Chapitre VII. Les ressources occasionnelles
p. 189-216
Texte intégral
1Les ressources de la chambre aux deniers et les revenus des domaines constituent l’élément de base de l’entretien de l’hôtel de la duchesse et de ses dépenses de caractère privé. A ces revenus annuels viennent s’ajouter des ressources irrégulières, de nature variée, qui peuvent fournir un appoint souvent très important : parts d’aides accordées par les états, dons du duc, ou des villes, ou encore des habitants des domaines. Et lorsque malgré tout l’argent vient à manquer, il reste l’expédient classique, l’emprunt.
I. – Les ressources fiscales
2Alors qu’en France à partir de 1439 le roi lève l’impôt direct sans passer par le vote des états généraux1, dans tout comté ou duché où il veut demander un subside, le duc de Bourgogne doit convoquer une réunion des assemblées représentatives. Isabelle de Portugal a reçu à plusieurs reprises des aides en supplément de celles qui étaient accordées au duc2, notamment en 1430 en don de joyeux avènement.
Les aides dans les pays de tradition française
3Le duché de Bourgogne et le comté d’Artois ont un régime d’imposition marqué profondément par l’influence royale. Dans le premier, Jean le Bon a pu exercer le pouvoir comme baillistre pour le dernier duc capétien Philippe de Rouvres de 1350 à 1356, puis comme duc de 1361 à 1363. Le second est entré dans le domaine royal à la suite du mariage de Philippe Auguste avec Isabelle de Hainaut en 1180, et son érection en comté en 1237 au profit de Robert, frère de Louis IX, ne l’empêcha pas de rester sous l’emprise royale jusqu’en 1384.
Bourgogne
4Dans le duché de Bourgogne, le duc perçoit les mêmes impôts que dans le reste du royaume : les aides ordinaires ou taxes indirectes, et les fouages ou aides, impôts directs levés avec le consentement des trois états3. L’aide était aussi levée dans le comté de Bourgogne, terre d’Empire, mais elle était négociée avec seulement deux états, le clergé et les villes, les nobles refusant la perception de l’impôt ducal sur leurs hommes4.
5En 1430 les états du duché votèrent 30 000 fr ou £ t pour le mariage princier, 2 000 fr furent accordés à Isabelle pour ses épingles, autrement dit pour ses dépenses personnelles. Les subsides fournis à la même occasion par la Franche-Comté furent inférieurs de 50 % : 14 000 fr au duc et 1 000 fr à la duchesse5. Celle-ci obtint à nouveau de l’argent des états à la faveur de ses deux séjours en Bourgogne. De juillet 1433 à avril 1435, elle joua un rôle très actif dans le duché, aussi bien pour négocier les aides nécessaires à la défense que pour mobiliser les gens de guerre ; en février 1435, les états lui accordèrent 2 000 fr pour retirer les joyaux qu’elle avait engagés pour subvenir aux frais de démolition de la place de Grancey6.
6En mars 1442, Isabelle vint rejoindre dans le duché le duc, venu lutter contre les écorcheurs. Une aide fut demandée au mois de juin et, aux 20 000 fr votés par les états, Philippe le Bon ajouta 2 000 fr pour son épouse, a quoy ilz n’ont osé desobeyr7. Dans le comté, 1 000 fr lui furent octroyés, pour 11 000 fr au duc. Cette participation du comté n’est pas mentionnée dans le catalogue des sessions et des levées en Bourgogne par J. Billioud, mais elle est révélée par le compte du receveur général de la duchesse Jean de Visen : de Guiot Aubry, receveur des aides ou comté de Bourgogne, mile livres tournois que les gens d’eglise et habitans des villes et plat pays dudit comté ont donné a madicte dame, en octroyant l’aide de 11 000 fr au duc8. Ce compte donne aussi une vue d’ensemble des aides levées à son profit en 1442 es duchié et conté de Bourgoingne, Charrolois, Masconnois, es terres d’Oultre Soone et es terres royaulx enclavees oudit duchié de Bourgoingne (tabl. 13). Ces pays étaient partagés en trois secteurs : le duché, le comté, puis le groupe formé par le comté de Charolais (acheté en 1390 par Philippe le Hardi), les terres d’Outre-Saône ou « vicomté d’Auxonne » et les terres annexées en 1435 au traité d’Arras (comtés et élections d’Auxerre, Mâcon, châtellenie de Bar-sur-Seine, élections d’Autun, de Chalon et de Langres) qui ne négocient pas l’impôt, mais sont imposées au prorata de l’aide accordée au duc par les états de Bourgogne9. La proportion habituellement observée était de la moitié du total pour le duché, un quart pour le comté et un quart pour les pays adjacents10. En fait ces derniers payèrent une somme inférieure à leur quote-part, 750 £ seulement, mais en janvier 1443 les habitants de la châtellenie de Chaussin furent imposés de 300 £11, ce qui permet à Jean de Visen de porter en total des aides pour la duchesse 4 000 £ t (en fait 4 050).
Tableau 13. Compte des aides payées à la duchesse en Bourgogne en 1442 (en livres tournois)

7En s’en tenant aux sources conservées (l’aide de 1435 n’est connue que pour le duché), Isabelle de Portugal a donc reçu en tout des pays de Bourgogne, 3 000 fr en 1430 (équivalant à 2 700 £ de 40 gr), 2 000 fr en 1435 (1 800 £) et 4 050 £ t en 1442 (3 645 £), soit en tout 9 050 £ t ou 8 145 £ de 40 gr (tabl. 14).
Artois
8L’Artois connaissait deux aides différentes. En 1361 les états avaient accordé une aide pour la rançon du roi Jean le Bon et obtenu en échange le rachat des taxes indirectes ; cette aide ordinaire est désormais fixée à 14 000 fr par an. Le duc peut d’autre part comme comte d’Artois demander aux états des aides extraordinaires, l’unité de base de la perception étant aussi de 14 000 fr12.
9En avril 1430, le duc leur demanda deux aides extraordinaires pour la guerre qu’il avait menée en Hollande et les frais d’ambassade au Portugal pour son mariage. Un quart d’aide fut accordé à la duchesse de Bourgogne, donc 3 500 fr (2 800 £ de 40 gr) ; l’impôt fut encaissé par Martin Cornille, receveur de ses possessions artésiennes13. L’utilisation de cet argent est partiellement connue par quelques quittances. Le 20 janvier 1431, Isabelle atteste avoir reçu comptant 1 200 £ de 32 gr, et 416 £ de 40 gr payées à Huart du Vyvier, marchand de joyaux, sur l’argent de l’aide14. Le 28 février elle reçoit à nouveau de Martin Cornille 282 fr 10 s en deniers comptant pour faire nostre plaisir, sur ce qu’il nous puet et porra devoir a cause d’un quart d’ayde par lui receu a nous nagaires ottroyé par ceulx du conté d’Artois15. L’argent de l’aide alimentait bien sa cassette personnelle.
10Isabelle ne reçut pas d’autre aide générale du comté, mais en 1434 le duc lui donna la part d’une aide levée pour la chevalerie du comte de Charolais dans les seigneuries dont il lui avait fait don, Bucquoy, Carency, Aubigny, Aix et Duisans. Martin Cornille tint le compte des rentes en deniers perçues sur les paysans et sur les fieffés, pour ladicte chevalerie tel ayde qu’ilz doivent de relief16. Cette aide féodale a procuré 363 £ 1 d de 40 gr à la duchesse dont elle ne fut payée qu’avec des années de retard : 141 £ le 18 mars 1452 et 191 £ 2 s le 19 février 1453, en même temps que 107 £ 2 s 4 d de 40 gr que Martin Cornille devait encore du quart de l’aide de 143017.
Les aides dans le reste des Pays-Bas
11Dans les autres territoires des pays de par deça, le duc de Bourgogne n’a pas réussi à introduire un système permanent de taxation indirecte comme en France. Aussi le montant des aides est-il plus important qu’en Bourgogne, et ceci dès l’époque de Philippe le Hardi18.
Flandre
12Le comté de Flandre occupe une place à part dans le régime représentatif car, bien que Philippe le Bon y eût introduit les trois états, le pouvoir d’accorder et de discuter le montant des aides appartenait à l’assemblée des Quatre Membres (Gand, Bruges, Ypres et le Franc ou district rural de Bruges), dans laquelle les villes occupaient une position écrasante. Les aides étaient payées par les habitants des villes et du plat pays, les contributions du clergé étant négociées séparément avec le duc19.
13C’est de ce comté qu’Isabelle de Portugal reçut les subsides les plus importants. Ceux-ci apparaissent dans un tableau des contributions pécuniaires accordées par les Quatre Membres, réalisé par W. Blockmans, avec le nom des bénéficiaires et le motif des levées20. Dès le mois de janvier 1430, alors que les fêtes du mariage princier venaient d’être célébrées à Bruges, la duchesse reçut en cadeau 6 000 nobles, soit 14 400 £ de 40 gr. En 1439 elle mena personnellement à Gravelines des négociations avec l’Angleterre et obtint le 25 septembre la conclusion d’un entrecours qui rétablissait les relations commerciales, interrompues depuis le traité d’Arras, entre l’Angleterre et la Flandre21. Avant même la signature de l’accord, après la trêve de février 1439, 6 000 riders (7 200 £ de 40 gr) lui furent alloués22. En 1445 les Membres votèrent un subside de 46 000 saluts (55 200 £) pour couvrir les frais de négociation de la duchesse et de ses conseillers à Châlons-sur-Marne ; elle obtint de Charles VII la publication de lettres interdisant au parlement de Paris de recevoir pendant neuf ans des appels contre des jugements des Quatre Membres23. Le 2 octobre 1445, Guillaume Poupet lui écrit à Anvers touchant la response que lui avaient faicte ceulx de Bruges et du Franc touchant la somme de 2 000 riders qu’elle prent chascun an sur l’ayde de Flandres24. Pendant la guerre menée par le duc contre Gand, la duchesse et son fils intervinrent plusieurs fois comme médiateurs. Les Quatre Membres leur allouèrent en janvier 1454 pour ces frais de négociation 20 000 riders (24 000 £) payables en 10 ans. Isabelle reçut par ailleurs duc duc 5 000 riders (6 000 £) sur l’amende de 350 000 riders imposée à la ville de Gand, payée à partir de la Chandeleur 145425. Enfin en mai 1458, Isabelle et ses conseillers reçurent une dernière fois des dédommagements pour avoir obtenu le prolongement de la suspension des appels au parlement de Paris, 50 000 riders ou 60 000 £26.
14En Flandre les subsides qui lui étaient consentis, hormis le cadeau de mariage de 1430, sont tous destinés à la remercier et à couvrir des frais engagés par elle dans des négociations où sont en jeu les intérêts du comté. Ils étaient sollicités par l’intéressée elle-même comme le montre la démarche d’une délégation flamande à La Haye, où elle se trouvait à la fin de mars 1439, pour discuter du paiement de 6 000 riders qu’elle avait demandés27. Isabelle bénéficie aussi en octobre 1466 d’un don de 1 000 £ par Philippe le Bon sur 48 000 £ que les Membres lui avaient accordées28.
15En mars 1468, les Membres ont voté des subsides très élevés au nouveau duc Charles le Téméraire, 996 000 riders pour sa joyeuse entrée, son mariage et la guerre contre Louis XI, à percevoir en 16 ans. 40 000 riders furent accordés à la duchesse Marguerite d’York et 9 600 (11 520 £) à Isabelle de Portugal, soit 600 riders par an en deux termes, Noël et Saint-Jean-Baptiste. Les versements commencèrent à Noël 1468, comme l’atteste sa quittance du 10 juillet 1471, pour le second terme de la troisiesme annee29. Dans son testament, faisant le compte de ce qu’elle possède, elle écrit : Item a cause de l’ayde de Flandres nous doivent venir encoires douze années assavoir pour chascun an sept cens treize livres faisans huit mil cincq cens cinquante six livres30. Après son décès, l’aide fut prélevée au bénéfice de ses exécuteurs testamentaires, sur l’ordre de Charles le Téméraire, soucieux de l’accomplissement du testament de sa mère31.
16La Flandre s’est montrée généreuse envers la duchesse et lui a été reconnaissante d’avoir toujours défendu ses intérêts. Mais il est impossible de dresser un bilan de ce qu’elle a effectivement reçu car, en dehors des contributions qui lui étaient spécifiquement destinées, les autres étaient aussi attribuées aux conseillers et éventuellement au comte de Charolais.
Brabant
17Dans son testament, Isabelle de Portugal énonce aussi le montant qui lui reste à percevoir du Brabant : Item a cause de l’ayde de Brabant nous sont deues encoires deux années qui escheront aux jours de la Chandeleur soixante et unze et soixante douze, pour ce icy deux mil cincq cens livres32. Dans ce duché, des aides étaient levées par Philippe le Bon, en général pour des périodes d’au moins 6 ans. La première en 1436, de 300 000 riders pour sa joyeuse entrée, fut complétée par une aide de 10 000 riders (12 000 £ de 40 gr) payable en 2 ans pour la duchesse, qui reçut un premier terme de 480 riders à la Toussaint33. Le 22 mai 1444, elle en obtint 8 000 (9 600 £), ajoutés aux 176 000 votés au duc, et en 1451, avec son fils, 6 000 sur 150 000 accordés au duc, payables en 6 ans (1 200 £ de 40 gr par an)34. En 1457, les états consentirent 150 000 riders au duc : 25 000 à percevoir pendant 6 ans, dont il concédait 1 000 à la duchesse35. Quant aux deux termes qu’Isabelle devait encore percevoir en 1471 et 1472, ils étaient les neuvième et dixième années d’une aide levée à partir de 1463 et qui se montait à 10 000 riders ; cette aide, en fait accordée à la comtesse de Charolais (avec 20 000 riders au comte et 250 000 au duc)36, avait probablement été transférée à la duchesse après le décès d’Isabelle de Bourbon en 1465.
Hainaut, Hollande et Zélande
18En Hainaut Isabelle de Portugal reçut plusieurs subsides entre 1430 et 1450 en complément d’aides accordées par les trois états au duc. En novembre 1431 lors de sa joyeuse entrée à Mons, elle reçut un don de 10 000 £ t de Hainaut de 20 gr37 ; 3 000 écus d’or lui furent portés à Gand au mois de juin 1432 par des représentants des trois ordres38. En 1434, 4 000 £ t de 20 gr lui furent accordées pour 36 000 au duc ; ils lui furent payés en trois termes par Jean Thiroul, commis à tenir ce compte particulier, à Pâques et à la Saint-Rémi 1435 et à la Chandeleur 143639.
19En janvier 1436 les états votèrent 40 000 £ t au duc pour contribuer aux frais entraînés par le congrès d’Arras ; 4 000 £ furent octroyées à la duchesse pour consideracion de ce que madicte dame a son povoir s estoit employee au bien de ladicte paix et a la convention d’icelle avoit grandement frayé et missionné. Les paiements de 1 500 £ par terme furent échelonnés entre le 6 décembre 1436 et le 8 janvier 143940. Valenciennes, qui déterminait toujours ses contributions séparément, procura 8 000 £ à Philippe le Bon et 2 000 £ à Isabelle, dont elle fut payée dès le 18 juin 143641.
20Des aides suivantes levées en Hainaut, la duchesse ne reçut rien, mais en 1444 elle n’hésita pas à réclamer sa part de l’aide accordée au duc pour les affaires de Luxembourg et de Chiny42. En plus de 50 000 £ t accordées au duc par les trois états et de 13 000 £ par la ville de Valenciennes, Jean Marlette, trésorier de Hainaut et receveur de l’aide, encaissa ung ayde, don ou ottroy assez tost apres fait a maddicte dame par les gens des trois estas dessusdits devers lesquelz elle avoit pour icelle cause envoyé ses lettres closes par certains ses deputés, montant ycellui ayde a la somme de 2 500 livres monnaie dicte43. Les états consentaient à ces subsides car ils attendaient en échange de la duchesse sa recommandation, comme il est dit nettement dans le compte des aides de 1448, à propos d’une attribution de 3 000 £ t venant en sus de 40 000 £ au duc : Des gens d’eglise, nobles et bonnes villes [...] pour don qu’ilz ont semblablement fait a ce temps a madicte dame la duchesse pour et affin que de sa grace elle ait tousjours ledit pays de Haynnau en bonne amour et recommandacion 3 000 £ t44. Ces contributions devaient être payées à Noël en 1448, 1449 et 1450 ; Paul Deschamps, receveur général des finances de la duchesse, reçut l’argent peu après les termes fixés45.
21Au total entre 1430 et 1450, la duchesse a reçu du Hainaut 25 500 £ t (12 750 £ de 40 gr). Ultérieurement les états votèrent des aides pour plusieurs années sous la pression de Philippe le Bon, 6 ans en 1451, 5 ans en 1457, 10 ans en 146246, mais il n’y eut plus d’allocation pour elle.
22De toutes les régions appartenant à l’ensemble bourguignon, la Hollande et la Zélande étaient celles qui payaient le plus d’impôts, des subsides qui étaient aussi votés pour des périodes longues de 6 ou 10 ans47. D’après une lettre de la chambre des comptes de Bruxelles à celle de Lille le 19 mai 1465, une aide de 10 ans avait été accordée à la duchesse par les nobles et bonnes villes desdis pays de Hollande et Zellande, à payer aux deux fêtes de Saint-Jean-Baptiste, en Hollande à la nativité (24 juin) et en Zélande à la décollation (29 août). Elle venait en surmont d’une aide au duc qui fut, entre 1452 et 1461, de 40 000 riders par an, mais son montant n’est pas indiqué48. Par contre en 1471, toujours d’après son testament, c’est de Hollande et de Zélande que la duchesse attendait la contribution la plus forte : encoires une annee qui escherra aux festes d’Anvers en l’an soixante et douze, pour ce icy deux mil quarante livres. Plus loin elle précise qu’il s’agissait de la derreniere dixiesme annee de cette aide49.
23Bien que le bilan des aides versées à Isabelle de Portugal ne puisse être chiffré, faute de sources complètes et à la suite des incertitudes sur les attributions précises des impôts levés en Flandre, quelques conclusions peuvent être dégagées de la comparaison des contributions versées par les différents pays (tabl. 14).
24Les aides représentent une part irrégulière des ressources de la duchesse, mais quasi permanente et parfois très conséquente. Ce fut le cas dès son arrivée en Flandre et son mariage avec Philippe le Bon en 1430, avec les aides votées pour son joyeux avènement en Bourgogne, Artois, Flandre et Hainaut. Aux moments où son activité diplomatique ou politique est déterminante, elle reçoit des subsides de tel ou tel comté ou duché, qui peuvent être d’ailleurs sollicités par elle, au mieux de leurs intérêts. C’est ainsi que la Bourgogne et le Hainaut lui ont donné de l’argent pour la convention d’Arras, mais pas la Flandre dont les intérêts économiques étaient menacés par la rupture de l’alliance anglaise. Par contre ce comté a accepté de lui allouer 6 000 riders après qu’elle eut rétabli les relations commerciales avec l’Angleterre en 1439 ; il lui a d’ailleurs fourni de l’argent tout au long de la période. En Brabant à partir de 1436, les aides se sont succédé régulièrement, lui assurant en moyenne 1 000 riders ou 1 200 £ de 40 gr par an. En dehors de 1430, la Bourgogne n’a contribué que lors de ses deux séjours dans le duché, en 1435 et en 1442. Le Hainaut s’est montré assez généreux jusqu’en 1450, ensuite, semble-t-il, le relais a été pris par la Hollande-Zélande.
Tableau 14. Récapitulatif des aides perçues par Isabelle de Portugal (en livres de 40 gros de Flandre)*

*La duchesse n’a reçu qu’une partie des aides indiquées en italique.
25Pendant les neuf dernières années de sa vie, Isabelle de Portugal recevait en impositions du Brabant, de la Hollande et de la Zélande 3 290 £ de 40 gr, soit une somme supérieure à la rente de 3 000 £ que lui versait le duc. Il faut y ajouter les 713 £ fournies depuis 1468 par la Flandre, et l’on s’aperçoit alors qu’avec un peu plus de 4 000 £ le produit des aides atteignait la moitié des ressources de son domaine.
Les aides exceptionnelles des domaines de la duchesse
26Les sources financières mentionnent parfois des dons particuliers faits à la duchesse par les habitants de ses seigneuries. Ainsi des achats de draps d’or et de soie en 1437 au marchand lucquois Paul Melian ont-ils été payés sur l’ayde de IIM escuz philippus que ceulx du pays de Cassel donnerent pieça a madicte dame50. Les termes indiquent bien qu’il s’agit d’une aide particulière à la châtellenie dont les habitants durent fournir plus tard, pour le mariage d’Adolphe de Clèves, 1 000 écus d’or de 48 gr, enregistrés dans le compte de Jean Massiet pour 1452-145351. En 1458 ils furent sollicités pour une somme plus faible, 150 £ de 40 gr représentant les intérêts d’un emprunt de 1 000 écus contracté par la duchesse auprès de bourgeois de Lille. La somme fut rassemblée pour don a nous fait et accordé pour payer lesdictes montes par ceulx de la chastellenie52.
27Les sources bourguignonnes font apparaître le même type de contribution. Jean de Bouze, receveur de Chaussin, enregistre un don de 300 £ t le 14 mars 1446 ; en 1451, Isabelle perçut 200 £ t de la châtellenie pour convertir en ses affaires53. En 1453 elle demanda, comme à Cassel, de l’argent pour le mariage d’Adolphe de Clèves : 200 £ furent payées en août 1453 et 200 £ en 145454. En 1469 la duchesse reçut encore une aide de 200 £ des habitants de Chaussin et 95 £ de ceux de La Perrière55.
II. – Les dons
Les dons du duc
28A côté des domaines seigneuriaux, Philippe le Bon fit parfois présent à son épouse de sources de revenus qui lui parvenaient à l’occasion de confiscations, d’amendes ou d’héritages, donc dans des circonstances analogues à celles qui permirent à Isabelle d’acquérir certains de ses domaines.
Amendes et confiscations
29La condamnation pour profits illicites de Jean Fraignot, receveur général de Bourgogne, en 1432, procura 170 fr à la duchesse en décembre 1433, que Jean Abonnel, receveur général des finances, li a délivré comptant des deniers venans des meubles et heritaiges de Jehan Fraignot pour iceulx convertir et emploier en aucuns des affaires de madicte dame a son bon plaisir et voulenté56. Isabelle a probablement joué un rôle actif dans la poursuite du receveur qui fut incarcéré dans son château de La Perrière ; Pierre de Goux, bailli de Chaussin, rompit ses fiançailles avec sa nièce quand il s’aperçut que l’on commençoit a poursuir ledit Jehan Fraignot de par monseigneur le duc et de par madame la duchesse de Bourgoingne57. Elle tira sans doute encore quelque profit de la vente des biens du prisonnier à Chalon en 1434, puis à Dijon en 143758.
30En 1433 également, le duc lui abandonna le droit de lagan sur une caraque de Catalogne dont les biens furent vendus par Olivier Marouffle, gouverneur de sa dépense ordinaire et extraordinaire, pour 8 000 £59. Le duc avait pourtant bien besoin d’argent puisqu’Isabelle dut lui avancer une partie de cette somme pour le paiement des gages des officiers de son hôtel. Mais un des traits bien connus de son caractère était sa générosité, et la facilité avec laquelle il se défaisait en dons du produit des confiscations60.
31Le duc laissa aussi à son épouse les revenus des terres d’Englebert d’Enghien dans la châtellenie de Cassel après son arrestation en 143661, et en 1440 le revenu des exploits de justice perçus dans la châtellenie par Colard de Comines, souverain bailli de Flandre : Gautier Poulain, receveur général du comté, lui versa 996 £ de 40 gr, lesquelx par l’ottroy a elle fait par mondit seigneur doivent estre siens et venir es mains de ses officiers en ladicte chastellenie62. Ce don ne paraît pas s’être renouvelé.
Une rente illusoire de 4 000 livres sur le Vermandois
32En 1435 Philippe le Bon donna à Isabelle de Portugal une rente de 4 000 £ t tenue en fief du roi de France sur le Vermandois que lui avait cédée Jacqueline de Bavière en janvier 142963. L’histoire complexe de cette rente se trouve rapportée par la duchesse elle-même dans une instruction à Guillaume de Clugny qu’elle désigna comme ambassadeur auprès du nouveau roi Louis XI pour en obtenir le paiement en 146164.
33Pour argumenter sa démarche, Isabelle remonte aux origines de la rente. En 1365, Charles V reçut Albert de Bavière, comte de Hainaut, en foi et hommage contre une rente de 4 000 £ sur les revenues et esmolumens des passaiges et yssues du royaulme ou bailliage de Vermandois [...] et de ce ledit duc Aubert jouyt sa vie durant, donc jusqu’en 1404. En 1409 Charles VI, à la demande du fils d’Albert, Guillaume, confirma la concession en ajoutant que, si les revenus de l’affermage des droits venaient à diminuer, le comte et ses héritiers pourraient prendre le restant des 4 000 £ sur la recette ordinaire du Vermandois, et en jouyt ledit conte Guillaume sa vie durant. Après lui sa fille Jacqueline reçut à son tour la rente jusqu’au transport de son héritage à Philippe le Bon au traité de Delft le 3 juin 1428.
34La duchesse expose ensuite comment le duc lui donna cette rente (sans précision de date), sous réserve du consentement du roi puisqu’il s’agissait d’un fief. Charles VII l’accorda le 21 décembre 143565, en faisant référence à son rôle pendant les négociations du traité de paix signé à Arras le 21 septembre : en faveur de ce qu’elle a tenu la main a la paix et reunion de nostredit frere et cousin avecques nous et s’i est grandement emploiee [...] en quoy elle a bien demonstré son bon vouloir et grant affection au bien de nos royaume et seigneurie. Philippe le Bon reste cependant le vassal du roi : sans préjudice des foy et hommage que, a cause de ladicte rente, nous est ou peut estre tenu de faire nostredit frere et cousin comme comte de Haynau.
35Cependant l’instruction à Guillaume de Clugny prouve indiscutablement que cette rente de 4 000 £ ne fut jamais payée à la duchesse : Item et deppuis madicte dame la duchesse, quelque diligence qu’elle ait sceu faire envers ceulx qu’il appartenoit, n’a peu ne sceu trouver maniere d’estre payé desdictes IIIIM livres de rente, non obstant qu’elle eust obtenues lesdictes lettres patentes verifiees comme dit est, et pour ce luy sont dehus les arreraiges despuis ledit an mil IIIIC XXXV qu’elle obtint les premieres lettres dudit feu roy Charles derrenierement trespassé, qui monte a la somme de cent mille livres et plus66. La duchesse sait bien qu’elle ne pourra obtenir une telle somme, elle qui en 25 ans n’a pu toucher le moindre denier, mais elle charge son émissaire de demander au roi confirmation par lettre patente de la lettre de Charles VII, et quant aux arrérages, elle s’en met et rapporte du tout a son bon et noble plaisir.
36La cessation du paiement de la rente s’explique très probablement par son transfert au duc de Bourgogne. La fidélité des comtes de Hainaut de la maison de Bavière contre une rente de 4 000 £ était importante pour le roi de France dans le contexte de la guerre avec l’Angleterre, mais en 1428, quand Philippe le Bon en est devenu le détenteur, il était son ennemi. Le traité d’Arras et les lettres royales en faveur d’Isabelle de Portugal auraient dû assurer à celle-ci le versement des 4 000 £ mais il n’en a rien été, malgré les assurances données par le roi dans une assignation plus précise le 2 octobre 143867, reprise dans les instructions à Guillaume de Clugny : 1 500 £ sur la recette du domaine de Vermandois, 1 500 sur celle des aides de Laon, 400 sur les aides de Soissons, 300 sur le domaine de Ribemont et 300 sur les aides de ce lieu. Le roi différa toujours les paiements, de la même façon qu’il réussit à éluder l’application de plusieurs clauses du traité d’Arras.
37La duchesse a pu se rendre compte de ses dispositions à l’égard de la maison de Bourgogne dès l’entrevue de Laon en avril 1441. Négociant au nom du duc avec ses envoyés, elle essuya un refus pour la plupart de ses requêtes, dont elle ne fut point contente, et apperçut assés clerement, et aussi firent ceulz qui estaient avec elle, que les gouverneurs d’ycelui Roy n’avoient mie bien agreable le duc de Bourgongne, ne ses besongnes68. Elle persista pourtant à réclamer le paiement de sa rente. En 1450 elle s’adressa, par l’intermédiaire du secrétaire ducal Jean de Molesmes, à Jacques Cœur, conseiller du roi. Elle comptait peut-être sur un appui du financier, auquel Philippe le Bon concéda l’autorisation d’acheter en Flandre des objets et bijoux d’argent brisés pour la fabrication de monnaies69. Mais il lui répondit le 10 mars de Bernay que les charges du roi en raison de la guerre obligeaient à attendre jusques a une autre fois que les besongnes seraient en meilleur terme70. Un peu plus tard la duchesse a écrit à Etienne Armenier et Pierre de Goux qui étaient en ambassade auprès du roi pour le duc. Leur réponse, un 20 octobre71, donne le contenu de leur mission, retrouver les lettres du roi et sur icelles avoir appoinctement tant du principal que des arreraiges le meilleur que l’on pourra. Or celles-ci sont à Chinon aux mains d’un archer de Charles d’Anjou, comte du Maine (beau-frère de Charles VII), ce qui est pour le moins surprenant, et leurs démarches auprès des gens du roi n’ont donné aucun résultat. C’est seulement le 2 avril 1457 qu’Isabelle put accuser réception des lettres royales données à Blois le 2 avril 1438, parvenues enfin à la chambre des comptes de Lille72.
38L’arrivée au pouvoir du dauphin Louis qu’elle avait accueilli personnellement à Bruxelles le 26 octobre 1456 et qui, jusqu’à la mort de son père le 22 juillet 1461, avait bénéficié de l’hospitalité généreuse du duc de Bourgogne73, suscita de nouveaux espoirs et la mission de Guillaume de Clugny. Mais il semble que Louis XI ne confirma pas la rente de 4 000 £. En effet dans son testament, lorsque la duchesse dresse l’état de ses ressources, y compris les créances, la rente n’est pas mentionnée. Ce don du duc confirmé par Charles VII en 1435 n’a donc été pour elle que source de tracas et désillusion.
Les cadeaux et les dotations exceptionnelles
39Comme d’autres membres de la famille ducale, la duchesse recevait au moment des étrennes des joyaux de grande valeur. En 1433 le duc lui offrit un tableau d’or tres riche garny de V bons balaiz, VI grans saphirs et de XLII perles pesant ung marc sept onces d’or du prix de 500 saluts, ainsi qu’un hanap d’or garni d’un rubis et de 7 grosses perles d’une valeur de 300 saluts, et deux diamants enchassés dans deux anneaux, coûtant 270 saluts74. Le prix total atteint 1 284 £ de 40 gr. Le cadeau du jour de l’an 1435, alors que Philippe et Isabelle sont en Bourgogne, est une fleur de lys en or garnie de 3 diamants, 3 rubis et 16 perles, achetée à Dijon à un marchand de Bâle pour 391 £ ½75. L’année suivante le duc lui offre un tableau d’or du poids de 4 marcs 2 onces représentant une vierge à l’enfant, enrichi de rubis, de perles, d’un diamant et d’un saphir, valant 600 saluts76. En 1442 encore peut être relevé le présent d’un collier d’or du poids d’un marc, orné de 10 rubis et 10 perles, avec un petit fermail pendant devant auquel a une bien grosse perle et un bon rubis dessus, du prix de 780 £ de 40 gr77 Objets décoratifs, vaisselle précieuse, bijoux, tout est de très grande valeur. Isabelle de Portugal a aussi reçu des cadeaux de membres de la famille ducale, mais ceux-ci sont beaucoup plus difficiles à connaître. Rappelons cependant le somptueux chariot doré, cadeau de mariage d’Anne, duchesse de Bedford, sœur de Philippe le Bon.
40Les comptes de la recette générale mentionnent de temps à autre, dans le chapitre deniers bailliés comptant, des sommes d’argent données à Isabelle pour emploier en aucuns de ses affaires dont il ne veult aultre declaracion estre faicte78 ou pour icelle convertir en certains secréz affaires79. Il est peu vraisemblable que ces sommes aient été destinées à son usage personnel, l’emploi de l’adjectif « secret » évoquant plutôt des activités de caractère diplomatique. Donc cet argent ne peut être pris en compte pour évaluer l’actif de la duchesse.
Les dons des villes
41Comme lors des entrées royales80, il était d’usage que les municipalités offrent des présents au duc et à la duchesse lors de leur première entrée. Le cérémonial s’accompagne de plus en plus de faste à partir du milieu du XIVe siècle81. Il implique la participation de tous les habitants pour la décoration des rues et des maisons, la constitution de cortèges groupant les représentants des groupes socio-professionnels pour accompagner le duc jusqu’à son hôtel et la préparation de spectacles. A cette occasion le duc renouvelle les privilèges de la ville qu’il jure de respecter tandis que les habitants le reconnaissent comme seigneur légitime et lui prêtent serment de fidélité.
42Qu’en est-il des honneurs rendus par les villes à la duchesse ? Pour s’en rendre compte il faut considérer les cas où Isabelle de Portugal a fait sa première entrée seule, ou alors avec le duc, mais dans des villes où lui-même avait déjà effectué sa joyeuse entrée. Car les entrées suivantes ne s’accompagnent plus de grandes cérémonies, sauf si elles ont lieu à propos d’une fête particulière comme un mariage ou la réunion d’un chapitre de la Toison d’or82. Or lorsque la duchesse est entrée dans les villes d’Artois et de Flandre (dont le duc était le seigneur depuis plus de dix ans) entre 1430 et 1432, elle a eu droit aussi à de grandes marques de révérence. Le vocabulaire est d’ailleurs le même que pour les entrées du duc, comme en témoigne le rapport du clerc de la ville de Saint-Omer sur la journée du 9 août 1432 : L’entree de madame la ducesse a sa joieuse entree83. Arrivant tous deux d’un pèlerinage à Saint-Josse et Boulogne, la duchesse fit son entrée deux heures apres midy, le duc dans la soirée. Le maire et les échevins, les abbés de Saint-Bertin et de Clairmarais et des nobles de la ville, allerent contre elle jusques a le bruyere de Wïsques84 […] quy longuement attendirent sur ladite bruyere avant que madicte dame venist, et elle la arrivé sur ladicte bruyere tous ensamble luy firent la reverence. Après son entrée dans la ville, la duchesse reçut en cadeau une nef d’argent doré pesant 28 marcs armoyée des armes de la ville et Messieurs mayeur et eschevins avec leur conseil tous vestus des draps de le livree de le ville luy allerent faire reverence et recommandation. Enfin des clinquarts furent distribués à ses officiers85. Il y a donc bien une reconnaissance par la ville de la nouvelle comtesse d’Artois, mais sans le faste déployé pour l’avènement du duc.
43La duchesse a dû accumuler un véritable trésor au fur et à mesure qu’elle visitait les villes du vaste ensemble bourguignon. Elle reçut par exemple à Gand le 17 janvier 1430 aucuns gracieux presens bons et riches86, à Lille le 14 février 12 tasses d’argent dorees aux hors du poids de 25 marcs, à Arras le 16 février 2 pots d’argent, 2 coupes et 2 aiguières, tout d’argent et bien doréz, à Péronne le 3 avril une coupe d’argent doré avec couvercle pesant environ 4 marcs87. Les établissements religieux offraient aussi un cadeau, comme l’indique le présent d’un joyau de 25 onces par les chanoines du chapitre Saint-Pierre de Lille en février 143088. Pendant son premier voyage en Hollande avec le duc en octobre-novembre 1432, Haarlem lui offrit un gobelet d’argent doré valant 31 écus, contenant 400 écus d’or. Ce don représentait 1,9 % des dépenses annuelles de la ville89.
44A Lille comme à Arras, le duc a fait son entrée dans la ville après la duchesse, le lendemain ; de même à Saint-Omer en 1432 était-il arrivé la nuit tombée, après son épouse. Ces retards étaient peut-être justifiés, mais Philippe le Bon ne voulait-il pas lui laisser les honneurs qui devaient lui être rendus ? En effet, après l’accueil d’Isabelle à Lille pour sa premiere et joyeuse entree, les époux ont quitté ensemble la ville le 16 février 1430, mais le soir même la duchesse entre seule à Arras où elle reçoit un hommage bien féminin : une colombe blanche descend dans sa litière, porteur d’un chapeau de violettes dont elle se coiffe aussitôt90.
45Le 15 novembre 1431, le duc et la duchesse entrèrent à Mons où les états devaient être réunis pour une aide ; la duchesse reçut une salière en or richement ornée et émaillée91. Deux ans plus tard lors de sa première entrée, seule, à Dijon en juillet, deux flacons d’argent dorés et armoyés aux armes de madame la duchesse de Bourgogne Ysabelle de Porthungault de 25 marcs 5 onces, ½ tréseau, au prix de 2 fr le marc lui furent offerts92. Mâcon ne reçut sa visite qu’à la fin de son deuxième séjour en Bourgogne le 12 juillet 1443. Son cortège comptait 120 chevaux ; à sa rencontre vinrent des gens de la ville avec 100 chevaux, des nobles et le bailli Louis de Chantemerle, son ancien maître d’hôtel. Tous furent rejoints avant d’entrer dans la ville par toutes les processions revestues de chappes, et les reliques, et les torches allumees des mestiers de la ville et des bourgeois. On offrit à Isabelle un poids de 20 marcs d’argent d’orfèvrerie : 6 tasses, une aiguière, 6 gobelets et 3 salières. Au cours de ses déplacements dans la région, elle reçut aussi des présents d’établissements religieux, de la vaisselle d’argent de l’abbaye de Cluny où elle avait logé et 10 marcs d’argent du chapitre Saint-Vincent de Tournus93.
46L’objet d’orfèvrerie est donc traditionnellement attaché au rite de la joyeuse entrée, le plus souvent de la vaisselle précieuse94. Le 12 juillet 1440, l’échevinage d’Abbeville qui attend la première visite d’Isabelle de Portugal décide que a la venue de madame la duchesse de Bourgoingne on sonnera les cloques de la ville et yra on a l’enconstre d’elle le plus honnestement que faire on porra, et lui donnera on ung joiel, et que de l’argent de l’assiette, on prendra pour acater ledit joiel95. Le même jour Amiens délibère de lui faire présent, pour ce, et que onques ne fu a Amiens d’or en vaisselle et de deux pipes de vin96. Ces dépenses pesaient lourdement dans les finances urbaines, mais la ville en attendait des compensations.
47En effet toute présence du duc ou de la duchesse, qu’il s’agisse de la première fois ou non, permettait aux habitants, le plus souvent par l’intermédiaire des magistrats, de présenter des requêtes telles que octroi de franchises nouvelles, renouvellement de privilèges, autorisation de lever une taxe, grâce etc.97. En l’absence du duc, la duchesse était le meilleur intercesseur possible. Cette pratique se traduit dans le vocabulaire par l’expression recommander la ville ou recommander les affaires de la ville. Pour cela il fallait d’abord saluer l’arrivée du visiteur par des marques de respect, donc attendre le cortège princier à l’extérieur de la ville pour ensuite l’accompagner jusqu’au centre. Cela nécessitait une information qui pouvait venir de la ville d’accueil du séjour précédent, ou bien de l’envoi de messagers : ainsi un sergent d’Arras en décembre 1437 va jusqu’à Haute-Avesnes, à une dizaine de kilomètres à l’ouest de la ville, et environ pour sçavoir la venue de nostredit seigneur et nostre tres redoubtee dame madame la duchesse de Bourgoingne sa compaigne, lesquelx venoient de la ville de Hesdin [...] adfin que le maieur et nous eschevins alissons a leur encontre pour eulx recommander ladicte ville98.
48Lors des entrées ordinaires, la duchesse, comme le duc, recevait généralement des produits destinés à garnir sa table pendant son séjour, le plus souvent du vin. Ce type de cadeau, le pot de vin au sens propre (et non le trafic d’influence), extrêmement répandu dans les villes à la fin du Moyen Age, faisait souvent l’objet d’un chapitre particulier dans les comptes urbains ; à Gand existait même un maître des présents chargé de s’occuper de la distribution des vins d’honneur99. Vins et cadeaux divers étaient distribués de plus en plus largement, d’une part aux détenteurs d’un emploi dans l’administration municipale, des plus humbles aux plus puissants, d’autre part aux visiteurs de haut rang, évêques, chancelier, officiers ducaux ou membres de l’entourage ducal. Ces dons était rarement désintéressés et leur nombre témoigne d’une augmentation des dépenses somptuaires dans les villes médiévales : plus de 10 % des dépenses à Tours dans la première moitié du XVe siècle, 7,3 % à Lille pendant la période bourguignonne100.
49A Lille, Isabelle reçoit régulièrement 48 lots ou un ponchon de vin101, donc des quantités assez modestes de l’ordre d’une centaine de litres. A Saint-Omer, située à proximité de marais et de la mer, il s’agit parfois de poisson d’eau douce ou de mer102. En cas de passages répétés dans leur ville, les municipalités reculaient cependant devant la dépense. Dans le compte d’Arras de 1437-1438 n’apparaît aucune mention de cadeau en décembre à la duchesse, déjà venue dans la ville au mois d’octobre. De même à Mons en 1448, les conseillers délibèrent pour savoir s’ils doivent offrir du vin au duc attendu que par cy devant il avoit esté en icelle ville par deux fois, sans lui avoir fait quelque present. La conclusion est de lui donner une queue de vin de Beaune et d’y ajouter une queue de vin de France si la duchesse l’accompagne103. Les dons sont donc bien personnalisés.
50Lorsque le passage de la duchesse dans une ville est exceptionnel, le don prend plus d’importance. Le 18 octobre 1448, elle entre avec son fils à Abbeville où elle n’était pas venue depuis huit ans. La ville dépensa 252 £ 6 s 6 d p en cadeaux : 2 pipes de vin de Beaune de 12 muids 6 setiers à 19 écus d’or pièce, 2 pipes de vin de Beauvais de 10 muids 6 setiers à 44 s le muid, et une nef d’argent doré de 172 £ 8 s104. Le vin était peut-être offert en dégustation aux hôtes puisque 4 pintes d’étain sont achetées pour présenter les 4 tonneaux. Amiens avait reçu la duchesse le 16 octobre avec 4 pipes de vin et 2 drageoirs d’argent doré105.
51Les produits en nature constituent une ressource dans la mesure où ils permettent de faire des économies sur la caisse du maître de la chambre aux deniers. Ils sont mentionnés dans les dépenses d’échansonnerie (principalement) et de cuisine des états journaliers qui fournissent à ce sujet des données très précises.
52Les villes se soumettent aux dons traditionnels liés au rite des entrées, mais acceptent beaucoup moins bien les dons en argent exigés par la duchesse dans des circonstances particulières. En 1431 la ville d’Arras reçut une demande d’aide pour ce qu’elle estait enchainte, et dame qui monstroit grant signe d’amour. L’échevinage en récusa le principe, mais accorda 300 dordrechts d’or qui lui furent portés le 18 septembre106. La naissance de Charles en 1433 suscita une demande de 200 à 300 fr à la ville de Dijon où était né le prince héritier. La mairie, considérant qu’il y avait un peu de sa volonté et voulant éviter son indignation et rester dans ses bonnes graces lui vota 100 saluts d’or107. En 1463, Saint-Omer accepta encore de lui donner 100 fr pour faire réparer le château voisin d’Aire-sur-la-Lys où elle désirait séjourner108. Un bon exemple des réticences des villes a été fourni par les réactions aux demandes d’aides pour le mariage d’Adolphe de Clèves et de Béatrice de Coïmbre.
53Parmi les dons variés qu’Isabelle de Portugal a pu recevoir du duc ou des villes, une place à part doit être réservée aux objets précieux. Ils forment en effet un trésor qui s’est, pour l’essentiel, constitué pendant les dix premières années de son règne, à la faveur des joyeuses entrées, et aussi des présents du duc qui disparaissent des comptes de la recette générale après 1442. Ce capital est confié à un garde des joyaux et la duchesse peut y puiser quand elle veut obtenir un prêt sur gages ou offrir des présents. Faute d’inventaire il est impossible d’en connaître la valeur ; dans son testament conservé de 1471, elle dispose seulement de ses biens en argent, le sort des biens meubles ayant été réglé dans un testament antérieur109 aujourd’hui disparu.
54Cependant lorsqu’il est question de ce trésor, les sommes atteignent facilement plusieurs milliers de livres de 40 gr : le 26 mai 1442, Philippe le Bon lui paye 2 185 £ 4 s deus pour plusieurs parties de vasselle et joiaux que mondit seigneur a fait prendre d’elle tant d’or comme d’argent et donnéz par mondit seigneur aux personnes quy s’ensuit110. Le détail de la dépense est d’un grand intérêt car il montre à la fois la diversité d’origine des biens qui étaient en possession d’Isabelle et la facilité avec laquelle ces objets changeaient de propriétaire. Le duc a pris (en fait acheté) : un gobelet d’or donné à un chevalier d’Espagne après un tournoi, deux pots d’argent doré aux armes du comte de Saint-Pol pour un autre chevalier d’Espagne, deux pots d’argent aux armes de la ville d’Anvers et une nef destinés à la princesse de Viane, Agnès de Clèves, pour son départ en Navarre, deux pots d’argent aux armes de la comtesse de Namur (Jeanne d’Harcourt) et un collier d’or garni de pierreries (qui à lui seul valait 1 200 £ de 40 gr) pour les offrir à la duchesse d’Orléans, et enfin deux flacons d’argent aux armes de la ville de Dijon pour un chevalier d’Allemagne. L’estimation des objets a été faite au poids, d’après la valeur du marc : l’or au prix de 70 saluts et l’argent au prix de 6 saluts. Ce sont donc les joyaux en or offerts par le duc et plus rarement par les villes qui, individuellement, tiennent la première place dans le trésor d’Isabelle, les objets d’argent venus des villes comptant surtout grâce à leur nombre.
III. – Les emprunts
55Malgré ses revenus abondants, la duchesse a parfois été obligée d’emprunter pour des besoins qui ne sont pas toujours explicités dans les sources. Les remboursements étant souvent effectués sur les ressources de son domaine, ce sont les comptes domaniaux qui nous renseignent le mieux sur les opérations de crédit. Peut-être est-ce dû à l’inégale conservation des documents, mais l’impression dominante est que les besoins en argent de la duchesse se sont enflés après 1450, la forçant ainsi à emprunter de grosses sommes dans la décennie 1450-1460.
56Comme le duc111, elle s’adresse à une grande variété de prêteurs. Certains, individus ou collectivités, ne font pas profession de finance, mais acceptent de mettre de l’argent à la disposition de leur protectrice. Parmi eux se trouvent des membres de l’hôtel, des receveurs des domaines, des établissements ecclésiastiques, des villes. D’autres sont des marchands-banquiers italiens établis à Genève et aux Pays-Bas, ou des bourgeois des villes de la principauté qui joignent l’activité bancaire à l’activité marchande.
De 1430 à 1440 : les emprunts de la duchesse pour le duc
57La décennie 1430-1440 a été difficile financièrement pour Philippe le Bon à cause des guerres qu’il a dû mener successivement sur plusieurs fronts112. Isabelle de Portugal a emprunté pour l’aider dès son premier séjour en Bourgogne. En 1434, pour soutenir les frais du siège de Grancey, elle engagea sa vaisselle d’or et d’argent pour 4 000 fr auprès de marchands de Dijon (Etienne Berbisey, Humbert Langeolet et Jean de Champlitte), de deux habitants de Poligny (Jean de Plaine, maître général des monnaies, père d’Humbert, et Guiot Aubry), et du receveur Jean de Visen. Elle dut ensuite engager des joyaux pour la démolition de la place113, certainement à des banquiers de Genève. En 1435 Paul Deschamps, de Bruges, lui écrit à Bruxelles le 16 juillet pour le fait de ses joyaux estans a Geneve114. Devenue au XVe siècle une grande place financière, la ville exerçait une forte attraction sur la Bourgogne115. Le duc et la duchesse l’utilisaient pour des transferts de fonds des pays de par deça vers les pays de par delà ou vers l’Italie par lettres de change116, et ils trouvaient auprès des banquiers italiens les mêmes possibilités de crédit qu’à Bruges ou Anvers. Les financiers lombards avaient dû quitter les duché et comté de Bourgogne après une ordonnance de Philippe le Hardi en 1387 leur interdisant de prêter à usure117. Quand ils étaient dans ces régions, les ducs devaient donc sortir de leurs Etats s’ils voulaient trouver crédit auprès des Italiens.
58Revenue dans le Nord, la duchesse continua à emprunter sur son capital de joyaux, comme l’indiquent les comptes d’Olivier Marouffle pour 1436 et 1437 : pour se procurer de l’argent à Arras ou à Valenciennes, elle en fait porter, généralement à son receveur Martin Cornille, bourgeois d’Arras118. C’est à lui sans doute que revenait la mission de négocier les meilleures conditions de crédit. L’inconvénient des mentions de ces comptes est leur laconisme puisqu’elles ne fournissent ni le montant de la somme empruntée, ni le nom du prêteur, ni le motif de l’opération.
59L’argent semble toutefois destiné à aider le duc dont les dépenses, à cause de la préparation du siège de Calais, sont alors énormes119. Le 19 juillet 1436 la duchesse lui prêta 1 000 saluts d’or de 47 gr pour employer en l’armee par mer120. Le 17 septembre elle écrit de Douai au garde des joyaux Jean de Lachenel, dit Boulogne, pour qu’il remette à Jean de Neufport, clerc de sa chambre aux deniers, des joiaulx de monseigneur et des nostres et des plus portatifs d’une valeur de 7 à 8 000 fr afin d’en obtenir 6 000 fr pour le paiement des Bourguignons121. Neufport fut payé pour une mission de 12 jours pour avoir été par le commandement de madicte dame de Douay en Anvers devers Paule Mielan pour avoir six mille frans dont il devoit faire finance pour faire paiement aux gens d’armes de Bourgogne122. Paul Melian était un marchand lucquois qui, comme Jean Arnolfini, fournissait la cour en tissus précieux importés à Bruges d’Italie ou d’Orient. Habitant Bruges, il pratiquait aussi le prêt à intérêt et partageait ses activités entre les deux places financières des Pays-Bas, Bruges et Anvers. Il prêta à la duchesse 4 174 saluts d’or dont il devait être remboursé à Genève sur l’argent des emprunts que l’en fait en Bourgoingne pour le fait du voiaige de Calais123. En 1437 la duchesse prêta encore au duc de grosses sommes en novembre et décembre pour le siège du Crotoy, 2 646 pièces d’or (dont le détail est donné) et 7 416 £ 4 s de 40 gr, mais on ne sait si cet argent avait été réuni à la suite d’emprunts ou si elle disposait alors de liquidités suffisantes124.
60En 1438 les joyaux de la duchesse furent encore une fois engagés avec ceux du duc à des bourgeois de Valenciennes. Le compte de la recette générale de 1440 consacre un chapitre à leur rachat, les 23 et 24 novembre, très révélateur du processus de crédit. Le duc a fait vendre directement par six bourgeois125, sans passer par l’intermédiaire de la ville, des rentes viagères au taux de 10 % et a fait remettre en garantie aux acheteurs des bijoux ou de la vaisselle précieuse. Parmi les nombreux objets appartenant à la duchesse se trouve un chappel d’or assis sur un bourrelet de soye jaune garni de 11 fermaux dont 6 comprenaient chacun 4 saphirs, 1 rubis et 16 perles, du poids de 5 marcs 4 onces 7 esterlins d’or126 ; il garantissait deux rentes et fut restitué par les deux rentiers lors de leur rachat. Des colliers, des patenôtres et des templettes richement ornées de perles127 figurent aussi dans cette liste. Le rachat des rentes au denier 10 coûta 7 919 £ 13 s 5 d, et permit au duc et à la duchesse de recouvrer leurs biens. Ces emprunts à Valenciennes en 1438, ainsi que ceux de 1435 et 1436, témoignent de la prospérité de la grande cité scaldienne. Enrichis par la draperie, le commerce du blé et du vin, les bourgeois plaçaient leur argent en devenant les créanciers des ducs128. Le procédé des rentes a été répandu dans toutes les villes du Nord, il procurait aux habitants aisés un intérêt de 8 à 15 %. Le plus souvent le duc s’adressait aux villes qui vendaient les rentes et devenaient ainsi un relais entre l’Etat et les particuliers129.
Les emprunts personnels
En Bourgogne
61A partir de 1445, Isabelle effectue des emprunts pour elle, à la fois en Bourgogne et aux Pays-Bas. Le 27 janvier 1446, Jeannin Morgaut donne quittance de 16 fr ½ reçus de Jean de Visen, receveur de ses biens en Bourgogne, pour être venu de Dijon à Gand afin d’apporter une réponse de son frère Jean au sujet de certain prest que madicte dame demandait a mondit frere, Odot Molain et Humbert de Plaine pour secourir a ses presens affaires, lequel prest ilz lui ont accordé faire ainsi qu’elle leur avoit escript et requis130. La duchesse frappait à la bonne porte. Ces trois hommes étaient depuis 1439 associés dans la compagnie qui avait le monopole de la fourniture en sel des greniers ducaux et avaient été capables de procurer au duc en 1445 à Genève 13 050 saluts d’or et 15 gr131. En 1434 Odot Molain, châtelain de Verdun et de Chaussin, avait déjà fourni 250 fr à la duchesse pendant son séjour dans le duché132. Le prêt de 1446 fut probablement remboursé sur la recette de Chaussin, comme le fut en 1452 un emprunt de 200 fr contracté en 1450 auprès de Jean Morgaut et Jean de Champlitte133. Les documents sont encore une fois muets sur les motifs des emprunts.
62Par contre deux emprunts apparaissent dans les sources bourguignonnes avec plus de précision. Il s’agit des 2 000 écus d’or qu’Isabelle de Portugal fit remettre en 1453 par Jean Macheco, receveur de Chaussin, à son neveu Jacques de Portugal, alors en cour de Rome134. D’autre part elle demanda un prêt de 2 000 écus d’or a ses bons amis dudit païs de Bourgoingne en 1456 pour le mariage de Jean de Portugal : 1 518 écus d’or et 3 gr furent consentis par l’archevêque de Besançon, le chapitre de la Sainte-Chapelle de Dijon, l’abbé de Cîteaux, le couvent des Chartreux de Dijon, Odot Molain et Jean de Visen. Les chartreux furent remboursés de 300 fr en 1458, et la Sainte-Chapelle de Dijon de la même somme en 1459135.
Aux Pays-Bas
63Les trois comptes de Cassel contiennent des remboursements de dettes à des créanciers d’Isabelle (tabl. 15). Ceux-ci appartiennent à trois groupes habituels de prêteurs, les officiers de l’hôtel, les receveurs domaniaux et les marchands italiens. Deux personnages se distinguent par leur présence dans chacun des comptes, Jean Vasques et Leonard Lomellini.
Tableau 15. Remboursements d’emprunts par le receveur de Cassel de 1451 à 1454 (en livres de 40 gros)
Officiers de l’hôtel | Receveur | Italiens | |
1451-1452 | Jean Vasques | Jean Massiet | L. Lomellini |
1452-1453 | Jean Vasques | Jean Massiet | L. Lomellini |
1453-1454 | Jean Vasques | L. Lomellini | |
Total : 6 756 £ 7 s | 1 294 £ 7 s | 1 200 £ | 4 262 £ |
64Jean Vasques et Cornille Pieterszone, secrétaires de la duchesse, sont remboursés en 1452 de 860 £ prêtées à Paul Deschamps pour Isabelle à la foire de septembre 1451 à Anvers. Sur cette somme 300 £ furent données à Josse, seigneur de Halluin, pour son mariage, mais le reste est lié à des opérations de crédit antérieures : 200 £ sont payées à Regnier de Racassalis qui avait prêté à la duchesse 100 ducats pour un docteur en cour de Rome auprès de Jacques de Coïmbre136. Quelques années avant, ce Florentin de Bruges avait fait crédit au duc de 3 000 saluts, remboursés en 1450, et de 1450 à 1457 il lui consentit des prêts d’une valeur de 23 238 £137. A cette même foire d’Anvers de septembre 1451, Humbert de Plaine lui emprunta 1 750 £ de 40 gr pour la dépense ordinaire de la duchesse et du comte de Charolais, remboursés l’année suivante ; il lui avait déjà emprunté 3 000 £ à la foire de Pentecôte 1450138. Paul Deschamps devait aussi rembourser 240 £ à un certain Thomas de Marcquis, et payer 120 £ de frais, c’est-à-dire d’intérêts, pour un emprunt de 1 100 écus (600 pour l’achat d’une maison à Bruges à Jacques de Coïmbre et 500 pour deux valets de chambre, Zerghere Parmentier et Séverin de la Passaige, probablement pour des achats de tissus).
65Jean Vasques fut encore remboursé l’année suivante, en même temps que Cornille Pieterszone et Bras d’Auzoye, valet de chambre et apothicaire, de 120 £ (chacun avait prêté à Isabelle 100 écus d’or), et la dernière année de 74 £ 7 s139. Bras d’Auzoye fut aussi remboursé en 1462 sur la recette de Jean Massiet de 300 £ qu’il avait prêtées à la duchesse140.
66Leonard Lomellini appartenait à une puissante famille génoise. Ses créances représentent 63 % des sommes remboursées par Jean Massiet entre 1451 et 1454. Qu’Isabelle s’adresse régulièrement à lui peut s’expliquer par l’intérêt que cette famille portait à l’expansion économique du Portugal. Elle y dominait le trafic génois qui était orienté spécialement vers la Flandre ; ainsi en 1438 Leonard se trouvait à Lisbonne pour charger des marchandises à destination de Bruges sur des navires allemands141. Ses créances entre 1451 et 1454 étaient liées à des motifs variés. En 1452 il reçoit 2 000 £ comme procureur de son frère Charles qui avait lui-même reçu d’un autre marchand génois, Paul Spinghe, une obligation ou reconnaissance de dette de la duchesse pour des achats de draps de soie en laquelle ledit Paule Spinghe est tenu et obligié envers ledit Charles Lommelin142. Les 1 200 £ de la seconde année correspondent à un prêt de 1 000 écus d’or pour l’entretien de Jacques de Portugal à Rome, et le troisième à un crédit de 1 000 livres pour payer les gages d’officiers de l’hôtel, à cause d’assignations qui n’avaient pas été réglées au maître de la chambre aux deniers143.
67La dernière créance évoquée par Jean Massiet est la sienne. Il avait en effet prêté 1 000 écus d’or à la duchesse de Bourgogne à son entrée en charge, dont il devait être remboursé en deux années144.
68De cette étude des emprunts remboursés par le receveur de Cassel ressort l’importance financière de la ville d’Anvers. Si Bruges reste incontestablement la grande place de commerce où la cour s’approvisionne en produits de luxe, Anvers commence à la concurrencer pour les opérations de crédit et, sur un grand marché comme Genève, la supplante dès 1455145. Ainsi Paul Melian vend ses tissus précieux à Bruges mais il fait crédit à Anvers. Les foires sont de plus en plus fréquentées et elles offrent aussi un très grand éventail de produits. Le jeune comte de Charolais et son épouse Catherine s’y rendent plusieurs fois pour des achats146. Les secrétaires de la duchesse ne sont pas les seuls membres de son hôtel à les avoir fréquentées, comme le montre la mésaventure survenue à Humbert de Plaine, Roland Pippe et Jean le Tourneur à la foire de la Pentecôte, racontée par Guillaume de Montbléru dans l’une des Cent nouvelles nouvelles147.
69Les détails donnés par Jean Massiet sur la nature de ses remboursements font apparaître le milieu actif des marchands lucquois, florentins et génois établis aux Pays-Bas. Ils induisent aussi plusieurs constatations sur le fonctionnement des activités bancaires. Le crédit entraîne le crédit, les secrétaires de la duchesse lui prêtant par exemple de l’argent pour qu’elle puisse rembourser à temps ses créanciers. D’autre part des lettres obligatoires peuvent être employées comme moyen de paiement, c’est ainsi qu’Isabelle de Portugal rembourse aux frères Lomellini une somme qu’elle devait primitivement à Paul Spinghe.
70La duchesse s’endetta aussi deux fois auprès de Lille, ce qui est peu par rapport au duc148. Le 9 mai 1454, deux mois après le banquet du Faisan, alors qu’elle y séjournait encore, la ville lui prête 200 écus de 48 gr à rendre au bout de neuf mois, le 7 février 1455, par le receveur général de Brabant149. L’emprunt, dont les raisons ne sont pas données, devant être remboursé sur les revenus du duc, il est peu probable que cet argent ait été destiné à des dépenses personnelles.
71Il n’en est pas de même de l’emprunt effectué le 8 août 1456 : A nostre tres redoubtee dame madame la duchesse de Bourgoingne que presté lui a esté a sa requeste par eschevins, conssel et huyt hommes de ceste ville pour l’advancement du traictié de mariaige pourparlé et conclut comme l’en dist de tres noble et puissant seigneur monseigneur Jean de Coimbrez son nepveut et de la fille de tres exelent et puissant prince le roy de Chipre, a rendre ladicte somme de 300 escus a ladicte ville en dedens la fin du mois de decembre mil IIIC LVII150. Le remboursement de deniers prestes a madicte dame la duchesse fut effectué par Jean Massiet à la date prévue. Isabelle de Portugal ne confondait donc pas prêt et don, à la différence des ducs qui ne remboursaient pas à la ville de Lille les deniers prêtés151.
72A la fin de ce même mois d’août 1456, la duchesse emprunta encore à Lille, non pas à la municipalité, mais aux bourgeois de la ville qui lui avancèrent 1 000 écus. Elle écrit le 10 février 1458 à la chambre des comptes de Lille pour lui demander de déduire de la recette de Jean Massiet 150 £ payées pour les montes des 1 000 écus152, que pieça feismes pranre a frait en ladicte ville pour le denier dix, et ce pour XV mois escheuz le XXVIe jour de novembre dernierement passé. Les prêteurs appartiennent aux grandes familles lilloises, Henri de Tenremonde, Daniel Thieulaine153, Bocquet de Lattre (maître d’hôtel du comte de Charolais), Jean Gantois, Jean Duvosquel et autres leurs consors. Cet emprunt est sans doute à mettre en relation avec le précédent et celui des 1 518 écus d’or en Bourgogne la même année. Les pressants besoins de la duchesse s’expliquent par la préparation du mariage de son neveu Jean de Coïmbre avec l’héritière du royaume de Chypre, Charlotte de Lusignan. Le 2 avril 1456 à La Haye, elle avait écrit à la ville d’Amiens pour solliciter un prêt de 300 écus d’or, en déclarant qu’il lui faudrait trouver pour ce mariage 10 000 ducats d’or154.
73Dans une lettre datée d’un 17 avril à Bruxelles, contresignée par Cornille Pieterszone, Isabelle de Portugal remercie la ville de Malines qui accepte de lui prêter 1 000 écus contre des lettres obligatoires du receveur de Brabant et d’Humbert de Plaine, à rendre à la Chandeleur ou au plus tard à Pâques suivants155. D’après le lieu, les mentions du secrétaire et du maître de la chambre aux deniers, la lettre date de 1452 ou 1455. Selon ses termes, l’argent est nécessaire pour des affaires grans et sumptueux ; sa gratitude est exprimée avec chaleur, car seurement pieça ne nous vint argent si bien a point. Le bénéficiaire est probablement un de ses neveux, Jacques de Portugal dans le premier cas, Jean dans le deuxième.
74Après ces événements familiaux, la duchesse n’eut plus besoin d’emprunter. En fait c’est l’arrivée de ses neveux et nièce, réfugiés à la cour de Bourgogne dès 1450, qui l’a mise dans la nécessité de se procurer des ressources extraordinaires. Mais en temps normal, elle vivait aisément de ses revenus et pouvait au contraire en faire bénéficier ses proches. Son testament révèle qu’en 1471 sa belle-fille Marguerite d’York lui devait 1 200 £ de 40 gr156.
75Ressources fiscales, dons et emprunts ont permis à Isabelle de Portugal d’accroître les revenus personnels qui provenaient autrement de ses domaines. Dès 1430, grâce aux aides et aux dons des villes accordés en cadeau de joyeux avènement, elle se trouva à la tête d’une petite fortune. L’utilisation en reste inconnue, mais étant donné les nombreux emprunts qu’elle dut effectuer entre 1430 et 1440 pour soutenir les entreprises du duc, il est fort probable qu’une partie de ses ressources y fut également consacrée, sous forme de prêts. Ceux-ci apparaissent dans les registres de la recette générale des finances, tantôt au chapitre des recettes, tantôt dans les dépenses lorsqu’il s’agit de remboursements. La duchesse est venue à l’aide du duc pour des dépenses militaires, en Bourgogne comme dans le Nord, mais elle le tira aussi d’embarras pour des besoins immédiats, des cadeaux à offrir, de l’argent à donner aux maîtres des chambres aux deniers, une dette à honorer157 ou des frais d’ambassade158. Les prêts les plus importants se situent entre 1436 et 1440.
76C’est de 1441 à 1451 que ses disponibilités financières ont été les plus grandes. Elle possédait alors les châtellenies ayant appartenu à Marguerite de Bourgogne, duchesse de Guyenne, et des aides lui étaient accordées en Bourgogne, Flandre, Hainaut et Brabant. Elle contribue au paiement de la rançon du duc d’Orléans et peut aussi consacrer 3 318 £ à la construction d’une habitation personnelle à l’intérieur de la Cour des princes à Bruges159.
77Le meilleur état des finances de la principauté la dispense par ailleurs de prêter de grosses sommes d’argent au duc.
78L’arrivée de ses trois neveux et nièce portugais en 1450 l’a entraînée dans des dépenses considérables pour leur établissement, auxquelles elle a fait face en imposant les habitants de ses domaines et en sollicitant des dons et des emprunts. Ses prêts au duc cessent alors complètement, hormis de la vaisselle d’argent, fondue pour orner les vêtements de nobles et d’archers de corps pour le banquet du Faisan160. Bien qu’elle n’en eût pas personnellement la charge, la disparition de son hôtel en 1456 dut entraîner une diminution des dépenses de dons aux officiers.
79Pendant les dix dernières années de sa vie, Isabelle de Portugal connaît à nouveau l’aisance financière. Jean, Jacques et Béatrice de Coïmbre sont décédés prématurément en 1457, 1459 et 1461. Des aides importantes lui sont attribuées alors qu’elle vit à l’écart de la cour, entourée d’un nombre réduit de serviteurs fidèles. Elle consacre maintenant l’essentiel de sa fortune aux fondations religieuses et au patronage d’œuvres littéraires dans son château de la Motte-au-Bois. Cette résidence offre d’ailleurs, entre autres avantages, celui d’être situé au cœur de sa première source de revenus, la forêt de Nieppe.
Notes de bas de page
1 Guenée, Occident, p. 261.
2 Vaughan, Philip, p. 262 : vue d’ensemble des aides levées par le duc dans ses territoires (tableau).
3 Richard, « Duché », p. 236-237, « Etats », p. 299-324.
4 Van Nieuwenhuysen, Finances… politique, p. 308.
5 Canat, Documents, p. 299-300.
6 Ibid., p. 348 et 367.
7 Billioud, Etats, p. 395.
8 ADN, Cumulus 16050.
9 Richard, « Etats », p. 306-307.
10 Van Nieuwenhuysen, op. cit., p. 314-315.
11 Perçues par Jean de Bouze, châtelain de Chaussin. ADN, Cumulus 16050.
12 Hirschauer, Etats, 1, p. 112-115.
13 Ibid., 2, p. 22 ; Kruse, « Cornille », p. 301-302 : ensuite receveur de plusieurs aides en Artois pour le duc. En 1442 il recevait celles de Picardie, Artois, Hainaut et Flandre gallicante : Arnould, « Estimation », p. 156, n. 107.
14 ADN, B 1943/56059.
15 ADN, B 1943/56058.
16 ADN, B 16843, f°2.
17 Le 1er fév. 1452, Isabelle avait aussi reçu de M. Cornille 149 florins sur cette aide. ADN, B 2009/60811.
18 Van Nieuwenhuysen, op. cit., p. 315-316. La part du comté de Flandre (sans les châtellenies de Lille, Douai et Orchies, imposées séparément) était alors double de celle du duché.
19 Prevenier, « Etats », p. 40.
20 Blockmans, Volksvertegenwoordiging, p. 612-613.
21 Thielemans, Bourgogne, p. 119-133. Cf. infra, chap. 14.
22 Ce n’était qu’une partie des frais très élevés de négociation supportés par le comté : Thielemans, op. cit., p. 138-139, IAVB, 5, p. 193-194.
23 Vaughan, Philip, p. 118, Blockmans, op. cit., p. 533.
24 ADN, B 1988, f°126v°.
25 ADN, B 4108. L’amende fut payée en 2 ans 1/2 : Blockmans, op. cit.
26 Blockmans, op. cit., p. 157 et 533, et 612-613.
27 Devreker, Isabella, p. 107.
28 ADN, B 2061, f° 179.
29 ADN, B 2086/66262, éd. dans Sommé, Isabelle, thèse, 3, P.J. n° 13. Cf. aussi quittances du 2 juil. 1470 et du 1er fév. 1471 : B 2081/65759-66758.
30 ADN, B 457/16200, éd. Sommé, « Testament », p. 42.
31 ADN, B 457/16228, lettre patente du 21 mai 1472, concernant aussi les aides de Brabant, Hollande, Zélande et Frise.
32 Sommé, op. cit., p. 42.
33 Vaughan, Philip, p. 200, Bautier et al, Sources, p. 477-478 ; Dickstein-Bernard, Bruxelles, p. 399.
34 Dickstein-Bernard, op. cit., p. 400-401 ; Gachard et al., op. cit., 3, p. 4, Henne, Wauters, Bruxelles, p. 252.
35 Bautier et al., Sources, p. 477, n. 9.
36 Sommé, op. cit., p. 40 ; Dickstein-Bernard, Bruxelles, p. 403.
37 Arnould, Dénombrements, p. 150-151. La s t de Hainaut équivaut à la £ p de Flandre : Sivéry, « Entrée », p. 332.
38 Devillers, « Séjours », p. 333 et p. 392, n. 49. Plusieurs types d’écus sont alors en circulation, de 46 à 50 gros : ADN, B 1942, f°19v°.
39 ADN, B 12385, compte de Jean Rasoir, receveur général de Hainaut et des aides.
40 Devillers, op. cit., p. 336-337 et p. 397, n. 65 ; AGR, CC 16468, f°1 et 4, compte de Jean Marlette, receveur général de Hainaut, commis par Isabelle par lettre du 14 mai 1436, éd. dans Arnould, op. cit., p. 432-433.
41 Devillers, Cartulaire, 5, p. 354, lettre du duc ratifiant les privilèges de la ville, mai 1436 : cf. Cauchies, Législation, p. 96-97 ; AGR, CC 16468, f°4.
42 Arnould, op. cit., p. 152-153.
43 ADN, B 12391, f°1, compte de l’aide.
44 ADN, B 12392, f°1, compte de Jean de Mannel, secrétaire du duc et commis à recevoir les aides de Hainaut.
45 Ibid. f°2v° : 1 000 £ le 18 janv. 1449, 320 £ le 3 avr. et 680 £ le 24 nov. 1449, enfin 1 000 £ le 24 avr. 1451.
46 Vaughan, Philip, p. 199.
47 Ibid., p. 202, tabl. p. 262. Leur contribution atteignait presque celle de la Flandre et de l’Artois réunis, ou du Brabant-Limbourg. Les revenus domaniaux y étaient aussi très élevés : Jongkees, « Hollande », p. 7.
48 ADN, B 17700, chemise « Aide pour la duchesse ». Les gens des comptes demandent à leurs confrères lillois d’examiner les comptes de Roland Pippe et autres qui ont tenu le compte de l’aide pour Isabelle.
49 Sommé, « Testament », p. 42 et 44.
50 ADN, B 2007/60746, quittance du marchand ; B 1962/57552 mandement d’Isabelle, 12 mai 1437.
51 ADN, B 4959, f°23 : 2 400 £ p de Fl.
52 ADN, B 2027/61910. Lettre d’Isabelle aux gens des comptes, 10 fév. 1458.
53 ACO, B 4225, f°43v° ; B 4231, f°46v°. La Perrière paya sans doute aussi, mais les comptes sont manquants.
54 ACO, B 4233, f°51v° : pour une ayde octroié a madicte dame par lesdits habitans au mois d’aoust 1453 pour le mariage de Adolf monseigneur de Cleves et de madamoiselle de Coymbre, niece de madicte dame ; B 4234, f°66. Le receveur encaissa également 120 £ d’aide de La Perrière, f°69v°.
55 ACO, B 4246, f°104v°.
56 ADN, B 1948, f°143v°. Bartier, Légistes, p. 155, n. 2.
57 Bartier, op. cit., p. 346, n° 7 ; IACO, 2, p. 208, B 5060, 1433 : frais de nourriture de J. Fraignot, prisonnier de madame en son chaste de la Perriere.
58 Bartier, op. cit., p. 346, n. 6.
59 Cf. supra chap. 4, p. 102.
60 Nombreux exemples dans Bartier, op. cit., p. 119-121.
61 Cf. supra chap. 5, p. 139.
62 ADN, B 1969, f°243. Mandement ducal, 16 mars 1440. Le souverain bailli, juge unique et souverain en Flandre, faisait rechercher les criminels qui avaient réussi à échapper aux baillis ordinaires. Van Rompaey, Baljuwsambt, p. 654.
63 IADN, 1, p. 209.
64 ADN, B 661/16007. Ecrit à la Motte-au-Bois, avec un blanc à la place du jour et du mois, après la mort de Charles VII le 22 juil. 1461. G. de Clugny, homme d’église, licencié en lois, maître des requêtes, diplomate : Bartier, Légistes, p. 41.
65 ADN, B 1505. Lettre éd. dans Devillers, Cartulaire, 5, p. 338-339. Isabelle n’est pas nommément citée, elle est désignée par l’expression tres chiere et tres amee cousine la duchesse, ce qui explique la confusion avec la comtesse douairière de Hainaut Marguerite de Bourgogne dans IADN, 1, 2e partie, p. 210.
66 ADN, B 661/16007, f°2.
67 ADN, B 1191.
68 Monstrelet, Chronique, 6, p. 2.
69 Mollat, Jacques Cœur, p. 294.
70 ADN, B 18823. Lettre éd. par Fresne de Beaucourt, Charles VII, p. 445-446 et par Mollat, op. cit., p. 383-384.
71 ADN, B 18843/29531. Il n’y a pas de millésime, mais la missive date d’avant 1454, année de la mort d’E. Armenier, président des parlements de Bourgogne. Bartier, Légistes, p. 392.
72 ADN, B 2025/61801, éd. dans Sommé, Isabelle, thèse, 3, P.J. n° 12.
73 Gaussin, Louis XI, p. 40-42.
74 ADN, B 1948, f°314r-v°. Le balais est une variété de rubis.
75 ADN, B 1954, f°177.
76 ADN, B 1957, f°375.
77 ADN, B 1975, f° 172. Par comparaison le fermail, garni d’1 diamant, de 5 perles et d’1 rubis, offert en 1442 à Jacqueline de Crèvecœur pour ses noces vaut 72 £ : ADN, ibid. ; Jacqueline, fille de Jacques de Crèvecœur et de Bonne de La Viefville.
78 ADN, B 1951, f°74v°, mars 1434 à Dijon, 166 fr roy.
79 ADN, B 1991, juin 1446, 4 500 saluts d’or de 48 gr, ou B 1998, f°107, juin 1448, 2 400 £ de 40 gr.
80 Guenée, Lehoux, Entrées, p. 18-19.
81 Mosselmans, « Villes », Mérindol, « Théâtre » (avec répertoire bibliogr.), Leguay, « Banquets ».
82 Mosselmans, op. cit., p. 533-534.
83 Pas, « Entrées », p. 29.
84 6 km à l’ouest de Saint-Omer.
85 Pas, op. cit., p. 30-31.
86 Chastellain, Œuvres, 2, p. 17. Les présents s’adressaient au couple princier en raison de leur mariage, 10 jours plus tôt.
87 AM Lille, 15882, f°157v°, quittance de Bocquet de Lattre, écuyer de cuisine d’Isabelle, 29 mai 1430 ; AM Arras, BB 7, f°33v° ; La Fons Mélicocq, « Entrées », p. 194.
88 Hautcœur, Histoire, 2, p. 216, n. 1.
89 Smit, Vorst, p. 337.
90 Lagrange, p. 6 ; AM Arras, BB 7, f°33, Plancher, Histoire, 4, p. 135.
91 Devillers, « Séjours », p. 333.
92 Humbert, Finances, p. 180-181. 1 marc = 8 onces ; 1 once = 8 tréseaux.
93 Canat, Documents, p. 436-437.
94 Leguay, op. cit., p. 205.
95 Prarond, Abbeville, p. 66.
96 Durand, Inventaire, 2, p. 77. Le lendemain, après consultation d’orfèvres, le choix se porte sur la fabrication d’une coupe d’or de 3 marcs à 21 carats.
97 Ex. de requêtes dans Cauchies, Législation, p. 98-102.
98 BN, ms. fr. 8540, compte d’Arras 1437-1438, f°35.
99 Clauzel, Finances, p. 94 ; Roover, « Comptes », p. 98 et 100 : 2,8 % des dépenses de Bruges en 1391-1392 ; Boone, « Dons », p. 473.
100 Chevalier, Tours, p. 102, Clauzel, op. cit., p. 153.
101 Lagrange, p. 28, 147, 149, 154, 155, 156, 162. Le lot vaut à Lille 2,09 1 : Sommé, « Mesures », p. 180. Ponchon ou poinçon, fût de petite dimension.
102 Lagrange, p. 45, Pas, op. cit., p. 37 : 12 fév. 1440, un marsouin de mer premier de le saison, d’une valeur de 10 £.
103 Devillers, « Séjours », p. 342. Queue : fût employé couramment dans le commerce des vins d’Ile de France, de Beaune et de Poitou, contenant environ 3 muids de Paris (360 1). Sommé, op. cit., p. 179.
104 Huguet, Picardie, 2, p. 354-355. Le compte de l’argentier porte la date du 13, mais la confrontation avec le compte journalier d’Humbert de Plaine (ADN, B 3340, I) atteste d’une erreur de copie ou de transcription. Le Beauvaisis produisait des vins réputés, très appréciés en Flandre : Dion, Vigne, p. 209.
105 Huguet, op. cit., p. 355.
106 AM Arras, BB 7, f°43.
107 Gouvenain, Inventaire, 1, p. 33.
108 Derville, « Pots de vin », p. 359, n. 141.
109 Sommé, « Testament », p. 42.
110 ADN, B 1978, f°265r-v°.
111 Bigwood, Régime, X, p. 11-95, Desmedt, Emprunts.
112 Vaughan, Philip, p. 54-97.
113 Canat, Documents, p. 347-348, Bartier, Légistes, p. 389-390.
114 AGR, Aud. 33/1, VII.
115 Babel, Genève, 2, p. 466, Bergier, Genève, p. 304-305, Dubois, Foires, p. 514- 516.
116 Canat, op. cit., p. 344 : en 1434 Isabelle envoie un messager de Dijon à Genève savoir des changeurs s’ils avoient reçu lettres de ceux de Bruges pour donner quelque argent.
117 Gauthier, Lombards, p. 50-53. Certains exerçaient encore une activité, moyennant finance : Rauzier, Finances, p. 236-237.
118 ADN, B 3373/113501.
119 sommé, « Armée », p. 197-200. Le siège dura du 9 au 28 juil. 1436.
120 ADN, B 1957, f°84 bis, Paviot, Politique, p. 78.
121 ADN, B 1958/57287. Ed. dans Mollat, « Lettres », p. 13.
122 ADN, B 3373/113499.
123 Ruckebusch, Finances, p. 62.
124 ADN, B 1961, f°56-57.
125 ADN, B 1969, f°375-388v° ; f°375 : Jean d’Escaubecque, Thomas Malet, Jean de Milleville, Simon de Saint-Genoix, Jean d’Escilbecque et Jacques le Borgne.
126 ADN, B 1969, f°383. L’esterlin est une autre division de l’once utilisée par les orfèvres : 1 once = 20 esterlins.
127 Les templettes sont les oreillettes du chaperon porté par les femmes.
128 Sivéry, dans Platelle, Valenciennes, p. 69-82. En 1398 Philippe le Hardi avait déjà vendu dans la ville 1 132 couronnes de rentes en offrant sa vaisselle en garantie, pour le paiement de la rançon de son fils. Van Nieuwenhuysen, Finances... politique, p. 368. Cf. aussi Arnould, « Estimation », p. 153-154.
129 Clauzel, dans Platelle, Clauzel, Principautés, p. 178. Il réalisait de cette façon une économie de gestion.
130 ADN, B 1990/59770.
131 Bartier, « Molain », p. 198 : à rembourser à des banquiers italiens de Genève ; p. 189-190. En 1440 le receveur général avait déjà remboursé un emprunt de 6 000 fr à Humbert de Plaine et ses compaingnons marchans fournisans les greniers a sel de Bourgoingne : ADN, B 1969, f°3v°.
132 Bartier, op. cit., p. 198 : argent remboursable sur la recette des aides, donc sans doute emprunté pour le duc et les nécessités de la guerre.
133 ACO, B 4232, f°45.
134 ACO, B 4233, f°55v°-56.
135 ACO, B 4236, f°105 et 106r-v° ; B 4237, f°91, B 4238.
136 ADN, B 4958, f°22v°. Racassalis est dit dans le compte compagnon de Bernard de Camby. Tous deux étaient prêteurs du duc. Bernard Cambi était aussi assureur : en janv. 1454 il assura un convoi de Lille à Genève à 2,5 % : Bergier, op. cit., p. 201.
137 Bigwood, Régime, 1, p. 89 ; Desmedt, Emprunts, p. 154.
138 ADN, B 3340, IV, f°45v°. Selon Schwarzkopf, Plaine, p. 92, n. 86, les maîtres de la chambre aux deniers avaient chacun leurs prêteurs : les Medicis pour R. Juif, Regnier Rassalis (ou Racassalis) pour H. de Plaine ; ADN, B 3340, III, f°52.
139 ADN, B 4959, f°27 ; B 4960, f°27.
140 ADN, B 2046/63330, lettre d’Isabelle aux gens des comptes, 10 août 1462.
141 Heers, Gênes, p. 485-487.
142 ADN, B 4958, f°23 et 29v°. Spinghe doit être un nom italien transformé sous l’influence du flamand. Un Luc Spinghe avait prêté 2 400 £ au duc en 1436 (Desmedt, op. cit., p. 150). Bigwood, op. cit., p. 88, mentionne Baptiste et Cyprien Spinghele parmi les prêteurs génois du duc. Ils pourraient être de la famille des Spinola.
143 ADN, B 4959, f°27r-v° ; B 4960, f°27v°.
144 Cf. supra chap. 5.
145 Bergier, Genève, p. 338.
146 Sommé, « Jeunesse », p. 748 : en 1445 ils dépensent 69 £ 12 s à la foire de septembre. Depuis le XIIIe s. se tiennent à Anvers 2 foires. Celle de Saint-Bavon commence le mercredi après la fête de la naissance de la Vierge (8 sept.), la deuxième le mercredi après la Pentecôte. Blockmans, « Origines », p. 21-26.
147 Sweetser (éd.), Nouvelles, p. 396-401. Montbleru se trouva, environ deux ans a, a la foire d’Envers.
148 Clauzel, Finances, p. 153-155, Roussel, Budget.
149 AM Lille, 16195, f°55v° ; Lagrange, p. 155.
150 AM Lille, 16197, f°77v°. Ainsi sont énumérés les 3 organes de décision et de gestion municipaux : les échevins (12), le conseil de 12 membres, et les 8 hommes, gardiens des finances. Clauzel, op. cit., p. 63-65.
151 AM Lille, 16199, f°18v° ; Clauzel, op. cit., p. 154.
152 ADN, B 2027/61910.
153 Tenremonde et Thieulaine étaient changeurs. Entre 1424 et 1452, ils ont acheté des rentes vendues à Lille par le duc, respectivement pour plus de 18 000 et plus de 14 000 £ : Desmedt, op. cit., p. 158. Sur le rôle et la richesse des changeurs lillois, Sivéry, dans Trénard, Lille, 1, p. 239-242.
154 Durand, Inventaire, 1, p. 139-140, Paravicini, « Choix ».
155 AM Malines, lettre missive n° 195.
156 Sommé, « Testament », p. 42.
157 ADN, B 1966, f°52v° : en 1439 elle paye à Paul Deschamps, son secrétaire, 2 222 fr de 32 gr (1 777 £ 12 s) pour reste de plus grant somme pour prest qu’il en avoit fait a mondit seigneur. Elle en fut remboursée le 3 nov. 1441 à Hesdin : B 1975, f°101.
158 AGR, CC 1921, f°314r-v° : 2 janv. 1453, remboursement de 163 £ 4 s pour la mission d’Aires Gomez, son chevalier d’honneur, et le voyage d’un chevaucheur en Angleterre.
159 AGR, CC 27391, f°2v°-3. Sommes délivrées au responsable financier Woutrequin le Marchand par P. Deschamps et par elle-même d’août 1446 à fév. 1447. Sommé, « Bruges », p. 265.
160 ADN, B 2017, f°206 : pour faire orfaverie et paillettes dont furent bordees certain grant nombre de robes. Elle est remboursée de 400 £ le 7 avr. 1455.
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