d’ascèse d’Ingitrude, fondatrice d’un monastère dans l’aître de Saint-Martin. L’affaire de Poitiers témoignait aussi de la violence de moniales, peu disposées à supporter les rigueurs d’une règle247. D’une façon plus générale, le synode d’Auxerre conseilla aux prêtres de ne pas aller aux noces et de ne pas chanter ni de danser dans les banquets.
Le clergé menacé
148Si les clercs eurent aussi à subir les méfaits de la société. En raison des conflits, les troupes des différents Regna ravagèrent les églises, dérobèrent leurs biens et tuèrent des clercs. Des vols et des confiscations arbitraires eurent fréquemment lieu. A Yzeures, dans la région de Tours, un voleur ôta le vitrage de l’église. A Paris, dans la basilique Saint-Denis, un proche de Sigebert emporta un poële de soie, orné d’or et de pierreries qui couvrait le tombeau. A Vermand, un autre s’empara du cheval d’un prêtre. A la celle d’Amiens, les abeilles données aux religieuses furent volées. Plus grave était l’opposition affichée par la parenté, lors d’un don en héritage à une église. Ainsi, à Poitiers Eustochius enleva la donation faite à saint Martin par Baudulfus. Un certain Lupus, désireux d’entrer dans le clergé de Tours, fut assassiné par son frère Ambroise248.
149Les conciles prirent de multiples dispositions afin de préserver les biens légués aux églises et assurer le respect des clercs. A Mâcon (585), on exigea de tout laïc de saluer un clerc, même d’un ordre mineur (c.15). On invita inversement les clercs à être respectables. Les récits de Grégoire de Tours s’accompagnent de l’évocation des châtiments infligés par Dieu ou ses saints aux contrevenants. Tel, le prêtre Arbogastus de Trèves qui avait injustement intenté un procès à un Franc tomba tout à coup sur le sol et mourut, après avoir juré de la véracité de ses propos249.
150Les décisions conciliaires relatives au célibat, la tempérance ou la miséricorde du clergé ne restèrent pas lettre morte. Des diacres, des prêtres et des évêques furent remplis de l’esprit de leur fonction et animés d’une foi profonde. Armentarius, l’un des clercs de Grégoire, bene eruditus in spiritualibus scripturis, excellent musicien, était d’un zèle et d’une fidélité exemplaire. Le diacre Theudomeriscus, opéré de la cataracte, passait des nuits entières dans la cellule de Cande, immobile dans la prière et dans les larmes, espérant sa guérison. Le prêtre Aredius, parmi tant d’autres, accomplit très pieusement le pèlerinage à Tours, priant et chantant dans tous les lieux sanctifiés par la présence de Martin. L’abbé Venantius parcourait chaque dimanche les basiliques des saints et y disait des prières. Il découvrit ainsi les vertus du prêtre Passivus, en se rendant à son tombeau250.
151Dans le climat de déliquescence général, Grégoire de Tours ne manqua pas de glorifier ceux de ces collègues, proches des milieux monastiques, pieux et cultivés, en grande renommée de sainteté qui pratiquaient en secret les mortifications et se répandaient en aumônes251. Il précisait : Quand vous voyez aujourd’hui des évêques dignes du Seigneur... vous verrez en vérité que quels que soient les maux du siècle, la foi et la religion ont de très dignes gardiens. Ce fut le cas d’Euphronius de Tours, Praetextatus de Rouen, Aunacharius d’Auxerre, Germanus de Paris, Gaugericus de Cambrai, Magnericus de Trèves et Agoericus de Verdun.
Une pastorale hésitante
152Des prêtres et des évêques combattirent l’hérésie arienne encore présente. L’affrontement fut même parfois virulent. De l’argumentation sur des points de la foi, la discussion dérivait vers l’invective, pour se terminer en une sorte d’ordalie. Un prêtre arien mourut étouffé par des mets brûlants qu’il avait outrageusement bénis. Un autre eut le bras ébouillanté après avoir voulu retirer un anneau d’un chaudron. De façon plus conventionnelle, Grégoire nous retrace longuement la conversation qu’il eut avec Agila, ambassadeur du roi Liuvigild, sur la Trinité et celle avec Oppila au sujet de l’invocation du Gloria252.
153Les rencontres avec les Juifs, implantés dans les villes de la vallée de la Loire et à Paris, furent plus délicates. Seule la législation conciliaire permet d’avoir un aperçu de leurs relations avec les chrétiens. Depuis Orléans (538 et 541) jusqu’à Mâcon (581-585), on s’était évertué d’empêcher la tutelle d’un Juif sur un chrétien afin d’éviter tout risque de conversion au judaïsme et des troubles de l’ordre public. De ce fait, la sortie des Juifs fut interdite durant la Semaine Sainte. Dans la seconde moitié du vie siècle, une intolérance plus marquée s’afficha à leur égard. Un familier de Chilpéric, Priscus, subit des pressions de la part du roi et de Grégoire de Tours pour se convertir. Quelques temps plus tard, dans le cadre de mesures générales visant à faire procéder aux baptêmes des Juifs, Priscus fut emprisonné pour le forcer à écouter et à croire malgré lui. Il s’ensuivit une faide avec Pathir, un Juif converti253. Au début du vie siècle, les conciles exclurent cette fois délibérément les Juifs de la vie sociale.
154La lutte contre le paganisme préoccupa peu le clergé. Les conciles réformateurs de Mâcon n’abordèrent même pas ces questions. Seuls quelques évêques, vers 561, s’engagèrent dans ce sens, tels Leobinus de Chartres254 et Paternus d’Avrancbes. Ce dernier parvint à faire cesser à Sesciaco le culte rendu dans un temple païen255. A Noyon, un sermon de Faustinus de Riez était utilisé pour dénoncer les turpitudes des Calendes de Janvier (travestis, déguisement avec des peaux de bêtes, prises d’augures et confection de divinités en farine et vœux réciproques)256. Aunacharius d’Auxerre réduisit à néant un culte rendu auprès d’une fontaine et aborda ces sujets avec les prêtres de la province de Sens dans les quatre premiers canons du synode d’Auxerre (post 585)257. Lupus de Sens, exilé par Clotaire II dans le Vimeu, réussit à convertir le duc Boson-Landegisel et un grand nombre de ses guerriers à Ansenne-sur-Bresle258. Plus au nord, Gaugericus de Cambrai remplaça une idole proche de sa cité, située au Mont-des-Boeufs, par une basilique dédiée à saint Médard259. Magnericus de Trèves, par l’intermédiaire du stylite Wulfilaïcus, abattit à Eposium (Ivois) une colonne de Diane dont la statue présidait aux transactions d’un marché aux chevaux260.
155Dans les villes, les évêques tentèrent de soulager les possédés du démon et poursuivirent les sorciers. Aunacharius exorcisa une femme près de la basilique Saint-Etienne. Boetharius de Chartres fit de même avec une jeune fille, ainsi que Germanus de Paris261. Agericus de Verdun essaya de briser l’idolâtrie dont les habitants de sa ville entouraient une pythonisse. L’exorcisme ayant échoué, il l’autorisa à rejoindre Frédégonde262, preuve des liens étroits entre politique et sorcellerie, comme moyen de déstabiliser une population. C’est ce qui ressort de l’enquête menée par Frédégonde elle-même à la suite de la mort de son fils Thierry. Les sorcières de Paris qui pratiquaient un fructueux commerce d’herbes, d’onguents et de breuvages, durent, après diverses tortures, expier leurs forfaits réels ou supposés par la noyade, le bûcher ou la roue263.
Les activités de charité et de miséricorde
156Peu investi dans l’œuvre missionnaire, le clergé ne le fut guère plus dans les activités charitables. Nous trouvons néanmoins d’heureuses exceptions. Boetharius de Chartres, après l’invasion de sa ville par Thierry II et la menace de déportation de la population, décida de la racheter et se fit conduire enchaîné auprès du roi et de Brunehaut264. Gaugericus de Cambrai, durant sa vie, s’évertua à renouer avec la tradition de rachat de prisonniers, interrompue après Albinus d’Angers (550). Lors de son entrée dans sa cité, il fut confronté au comte Waddon qui refusait de faire un geste de bonne volonté en faveur de douze notables redevables des arriérés d’impôts dûs par la population. Plus tard, il se heurta au tribun Walacharius qui maintenait trois contribuables en prison le jour des Rogations. A Chelles, l’évêque intervint encore auprès de Landri, maire du palais, pour que soient sauvés deux esclaves condamnés à mort. Il dut négocier farouchement leur rachat, les marchands d’esclaves se montrant aussi peu conciliants que les autorités civiles. Eufronius de Tours, par ses prières, fit libérer Wiliacharius qui devint prêtre265. Rappelons enfin la tentative de Magnericus de Trèves et d’Agericus de Verdun de protéger des prisonniers illustres. Il semblerait que les évêques, par négligence ou en raison de leur discrédit, aient peu risqué leur autorité en la matière. En conséquence, on recourut davantage aux saints pour parvenir à une libération immédiate. Ainsi, à Tours, Soissons et Reims, ce fut la virtus de Martin qui brisa les chaînes et à Trèves, celle de Nicetius.
157Au gré des exemples, derrière le récit miraculeux proposé, la réalité émerge, plus complexe. A Tours, une jeune fille, née de parents affranchis, avait été remise en servitude, contrairement aux canons 7 de Mâcon (585) et d’Orléans (549). En gagnant la basilique, elle obtint le droit d’asile et confirmation de son affranchissement. A Soissons, un homme avait été emprisonné pour dettes. Lors de l’entrée des reliques de Martin dans la ville, il fut racheté par des hommes pieux qui s’acquittèrent de l’obligation contractée. A Reims, le roi Childebert, après avoir reçu Grégoire, considéré par lui comme le porteur vivant de la virtus de Martin, remit à des contribuables le fredum dû. A Trèves, Grégoire constata la présence de chaînes brisées auprès du tombeau de Nicetius, mais il ne nous livre aucune précision266.
158L’action des prélats pour protéger leur cité des incendies et de la destruction se poursuivit. Mais les initiatives furent réduites à néant par les passages successifs de troupes qui rendirent plus ponctuels les travaux de réaménagement. Le dévouement aux pauvres et aux orphelins continua d’habiter certains évêques. Celui de Tours s’attacha particulièrement à repousser les causes de la misère, en négociant la paix ou des remises d’impôts pour ses ouailles267. Baudinus († 552), l’un de ses prédécesseurs, distribua vingt mille sous d’or aux pauvres et multiplia les aumônes268. D’autres furent aidés par les libéralités de Gontran qui avait confisqué certains trésors269. Au Mans, Innocentius (+559) bâtit un xenodochium pour les pauvres et les pèlerins. Seul Bertichramnus reprit à son compte cette activité près de l’église des Apôtres où il établit un monastère avec un hospice et une matricule270. Pour cette période, les témoignages sont dans l’ensemble médiocres et justifient les rappels des conciles de Tours (567, c.5) et Mâcon (585, c.11,12).
159Des évêques intercédèrent aussi en faveur d’un condamné à mort pour adoucir sa peine et solliciter sa grâce avec des succès variables. Le duc Berulf et son associé Arnegysil, accusés par Childebert d’avoir dérobé les trésors de Sigebert, n’eurent la vie sauve que par l’intervention des évêques271. En d’autres circonstances, alors que Childebert menaçait des clercs, Grégoire tenta de le calmer par des propos aimables. Il échoua cependant dans son désir d’amender Pelage, maître des haras du fisc et auteur de nombreux méfaits. Il apaisa difficilement une faide entre des habitants de Touraine272. A Vermand, un prêtre intervint auprès du juge pour que l’homme qui avait volé son cheval ait la vie sauve, mais en vain. Il l’arracha toutefois à la mort par ses prières à saint Martin. En effet, au moment de la pendaison, les cordes du gibet cédèrent. Un autre condamné fut sauvé par ses propres prières et il fut délivré par la chute du gibet. Un prévenu eut lui la chance de voir la corde se rompre, lors de son exécution, mais la foule présente décida d’accomplir la sentence. Il n’échappa à la mort que par l’intervention de l’abbé d’un monastère voisin auprès du comte273.
La liturgie
160La célébration du culte fut un moyen de catéchèse des populations. Cependant, si l’on se réfère à de nombreux récits, les oratoires, les églises ou les basiliques furent fréquemment profanés par des vols, crimes, fornications et beuveries. Il arriva même que l’office soit perturbé. Eberulfus, ivre, pénétra dans la basilique et injuria les prêtres qui psalmodiaient. Dans d’autres circonstances, un diacre dut imposer le silence pour permettre aux fidèles de suivre la messe274.
161Pourtant, le clergé ne recula pas devant les artifices pour impressionner les foules et faciliter le bon déroulement des cérémonies. Grégoire mentionne les innombrables mosaïques, sculptures, tentures et orfèvreries qui agrémentaient les édifices religieux et leur donnaient de l’éclat. A Yzeures, l’église avait selon l’usage des fenêtres closes par des vitres à châssis de bois, au moyen desquelles la lumière pénétrait, plus éclatante, à l’intérieur de l’édifice275. A Cologne, la basilique dédiée aux martyrs de la Légion thébaine était appelée par les habitants la basilique des saints d’or, à cause de ses admirables mosaïques. Grégoire fit construire une vaste cathédrale et l’orna de peintures. Les artistes auxquels il eut recours étaient d’une qualité égale à ceux utilisés par Perpetuus. Les toits de Saint-Martin de Tours, couverts d’étain, brillaient au soleil le jour et, la nuit, à la clarté de la lune276. Fortunat célébra la cathédrale de Felix de Nantes. Au centre, se dresse une tour, au-dessus de la toiture. Par une succession d’arcades, elle s’élance dans les airs pour l’étonnement des spectateurs. Le faite est décoré de peintures qui semblent animées, tant la couleur donne de vie aux figures277.
162La liturgie ne manquait pas non plus de panache. Ainsi, lors de la dédicace d’un oratoire aux saints Saturnin, Martin et Allyre, le clergé, groupé autour de l’évêque, célébra les vigiles pendant toute une nuit, dans la basilique. Il se rendit ensuite en procession derrière les reliques, couvertes d’étoffes et de parfums, au milieu de la lumière des flambeaux, des croix, des chœurs de prêtres et lévites en vêtements blancs. A Reims, le peuple, assemblé près du tombeau de saint Rémi, alluma des cierges et des lampes en grand nombre et passa la nuit à réciter des hymnes et des psaumes. Au matin, il disposa la tenture du sépulcre en forme d’enveloppe funéraire. Il plaça sur les croix des cierges et, au chant des cantiques, il parcourut les rues de la ville. Les sonneries des cloches annonçaient les offices et accompagnaient les louanges entonnés par les clercs, notamment les psaumes de David, à Angers, le jour de la fête de saint Aubin, dans une basilique baignée par l’encens. A Soissons, des laïcs suivaient également les vigiles, près du tombeau de saint Médard. A Paris, à l’époque de Germain, les veillées de prières étaient nombreuses. Leur longueur était parfois cause de fatigue chez les clercs ; certains s’assoupissaient sur le tombeau auprès duquel ils se tenaient278.
163Toute une liturgie stationale marquait l’année dans les basiliques des principales cités à laquelle s’ajoutaient les grandes fêtes, empreintes d’une solennité particulière. La plus importante était sans conteste celle de Pâques, célébrée à une date variable, ce qui déplaçait les autres fêtes directement reliées à elle. Le calcul de la date exacte de la Résurrection du Christ souleva bien des polémiques. Malgré la décision du concile d’Orléans (541, c.1) d’uniformiser la date à partir de la table de Victorius d’Aquitaine279, un doute subsistait, alimenté par la forte influence de manuscrits liturgiques espagnols, répandus dans le sud de la Gaule280. Le problème se posa à nouveau en 590 car Pâques risquait d’avoir lieu le même jour de la lune que les Juifs. Au 15e jour, traditionnellement admis, Grégoire préféra le 22e jour. Il note d’ailleurs, non sans fierté, l’exactitude de ses calculs. En effet, en Espagne, les sources se remplissaient chaque année le jour de Pâques, selon la volonté de Dieu. Le phénomène se renouvela au moment qu’il avait pressenti281.
164La fête de Pâques était précédée de la longue période de jeûne du Carême. Le jeudi saint, se déroulait la messe de célébration de la Cène et la réconciliation des pénitents. Le vendredi saint, se succédaient les lectures et les récits de la Passion. Le samedi, dans la soirée, juste après les vigiles, on procédait à l’admission au baptême des catéchumènes. Enfin, arrivait le jour bienheureux de la Résurrection durant lequel l’évêque se rendait de bonne heure à l’église pour accomplir les offices et, selon la coutume, réciter les antiennes dans leur ordre. Puis, se tenait le banquet, pourvu de riches mets et la journée se poursuivait dans les réjouissances282. Quelques semaines plus tard, trois jours avant l’Ascension, l’ensemble des fidèles jeûnait, récitait des litanies pour les Rogations et parcourait en procession la campagne avoisinante. A Paris, l’évêque Ragnemodus faisait le tour des lieux saints283. Les fêtes de l’Ascension et de la Pentecôte, dotées d’une liturgie particulière achevaient le cycle de Pâques.
165L’autre période intense correspondait, en hiver, à la fête de la Nativité. La date du 25 décembre avait tardé à être arrêtée car l’Epiphanie, très populaire en Orient, s’était répandue en Gaule et continuait à être célébrée avec faste, en souvenir de l’adoration des Mages et du baptême du Christ. Ce choix s’inscrivait par ailleurs dans le cadre de la lutte contre la fête païenne du Sol Natalis invicti et des réjouissances des Calendes de janvier. Le 25 décembre, l’évêque pénétrait dans l’église où l’archidiacre, vêtu de l’aube, se présentait à lui pour l’inviter à s’avancer vers l’autel et célébrer avec pompe le jour saint. Comme pour Pâques, la fête était précédée de vigiles qui duraient toute la nuit284.
166Chaque dimanche, commémoration du Dies Resurectionnis, la messe était l’occasion de rassembler les fidèles. Ceux-ci étaient tenus d’y assister, soit au siège de la cité, soit dans leur paroisse. Des facilités avaient été accordées pour la création d’oratoires dans les campagnes où les prêtres pouvaient désormais prêcher. L’office dominical avait lieu le matin, à l’appel de la cloche, et respectait le rituel gallican, marqué par un dialogue entre le célébrant et la foule, ponctué par de multiples bénédictions285. Des chants accueillaient l’évêque, venu en procession de sa domus jusqu’à l’église. Puis, après un temps de silence, les cantiques d’ouverture retentissaient.
167Le Trisagion était encore en usage dans le Nord à la fin du vie siècle286, malgré le souhait des pères du concile de Vaison (529) de le remplacer par le Kyrie. Le Gloria, connu à Tours287, était essentiel dans la croyance en la Trinité, avec le symbole de Nicée. La liturgie de la Parole revêtait une grande importance. Les lectures étaient extraites de divers passages de l’ Ancien Testament288, des Epîtres apostoliques et de celles de saint Augustin. Lors des fêtes des saints, leurs vitae étaient présentées, tandis qu’au cours du temps pascal était lue l’Apocalypse.
168L’homélie était, depuis le concile de Vaison, beaucoup plus fréquente en Gaule qu’à Rome289. Elle constituait, en effet, un remarquable complément d’information de la lecture précédemment faite. Des homéliaires, disparus aujourd’hui pour la plupart, avaient été rédigés et mis en circulation, dès le ve siècle, pour soutenir l’effort de prédication des clercs. Eucher de Lyon admirait ceux d’Hilaire d’Arles et de Salvien de Marseille. Au vie siècle, celui d’Avit de Vienne (490- 518) était connu de Grégoire de Tours. Le palimpseste de Wolfenbüttel du ve-vie siècle nous éclaire sur le contenu possible290. Pour les sermons de Pâques, l’Ascension, saint Jean-Baptiste, les saints Pierre et Paul, les martyrs Laurent et Crépinien, il s’inspirait largement de saint Augustin et de Césaire d’Arles. Il offrait, en outre, une leçon comparative sur les rôles respectifs de Marthe et Marie, dont le thème est largement repris dans les vitae des ermites.
169D’autres sermons dénonçaient les festivités païennes, l’alcoolisme, l’avarice, et prônaient l’aumône, la charité, la justice et le mariage, blâmant le concubinage et les relations incestueuses. Des prêches portèrent enfin, sur les temps de destructions et de malheurs, la richesse et la pauvreté de Lazare et la Samaritaine. On peut se demander si, passé 560, ces textes en latin étaient encore compris par tous291, notamment dans les campagnes, quel était l’effet de leur déclamation en public et si l’emphase du discours convenait aux sensibilités de l’époque. Le récit hagiographique se développa, dans le dernier quart du vie siècle, sous l’impulsion de clercs attentifs aux besoins réels des fidèles, parmi lesquels Grégoire de Tours292.
170Ces mutations étaient également perceptibles dans le domaine du chant. En raison des difficultés d’organiser une prière silencieuse, celui-ci prit de l’essor. Son harmonie favorisait le recueillement et l’apaisement des comportements violents. Le concile de Tours (567) favorisa cette évolution en rendant possible (c.24) d’autres hymnes que les Ambrosiennes. Il organisa (c.19) dans les basiliques l’ordre de la psalmodie pour les clercs. Il prévoyait aux mâtines 6 antiennes et 2 psaumes en été, 7 antiennes en septembre, 8 en octobre, 9 en novembre, 10 en décembre avec 2 ou 3 psaumes. Il en était de même de janvier à Pâques. Durant la journée, 12 psaumes devaient être chantés le matin, 6 à la sixième heure, et 12 à la douzième. Le mépris de cette prescription entraînait une semaine au pain et à l’eau. Les cantiques prirent une place considérable et les prières furent davantage psalmodiées que récitées293. A la fin de cette partie consacrée à la liturgie de la Parole, les catéchumènes partaient, ainsi que certains excommuniés et les pénitents.
171Dans la seconde partie, conduisant à la célébration de l’Eucharistie, les fidèles, après la lecture des diptyques sur l’union des vivants et des morts, échangeaient le baiser de paix puis entonnaient le Sanctus. La prière eucharistique se terminait par la fraction du pain sur l’autel, sous forme de croix et non de façon figurative pour éviter toute interprétation magique294. A la suite de la bénédiction des offrandes, débutait une procession au cours de laquelle le pain était porté dans un vase en forme de tour et le vin mêlé à l’eau295, dans un calice recouvert d’un voile de soie, d’or et de pierreries. Les fidèles accédaient ensuite au chœur pour la communion, systématique au vie siècle pour tous, selon Fortunat et Grégoire de Tours. L’Eucharistie296 était donnée dans la main. A cette occasion, les femmes étaient voilées. Au concile de Mâcon (585, c.6), il fut spécifié que les restes de l’Eucharistie dominicale seraient remis aux enfants à jeun, lors des messes qui leur étaient réservées le mercredi et le vendredi. Après un dernier chant d’action de grâce, le célébrant annonçait : Missa acta est. Pace297.
172Cette description trop générale de la messe ne permet pas de savoir si le rituel suivi fut partout le même au long du vie siècle. En revanche, il est certain que la signification de l’office dominical pour les fidèles dégénéra et qu’une désaffection se produisit. Si à Orléans en 511 et 533 les pères s’étaient contentés de rappeler le devoir d’assister à la messe jusqu’à la bénédiction finale, à Mâcon (585, c.1) et au synode d’Auxerre (c.16), ils insistèrent sur le respect du dimanche, jour de repos pour tous, avec obligation de se rendre à l’office. Par l’édit du 10 novembre 585, le roi Gontran confirma cette disposition et la définition précise qui en avait été faite de la vénération du mystère de la Résurrection298.
173Un effort important fut entrepris pour corriger les abus et les déviances et rendre toute sa signification au dimanche et à l’année liturgique. Grégoire de Tours, s’appuyant sur le 4e commandement, se fit dans ses œuvres le porte-parole de cette action pastorale. Il décrit à maintes reprises les malheurs survenus à ceux qui osèrent travailler ce jour-là, à Tours, Brioude, Orléans, Angers299. Face aux difficultés d’application, le seul moyen fut d’invoquer le jugement de Dieu. Par ailleurs, les pères des conciles mirent l’accent sur la dignité du prêtre, en la circonstance. Il devait officier à jeun, en particulier les jours festifs et non gavé de nourriture et enivré de vin300. Progressivement, les mêmes contraintes furent étendues aux fidèles. A partir du concile de Lyon (567/70) fut amorcée, avant la Nativité, une période de jeûne débutant la première semaine de novembre, avec la récitation de litanies comme avant l’Ascension (c.6). Puis, après le concile de Mâcon, les fidèles durent jeûner trois jours par semaine, de la saint Martin à la Nativité (c.9). Cette longue préparation visait à privilégier Noël par rapport aux festivités païennes exubérantes. La démarche était reprise à l’occasion de Pâques où, durant les six jours de la Semaine Sainte, tout travail fut interdit, afin de faciliter la présence aux divers offices (c.2), notamment pour les catéchumènes. Il fut aussi rappelé la nécessité d’administrer alors le sacrement de baptême aux enfants (c.3), sauf cas exceptionnels. Pour les moines, les mesures prises à Tours (567, c.24) allaient dans le même sens. Elles prévoyaient trois jours de jeûne par semaine, les lundi, mercredi et vendredi de la Pentecôte aux Calendes d’août, de septembre à la Nativité, de l’Epiphanie au Carême et de Pâques à la Pentecôte.
174Au cours de la seconde moitié du vie siècle, un effort fut donc fait, inspiré par les évêques du courant monastique, pour donner à la messe un certain apparat, passant par le respect, la dignité, l’ascèse et le chant. Cela était destiné à impressionner les fidèles et à leur donner avec les lectures vétéro-testamentaires une idée de la toute puissance de Dieu, seule susceptible de les amener à s’amender. Toutefois, dans les cités où le clergé était mal formé et inférieur à sa tâche, la mise en application de ces réformes fut assez délicate. On peut se demander si, en cette période d’épidémies et de guerres, la longueur des offices, la multiplication des jeûnes furent bien comprises par des fidèles assoiffés d’espérance et de résultats tangibles. Pour toutes ces raisons, des hérésies et des faux prophètes apparurent, formidable interpellation adressée à un clergé par trop noyé dans les imbroglios politiques et les activités séculières.
II. – 6. La religiosité populaire
175Dans l’entourage de Grégoire de Tours, l’un de ses prêtres se mit à nier le principe de la Résurrection et à développer une argumentation de type matérialiste. Il accusa même l’évêque de Tours de séduire les foules par des paroles lénifiantes. Son long plaidoyer est manifestement révélateur d’une carence dans sa formation théologique. Ce cas fut loin d’être unique : Ils sont nombreux, en effet, ceux qui se livrent à ces impostures et ne cessent d’induire en erreur le peuple ignorant... D’ailleurs, c’est dans toutes les Gaules qu’ont surgi de nombreux hommes qui, au moyen de sortilèges, s’adjoignent des femmes de petite vertu qui professent dans leurs orgies que ces hommes sont des saints ; eux-mêmes se présentent aux populations comme de grands personnages301.
Le temps des faux prophètes
176Trois d’entre eux nous sont connus. Vers 588, arriva un imposteur qui fit beaucoup de dupes par sa fourberie302. Il était vêtu d’une tunique sans manches et, sur un manteau de lin il portait une croix à laquelle, étaient suspendues des ampoules contenant de l’huile sainte. Il disait venir d’Espagne et montrait à tous des reliques du diacre-martyr Vincent et de Félix. Grégoire le rencontra à Tours et fut outré de sa vanité. Dès l’aube, il s’était présenté à la basilique Saint-Martin et avait reproché le mauvais accueil de l’évêque. Après avoir menacé d’en informer Chilpéric, il entonna les trois premiers versets des psaumes. Parvenu à Paris, le jour des Rogations, il organisa sa propre procession et chercha à intimider l’évêque Ragnemodus. Il fut arrêté et l’on découvrit un sac rempli d’onguents et de sortilèges. Il fut présenté aux évêques, lors de leur réunion à Paris, et reconnu comme étant le domestique de l’un d’entre eux : Artemius de Bigorre.
177Sept ans plus tard, vint à Tours un nommé Didier qui prétendait faire des miracles et se vantait que des messagers circulaient entre lui et les Apôtres Pierre et Paul. La population crut d’abord à ses déclarations et fit appel à lui pour qu’il exerce son pouvoir de guérisseur. Mais elle fut vite victime de ses mensonges car les malheureux infirmes n’étaient pas guéris ; on les laissaient là inanimés. En dépit de cela, il clamait dans la cité que saint Martin lui était inférieur. Sa pratique de la nécromancie et ses allures d’ascète, vêtu d’un capuchon et d’une tunique de poils de chèvres étaient à même de les berner d’autant plus qu’il alliait l’apparente efficacité et sécurité d’un saint, s’abstenant d’exiger des fidèles un effort de prières, de veilles ou des contraintes morales. Ces deux pastiches du monde clérical permettent de saisir la vénération dont le clergé pouvait être l’objet. Par ailleurs, ils révélaient combien l’enseignement religieux, à plus forte raison celui d’un homme cultivé comme Grégoire de Tours303, était incompris ou mieux inadapté aux problèmes et aux angoisses de l’époque. Dans les cités tenues par des évêques peu ou mal formés, le phénomène ne pouvait que largement se développer.
178L’apparition du Christ berrichon, accompagné d’une femme prétendue sœur, qu’il faisait appeler Marie, prit une autre dimension. Il s’agissait cette fois d’un leader populaire, doté de charisme et de prophétisme messianique, cherchant à établir une société juste et égalitaire, semblable à celle – mythique – des origines, dans l’attente du Jugement dernier. Aussi était-il précédé de messagers qui dansaient nus, distribuaient aux pauvres l’or et l’argent et lançaient des invectives contre les riches et des prédictions peu rassurantes quant à l’avenir. L’attrait qu’il exerçait provenait des tensions économiques et sociales encore aggravées par le poids d’une fiscalité de guerre, le mythe séculaire de l’âge d’or et l’exaspération de pulsions sexuelles réprimées304. Il parvint à soulever la Provence et le Gévaudan mais rien n’indique qu’il réussit à toucher la Gaule du Nord.
179Face à ces manifestations populaires, le clergé fut assez désorienté et réagit de façons diverses. Grégoire laissa partir le Bigourdain puis lui accorda sa miséricorde dans la basilique Saint-Julien de Paris. Artemius de Bigorre fit de même. Plus fréquemment, les évêques et les prêtres eurent recours à la force. A Paris, le Bigourdain fut arrêté et jeté en prison. Didier fut chassé du territoire de la cité. La révolte populaire fomentée par le Berrichon fut réprimée par l’armée, sa compagne mise à la question et les hommes qui l’entouraient dispersés305.
180De tels débordements furent dénoncés et interprétés comme des agissements des suppôts de Satan, signes avant-coureurs de la fin des temps. Une grande famine accabla les Angevins, les Nantais, les Manceaux. C’est en effet, selon la parole du Seigneur, le commencement des douleurs. Il y aura, dit-il, des pestes, des famines et des tremblements des terre en divers endroits, et il s’élèvera de faux Christ et de faux prophètes, et ils feront des signes et des prodiges dans le ciel jusqu’à induire en erreur les élus, comme cela s’est produit dans le temps présent. De ce pessimisme, confronté à l’imminence du jugement final, découlait l’urgence d’amender les fidèles. Le climat eschatologique donnait l’opportunité de mettre en œuvre une prédication nouvelle tenant compte de la religiosité des nouveaux venus et de celle des populations rurales pour lesquels les affaires de Dieu et des hommes étaient intimement mêlées. Ainsi, un acte individuel ou collectif, bon ou mauvais, avait un retentissement sur l’ensemble de la communauté. Dans ce contexte de christianisme élémentaire, tout malheur était perçu comme la conséquence d’une faute des hommes306.
181L’Histoire des Francs est jalonnée de multiples exemples de punitions divines307 qui, sous diverses formes, étaient destinées à corriger ceux qui manquaient de respect envers le Seigneur, ses prêtres et les biens de son Eglise. Cette profonde conviction était étayée par la lecture de l’Ancien Testament. L’évêque de Tours rappelle la réduction en esclavage des enfants d’Israël qui négligèrent, après la disparition de Josué, les préceptes divins. Certains hauts fonctionnaires, tel le comte Leudaste, par leurs exactions et leurs sévices furent tenus pour des agents de la vengeance divine. Par contre, les criminels et les voleurs qui avaient persécuté les serviteurs de Dieu subirent les coups du courroux céleste. La justice fut alors expéditive pour Fronton, meurtrier de l’évêque Maracharius, la soldatesque qui pillait les basiliques ou spoliait les revenus tirés des biens de l’Eglise et destinés aux pauvres308.
182Quand la mort ou la folie démoniaque n’atteignaient pas directement les mécréants, c’était leurs descendants, fussent-ils de lignages royaux, qui étaient frappés. Le roi Gontran perdit subitement deux enfants. Ce drame familial survint également chez Chilpéric et Frédégonde qui s’accusèrent d’avoir péché. Les maladies furent aussi interprétées comme des punitions. Les habitants de Chinon qui avaient échappé de justesse à l’effondrement de leur église succombèrent à une épidémie car ils avaient provoqué Dieu. Face à la peste et à la dysenterie qui sévissaient de façon récurrente309, le seul recours pour obtenir le pardon de Dieu était les prières ou l’invocation des saints. Ainsi, lors d’une épidémie en Pays nantais et en Touraine, la procession des Rogations prit une allure encore plus grandiose et eut un résultat positif. Grégoire-le-Grand organisa, à Rome, une pénitence publique et collective310.
183Enfin, les victoires ou les défaites militaires furent une révélation de la puissance divine, servant des causes justes : le succès contre les Wisigoths ariens, l’échec de Gontran en Septimanie à cause des actes impies de l’armée311. La pratique de l’ordalie permettait de déceler l’innocent ou le juste qui retirait intacte sa main de l’eau bouillante, ne flottait pas sur l’eau ou était épargné par le feu312. Tout cela incite à penser que la Gaule connaissait une formidable thérapie de groupe, visant à donner à chacun une conscience et à lui faire considérer ses actes.
L’essor du culte des saints, des reliques et des pèlerinages
184Faire adopter un comportement chrétien par l’ensemble des fidèles n’était guère aisé. Pour éviter un dérapage vers la magie313, il convenait donc de trouver une base à ce programme d’éducation. Il reposa sur les dix commandements et la vénération d’un Dieu unique dont le nom ne devait pas être utilisé pour jurer. Tout manquement entraînait une punition, le plus souvent la mort brutale de l’offenseur. Pour empêcher le meurtre, le vol et l’adultère, on eut recours à l’anathème et à l’excommunication qui touchaient tant les clercs que les laïcs314. Seul l’évêque prononçait l’anathème, avec beaucoup de solennité, entouré de son clergé et de ses abbés récitants le psaume 108. Par cette mesure, on entendait maudire le coupable jusque dans l’Au-delà et le vouer aux châtiments éternels. A partir du concile de Mâcon (585), le terme fut largement employé, preuve des difficultés rencontrées par l’Eglise sur le terrain de la morale et du mépris croissant dont elle était l’objet315.
185L’excommunication eut des applications plus variables. La peine la plus lourde signifiait un rejet total de la société et l’abandon de toutes activités. Elle était réservée aux pénitents qui avaient renoncé à son état. Le plus souvent, elle était partielle et limitée dans le temps ; elle équivalait à une interdiction d’assister aux offices ou seulement à l’Eucharistie, de se rendre dans les lieux saints et les réunions de fidèles. Quand il s’agissait de clercs, la peine était assortie d’une déposition et d’une suspens, en cas de faute capitale ou de détournement de revenus. Toutefois, le viatique ne fut jamais refusé et l’évêque était invité par les conciles à agir avec discernement, prudence et charité. Ces menaces eurent quelques effets. Les comtes Leudaste et Nanthin cherchèrent à tout prix à se réconcilier316. Les moniales révoltées de Poitiers firent une tentative de chantage pour pouvoir communier à nouveau317. La perspective d’être frappée d’anathème décida une femme qui avait fui le domicile conjugal pour entrer au monastère, à regagner son foyer318. En dernier ressort, la peur de la mauvaise mort319 éveilla la réflexion.
186Au rachat des fautes, l’Eglise offrait de multiples solutions, parmi lesquelles la pénitence volontaire, faite de prières, de jeûnes et de mortifications corporelles. Certains ascètes s’y adonnèrent mais ils suscitèrent plus l’admiration qu’ils n’attirèrent de disciples. Le processus de la pénitence publique était d’ailleurs en recul, l’absolution ne pouvant dans ce cas être accordée qu’une seule fois. D’autre part, la négligence ou les atermoiements de certains évêques eurent raison de cette pratique. Dans la seconde moitié du vie siècle, le terme de pénitence se chargea d’ambiguïté et fut assimilé à l’exil politique, accompagné de la relégation du fautif dans un monastère.
187Il restait l’aumône, la visite aux malades et aux prisonniers, la prière lors des vigiles, comme l’avaient conseillé Césaire d’Arles et Augustin320. L’application en était douteuse, si l’on en croit le rappel du devoir de charité fait aux évêques et aux prêtres, au concile de Mâcon (c.11). Quand elle existait, la démarche dégénérait en tentative d’achat, de protection ou de corruption des saints et des évêques. L’esprit pénitentiel demeurait en retrait par rapport au principe du do ut des. Frédégonde, voyant son fils dans un état désespéré, se mit à promettre beaucoup d’argent à la basilique Saint-Martin321. Dans une autre circonstance, Frédégonde et Chilpéric brûlèrent les livres d’imposition afin d’échapper à la peine éternelle. Ce geste tardif fut inutile car les deux enfants décédèrent. Par la suite, le roi fit des largesses aux églises et aux pauvres322. Gontran, après la mort de ses enfants, multiplia ainsi les aumônes aux églises.
188Cependant, pour bon nombre de laïcs disposant de peu de moyens, le rachat des péchés et la possibilité d’assurer leur salut passait par les pèlerinages et les cultes rendus aux reliques. L’image de la sainteté se définissait ainsi : une vocation précoce, parfois dès la naissance, une ascèse élevée mortifiant les chairs par la privation de nourriture ou des excès d’humiliation et de macération afin de maîtriser les passions et les pulsions. En contrepartie, Dieu accordait la virtus dont l’effet se faisait sentir par des dons exceptionnels pour réaliser des miracles : résurrection des morts, guérison d’infirmités ou de maladies jugées incurables323. La particularité des saints était d’être, à l’instar des prophètes de l’Ancien Testament, capables de commander aux éléments : intempéries, orages destructeurs, sécheresse ou découverte de sources. L’idée que certains hommes, par leur proximité avec Dieu, pouvaient dominer la nature, souvent rebelle en cette période, constituait un puissant facteur de séduction.
189Il n’est donc pas étonnant que les populations aient recherché des saints vivants et qu’elles aient prêté une grande attention aux signes extérieurs de sainteté. Ainsi, Radegonde vouée aux oraisons, jeûnes et aumônes, se distingua tellement qu’elle était considérée comme une grande sainte dans le peuple324. Cela déboucha aussi parfois sur la glorification d’imposteurs. Grégoire de Tours lui-même fut trompé par le solitaire, ivrogne, Winnoc, auquel il remit la prêtrise pour la seule raison qu’il pratiquait l’abstinence et qu’il était pauvrement vêtu325. Un semblable charisme drainait des fidèles et des disciples vers les ermites et les monastères. En effet, on pensait qu’après leur mort les saints continuaient à avoir de la puissance, tant pour soulager que pour exercer leur vengeance. Saint Martin, Nicetius, Gaugericus et d’autres se manifestèrent ainsi, à plusieurs reprises326. Partout, des basiliques s’élevèrent au-dessus des corps vénérés. Toutes les églises ou les monastères se firent un devoir de posséder ces traces tangibles du passage d’un saint sur la terre.
190Restaurations d’églises et redécouvertes de reliques allaient de pair, en ce dernier quart du vie siècle, notamment en Austrasie, à Cologne, Trèves, Metz ou Strasbourg. Ce besoin de proximité est certainement une des caractéristiques de l’époque. Grégoire ne se déplaçait pas sans les reliques de saint Martin grâce auxquelles il parvint à guérir le référendaire Siggon, à Reims. De nombreuses translations eurent également lieu, toujours effectuées avec beaucoup d’éclat. Des pèlerins de Cambrai, venus à Tours, repartirent un soir en chantant des psaumes, précédés par des enfants porteurs de lanternes. Leodovaldus d’Avranches en fit aussi la demande, par l’intermédiaire de l’un de ses prêtres, et des miracles s’en suivirent, dès leur arrivée dans la cité. A Amiens, un oratoire, desservi par des religieuses, perpétuait le souvenir du saint qui, jadis, avait couvert un pauvre de sa chlamyde327.
191Des reliques de saint Julien de Brioude développèrent son culte à Tours328 et à Reims où, à l’initiative d’un particulier, une basilique fut construite329. Nicetius de Lyon bénéficia rapidement de la même faveur. Gallomagnus de Troyes se rendit dans la capitale des Gaules pour en rapporter des brandea. Le diacre Aigulfus, de retour de Rome, en ramena à Tours et d’autres parvinrent jusqu’à Orléans330. La dévotion s’accompagna d’excès. Un pauvre homme, porteur de lettres où figurait la signature de l’évêque, allait chez des gens charitables et, dans les maisons des personnes dévotes, il extorquait de fortes sommes pour les montrer331.
192Parallèlement, d’autres cultes plus locaux fleurirent, mais les évêques demeuraient prudents. A Troyes, par exemple, un clerc découvrit le récit de la passion du martyr Patrocle dont il desservait l’oratoire. L’évêque, tout d’abord, récusa le document et taxa le clerc de faussaire. Ce ne fut que plus tard, après que l’on eut rapporté d’Italie un texte similaire relatif à sa passion, qu’une basilique fut élevée sur le corps saint. La prolifération des reliques, par le jeu de leur division, suscita aussi des réticences chez les clercs332. De nombreux textes reprennent la mise en garde contre l’utilisation superstitieuse des reliques, devenues de véritables porte-bonheur. A cela il convient d’ajouter l’aspect répréhensible du vol ou de l’effraction commise333. Devant ces formes démesurées de religiosité, le clergé devait rester vigilant pour éviter les dérives, sans toutefois décourager une expression spontanée et simple de la foi qui réconfortait les malades. En conséquence, les autorités ecclésiastiques favorisèrent les reliques de proximité : cire, poussière des tombeaux, voiles, franges etc… susceptibles de disposer de la virtus, ainsi que le culte des saints locaux. Dans les différentes cités de la Gaule du Nord, les premiers martyrs et évêques du ive-ve siècle jouissaient déjà d’une certaine dévotion, tels Maximinus de Trèves, Marcellus de Paris, Thaumastus de Mayence, Germanus d’Auxerre, Loup de Troyes ou Geneviève de Paris334. On assista alors à l’émergence rapide du culte des prélats du milieu du vie siècle, de formation monastique, d’abbés et de reclus qui bénéficièrent assez vite d’un hagiographe335.
193Une sorte de spécialisation thérapeutique commença même à se dessiner, selon le nom des saints ou leur vécu. Geneviève guérissait des fièvres et ressuscitait les enfants morts ; Germain de Paris et d’Auxerre, les paralytiques et les aveugles ; Senoch de Tours, la cécité ; Venantius de Tours, la fièvre quarte ; Medardus de Soissons et Thaumastus de Mayence, les maux de dents ; Melanius de Rennes et Victorius du Mans protégeaient des incendies ; Lupus et Arentinus de Troyes secouraient les captifs ; Nicetius de Trèves, les possédés ; Marianus de Châlons était invoqué contre le vol de bétail et d’aliments336.
194Cela se doublait d’une autre conviction d’après laquelle le saint, qui guérissait d’une maladie, l’avait aussi provoquée337. L’impétrant devait donc se montrer digne de la virtus et multiplier les prières, les veilles et les pèlerinages. Grégoire nous propose, à cet égard, bien des témoignages. En compagnie de l’un de ses clercs, devenu dément, il passa plusieurs nuits en prière338. L’esclave de l’un de ses prêtres fut guéri, après être demeuré six jours auprès du tombeau de saint Martin339. Il en fut de même pour un paralytique, venu de l’Orléanais, un clerc de Bourges et la fille d’un esclave du prêtre Léon. Nonnechius de Nantes se rendit à la basilique, avec l’un de ses serviteurs impotents340.
195Le désir d’obtenir une aide miraculeuse était tel que les fidèles effectuaient parfois de très longs trajets pour atteindre des tombeaux. Dès le ive siècle, était née l’habitude d’aller en Terre Sainte. Licinius de Tours entreprit encore ce périple, au début du ive siècle341. Les pèlerinages à Rome se développèrent, en raison du culte aux saints Apôtres342 et surtout ceux à l’intérieur de la Gaule plus accessibles343. En ces temps où l’appréhension de la mort fut portée à son paroxysme, on s’inquiéta plus que jamais du lieu où l’on serait enterré. La pratique de la depositio ad sanctos, apparue à la fin du ive siècle, se renforça ainsi que le soin apporté aux morts. Pour freiner les abus, le synode d’Auxerre prit des mesures évitant les sépultures dans les baptistères ou l’utilisation des linges d’autel en guise de linceul. Les fouilles archéologiques des dernières décennies ont permis de mettre en évidence l’abondance des sépultures, souvent sur plusieurs niveaux, autour des édifices cultuels344. Ainsi, le culte des saints contribua, à sa manière, à la christianisation de la mort. Il fut l’un des éléments majeurs de la pratique chrétienne du vie siècle. Il favorisa le rassemblement des communautés de fidèles, en quête d’une protection efficace. Enfin, il obligea à une modification du comportement des clercs sur lesquels la population projeta l’image des saints.
II. – 7. Vers un nouveau clergé (585-620)
196La critique anti-cléricale des rois, les populations attirées par de faux prophètes et une religiosité plus affective invitèrent certains clercs, dès l’époque de Gontran345, a une réflexion sur leur rôle et leur engagement. Grégoire de Tours ne manqua pas de glorifier ses collègues au comportement méritoire, et fit sienne l’observation de Paulin : Quand vous voyez aujourd’hui des évêques dignes du Seigneur... vous verrez en vérité que quels que soient les maux du siècle, la foi et la religion ont de très dignes gardiens346. Plusieurs évêques (Gaugericus de Cambrai, Berachundus d’Amiens, Bertichramnus du Mans, Desiderius d’Auxerre) s’inspirèrent des exemples illustres des saints Augustin, Ambroise, Martin, Germain d’Auxerre et Loup de Troyes. Ils s’évertuèrent non seulement à mener une vie honorable mais à agir conformément aux idéaux de l’Evangile. Tous furent d’abord des agents de christianisation, s’occupant de leurs ouailles, les aidant à sortir du paganisme ou chassant des hérétiques. Directeurs de conscience des populations de leurs cités, ils veillaient sur les veuves et les pauvres, réprimandaient les fauteurs de troubles et les pécheurs invétérés. Leur incessante activité pour vivifier la foi de leurs fidèles se concrétisait par des processions, lors des fêtes liturgiques, et des constructions d’édifices religieux à même d’abriter des reliques. Ils se consacraient aux pauvres, nourrissant les indigents inscrits sur la matricule, accueillant les pèlerins dans les xenodochia, libérant les prisonniers et intervenant partout pour assurer la paix et la justice, dans un esprit de parfaite miséricorde à l’égard des pécheurs.
197Nous connaissons mal le comportement des prêtres et des diacres. On peut supposer qu’ils furent à l’image de leur évêque. Le synode d’Auxerre se fit l’écho des préoccupations d’Aunacharius envers eux. Les dix-neuf premiers canons traitent des obligations liturgiques durant l’année ; sept, des rapports avec les femmes et du célibat ; six, du mariage ; quatre, de la justice. Grégoire mentionne de façon anonyme des prêtres et des diacres, attachés avec zèle au service divin, tel Armentarius eruditus in spiritualibus litteris347 qui était aussi excellent musicien. Le prêtre Jean s’arrêta, à son retour de Marseille, dans la basilique de Lyon pour y faire ses oraisons. Le diacre Aigulfus ramena à Tours des reliques de Nicetius de Lyon et des martyrs de Rome348. D’autres intervinrent devant un juge pour sauver un voleur, négocièrent avec un usurpateur ou apportèrent des soins aux malades349. Ils témoignèrent, enfin, d’une grande dévotion aux saints, tel Ragnemundus envers saint Marcel350, et se joignirent aux simples fidèles qui se rendaient en pèlerinage à leur tombeau.
198La mutation fut surtout considérable chez les laïcs. Les plus fervents jugèrent que trop souvent, la valeur spirituelle des hommes d’église s’était altérée au contact des réalités politiques et des embarras du siècle. Ils résolurent donc de trouver un autre moyen de se consacrer à Dieu. Renonçant à intégrer les institutions ecclésiastiques, ces hommes en quête de perfection élaborèrent un idéal de vie retranché du siècle et consacré à la prière. Par un acte anachoresis, ils se retiraient du monde et partaient vivre au désert. Il animèrent la seconde vague érémitique composée de quelques Aquitains mais essentiellement de patentes locaux dont certains avaient déjà reçu une formation monastique351. Ils se fixèrent en Champagne, sur la Loire (entre Nantes et Tours), soit en lisière des forêts, soit dans les vallées marécageuses. Par leur proximité des grands axes de communication, ils ne furent jamais seuls très longtemps. D’autres hommes, attirés par leur sagesse ou leur « aura » de sainteté, les rejoignaient et se plaçaient sous leur direction spirituelle. Ainsi furent créées de petites communautés aux destinées variables.
199Les évêques, attentifs à la vie religieuse, jouèrent auprès d’eux le rôle de directeurs spirituels. Magnericus s’adressa à Wulfilaïcus ; Grégoire de Tours intervint auprès du reclus Senoch, Teiphale d’origine, retiré sur les ruines des murailles de Tours. Il sortit avec une fierté arrogante rendre visite à ses parents. De retour, il ne cherchait plus qu’à se plaire à lui-même, tout gonflé d’orgueil… Nous lui donnâmes le conseil de ne point s’astreindre à une telle réclusion, si ce n’est pendant les jours qui sont compris entre la mort de saint Martin et la solennité de Noël ou bien pendant les quarante jours qui précèdent la fête de Pâques… mais que, pendant le reste de l’année, il se mît à la disposition des infirmes352. Le diacre Secundellus, retiré dans l’île de Vindunitta, sur le territoire de la cité de Nantes, fut invité par des démons à quitter sa retraite pour faire des guérisons parmi le peuple. A son retour, il fut sermonné par Friard qui lui demanda de faire pénitence353. Lui-même avait planté un arbre dont les fruits émerveillaient les foules. Aussi, craignant de succomber au déshonneur d’une vaine gloire, il prit une hache et l’abattit.
200En fait, la législation conciliaire n’avait rien prévu pour les ermites et les reclus depuis le concile d’Orléans de 511. L’approbation des autorités ecclésiastiques était en principe indispensable à toute vie solitaire. Un cérémonial, en présence de l’évêque, marquait d’ailleurs l’entrée en réclusion. Une des moniales de Sainte-Croix de Poitiers, après une vision de ses noces spirituelles avec le Christ, pria l’abbesse de lui préparer sa cellule354. Friard demeura en relation avec Felix de Nantes qui présida à ses funérailles. Basolus de Verzy garda des liens avec Aegidius de Reims ; Winnobaudus avec Gallomagnus de Troyes et Lupus de Sens tonsura Flavit. Quant à la population, elle ne leur fit pas toujours bon accueil. Amand et Bertrand furent pourchassés ; Friard, par ses incessantes prières, fut un sujet de risée355. Toutefois, l’ascèse spectaculaire impressionnait, notamment les longues périodes d’abstinence, faites d’un peu de pain et d’eau, la résistance aux rigueurs de l’hiver ou encore leur attitude : le corps enchaîné ou enserré dans des cercles de fer comme des parricides356.
201L’aumône faite par ces pauvres à d’autres interpellait la société et surtout leurs aptitudes à guérir ou à réconforter les indigents. Cette présence soudaine du ciel sur le terre représentait indéniablement une source d’espérance pour les populations. Certains, comme Bertharius, contribuèrent à la diffusion de leur idéal. En effet, originaire de Rome et doté d’une grande culture, il se retira près de Blois, sur les bords de la Cisse, où il éleva une basilique en l’honneur du martyr Georges, consacrée par Papolus de Chartres357.
202Puis, il fut appelé par Clotaire II et se vit confier la formation des nutriti du palais. Parmi eux figuraient Rusticus de Rodez, ses frères Desiderius de Cahors et Syagrus, ainsi qu’Arnulfus, Dadoenus et Ado, Philibertus et Wandregiselus qui eurent une importance décisive au viie siècle.
203Cependant, l’astreinte à une telle ascèse et à la solitude, avec tous les dangers qu’elle comportait, n’était pas à la portée de tous. Aussi, la plupart rejoignaient des communautés déjà existantes. La demande fut d’ailleurs assez grande en cette fin du vie siècle, puisque certains évêques procédèrent à de nouvelles créations. Ce fut le cas au Mans où Bertichramnus jeta les fondations de Saint-Pierre-de-la-Couture et du petit monastère Saint-Germain358. Des basiliques, construites avec l’aide des rois et dirigées par un abbas pour l’édification des laïcs, furent rénovées comme Saint-Jean-Baptiste359 par Licinius. A Angers, eut lieu une translation dans la nouvelle basilique Saint-Aubin, en présence de Germain de Paris et Romulfus de Reims éleva la Basilica Sancti Remigii360. Mais, certaines évoluèrent en monastères, après avoir reçu un xenodochium, destiné à accueillir les pèlerins, notamment Sainte-Croix du Mans361 ou Saint-Aubin d’Angers.
204La particularité des fondations monastiques est qu’elles échappèrent à l’épiscopat et furent le fait de laïcs. La reine Radegonde fonda à Tours un monastère d’hommes où elle fit déposer, temporairement, les reliques de la Croix qu’elle avait obtenues vers 568/569. Monegonde, une sainte femme venue de Chartres, s’établit près de la basilique Saint-Martin à Tours, dans une parva cellula, et elle réunit autour d’elle un petite communauté de moniales. Ingitrudis édifia un autre monastère féminin infra monasterium S. Martini362. D’autres communautés plus nombreuses s’établirent dans les campagnes et, en cela, elles furent originales. Hors de Tours furent créés les monastères de Saint-Senoch, d’Amboise, de Luynes-Maillé, de Heugnes et de Loches. Dans la cité de Reims, Théodulfe se retira au Mont-Or, dans la plaine de Merfy. Thierry organisa Saint-Pierre de Reims et Baldericus assembla des disciples à Montfaucon. A Chartres, Laumer, économe de Papolus, gagna la forêt du Perche et regroupa des disciples à Glierres-de-Chartres et Montier-au-Perche363. La couverture monastique se renforçait et les anciennes fondations prirent de l’ampleur, comme le monastère Saint-Venant et Saint-Julien à Tours, Saint-Calais ou Saint-Nazaire. Ce fut sur ce premier bouillonnement spirituel que les Irlandais allaient asseoir l’essor monastique du viie siècle.
205Mais lorsque, vers 590/591, Colomban arriva en Gaule avec des disciples, l’impression prévalait que la vie religieuse était presque éteinte, tant à cause de la pression des ennemis extérieurs que de la négligence des prélats. Il ne restait plus de foi chrétienne364. Le pape-moine Grégoire-le-Grand fit le même constat d’échec en tentant de reprendre en main l’épiscopat. L’historien des Francs fondait de grands espoirs en lui. Il vanta largement ses mérites et relata avec forces détails, rapportés par l’un de ses diacres qui se trouvait à Rome, les conditions de son élection, le 3 septembre 590.
206A partir de 595, Grégoire-le-Grand dénonça auprès de Childebert l’hérésie simoniaque365, cause de tous les maux. Il renforça l’autorité des vicaires apostoliques, Virgiles d’Arles puis Syagrius d’Autun, et demanda à Brunehaut de réformer le clergé et d’engager la lutte contre le paganisme, en réunissant un grand concile. Seul Colomban366, fut sensible au message du pontife et dans une lettre de 594 le remercia de l’envoi du Pastoral. Le but de ce livre était aussi de faire office de guide en vue d’une régénération du clergé367. Grégoire y insistait sur le devoir de prédication et recommandait aux clercs de se défier de leur libido dominandi, de la temporalis potentia, et de préserver les charges spirituelles par rapport aux activités administratives et séculières. Le document, après avoir transité par Luxeuil, servit de référence à l’Ecole du palais et inspira les prélats issus de la cour, dans le courant du viie siècle.
207Dans une lettre, adressée au pape vers 600, Colomban mettait les difficultés d’application de ce programme en exergue et en tirait les leçons : Que faire contre la peste simoniaque, ceux qui passent au-dessus des degrés canoniques pour devenir évêque et le danger représenté par les uns et les autres pour les consciences368. Un choix s’imposait entre des évêques corrompus et des moines soucieux d’une vie religieuse autonome. En octobre 596, le pape, influencé par la législation du concile de Carthage (536), donna un privilège au monastère Saint-Cassien de Marseille par lequel il accordait une certaine autonomie à l’abbé, afin de réduire l’emprise de l’évêque sur le temporel369. En novembre 602, le pape, à la demande de Brunehaut fondatrice de Saint-Martin d’Autun, confirma leurs privilèges à l’abbesse Talasia et à l’abbé Loup.
208Un compromis semblait trouvé pour limiter le pouvoir des évêques. Il reposait sur une répartition des fonctions. Les nominations étaient faites par le roi. L’évêque ne pouvait octroyer la prêtrise à un moine qu’avec l’assentiment de l’abbé. Enfin, l’évêque, pour juger un moine, devait réunir un concile, composé d’au moins six comprovinciaux. Grégoire-le-Grand précisait, à la fin du privilège : Si un roi, un prêtre, un juge ou un séculier, connaissant la présente constitution, s’élevait contre elle, qu’il soit privé de la dignité de sa puissance et, s’il ne restitue pas ce qu’il a enlevé, qu’il soit soumis à la pénitence et excommunié370. Toutefois, de telles mesures laissaient planer une autre menace, liée au rôle dévolu au roi dans la nomination consensuelle de l’abbé. Leur application à Luxeuil permit d’en mesurer les limites. L’existence même de la communauté dépendait du souverain qui pouvait, à sa guise, la disperser.
209Colomban, qui avait perçu l’ampleur des difficultés, ne pouvait se satisfaire de cette solution. Il reconnaissait l’autorité du roi, mais n’acceptait pas de se soumettre à l’exercice d’un pouvoir, non dicté par des considérations spirituelles. Aussi demanda-t-il, en vain, la conversion du souverain. Cependant, la réforme des mœurs politiques exigeait une révision morale du clergé. Tancer princes et évêques sur leur comportement n’était d’aucune efficacité si une institution permanente, mue par une spiritualité élevée, ne soutenait l’effort. Seul le monachisme irlandais, animé d’une profonde liberté pouvait jouer ce rôle. Les résultats ne furent, pour l’heure, guère probants. A l’échec de Grégoire-le-Grand succéda celui de Colomban, rejeté par les rois et critiqué par les évêques. Il ne lui restait plus, après son exil manqué, que la fuite à Bobbio où il mourut, en 615. L’impulsion donnée par les laïcs, les privilèges d’exemptions accordées par le pape, le souffle de liberté apporté par Colomban et les Irlandais devaient assurer, à plus long terme, le développement du monachisme. L’image de la sainteté changeait. L’évêque, ascète, d’origine romaine et aristocratique, cédait le pas au moine iro-franc.
Notes de bas de page
1 Grégoire de Tours, H.F., L. III, c.1, éd. Latouche, p. 142.
2 Pour les partages du Regnum, A. Longnon, La géographie de la Gaule au vie siècle, Paris, 1878. E. Ewig, Die frankischen Teilungen und Teilreiche (511-613), dans Akademie der Wissenschaften und der literatur, IX, Wiesbaden, 1952, p. 615-715. G. Teissier, Le baptême de Clovis, Paris, 1964, p. 171-186. E. Zôllner, Geschichte der Franken bis zur mitte des sechsten Jahrunderts, Munich, 1970, p. 74-108. L. Pietri, Tours, op. cit., p. 173-177.
3 Ceci explique l’obstination désespérée des pères des conciles d’Orléans, 533 (c. 7) et 538 (c. 3) pour rappeler la règle à suivre dans l’élection et la consécration du métropolitain.
4 Grégoire de Tours, H.F., L. III, 6. Marius d’Avenches, Chron. 524, M.G.H.A.A., t. XI, 2, p. 235.
5 Grégoire de Tours, H.F., L. III, 18, seul Chodovaldus (Cloud) parvint à s’échapper et devint ermite sous la direction spirituelle de Séverin.
6 Cette situation particulière explique, sans doute, le peu de fiabilité de la liste épiscopale au vie siècle. Mgr Duchesne, Fastes épisc., t. III, p. 119, les évêques n’apparaissent pas dans les conciles avant le viiie siècle ; les quelques noms connus le sont par des chartes du VIIe-VIIIe siècle. D.H.G.E., t. VIII, col. 933.
7 M.G.H. S.R.M., t. III, p. 203, Chron., III, 29. Grégoire de Tours, V.P., VI, 2, et XVII, 1, 2.
8 H. F, L. III, 14, éd. Latouche, p. 155 L’usage en est explicitement mentionné en 561 : H.F., IX, 30.
9 Loi salique, cap. III : « Judex hoc est cornes aut grafio », éd. K.A. Ackard, L.S. 100, 1, p. 416 et 102, 1, p. 418. R.S. Prandel, Dux und cornes in der Merowingerzeit, dans Zeitschrift der Savigny Stiftung für Rechtsgeschichte, t. LXXIV, 1957, p. 58-68. Grégoire de Tours, V. M, I, 9, 11 ; H.F., IV, 18 et 46 ; VI, 8 ; VII, 15 et 47. L. Pietri, Tours, op. cit., p. 177-179.
10 E. Ewig, Die frankischen Teilungen und Teilreiche (511-613), Spätantikes und Frankisches Gallien I, p. 114-171. Zöllner, Geschichte der Franken, Munich, 1970. O. Pontal, Les conciles mérovingiens, Paris, 1989, p. 307-312.
11 Eleutherius d’Auxerre et le prêtre Orbatus qui représentait Leo de Sens. Etait-ce là une prudence pour un diocèse qui venait d’être englobé totalement par Théodebert ?
12 Elafius de Rouen, Injuriosus de Tours et Orbatus pour Sens.
13 Innocentius du Mans, Injuriosus, Eumerius de Nantes et Amelius de Paris.
14 Aetherius de Chartres et Lauto de Coutances.
15 S.C., 353, Orléans, 533, c. 7, p. 199.
16 S.C., 353, p. 211.
17 S.C., 353, c. 2, p. 213.
18 Curieusement Domitianus relevait du royaume de Clotaire. Sa participation au concile d’Orléans ne peut s’expliquer que par le changement de résidence à Maastricht. Nous ne pensons pas, contrairement à P. C Boeren, Les évêques de Tongres-Maastricht, R.H.E. F, 1976, p. 27-31, n. 9 et 26, que la signature « Domicianus in christi nomine episcopus ecclesiae Tongrorum, quod et Traiecto subscripsi », ait été interpolée (C.G., éd. C. de Clercq, C.S.E.L., t. CXLVIII, A, p. 111). S.C., 353, p. 223 ne mentionne pas les sièges, d’après le ms. lat. 12097, Paris. Les circonstances politiques et la proximité de Maestricht du royaume de Thierry permirent à Domitianus d’assister au Concile de Clermont. E. de Moreau, Le transfert de la résidence de Tongres à Maestricht, R.H.E., t. XX, 1924, p. 457-464.
19 Vita Albini, AA. SS., t. I, Mart, p. 55 ; Vita Vigori, AA. SS., t. I, Nov, p. 297.
20 M.G.H. AA., t. IV, 2, p. 37 ; E. Vacandard, Les élections épiscopales, R.Q. H, 1898, p. 333-348. P. Cloché, Les élections épiscopales sous les Mérovingiens, Le Moyen Age, t. XXXV, 1924, p. 227-237.
21 M.G.H. AA., t. IV, 2, p. 48 : « quidam episcoporum coeperunt resistere et contradicere eius ordinationi, eo quod modica pars naris quondam incumbente cancri aegritudine mutilata videretur ».
22 M.G.H. AA., t. IV, 2, c. CXII, p. 14. Voir J. Gaudemet, Les élections dans l’Eglise latine des origines au xvie siècle, Paris, 1979, p. 51-52, 77-78 et 86-87.
23 E. Vacandard, op. cit., p. 324, formulaire repris de façon très altérée dans le Missale Francorum. Voir Orléans, 538. c. 3 Léon le Grand, ep. 10, 6. PL., t. 54, col. 634.
24 S.C., 353, p. 308, c. 11 et Orléans, 549, c. 10, p. 308.
25 H.F., II, 37.
26 L. Pietri, Tours, op. cit., p. 605-60. H.F., III, 18 ; IV, 1 ; X, 31, 11. Virtutes Martini, I, 12, p. 146. Fortunat, Vita Radegundis., M.G.H. AA., t. I V, c.13-14, p. 42. L. Pietri, Tours, op. cit., p. 606-607 et 197, le douaire ayant été acquis au titre de la morgengäbe, p. 199.
27 H.F., III, 10 : Childebert restitua aux églises franques le produit du pillage des églises espagnoles. H.F., IV, 2 et IV, 20. Dans le premier cas, Clotaire abandonna sa demande d’imposition du tiers des revenus de l’église ; dans le second cas, il ne fit que restaurer la basilique Saint-Martin qu’il avait incendiée un an auparavant !. Lors du 2e pèlerinage à Tours, après la mort de Chramne, Grégoire, attentif aux dons, ne mentionne pas que Clotaire en ait fait.
28 Actuspontif. Cenom., op. cit., p. 56 et 58.
29 AA. SS., Mart, t. I, p. 59, c. 11.
30 AA. SS., Mai, 1. I, p. 71.
31 M.G.H. AA., t. IV, 2, p. 36.
32 M.G.H AA., t. IV, 2, p. 14.
33 Flodoard, H.E.R., L. II, c. 1.
34 H. F, III, 34.
35 N. Gauthier, op. cit., p. 181-189. Fortunat, Carm., III, 11, 12, p. 64-65.
36 Fortunat, Carm., II, 11, 12 et IX, 9.
37 G. C., t. IX, col. 336. Ce ne fut que lorsque Radegonde devint diaconesse qu’il commença à manifester quelque sympathie aux clercs.
38 M.G.H AA., t. IV, 2, p. 70.
39 H.F., IV, 2.
40 M. Rouche, L’Aquitaine, op. cit., p. 343-345 et n. 86, p. 65. L. Pietri, op. cit., p. 201, s’appuyant sur F. Lot, L’impôt foncier et la capitation personnelle sous le Bas Empire et à l’époque franque, Paris, 1928, p. 87, reconnaît une hausse très sensible du taux et pense que l’impôt pesait sur l’ensemble des terres bénéficiant de l’exemption fiscale.
41 J. Durliat, Les finances publiques op. cit., p. 104-406 et 138 ; Caribert précisa ensuite : « ut leges consuetudines novas populo non infligeret », (H.F., IX, 30).
42 Orléans 511, c. 15.
43 A. Hauck, Kirchengescbicte Deutschlands, Berlin, 1958, t. I, p. 132 et E. Magnin, La discipline de l’Eglise wisigothique, Paris, 1912, p. 186-188. Orléans, 511, c. 14, 15, S.C., 353, p. 80-81. Mansi, Amplissima Collectio. Tolède IX (655), c. 6, t. 11, col. 28 ; Tolède XVI (693), c. 5, t. 12, col. 72 et Merida, c.16. Hefele-Leclercq, op. cit., t. III, p. 292 et 584.
44 H.F., IX, 30 : « Discriptam urbem Toronicam Chlotharii regis tempore, manifestum esse, librique illi ad regis praesentiam abierunt ; sed conpuncto per timorem sancti Martini antestitis rege, incensi sunt ».
45 L. Pietri, Tours, op. cit., p. 203. Grégoire de Tours, H.F., IX, 30 : « post mortem vera Chlotarii regis Charibertho rege populus hic sacramentum dedit ; similiter etiam et ille cum juramento promisit, ut leges consuetudinesque novas populo non infligeret ».
46 S. C., 353, p. 225.
47 Orléans 538, c. 5, 9, 13, 20,21 et Orléans 541, c. 9, 11, 12,14, 18,19, 32, 35, 36.
48 Orléans, 541, c. 36, p. 286-287.
49 S. C., 353, Orléans, 538, p. 250-251 ; Orléans, 541, p. 280-281. Actus pontif. Cenom, op. cit., p. 56-57.
50 H. F., IV, 1. L. Pietri, op. cit., p. 202.
51 S. C., 353, c. 13, 14, 15, 16, p. 309-313.
52 M. Rouche, L’Aquitaine, op. cit., p. 48. C.C., t. CXLVIII, c. 4, p. 194.
53 S. C., 353, c. 6, p. 343 et S.C., 354, c. 1, p. 414 : Il s’agissait de Deuterius de Vence, Clementius d’Apt, Palladius de Toulon, Basile de Glandève, Antonin d’Avignon, Expectatus de Frejus, Eusèbe d’Antibes.
54 S. C., 354, c. 1, p. 415-417.
55 S. C., 353, Orléans, 538, c. 23, 24, p. 251. Même dans le cas d’une rébellion ou d’une conjuration de clercs, l’affaire relevait du synode.
56 S. C., 353, Orléans, 538, c. 34, p. 257.
57 S. C., 353, Orléans, 538, c. 35, p. 257 et Orléans 541, c. 20, p. 277.
58 S. C., 3 53, Orléans, 511, c. 9, p. 79.
59 S. C., Orléans 538, c. 13, p. 243.
60 A. Faivre, Naissance d’une hiérarchie, les premières étapes du cursus clérical, Paris, 1977, p. 337-344. Le constitutum Sylvestri (501-508) était en contradiction avec les pratiques pontificales. Le concile d’Arles en 524 exigeait une année de « praemissa conversio ».
61 Gelase, Ep. 14, c. 2, éd. Thiel, p. 362. U. Berlière, L’exercice du ministère paroissial par les moines durant le Haut Moyen Age, Rev. Bénéd., 1927, p. 230.
62 S. C., 353, Clermont, 535, c. 4, p. 213 ; Orléans, 538, c. 12, p. 243 et c. 22, 23, 24, p. 248-251.
63 S. C., 353, Orléans, 533, c. 8, 9, p. 200-201. Orléans, 538, c. 24, p. 251.
64 S. C., 353, Orléans, 538, c. 23, p. 250.
65 S. C., 353, Clermont, 535, c. 11, p. 215 ; Orléans, 538, c. 16-17, p. 245-247. Orléans, 541, c. 7, p. 271 ; c. 26, p. 281.
66 S. C., 353, Orléans, 533, c. 8, p. 199 ; Clermont, 535, c. 13, p. 217 et c. 16, p. 221 ; Orléans, 538, c. 2, p. 233 ; c. 4, p. 235 ; c. 7, p. 237, c. 8, p. 239 ; Orléans, 541, c.10, p. 271 ; c. 17, p. 275 ; c. 29, p. 283 ; Orléans, 549, c. 4, p. 303.
67 S. C., 353, Clermont, 535, c.15 et Orléans, 541, c. 3.
68 S. C., Orléans, 549, c. 9, p. 307.
69 P. L., t. 20, col. 475-477. A. Faivre, op. cit., p. 321. Orléans, 533, c. 6, p. 237. C G., t. CXLVIII, p. 201, Agde 506, c. 16.
70 S. C., 353, Orléans, 538, c. 29, p. 253-255 ; Orléans, 549, c. 6, p. 305.
71 Saint Cyprien, Correspondance, t. I, éd. L. Bayard, Les Belles Lettres, Paris, 1925, Epist. I, p. 2-3.
72 S. C., 353, Orléans, 538, c. 20-22 ; Clermont, 535, c.15. R. Schieffer, Entstehung von Dom Kapitel in Deutschland, Bonn, 1976, p. 100 et 106.
73 S. C., 353, Orléans, 538, c. 5, p. 235. Les prêtres ou abbés ne pouvaient garder ou donner des offrandes faites à leur paroisse ou au monastère, Orléans, 541, c. 11, p. 273.
74 S. C., 353, Orléans, 549, c. 8. Orléans, 538, c. 20-21-26 ; Orléans 541, c. 35.
75 M. G. H. E. E., Epist., 8, p. 57.
76 S. G., 353, Orléans, 541, c. 7, p. 271 ; c. 26, p. 281 ; c. 33, p. 285.
77 S. C., 353, Orléans, 533, c. 21, p. 205. Orléans, 538, c. 9 et 25.
78 Le concile de Nicée avait fixé Pâques au dimanche suivant le 14e jour de la Lune de Mars. La diversité persistait cependant et la Gaule célébrait Pâques le 14 des Calendes de Mai. M. G. HAA., 9, 1, éd. Mommsen, p. 677-735. Cursus Paschalis de Victor. S.C., 353, Orléans, 541, c. 1, p. 267.
79 Le concile d’Agde de 506, c. 12 et Orléans 511, c. 1 avaient déjà précisé les choses.
80 Orléans, 538, c. 33, p. 257.
81 Orléans, 538, c. 15, c. 32, c. 31,
82 Orléans, 541, c. 4 et 6, p. 269-271.
83 Orléans, 549, c. 20-21, p. 317 : « ut non desit misericordiae cura ».
84 Orléans, 538, c. 34, p. 257. C’est ici la première référence de l’appel au bras séculier contre l’hérésie.
85 O. Pontal, op. cit., p. 132-124. EX. Murphy et P. Sherwood, Constantinople II et Constantinople III, Paris, 1974. Orléans, 549, c. 1, p. 301.
86 S. C., 353, Orléans, 533, c. 20, p. 203 ; Orléans, 541, c. 15-16, p. 275.
87 S. C., 353, Orléans, 533, c. 10 ; Clermont, 535, c.12 ; Orléans, 538, c. 11 ; Orléans, 541, c. 27 ; Orléans, 511, c.18 ; Epaone, 517, c. 30. Vita Albini AA. SS. Mart, I, p. 59. Voir également Nicetius, V. P. XV, 2, invitant les homicides, les incestes et les adultères à quitter l’église au moment du sacrifice de la messe. M. Rouche, op. cit., Des mariages, Spoleto, 1987, p. 835-880.
88 S. C 353, Orléans, 549, c. 22, p. 319 : « ut nullam molestiam aut calumniam patiatur ecclesia ».
89 M. G. H. S. R. M., t. III, p. 79.
90 AA. SS Mart., t. I, p. 59, c. 8,10,13. M.G.H S.R. M, t. III, c. 17,24, p. 79 ; M.G.H S.R. M, t. VII, c. 3 et 12, p. 313.
91 M. G. H S.R.M., t. III, c. 2, p. 373-374 : « vir Dei, dédit paenitentiam pro commisso scelere et dixit ei infirmitas haec non est ad mortem. Unxit autem eum de suo sancto oleo tres vices cum trina invocatione divina ». Vita Germani, M. G. HAA t. IV, 2, p. 14 à 20.
92 M. G. HS. R.M., t. III, p. 410-411.
93 M. G. HS. R.M., t. VII, c. 12, p. 321 ; M.G.H S.R.M. t. III, c.7, p. 375 –, AA. SS., Jun., t. II, p. 81.
94 AA. SS., Mart., t. I, c. 9, p. 59 ; Ibid, c. 14.
95 M.G.H. AA., t. IV, 2, c. 19, p. 79 ; Ibid, p. 76, c. 9.
96 G. C., t. IX, p. 336 : « illa forte quam inguinariam vocabant, per diversas regiones desaeviente, Suessionesque dévastante octavo ante obitum Galli arvernensis episcopo anno, ad preces populi a rege Chlotario revocatus est Bandaridus ».
97 V. P., XVII, 1 et 2.
98 M.G.H AA., t. IV, 2, c. 4, 6, p. 69-70. Loi salique, titre VIII, art 3 ; titre IX, art 1 à 7 ; titre III, art 6 ; titre XXIX, art 2.
99 J. Heuclin, Aux origines monastiques de la Gaule du Nord, ermites et reclus, Lille, 1988, p. 38-42.
100 S. C., 354, p. 388, concile de Tours, c. 26 ; Paris, 561/562, S.C., 354, p. 415.
101 Nous suivons ici la chronologie de O. Pontal, Paternus d’Avranches apposa sa signature au concile et mourut vers 564/65, de même Leontius de Bordeaux (+ 564). Le concile ne put donc pas avoir lieu après cette date.
102 S. C., 354, p. 413 : « admonet pontifices temporum qualitas et inprobae necessitatis praecavenda conditio, ut non solum rerum praesentium, sed et futurorum quoque utilitas congrua provisione tractetur. »
103 S. C., 354, p. 413 : « et quia sibi sacerdotes in hoc maxime consulunt, si importunorum voluntatibus obviasse noscuntur, coniuncti in unum Christo opitulante Parisius pro utilitatibus ecclesiarum ».
104 H.F., L. IV, c. XXVI, éd. Latouche, p. 207-208. O. Pontal, op. cit., p. 55-156.
105 L. Pietri, op. cit., Tours, p. 241 : Grégoire de Tours ne fournit pas d’explication sur l’attitude de son parent, en faveur duquel il manifeste une partialité évidente.
106 O. Pontal, op. cit., p. 157. Le synode se réunit le 18 Novembre et Caribert mourut en Décembre. Les similitudes de formules employées dans la préface et dans la lettre envoyée par les évêques de la province de Tours au peuple traduisent, selon R. Büchner et L. Pietri, p. 234, n. 255, le goût et le style d’Euphronius.
107 Chramne, dans sa fuite, se réfugia dans la péninsule, de même que le comte Leudaste. L’intervention de Clotaire Ier marque le début d’un état de belligérance permanent entre les Francs et les Bretons. L. Pietri, Tours, op. cit., p. 212. H.F., V, 26. Chilpéric obtint la restitution de Vannes et l’évêque Eunius fut exilé sur son ordre. H.F., 29, le duc Beppolenus dévasta la région de Rennes et Eunius fut assigné à résidence à Angers. L. Pietri, op. cit., p. 191-192, Félix de Nantes avait établi Macliavus évêque de Vannes, sans accord du métropolitain.
108 H.F., L. IX, 39, signée par Euphronius de Tours, Germanus de Paris, Felix de Nantes, Domitianus d’Angers, Victorius de Rennes, Domnolus du Mans et Praetextatus de Rouen. Par rapport au concile de Tours, il ne manque que Chaletricus de Chartres et Leudobaudus de Séez. Pour la datation et l’argumentation montrant qu’il s’agit de la réponse à la lettre de Radegonde aux évêques (H.F., L.I X, 42) voir L. Pietri, Tours, op. cit., p. 232-235, notamment n. 247 et 253. Elle ne peut être postérieure à 569, date à laquelle Baudegisilus a remplacé Domitianus d’Angers.
109 S. C., 354, p. 393-399, signée par Euphronius, Domitianus, Félix de Nantes et Domnolus du Mans.
110 H. F, préface du livre V.
111 L. Pietri, Tours, op. cit., p. 210-211 et p. 265-268.
112 H.F., V, 1, 2, 3, 4. Childebert, sauvé par le duc Gondovald, fut proclamé roi, le jour de Noël 576.
113 G. Tessier, Le baptême de Clovis, Paris, 1979, p. 196-199. G. de Tours, H.F., V, 17 et VI, 1 et 3.
114 H.F., VI, 12, 22, 27, 31, 46. E. Ewig, Die frankischen Teilungen, op. cit., p. 680- 682.
115 C’est ce qu’indique le préambule du concile de Mâcon (581), S.C., 354, p. 428.
116 H.F., IV, 47. La lettre envoyée à Aegidius précise : « Dura pro causis publicis, privatorumque querelis Parisiis moraremur ». Mansi, IX, 866.
117 O. Pontal, op. cit., p. 169-170 a considéré à tort Leunoveus comme évêque d’Orléans. Mansi, t. IX, col. 868 : « Leunoveus presbyter, in vicem Ricomeri Aurelianorum episcopus constitutionem subscripsi ».
118 C. C., t. 148 A, p. 212 : Le préambule solennel de la lettre de Pappolus laisse entendre qu’il bénéficiait du soutien royal et des métropolitains.
119 C. C., t. 148 A, p. 212, ep. Pappolus.
120 C. C., t. 148 A, p. 213 : « in Castro Dunensi… quod castrum nec ad territorium civitatis vestrae, nec ad vestram provinciam manifestum est pertenere. A vobis contra omnem rationem et contra canonicam disciplinam episcopum consecratum ».
121 C. C., t. 148 A, p. 215-216.
122 Mansi, t. IX, col. 868-869. L’action de Germain a pu être soutenue par Felix de Nantes et Leudobaudis de Séez, déjà présents à Tours en 567 et Paris 561/62.
123 Mansi, t. IX, col. 871-873. C.C., 117, p. 425-426, ep. IX.
124 H.F., V, 4, p. 198-199. V. M„ II, 27, p. 169.
125 H.F., V, 14, p. 207-208.
126 G. de Tours ne s’attache qu’à l’aspect canonique du problème et ne nous éclaire pas sur les motivations de Praetextatus. Ce dernier aurait-il été circonvenu par Gontran Boson ?
127 L. Pietri, Hist. dioc. de Paris, op. cit., p. 31. H.F., V, 14.
128 Le canon, « episcopus enim in furtis deprehensus ab episcopali officio ut avellatur canonum auctoritas sanxit » avait été transformé en « episcopus in homicidio, adulterio, et perjurio depraehensus a sacerdotio divillatur », éd. Turner, Ecclesiae Occidentalis monumenta, t. I, 1, 18. O. Pontal, op. cit., p. 174. R. Büchner, Zehn Bücher geschichten, Berlin, 1961, t. I, p. 318, n. 5.
129 H.F., V, 18 ; L. Pietri, Tours, op. cit., p. 282-283.
130 H.F., V, 43, 44. Grégoire rencontra l’ambassadeur à Tours et disputa avec lui de cette question.
131 H. F, V, 47, p. 257. La modification introduite par Büchner du texte transmis par les manuscrits n’est pas retenue par la critique (R. Latouche, I, p. 364, n.7), ni par L. Pietri, Tours, p. 284, n.187. Grégoire n’a agi qu’au nom du peuple, le roi conservant son droit de nomination.
132 H.F., V, 49, p. 259-262. O. Pontal, op. cit., p. 175. L. Pietri, op. cit., p. 285-289.
133 G. de Tours, H.F., IV, 4, p. 138. Sur le rôle de Félix dans la consécration de Macliavus, voir Duchesne, Fastes Episc., t. II, p. 256, n. 2 et W.C. Mac Dermott, Felix of Nantes : a merovingian bishop, Traditio XXI, 1975, p. 5. L. Pietri, op. cit., p. 191-192. Le canon 9 du concile de Tours de 567, interdit de consacrer des évêques en Armorique sans l’accord du métropolitain. C. de Clercq, C.G., II, p. 179, considère qu’il s’agirait plutôt du cas de Samson de Dol (?). A la mort de son frère, Macliavus abandonna ses fonctions épiscopales.
134 H.F., V, 29, 31.
135 L. Pietri, op. cit., p. 280-281 et p. 300-301, considérant moins la situation de Félix que celle de Grégoire, sous-entend que Félix soutint indirectement les complots de Gontran Boson et de Clovis contre son père. Mais l’on ne comprend plus alors pourquoi Félix aurait rencontré Grégoire, en 573, alors qu’il aurait eu déjà des sympathies pour
136 Chilpéric désigna Nonnechius, un autre parent de Félix, après s’être emparé de Nantes relevant de Gontran jusqu’en 582, et témoigne de la justesse des calculs et des craintes de l’évêque. Le nom de Burgundio paraît significatif de l’attachement de Félix à Gontran.
137 L. Pietri, op. cit., p. 298.
138 La date fut controversée en raison d’une confusion entre la 15e année de l’indiction correspondant à 581 et celle de l’année du règne à savoir, 583. Clotaire étant mort le 10 Novembre 561, c’est à cette date que commence le règne de Gontran. La 22e année commence donc le 1er Novembre 582 ; cf. R. Latouche, Hist. des Francs, t. II, p. 129, n.1, place la 24e année du règne de Gontran, en Novembre 584.
139 S. C., 354, Mâcon, 582, c. 1, p. 429.
140 O. Pontal, op. cit., p. 181-185. Le synode bi-provincial de Lyon en Mai 583 reprit ces dispositions.
141 H.F., VI, 46. Grégoire exhorta les Tourangeaux à se soumettre à leur nouveau souverain et repoussa les sollicitations d’un envoyé de Childebert qui les poussait à la révolte. H.F., VII, 12, 13.
142 H.F., VII, 16 Ragnemod était le parrain de Thierry, fils de Chilpéric. H.F., VI, 27.
143 H.F., VII, 17 et 19, un évêque Promotus sans siège signa cependant les actes du concile de Mâcon, en 585.
144 H.F., VII, 14. En 583 il conduisit une ambassade au nom de Childebert auprès de son oncle Chilpéric contre Gontran. H. F, VI, 31, la Région parisienne et la campagne berrichonne puis Tours furent ravagés. L’armée de Childebert se révolta contre Aegidius, l’obligeant à se réfugier dans sa ville de Reims après avoir tout abandonné. M. Rouche, L’Aquitaine, op. cit., p. 74-77.
145 Ce fut le cas d’Eberulfus, ancien chambrier de Chilpéric, accusé d’avoir trempé dans l’assassinat du roi et d’avoir dérobé une partie du trésor. L’affaire s’acheva par une affreuse tuerie. H.F., VII, 21, 22, 29. L. Pietri, op. cit., p. 290-291. De même Chariulfus, un notable de Comminges compromis avec Gondovald, puis Characharius, comte de Bordeaux, et Bladastes.
146 H.F., VIII, 13. Le gage en était la vie sauve de l’évêque Théodore de Marseille. L’échec du concile de Troyes fut peut-être l’œuvre d’Aegidius et de Frédégonde.
147 H.F., VIII, 12. Grégoire n’était pas encore rentré de sa mission. De la province de Tours, seul était présent l’ancien maire du palais, Badegisilus du Mans.
148 H.F., VIII, 20. M. Rouche, L’Aquitaine, op. cit., p. 78.
149 S. C., 354, p. 469, c. 9. Les pères s’appuyaient sur la constitution de Constance (355a), Code Théodosien, XVI, 2, 12.
150 M.G.H. Capit., t. I, p. 11-12. M. Rouche, L’Aquitaine, op. cit., p. 78. L. Pietri, op. cit., p. 330.
151 Leudovaldus avait participé à l’accord entre Chilpéric et Childebert contre Gontran, H. F., VI, 3.
152 H.F., VIII, 31, 41.
153 H.F., IX, 8, 10, 14. Agericus de Verdun, parrain de Childebert lui assura l’asile dans son église et s’efforça jusqu’au bout d’obtenir la miséricorde royale. Une ultime tentative eut lieu contre Gontran, H.F., VIII, 44 et IX, 13. Leudovaldus de Bayeux obtint la grâce de Waddon, ambassadeur envoyé par Frédégonde pour tuer Gontran.
154 B. Krusch et R. Büchner distinguent les deux Felix qui représenteraient des rois différents ; contra : M. Reydellet, op. cit., p. 189. L. Pietri, op. cit., p. 329.
155 O. Pontal, op. cit., p. 166-173 : Lyon, 567/570 : jugement de Salonius d’Embrun et Sagittaire de Gap ; Paris, 573 : jugement de Promotus et Aegidius ; Chalon, 579 : déposition des évêques de Gap et Embrun ; Lyon, 581 : jugement de Mummole.
156 H.F., IX, 17. Sorcy-Saint-Martin (Meuse, au sud-est de Commercy). Le synode permit à l’évêque de rentrer dans sa ville,
157 H.F., IX, 39. Il s’agissait de la règle de Césaire, remise sur ordre de Chilpéric à une moniale de Poitiers, Chrodigildis. Voir à ce sujet L. Pietri, op. cit., p. 232, n. 247.
158 H.F., IX, 40. Sur l’attitude de Maroveus, voir L. Pietri, op. cit., p. 230 et sq.
159 H.F., X, 15. O. Pontal, op. cit., p. 176. L. Pietri, op. cit., p. 331-332.
160 H.F., X, 16,17.
161 Pour le rôle d’Aegidius dans l’expédition de Gondovald, voir M. Rouche, L’Aquitaine, op. cit., p. 70 et 75. Pour le complot de Rauching, H.F., IX, 9. L’engagement actif du prélat dans la vie politique eut lieu après le retournement brutal de situation, provoqué par l’assassinat de Sigebert.
162 L’évêque Aegericus de Verdun était déjà intervenu auprès du roi pour obtenir la grâce de Gontran Boson, puis de Berthefred, complice de Rauching. N. Gauthier, op. cit., p. 228-229.
163 H.F., X, 20. Chrodielde refusa de réintégrer le monastère de Poitiers et obtint du roi une villa, appartenant à l’ancien maire du palais de Rigonthe, Waddon. H.F., IX, 35 et VI, 45.
164 Agericus de Verdun était parrain du roi et Magnericus de Trèves, celui de son fils Theodebert. N. Gauthier, op. cit., p. 223. H.F., IX, 8 et VIII, 37.
165 H.F., VI, 11. M. Rouche, L’Aquitaine, op. cit., p. 70 et 76. N. Gauthier, La Moselle, op. cit., p. 193.
166 H.F., VIII, 12.
167 H.F., IX, 8 et 10.
168 H.F., IX, 10. N. Gauthier, op. cit., p. 190-191.
169 A. Longnon, Atlas Historique, p. 118, l’identifie, en se référant aux Annales Bertiniani (a 870), à l’un des deux comtés situé dans le diocèse de Verdun. Le site correspondait à un castrum, non connu, avec une basilique Saint-Martin. H.F., IX, 9 et 12. N. Gauthier, op. cit., p. 202.
170 H.F., IX, 23. N. Gauthier, op. cit., p. 227-228, sous-entend qu’Agericus s’était plutôt trouvé du côté de l’aristocratie austrasienne.
171 H.F., X, 26.
172 H.F., VIII, 31 et 41. Les évêques avaient fait savoir que jamais il ne devrait exercer la fonction épiscopale à Rouen. Melantius avait versé 50 sous au meurtrier, ainsi que l’archidiacre de Rouen.
173 H.F., VIII, 39. Cette année-là beaucoup d’évêques décédèrent. Entre 585 et 595, une nouvelle génération d’évêques investit les sièges de la Gaule du Nord.
174 Vie de saint Colomban, éd. A. de Vogüe, Bellefontaine, 1988, L. I, 5, p. 110.
175 C. C., t. 140, L. V, ep, 58, p. 355.
176 C. C., t. 140, L. V, ep, 59, p. 358.
177 C. C., t. 140, L. V, ep, 60, p. 361. M. Vaes, La papauté et l’Eglise franque, R.H. E, 1906, t. VII, p. 765-770.
178 C. C., t. 140, p. 372-374, L. VI, ep. 5 et 6 ; M. Vaes, op. cit., p. 759.
179 C. C., t. 140, p. 431, L. VI, ep. 58 ; ep. 5, p. 372 ; ep. 6, p. 373-374.
180 C. C., t. 140 A, p. 518-521 L. VIII ep. 4. Sur ce problème voir J. Wilpert, Un capitula di storia del vestiario, Rome, 1899, p. 42. E. Battifol, Etudes de liturgie et archéologie chrétienne, Paris, 1919, p. 57-61.
181 C. C., t. 140 A, p. 772, 775, 776, 782-790, L. IX, ep. 214, 216, 219 ; Voir également L. I X, ep. 227.
182 C. C., t. 140, p. 793, L. IX, ep. 221 et p. 950-951, L. XI, ep. 51.
183 C. C., t. 140, p. 945, L. XI, ep. 47 et L. IX, ep. 214, p. 773. M. Vaes, op. cit, p. 773-775.
184 Frédégaire, Chron., IV, 24. R. Van Doeren, art Didier, D.H.G.E., t. XIV, col. 41. G. Kurth, Etudes franques, p. 321-330.
185 PL., t. LXXVII, col. 1061-1066, L. IX, ep.127.
186 Vita Columbani, éd. de Vogüe, L. I, c. 33, p. 137-138.
187 PL., t. LXXX, col. 264-268, ep. 2. G. Bardy, Saint Colomban et la papauté, dans Mélanges colombaniens, \Bép), p. 108-113.
188 Vita Colombani, éd. A. de Vogüe, L. I, c. 19, p. 136-138.
189 Vita Colombani, op. cit., L. I, c. 19, 33.
190 Vita Colombani, op. cit, L. I, c. 19, 34.
191 A Auxerre, l’évêque Desiderius, avait été installé par Brunehaut. Frédégaire, 19. Vita Colombani, op. cit., L. I, c. 22, p. 148-149. Tours, comme au temps de Grégoire, était dans une situation délicate. L’un des convives de l’évêque, un certain Chrodoaldus, affirma sa fidélité à Thierry.
192 Vita Colombani, op. cit., L. I, c. 28, p. 163.
193 Vita Colombani, op. cit, L. I, c. 30, p. 167-168.
194 Il conviendrait de considérer l’attitude des évêques aquitains ou ceux placés sous l’autorité de la vicarie d’Arles et d’Autun. M. Handelsman, Le soi-disant précepte de 614, Le Moyen Age, t. 36, 1926, p. 121 et sq. O. Pontal, op. cit., p. 205-206.
195 S. C., 354, p. 507-517. O. Pontal, op. cit., p. 208-209. Le canon 2 reprenait le canon 8 de Paris (561) ; le canon 3 reprenait le c.12 d’Orléans (549) ; le canon 4 avait sa source dans c. 7 de Tours (567) ; le canon 5 avait son répondant avec le c. 8 d’Agde (506) ; le canon 6 correspondait au c. 43 d’Auxerre (580) ; le canon 8 développait les décrets de Carpentras (527) et le canon 12 copiait le c. 2 de Lyon (567/570 ; de même le canon 13 reprenait le c. 1 de Lyon (567) ; le canon 11 s’inspirait du canon 25 de Tours (567).
196 P. Cloche, Les élections épiscopales sous les Mérovingiens, Le Moyen Age, t. XXXV, 1924/25, p. 242-243 O. Pontal, op. cit., p. 209-210.
197 M.G.H. Capit., t. I, art 11, p. 22
198 M.G.H. Capit., art 12, t. I, p. 22. La mesure s’applique aussi aux évêques et potentes, art 19.
199 O. Pontal, op. cit., p. 211-212. Ms Berlin, Phillips 1743 (ville s), fol 300 v.
200 M.G.H. Capit., t. I, p. 11 et p. 15-17.
201 Leudovaldus et Leodovaldus qui, de 576 à 614, occupèrent les sièges d’Avranches et de Bayeux, ne font qu’une seule et même personne.
202 Launomundus ne peut être confondu avec Lauto (Lô) de Coutances. L’hypothèse que l’un des deux soit un évêque réfugié de Séez ou de Coutances n’est pas à exclure.
203 Paris, 561, c. 1 ; Tours, 567, c. 26.
204 H.F., IV, 16. Les confesseurs du seigneur Martin et Martial (de Limoges) n’avaient rien laissé de profitable au fisc. H.E., VI, 46.
205 J. Durliat, Les finances publiques, op. cit., p. 120 et 146. Toute la démonstration ignore les sources conciliaires.
206 H.F., VIII, 39. M.G.H. S.R.M., t. I, p. 352. Seule la loi des Ripuaires, titre L, art 1 prévoyait la transmission de toute la fortune à l’époux survivant, en l’absence d’enfants ; titre LI, envisageait la donation entre époux des biens nécessaire pour subvenir à ses propres besoins.
207 M. Rouche, L’Aquitaine, op. cit., p. 244-245.
208 M.G.H. S.R.M., t. I, p. 602. V.M., I, 29. Navicellae : Nazelles s/Cisse, Indre et Loire.
209 H.F., IV, 47-48 ; V, 34, 47.
210 H.F., VII, 7.
211 Ledru-Busson, op. cit., p. 110.
212 M.G.H. S.R.M., t. I, p. 402. Fortunat, Vita Radegundis, n. 13-14, p. 42.
213 H. F, IX, 26.
214 L. Pietri, Tours, op. cit., p. 607-608, observe le même phénomène mais l’attribue à la conjoncture économique.
215 H.F., VI, 36. Ledru-Busson, op. cit., p. 337-338.
216 H.F., X, 11. Fortunat, Carm., X, 17-18. H.F., IX, 20.
217 S. C., 354, p. 517, Paris, 614, c. 12, rappela l’obligation pour les clercs de léguer leurs biens à leur église. Le principe en avait été établi à Agde (506), c. 33.
218 Ledru-Busson, op. cit., p. 84-85.
219 M. Rouche, L’Aquitaine, op. cit., p. 241-242. W. Goffart, The Le Mans forgeries, Cambridge, 1966, p. 258, actes 30, 31, 36, 38, 39, 42, 44, 45.
220 Flodoard, H.E.R., II, 4. M. Rouche, L’Aquitaine, op. cit., p. 245. Le monastère Saint-Pierre de Reims reçut des biens en Poitou.
221 H.F., VI, 20.
222 A Tours, Perpetuus avait fait représenter dans la basilique Saint-Martin l’histoire de la pauvre veuve de l’Evangile, versant son obole dans le Gazophylacium, L. Pietri, op. cit., p. 608.
223 S. C., 354, Tours 567, p. 394. H.F., VI, 6, p. 272. L. Pietri, op. cit., p. 609. Sur la dîme, L. Vischer, Die zehntforderung in der Altenkirche, Zeitschrift fur Kirchengeschichte, LXX, 1959, p. 201-217. P. Viard, Histoire de la dîme ecclésiastique en France jusqu’au décret de Gratien, Dijon, 1909.
224 S. C., 354, Mâcon, 585, c. 5, p. 462.
225 Concile d’Agde 506, c. 4, puis Tours, 567, c. 25-26 ; Mâcon, 583, c. 4 ; Paris, 561, c. 1 et 614, c. 9 et Grégoire de Tours, V.M., I, 30 ; H.F., VII, 22 ; VIII, 40 ; V.M., I, 29 ; H.F., IV, 47.
226 L. Pietri, o p. cit., p. 631. Voir les problèmes soulevés par les reconstructions à Tours. H.F., VI, 6. Il fallait « rassasier avec une nourriture suffisante » les pèlerins à Saint-Martin de Tours.
227 L. Pietri, op. cit., p. 610-612.
228 H.F., X, 31. Flodoard, H.E.R., II, c. 3 et 4. L. Pietri, op. cit., p. 626-627.
229 L. Pietri, op. cit., p. 612-622. Le comte Leudaste déposséda de son actif Grégoire (580), mais quelques temps plus tard il versait la composition de 600 sous dûe pour un triple meurtre. H.F., VIII, 20 ; IV, 35 ; X, 19.
230 E. Ewig, Trier im Merovingerreich, Trêves, 1954, p. 88-110. L’Aquitaine et les pays rhénans au Haut Moyen Age, Cahiers de civilisation médiévale, t. I, 1958, p. 37-54. E. Prinz, Frühes Monchtum im Frankenreich, Munich, 1965, p. 309-314. M. Rouche, L’Aquitaine, op. cit., carte p. 22, p. 232-233 ; 239-248.
231 M.G.H. S.R.M., t. I, c. 3, p. 730 et p. 682.
232 V.M., I, 29, p. 602. H. F, VI, 46 et VIII, 22.
233 H.F., VI, 36 et VIII, 19. G. C., 91, p. 806.
234 H. F., VIII, 39.
235 G. C., 77, p. 194.
236 Voir également le synode d’Auxerre, c. 20-21-22.
237 Le concile de Tours 567 a, dans son canon 21, longuement réaffirmé l’interdiction du rapt des vierges et l’abandon du voile par des moniales qui aurait choisi de se marier.
238 Le synode d’Auxerre, c. 23, 24, 26 recommandait de reléguer dans un autre monastère, au pain et à l’eau, un abbé qui ne sanctionnerait pas un moine adultère ou qui introduirait une femme ou assisterait à des noces.
239 S. C., 354, p. 369, Tours, c. 21 ; Paris, 614, c. 14-15.
240 Grégoire de Tours en présente le modèle avec la femme de l’évêque Urbicius. H.F., I, 44, p. 52-53.
241 Précédemment à Yenne, 517, c. 21 et à Orléans, 533, c. 17-18. H. Le Bourdellès, Les ministères féminins, dans La femme au Moyen Age, p. 11-19, éd. M. Rouche et J. Heuclin, Maubeuge, 1990.
242 S. C., 354, p. 357. Tours, 567, c. 10.
243 H.F., VI, 36 ; VII, 47 ; VIII, 29, 40 ; X, 14.
244 H.F., IX, 37 ; X, 31. Un diacre de Châlons buvaient pendant que les autres célébraient mâtines (V.M., III, 38, p. 641).
245 H.F., V, 40. Le prêtre Epachius célébrait les vigiles de la Nativité en vidant des coupes de boisson capiteuse dans sa maison (C.M., 86, p. 546).
246 H. F, VIII, 34.
247 H.F., IX, 33 et 40 à 42.
248 G.M., 58, p. 528 ; 71, p. 535 ; 72, p. 536. V.M., I, 17, p. 598 et 30, p. 602-603. Voir à Saint Julien de Brioude. V.J., 8, 10, 13, 14, 20. H.F., VI, 13.
249 G. C., 91, p. 806.
250 V.M., I, 33, p. 604 ; II, 19, p. 615-616 ; I, 39, p. 623. V.P., XVII, 2, p. 726. Voir également, G.C., 51, p. 778.
251 H.F., II, 15. Grégoire de Tours cite davantage des évêques méridionaux avec lesquels il avait des liens de parenté.
252 G.M., 80-81. H.F., V, 43 et VI, 40.
253 H. F, VI, 5, p. 247-249. M.G.H. S.R.M., t. VII, p. 411, c. 52. Germain convertit des Juifs ; c. 54, l’évêque libéra un jeune homme emmené par des Juifs. H.F., VI, 17, p. 259-260. M. Rouche, Les baptêmes forcés de Juifs, p. 105-125.
254 M.G.H. AA., t. IV, 2, p. 80.
255 M. G. HAA., t. IV, 2, p. 35
256 AA. SS., Janv, t. I, p. 2-3.
257 AA. SS., Sept., t. VII, c. 8-9, p. 96. Il reprit le canon 23 de Tours 567.
258 M.G.H. S.R.M., t. IV, c. 11-12, p. 182
259 M.G.H. S.R.M., t. III, p. 657.
260 H.F., VIII, 15. V.P., V, l’incendie d’un temple près de Cologne, M.G.H. S.R.M., t. I, p. 681.
261 AA. SS., Sept., t. VII, c. 5, p. 95-96. AA. SS., Aug, t. I, c. 12, p. 171. M.G.H. S.R.M., t. VIII, c. 18, p. 384.
262 H.F., VII, 44.
263 H.F., VI, 35.
264 AA. SS., Aug, t. I, c. 8-9-10, p. 170. Il fut relâché et bénéficia de largesses.
265 M.G.H. S.R.M., c. 8, 9, 12, p. 654-657. M. Rouche, op. cit., p. 12-13. RM, I, 23.
266 V.M, III, 41, M.G.H. S.R.M., t. I, p. 642, Orléans, 549, c. 7. V.M., III, 47, p. 643. V.M., IV, 26, p. 655-656. L’affaire se déroula en 591/592 dans un contexte de paix retrouvée avec Gontran. G.C., 92, M.G.H. S.R.M., t. I, p. 80. H.F., VIII, 33. L’apparition de Germanus de Paris sauva des prisonniers d’un incendie.
267 H.F., IX, 30 et X, 7. Remise d’impôt aux églises et monastères afin que les percepteurs ne subissent pas de préjudices et les régisseurs ne soient pas révoqués pour leurs arriérés. E. Nortier, Etude sur le privilège d’immunité, Revue Mabillon, 1984, p. 472-473.
268 AA. SS., Nov, t. III, c. 8 et 10, p. 390.
269 H.F., VII, 40. Gontran redistribua les trésors de Gondovald.
270 Ledru-Busson, op. cit, p. 55-56 et p. 100.
271 H.F., VIII, 26.
272 H.F., VII, 22 ; VIII, 40 ; VII, 47.
273 M.G.H. S.R.M., t. I, p. 536-537 et p. 645, G.M., 72 ;. V. M, III, 53.
274 G.M., 59, 72, 73. V.J., 8, 10, 13, 14, 20. V.M., I, 17, 30. H. F, VII, 8 et VII, 22, crimes et ivrogneries d’Eberulfiis qui avait installé sa demeure dans la sacristie de la basilique Saint-Martin. H.F., V, 32 Deux familles s’entre-tuèrent à Saint-Denis.
275 Vieillard-Troiekouroff, Les monuments religieux de la Gaule du Nord d’après l’œuvre de Grégoire de Tours, Paris, 1976, p. 403-415. G.M., 58. M.G.H. S.R.M., t. I, p. 528.
276 G.M., 6. M.G.H. S.R.M., t. I, p. 530. H. E, X, 31, 19. Vieillard-Troiekouroff, op. cit., p. 392-393 et 399.
277 Fortunat, Carm., éd. Reydellet, L. I, 8, p. 52-57 et L. III, 7.
278 G.C., 20, 78, 93, 94 M.G.H. S.R.M., t. I, p. 759 ; p. 794-795 et 807-809. Vieillard- Troiekouroff, op. cit., p. 398-399.
279 H.F., I, Prologue, Grégoire évoque les chroniques d’Eusèbe de Césarée, de Jérôme, d’Orose, puis il indique que : « Hoc etiam et Victurius cum ordine Paschalis solemnitates inquirere fecit ». Le synode d’Auxerre (c.2) précise que les prêtres devaient se renseigner avant l’Epiphanie auprès de leur évêque, sur la date de début de Carême.
280 H.F., 17 : « in Galliis vero nos cum multis civitatibus quarto decimo Kalendas Maias sanctum Paschae caelebramus (18 Avril). Alii vero cum Spanis duodecimo Kalendas Aprilis solemnitatem hanc tenuerunt (21 Mars) ». M.G.H. S.R.M., t. I, p. 207-208.
281 H.F., X, 23, en 590, le 15e jour de la lune tomba le 26 Mars et le 22e jour le 2 Avril. A. Giry, Manuel de Diplomatique, Paris, 1894, p. 212. Il s’agit des sources situées à Osser, près de Séville, dont il est fait mention dans H. F, VI, 43.
282 Le Carême apparut au ive siècle, mais une tendance à prolonger et anticiper le jeûne quadragésimal s’était dégagée, notamment en Provence et en Italie. Voir sur ce sujet D.J. Froger, Mélanges de Science Religieuse, Lille, 1946, p. 221-223. Le synode d’Auxerre, c. 6, précise qu’à la mi-Carême, les prêtres devaient aller chercher le saint chrême auprès de l’évêque. H.F., VIII, 43. L’évêque qui s’était retiré pour le Carême rentrait dans son église où la population l’attendait pour la Cène, c.f., Berachundus d’Amiens. C. Lelong, La vie quotidienne en Gaule mérovingienne, Paris, 1963, p. 79. H.F., VI, 27 ; IX, 30 ; VIII, 31, 43. V.M., I, c. 2, p. 588.
283 H.F., II, 34. Grégoire rappelle le rôle de Mamert de Vienne. H.F., IX, 6. C. Lelong, op. cit, p. 80. Les Rogations se déroulaient à la période des gelées tardives si redoutées pour les récoltes.
284 P.A. Février, Religiosité traditionnelle et christianisation, dans L’histoire de la France religieuse, t. I (éd J. le Goff et R. Remond), Paris, 1988, p. 147. C. Lelong, op. cit., p. 78. H.F., IV, 43. G.M., 86, M.G.H. S.R.M., t. I, p. 546.
285 Orléans, 511, c. 26 ; 533, c. 32 ; Narbonne, 589, c. 12. Vaison, 529. O. Pontal, op. cit., p. 84. L. Duchesne, Aux origines du culte chrétien, Paris, 1908.
286 Anal. Boll., t. VII, p. 393. Vita Gaugerici : « vocem magnam, cum psallentio quam pergebat Aius, Aius, Aius per trinum numerum imposuit in nomine Trinitatis ».
287 H.F., VI, 40. Le Gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit fut l’objet de discussion entre Grégoire et l’ambassadeur arien Oppila.
288 D’après la règle de Césaire d’Arles (+542) ad Virginum, on lisait l’Ecriture selon l’ordre des livres bibliques. R. Grégoire, Les homéliaires médiévaux, Spoleto, 1980, p. 34.
289 Les conciles mérovingiens rappelèrent à plusieurs reprises l’obligation aux évêques de prêcher.
290 Les évêques lériniens de Troyes, Châlons et Trèves contribuèrent à leur diffusion dans leurs diocèses au Ve siècle. H.F., II, 34 : « Scripsit etiam Homiliarum librum unum ». R. Grégoire, Les homéliaires du Moyen Age, Roma, 1966, p. 36 et sq. a démontré qu’il ne correspondait pas à l’homéliaire du prêtre marseillais Musée (+458/459).
291 R.P. Coens, Utriusque linguaeperitus, Anal. Boll., LXXVI, 1958, p. 125 et sq.
292 H.F., II, 1 et II, 31 (à propos de s. Rémi).
293 H.F., I, 31. Les clercs ordonnés devaient s’initier au chant, apprendre à construire une église et « omnipotenti Deo solemnia coelebrare debeant ». G.C., 96. Lors d’un banquet, Gontran demanda aux diacres et aux évêques présents de chanter, chacun leur tour un répons du psaume qui avait été dit à la messe la veille. Chacun précise Grégoire « s’exécuta comme il put ». H.F., VIII, 3.
294 V. P., 16, p. 335. V.M., II, 14, p. 613. Le Sanctus avait été introduit en Provence, lors du concile de Vaison, 529, c. 3. VP., XVI, 3, p. 726. Les chants étaient encadrés par des clercs chantres. Le synode d’Auxerre interdit les chœurs des laïcs et jeunes filles (c. 9). Tours, 567, c. 3. G.M., 45.
295 La législation conciliaire avait interdit l’usage des vins doux. Orléans, 541, c. 4. P. Browe, Defrequenti communione usque 1000, Roma, 1932, p. 26-33. M.G.H. AA., t. IV, 1, p. 228, Carm., XI. G.C., M. G. HS. R.M., t. I, p. 785-786.
296 H.F., X, 8 : « sume tibi particulam eucharistiae atque in pone ore tuo ». H.F., VIII, 2. M.G.H. S.R.M., t. I, p. 785-786. Synode d’Auxerre, c. 37 et 42.
297 L. Duchesne, op. cit., p. 212.
298 M.G.H. Capit., t. I, p. H- H. F, I, 23.
299 V.J., 11, p. 569 ; G.C., 97, p. 810 ; V.M., III, 7, p. 633 ; V.M., III, 55, p. 645 ; V.P., VII, 55.p. 690.
300 Mâcon, 585, c. 2 ; Auxerre, c. 8, 11, 19.
301 H.F., X, 13 et 25
302 H.F., IX, 6.
303 Les deux imposteurs agirent dans l’un des lieux de pèlerinage les plus fréquentés de Gaule où les évêques de cultures gallo-romaine se succédaient régulièrement.
304 H.F., X, 25. M. Rouche, Un Dieu de barbarie, dans Histoire des fléaux, Paris, 1987, p. 58-59. J. Le Goff et J.N. Biraben, La peste dans le Haut Moyen Age, Annales E.S.C., 1969, p. 1498. On retrouve des phénomènes identiques avec Thomas Münzer, en Allemagne, au XVIe Siècle.
305 H.F., X, 25, Grégoire précise qu’il essaya de faire rentrer dans le droit chemin bien des imposteurs.
306 H.F., IX, 6. Saint Mathieu, XXIV, 7, 8, et saint Marc, XIII, 22. Grégoire de Tours qui rédigea son œuvre durant les dernières années de sa vie paraît ici inspiré par les idées eschatologiques de Grégoire-le-Grand. H.F., X, 25. H. F, IX, 42. M. Rouche, Le Moyen Age, t. I, dir. Fossier, Paris, 1986, p. 116. M. Rouche, Un Dieu de barbarie, op. cit., p. 50.
307 H.F., VI, 6 ; IX, 12 ; V, 48 : « peccatis populi ingruentibus, cornes Turonis destinatur ».
308 H.F., X, 2 ; VII, 3 ; V, 36 ; X, 22 ; III, 12 ; VII, 35 ; VIII, 40. Voir les miracles in virtutibus s. Juliani et Martini.
309 H.F., V, 17. VI, 3 et V, 34. J. Le Goff et J.N. Biraben, La peste, op. cit., p. 30.
310 H.F., X, 1 et 30.
311 H.F., VIII, 30.
312 C. Lelong, La vie quotidienne, op. cit., p. 169-172.
313 Les conciles protestèrent contre le sort des saints et la disposition de l’Eucharistie sur l’autel, suiva nt des formes figuratives.
314 C. Vogel, Les sanctions infligées aux laïcs et aux clercs par les conciles mérovingiens, R.D.C., t. I, 1952, p. 5-29. P.A. Février, op. cit., p. 108.
315 Grégoire de Tours nous éclaire sur les mises en application de ces sanctions canoniques contre les criminels et parricides. H.F., X, 8 ; V, 32 ; H.F., V, 36, Le comte Nanthin avait tué un évêque et pris les biens d’église.
316 H.F., V, 36.
317 H.F., VI, 32, Leudaste présenta à Grégoire une lettre souscrite par des évêques pour être réadmis à la communion mais il préféra attendre un ordre de la reine et surtout le jugement de Dieu. H.F., IX, 43.
318 H.F., IX, 33.
319 Le synode d’Auxerre, c.12-14-15, dénonce les dispositions magiques à l’égard des morts.
320 P.A. Février, Religiosité traditionnelle et christianisation, dans Histoire de la France religieuse, t. I, dir. J. Le Goff, R. Rémond, Paris, 1988, p. 107-108.
321 H.F., X, 11.
322 H.F., V, 34.
323 H.F., VI, 9, A propos de Domnolus du Mans (+581).
324 H.F., III, 7.
325 H.F., V, 21.
326 H.F., V, 1 ; VIII, 33 ; VII, 42 ; IV, 36 ; V. 5 ; VII, 29.
327 V.M., III, 17. H.F., V, III. et V.M., I, 16, 17. II, 16 et 17.
328 V.J., 34. Après son ordination, Grégoire ramena un bout de frange du voile qui couvrait le tombeau.
329 V.J., 32.
330 V.P., VIII, 6,7.
331 V.P., VIII, 9.
332 H.F., VII, 31.
333 H.F., X, 16, Les moniales de Poitiers tentèrent de subtiliser les reliques de la croix.
334 G.C, 93 ; 89 ; 53 ; 41 ; 91.
335 Grégoire de Tours rédigea une vie de s. Senoch (G.C., 25) ; Marcel de Paris en avait une (G. G, 89) ; celle d’Aubin d’Angers fut rédigée par Fortunat (G.C., 96) ainsi que celle de Radegonde.
336 G.C., 15 ; 21 ; 25 ; 41 ; 43 ; 55 ; 56 ; 57 ; 58 ; 81 ; 86 ; 89 ; 91 ; 95 ; 96.
337 F. Lebrun, Médecins, saints et sorciers, Paris, 1983, p. 113-127.
338 – V.M., I, 33.
339 V.M., II, 4.
340 V.M., II, 7 ; IV, 25, 27.
341 H.F., I, 40.
342 P. Riché, Les temps mérovingiens, Histoire de la France, Dir. Duby, Paris, 1987, p. 95.
343 C. Lelong, La vie quotidienne en Gaule, Paris, 1963, p. 55-60.
344 P. A. Février, op. cit., p. 162.
345 G.M., 76.
346 H.F., II, 15 et IX, 39.
347 V.M., I, 33.
348 V.P., VIII, c. 6.
349 G.M., 73 ; V. J., 17, 18, 25 ; V. M., IV, 25, 27.
350 G. C., 89.
351 J. Heuclin, Les origines, op. cit., p. 106-113 et p. 138-143. M. Rouche, L ‘Aquitaine, op. cit., p. 409-414.
352 V.P., 15, c. 12.
353 V.P., X, c. 2.
354 H.F., VI, 29.
355 J. Heuclin, op. cit., p. 212- 213. VP., X, 1.
356 C’était le cas d’Hospitius de Nice et de Bavon à Gand. Il pouvait s’agir de parricide soumis à la pénitence. Une moniale de Poitiers qui avait injurié l’abbesse s’imposa la réclusion, H.F., IX, 40. V.P., X, 2. Voir les rigueurs supportées par Walfroy, H.F., VIII, 15.
357 AA. SS, t. I, Aug., p. 219. Anal. Boll., t. VII, p. 203- 205. M.G.H. S.R.M., t. III, p. 612- 619.
358 L. Pietri, J. Biarne, Topographie chrétienne des cités de la Gaule, Paris, 1987, province de Tours, t. V, p. 54-55.
359 L. Pietri, J. Biarne, op. cit., t. V, p. 76-77.
360 Flodoard H.E.R., II, 4. A Laon, Brunehaut contribua à l’édification d’une basilique Saint-Vincent. L. Pietri, Culte des saints et religiosité politique en Gaule, p. 353-369, dans Les fonctions des saints dans le monde occidental, Rome, 1991.
361 L. Pietri, J. Biarne, op. cit., t. V, p. 54.
362 V.P, XIX, 2, 4, p. 288, 290 et G. C., 24, p. 313. H.F., IX, 33 et X, 12, p. 495. M. Cristiani, La sainteté féminine du Haut Moyen Age, p. 387-418, dans La fonction des saints, Rome, 1991.
363 AA. SS., 19 Janv, t. III, Anal. Ball., t. XXIV, p. 90. l’ermite Florentius devint évêque de Strasbourg et Léobart assemblait des disciples à Marmoutier.
364 Vita Colomhani, I, 5, p. 71.
365 H.F., VIII, 22.
366 A. de Vogüe, La règle de Saint Benoît, S.C., 181, p. 166, n. 57. M.G.H. Epist., t. III, p. 156-160.
367 B. Judic, Grégoire le Grand, règle Pastorale, Paris, 1992, S. C., 381-382, p. 76 et p. 63-88.
368 M.G.H. Epist., t. I, p. 158.
369 E. Ewig, Beohachtungen zu den Kloster privilegien, p. 53-55, in Spätantike, op. cit., F. Prinz, Das Westliche mönchtum zur zert Gregors der Grossen, p. 124-136, dans le Colloque Grégoire le Grand, Paris, 1986.
370 M.G.H. Epist., t. II, p. 378-381, Reg. Greg. XIII, 12, 13.
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